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pauline türk • Isabelle thumerel • Gilles toulemonde
18 exercices corrigés
principes fondamentaux de droit constitutionnel
à jour de tous les textes et des dernières actualités constitutionnelles
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les auteursPauline Türk (nice), Isabelle Thumerel (littoral) et Gilles Toulemonde (lille) sont enseignants-chercheurs en droit public, tous trois en charge de cours magistraux de droit constitutionnel dans leurs universités respectives et auteurs de manuels de droit constitutionnel.
4e édition
principes fondamentaux de droit constitutionnel
thèmes abordés— l’état— la démocratie— la constitution— les régimes politiques— les régimes étrangers— l’histoire constitutionnelle française
chez le même éditeur, le livre
pour acquérir les connaissances
le public– étudiants en licence et master droit– étudiants des iep– candidats aux concours de la fonction publique, notamment à l’enm, à l’ira, au crfpa et opJ
le contenu du livrecomposé de 18 exercices corrigés, ce livre d’entraînement vous permet de pratiquer le droit constitutionnel ; il vous met en situation d’appliquer les principes et les mécanismes fondamentaux appris dans votre cours puis de vérifier leur bonne application.
vous pourrez ainsi vous entraîner sur des sujets :— qui couvrent les différents types d’exer-
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s’entraîner à répondre aux sujets de la manière attendue par les jurys.
ces 18 sujets sont présentés avec leurs corrigés, assortis de conseils de méthode pour savoir traiter avec pertinence divers types de sujets.
S’entraîner
aux épreuveS
Prix : 16,50 €
ISBN 978-2-297-05563-5
www.lextenso-editions.fr
THÈME 15L’élection du Président
des États-Unis
Commentaire d’une carte et d’un tableau des résultats de l’élection présidentiellede 2012.Temps imparti : 3 heures
Vous commenterez la carte et le tableau des résultats de l’élection des grands électeurs quia eu lieu aux États-Unis le 6 novembre 2012 :
Résultats de l’élection des grands électeurs le 6 novembre 2012
Légende : les numéros correspondent au nombre de grands électeurs élus par chaque État.Source : http://fr.wikipedia.org « Élection présidentielle américaine de 2012 »
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166 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE DROIT CONSTITUTIONNEL
Légende :GE : Grand électeurLes résultats figurant en gras dans le tableau désignent le candidat qui a remporté lesgrands électeurs de l’État.Tableau élaboré à partir des résultats de l’élection présidentielle de 2012 publiés sur le sitedu New York Times le 29 novembre 2012 (http://elections.nytimes.com/2012/results/president/big-board).
Repères méthodologiques
1) Thème/mots clefs
États-Unis ; Suffrage ; Suffrage indirect ; Élection du Président ; Élection présidentielle de2012 ; Fédéralisme.
2) Intérêt et actualité du sujet
L’élection présidentielle américaine de 2008 a un caractère symbolique car elle a permisà un candidat noir, en la personne de Barack Obama, d’accéder à la magistraturesuprême pour la première fois dans l’histoire des États-Unis. Celle de 2012 lui a permisde se maintenir au pouvoir puisqu’il a été élu pour un second mandat, qui sera sondernier. En effet, en vertu du XXIIe amendement de la Constitution des États-Unis,adopté en 1951, un Président ne peut effectuer plus de deux mandats. Barack Obamalaissera donc la place à son successeur, le 20 janvier 2017, à l’issue du long processus,débuté en février 2016, allant de la désignation du candidat de chacun des deuxgrands partis, démocrate et républicain (à l’issue des caucus et des primaires de chacundes partis, il y aura la convention démocrate du 25 au 28 juillet 2016 à Philadelphie et laconvention républicaine du 18 au 21 juillet 2016 à Cleveland), à l’élection des grandsélecteurs (8 novembre 2016) et jusqu’à l’élection du nouveau Président des États-Uniset sa prestation de serment.Au-delà de la réélection de Barack Obama, le sujet présente en outre un double intérêt.Tout d’abord, demander à des étudiants de première année de Licence en Droit decommenter une carte et un tableau des résultats