2
formation | prévention 8 OptionBio | Lundi 20 avril 2009 | n° 417 L es héparines, malgré une diminution importante de la sur- venue de TIH (thrombopénie induite par l’héparine) avec l’utilisation des héparines de bas poids moléculaire (HBPM), présentent encore des inconvénients : utilisation de la voie intra- veineuse ou sous-cutanée, surveillance de la numération pla- quettaire, molécule d’origine animale. Les AVK (antivitamines K) présentent la première cause de morbidité et une mortalité iatrogène de par leurs nombreuses interactions médicamenteuses et alimentaires. Les dernières données de l’Afssaps datant de 1998 signalent 17 000 hos- pitalisations par an dues aux complications des AVK et une mortalité due aux AVK estimée entre 5 000 et 10 000 décès par an. De plus, la surveillance biologique réalisée par le suivi de l’INR est contraignante pour le patient. La recherche de nouvelles molécules anticoagulantes est intense avec pour objectifs une administration par voie orale, une origine synthétique, sans surveillance biologique, sans influence du régime alimentaire, avec peu d’interactions médicamenteuses. Ainsi, deux nouvelles molécules ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2008 : européenne pour le rivaroxaban, et européenne et française pour le dabigatran (tableau I). Le dabigatran Le dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine (anti-IIa) non peptidique, il se lie à la fois sur la thrombine libre et sur la thrombine liée au thrombus. Sous la forme de dabigatran étexilate, prodrogue, il est actif par voie orale après hydro- lyse dans l’organisme en dabigatran. Le pic plasmatique se situe autour de 6 heures après l’absorption, le cytochrome P450 n’intervient pas dans son métabolisme, son élimination est rénale à 85 %. Cette molécule de synthèse, à raison d’une prise par jour, ne nécessite pas de surveillance de l’hémostase ni de la numération plaquettaire, son métabo- lisme n’est pas influencé par l’alimentation. Des essais de phase 3 sur 8 000 patients Des essais de phase 3 (Re-Model, Re-Mobilize, Re-Novate) ont été réalisés en orthopédie dans la prévention primaire des thromboses veineuses profondes au décours d’une PTH (prothèse totale de hanche) ou PTG (prothèse totale du genou). Portant sur 8 000 patients recevant un traitement anticoagulant par dabigatran versus énoxaparine (Love- nox ® ), ils ont montré une efficacité identique évaluée par l’absence de survenue de thrombose et ont présenté moins de saignements dus aux traitements. La molécule commercialisée sous le nom de Pradaxa ® (AMM européenne et française en décembre 2008) se présente sous forme de gélules de 75 mg et de 110 mg. L’indica- tion thérapeutique est la prévention primaire des troubles thrombo-emboliques veineux chez l’adulte après chirurgie pour prothèse totale de hanche ou de genou. Le traitement est débuté une à quatre heures après la fin de l’intervention chirurgicale, à demi-dose (110 mg = 1 gélule) et se poursuit à une dose de 220 mg par jour (2 gélules en une seule prise). La durée du traitement est de 10 jours après prothèse totale du genou et de 28 à 35 jours après prothèse totale de la hanche. Les contre-indications majeures sont : l’insuffisance rénale majeure (clairance rénale calculée par la formule de Cockroft < 30 mL), la grossesse, l’allaitement, la prise de quinidine. La dose doit être réduite à 150 mg pour les sujets de plus de 75 ans, les patients sous amiodarone et si la clairance rénale est comprise entre 30 et 50 mL. Le rivaroxaban Le rivaroxaban est un inhibiteur sélectif direct du facteur Xa. Il est actif à la fois sur le facteur Xa libre comme les héparines et sur le facteur Xa lié au Va et/ou présent dans le complexe de la À propos de deux nouveaux anticoagulants À ce jour, les héparines et les AVK (antivitamines K) sont les principales classes thérapeutiques utilisées dans la prévention primaire et secondaire de la maladie thrombo-embolique veineuse et artérielle. Depuis 2008, deux nouvelles molécules ont obtenu une autorisation de mise sur le marché : européenne pour le rivaroxaban, et européenne et française pour le dabigatran. Quelle est leur place dans la famille des anticoagulants ? © BSIP/PHOTOTAKE/OH M.S Inhibition de la réaction en cascade de la coagulation. |

