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COMPTE RENDU DE CONGRE ` S 28 e congre `s de la Socie´te ´ franc ¸aised’e´tude et de traitement des bru ˆlures (SFETB), Arcachon France (1113 juin 2008) Les membres de la Société française d’étude et de traite- ment des brûlures (SFETB) ont pris plaisir à se retrouver à Arcachon pour le 28 e congrès de la société, organisé par l’équipe bordelaise (J.C. Castède, G. Perro, V. Casoli...) et placé sous le signe de la pluridisciplinarité et de la convi- vialité. Chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, médecins rééducateurs, psychologues, ergothérapeutes, infirmiers, kinésithérapeutes... se sont réunis autour des deux thèmes principaux choisis pour ce congrès, à savoir : « le point sur les substituts cutanés » ; « brûlures et troubles psychologiques ». Nos confrères francophones nous ont fait le plaisir de leur participation, avec la présence remarquée du Dr F. Wood, venue d’Australie. En discours inaugural, le Dr Carsin (Clamart, Metz depuis peu), président de la société, a insisté sur le caractère pluridisciplinaire de notre société, un ensemble de spécia- listes de haut niveau dans chacun de leur domaine qui œuvrent en synergie pour améliorer le traitement des patients brûlés, de leur patient commun ; une petite société par le nombre de ses adhérents, néanmoins grande par ses missions et ambitions. Brûlures et troubles psychiques Trois enquêtes, réalisées un jour donné, ont permis de colliger les données d’environ 600 brûlés adultes pris en charge dans des centres aigus et soins de suites et réadapta- tion (SSR). Plus du tiers des patients présentent des pro- blèmes d’addiction (alcool, drogues) et un cinquième des problèmes sociaux. Les séquelles psychologiques ou compor- tementales sont plus fréquentes dans les accidents collectifs (G. Perro Bordeaux). La même enquête réalisée chez les enfants brûlés confirme la relation brûlurestroubles psychologiques dans 16 à 27 % des cas (G. Roques Lamalou-le-Haut), avec une prépon- dérance des accidents domestiques et un contexte social difficile souvent associé (24,4 % en centre aigu et 70 % en SSR). Les différents intervenants des tables rondes nous ont fait part de la complexité des troubles présentés, en particulier chez les adolescents en souffrance avec « conduites à risque » (50 % des cas). « Jouer avec le feu », par défi ou par dépit, impose une prise en charge spécialisée pluridisci- plinaire, avec une place centrale du psychologue, comme l’ont rappelé les Drs Descamps (CRF Bullion) et Tedo (CHU Bordeaux). Au décours de différentes tables rondes, les intervenants ont insisté sur l’intérêt de la relaxation, en particulier lors de la réalisation d’appareillages chez l’enfant ; mais également sur l’importance psychologique d’un protocole d’accompa- gnement pour les patients brûlés défigurés (Nachtergaele, Hecart CRF La Musse). À long terme, les conséquences des brûlures sont domi- nées par l’impact « permanent » du regard des autres et par les problèmes de thymie fluctuante avec sautes d’humeur difficiles à vivre pour le conjoint (Garond La Tour-de- Gassies, Bruges). La prise en charge des patients brûlés, traumatisme non seulement somatique mais également psychique, ne peut se concevoir que dans des centres de référence spécialisés, tant au stade aigu qu’au niveau des centres de rééducation, avec une place centrale du psychologue et des intervenants sociaux au sein des équipes, comme en atteste la fréquence des troubles psychologiques, des conduites à risque et des récidives. Le point sur les substituts cutanés Le Dr Pradier (Clamart, Toulon) nous a retracé l’histoire des substituts cutanés, temporaires ou définitifs, des premières autogreffes épidermiques au XIX e siècle aux progrès de la bio- ingénierie tissulaire avec la mise au point des premières cultures d’épiderme autologues en feuillets par Rheinwald et Green (1979) et la mise au point du premier derme artificiel par Yannas et Burke (1980). Les participants du congrès s’accordent sur la nécessité d’une classification claire des substituts cutanés : distinguant substituts tempo- raires (naturels, biosynthétiques) et permanents (épidermi- ques, dermiques bi- ou monocouche) ; faisant la distinction avec les pansements biologiques divers et variés. L’équipe de Marseille (Philandrianos) nous a présenté les résultats préliminaires d’une étude expérimentale compa- rative de cinq dermes artificiels chez le porc (Integra 1 , Renoskin 1 , Matriderm 1 , Proderm 1 , Hyalomatrix 1 ). Il s’agit Annales de chirurgie plastique esthétique (2009) 54, 176178 0294-1260/$ see front matter doi:10.1016/j.anplas.2008.10.015

