100
GRANDE CHAMBRE AFFAIRE PARRILLO c. ITALIE (Requête n o 46470/11) ARRÊT STRASBOURG 27 août 2015 Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

Affaire Parrillo c. Italie

  • Upload
    elenafa

  • View
    183

  • Download
    3

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Corte europea dei diritti umani

Citation preview

  • GRANDE CHAMBRE

    AFFAIRE PARRILLO c. ITALIE

    (Requte no 46470/11)

    ARRT

    STRASBOURG

    27 aot 2015

    Cet arrt est dfinitif. Il peut subir des retouches de forme.

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 1

    En laffaire Parrillo c. Italie, La Cour europenne des droits de lhomme, sigeant en une Grande

    Chambre compose de :

    Dean Spielmann, prsident,

    Josep Casadevall,

    Guido Raimondi,

    Mark Villiger,

    Isabelle Berro,

    Ineta Ziemele,

    George Nicolaou,

    Andrs Saj,

    Ann Power-Forde,

    Neboja Vuini, Ganna Yudkivska,

    Vincent A. De Gaetano,

    Julia Laffranque,

    Paulo Pinto de Albuquerque,

    Helen Keller,

    Faris Vehabovi, Dmitry Dedov, juges,

    et de Johan Callewaert, greffier adjoint de la Grande Chambre,

    Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 18 juin 2014 et

    22 avril 2015,

    Rend larrt que voici, adopt cette dernire date :

    PROCDURE

    1. lorigine de laffaire se trouve une requte (no 46470/11) dirige contre la Rpublique italienne et dont une ressortissante de cet tat,

    Mme Adelina Parrillo ( la requrante ), a saisi la Cour le 26 juillet 2011 en

    vertu de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales ( la Convention ).

    2. La requrante a t reprsente par Mes Nicol Paoletti, Claudia

    Sartori et Natalia Paoletti, avocats Rome. Le gouvernement italien ( le

    Gouvernement ) a t reprsent par ses co-agents, Mme Paola Accardo et

    M. Gianluca Mauro Pellegrini.

    3. La requrante allguait en particulier que linterdiction, dicte par larticle 13 de la loi no 40 du 19 fvrier 2004, de donner la recherche scientifique des embryons conus par procration mdicalement assiste

    tait incompatible avec son droit au respect de sa vie prive et son droit au

    respect de ses biens, protgs respectivement par larticle 8 de la Convention et larticle 1 du Protocole no 1 la Convention. Elle se plaignait

  • 2 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    galement dune violation de la libert dexpression garantie par larticle 10 de la Convention, dont la recherche scientifique constitue ses yeux un

    aspect fondamental.

    4. La requte a t attribue la deuxime section de la Cour

    (article 52 1 du rglement de la Cour).

    5. Le 28 mai 2013, les griefs tirs de larticle 8 de la Convention et de larticle 1 du Protocole no 1 la Convention ont t communiqus au Gouvernement et la requte a t dclare irrecevable pour le surplus.

    6. Le 28 janvier 2014, une chambre de la deuxime section compose de

    Il Karaka, prsidente, Guido Raimondi, Peer Lorenzen, Dragoljub Popovi, Andrs Saj, Neboja Vuini et Paulo Pinto de Albuquerque, juges, ainsi que de Stanley Naismith, greffier de section, sest dessaisie au profit de la Grande Chambre, aucune des parties ne sy tant oppose (article 30 de la Convention et article 72 du rglement).

    7. La composition de la Grande Chambre a t arrte conformment

    larticle 26 4 et 5 de la Convention et larticle 24 du rglement. 8. Tant la requrante que le Gouvernement ont dpos un mmoire sur la

    recevabilit et sur le fond de laffaire. 9. Le Centre europen pour la justice et les droits de lhomme

    (l ECLJ ), les associations Movimento per la vita , Scienza e vita , Forum delle associazioni familiari , Luca Coscioni , Amica Cicogna

    Onlus , Laltra cicogna Onlus , Cerco bimbo , VOX Osservatorio italiano sui Diritti , SIFES Society of Fertility, Sterility and Reproductive Medicine et Cittadinanzattiva ainsi que quarante-six

    membres du Parlement italien se sont vu accorder lautorisation dintervenir dans la procdure crite (article 36 2 de la Convention et article 44 3 du

    rglement).

    10. Une audience sest droule en public au Palais des droits de lhomme, Strasbourg, le 18 juin 2014 (article 59 3 du rglement).

    Ont comparu :

    pour le Gouvernement Mme P. ACCARDO co-agente,

    M. G. MAURO PELLEGRINI co-agent,

    Mme A. MORRESI, membre du Comit national

    pour la biothique et professeur de chimie

    physique au Dpartement de chimie,

    biologie et biotechnologie de luniversit de Prouse conseillre,

    Mme D. FEHILY, inspectrice et conseillre technique

    auprs du Centre national de transplantation

    de Rome conseillre ;

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 3

    pour la requrante M. N. PAOLETTI ;

    Mme C. SARTORI ;

    Mme N. PAOLETTI, avocats, conseils,

    M. M. DE LUCA, professeur de biochimie et

    directeur du Centre pour la mdecine

    rgnrative Stefano Ferrari de

    luniversit de Modne et Reggio Emilia, conseiller.

    La Cour a entendu en leurs dclarations Mme P. Accardo,

    Mme A. Morresi, M. N. Paoletti, M. M. De Luca et Mme C. Sartori, ainsi que

    Mme P. Accardo, M. G. Mauro Pellegrini, M. M. De Luca, Mme N. Paoletti

    et M. N. Paoletti en leurs rponses aux questions poses par les juges.

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    11. La requrante est ne en 1954 et rside Rome.

    12. En 2002, elle eut recours aux techniques de la procration

    mdicalement assiste, effectuant une fcondation in vitro avec son

    compagnon au Centre de mdecine reproductive du European Hospital ( le

    centre ) de Rome. Les cinq embryons issus de cette fcondation furent

    cryoconservs.

    13. Avant quune implantation ne soit effectue, le compagnon de la requrante dcda le 12 novembre 2003 lors dun attentat Nasiriya (Iraq), alors quil ralisait un reportage de guerre.

    14. Ayant renonc dmarrer une grossesse, la requrante dcida de

    donner ses embryons la recherche scientifique pour contribuer au progrs

    du traitement des maladies difficilement curables.

    15. Daprs les informations fournies lors de laudience devant la Grande Chambre, la requrante formula oralement plusieurs demandes de

    mise disposition de ses embryons auprs du centre dans lequel ceux-ci

    taient conservs, en vain.

    16. Par une lettre du 14 dcembre 2011, la requrante demanda au

    directeur du centre de mettre sa disposition les cinq embryons

    cryoconservs afin que ceux-ci servent la recherche sur les cellules

    souches. Le directeur rejeta cette demande, indiquant que ce genre de

    recherches tait interdit et sanctionn pnalement en Italie, en application de

    larticle 13 de la loi no 40 du 19 fvrier 2004 ( la loi no 40/2004 ). 17. Les embryons en question sont actuellement conservs dans la

    banque cryognique du centre o la fcondation in vitro a t effectue.

  • 4 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

    A. La loi no 40 du 19 fvrier 2004, entre en vigueur le 10 mars 2004

    ( Normes en matire de fcondation mdicalement assiste )

    Article 1 Finalit

    1. Afin de remdier aux problmes reproductifs dcoulant de la strilit ou de

    linfertilit humaines, il est permis de recourir la procration mdicalement assiste dans les conditions et selon les modalits prvues par la prsente loi, qui garantit les

    droits de toutes les personnes concernes, y compris ceux du sujet ainsi conu.

    Article 5 Conditions daccs

    (...) [seuls] des couples [composs de personnes] majeur[e]s, de sexe diffrent,

    mari[e]s ou menant une vie commune, en ge de procrer et vivantes peuvent

    recourir aux techniques de la procration mdicalement assiste.

    Article 13 Exprimentation sur lembryon humain

    1. Toute exprimentation sur lembryon humain est interdite.

    2. La recherche clinique et exprimentale sur lembryon humain ne peut tre autorise que si elle poursuit exclusivement des finalits thrapeutiques et

    diagnostiques tendant la protection de la sant ainsi quau dveloppement de lembryon et sil nexiste pas dautres mthodes.

    (...)

    4. La violation de linterdiction prvue lalina 1er est punie dune peine de deux six ans demprisonnement et dune amende de 50 000 150 000 euros. (...)

    5. Tout professionnel de la sant condamn pour une infraction prvue au prsent

    article fera lobjet dune suspension dexercice professionnel pour une dure de un trois ans.

    Article 14 Limites lapplication des techniques sur lembryon

    1. La cryoconservation et la suppression dembryons sont interdites, sans prjudice des dispositions de la loi no 194 du 22 mai 1978 [normes sur la protection

    sociale de la maternit et sur linterruption volontaire de grossesse].

    2. Les techniques de production dembryons ne peuvent conduire la cration dun nombre dembryons suprieur celui strictement ncessaire la ralisation dune implantation unique et simultane, ce nombre ne pouvant en aucun cas tre suprieur

    trois.

    3. Lorsque le transfert des embryons dans lutrus est impossible pour des causes de force majeure grave et prouve concernant ltat de sant de la femme qui ntaient pas prvisibles au moment de la fcondation, la cryoconservation des embryons est

    autorise jusqu la date du transfert, qui sera effectu aussitt que possible.

    18. Par un arrt no 151 du 1er avril 2009 (voir les paragraphes 29-31 ci-

    dessous), la Cour constitutionnelle dclara inconstitutionnelle la disposition

    du deuxime alina de larticle 14 de la loi no 40/2004 selon laquelle les techniques de production dembryons ne peuvent conduire la cration dun

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 5

    nombre dembryons suprieur celui strictement ncessaire la ralisation dune implantation unique et simultane, ce nombre ne pouvant en aucun cas tre suprieur trois . Elle jugea inconstitutionnel lalina 3 du mme article au motif quil ne prvoyait pas que le transfert des embryons devait tre effectu sans porter prjudice la sant de la femme.

    B. Lavis du Comit national pour la biothique concernant ladoption pour la naissance ( ADP ) (18 novembre 2005)

    19. la suite de ladoption de la loi no 40/2004, le Comit national pour la biothique sest pench sur la question du sort des embryons cryoconservs en tat dabandon, la loi ne prvoyant aucune disposition spcifique ce sujet, se limitant interdire implicitement lutilisation des embryons surnumraires des fins de recherche scientifique.