À propos de deux nouveaux anticoagulants

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: À propos de deux nouveaux anticoagulants

formation | prévention

8 OptionBio | Lundi 20 avril 2009 | n° 417

Les héparines, malgré une diminution importante de la sur-venue de TIH (thrombopénie induite par l’héparine) avec l’utilisation des héparines de bas poids moléculaire (HBPM),

présentent encore des inconvénients : utilisation de la voie intra-veineuse ou sous-cutanée, surveillance de la numération pla-quettaire, molécule d’origine animale.Les AVK (antivitamines K) présentent la première cause de morbidité et une mortalité iatrogène de par leurs nombreuses interactions médicamenteuses et alimentaires. Les dernières données de l’Afssaps datant de 1998 signalent 17 000 hos-pitalisations par an dues aux complications des AVK et une mortalité due aux AVK estimée entre 5 000 et 10 000 décès par an. De plus, la surveillance biologique réalisée par le suivi de l’INR est contraignante pour le patient.La recherche de nouvelles molécules anticoagulantes est intense avec pour objectifs une administration par voie orale, une origine synthétique, sans surveillance biologique, sans influence du régime alimentaire, avec peu d’interactions médicamenteuses.Ainsi, deux nouvelles molécules ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2008 : européenne pour le rivaroxaban, et européenne et française pour le dabigatran (tableau I).

Le dabigatranLe dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine (anti-IIa) non peptidique, il se lie à la fois sur la thrombine libre et sur

la thrombine liée au thrombus. Sous la forme de dabigatran étexilate, prodrogue, il est actif par voie orale après hydro-lyse dans l’organisme en dabigatran. Le pic plasmatique se situe autour de 6 heures après l’absorption, le cytochrome P450 n’intervient pas dans son métabolisme, son élimination est rénale à 85 %. Cette molécule de synthèse, à raison d’une prise par jour, ne nécessite pas de surveillance de l’hémostase ni de la numération plaquettaire, son métabo-lisme n’est pas influencé par l’alimentation.

Des essais de phase 3 sur 8 000 patientsDes essais de phase 3 (Re-Model, Re-Mobilize, Re-Novate) ont été réalisés en orthopédie dans la prévention primaire des thromboses veineuses profondes au décours d’une PTH (prothèse totale de hanche) ou PTG (prothèse totale du genou). Portant sur 8 000 patients recevant un traitement anticoagulant par dabigatran versus énoxaparine (Love-nox®), ils ont montré une efficacité identique évaluée par l’absence de survenue de thrombose et ont présenté moins de saignements dus aux traitements.La molécule commercialisée sous le nom de Pradaxa® (AMM européenne et française en décembre 2008) se présente sous forme de gélules de 75 mg et de 110 mg. L’indica-tion thérapeutique est la prévention primaire des troubles thrombo-emboliques veineux chez l’adulte après chirurgie pour prothèse totale de hanche ou de genou.Le traitement est débuté une à quatre heures après la fin de l’intervention chirurgicale, à demi-dose (110 mg = 1 gélule) et se poursuit à une dose de 220 mg par jour (2 gélules en une seule prise).La durée du traitement est de 10 jours après prothèse totale du genou et de 28 à 35 jours après prothèse totale de la hanche.Les contre-indications majeures sont : l’insuffisance rénale majeure (clairance rénale calculée par la formule de Cockroft < 30 mL), la grossesse, l’allaitement, la prise de quinidine.La dose doit être réduite à 150 mg pour les sujets de plus de 75 ans, les patients sous amiodarone et si la clairance rénale est comprise entre 30 et 50 mL.

Le rivaroxabanLe rivaroxaban est un inhibiteur sélectif direct du facteur Xa. Il est actif à la fois sur le facteur Xa libre comme les héparines et sur le facteur Xa lié au Va et/ou présent dans le complexe de la

À propos de deux nouveaux anticoagulants

À ce jour, les héparines et les AVK (antivitamines K) sont les principales classes thérapeutiques utilisées dans la prévention primaire et secondaire de la maladie thrombo-embolique veineuse et artérielle. Depuis 2008, deux nouvelles molécules ont obtenu une autorisation de mise sur le marché : européenne pour le rivaroxaban, et européenne et française pour le dabigatran. Quelle est leur place dans la famille des anticoagulants ?

