Pratiques en nutrition • n° 47 • juillet-septembre 2016 •34

Mots clés - alimentation ; diététique ; musculation ; protéine ; sport

Keywords - diet; dietetics; protein; sport; weight training

consultationdiététique

© 2016 Publié par Elsevier Masson SAShttp://dx.doi.org/10.1016/j.pranut.2016.06.010

Accompagnement diététique des “nouveaux sportifs” S’il existe un domaine où de nombreuses croyances diététiques sont véhiculées, c’est bien celui du sport. L’idée selon laquelle avoir une activité physique est la clé de la minceur prédomine. Les salles de musculation se développent massivement. L’image du corps standardisé y est plébiscitée et la diététique alimente les conversations. Certains de leurs clients, en quête d’informations validées, consultent cependant des diététiciens.

Dietary support of the ‘new athletes’. If there is one field in which numerous dietary beliefs are propagated, it is that of sport. The idea that doing a physical activity is the key to slimness is dominant. Weight training gyms are developing rapidly. The attainment of the standardised body is highly sought after in these gyms and dietetics frequently discussed. Some of their customers however, in search of validated information, choose to consult dieticians.

L es salles de musculation sont particulièrement prisées et, dans certaines, les étagères

débordent de produits diététiques. Les clients franchissent souvent les portes de ces espaces en quête de minceur, de musculature et de résultats rapides. Associée au programme d’entraînement, la consommation de compléments alimentaires à base de protéines y est souvent préconisée. La plupart du temps, les connais-sances diététiques se transmet-tent de “coach” à client, de sportif aguerri à sportif néophyte, de site internet en site internet, mais sans réel fondement.Certains sportifs, clients de ces salles de musculation, en recherche d’une alimentation saine, finissent par consulter une diététicienne. Cette démarche est guidée par la volonté de se rassurer par rap-port à leur nouveau mode de vie alliant sport et équilibre alimentaire. Ils souhaitent aussi être conseillés sur un régime adapté à leur activité et permettant de développer leur masse musculaire.

La rencontre avec le patient Lors de la première rencontre, le patient type expose le motif qui l’a amené à consulter : il souhaite savoir de quelle façon améliorer son alimentation. Il a décidé d’avoir une vie plus saine et de solliciter l’aide d’une diététicienne.

FF Il s’agit souvent d’un jeune homme, étudiant, qui ne semble pas avoir de problème de poids. C’est au cours de la discussion portant sur ses habitudes de vie, son alimentation et son parcours, qu’il finit par expliquer ce qui motive réellement sa démarche.Enfant et adolescent, il a pratiqué au moins un sport en club. Lorsqu’il a quitté le domicile familial pour poursuivre ses études, il a arrêté ses activités sportives, modifié son alimentation et, selon lui, grossi. Toutefois, son poids ne l’ayant jamais préoccupé, il est souvent incapable de dire combien de kilos il a réellement pris.Le patient explique s’être mis au régime depuis quelques mois et s’être inscrit dans une salle

de musculation qu’il fréquente 4 heures par semaine en moyenne (deux séances de 2 heures). Dans cette salle, il lui a été conseillé de compléter son alimentation par une prise quotidienne de protéines en poudre (“Whey” protéines1) à dis-soudre dans de l’eau ou du lait. Il lui a été expliqué que les pro-téines allaient lui faire gagner de la masse musculaire en lui permettant de “reconstituer” le muscle après chaque séance. Il s’est, par la suite, documenté sur internet dans le but d’être incollable sur les quantités de protéines à ingérer en fonction du résultat recherché, les moments les plus appropriés pour les consommer et les régimes alimentaires adaptés à la musculation.

FF Son souhait, en consultant une diététicienne, est de perdre de la masse grasse car il a déjà bien “développé” sa masse muscu-laire ; maintenant il veut “sécher”. En musculation, la “sèche” corres-pond à un régime alimentaire qui vise à diminuer le plus possible la masse grasse tout en conservant la masse musculaire ; les muscles

© 2016 Publié par Elsevier Masson SAS

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Stéphanie LabojkaDiététicienne

nutritionniste libérale

Adresse e-mail : stephanie.labojkag@mail.com

(S. Labojka).

21 avenue Foch, 94100 Saint-Maur, France

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Déclaration de liens d’intérêtsL’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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consultation

apparaissent alors plus saillants, mieux dessinés. Pour simplifier, cela consiste à diminuer de façon importante ses apports en énergie afin, qu’après quelques semaines, seuls les muscles soient visibles.

L’enquête alimentaireIl convient de demander au patient d’expliquer comment se compose son alimentation. Le plus souvent, la diététicienne est surprise par la nature de ses repas et par sa capa-cité à fournir des quantités assez précises. Pas de doute, il s’est bien mis au régime.