    20. cet gard, le Comit a mis un avis favorable l adoption pour la naissance , pratique consistant pour un couple ou une femme adopter

    des embryons surnumraires des fins dimplantation et permettant dutiliser les embryons en question dans une perspective de vie et de ralisation dun projet familial.

    C. Le dcret du ministre de la Sant du 11 avril 2008 ( Notes

    explicatives en matire de procration mdicalement assiste )

    (...) Cryoconservation des embryons : Deux catgories dembryons sont susceptibles de faire lobjet dune cryoconservation : la premire est celle des embryons qui sont en attente dune implantation, y compris ceux ayant fait lobjet dune cryoconservation avant lentre en vigueur de la loi no 40 de 2004 ; la deuxime est celle des embryons dont ltat dabandon a t certifi (...).

    D. Le rapport final de la Commission dtude sur les embryons du 8 janvier 2010

    21. Par un dcret du 25 juin 2009, le ministre de la Sant institua une

    Commission dtude sur les embryons cryoconservs dans les centres de procration mdicalement assiste. Le rapport final de cette commission,

    adopt la majorit le 8 janvier 2010, expose ce qui suit :

    Linterdiction lgale de supprimer les embryons doit tre comprise comme signifiant que la cryoconservation ne peut tre interrompue que dans deux cas :

    lorsquon peut implanter lembryon dcongel dans lutrus de la mre ou dune femme dispose laccueillir, ou lorsquil est possible den certifier scientifiquement la mort naturelle ou la perte dfinitive de viabilit en tant quorganisme. En ltat actuel des connaissances [scientifiques], on ne peut sassurer de la viabilit dun embryon quen le dcongelant, situation paradoxale puisquun embryon dcongel ne peut tre recongel et quil mourra invitablement sil nest pas immdiatement implant in utero. Do la perspective tutioriste dune possible conservation sans limite de temps des embryons congels. Quoiquil en soit, il y a lieu de noter que le

  • 6 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    progrs de la recherche scientifique permettra de connatre les critres et les

    mthodologies pour diagnostiquer la mort ou tout le moins la perte de viabilit

    dembryons cryoconservs : il sera ainsi possible de surmonter le paradoxe actuel, invitable du point de vue lgal, dune cryoconservation qui pourrait ne jamais avoir de fin. Dans lattente de ces rsultats, [il convient de raffirmer] que lon ne peut ignorer que larticle 14 de la loi no 40 de 2004 interdit expressment la suppression dembryons, y compris ceux qui sont cryoconservs. cela sajoute que, pour ce qui est du sort des embryons surnumraires, le lgislateur de la loi no 40 a choisi leur

    conservation et non pas leur destruction, faisait ainsi prvaloir lobjectif de leur maintien en vie, mme lorsque leur sort est incertain.

    E. La Constitution de la Rpublique italienne

    22. Les articles pertinents de la Constitution se lisent ainsi :

    Article 9

    La Rpublique promeut le dveloppement de la culture et de la recherche

    scientifique et technique. (...)

    Article 32

    La Rpublique protge la sant en tant que droit fondamental de lindividu et intrt de la collectivit. (...)

    Article 117

    Le pouvoir lgislatif est exerc par ltat et les Rgions dans le respect de la Constitution, aussi bien que des contraintes dcoulant de lordre juridique communautaire et des obligations internationales. (...)

    F. Les arrts de la Cour constitutionnelle nos 348 et 349 du

    24 octobre 2007

    23. Ces arrts rpondent des questions que la Cour de cassation et une

    cour territoriale avaient souleves quant la compatibilit du dcret-loi

    no 333 du 11 juillet 1992 relatif aux critres de calcul des indemnits

    dexpropriation avec la Constitution et avec larticle 6 1 de la Convention et larticle 1 du Protocole no 1 la Convention. Ils tiennent compte de larrt Scordino c. Italie (no 1) ([GC], no 36813/97, CEDH 2006-V) rendu par la

    Grande Chambre de la Cour.

    24. Dans ces arrts, aprs avoir rappel lobligation pour le lgislateur de respecter les obligations internationales (article 117 de la Constitution),

    la Cour constitutionnelle a dfini la place accorde la Convention des

    droits de lhomme dans les sources du droit interne, considrant que celle-ci tait une norme de rang intermdiaire entre la loi ordinaire et la

    Constitution. En outre, elle a prcis quil appartenait au juge du fond dinterprter la norme interne de manire conforme la Convention des droits de lhomme et la jurisprudence de la Cour (voir larrt no 349,

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 7

    paragraphe 26, point 6.2, ci-dessous) et que, lorsquune telle interprtation se rvlait impossible ou que celui-ci avait des doutes quant la

    compatibilit de la norme interne avec la Convention, il tait tenu de

    soulever une question de constitutionnalit devant elle.

    25. Les passages pertinents de larrt no 348 du 24 octobre 2007 se lisent comme suit :

    4.2. (...) Il est ncessaire de dfinir le rang et le rle des normes de la Convention

    europenne des droits de lhomme afin de dterminer, la lumire de [larticle 117 de la Constitution], quelle est leur incidence sur lordre juridique italien. (...)

    4.3. [En effet], si dun ct [ces normes] compltent la protection des droits fondamentaux et contribuent ainsi la mise en uvre des valeurs et des principes fondamentaux protgs aussi par la Constitution italienne, dun autre ct, elles restent formellement de simples sources de rang primaire. (...)

    Aujourdhui, la Cour constitutionnelle est donc appele clarifier la question normative et institutionnelle [pose ci-dessus], qui a dimportantes consquences pratiques pour le travail quotidien des oprateurs du droit. (...)

    Le juge ordinaire ne saurait dcider dcarter une disposition de la loi ordinaire juge par lui incompatible avec une norme de la Convention europenne des droits de

    lhomme, car cette incompatibilit prsume soulve une question de constitutionnalit portant sur la violation ventuelle du premier alina de larticle 117 de la Constitution et relevant [ ce titre] de la comptence exclusive du juge des lois.

    (...)

    4.5. (...) Le principe nonc au premier alina de larticle 117 de la Constitution ne peut devenir concrtement oprationnel que si les obligations internationales

    contraignantes pour les pouvoirs lgislatifs de ltat et des Rgions sont dment dfinies. (...)

    4.6. [Or] par rapport aux autres traits internationaux, la Convention europenne

    des droits de lhomme prsente la particularit davoir institu un organe juridictionnel, la Cour europenne des droits de lhomme, ayant comptence pour interprter les normes de la Convention. En effet, larticle 32 1 [de la Convention] prvoit que la comptence de la Cour stend toutes les questions concernant linterprtation et lapplication de la Convention et de ses Protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prvues par les articles 33, 34, 46 et 47. .

    Ds lors que les normes juridiques acquirent leur sens (vivono) au travers de

    linterprtation qui leur est donne par les oprateurs du droit, au premier chef les juges, il dcoule naturellement de larticle 32 1 de la Convention que, en signant la Convention europenne des droits de lhomme et en la ratifiant, lItalie sest notamment engage, au titre de ses obligations internationales, adapter sa lgislation

    aux normes de la Convention selon la signification que leur attribue la Cour

    [europenne des droits de lhomme], laquelle a t institue dans le but de les interprter et de les appliquer. On ne saurait donc parler dune comptence juridictionnelle qui sajouterait celle des organes judiciaires de ltat, mais plutt dune fonction interprtative minente que les tats contractants ont reconnue la Cour europenne, contribuant ainsi prciser leurs obligations internationales en la

    matire.

    4.7. Il ne faut pas en dduire que les dispositions de la Convention europenne des

    droits de lhomme, telles quinterprtes par la Cour de Strasbourg, ont valeur de normes constitutionnelles et quelles chappent ce titre au contrle de

  • 8 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    constitutionnalit exerc par la Cour constitutionnelle. Il est dautant plus ncessaire que les normes en question soient conformes la Constitution quelles compltent des principes constitutionnels tout en restant des normes de rang infra-constitutionnel. (...)

    Ds lors que, comme indiqu ci-dessus, les dispositions de la Convention

    europenne des droits de lhomme acquirent leur sens au travers de linterprtation qui leur est donne par la Cour europenne, le contrle de constitutionnalit doit

    porter sur les normes produites par cette interprtation, non sur ces dispositions

    considres en elles-mmes. Par ailleurs, les dcisions de la Cour de Strasbourg ne

    sont pas inconditionnellement contraignantes aux fins du contrle de

    constitutionnalit des lois nationales. Ledit contrle doit toujours chercher mettre en

    balance la contrainte dcoulant des obligations internationales impose par le premier

    alina de larticle 117 de la Constitution dune part, et la protection des intrts bnficiant dune garantie constitutionnelle reconnue par dautres articles de la Constitution dautre part. (...)

    5. Il ressort des principes mthodologiques exposs ci-dessus que, pour procder au

    contrle de constitutionnalit demand par la cour de renvoi, il convient de rechercher

    a) sil y a une contradiction qui ne peut tre surmonte par voie dinterprtation entre la disposition nationale en cause et les normes de la Convention europenne des droits

    de lhomme, telles quinterprtes par la Cour europenne et considres comme des sources complmentaires du principe constitutionnel nonc au premier alina de

    larticle 117 de la Constitution, et b) si les normes de la Convention europenne des droits de lhomme supposes intgrer ce principe et comprises selon linterprtation que leur attribue la Cour [europenne] sont compatibles avec lordre constitutionnel italien. (...)

    26. Les parties pertinentes de larrt no 349 du 24 octobre 2007 sont reproduites ci-aprs :

    6.2 (...) [Le principe nonc] au premier alina de larticle 117 de la Constitution [nimplique pas] que les normes issues daccords internationaux doivent tre considres comme ayant valeur constitutionnelle car celles-ci font lobjet dune loi ordinaire dincorporation, comme cest le cas pour les normes de la Convention europenne des droits de lhomme. Le principe constitutionnel sous examen obligeant le lgislateur ordinaire respecter ces normes, une disposition nationale qui serait

    incompatible avec une norme de la Convention europenne des droits de lhomme et donc avec les obligations internationales mentionnes au premier alina de

    larticle 117 de la Constitution porterait en soi atteinte au principe constitutionnel en question. En dfinitive, le premier alina de larticle 117 de la Constitution opre un renvoi la norme conventionnelle qui se trouve en cause dans tel ou tel cas, laquelle

    confre un sens (d vita) et un contenu aux obligations internationales voques de

    manire gnrale ainsi quau principe [constitutionnel sous-jacent], au point dtre gnralement qualifie de norme interpose , et qui fait son tour lobjet dun contrle de compatibilit avec les normes de la Constitution, comme nous le

    prciserons ci-dessous.