© B

SIP

/PH

OTO

TAK

E/O

H M

.S

Inhibition de la réaction en cascade de la coagulation. |

Page 2: À propos de deux nouveaux anticoagulants

prévention | formation

9OptionBio | Lundi 20 avril 2009 | n° 417

Tableau I. Les principaux anticoagulants et leur mode d’action

Modification de la synthèse

des facteurs pro-coagulantsInhibition de facteurs pro-coagulants

AVK

Liaison à l’antithrombineInhibiteurs directs du FIIa

(pas de liaison à l’AT)

Directs

du FXaInhibiteurs indirects

FIIa et FXa

Inh. spécifique

du FXa

Warfarine, Coumadine® Acénocoumarol, Sintrom®,Mini-Sintrom® Fluindione, Préviscan®

HNF HBPM : action préférentielle

sur FXa

Héparinoïdes Préparations injectables Non peptidiques, actifs par voie orale

Rivaroxaban, Xarelto® par voie orale

Peptidiques analogues

de l’hirudine

Inhibiteur synthétique

Héparine sodique IV® Calciparine SC®

Daltérapine sodique, Fragmine®

Enoxaparine sodique, Lovenox® Nadroparine calcique, Fraxiparine®, Fraxodi® Tinzaparine sodique, Innohep®

Danaparoïde sodique, Orgaran®

Fondaparinux sodique,Arixtra®

Lépirudine, Refludan® Désirudine, Revasc® Bivalirudine, Angiox®

Argatroban Agrata® (ATU)

Ximégalatran (molécule abandonnée) Dabigatran, Pradaxa®

prothrombinase. Administré par voie orale, sa biodisponibi-lité est de 80 %, avec une demi-vie d’environ 9 heures chez le sujet sain et d’environ 12 heures chez le sujet de plus de 75 ans, son métabolisme est principalement hépatique. Son élimination est rénale à 70 %, biliaire à 30 %.

Quatre études de phase 3 sur 12 500 patientsQuatre études de phase 3 (Record 1 à 4) incluant 12 500 patients comparaient rivaroxaban à l’énoxaparine dans le traitement de la PTH (5 semaines) et de la PTG (10 à 14 jours).Trois de ces études ont montré une plus grande efficacité du rivaroxaban versus énoxaparine à 40 mg, la 4e étude a montré une efficacité comparable.Le nombre de saignements majeurs ne présentait pas de différence significative. Enfin le rivaroxaban ne présente pas sur ces 4 études de toxicité hépatique ou cardiaque.Le rivaroxaban a obtenu l’AMM européenne (il n’a pas encore l’AMM française) sous le nom de Xarelto® dans la prophylaxie des thromboses en cas d’intervention orthopédique majeure des membres inférieurs chez l’adulte (PTG et PTH). Le traite-ment est débuté 6 à 10 heures après l’opération, la prise orale est de 10 mg une fois par jour. La dose est indépendante de l’âge, du poids et du sexe. Les contre-indications majeures sont : l’insuffisance rénale majeure (clairance rénale calculée par la formule de Cockroft < 30 mL), la grossesse, l’allaite-ment, la maladie gastro-intestinale ulcéreuse.

RésultatsCes nouvelles molécules révolutionnent la prise en charge du patient dans la prévention primaire des thromboses des PTH et PTG. En effet, le traitement débute après l’opération, ne nécessite pas de surveillance biologique, ne présente pas d’interactions médicamenteuses majeures et s’administre par voie orale.Il faut toutefois conserver la plus grande prudence quant à l’élargissement des indications thérapeutiques.

En effet, aucun antidote spécifique n’est pour l’instant connu en cas de surdosage ou d’hémorragies massives.Il faudra de plus confirmer leur efficacité et leur innocuité sur l’ensemble des populations traitées. |

“… avec le G8, Tosoh nous offre le n°1 des automatesHPLC et un réel support pour l’accréditation de l’HbA1c.”

AUTOMATE HPLC POUR LE DOSAGE

DE L’HÉMOGLOBINE GLYQUÉE

G8.

+ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + +

+ + + + + + + + + + + + + + + +

www.tosohbioscience.eu

34, quai Charles de Gaulle - 69 006 Lyon - Tél. +33 (0)4 37 48 87 50

PASS ACCREDITATION

AURÉLIE CONTE

Interne en biologie,

Hôtel-Dieu (Paris)

[email protected]