d’une élection, en l’espèce l’électionprésidentielle américaine de 2012, n’est pas un exercice classique en droit constitu-tionnel. En effet, le plus souvent, un étudiant devra commenter un texte (article dedoctrine, discours...), un extrait de Constitution ou encore une décision du ConseilConstitutionnel.Un second élément rend le sujet donné particulièrement intéressant : l’originalité de laprocédure d’élection du Président des États-Unis, qui, notamment, ne correspond àaucune des procédures qu’a expérimentées la France pour l’élection de ses présidentsde la République. En effet, le Président des États-Unis n’est élu ni par le Parlement(comme ce fut le cas en France sous les IIIe et IVe Républiques), ni par un collège électoralélargi réunissant les parlementaires et des élus locaux (comme c’était le cas en France en1958), ni directement par le peuple (comme le prévoit actuellement la Constitution fran-çaise du 4 octobre 1958). Conséquence du fédéralisme, il est élu au suffrage universel
THÈME 15 – L’élection du Président des États-Unis 167
indirect, ce qui permet de mettre en œuvre le « principe de participation » dans le cadredu processus de désignation de l’exécutif fédéral. Les citoyens américains élisent danschaque État de l’Union des grands électeurs. Ce sont eux qui sont ensuite chargésd’élire le Président des États-Unis. Cette procédure se révèle complexe parce que lenombre de grands électeurs varie selon les États en fonction de leur population et aussiparce que dans 48 des 50 États, ils sont élus au scrutin de liste majoritaire à un tour, quiest un mode de scrutin « brutal ». Au vu de ces éléments, les candidats à la présidencedes États-Unis devront notamment centrer leur campagne et leurs efforts sur les Étatsqui ne sont pas traditionnellement acquis à leur parti et qui permettent d’obtenir unnombre important de grands électeurs, l’objectif étant de faire élire par les citoyensaméricains une majorité absolue de grands électeurs les soutenant, ce qui est la condi-tion nécessaire pour devenir Président. Dans ces conditions, les candidats à la présidencedes États-Unis doivent être de véritables stratèges.
3) Approche méthodologique
La méthode à appliquer pour commenter la carte et le tableau des résultats de l’électionprésidentielle américaine de 2012 ne diffère pas de celle du commentaire de texte ou dedécision.L’étudiant devra donc lire les documents de manière approfondie puis les analyser afind’en extraire les éléments qui devront être commentés. La carte illustre la répartition desgrands électeurs entre les États et indique le candidat qui les a remportés. Le nombre degrands électeurs, on le constate, va de 3 pour l’Alaska ou le Dakota du Sud, à 55 pour laCalifornie ! Il correspond au nombre de parlementaires (Représentants et Sénateurs)dont un État dispose au Congrès. Comme le nombre des Représentants d’un Étatdépend de sa population, le nombre de ses grands électeurs sera aussi fonction de sonimportance démographique. Quant au tableau, il montre, État par État, les résultats del’élection des grands électeurs, en distinguant selon que les États étaient « gagnésd’avance », « tangents » (victoire de justesse prévue de l’un ou de l’autre candidat), ouencore « disputés » (États pour lesquels il était impossible de dire, avant le jour de l’élec-tion, lequel des deux candidats l’emporterait). De plus, grâce à l’addition, État par État,des pourcentages de voix d’Obama et de Romney, le tableau permettra de mettre enlumière qu’ils n’étaient pas les seuls candidats à cette élection présidentielle (exemple :en Californie, Obama a obtenu 59% des voix et Romney 38% ce qui fait un total de97%. Les 3% de voix restants ont donc été remportés par d’autres candidats). Plusd’une dizaine de candidats des tiers partis s’est en effet présentée.L’étudiant devra ensuite identifier la problématique posée par les informations résultantde la carte et du tableau. Par ailleurs, comme pour un commentaire de texte, l’étudiantdevra établir un plan comprenant deux parties et quatre sous-parties. Enfin, étant donnéque l’exercice est un commentaire et non une dissertation, il devra se référer aux docu-ments tout au long du devoir.