    Il sensuit quil appartient au juge ordinaire dinterprter la norme interne conformment la disposition internationale (...). Lorsque pareille interprtation est

    impossible ou que des doutes existent quant la compatibilit de la norme interne

    avec la disposition conventionnelle interpose , le juge est tenu de soulever devant

    la Cour constitutionnelle une question de constitutionnalit au regard du premier

    alina de larticle 117 de la Constitution (...).

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 9

    Concernant la Convention europenne des droits de lhomme, il y a lieu de tenir compte du fait quelle prsente une particularit par rapport aux autres accords internationaux en ce quelle dpasse le cadre dune simple liste de droits et obligations rciproques des tats contractants. Ces derniers ont institu un systme de protection

    uniforme des droits fondamentaux. Lapplication et linterprtation de ce systme de normes incombent videmment au premier chef aux juges des tats membres, qui sont

    les juges de droit commun de la Convention. Cela tant, lapplication uniforme des normes en question est garantie en dernier ressort par linterprtation centralise de la Convention europenne, tche attribue la Cour europenne des droits de lhomme de Strasbourg, qui a le dernier mot et dont la comptence stend toutes les questions concernant linterprtation et lapplication de la Convention et de ses Protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prvues par [celle-ci] (article

    32 1 de la Convention). (...)

    La Cour constitutionnelle et la Cour de Strasbourg ont en dfinitive des rles

    diffrents, bien quelles visent lune et lautre protger au mieux les droits fondamentaux. Linterprtation de la Convention de Rome et de ses Protocoles relve de la comptence de la Cour de Strasbourg, ce qui garantit lapplication dun niveau uniforme de protection dans lensemble des tats membres.

    En revanche, lorsque la Cour constitutionnelle est saisie de la question de la

    constitutionnalit dune norme nationale au regard du premier alina de larticle 117 de la Constitution, [et que cette question] porte sur une incompatibilit avec une ou

    plusieurs normes de la Convention europenne des droits de lhomme qui ne peut tre rsolue par voie dinterprtation, il lui appartient de rechercher si lincompatibilit en question est avre et, [dans laffirmative], de vrifier si les normes mmes de la Convention europenne des droits de lhomme, telles quinterprtes par la Cour de Strasbourg, garantissent une protection des droits fondamentaux tout le moins

    quivalente celle offerte par la Constitution italienne.

    Il ne sagit pas en fait de juger de linterprtation que la Cour de Strasbourg donne telle ou telle norme de la Convention europenne des droits de lhomme (...) mais de vrifier si cette norme, telle quinterprte par la juridiction laquelle les tats membres ont expressment attribu cette comptence, est compatible avec les normes

    pertinentes de la Constitution. Ainsi le devoir de garantir le respect des obligations

    internationales impos par la Constitution est-il correctement mis en balance avec la

    ncessit dviter que ce devoir ne porte atteinte la Constitution elle-mme.

    G. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle

    1. Lordonnance de la Cour constitutionnelle no 396 du 24 octobre 2006

    27. Par cette ordonnance, la Cour constitutionnelle dclara irrecevable

    une question de constitutionnalit souleve par le tribunal de Cagliari

    relativement larticle 13 de loi no 40/2004, qui interdit le recours au diagnostic primplantatoire.

    28. Pour se prononcer ainsi, la Cour constitutionnelle releva que le juge

    de renvoi stait limit soulever la question de la constitutionnalit du seul article 13 de la loi no 40/2004 alors que, selon le contenu du renvoi,

    linterdiction du diagnostic primplantatoire dcoulait aussi dautres dispositions de la mme loi, notamment de lalina 3 de son article 14.

  • 10 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    2. Larrt de la Cour constitutionnelle no 151 du 1er avril 2009

    29. Cet arrt porte sur la constitutionnalit des dispositions des

    alinas 2 et 3 de larticle 14 de la loi no 40/2004 qui prvoient, dune part, la cration dun nombre limit dembryons (non suprieur trois) et lobligation de les implanter simultanment et, dautre part, linterdiction de cryoconserver les embryons surnumraires.

    30. La Cour constitutionnelle jugea que les alinas en question taient

    inconstitutionnels parce quils portaient prjudice la sant des femmes en les obligeant, dune part, subir plusieurs cycles de stimulation ovarienne et, de lautre part, sexposer aux risques lis aux grossesses multiples du fait de linterdiction de linterruption slective de grossesse.

    31. Dans le texte de larrt, aucune rfrence nest faite la Convention europenne des droits de lhomme, laquelle navait pas non plus t cite par les juridictions (tribunal administratif rgional du Latium et tribunal de

    Florence) qui avaient soulev la question.

    3. Lordonnance de la Cour constitutionnelle no 97 du 8 mars 2010

    32. Par cette ordonnance, la Cour constitutionnelle dclara irrecevables

    les questions de constitutionnalit que le tribunal de Milan avait souleves

    devant elle, celles-ci ayant dj t traites dans son arrt no 151/2009.

    4. Lordonnance de la Cour constitutionnelle no 150 du 22 mai 2012

    33. Par cette ordonnance, qui se rfrait larrt S.H. et autres c. Autriche ([GC], no 57813/00, CEDH 2011), la Cour constitutionnelle

    renvoya devant le juge du fond laffaire qui avait t porte devant elle et qui concernait linterdiction du recours la fcondation htrologue dicte par la loi no 40/2004.

    5. Larrt de la Cour constitutionnelle no 162 du 10 juin 2014

    34. Cet arrt porte sur la constitutionnalit de linterdiction absolue daccder la fcondation htrologue en cas de strilit ou dinfertilit mdicalement prouve, telle que prvue par la loi no 40/2004.

    35. Trois juridictions de droit commun avaient saisi la Cour

    constitutionnelle de la question de savoir si la loi litigieuse tait compatible

    avec les articles 2 (droits inviolables), 3 (principe dgalit), 29 (droit de la famille), 31 (obligations de ltat pour la protection du droit de la famille) et 32 (droit la sant) de la Constitution. Lune dentre elles, le tribunal de Milan, avait aussi demand la Cour de se prononcer sur la compatibilit de

    la loi en question avec les articles 8 et 14 de la Convention.

    36. La Cour constitutionnelle jugea inconstitutionnelles les dispositions

    lgislatives pertinentes.

    37. Elle considra notamment que le choix des demandeurs linstance de devenir parents et de fonder une famille avec des enfants relevait de leur

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 11

    libert dautodtermination concernant la sphre de leur vie prive et familiale et protge en tant que telle par les articles 2, 3 et 31 de la

    Constitution. Elle prcisa galement que ceux qui taient atteints

    dinfertilit ou de strilit totale taient titulaires dun droit la protection de leur sant (article 32 de la Constitution).

    38. Elle estima que si les droits en question pouvaient faire lobjet de limitations inspires par des considrations dordre thique, ces limitations ne pouvaient se traduire en une interdiction absolue, sauf sil savrait impossible de protger autrement dautres liberts constitutionnellement garanties.

    39. Pour ce qui est de la compatibilit des dispositions lgislatives en

    cause avec les articles 8 et 14 de la Convention, la Cour constitutionnelle se

    borna observer que les questions y relatives taient couvertes par les

    conclusions auxquelles elle tait parvenue sur la constitutionnalit des

    dispositions en question (voir ci-dessus).

    H. Les ordonnances des tribunaux nationaux en matire daccs au diagnostic primplantatoire

    1. Lordonnance du tribunal de Cagliari du 22 septembre 2007

    40. Dans cette ordonnance, le tribunal de Cagliari rappela que les

    demandeurs avaient dabord introduit une procdure en urgence, dans le cadre de laquelle une question de constitutionnalit avait t souleve. Il

    ajouta que cette question avait ensuite t dclare irrecevable par une

    ordonnance no 396 de la Cour constitutionnelle rendue le 24 octobre 2006

    (voir les paragraphes 27-28 ci-dessus), et que cette ordonnance navait donc fourni aucune indication quant linterprtation quil convenait de donner au droit interne la lumire de la Constitution.

    41. Quant la procdure civile introduite devant lui, il releva quil nexistait pas, en droit interne, dinterdiction expresse daccs au diagnostic primplantatoire, et quune interprtation de la loi concluant lexistence dune telle interdiction aurait t contraire au droit des demandeurs dtre dment informs du traitement mdical quils entendaient entreprendre.

    42. En outre, il nota que des interdictions de recourir au diagnostic

    primplantatoire avait t introduites ultrieurement par une norme de rang

    secondaire, savoir le dcret du ministre de la Sant no 15165 du

    21 juillet 2004 (notamment dans la partie o celui-ci dispose que [les]

    examens de ltat de sant dembryons crs in vitro, au sens de larticle 14, alina 5 [de la loi no 40 de 2004], ne peuvent viser qu lobservation de ceux-ci dovr essere di tipo osservazionale -). Il estima que cela tait contraire au principe de lgalit ainsi qu la Convention dOviedo du Conseil de lEurope.

  • 12 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    43. Il releva enfin quune interprtation de la loi no 40/2004 permettant laccs au diagnostic primplantatoire tait conforme au droit la sant reconnu la mre. En consquence, il autorisa les demandeurs accder au

    diagnostic primplantatoire.

    2. Lordonnance du tribunal de Florence du 17 dcembre 2007

    44. Dans cette ordonnance, le tribunal de Florence se rfra

    lordonnance du tribunal de Cagliari cite ci-dessus et dclara partager linterprtation que celui-ci avait donne du droit interne. En consquence, il autorisa les demandeurs accder au diagnostic primplantatoire.

    3. Lordonnance du tribunal de Bologne du 29 juin 2009

    45. Par cette ordonnance, le tribunal de Bologne autorisa les demandeurs

    accder au diagnostic primplantatoire, indiquant que cette pratique se

    conciliait avec la protection de la sant de la femme reconnue par

    linterprtation que la Cour constitutionnelle avait donne du droit interne dans son arrt no 151 du 1er avril 2009 (voir les paragraphes 29-31 ci-

    dessus).

    4. Lordonnance du tribunal de Salerne du 9 janvier 2010

    46. Dans cette ordonnance, rendue lissue dune procdure en rfr, le tribunal de Salerne rappela les nouveauts introduites par le dcret du

    ministre de la Sant no 31639 du 11 avril 2008, savoir le fait que les

    examens de ltat de sant dembryons crs in vitro ntaient plus limits lobservation de ceux-ci et que laccs la procration assiste tait autoris pour les couples dont lhomme tait porteur de maladies virales sexuellement transmissibles.