28e congrès de la Société française d’étude et de traitement des brûlures (SFETB), Arcachon – France (11–13 juin 2008)

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COMPTE RENDU DE CONGRES

Annales de chirurgie plastique esthétique (2009) 54, 176—178

28e congres de la Societe francaise d’etudeet de traitement des brulures (SFETB),Arcachon — France (11—13 juin 2008)

Les membres de la Société française d’étude et de traite-ment des brûlures (SFETB) ont pris plaisir à se retrouver àArcachon pour le 28e congrès de la société, organisé parl’équipe bordelaise (J.C. Castède, G. Perro, V. Casoli. . .) etplacé sous le signe de la pluridisciplinarité et de la convi-vialité. Chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, médecinsrééducateurs, psychologues, ergothérapeutes, infirmiers,kinésithérapeutes. . . se sont réunis autour des deux thèmesprincipaux choisis pour ce congrès, à savoir :

� « le point sur les substituts cutanés » ;� « brûlures et troubles psychologiques ».

Nos confrères francophones nous ont fait le plaisir de leurparticipation, avec la présence remarquée du Dr F. Wood,venue d’Australie.

En discours inaugural, le Dr Carsin (Clamart, Metz depuispeu), président de la société, a insisté sur le caractèrepluridisciplinaire de notre société, un ensemble de spécia-listes de haut niveau dans chacun de leur domaine quiœuvrent en synergie pour améliorer le traitement despatients brûlés, de leur patient commun ; une petite sociétépar le nombre de ses adhérents, néanmoins grande par sesmissions et ambitions.

Brûlures et troubles psychiques

Trois enquêtes, réalisées un jour donné, ont permis decolliger les données d’environ 600 brûlés adultes pris encharge dans des centres aigus et soins de suites et réadapta-tion (SSR). Plus du tiers des patients présentent des pro-blèmes d’addiction (alcool, drogues) et un cinquième desproblèmes sociaux. Les séquelles psychologiques ou compor-tementales sont plus fréquentes dans les accidents collectifs(G. Perro — Bordeaux).

La même enquête réalisée chez les enfants brûlés confirmela relation brûlures—troubles psychologiques dans 16 à 27 %des cas (G. Roques — Lamalou-le-Haut), avec une prépon-dérance des accidents domestiques et un contexte socialdifficile souvent associé (24,4 % en centre aigu et 70 % en SSR).

0294-1260/$ — see front matterdoi:10.1016/j.anplas.2008.10.015

Les différents intervenants des tables rondes nous ont faitpart de la complexité des troubles présentés, en particulierchez les adolescents en souffrance avec « conduites àrisque » (50 % des cas). « Jouer avec le feu », par défi oupar dépit, impose une prise en charge spécialisée pluridisci-plinaire, avec une place centrale du psychologue, commel’ont rappelé les Drs Descamps (CRF Bullion) et Tedo (CHUBordeaux).

Au décours de différentes tables rondes, les intervenantsont insisté sur l’intérêt de la relaxation, en particulier lors dela réalisation d’appareillages chez l’enfant ; mais égalementsur l’importance psychologique d’un protocole d’accompa-gnement pour les patients brûlés défigurés (Nachtergaele,Hecart — CRF La Musse).

À long terme, les conséquences des brûlures sont domi-nées par l’impact « permanent » du regard des autres et parles problèmes de thymie fluctuante avec sautes d’humeurdifficiles à vivre pour le conjoint (Garond — La Tour-de-Gassies, Bruges).

La prise en charge des patients brûlés, traumatisme nonseulement somatique mais également psychique, ne peut seconcevoir que dans des centres de référence spécialisés, tantau stade aigu qu’au niveau des centres de rééducation, avecune place centrale du psychologue et des intervenantssociaux au sein des équipes, comme en atteste la fréquencedes troubles psychologiques, des conduites à risque et desrécidives.