4) Problématique
L’élection du Président des États-Unis comporte deux phases : une phase partisane quise déroule au sein de chaque parti, dont l’objet est la désignation des candidats à laprésidence des États-Unis (mais qui n’a pas à être développée dans ce commentairepuisqu’elle n’est pas l’objet des documents à commenter), et une phase officielle quiaboutit à l’élection du Président des États-Unis. Cette deuxième phase comprend elle-
168 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE DROIT CONSTITUTIONNEL
même deux étapes : l’élection des grands électeurs par les citoyens américains puisl’élection du Président par ces grands électeurs. Le chef de l’État américain n’est doncpas élu directement par les citoyens. Toutefois, les candidats à la fonction de grand élec-teur, qui doivent déclarer à l’avance le nom du candidat à la présidence qu’ils soutien-nent, sont, en vertu d’une coutume constitutionnelle, investis d’un mandat impératif.Dans ces conditions, l’étape du vote des grands électeurs est purement formelle et lenom du Président des États-Unis est, en principe, connu dès le jour de leur élection parles citoyens américains. L’élection de ces grands électeurs a lieu dans chacun des 50États de la Fédération et dans le District de Columbia « le premier mardi suivant lepremier lundi de novembre ». C’est la carte et le tableau des résultats de ces 51 électionsqui se sont tenues le 6 novembre 2012 qu’il faut commenter.Ces scrutins ont permis l’élection des 538 grands électeurs, qui se répartissent entre les50 États et le District de Columbia proportionnellement à leur population. Sera Présidentdes États-Unis le candidat qui aura réussi à convaincre les citoyens d’élire une majoritéabsolue de grands électeurs le soutenant c’est-à-dire 270 grands électeurs. Dans cesconditions, le but des candidats à la présidence n’est pas de remporter la majorité desvoix des citoyens américains à l’échelle de l’Union, ni même la majorité des États maisd’obtenir les 270 mandats électoraux nécessaires à la victoire. Or, à partir du momentoù les États ne fournissent pas tous le même nombre de grands électeurs et où leur élec-tion a généralement lieu au scrutin de liste majoritaire à un tour en vertu duquel « thewinner takes all » (« le premier emporte tous les sièges »), les candidats devront être defins stratèges afin de conquérir les États qui leur permettront de parvenir aux 270mandats électoraux synonymes de victoire. La procédure d’élection des grands élec-teurs, et donc du Président des États-Unis, se révèle être une mécanique complexe queles candidats à la présidence doivent maîtriser.Au vu de ces éléments, et étant donné que les documents à commenter concernentl’élection présidentielle de 2012, la problématique qu’ils posent est celle de savoircomment Barack Obama a dompté les règles relatives à l’élection du Président pourêtre réélu Président des États-Unis face à Mitt Romney.
5) Attentes du correcteurLe commentaire de la carte et du tableau ne doit pas être une simple description desrésultats de l’élection présidentielle américaine de 2012. L’étudiant devra donc fairel’effort de proposer une vraie problématique.Par ailleurs, même s’il faut l’enrichir avec des éléments théoriques relatifs à l’électionprésidentielle américaine et avec des comparaisons avec des élections antérieures ouavec l’élection américaine de 2016 lorsqu’elle aura eu lieu, le commentaire des docu-ments doit être centré sur l’élection présidentielle de 2012, puisque ce sont ses résultats,uniquement, qui y figurent.Face à des documents retraçant les résultats d’une élection, l’étudiant devra aussi faire lapreuve qu’il maîtrise les règles de majorité, les modes de scrutin et qu’il a une certaineaptitude au calcul (addition des grands électeurs, utilisation et comparaison depourcentages...).Enfin, le fait que les documents à commenter ne soient pas des textes, mais une carte etun tableau, ne dispense pas l’étudiant d’y faire référence tout au long de son travail.
THÈME 15 – L’élection du Président des États-Unis 169
6) Écueils à éviter
Le format original du sujet ne dispense pas d’en faire un véritable commentaire. En effet, lacarte et le tableau ne sont pas un prétexte pour faire une dissertation sur l’élection du Prési-dent des États-Unis. Par ailleurs, les documents à commenter étant relatifs à la phase offi-cielle de l’élection présidentielle (élection des grands électeurs), un devoir qui serait enpartie consacré à la phase partisane, c’est-à-dire aux primaires, caucus et conventions orga-nisés au sein des États par les deux grands partis, républicain et démocrate, serait hors sujet.