    47. Il en dduisit que le diagnostic primplantatoire ne pouvait tre

    considr que comme lune des techniques de surveillance prnatale visant connatre ltat de sant de lembryon.

    48. En consquence, il autorisa la ralisation dun diagnostic primplantatoire sur lembryon in vitro des demandeurs.

    5. Lordonnance du tribunal de Cagliari du 9 novembre 2012

    49. Dans cette ordonnance, le tribunal de Cagliari renvoya aux

    considrations dveloppes dans les ordonnances cites ci-dessus. En outre,

    il indiqua quil ressortait des arrts nos 348 et 349 rendus par la Cour constitutionnelle le 24 octobre 2007 quune interprtation de la loi visant garantir laccs au diagnostic primplantatoire se conciliait avec la Convention europenne des droits de lhomme, compte tenu notamment de larrt rendu par la Cour de Strasbourg dans laffaire Costa et Pavan c. Italie (no 54270/10, 28 aot 2012).

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 13

    6. Lordonnance du tribunal de Rome du 15 janvier 2014

    50. Par cette ordonnance, le tribunal souleva la question de la

    constitutionnalit des articles 1, alinas 1 et 2, et 4, alina 1 de la loi

    no 40/2004, dispositions interdisant aux couples non striles et non infertiles

    davoir recours aux techniques de la procration mdicalement assiste en vue de raliser un diagnostic primplantatoire. Il se plaa aussi sur le terrain

    des articles 8 et 14 de la Convention.

    51. Tout en tenant compte de larrt Costa et Pavan c. Italie (prcit), il estima quon ne pouvait procder une interprtation extensive de la loi, laquelle nonait expressment que laccs aux techniques de procration mdicalement assiste tait rserv aux couples striles ou infertiles.

    I. La question de la constitutionnalit de larticle 13 de la loi no 40/2004 souleve par le tribunal de Florence

    52. Par une dcision du 7 dcembre 2012, le tribunal de Florence

    souleva la question de la constitutionnalit de linterdiction du don dembryons surnumraires la recherche scientifique dcoulant de larticle 13 de la loi no 40/2004 au regard des articles 9 et 32 de la Constitution, lesquels garantissent respectivement la libert de la recherche

    scientifique et le droit la sant.

    53. Le 19 mars 2014, le prsident de la Cour constitutionnelle a ajourn

    lexamen de cette affaire dans lattente de la dcision que la Grande Chambre prendra sur la requte Parrillo c. Italie no 46470/11.

    III. DOCUMENTS DU CONSEIL DE LEUROPE

    A. Recommandation 1046 (1986) de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope relative lutilisation dembryons et ftus humains des fins diagnostiques, thrapeutiques, scientifiques,

    industrielles et commerciales

    (...) 6. [LAssemble parlementaire] Consciente de ce que [le] progrs [de la science et de la technologie mdicale] a rendu particulirement prcaire la condition

    juridique de lembryon et du ftus, et que leur statut juridique nest actuellement pas dtermin par la loi ;

    7. Consciente de ce quil nexiste pas de dispositions adquates rglant lutilisation dembryons et ftus vivants ou morts ;

    8. Convaincue de ce que, face au progrs scientifique qui permet dintervenir ds la fcondation sur la vie humaine en dveloppement, il est urgent de dterminer le degr

    de sa protection juridique ;

    9. Tenant compte du pluralisme des opinions sexprimant sur le plan thique propos de lutilisation dembryons ou de ftus, ou de leurs tissus, et des conflits de valeurs quil provoque ;

  • 14 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    10. Considrant que lembryon et le ftus humains doivent bnficier en toutes circonstances du respect d la dignit humaine, et que lutilisation de leurs produits et tissus doit tre limite de manire stricte et rglemente (...) en vue de fins

    purement thrapeutiques et ne pouvant tre atteintes par dautres moyens ; (...)

    13. Soulignant la ncessit dune coopration europenne,

    14. Recommande au Comit des Ministres :

    A. dinviter les gouvernements des tats membres :

    (...)

    ii. limiter lutilisation industrielle des embryons et de ftus humains, ainsi que de leurs produits et tissus, des fins strictement thrapeutiques et ne pouvant tre

    atteintes par dautres moyens, selon les principes mentionns en annexe, et conformer leur droit ceux-ci, ou adopter des rgles conformes, ces rgles devant

    notamment prciser les conditions dans lesquelles le prlvement et lutilisation dans un but diagnostique ou thrapeutique peuvent tre effectus ;

    iii. interdire toute cration dembryons humains par fcondation in vitro des fins de recherche de leur vivant ou aprs leur mort ;

    iv. interdire tout ce quon pourrait dfinir comme des manipulations ou dviations non dsirables de ces techniques, entre autres :

    (...)

    - la recherche sur des embryons humains viables ;

    - lexprimentation sur des embryons vivants, viables ou non (...)

    B. Recommandation 1100 (1989) de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope sur lutilisation des embryons et ftus humains dans la recherche scientifique

    (...) 7. Considrant que lembryon humain, bien quil se dveloppe en phases successives indiques par diverses dnominations (...), manifeste aussi une

    diffrenciation progressive de son organisme et maintient nanmoins en continuit son

    identit biologique et gntique,

    8. Rappelant la ncessit dune coopration europenne et dune rglementation aussi large que possible qui permettent de surmonter les contradictions, les risques et

    linefficacit prvisible de normes exclusivement nationales dans les domaines concerns,

    (...)

    21. La cration et/ou le maintien en vie intentionnels dembryons ou ftus, in vitro ou in utero, dans un but de recherche scientifique, par exemple pour en prlever du

    matriel gntique, des cellules, des tissus ou des organes, doivent tre interdits. (...)

    54. Les passages pertinents de lannexe cette recommandation se lisent ainsi :

    B. Sur des embryons primplantatoires vivants : (...)

    4. Conformment aux Recommandations 934 (1982) et 1046 (1986), les recherches

    in vitro sur des embryons viables ne doivent tre autorises que:

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 15

    sil sagit de recherches appliques de caractre diagnostique ou effectues des fins prventives ou thrapeutiques;

    si elles ninterviennent pas sur leur patrimoine gntique non pathologique.

    5. (...) les recherches sur les embryons vivants doivent tre interdites, notamment:

    si lembryon est viable;

    sil y a la possibilit dutiliser un modle animal;

    si ce nest pas prvu dans le cadre de projets dment prsents et autoriss par les autorits sanitaires ou scientifiques comptentes ou, par dlgation, par la commission

    nationale multidisciplinaire concerne;

    si elles ne respectent pas les dlais prescrits par les autorits susdites.

    (...)

    H. Don dlments du matriel embryonnaire humain : (...)

    20. Le don dlments du matriel embryonnaire humain doit tre autoris uniquement sil a pour but la recherche scientifique, des fins diagnostiques, prventives ou thrapeutiques. Sa vente sera interdite.

    21. La cration et/ou le maintien en vie intentionnels dembryons ou ftus, in vitro ou in utero, dans un but de recherche scientifique, par exemple pour en prlever du

    matriel gntique, des cellules, des tissus ou des organes, doivent tre interdits.

    22. Le don et lutilisation dlments du matriel embryonnaire humain ne doivent tre permis que si les gniteurs ont donn librement et par crit leur consentement

    pralable.

    23. Le don dorganes doit tre dpourvu de tout caractre mercantile. Lachat et la vente dembryons, de ftus ou de leurs composants par les gniteurs ou des tiers, de mme que leur importation ou leur exportation, doivent galement tre interdits.

    24. Le don et lemploi de matriels embryonnaires humains dans la fabrication darmes biologiques dangereuses et exterminatrices doivent tre interdits.

    25. Pour lensemble de la prsente recommandation, par viables on entend les embryons qui ne prsentent pas de caractristiques biologiques susceptibles

    dempcher leur dveloppement; dautre part, la non-viabilit des embryons et des ftus humains devra tre dtermine exclusivement par des critres biologiques objectifs, fonds sur les dfectuosits intrinsques de lembryon.

    C. La Convention du Conseil de lEurope sur les droits de lhomme et la biomdecine ( Convention dOviedo ) du 4 avril 1997

    Article 2 Primaut de ltre humain

    Lintrt et le bien de ltre humain doivent prvaloir sur le seul intrt de la socit ou de la science.

    Article 18 Recherche sur les embryons in vitro

    1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci

    assure une protection adquate de lembryon.

    2. La constitution dembryons humains aux fins de recherche est interdite.

  • 16 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    Article 27 Protection plus tendue

    Aucune des dispositions de la prsente Convention ne sera interprte comme

    limitant ou portant atteinte la facult pour chaque Partie daccorder une protection plus tendue lgard des applications de la biologie et de la mdecine que celle prvue par la prsente Convention.

    D. Protocole additionnel la Convention dOviedo, relatif la recherche biomdicale du 25 janvier 2005

    Article 2 Champ dapplication

    1. Le prsent Protocole sapplique lensemble des activits de recherche dans le domaine de la sant impliquant une intervention sur ltre humain.

    2. Le Protocole ne sapplique pas la recherche sur les embryons in vitro. Il sapplique la recherche sur les ftus et les embryons in vivo.

    (...)

    E. Le rapport du groupe de travail sur la protection de lembryon et du ftus humains du Comit directeur pour la biothique, rendu public le 19 juin 2003 Conclusion

    Ce rapport a pour but de prsenter une vue densemble des positions actuelles en Europe sur la protection de lembryon humain in vitro et des arguments qui les sous-tendent.

    Il montre un large consensus sur la ncessit dune protection de lembryon in vitro. Nanmoins, la dfinition du statut de lembryon reste un domaine o lon rencontre des diffrences fondamentales reposant sur des arguments forts. Ces divergences sont,

    dans une large mesure, lorigine de celles rencontres sur les questions ayant trait la protection de lembryon in vitro.

    Toutefois, mme en labsence daccord sur le statut de lembryon, la possibilit de rexaminer certaines questions la lumire des rcents dveloppements dans le

    domaine biomdical et des avances thrapeutiques potentielles, pourrait tre

    envisage. Dans ce contexte, tout en reconnaissant et respectant les choix

    fondamentaux des diffrents pays, il semble possible et souhaitable au regard de la ncessit de protger lembryon in vitro reconnue par tous les pays didentifier des approches communes afin dassurer des conditions adquates dapplication des procdures impliquant la constitution et lutilisation dembryons in vitro. Ce rapport se veut une aide la rflexion vers cet objectif.