Le point sur les substituts cutanés

Le Dr Pradier (Clamart, Toulon) nous a retracé l’histoire dessubstituts cutanés, temporaires ou définitifs, des premièresautogreffes épidermiques au XIX

e siècle aux progrès de la bio-ingénierie tissulaire avec la mise au point des premièrescultures d’épiderme autologues en feuillets par Rheinwaldet Green (1979) et la mise au point du premier dermeartificiel par Yannas et Burke (1980). Les participants ducongrès s’accordent sur la nécessité d’une classificationclaire des substituts cutanés : distinguant substituts tempo-raires (naturels, biosynthétiques) et permanents (épidermi-ques, dermiques bi- ou monocouche) ; faisant la distinctionavec les pansements biologiques divers et variés.

L’équipe de Marseille (Philandrianos) nous a présenté lesrésultats préliminaires d’une étude expérimentale compa-rative de cinq dermes artificiels chez le porc (Integra1,Renoskin1, Matriderm1, Proderm1, Hyalomatrix1). Il s’agit

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d’une étude expérimentale bien conduite avec évaluationclinique, histologique et immunohistochimique à l’aide deplusieurs colorations différentes, afin d’évaluer :

� la prise du derme équivalent (DE) ;� le pourcentage de rétraction de la surface greffée ;� le pourcentage de vascularisation ;� l’épaisseur respective derme—épiderme ;� le pourcentage d’inflammation ;� la présence de derme artificiel à j21 et j60.

Les résultats préliminaires sont encourageants. Nousattendons avec impatience les résultats complets de cetteétude en cours. Comme l’a fait remarquer un chercheur ducentre de recherche du service de santé des Armées (CRSSA)présent dans l’assistance, l’interprétation des résultatsdevra néanmoins rester prudente et prendre en compteles particularités constitutionnelles du porc, à savoir laprésence d’un muscle peaucier étendu à toute la régiondorsale, à la différence de l’être humain.

Plusieurs intervenants ont présenté l’intérêt des DE asso-ciés à une greffe dermoépidermique dans le même tempsopératoire, au stade aigu et dans le cadre de séquelles(Matriderm1, matrice tridimensionnelle combinée de colla-gène bovin et d’élastine). Toulon : dix patients traités pourbrûlures et séquelles d’avril 2007 à janvier 2008, Clamart :sept patients, Lyon : dix patients. Il s’agit de résultatspréliminaires. Le taux de prise est proche de 100 %, parfoisémaillé de lyses épidermiques infectieuses (Dr Dantzer —Toulon) ; l’aspect cosmétique est plus rapidement favorablecomparé à d’autres DE avec une résolution plus rapide desphénomènes inflammatoires locaux (rougeur) et une cica-trice d’apparence mature. Les phénomènes de rétractionsemblent modérés. Les résultats tardifs devront êtreévalués.

Les avantages sont représentés par : un seul tempsopératoire avec pour corollaire un risque infectieux moindreet un temps de cicatrisation plus rapide, un gain financiermais également fonctionnel. Les indications sont en prioritéla couverture des zones fonctionnelles, périarticulaires et lesexpositions tendineuses limitées. Les DE ne remplacent pasles lambeaux (ostéites, volume, comblement) pour la cou-verture d’expositions tendineuses ou articulaires étendues,ni les greffes de peau totale lorsqu’elles sont disponiblespour la correction des séquelles de brûlures de la face(Voulliaume, Foyatier — Lyon).

Les problèmes rencontrés et rapportés par les utilisateurssont : le risque de déplacement mécanique du DE et safragilité imposant une technique rigoureuse de l’opérateuret une manipulation minutieuse du produit. Les utilisateursont insisté sur l’importance du pansement qui doit être bienmodelant et renouvelé tous les trois à cinq jours en fonctiondes équipes, avec une immobilisation initiale de quatre àcinq jours, ainsi que sur la nécessité d’une pressothérapieprécoce et assidue.

F. Braye (Lyon) a présenté une évaluation clinique duRenoskin1 (matrice de collagène purifié stabilisé d’originebovine, recouvert d’une feuille de silicone renforcé par untissu polyester) sur dix patients traités de novembre 2006 àmai 2008, au stade aigu et dans le cadre de séquelles(plaie chronique, rétraction du dos de la main, rétraction

cervicale, rétraction thoracobrachiale — creux axillaire)avec greffe de peau ultramince, 1 à 0,2 mm, non amplifiée,à trois semaines (importance des sites donneurs en termes decoloration finale des greffes). Le derme artificiel joue à lafois un rôle de couverture transitoire avec la restaurationd’un néoderme fonctionnel et cosmétique, une couverturesupérieure des structures sensibles (tendons, articulations).Elle insiste également sur les précautions à prendre (panse-ment, contrôle chirurgical postopératoire régulier, traite-ment local des points d’infection), rappelant au passage lerisque de perte du DE par infection avec décollement dusilicone, comme cela a déjà été observé avec l’Integra1.Compte-tenu des différents produits disponibles sur lemarché, elle souligne que la place des substituts dermiquesmono- et bicouche est à redéfinir, ainsi que la nécessitéd’une étude de stabilité dans le temps du derme reconstruit.