Proposition de corrigé
IntroductionLe 20 janvier 2013, à l’issue d’une année ponctuée de meetings, de débats et de scrutinsvisant à obtenir sa réélection, Barack Obama, 44e Président des États-Unis, a prêtéserment sur la Constitution et a ainsi entamé son second mandat. Le fait qu’il allait êtrePrésident quatre années supplémentaires était cependant connu depuis plusieurssemaines car si les résultats de l’élection ont été proclamés le 4 janvier 2013, le maintiende Barack Obama à la présidence des États-Unis était acquis depuis le 6 novembre 2012.Ces multiples dates s’expliquent par le fait que le chef de l’État n’est pas élu directementpar le peuple. En effet, le « premier mardi suivant le premier lundi de novembre », c’est-à-dire le 6 novembre 2012, les citoyens américains ont d’abord élu, dans le cadre desÉtats, 538 grands électeurs, qui ont ensuite élu le nouveau Président le « lundi suivantle deuxième mercredi de décembre », à savoir le 17 décembre 2012. Les résultats desvotes des grands électeurs ont été proclamés par le Président du Sénat devant leCongrès le 4 janvier 2013.Si le nom du nouveau Président des États-Unis était connu dès le 6 novembre 2012, jourde l’élection des grands électeurs, c’est parce que, en vertu d’une coutume constitution-nelle, les grands électeurs doivent déclarer le nom du candidat qu’ils soutiennent et sontinvestis d’un mandat impératif. Dans ces conditions, une majorité absolue de grandsélecteurs soutenant Barack Obama ayant été élue, il n’a pas été nécessaire d’attendrele 4 janvier 2013 pour savoir qu’il serait élu à la présidence.La procédure d’élection du Président des États-Unis est conçue, dans le cadre d’un Étatfédéral, pour assurer la participation des États à la désignation de l’exécutif fédéral. Auvu de celle-ci, le but des candidats n’est donc pas de remporter la majorité des voix descitoyens américains à l’échelle de l’Union mais d’atteindre la majorité absolue desgrands électeurs nécessaire pour accéder à la magistrature suprême. Mais, étant donnéque les États ne fournissent pas tous le même nombre de grands électeurs et qu’uncandidat qui arrive en tête dans un État emporte tous les sièges de grand électeur danscet État (« the winner takes all »), les candidats devront être de fins stratèges pourobtenir la majorité nécessaire pour devenir Président.L’élection du Président des États-Unis est donc une opération complexe, complexité quiest mise en relief par la carte et le tableau des résultats des candidats démocrate et répu-blicain lors de l’élection présidentielle de 2012. Les documents se concentrent, en effet,sur ces deux candidats, car sur la dizaine de candidats qui s’est affrontée lors de cetteélection, seuls le « ticket » démocrate composé de Barack Obama et Joseph Biden et le
170 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE DROIT CONSTITUTIONNEL
« ticket » républicain formé par Mitt Romney et Paul Ryan étaient susceptibles deremporter l’élection, en raison du bipartisme qui caractérise le système de partisaméricain.L’analyse des deux documents, la carte des résultats d’une part, qui met en avant lagéographie des États gagnés par chacun des candidats ainsi que le nombre de grandsélecteurs par État, et le tableau des résultats, d’autre part, classant les États selon qu’ilsétaient gagnés d’avance, tangents ou disputés, conduit à se demander comment BarackObama a su appliquer les règles électorales afin d’être élu Président des États-Unis pourun second mandat. Une bonne maîtrise de ces règles lui a permis de remporter unevictoire indéniable (1) parce qu’il a réussi à conquérir les 270 grands électeurs néces-saires à son élection (2).
1 •BARACK OBAMA, UNE VICTOIRE INDÉNIABLE
La victoire de Barack Obama en 2012 a été totale puisque non seulement il a obtenuune majorité absolue de grands électeurs lui permettant ainsi de devenir Président (B)mais, en plus, et alors que cela n’est pas nécessaire pour l’emporter, il a été plébiscitépar les citoyens américains (A).
A - Une victoire populaire importante, mais non nécessaire