FF La composition des repas varie peu chez ce type de spor-tifs. Finalement, ils suivent tous le régime alimentaire préconisé sur de nombreux sites internet ou forums :• au petit déjeuner, un yaourt à

0 % ou un bol de lait, accompa-gné parfois de quelques céréales, d’un fruit et/ou d’un jus de fruits ;

• au déjeuner, des légumes, des féculents cuits (souvent pesés), un morceau de viande (essentiel-lement de la viande blanche, peu grasse) et un fruit ;

• au dîner, une salade ou des légumes cuits, une viande ou un poisson, et parfois un fruit.

À 10 et 16 heures, le patient avale sa “potion magique” : une cuillère de poudre (contenant 25 à 30 g de protéines) mélangée à de l’eau ou du lait. Alors qu’au début, ces colla-tions n’étaient au menu que les jours d’entraînement, elles sont devenues quotidiennes. Au coucher, il ingère souvent 30 g de caséines2.

FF En journée, l’eau est privilé-giée, et encore plus pendant les séances de musculation. Le sportif s’est également souvent converti au thé “spécial drainage”. Les sodas ainsi que toutes les boissons sucrées et alcoolisées ont été ban-nis. Il dit ne pas ressentir la faim, ce qui est, de son point de vue, le signe qu’il a trouvé un équilibre alimentaire.

Le point de vue de la diététicienne La plupart du temps, les adeptes de la musculation en salle s’infligent, sur de courtes périodes, de grandes restrictions alimentaires, qui influent souvent sur leur vie sociale. Pour être sûrs de ne pas faire d’écart à la ligne de conduite qu’ils se sont fixée, certains évitent, en effet, toutes les sorties risquant de les confronter aux aliments qu’ils se sont interdits (chips, pizza, gâteaux, soda, alcool… ).Ils sont tellement ravis de l’évolution de leur corps, du dessin de leurs muscles qu’ils perdent de vue les choses essentielles.

La prise en chargeCe n’est pas toujours aisé d’abor-der ce type de consultation durant laquelle le patient est convaincu du bien-fondé de son régime alimen-taire. Effectivement, il est plutôt fier de ce qu’il a accompli en termes d’activité physique et d’alimenta-tion. Après tout, c’est bien ce qui est partout recommandé : équilibre alimentaire et sport. Il recherche juste des conseils supplémentaires pour “sécher” et ne s’attend pas à ce qu’une diététicienne remette en cause ses choix.

FF Les objectifs du suivi diété-tique seront de lui faire prendre conscience de plusieurs élé-ments : la dangerosité potentielle de l’ingestion de fortes doses de protéines pour son organisme, la monotonie de son régime ali-mentaire, l’absence de plaisir lié à l’alimentation, la disparition des sensations alimentaires, et le risque de reprise de poids après quelques mois ou années, car il est impos-sible de supporter de telles restric-tions sur le long terme. Il est aussi important que les résolutions ne se prennent pas au détriment de la vie sociale. Ce patient doit recom-mencer à sortir avec ses amis, sans culpabiliser. S’il n’est pas encore prêt à entendre qu’il doit arrêter la

prise de protéines, une diminution progressive de leur consommation est une alternative à envisager.

FF Il faut essayer de ne pas bra-quer son patient dès la première consultation. Bien qu’il ne soit, en général, ni un sportif de haut niveau, ni un sportif “intensif”, le risque est de ne plus le revoir si les choses lui sont exposées trop brutalement.Il est préférable de lui expliquer, au fil des consultations, le caractère délétère et inutile des protéines (que ce soit au regard du travail supplémentaire infligé aux reins ou des sommes d’argent dépensées), les aspects négatifs du régime ali-mentaire et de le laisser réfléchir sur l’absence d’intérêt d’avoir un corps plus ou moins identique à celui de tous les hommes fréquentant des salles de musculation.En affirmant directement qu’il faut arrêter les protéines, qu’il ne pratique pas un sport à un niveau d’intensité tel que celles-ci lui seraient utiles et que son régime alimentaire est trop restrictif, il est fort probable que le patient, vexé, ne souhaitera pas poursuivre le suivi diététique.

ConclusionHeureusement, toutes les salles de musculation ne proposent pas ce genre de programme à leurs clients, et tous les “coachs” qui y travaillent n’incitent pas à la consommation de protéines et de compléments alimentaires. Toutefois, internet regorge de sites dédiés à la mus-culation, témoignages à l’appui, proposant des liens vers les sites marchands permettant de se pro-curer les fameuses poudres de protéines. Beaucoup de sportifs amateurs, surtout ceux qui sont adeptes de la musculation, ont une idée bien ancrée de l’objectif cor-porel qu’ils souhaitent atteindre, et sont prêts à tout pour y arriver. Pour les aider dans leur parcours, il est nécessaire de créer une vraie relation de confiance avec eux. w

Notes1 “Whey” : protéines d’action rapide qui “reconstruisent” la fibre musculaire en 2 heures environ.2 Caséines : protéines lentes qui “reconstruisent” la fibre musculaire en 2 à 6 heures.