    F. Rsolution 1352 (2003) de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope concernant la recherche sur les cellules souches humaines

    (...) 3. Les cellules souches humaines peuvent provenir dun nombre croissant de tissus et de fluides prsents dans le corps dtres humains de tous ges, et pas seulement de sources embryonnaires.

    (...)

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 17

    5. Le prlvement de cellules souches embryonnaires implique pour le moment la

    destruction dembryons humains.

    (...)

    7. LAssemble fait observer que nombre de lignes de cellules souches embryonnaires humaines susceptibles de servir la recherche scientifique sont dj

    disponibles dans le monde.

    (...)

    10. La destruction dtres humains des fins de recherche est contraire au droit de tout tre humain la vie et linterdiction morale de toute instrumentalisation de ltre humain.

    11. En consquence, lAssemble invite les tats membres:

    i. favoriser la recherche sur les cellules souches condition quelle respecte la vie des tres humains tous les stades de leur dveloppement;

    ii. encourager les techniques scientifiques qui ne sont pas controverses des points

    de vue social et thique afin de tirer un meilleur parti de la pluripotence cellulaire et

    de mettre au point de nouvelles mthodes de mdecine rgnrative;

    iii. signer et ratifier la Convention dOviedo pour rendre effective linterdiction de la constitution dembryons humains aux fins de recherche;

    iv. promouvoir des programmes de recherche fondamentale europens communs

    portant sur les cellules souches adultes;

    v. garantir que, dans les pays o de telles recherches sont admises, toute recherche

    sur des cellules souches impliquant la destruction dembryons humains est dment autorise et surveille par les instances nationales appropries;

    vi. respecter les dcisions des pays lorsque ceux-ci choisissent de ne pas participer

    des programmes internationaux de recherche contraires aux valeurs thiques

    consacres par leur lgislation nationale et ne pas escompter que ces pays

    contribuent directement ou indirectement ces recherches;

    vii. privilgier lthique de la recherche plutt que les aspects purement utilitaires et financiers;

    viii. promouvoir la cration de structures permettant des scientifiques et des

    reprsentants de la socit civile dexaminer diffrents types de projets de recherche sur les cellules souches humaines, en vue daugmenter la transparence et la responsabilit dmocratique.

    G. Recommandation du Comit des Ministres aux tats membres

    sur la recherche utilisant du matriel biologique dorigine humaine (Rec (2006)4, adopte par le Comit des Ministres le

    15 mars 2006)

    55. Cette recommandation, qui ne sapplique pas aux matriels biologiques embryonnaires et ftaux (article 2 3), a pour but de sauvegarder les droits fondamentaux des personnes dont le matriel

    biologique pourrait tre inclus dans un projet de recherche aprs avoir t

    recueilli et stock i) pour un projet de recherche spcifique antrieur

  • 18 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    ladoption de la recommandation, ii) pour des recherches futures non spcifies ou iii) comme matriel rsiduel initialement prlev des fins

    cliniques ou mdico-lgales. Cette recommandation vise, entre autres,

    promouvoir la mise en place de codes de bonnes pratiques de la part des

    tats membres et rduire au minimum les risques lis aux activits de

    recherche concernant la vie prive des personnes. Elle fixe galement des

    rgles rgissant lobtention et les collections de matriel biologique.

    H. Lthique dans la science et la technologie , Rsolution 1934 (2013) de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope

    2. ...) lAssemble estime quune rflexion thique plus concerte devrait tre mene aux niveaux national, suprargional et mondial sur les objectifs et les usages de

    la science et de la technologie, sur les instruments et mthodes quelles emploient, sur leurs possibles consquences et effets indirects, et sur le systme global de rgles et de

    comportements dans lequel elles sinscrivent.

    3. LAssemble considre quune structure permanente de rflexion thique au niveau mondial permettrait de traiter les questions thiques comme une cible

    mouvante, au lieu de fixer un code thique , et de remettre plat, de manire

    priodique, les concepts en vigueur, mme les plus fondamentaux, comme la

    dfinition de l identit humaine ou de la dignit humaine .

    4 LAssemble salue linitiative de lUNESCO qui a cr la Commission mondiale dthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) en vue dengager une rflexion thique permanente et dtudier les possibilits de rdiger et de rviser priodiquement un ensemble de principes thiques fondamentaux fonds

    sur la Dclaration universelle des droits de lhomme. Elle considre que le Conseil de lEurope devrait contribuer ce processus.

    5. cet gard, lAssemble recommande au Secrtaire Gnral du Conseil de lEurope denvisager la cration dune structure souple et informelle de rflexion thique, par le biais dune coopration entre les commissions comptentes de lAssemble et les membres des comits dexperts concerns, parmi lesquels le Comit de biothique (DH-BIO), en vue didentifier les nouveaux enjeux thiques et les principes thiques fondamentaux susceptibles dorienter laction politique et juridique en Europe.

    6. Pour renforcer le cadre europen commun dthique dans la science et la technologie, lAssemble recommande aux tats membres qui ne lont pas encore fait de signer et de ratifier la Convention pour la protection des droits de lhomme et de la dignit de ltre humain lgard des applications de la biologie et de la mdecine : Convention sur les droits de lhomme et la biomdecine (STE no 164, Convention dOviedo ) et ses protocoles, et de participer pleinement aux travaux du Comit de biothique.

    (...)

    10. LAssemble invite lUnion europenne et lUNESCO cooprer avec le Conseil de lEurope pour renforcer le cadre europen commun dthique dans la science et la technologie, et, cette fin:

    10.1. crer des plates-formes europennes et rgionales permettant dchanger rgulirement des expriences et des bonnes pratiques couvrant tous les domaines de

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 19

    la science et de la technologie, en utilisant lexprience acquise dans le cadre de la Confrence europenne des comits nationaux dthique (COMETH) lance par le Conseil de lEurope et, plus rcemment, du Forum des comits nationaux dthique (Forum des CNE) financ par la Commission europenne, et des runions du Comit

    de biothique du Conseil de lEurope;

    10.2. rdiger et rviser priodiquement un ensemble de principes thiques

    fondamentaux appliquer dans tous les domaines de la science et de la technologie;

    10.3. proposer des orientations supplmentaires pour aider les tats membres

    harmoniser les rgles thiques et les procdures de suivi, en sappuyant sur les effets positifs des exigences thiques nonces dans le septime programme-cadre de la

    Commission europenne pour des actions de recherche et de dveloppement

    technologique (2007-2013) (7e PC).

    IV. DROIT ET LMENTS PERTINENTS DE LUNION EUROPENNE

    A. Le Groupe europen dthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE) auprs de la Commission europenne

    56. Mis en place en 1991 par la Commission europenne, le GEE est un

    organisme indpendant compos dexperts ayant pour mission de soumettre des avis la Commission europenne sur les questions thiques lies la

    science et aux nouvelles technologies. Le GEE a rendu deux avis concernant

    lutilisation dembryons in vitro fins de recherche.

    1. Avis no 12 : Les aspects thiques de la recherche impliquant

    lutilisation dembryons humains dans le contexte du Vme programme-cadre de recherche, 14 novembre 1998

    57. Cet avis a t publi la demande de la Commission europenne la

    suite de la proposition du Parlement europen dexclure des financements europens les projets de recherche impliquant la destruction dembryons humains dans le cadre du cinquime programme-cadre. Ses passages

    pertinents se lisent comme suit :

    (...) 2.6. (...) Dans le cadre des programmes de recherche europens, la question de

    la recherche sur lembryon humain doit tre envisage tant du point de vue du respect des principes thiques fondamentaux communs tous les tats membres quen tenant compte de la diversit des conceptions philosophiques et thiques exprimes travers

    les diffrentes pratiques et rglementations nationales en vigueur en ce domaine. (...)

    2.8. A la lumire des principes et prcisions prcdemment voqus, le Groupe

    estime quil est conforme la dimension thique du cinquime programme-cadre communautaire de ne pas exclure a priori des financements communautaires les

    recherches sur lembryon humain qui font lobjet de choix thiques divergents selon les pays. [...]

  • 20 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    2. Avis no 15 : Aspects thiques de la recherche sur les cellules souches

    humaines et leur utilisation, 14 novembre 2000

    58. Les passages pertinents de cet avis sont ainsi libells :

    2.3. Pluralisme et thique europenne

    (...) Dans le contexte du pluralisme europen, il appartient chaque tat membre

    dinterdire ou dautoriser les recherches sur lembryon. Dans ce dernier cas, le respect de la dignit humaine implique que lon rglemente les recherches sur lembryon et que lon prvoie des garanties contre le risque dexprimentation arbitraire et dinstrumentalisation de lembryon humain.

    2.5. Acceptabilit thique du domaine de recherche concern

    Le Groupe note que, dans certains pays, la recherche sur lembryon est interdite. En revanche, dans les pays o elle est autorise afin damliorer le traitement de linfertilit, on peut difficilement trouver un argument invoquer pour une extension du champ de ces recherches visant mettre au point de nouveaux traitements contre

    les maladies ou lsions graves. En effet, comme dans le cas de la recherche sur

    linfertilit, la recherche sur les cellules souches vise soulager la souffrance humaine. Dans tous les cas, les embryons qui ont servi pour des travaux de recherche

    sont destins tre dtruits. Par consquent, il ny a pas dargument pour exclure le financement de ce type de recherches au titre du programme-cadre de recherche de

    lUnion europenne si elles satisfont aux exigences thique et lgales dfinies dans ce programme.

    B. Rglement no 1394/2007 du Parlement europen et du Conseil du

    13 novembre 2007 concernant les mdicaments de thrapie

    innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le

    rglement (CE) no 726/2004

    (7) Il importe que la rglementation des mdicaments de thrapie innovante au

    niveau communautaire ne porte pas atteinte aux dcisions prises par les tats

    membres concernant lopportunit dautoriser lutilisation de tel ou tel type de cellules humaines, par exemple les cellules souches embryonnaires, ou de cellules animales. Il

    convient quelle ninfluence pas non plus lapplication des lgislations nationales interdisant ou limitant la vente, la distribution ou lutilisation de mdicaments contenant de telles cellules, consistant dans de telles cellules ou issus de celles-ci.

    C. Larrt de la Cour de justice de lUnion europenne du 18 octobre 2011 (C-34/10 Oliver Brstle c. Greenpeace eV)

    59. Par cet arrt, rendu sur renvoi prjudiciel de la Cour fdrale de

    justice (Bundesgerichtshof) allemande, la Cour de justice de lUnion europenne sest prononce sur linterprtation donner la directive 98/44/CE du Parlement europen et du Conseil du 6 juillet 1998

    relative la protection juridique des inventions biotechnologiques.