L’élection des 538 grands électeurs a donné lieu, le 6 novembre 2012, à 51 scrutinsdifférents. Toutefois, si on additionne le nombre de voix obtenues respectivement parles grands électeurs soutenant Barack Obama et par ceux soutenant Mitt Romney, onobtient le nombre de voix que ces deux candidats ont réuni à l’échelle de l’Union. L’ana-lyse du tableau nous montre que Barack Obama a ainsi obtenu 62 611 250 voix etMitt Romney 59 134 475 voix. 3,5 millions de voix séparaient donc, en 2012, le candidatdémocrate du candidat républicain, là où il n’y avait qu’un peu moins de 120 000 voixde différence entre John F. Kennedy et Richard Nixon en 1960. S’il est conséquent,l’écart de voix entre Obama et Romney n’est pas le plus important qui ait existé entreles candidats des deux grands partis américains. Ainsi, lors de son élection en 2008,Barack Obama avait distancé John McCain de 8millions de voix tandis qu’en 1984, il yavait près de 17millions de voix d’écart entre Ronald Reagan et Walter Mondale, etmême 18millions entre Richard Nixon et George Mac Govern en 1972.Toujours est-il que les 62 millions de voix obtenues par Barack Obama lui permettentnon seulement de totaliser plus de suffrages populaires que son adversaire direct, lerépublicain Mitt Romney, mais aussi d’obtenir la majorité absolue des voix dansl’ensemble des États-Unis car ces voix représentent 51% des suffrages exprimés,contre 48% pour Mitt Romney. La victoire populaire d’Obama est cependant moinséclatante qu’en 2008. Tout d’abord, il obtient moins de suffrages populaires en 2012.Ensuite, le taux de participation des électeurs est en baisse en 2012 par rapport à2008. En effet, 65% des citoyens avaient voté en 2008 alors que la participation auxélections présidentielles se situe en général entre 50 et 60%. Malgré tout, BarackObama a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés alors que certains Prési-dents des États-Unis, avant lui, ont dû se contenter d’une majorité relative. Ce fut, parexemple, le cas de Bill Clinton en 1992 (il avait obtenu 43% des voix contre 38% pour
THÈME 15 – L’élection du Président des États-Unis 171
son adversaire George Bush). Ces chiffres s’expliquent par le fait que si la présidence desÉtats-Unis se joue uniquement entre le parti démocrate et le parti républicain en raisondu bipartisme, des candidats des tiers partis peuvent se présenter. Et justement, l’un deces candidats, Ross Perot, a fait un score important en 1992 puisqu’il a obtenu 19% desvoix. Cette situation ne s’est pas reproduite en 2012 puisque les candidats des tierspartis qui se sont présentés face à Obama et Romney n’ont totalisé qu’environ 1,5%des voix. Ce résultat apparaît, grâce au tableau, lorsqu’on additionne, État par État, lespourcentages de voix obtenues par Obama et Romney pour en déduire le pourcentageobtenu par les candidats des tiers partis (exemples : en Californie, Obama a obtenu59% des voix et Romney 38%, ce qui fait un total de 97% indiquant que les candidatsdes tiers partis ont obtenu 3% des voix ; de même, en Arizona, 54% des voix pourRomney et 44% pour Obama, d’où 2% des voix pour les autres candidats ; enrevanche, en Oklahoma, Romney a obtenu 67% des voix et Obama 33%, ce qui faitun total de 100% des voix pour les candidats des deux grands partis) puis qu’on addi-tionne le résultat obtenu dans chacun des 50 États et dans le District de Columbia afinde faire une moyenne.La victoire populaire de Barack Obama est importante car elle lui confère une plusgrande légitimité, mais elle n’est cependant pas juridiquement nécessaire car non déci-sive : ce n’est pas parce qu’une majorité d’américains a voté pour lui qu’il a accédé à lamagistrature suprême. En effet, la seule condition pour qu’un candidat devienne Prési-dent est que soit élue dans les États une majorité absolue de grands électeurs le soute-nant. La preuve en est qu’une personne peut devenir Président alors qu’elle a obtenumoins de suffrages que son adversaire du moment, à condition qu’elle dispose d’unemajorité absolue de grands électeurs (cette situation s’est produite à trois reprises : en1876 pour Rutherford Hayes, en 1888 pour Benjamin Harrisson et en 2000 pourGeorge W. Bush). Cependant, en 2012 comme ça avait déjà été le cas en 2008, BarackObama a obtenu une double victoire parce que non seulement il est le Président dupeuple (puisqu’il a obtenu une majorité de voix) mais il est aussi le Président de l’Unionet donc le Président des États-Unis puisqu’il a obtenu une majorité absolue de grandsélecteurs : c’est ce que démontre le tableau.
B - La majorité absolue des grands électeurs, une victoiredécisive
