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Algèbre linéaire et

bilinéaireM2Agreg 2010-2012

Erwann Aubry

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Sommaire

I Algèbre linéaire 1

1 Modules 51.1 Dénition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.2 Modules produits, modules quotients . . . . . . . . . . . . . . . 71.3 Sous-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.4 Somme de sous-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.5 Applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.6 Familles génératrices, familles libres, bases . . . . . . . . . . . . 10

2 Formes multilinéaires 132.1 Formes alternées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162.2 Déterminants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.3 Calcul des déterminants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252.4 Autres applications des déterminants . . . . . . . . . . . . . . . 312.5 Dérivée d'un déterminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

i

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ii

3 Dimension d'un A-module 353.1 Dénition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363.2 Caractérisation des familles libres des modules libres de dimen-

sion nie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373.3 Bases d'un module libre de type ni . . . . . . . . . . . . . . . 403.4 Familles génératrices des modules libres . . . . . . . . . . . . . 413.5 Espaces vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423.6 Rang d'une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

4 Dualité 474.1 Dual-Bidual . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474.2 Dual . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 514.3 Bidual . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 524.4 Orthogonalité formes-vecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 534.5 Cas de la dimension nie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 544.6 Transposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

5 Matrices 595.1 Matrice d'une application linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 595.2 Somme et multiplication par un scalaire . . . . . . . . . . . . . 635.3 Produit de matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 655.4 Transposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 695.5 Changement de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 705.6 Trace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 715.7 Matrices équivalentes, matrices semblables . . . . . . . . . . . . 725.8 Facteurs invariants d'une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

6 Réduction des endomorphismes 916.1 diagonalisation, trigonalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 926.2 Polynômes annulateurs, polynôme minimal . . . . . . . . . . . 986.3 Lemme des noyaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

7 Invariants de similitude 1097.1 Sous-espace stable, élément primitif . . . . . . . . . . . . . . . . 1097.2 Calcul des invariants de similitude . . . . . . . . . . . . . . . . 1147.3 Structure de krXs-module associée à u . . . . . . . . . . . . . . 1167.4 Réduite de Froebenius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1187.5 Théorème de Jordan, décomposition de Dunford et généralisations120

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iii

II Algèbre bilinéaire 123

8 Formes bilinéaires symétriques et quadratiques 1258.1 Formes bilinéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1258.2 Formes bilinéaires symétriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1288.3 Formes bilinéaires symétriques et formes quadratiques en dimen-

sion nie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

9 Signature 1459.1 Théorème de Sylvester . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1459.2 Classication des formes quadratiques . . . . . . . . . . . . . . 149

10 Espaces pré-Hilbertiens réels, espaces Euclidiens 15110.1 Espaces pré-Hilbertiens réels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15110.2 Espaces Euclidiens, orthogonalité, bases orthonormales . . . . . 156

Bibliographie 163

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IAlgèbre linéaire

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3

D ans tout le polycopié, A désigne un anneau commutatif, A l'ensembledes éléments inversibles de A et K un corps commutatif. Les résultats

seront énoncés dans le cadre des Amodules dans la mesure du possible (et duraisonnable).

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Sommaire

1.1 Dénition

1.2 Modules produits, modules quotients

1.3 Sous-modules

1.4 Somme de sous-modules

1.5 Applications linéaires

1.6 Familles génératrices, familles libres, bases

Chapitre

1Modules

L e but de ce premier chapitre est de dénir l'objet de base de l'algèbrelinéaire. On s'intéressera aux modules, qui sont légèrement plus généraux

que les espaces vectoriels, avec comme objectif l'étude des espaces vectoriels,du Z-module associé à un groupe abélien et du krXs-module associé à unendomorphisme d'un espace vectoriel.

5

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6 CHAPITRE 1. MODULES

1.1 Définition

Dénition 1.1 Un A-module pM,, q est un groupe abélien pM,q munid'une loi externe pa,mq P AM ÞÑ a m PM qui vérie

1. pabq m a pb mq,2. pa bq m a m b m,

3. 1 m m,

4. a pm nq a m a npour tout pa, bq P A2 et tout pm,nq PM2.