F. Wood (Perth — Australie), pionnière du transfert dekératinocytes en aérosol (Recell1), nous a présenté sesderniers travaux expérimentaux à la recherche d’une peautotale reconstruite, en associant Integra1 et Recell1.

Recell1, spray de kératinocytes préparé de manièreextemporanée au bloc opératoire, va faire l’objet d’uneévaluation nationale multicentrique prospective dans lecadre d’une étude STIC, à la rentrée 2008.

E. Bey (Clamart) a présenté l’expérience de l’HIA Percy etl’intérêt du système de thérapie par pression négative(VAC1) associé à l’utilisation de derme artificiel (Integra1).Utilisé avec une dépression de �75 mmHg, le système VAC1

facilite l’application parfaite du DE sur le site receveur avecune réduction du nombre de pansements (j0 et j6) et uneaccélération de la néoangiogénèse, objectivée sur des biop-sies avec analyse histologique. Le délai moyen de réalisationde la greffe de peau mince complémentaire est réduit à14 jours après pose du DE, avec un taux de prise évalué à100 %.

V. Casoli (Bordeaux) a insisté sur l’intérêt des substitutscutanés (Integra1) dans le traitement des plaies complexesdes extrémités (mains et pieds), à la fois en contexte :

� post-traumatique (exposition ostéoarticulaire, tendine-use) ;� néoplasique (deux cas de sarcome localisés à la main avec

mise à plat entraînant une exposition tendineuse et arti-culaire traitée par couverture par Intégra1, greffe der-moépidermique à trois semaines, radiothérapie à deuxmois postgreffe, avec des résultats fonctionnels à dis-tance de très bonne qualité) ;� postinfectieux (infection extensive du dos de la main) ;� et bien sûr dans le cadre de brûlures avec exposition

ostéoarticulaire et tendineuse.

Les avantages sont représentés par la qualité des résultatsfonctionnels et cosmétiques (souplesse et finesse de lacouverture), la limitation des phénomènes hypertrophiqueset des séquelles au site donneur, avec une disponibilitéimmédiate du DE. Les inconvénients restent le coût, la sensi-bilité à l’infection et la nécessité de deux temps opératoires.

J.P. Deleuze (Liège) a rapporté son expérience avecIntegra1 dans le traitement des plaies complexes en chirur-gie réparatrice, notamment celles avec expositions osseuseset tendineuses multiples. Il rappelle les phénomènes de

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rétraction transitoire fréquemment observés autour dutroisième mois, secondairement régressifs ; l’intérêt duméthode mécanique combinent palpe-roulé et drainage(LPG) débuté vers le troisième mois postopératoire (risqued’épidermolyse avant, compte-tenu de l’agressivité méca-nique du procédé) et la nécessité d’attendre neuf à 12 moisavant de réaliser un geste associé de ténolyse (risque denécrose cutanée si réalisation plus précoce autour du sixièmemois).

En conclusion : les dermes artificiels représentent uneavancée non négligeable dans le traitement des grandsbrûlés, à la fois au stade aigu (couverture conditionnéepar la gestion des sites donneurs restants) mais égalementau stade des séquelles (reconstruction du derme avec débri-dement de zones fonctionnelles pour rétraction, chéloïdes),comme en contexte post-traumatique, voire néoplasique.Pour répondre aux réserves émises par certains, notamment

sur le devenir réel de ces produits, une évaluation métho-dique des résultats fonctionnels à long terme s’impose.L’objectif attendu est la restitution ad integrum d’unnéoderme fonctionnel. . .

La SFETB donne de nouveau rendez-vous à ses membres, àArcachon en 2009, pour le prochain congrès de la société.

P. DuhamelService de chirurgie plastique et maxillofaciale,

centre de traitement des brûlés, hôpital d’instruction desarmées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse,

BP 406, 92141 Clamart, FranceAdresse e-mail : [email protected].

12 octobre 200814 octobre 2008