    60. La partie de la directive en cause tait celle qui, temprant le

    principe selon lequel lutilisation dembryons humains des fins industrielles ou commerciales nest pas brevetable, prcise que cette

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 21

    exclusion ne concerne pas les inventions ayant un objectif thrapeutique

    ou diagnostique qui sappliquent lembryon humain et lui sont utiles . 61. La Cour de justice a prcis que la directive litigieuse ne vise pas

    rglementer lutilisation dembryons humains dans le cadre de recherches scientifiques : son objet se limite la brevetabilit des inventions

    biotechnologiques. Elle a ensuite estim que les inventions qui impliquent

    lutilisation dembryons humains restent exclues de toute brevetabilit mme lorsquelles peuvent se revendiquer dune finalit de recherche scientifique (une telle finalit ne pouvant pas, en matire de brevets, tre

    distingue des autres fins industrielles et commerciales). La Cour de justice

    a indiqu en mme temps que les inventions impliquant une utilisation des

    fins thrapeutiques ou de diagnostic applicable lembryon humain et utile celui-ci ne sont pas concernes par cette exclusion.

    D. Les financements de lUnion europenne en matire de recherche et de dveloppement technologique

    62. Depuis 1984, lUnion europenne dploie des fonds pour la recherche scientifique travers des programmes-cadres couvrant des

    priodes qui stalent sur plusieurs annes. 63. Les parties pertinentes de la dcision no 1982/2006/CE relative au

    septime programme-cadre de la Communaut europenne pour des actions

    de recherche, de dveloppement technologique et de dmonstration (2007-

    2013) se lisent comme suit :

    Article 6 Principes thiques

    1. Toutes les actions de recherche menes au titre du septime programme-cadre

    sont ralises dans le respect des principes thiques fondamentaux.

    2. Les activits de recherche suivantes ne font pas lobjet dun financement au titre du septime programme-cadre:

    - les activits de recherche visant au clonage humain des fins reproductives;

    - les activits de recherche visant modifier le patrimoine gntique dtres humains, qui pourraient rendre cette altration hrditaire,

    - les activits de recherche visant crer des embryons humains uniquement des

    fins de recherche ou pour lapprovisionnement en cellules souches, y compris par transfert de noyau de cellules somatiques.

    3. Les activits de recherche sur les cellules souches humaines, adultes ou

    embryonnaires, peuvent tre finances en fonction la fois du contenu de la

    proposition scientifique et du cadre juridique de(s) ltat(s) membre(s) intress(s). (...)

    64. Les parties pertinentes du Rglement no 1291/2013 du Parlement

    europen et du Conseil du 11 dcembre 2013 portant tablissement du

  • 22 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    programme-cadre pour la recherche et linnovation Horizon 2020 (2014-2020) se lisent ainsi :

    Article 19 Principes thiques

    1. Toutes les activits de recherche et dinnovation menes au titre dHorizon 2020 respectent les principes thiques et les lgislations nationales, europennes et

    internationales pertinentes, y compris la charte des droits fondamentaux de lUnion europenne, ainsi que la Convention europenne des droits de lhomme et ses protocoles additionnels (...).

    (...)

    3. Sont exclus de tout financement les domaines de recherche suivants:

    a) les activits de recherche en vue du clonage humain des fins de reproduction;

    b) les activits de recherche visant modifier le patrimoine gntique dtres humains, qui pourraient rendre cette altration hrditaire ;

    c) les activits de recherche visant crer des embryons humains uniquement des

    fins de recherche ou pour lapprovisionnement en cellules souches, notamment par transfert nuclaire de cellules somatiques.

    4. Les activits de recherche sur les cellules souches humaines, adultes et

    embryonnaires, peuvent tre finances en fonction la fois du contenu de la

    proposition scientifique et du cadre juridique des tats membres intresss. Aucun

    financement nest accord aux activits de recherche interdites dans lensemble des tats membres. Aucune activit nest finance dans un tat membre o ce type dactivits est interdit.

    (...)

    E. La Communication de la Commission europenne relative

    linitiative citoyenne europenne Un de nous COM(2014) 355 final (Bruxelles, 28 mai 2014)

    65. Le 10 avril 2014, linitiative citoyenne Un de nous avait propos des modifications lgislatives tendant exclure des financements europens

    les projets scientifiques impliquant la destruction dembryons humains. 66. Dans sa communication du 28 mai 2014, la Commission europenne

    a considr quelle ne pouvait pas faire droit cette demande au motif que sa proposition de financement des projets en question tenait compte de

    considrations thiques, des avantages potentiels pour la sant et du soutien

    de lUnion la recherche sur les cellules souches.

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 23

    V. ELEMENTS DE DROIT INTERNATIONAL PERTINENTS

    A. Le rapport du Comit international de biothique de lUNESCO (CIB) sur les aspects thiques des recherches sur les cellules

    embryonnaires (6 avril 2001)

    67. Les parties pertinentes des conclusions de ce rapport se lisent comme

    suit:

    A. Le CIB reconnat que les recherches sur les cellules souches embryonnaires

    humaines sont une question sur laquelle il est souhaitable quun dbat sengage au niveau national pour dterminer quelle position doit tre adopte au sujet de ces

    recherches, mme si cette position vise ce quelles ne soient pas menes. Il prconise que des dbats sengagent dans les instances nationales appropries, permettant lexpression dune pluralit dopinions, en vue, dans toute la mesure du possible, de parvenir un consensus fixant les limites de ce qui est acceptable dans ce

    champ nouveau et important de la recherche thrapeutique.

    Un processus permanent dducation et dinformation dans ce domaine devrait sinstaurer. Les tats devraient prendre les mesures appropries pour amorcer un dialogue continu au sein de la socit sur les questions thiques souleves par ces

    recherches, associant tous les acteurs concerns.

    B. Quel que soit le type de recherches autoris concernant lembryon, des mesures devraient tre prises pour garantir que ces recherches sont menes dans un cadre

    lgislatif ou rglementaire qui accorderait le poids ncessaire aux considrations

    thiques et fixerait des principes directeurs adquats. Si lon envisage dautoriser que des dons dembryons surnumraires au stade primplantatoire, provenant de traitements de FIV, soient consentis pour des recherches sur les cellules souches

    embryonnaires des fins thrapeutiques, une attention particulire sera accorde la

    dignit et aux droits des deux parents donneurs. Il est donc essentiel que le don nait lieu quaprs que les donneurs ont t pleinement informs des implications de ces recherches et ont donn leur consentement pralable, libre et clair. Les finalits de

    ce type de recherches et la manire dont elles sont conduites devraient faire lobjet dune valuation par les comits dthique appropris, qui devraient tre indpendants des chercheurs concerns. Dans ce processus, il faudrait prvoir une valuation a

    posteriori de ces recherches. (...)

    B. Larrt Murillo et autres c. Costa Rica de la Cour interamricaine des droits de lhomme (28 novembre 2012)

    68. Dans cette affaire, la Cour interamricaine sest prononce sur linterdiction deffectuer des fcondations in vitro au Costa Rica. Elle a estim, entre autres, que lembryon ne pouvait pas tre considr comme une personne au sens de larticle 4 1 de la Convention amricaine relative aux droits de lhomme (qui protge le droit la vie), la conception nayant lieu qu partir du moment o lembryon est implant dans lutrus.

  • 24 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    VI. LMENTS DE DROIT COMPAR

    69. Daprs les informations dont la Cour dispose sur la lgislation de quarante tats membres1 en matire dutilisation dembryons humains des fins de recherche scientifique, trois pays (la Belgique, la Sude et le

    Royaume-Uni) autorisent la recherche scientifique sur des embryons

    humains aussi bien que la cration de tels embryons des fins de recherche.

    70. La cration dembryons pour la recherche scientifique est interdite dans quatorze pays2. Toutefois, la recherche sur les embryons surnumraires

    y est gnralement permise, sous certaines conditions.

    71. linstar de lItalie, trois tats membres (la Slovaquie, lAllemagne et lAutriche) interdisent en principe les recherches scientifiques sur les embryons, ne les autorisant que dans des cas trs restreints, notamment

    lorsquelles visent la protection de la sant de lembryon ou lorsquelles sont menes sur des lignes cellulaires provenant de ltranger.

    72. En Slovaquie, les recherches sur des embryons sont strictement

    interdites, sauf celles caractre thrapeutique qui visent apporter un

    bnfice en termes de sant aux personnes qui y participent directement.

    73. En Allemagne, limportation et lutilisation de cellules embryonnaires des fins de recherche sont en principe interdites par la loi.

    Elles ne sont autorises qu titre exceptionnel, sous de strictes conditions. 74. Quant lAutriche, la loi dispose que les cellules viables ne

    peuvent tre utilises pour des fins autres que la fertilisation in vitro.

    Toutefois, la notion de cellules viables ny est pas dfinie. Daprs la pratique et la doctrine, linterdiction prvue par la loi ne concernerait que les cellules embryonnaires dites totipotentes 3.

    75. Dans quatre pays (Andorre, Lettonie, Croatie et Malte), la loi interdit

    expressment toute recherche sur les cellules souches embryonnaires.

    76. Seize pays ne prvoient pas de rglementation en la matire. Il sagit de lArmnie, de lAzerbadjan, de la Bosnie-Herzgovine, de la Gorgie, de lIrlande, du Liechtenstein, de la Lituanie, du Luxembourg, de la Rpublique de Moldova, de Monaco, de la Pologne, de la Roumanie, de la

    Russie, de Saint-Marin, de la Turquie et de lUkraine. Parmi ces tats,

    1. Andorre, Armnie, Autriche, Azerbadjan, Belgique, Bosnie-Herzgovine, Bulgarie,

    Croatie, Rpublique Tchque, Estonie, Finlande, France, Gorgie, Allemagne, Grce,

    Hongrie, Irlande, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, ex-Rpublique

    yougoslave de Macdoine , Malte, Rpublique de Moldova, Monaco, Pays-Bas, Pologne,

    Portugal, Roumanie, Russie, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Slovnie, Espagne, Sude,

    Suisse, Turquie, Royaume-Uni et Ukraine.

    2. Bulgarie, Rpublique Tchque, Estonie, Finlande, ex-Rpublique yougoslave de

    Macdoine , France, Grce, Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Serbie, Slovnie, Espagne et

    Suisse.

    3 Cellules embryonnaires non encore diffrencies et dont chacune, isole, est capable de

    se dvelopper en un organisme entier (Larousse dictionnaire mdical).

