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22/09/2011 AINS ET RISQUE CORONARIEN APRES INFARCTUS Les patients en insuffisance cardiaque ou coronariens ayant des antécédents d’infarctus sont loin d’être épargnés par des atteintes arthrosiques. Les AINS sont largement prescrits dans la population générale mais aussi dans cette population soit pour leurs effets analgésiques, soit comme anti-inflammatoires et enrayer les poussées évolutives. Pour plusieurs médicaments inhibiteurs sélectifs de la cyclooxygénase 2 (cox 2 inhibiteurs) des essais contrôlés ont bien démontré un risque majeur de complications cardiovasculaires sérieuses et ont entrainé leur retrait. Mais les inhibiteurs de la COX 1 sont très largement prescrits et la sécurité cardiovasculaire de l’ensemble des AINS est un problème de santé majeur vu leur très fréquente utilisation dans la population générale âgée et chez les patients ayant des antécédents coronariens. Dans beaucoup de pays, Etats-Unis, et plusieurs pays européens, tels l’Allemagne et l’Espagne, ces médicaments sont disponibles dans des supermarchés et quelques uns sont utilisables en France sans prescription médicale ! Deux études très récentes attirent l’attention sur le risque coronarien et cardiovasculaire des AINS, inhibiteurs de la COX 1 très largement utilisés (1-2). Une étude danoise a analysé les risques de la prescription des AINS en fonction de la durée du traitement chez des patients ayant des antécédents d’infarctus. Les patients âgés de plus de 30 ans et hospitalisés entre 1997 et 2006, soumis à un traitement par AINS entrèrent dans ce travail rétrospectif. Les risques de décès et de nouvel infarctus furent analysés en étude multivariée en tenant compte du taux d’événements pour 1000 patients/ année. Parmi les 83 677 patients inclus, 42,3 % prenaient un AINS au cours de la période de suivi. Il y eut 35 257 décès ou récidive d’infarctus. Le traitement par AINS est associé de manière significative à un risque augmenté de décès ou d’infarctus : HR 1,45 (IC 95 % 1,29-1,62), dès le début du traitement et le risque persiste durant tout le traitement ; HR : 1,55 (IC 95 % 1,46-1,64 après 90 jours). Les analyses en fonction de l’AINS montrent que le diclofenac est associé au risque le plus élevé (HR : 3,26 IC 95 % 2,57-3,86 pour les décès et les récidives d’infarctus). Même un traitement bref avec la plus part des AINS, pour ces auteurs, augmente le risque de récidive d’IM et de décès chez les patients ayant un infarctus dans leurs antécédents. Une autre étude évaluait aussi la sécurité des AINS, particulièrement chez des patients ayant de lourds antécédents coronariens. Une étude rétrospective multicentrique internationale de cohorte a inclus 48.566 patients hospitalisés pour infarctus, syndrome coronarien aigu ST- ou revascularisation. Par rapport aux non utilisateurs de d’AINS, le risque d’événements coronariens augmente à court terme avec l’ibuprofène, (1,67 [1,9- 2,57]), le diclofenac, (1,86 [1,18-2,92]), le celecoxib (1,37 [0,96- 1,94]), le rofecoxib (1,46 [1,03-2,07] mais pas avec le naproxene (0,88 [0,50-1,55]). Par rapport au naproxene les utilisateurs courants de diclofenac ont un risque accru d’événements coronariens et d’événements coronariens et de décès. (p=0,0002) Chez les patients hospitalisés récemment pour un événement coronarien, le naproxene a une sécurité supérieure à celle du diclofenac, de l’ibuprofène et de doses élevées de celecoxib et rofecoxib. Une dernière étude, et elle semble la première à avoir été réalisée, a envisagé la sécurité au plan cardiovasculaire des AINS sur une population de sujets considérés sains, n’ayant subit aucune hospitalisation les 5 années précédant la première prescription d’AINS et sans prescription de médicament au cours des 2 ans précédant l’étude. Le risque d’événements coronariens et un critère composite, (décès coronarien, infarctus et AVC non fatals) avec l’emploi d’AINS fut considéré chez 4.614. 807 individus dont 2.600 000 eurent une prescription d’AINS entre 1995 et 2005. La prescription de diclofenac et de l’inhibiteur sélectif de la cyclooxygénase 2, rofecoxib, est associée à une augmentation du risque de décès cardiovasculaire (Odd ratio 1,91, IC 1,62- 2,52), risque qui n’est pas mis en évidence, dans cette étude chez le sujet sain, pour le naproxene. Chez les insuffisants cardiaques, les AINS facilitent les poussées congestives et les récidives. Dans une étude de 10.000 patients âgés de plus de 55 ans, l’emploi concomitant de diurétiques et d’AINS multiplie par 2 le taux d’hospitalisations pour récidive de l’insuffisance cardiaque. En synthèse, les risques cardiaques et cardiovasculaires doivent être pris en considération chez les coronariens, placés même pour un courte durée, sous AINS. Chaque molécule a des propriétés particulières et une sécurité variable à l’égard des événements cardiovasculaires, non seulement chez les patients à risque, mais aussi chez les sujets sains.

AINS et risque coronarien après infarctus

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Page 1: AINS et risque coronarien après infarctus

22/09/2011

AINS ET RISQUE CORONARIEN APRES INFARCTUS

Les patients en insuffisance cardiaque ou coronariens ayant des antécédents d’infarctus sont loin d’être épargnés par des atteintes arthrosiques. Les AINS sont largement prescrits dans la population générale mais aussi dans cette population soit pour leurs effets analgésiques, soit comme anti-inflammatoires et enrayer les poussées évolutives. Pour plusieurs médicaments inhibiteurs sélectifs de la cyclooxygénase 2 (cox 2 inhibiteurs) des essais contrôlés ont bien démontré un risque majeur de complications cardiovasculaires sérieuses et ont entrainé leur retrait. Mais les inhibiteurs de la COX 1 sont très largement prescrits et la sécurité cardiovasculaire de l’ensemble des AINS est un problème de santé majeur vu leur très fréquente utilisation dans la population générale âgée et chez les patients ayant des antécédents coronariens.

