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A Bangui, la mort à découvert - Libération

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A Bangui, la mort à découvertTHOMAS HOFNUNG ENVOYÉ SPÉCIAL À BANGUI 27 DÉCEMBRE 2013 À 21:51

Des membres de la Croix Rouge préparent le sol pour enterrer des morts, le 27 décembre à Bangui. (Photo Andreea Campeanu.Reuters)

REPORTAGE Un premier charnier a été mis au jour, jeudi, dans

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la capitale centrafricaine.

Trente corps jetés au pied d’une colline de Bangui, «comme dans un dépotoir», dit

un magistrat. En milieu de semaine, alertés par des riverains, des enquêteurs locaux et internationaux ont

repéré un charnier sur les hauteurs de la capitale. Dans le climat d’extrême violence qui règne en

Centrafrique, «c’est finalement tout sauf une surprise», se lamente l’avocat Bruno Gbiegba, l’un

des responsables locaux de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat). «Dans cette ville où

l’on se tue tous les jours et où les cadavres traînent sur les trottoirs, comment pouvait-il en être

autrement ?»

Tortures.  L’affaire n’en est pas moins gênante. D’abord parce que les cadavres, selon le procureur

Ghislain Grésenguet, jonchaient un talus situé à quelques centaines de mètres seulement du camp de Roux,

l’un des QG de l’ex-Séléka, le mouvement (officiellement dissous) au pouvoir depuis mars à Bangui. Selon

plusieurs témoins, qui se sont rendus sur les lieux ou qui ont examiné des photographies prises par les

enquêteurs, certaines des victimes avaient les mains ligotées dans le dos. Plusieurs d’entre elles portaient

des traces de tortures. Elles ont été jetées là par vagues successives, note le procureur. Apparemment, avec

un sentiment d’impunité, puisque les responsables n’ont même pas pris la peine de chercher à le

dissimuler. La découverte du charnier est aussi gênante pour la communauté internationale, engagée dans

une périlleuse mission d’interposition en Centrafrique. Au début du mois, Paris a dépêché 1 600 hommes

dans son ex-colonie, avec la volonté affirmée d’enrayer, aux côtés des 4 000 soldats de la force africaine

d’interposition en Centrafrique, le cycle de violences. Dès le début de l’opération Sangaris, Paris a ordonné

le cantonnement des groupes armés à Bangui - autrement dit la Séléka -, désarmant ses membres en cas derefus. Mais les forces étrangères doivent aussi compter avec la capacité de nuisance grandissante des «anti-

 balaka», des milices constituées en opposition aux agissements de la Séléka.

La découverte de ce charnier témoigne de la poursuite effrénée des exactions à Bangui, malgré des

patrouilles quotidiennes des forces africaines et françaises. Selon le procureur Ghislain Grésenguet, les

corps ont été jetés il y a moins d’une semaine. Dans une capitale en état de siège, où des tirs sporadiques

peuvent éclater n’importe où et n’importe quand, nul n’est en mesure de savoir combien de personnes sont

portées disparues depuis le début de la crise, combien ont été kidnappées.  «Notre personnel local 

évoque le porte-à-porte terrifiant qui se déroule, de nuit, dans certains quartiers de la ville»,  confie un

fonctionnaire de l’ONU en poste à Bangui. Il ne cache pas son impuissance : «L’insécurité est telle qu’on

a du mal à se rendre dans les quartiers pour enquêter sur les exactions, même dans la journée. » Les

employés locaux ont d’ailleurs installé leurs propres familles dans l’enceinte de l’ONU à Bangui. Quelque

30 femmes et enfants campent à la cafétéria, où de grandes moustiquaires ont été accrochées. Au fil des

semaines, la capitale centrafricaine s’est ainsi transformée en un vaste camp de déplacés à ciel ouvert.

Selon les estimations du Haut-Commissariat pour les réfugiés, c’est désormais un habitant sur deux qui a

dû fuir son foyer pour se réfugier chez des proches, dans la cour d’une église ou d’une mosquée. Des

migrations pendulaires ont lieu quotidiennement : le jour, les Banguissois vaquent à leurs occupations,

avant de regagner à la nuit tombée non pas leur domicile - trop vulnérable -, mais un camp de fortune. En

espérant que le nombre les préservera de la violence.

Rumeur.  La découverte du charnier de la colline des Panthères n’est peut-être que la première d’une

longue série. Réfugié à la suite de menaces au QG de la force africaine, sur l’aéroport de Bangui, Joseph

Bindoumi, le président de la Ligue des droits de l’homme locale, assure disposer d’informations

«discrètes mais fiables» sur l’existence d’autres fosses communes. A Bangui, des organisations

internationales tentent de vérifier ce qui, pour l’heure, demeure à l’état de rumeur. «Les disparitionssont monnaie courante depuis des mois, souligne l’avocat Bruno Gbiegba.  Mais auprès de qui porter

 plainte ? Les audiences pénales à Bangui ont quasiment cessé depuis un an. »

Dans l’affaire du charnier de la colline des Panthères, le procureur a certes ouvert une enquête. Mais

comment la diligenter alors que les services de police et de gendarmerie ont été purement et simplement

rayés d’un trait de plume par la Séléka ? Jeudi, le magistrat confiait que les cadavres - en état de

décomposition avancée - avaient été ramassés par la Croix-Rouge et aussitôt enterrés. Toutefois, selon un

proche du dossier, deux des victimes, tuées très récemment, pourraient être identifiables, permettant ainsi

de remonter le fil des responsabilités. «Nous n’arriverons à rien tout seuls, prévient toutefois

l’avocat Bruno Gbiegba.  Nous avons absolument besoin d’une enquête internationale pour faire éclater

la vérité. Si la violence atteint un tel paroxysme aujourd’hui, c’est parce que notre pays erre depuis de

trop longues années dans un climat d’impunité totale. En Centrafrique, nous vivons tous comme des

morts en sursis.»

Thomas HOFNUNG Envoyé spécial à Bangui

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