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 25

    certains ont une pratique plutt restrictive (par exemple, la Turquie et

    lUkraine), dautres une pratique plutt permissive (par exemple, la Russie).

    EN DROIT

    77. La Cour relve demble que le Gouvernement oppose plusieurs exceptions la recevabilit de la prsente requte. Il avance notamment que

    la requrante na pas puis les voies de recours qui lui taient ouvertes en droit interne, quelle na pas introduit sa requte dans le dlai de six mois prvu par larticle 35 1 de la Convention, et quelle na pas la qualit de victime. La Cour examinera ces exceptions ci-dessous avant danalyser les autres aspects de la requte.

    I. SUR LE NON-PUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES

    A. Position du Gouvernement

    78. Le Gouvernement avance quil tait loisible la requrante de se plaindre de linterdiction de donner ses embryons la recherche scientifique devant le juge du fond en soutenant que linterdiction en cause tait contraire tant la Constitution italienne qu la Convention europenne des droits de lhomme. A cet gard, il cite plusieurs dcisions internes dans lesquelles les tribunaux nationaux ont interprt la loi no 40/2004 la

    lumire de la Constitution et de la Convention europenne des droits de

    lhomme, en particulier en ce qui concerne laccs au diagnostic primplantatoire (les ordonnances rendues par le tribunal de Cagliari le

    22 septembre 2007 et le 9 novembre 2012, ainsi que celles adoptes par les

    tribunaux de Florence, de Bologne et de Salerne le 17 dcembre 2007, le

    29 juin 2009 et le 9 janvier 2010 respectivement, voir les paragraphes 40-49

    ci-dessus).

    79. Selon lui, le juge du fond aurait alors t tenu dinterprter la loi dont dcoule linterdiction litigieuse la lumire de la Convention, comme lexigent les arrts de la Cour constitutionnelle nos 348 et 349 du 24 octobre 2007.

    80. Si le juge du fond avait constat lexistence dun conflit insurmontable entre son interprtation de la loi et les droits invoqus par la

    partie demanderesse, il aurait eu lobligation de soulever une question de constitutionnalit. La Cour constitutionnelle aurait alors examin au fond la

    compatibilit des faits litigieux avec les droits de lhomme, et elle aurait pu annuler les dispositions nationales avec effet rtroactif et erga omnes.

    81. Dailleurs, la Cour constitutionnelle aurait dj t saisie de plusieurs affaires concernant la constitutionnalit de la loi no 40/2004. Un

  • 26 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    certain nombre de dcisions auraient t rendues cet gard, notamment les

    ordonnances de la Cour constitutionnelle nos 369, 97 et 150 (prononces le

    24 octobre 2006, le 8 mars 2010 et le 22 mai 2012 respectivement), larrt no 151 adopt par celle-ci le 1er avril 2009, ainsi que les ordonnances des

    tribunaux de Florence et de Rome prononces le 7 dcembre 2012 et le

    15 janvier 2014 respectivement (voir les paragraphes 27-33 et 50-53

    ci-dessus).

    82. Par ailleurs, la requrante aurait aussi mconnu le principe de

    subsidiarit pos par le Protocole no 15 du 24 juin 2013 en se dispensant

    dutiliser les voies de recours internes avant de soulever ses griefs devant la Cour.

    83. Enfin, une question de constitutionalit concernant une affaire

    identique la prsente affaire aurait t souleve par le tribunal de Florence

    devant la Cour constitutionnelle (voir les paragraphes 52-53 ci-dessus).

    Pour le cas o la haute juridiction prendrait une dcision dfavorable la

    partie demanderesse, il serait toujours loisible celle-ci dintroduire une requte devant la Cour.

    B. Position de la requrante

    84. La requrante soutient que toute action devant le juge ordinaire

    aurait t voue lchec, le droit interne interdisant de manire absolue le don dembryons des fins de recherche scientifique.

    85. En outre, elle avance que la voie constitutionnelle ne peut tre

    considre comme tant un recours puiser au sens de larticle 35 1 de la Convention, le systme juridique italien nouvrant pas de recours direct devant la Cour constitutionnelle.

    86. Enfin, elle indique que, le 19 mars 2014, le prsident de la Cour

    constitutionnelle a ajourn lexamen de la question souleve par le tribunal de Florence laquelle le Gouvernement se rfre dans lattente de la dcision que la Grande Chambre prendra sur la prsente requte.

    C. Apprciation de la Cour

    87. La Cour rappelle tout dabord quaux termes de larticle 35 1 de la Convention, elle ne peut tre saisie quaprs lpuisement des voies de recours internes. Tout requrant doit avoir donn aux juridictions internes

    loccasion que cette disposition a pour finalit de mnager en principe aux tats contractants, savoir viter ou redresser les violations allgues contre

    eux. Cette rgle se fonde sur lhypothse que lordre interne offre un recours effectif quant la violation allgue. Les dispositions de larticle 35 1 ne prescrivent toutefois lpuisement que des seuls recours la fois relatifs aux violations incrimines, disponibles et adquats. Ils doivent exister un

    degr suffisant de certitude non seulement en thorie mais aussi en pratique,

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 27

    sans quoi leur manquent leffectivit et laccessibilit voulues ; il incombe ltat dfendeur de dmontrer que ces exigences se trouvent runies (voir, parmi beaucoup dautres, McFarlane c. Irlande [GC], no 31333/06, 107, 10 septembre 2010, Mifsud c. France (dc.) [GC], no 57220/00, 15,

    CEDH 2002-VIII, Leandro Da Silva c. Luxembourg, no 30273/07, 40 et

    42, 11 fvrier 2010 et Vukovi et autres c. Serbie [GC], no 17153/11, 69-77, 25 mars 2014).

    88. Dans la prsente affaire, sappuyant sur le systme de contrle de constitutionnalit institu par les arrts de la Cour constitutionnelle nos 348

    et 349 du 24 octobre 2007, le Gouvernement soutient que les voies de

    recours qui taient ouvertes la requrante en droit interne nont pas t puises. cet gard, il cite des exemples de dcisions statuant au fond et

    des dcisions de la Cour constitutionnelle concernant la loi no 40/2004.

    89. La Cour observe demble que, par les arrts nos 348 et 349 susmentionns, la Cour constitutionnelle a dfini la place de la Convention

    des droits de lhomme dans les sources du droit interne, considrant que celle-ci tait une norme de rang intermdiaire entre la loi ordinaire et la

    Constitution. En outre, elle a estim quil incombait au juge du fond dinterprter la norme interne de manire conforme la Convention des droits de lhomme et la jurisprudence de la Cour. Elle a prcis que, lorsquune telle interprtation se rvlait impossible ou que le juge du fond avait des doutes quant la compatibilit de la norme interne avec la

    Convention, celui-ci tait tenu de soulever une question de

    constitutionnalit devant elle.

    90. La Cour rappelle aussi quen labsence dun recours interne spcifique la violation allgue, il appartient au Gouvernement de justifier,

    en sappuyant sur la jurisprudence interne, de lvolution, de la disponibilit, de la porte et du champ dapplication du recours quil invoque (voir, mutatis mutandis, Melntis c. Lettonie, no 30779/05, 50, 28 fvrier 2012, McFarlane prcit, 115-127, Costa et Pavan c. Italie,

    no 54270/10, 37, 28 aot 2012 et Vallianatos et autres c. Grce [GC],

    nos 29381/09 et 32684/09, 52-58, CEDH 2013 (extraits)).

    91. En lespce, la Cour constate que le Gouvernement sest rfr plusieurs affaires portant sur la loi no 40/2004 mais quil na fourni aucun exemple de dcision interne ayant tranch la question du don dembryons surnumraires la recherche. La Cour ne saurait dailleurs reprocher valablement la requrante de ne pas avoir introduit de demande visant

    lobtention dune mesure interdite par la loi. 92. Quant largument du Gouvernement selon lequel, depuis

    ladoption des arrts nos 348 et 349, le juge du fond a lobligation dinterprter la loi dont dcoule linterdiction litigieuse la lumire de la Convention et de la jurisprudence de Strasbourg alors quil ny tait pas tenu auparavant, plusieurs considrations conduisent la Cour conclure que

    cette assertion nest pas suivie, dans les faits, par une pratique

  • 28 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    juridictionnelle tablie, notamment dans le domaine de la procration

    mdicalement assiste.

    93. La Cour relve, premirement, que dans une affaire similaire celle

    de lespce et qui portait sur linterdiction de donner des embryons surnumraires la recherche scientifique, le tribunal de Florence a dcid,

    le 7 dcembre 2012, de soulever devant la Cour constitutionnelle la question

    de la constitutionnalit de larticle 13 de la loi no 40/2004 au regard des articles 9 et 32 de la Constitution, qui garantissent respectivement la libert

    de la recherche scientifique et le droit la sant (voir paragraphe 22 ci-

    dessus). La Cour constate toutefois quaucune question tenant la compatibilit de linterdiction en cause avec les droits garantis par la Convention na t souleve par le juge du fond.

    94. Elle note, deuximement, que, quelques exceptions prs, les

    dcisions des juges du fond et de la Cour constitutionnelle relatives la loi

    no 40/2004 cites par le Gouvernement (voir les paragraphes 78 et 81

    ci-dessus) ne se rfrent pas la Convention des droits de lhomme. Tel est le cas des ordonnances nos 396/2006 et 97/2010 de la Cour constitutionnelle

    ainsi que de son arrt no 151/2009, des ordonnances des tribunaux de

    Cagliari, de Florence, de Bologne et de Salerne adoptes le

    22 septembre 2007, le 17 dcembre 2007, le 29 juin 2009 et le

    9 janvier 2010 respectivement, ainsi que de la dcision du tribunal de

    Florence du 7 dcembre 2012.

    95. Il est vrai que, dans lordonnance no 150 du 22 mai 2012 par laquelle elle a renvoy au juge du fond une affaire qui portait sur linterdiction de la fcondation htrologue, la Cour constitutionnelle sest rfre, entre autres, aux articles 8 et 14 de la Convention. Force est de constater toutefois que,

    dans son arrt no 162 du 10 juin 2014 concernant cette mme affaire, la

    Cour constitutionnelle na analys linterdiction litigieuse qu la lumire des articles de la Constitution qui taient en cause ( savoir les articles 2, 31

    et 32). Quant aux articles 8 et 14 de la Convention, invoqus uniquement

    par un des trois tribunaux du fond (voir le paragraphe 35 ci-dessus), elle

    sest borne observer que les questions souleves sous langle de ces dispositions taient couvertes par les conclusions auxquelles elle tait

    parvenue sur le terrain de la Constitution (voir le paragraphe 39 ci-dessus).