Le 6 novembre 2012, le peuple américain a désigné dans le cadre des 50 États formantles États-Unis, ainsi que dans le District de Columbia, les grands électeurs chargés d’élirele nouveau Président. En effet, le XXIIIe amendement adopté en 1961 a attribué 3grands électeurs au District de Columbia qui n’est cependant pas un État. Au total, cesont 538 grands électeurs qui ont été élus. Le nombre de grands électeurs élus danschaque État correspond au nombre de parlementaires, Représentants et Sénateurs,dont il dispose au Congrès. Alors que les États disposent tous de deux Sénateurs quelleque soit leur taille (principe d’égalité entre États propre au fédéralisme), le nombrede Représentants attribués à chacun d’eux dépend de sa population (XIVe amendementà la Constitution). Par conséquent, le nombre des grands électeurs d’un État est, luiaussi, fonction de sa population. C’est ce que permet d’illustrer la carte commentée,qui fait état de la répartition applicable en 2012 faisant suite au recensement de 2010.Ainsi, par exemple, la Californie qui a 53 élus à la Chambre des Représentants et deux
172 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE DROIT CONSTITUTIONNEL
Sénateurs, désigne 55 grands électeurs. Il s’agit de l’État qui dispose du plus grandnombre de grands électeurs. À l’opposé, l’Alaska ou encore le Vermont, qui n’ontqu’un seul Représentant et deux Sénateurs, désignent 3 grands électeurs. Puisqu’il y aau Congrès 100 sénateurs et 435 Représentants auxquels il faut ajouter les 3 grandsélecteurs attribués au District de Columbia, le nombre de 538 grands électeurss’explique facilement. Au vu de ce nombre, et étant donné que pour être élu Président,un candidat doit obtenir la majorité absolue des grands électeurs, il devra être soutenupar 270 d’entre eux. Ce mode d’élection par l’intermédiaire des États, voulu par lesPères fondateurs qui refusaient que le Président soit désigné par le Congrès ou directe-ment par le peuple, est la marque de la forme fédérale des États-Unis.Lors de l’élection de 2012, Barack Obama a largement atteint la majorité absolue desgrands électeurs puisque le tableau montre qu’en gagnant 26 États et le Districtde Columbia, il a emporté 332 grands électeurs. Mitt Romney a, quant à lui, conquis24 États et 206 grands électeurs. Tout comme Ross Perot en 1992 (qui avait pourtantremporté 19% des voix), les autres candidats à la présidence en 2012 (membres duparti libertarien, du parti constitutionnaliste, du parti vert, indépendants...), n’ontobtenu aucun siège de grand électeur, ce qui n’est pas étonnant, eu égard au trèsfaible nombre de citoyens américains ayant voté pour eux. Barack Obama a ainsiremporté près de 62% des mandats de grand électeur, et par conséquent l’électionprésidentielle.Si le candidat démocrate a remporté une large victoire, certains de ses prédécesseursavaient creusé un écart plus grand avec leurs adversaires. C’est le cas de RonaldReagan lors de ses deux élections, en 1980 (il avait conquis 489 grands électeurscontre 49 pour Jimmy Carter) et en 1984 (le républicain Reagan en gagnant 525grands électeurs, n’en avait laissé que 13 au démocrate Walter Mondale). Par ailleurs,lors de l’élection de 2008, Barack Obama avait remporté une victoire plus éclatante puis-qu’il avait conquis 365 grands électeurs contre 173 pour John McCain. Mais, si l’écartentre Barack Obama et Mitt Romney n’est pas le plus grand qu’aient connu les États-Unis, il n’est pas non plus le plus faible. En effet, lors de l’élection de 2000, GeorgeW. Bush ne l’a emporté qu’avec 4 grands électeurs d’avance sur Al Gore et en 2004avec 34 de plus que John Kerry.Si Barack Obama a remporté aussi bien la majorité des voix des électeurs américains quela majorité absolue des grands électeurs, seule cette dernière victoire est fondamentaleet décisive car elle seule lui a permis d’être réélu à la présidence des États-Unis. Dans cesconditions, le but d’Obama, comme de tout candidat à la présidence, était d’obtenirl’élection de 270 grands électeurs le soutenant. Il lui a donc fallu développer une stra-tégie adéquate, adaptée selon la tendance des États.
2 •BARACK OBAMA, UNE STRATÉGIE DE CONQUÊTE
Pour que Barack Obama ou Mitt Romney emporte un État et gagne ainsi les grands élec-teurs de cet État, il fallait qu’une majorité de citoyens se prononce en faveur de l’un oude l’autre. Si la lutte pour la victoire est ardue dans certains États, elle ne l’est pas dansd’autres. C’est précisément ce que montre le tableau objet de ce commentaire puisqu’ilclasse les États selon qu’ils étaient quasiment acquis à Barack Obama ou à Mitt Romney
THÈME 15 – L’élection du Président des États-Unis 173
avant l’élection (A), ou qu’ils étaient disputés par les deux candidats, ou « tangents »parce qu’une victoire de justesse des démocrates ou des républicains était prévue (B).
A - Les États le soutenant sans conteste : 186 grandsélecteurs quasiment acquis avant l’élection