Dans beaucoup de pays, Etats-Unis, et plusieurs pays européens, tels l’Allemagne et l’Espagne, ces médicaments sont disponibles dans des supermarchés et quelques uns sont utilisables en France sans prescription médicale ! Deux études très récentes attirent l’attention sur le risque coronarien et cardiovasculaire des AINS, inhibiteurs de la COX 1 très largement utilisés (1-2). Une étude danoise a analysé les risques de la prescription des AINS en fonction de la durée du traitement chez des patients ayant des antécédents d’infarctus. Les patients âgés de plus de 30 ans et hospitalisés entre 1997 et 2006, soumis à un traitement par AINS entrèrent dans ce travail rétrospectif. Les risques de décès et de nouvel infarctus furent analysés en étude multivariée en tenant compte du taux d’événements pour 1000 patients/ année.

Parmi les 83 677 patients inclus, 42,3 % prenaient un AINS au cours de la période de suivi. Il y eut 35 257 décès ou récidive d’infarctus. Le traitement par AINS est associé de manière significative à un risque augmenté de décès ou d’infarctus : HR 1,45 (IC 95 % 1,29-1,62), dès le début du traitement et le risque persiste durant tout le traitement ; HR : 1,55 (IC 95 % 1,46-1,64 après 90 jours). Les analyses en fonction de l’AINS montrent que le diclofenac est associé au risque le plus élevé (HR : 3,26 IC 95 % 2,57-3,86 pour les décès et les récidives d’infarctus). Même un traitement bref avec la plus part des AINS, pour ces auteurs, augmente le risque de récidive d’IM et de décès chez les patients ayant un infarctus dans leurs antécédents. Une autre étude évaluait aussi la sécurité des AINS, particulièrement chez des patients ayant de lourds antécédents coronariens. Une étude rétrospective multicentrique internationale de cohorte a inclus 48.566 patients hospitalisés pour infarctus, syndrome coronarien aigu ST- ou revascularisation. Par rapport aux non utilisateurs de d’AINS, le risque d’événements coronariens augmente à court terme avec l’ibuprofène, (1,67 [1,9-2,57]), le diclofenac, (1,86 [1,18-2,92]), le celecoxib (1,37 [0,96- 1,94]), le rofecoxib (1,46 [1,03-2,07] mais pas avec le naproxene (0,88 [0,50-1,55]). Par rapport au naproxene les utilisateurs courants de diclofenac ont un risque accru d’événements coronariens et d’événements coronariens et de décès. (p=0,0002) Chez les patients hospitalisés récemment pour un événement coronarien, le naproxene a une sécurité supérieure à celle du diclofenac, de l’ibuprofène et de doses élevées de celecoxib et rofecoxib.

Une dernière étude, et elle semble la première à avoir été réalisée, a envisagé la sécurité au plan cardiovasculaire des AINS sur une population de sujets considérés sains, n’ayant subit aucune hospitalisation les 5 années précédant la première prescription d’AINS et sans prescription de médicament au cours des 2 ans précédant l’étude. Le risque d’événements coronariens et un critère composite, (décès coronarien, infarctus et AVC non fatals) avec l’emploi d’AINS fut considéré chez 4.614. 807 individus dont 2.600 000 eurent une prescription d’AINS entre 1995 et 2005. La prescription de diclofenac et de l’inhibiteur sélectif de la cyclooxygénase 2, rofecoxib, est associée à une augmentation du risque de décès cardiovasculaire (Odd ratio 1,91, IC 1,62-2,52), risque qui n’est pas mis en évidence, dans cette étude chez le sujet sain, pour le naproxene. Chez les insuffisants cardiaques, les AINS facilitent les poussées congestives et les récidives. Dans une étude de 10.000 patients âgés de plus de 55 ans, l’emploi concomitant de diurétiques et d’AINS multiplie par 2 le taux d’hospitalisations pour récidive de l’insuffisance cardiaque. En synthèse, les risques cardiaques et cardiovasculaires doivent être pris en considération chez les coronariens, placés même pour un courte durée, sous AINS. Chaque molécule a des propriétés particulières et une sécurité variable à l’égard des événements cardiovasculaires, non seulement chez les patients à risque, mais aussi chez les sujets sains.

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Ces effets délétères ont été déjà bien établis pour les inhibiteurs sélectifs de la cyclooxygénase 2 (COX 2) mais ils doivent être pris en considération aussi pour les inhibiteurs de la cyclooxygénase 1. Chez les patients âgés ou les comorbidités sont courantes, atteints de lésions coronaires, la large prescription des AINS n’est pas dénuée de risques.

Pr Jean-Paul BOUNHOURE,

Toulouse

Bibliographie : 1) Schjerming Olsen AM et al Duration of treatment with nonsteroidal AINS drugs and impact on risk of death and recurrent myocardial infarction in patients with prior myocardial infarction Circulation 2011;123:2226-34. 2) Ray WA et al Cardiovascular risks of AINS drugs in patients after hospitalization for serious coronary disease. Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2009;2:155-63.

3) Fosbol EL et al Cause specific cardiovascular risk associated with AINS among healthy individuals Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2010;3:395-405.