    96. Dans ces conditions, les deux seules exceptions labsence de prise en compte de la Convention et de sa jurisprudence sont constitues par les

    ordonnances des tribunaux de Cagliari (du 9 novembre 2012) et de Rome

    (du 15 janvier 2014) qui, eu gard aux conclusions de la Cour dans laffaire Costa et Pavan (prcit), ont respectivement garanti laccs des demandeurs au diagnostic primplantatoire et soulev une question de constitutionnalit

    sur ce point devant la Cour constitutionnelle. Il nen demeure pas moins quil ne sagit que de deux cas isols sur les onze invoqus par le Gouvernement, qui concernent un domaine diffrent de celui ici en cause et

    sur lequel la Cour avait dj statu.

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 29

    97. De surcroit, la compatibilit de larticle 13 de la loi no 40/2004 avec les droits garantis par la Convention tant une question nouvelle, la Cour

    nest gure convaincue que la possibilit offerte la requrante de porter ses griefs devant un juge ordinaire constitue un remde efficace.

    98. Les arrts nos 348 et 349 eux-mmes apportent des prcisions sur la

    diffrence des rles respectifs de la Cour de Strasbourg et de la Cour

    constitutionnelle en indiquant quil appartient la premire dinterprter la Convention et quil revient la seconde de rechercher sil existe un conflit entre telle ou telle norme nationale et les droits garantis par la Convention,

    la lumire notamment de linterprtation fournie par la Cour europenne des droits de lhomme (voir le paragraphe 26 ci-dessus).

    99. Dailleurs, la dcision prise le 19 mars 2014 par le prsident de la Cour constitutionnelle dajourner lexamen de la question pose le 7 dcembre 2012 par le tribunal de Florence en attendant que la Cour se

    prononce en lespce (voir le paragraphe 53 ci-dessus) sinscrit dans cette logique.

    100. Dans ce contexte, la Cour relve que, dans un arrt rcent (no 49,

    dpos le 26 mars 2015) o elle a analys entre autres la place de la

    Convention europenne des droits de lhomme et de la jurisprudence de la Cour dans lordre juridique interne, la Cour constitutionnelle a indiqu que le juge du fond ntait tenu de se conformer la jurisprudence de la Cour que dans le cas o celle-ci tait bien tablie ou tait nonce dans un

    arrt pilote .

    101. En tout tat de cause, la Cour a rappel maintes reprises que, dans

    lordre juridique italien, le justiciable ne jouit pas dun accs direct la Cour constitutionnelle : en effet, seule une juridiction qui connat du fond

    dune affaire a la facult de la saisir, la requte dun plaideur ou doffice. Ds lors, pareille requte ne saurait sanalyser en un recours dont la Convention exige lpuisement (voir, entre autres, Brozicek c. Italie no 10964/84, 19 dcembre 1989, 34, srie A no 167, Immobiliare Saffi

    c. Italie [GC], no 22774/93, 42, CEDH 1999-V, C.G.I.L. et

    Cofferati c. Italie, no 46967/07, 48, 24 fvrier 2009, Scoppola c. Italie

    (no 2) [GC], no 10249/03, 75, 17 septembre 2009 et M.C. et autres c. Italie,

    no 5376/11, 47, 3 septembre 2013). En revanche, la Commission et la

    Cour ont jug, en ce qui concerne dautres tats membres, que le recours direct devant la Cour constitutionnelle constituait une voie de recours

    interne puiser (voir, par exemple, W. c. Allemagne, no 10785/84, 18

    juillet 1986, Dcisions et rapports (DR) 48, p. 104, Union Alimentaria

    Sanders SA c. Espagne, no 11681/85, 11 dcembre 1987 DR 54,

    pp. 101, 104, S.B. et autres c. Belgique (dc.), no 63403/00, 6 avril 2004 et

    Griankova et Griankovs c. Lettonie (dc.), no 36117/02, CEDH 2003-II (extraits)).

    102. Au vu de ce qui prcde, la Cour ne saurait considrer que le

    systme dinterprtation obligatoire de la norme interne la lumire de la

  • 30 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    Convention tabli par les arrts nos 348 et 349 constitue un tournant de

    nature rfuter une telle conclusion (voir, a contrario, les rcentes

    dcisions de la Cour reconnaissant lefficacit du recours devant la Cour constitutionnelle turque la suite de la mise en place dun recours individuel direct devant celle-ci : Hasan Uzun c. Turquie (dc.),

    no 10755/13, 25-27, 30 avril 2013 et Ali Kointar c. Turquie (dc.),

    no 77429/12, 1er juillet 2014).

    103. Il convient de saluer les principes dgags par les arrts nos 348

    et 349 du 24 octobre 2007, notamment quant la place revenant la

    Convention dans les sources du droit et linvitation faite aux autorits judiciaires nationales dinterprter les normes internes et la Constitution la lumire de la Convention europenne des droits de lhomme et de la jurisprudence de la Cour. La Cour note aussi que, dans des matires autres

    que la procration mdicalement assiste, nombreuses ont t les dcisions

    dans lesquelles la Cour constitutionnelle a conclu linconstitutionnalit dune norme interne sur la base, entre autres, de lincompatibilit de celle-ci avec les droits garantis par la Convention et la jurisprudence de la Cour (tel

    est notamment le cas de larrt no 39 du 5 mars 2008 relatif aux incapacits attaches la faillite, de larrt no 93 du 17 mars 2010 portant sur la publicit des audiences dans les procdures dapplication des mesures provisoires, et de larrt no 210 du 3 juillet 2013 ayant trait la rtroactivit de la loi pnale).

    104. Toutefois, il y a lieu de relever tout dabord que le systme italien ne prvoit pour les particuliers quun recours indirect devant la Cour constitutionnelle. En outre, le Gouvernement na pas dmontr, en sappuyant sur une jurisprudence et une pratique tablies, quen matire de donation dembryons la recherche, lexercice par la requrante dune action devant le juge du fond, combin avec le devoir de ce dernier de

    soulever devant la Cour constitutionnelle une question de constitutionnalit

    la lumire de la Convention, constituait, en lespce, une voie de recours effective que lintresse aurait d puiser.

    105. Eu gard ce qui prcde et au fait que la Cour constitutionnelle a

    dcid de suspendre lexamen dune affaire similaire pendante devant elle en attendant que la Cour statue dans la prsente affaire, il convient de rejeter

    lexception souleve par le gouvernement dfendeur.

    II. SUR LE RESPECT DU DLAI DE SIX MOIS

    A. Position du Gouvernement

    106. Lors de laudience, le Gouvernement a excip de la tardivit de la requte, faisant valoir que la loi qui interdit le don dembryons la recherche scientifique est entre en vigueur le 10 mars 2004 et que la

    requrante na sollicit la mise disposition de ses embryons en vue dun

  • ARRT PARRILLO c. ITALIE 31

    tel don que le 14 dcembre 2011, par une lettre adresse cette date au

    centre de mdecine de la reproduction o ceux-ci taient cryoconservs.

    B. Position de la requrante

    107. La requrante a rpliqu cette exception au cours de laudience en indiquant que, si elle avait adress une demande crite de mise disposition

    de ses embryons au centre de mdecine de la reproduction le

    14 dcembre 2011, elle avait auparavant formul oralement dautres demandes ayant le mme objet.

    108. En tout tat de cause, lintresse soutient que toute demande adresse au centre de mdecine de la reproduction tait voue lchec, rappelant que la loi applicable interdit catgoriquement le don dembryons la recherche scientifique.

    C. Apprciation de la Cour

    109. La Cour rappelle avoir reconnu que, lorsquune ingrence dans le droit invoqu par un requrant dcoule directement dune loi, celle-ci, par son seul maintien en vigueur, peut reprsenter une ingrence permanente

    dans lexercice du droit concern (voir, par exemple, les affaires Dudgeon c. Royaume-Uni, 22 octobre 1981, 41, srie A no 45, et

    Norris c. Irlande, 26 octobre 1988, 38, srie A no 142, dans lesquelles les

    requrants, homosexuels, se plaignaient de ce que des lois rprimant les

    actes homosexuels par des sanctions pnales portaient atteinte leur droit au

    respect de leur vie prive).

    110. La Cour sest fonde sur cette approche dans laffaire Vallianatos et autres c. Grce ([GC], nos 29381/09 et 32684/09, 54, CEDH 2013

    (extraits)), dans laquelle les requrants se plaignaient dune violation continue des articles 14 et 8 de la Convention du fait de limpossibilit pour eux, en tant que couples de mme sexe, de conclure des pactes de vie

    commune , tandis que cette possibilit tait reconnue par la loi aux couples

    de sexe oppos. En outre, dans laffaire S.A.S. c. France ([GC], no 43835/11, 110, CEDH 2014 (extraits)), qui concernait linterdiction lgale de porter une tenue destine dissimuler le visage dans lespace public, la Cour a relev que la situation de la requrante tait similaire

    celle des requrants dans les affaires Dudgeon et Norris, o elle avait

    constat une ingrence continue dans lexercice des droits protgs par larticle 8 de la Convention.

    111. La Cour admet que, dans les affaires prcites, limpact des mesures lgislatives incrimines sur la vie quotidienne des requrants tait

    plus important et plus direct quen lespce. Nanmoins, on ne saurait nier que linterdiction lgale du don dembryons la recherche scientifique en cause dans la prsente affaire a une incidence sur la vie prive de la

  • 32 ARRT PARRILLO c. ITALIE

    requrante. Cette incidence, qui rsulte du lien biologique existant entre

    lintresse et ses embryons ainsi que de lobjectif de ralisation dun projet familial lorigine de leur cration, dcoule directement de lentre en vigueur de la loi no 40/2004 et sanalyse en une situation continue en ce quelle affecte la requrante de manire permanente depuis lors (voir le rapport final de la Commission dtude sur les embryons du 8 janvier 2010, qui met lhypothse dune conservation sans limite de dure des embryons congels, paragraphe 21 ci-dessus).

    112. En pareil cas, selon la jurisprudence de la Cour, le dlai de six mois

    ne commence courir qu partir du moment o la situation en cause a pris fin (voir parmi dautres, nar c. Turquie, no 17864/91, dcision de la Commission du 5 septembre 1994). En consquence, la Cour ne souscrit pas

    la thse du Gouvernement selon laquelle ce dlai court partir du jour de

    lentre en vigueur de la loi litigieuse. 113. Par ailleurs, la thse du Gouvernement quivaut considrer que la

    requrante dsirait donner ses embryons ds lentre en vig