Avant même que les citoyens se prononcent le 6 novembre 2012, une victoire facilede Barack Obama était programmée dans 14 États et dans le District de Columbia. Letableau prouve que ces prévisions se sont réalisées, puisqu’il les a tous conquis. Toujoursconformément aux prévisions, la victoire du candidat démocrate dans ces États a étélarge. En effet, l’État qu’Obama a emporté le moins facilement est l’Oregon gagnéavec 55% des voix tandis qu’il a obtenu 91% des suffrages exprimés dans le Districtde Columbia ou 71% à Hawaï.Les États gagnés facilement par Barack Obama sont les États acquis aux démocratesdepuis plusieurs années. Il s’agit d’États qu’il avait déjà gagnés en 2012 et qui l’avaientdéjà été par Al Gore en 2000 puis par John Kerry en 2004 alors même qu’ils avaient,chacun leur tour, perdu l’élection présidentielle face à George W. Bush. Comme lemontre la carte, ces États sont principalement les États côtiers, aussi bien de l’Est quede l’Ouest des États-Unis. Ces 14 États et le District de Columbia pour lesquels unelarge victoire de Barack Obama était attendue lui permettaient de pouvoir compter demanière quasi certaine, avant même le jour de l’élection, sur 186 mandats de grandsélecteurs sur les 270 nécessaires. Trois de ces États, parmi les plus peuplés des États-Unis, ont apporté à eux seuls 104 des 186 mandats électoraux c’est-à-dire des grandsélecteurs. Il s’agit de la Californie (55 grands électeurs), de l’Illinois (20 grands électeurs)et de l’État de New York (29 grands électeurs).Si une large victoire d’Obama était prévue dans certains États, le tableau à commentermontre qu’il en était de même pour son adversaire Mitt Romney dans d’autres États. Eneffet, une victoire facile du candidat républicain était prévue dans 22 États. Comme pourBarack Obama, la prévision s’est révélée exacte puisqu’il a remporté ces États confortable-ment. En effet, l’État gagné le plus difficilement est la Géorgie dans lequel Mitt Romney aobtenu 53% des voix tandis que l’État conquis le plus largement est l’Utah, dans lequel ila recueilli 73% des suffrages exprimés. Ces 22 États gagnés facilement par Romney sontdes États acquis aux républicains depuis plusieurs années et qui avaient déjà été emportéspar George W. Bush en 2000 puis en 2004. Par ailleurs, 16 de ces 22 États (Alaska, Texas,Mississippi, Alabama...) avaient aussi été gagnés par Bob Dole lors de l’élection présiden-tielle de 1996 qu’il avait pourtant perdue (par 159 grands électeurs contre 379 pour BillClinton). Ces États avaient aussi été gagnés par John McCain en 2008, à l’exception del’Indiana. En effet, Romney est parvenu à « reprendre » l’Indiana, État qui vote tradition-nellement républicain mais qu’Obama avait réussi à emporter lors des élections présiden-tielles de 2008. La carte montre qu’une partie de ces 22 États se trouve dans le Sud dupays c’est-à-dire sur la « Sun Belt ».Si une large victoire de Romney était prévue dans 22 États, contre 14 plus le Districtde Columbia pour Obama, la situation lui était cependant moins favorable qu’àObama, rapportée à la répartition entre États des grands électeurs. En effet, ces Étatslui ont apporté 180 grands électeurs alors que 14 États et le District de Columbia enont apporté 186 à Obama. Cela s’explique par le fait que ces 22 États sont peupeuplés et disposent donc d’un faible nombre de grands électeurs. Ainsi, contrairement
174 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE DROIT CONSTITUTIONNEL
à Barack Obama qui a gagné 104 mandats électoraux grâce à trois États, Mitt Romneyn’a emporté qu’un seul État apportant un grand nombre de mandats électoraux. Il s’agitdu Texas et de ses 38 grands électeurs. Parmi les autres États acquis aux républicains, 17élisent moins de 10 grands électeurs (alors que parmi les 15 États soutenant le partidémocrate, seuls 8 élisent moins de 10 grands électeurs).Barack Obama a donc gagné facilement 186 mandats électoraux et Mitt Romney 180,dans des États qui leur étaient acquis. Ils devaient donc encore conquérir respectivementles 84 et les 90 grands électeurs manquants pour parvenir au nombre de 270 synonymede victoire. Pour ce faire, les deux candidats devaient livrer bataille dans deux catégoriesd’États mis en lumière par le tableau commenté : les États « tangents », c’est-à-dire ceuxpour lesquels une victoire de justesse d’Obama ou de Romney était prévue, et les Étatsdisputés, c’est-à-dire ceux pour lesquels il était impossible de dire, avant le 6 novembre2012, lequel des deux candidats l’emporterait. La bataille, dans ces États, était d’autantplus importante que les États pour lesquels une victoire facile d’Obama ou de Romneyétait attendue ne permettaient à aucun des deux candidats de distancer l’autre puis-qu’ils leur ont rapporté respectivement 186 et 180 grands électeurs.
B - Les conditions de sa victoire dans les États tangentset disputés
Le tableau met en lumière 7 États tangents dont 5 dans lesquels une victoire de justessed’Obama était prévue. Ces 5 États, en cas de victoire le 6 novembre 2012, étaientsusceptibles d’apporter à Obama 57 grands électeurs, dont 20 pour le seul État dePennsylvanie. Ces prévisions s’étant révélées exactes, puisque le candidat démocrateest sorti vainqueur dans ces États, il a pu ajouter 57 mandats électoraux aux 186gagnés dans les États acquis aux démocrates, pour atteindre le nombre de 243.Le contexte était moins favorable pour Mitt Romney puisque sa victoire n’était prévueque dans 2 États tangents, l’Arizona et la Caroline du Nord qui avaient été emportéspar Obama en 2008. Par ailleurs, ces États ne représentaient que 26 grands électeurs.Ayant effectivement gagné ces États le 6 novembre 2012, Romney a atteint le nombrede 206 grands électeurs.Alors qu’en 2008, les États dans lesquels sa victoire facile était prévue, et ceux danslesquels une victoire de justesse était attendue avaient permis à Obama de remporterl’élection présidentielle, en 2012, les 7 États disputés (c’est-à-dire les États dans lesquelsil était impossible de dire avant l’élection qui d’Obama ou de Romney l’emporterait), ontété décisifs pour la victoire finale. En effet, ils offraient 89 grands électeurs qui allaientdépartager Obama et Romney. Ils permettaient aux deux candidats de parvenir au seuildes 270 grands électeurs. Au final, Barack Obama a remporté ces 7 États disputés et parconséquent les 89 grands électeurs qu’ils offraient. Cela lui a permis d’atteindre les332 grands électeurs et d’être élu président des États puisqu’il a dépassé la barre des270 grands électeurs synonyme de victoire.Les résultats d’Obama et de Romney démontrent que l’important est de conquérir lesÉtats fournissant un nombre conséquent de grands électeurs, comme l’a fait Obama.Au contraire, Romney qui pouvait remporter l’élection grâce aux 7 États disputés n’apas su s’y imposer. Or, 4 d’entre eux fournissaient au moins 10 grands électeurs etparmi eux la Floride, qui avait permis à George W. Bush de devenir Président
THÈME 15 – L’élection du Président des États-Unis 175
en 2000, 29. En effet, il ne faut pas oublier que le seul et unique but des candidats à laprésidence est d’atteindre le seuil des 270 grands électeurs. Pour ce faire, ils devront seconcentrer sur ceux des États qui ne sont pas déjà acquis (c’est-à-dire les États danslesquels leur large victoire n’est pas prévue), qu’ils sont capables de gagner et qui leurapporteront suffisamment de grands électeurs. Ils devront sortir vainqueur dans cesÉtats, ne serait-ce que par une seule voix d’avance sur leurs adversaires. En effet, lesgrands électeurs étant élus au scrutin de liste majoritaire à un tour, le candidat quiobtient le plus de voix dans un État, même si ce n’est qu’une seule, emporte la totalitédes grands électeurs de cet État en application du principe « the winner takes all ». Seulsle Maine et le Nebraska font exception car ils appliquent la méthode des districts. L’Étatest divisé en districts congressionnels qui reçoivent chacun un grand électeur, les autresétant attribués aux candidats sur la base des suffrages exprimés dans l’intégralité del’État, ce qui permet, à titre exceptionnel, un partage des grands électeurs. Cela n’apas été le cas en 2012. En effet, Barack Obama a remporté les 4 grands électeurs duMaine et Romney les 5 grands électeurs du Nebraska, là où McCain n’en avait gagnéque 4 sur 5 en 2008.À partir du moment où une seule voix d’avance sur son adversaire suffit pour emporterla totalité des grands électeurs d’un État, il peut y avoir une différence entre le pourcen-tage de voix obtenues par le vainqueur de l’élection présidentielle et la proportion demandats électoraux gagnés. Ainsi, si Barack Obama a obtenu 51% des voix, il a gagnéprès de 61% des mandats électoraux. Les élections de 1980 et 1984 sont encore plusprobantes. En 1980, Ronald Reagan en recevant 51% des suffrages exprimés, a gagné90,9% des mandats électoraux et en 1984, en gagnant 59% des voix, il a remporté98% des grands électeurs. Par ailleurs, pour peu qu’un candidat « A » remporte beau-coup plus de voix qu’un candidat « B » dans quelques États ou dans des États ayant peude grands électeurs, alors que « B » gagne avec très peu de voix d’avance des États quilui permettent d’obtenir la majorité absolue des grands électeurs, « B » pourra être éluPrésident des États-Unis avec moins de suffrages que le candidat « A ». Cela s’estproduit en 2000 : bien qu’il ait eu moins de voix qu’Al Gore, George W. Bush a remportél’élection avec 271 grands électeurs.La carte et le tableau des résultats de l’élection présidentielle américaine de 2012mettent ainsi bien en lumière que ce qui est important, pour devenir Président desÉtats-Unis, est d’obtenir les 270 grands électeurs, sans se soucier de l’ampleur de lavictoire dans chaque État ou du nombre d’États conquis. Mieux vaut essayer deconquérir les États qui fournissent un nombre important de grands électeurs, tels quela Californie ou l’Illinois, qui associés avec 4 autres des 50 États américains (New York,Floride, Ohio, Texas) fournissent à eux seuls 189 grands électeurs. Tel est l’objectif stra-tégique atteint en 2012 par Obama et que tenteront d’atteindre les candidats à l’élec-tion présidentielle de 2016.
Isabelle Thumerel
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les auteursPauline Türk (nice), Isabelle Thumerel (littoral) et Gilles Toulemonde (lille) sont enseignants-chercheurs en droit public, tous trois en charge de cours magistraux de droit constitutionnel dans leurs universités respectives et auteurs de manuels de droit constitutionnel.
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