Exemples.

1. Si A est un corps alors M est appelé un espace vectoriel.

2. L'espace An est naturellement muni d'une structure de A-module de loiexterne a pa1, , anq pa a1, , a anq,

3. Soit I un ensemble. On note AI l'ensemble des famille d'éléments de Aindexées par I et ApIq l'ensemble des famille d'éléments de A presquenulles indexées par I (i.e. dont un nombre ni seulement d'éléments sontnon nuls). Les lois paiqiPI pa1iqiPI pai a1iqiPI et a paiqiPI pa aiqiPI munissent les ensembles AI et ApIq de leur structure de A-modulenaturelle.

4. Si pG,q est un groupe abélien, alors la loi externe n g g glooooomooooonn fois

si

n ¥ 1, 0 g 0 et n g pnq pgq si n ¤ 1 muni G d'une structurede Z-module.

5. Si E est un K-espace vectoriel et u P LpEq est un endomorphisme de E,alors la loi externe pP, xq P KrXs E ÞÑ

P puqpxq P E muni E d'unestructure de KrXs-module appelée structure de KrXs-module associée àu.

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1.2. MODULES PRODUITS, MODULES QUOTIENTS 7

1.2 Modules produits, modules quotients

Dénition 1.2 Soit pMiqiPI une famille de A-modules. On appelle module pro-

duit l'ensemble¹iPI

Mi muni de la structure de groupe produit et de la loi externe

A ¹iPI

Mi ѹiPI

Mi dénie par a pmiqiPI pa miqiPI .¹iPI

Mi est alors un

A-module.

Dénition 1.3 Soit M un A-module et N un sous-module de M . On appellemodule quotient de M par N le groupe quotient MN muni de la loi externea rms ra ms. MN est alors un A-module.

1.3 Sous-modules

Dénition 1.4 Soit M un A-module. N M est un sous-module de M si etseulement si c'est un sous-groupe de M stable par la loi externe. N est alorsun A-module pour les lois induites.

Exercice 1.5 Soit A un anneau commutatif. Caractériser les sous-modules deA pour sa structure naturelle de A-module.

Soit G un groupe abélien. Caractériser ses sous-modules pour sa structurede Z-module.

Soit E un K-espace vectoriel et u P LpEq. Caractériser les sous-modules deE pour la structure de KrXs-module associée à u.

Proposition 1.6 Soit pNiqiPI une famille de sous-modules deM . Alors XiPINiest un sous-module de M .

Dénition 1.7 Soit S une sous-partie deM . On appelle sous-module engendrépar S le plus petit sous-module de M contenant S. On le note ModpSq.

Proposition 1.8 On a ModpSq !°

sPS as s, pasqsPS P ApSq).

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8 CHAPITRE 1. MODULES

1.4 Somme de sous-modules

Dénition 1.9 Soit pNiqiPI une famille de sous-modules deM . On note°iPI Ni

le sous-module de M engendré par l'ensemble YiPINi. On l'appelle la sommedes sous-modules pNiq et on a¸

iPI

Ni !¸iPI

mi, pmiq P¹iPI

Ni presque nulle).

Dénition 1.10 Soit pNiqiPI une famille de sous-modules de M . On dit que lasomme

°iPI Ni est directe si et seulement si tout élément m P °

iPI Ni admetune unique décomposition m °

iPI mi avec pmiq P±Ni presque nulle. On

note alors°iPI Ni

ÀiPI Ni.

Exercice 1.11 Soit pMiqiPI une famille de modules non nuls. Montrer quel'ensemble Ni tpxjqjPI P

±iPIMi, xj 0 si j iu est un sous-module de±

iPIMi et que°iNi

±iPIMi si et seulement si I est ni.

Proposition 1.12 La famille pNiqiPI est en somme directe si et seulement sipour tout i P I, on a Ni X

°jPIztiuNj

t0u.Dénition 1.13 Soit N un sous-module de M . Tout sous-module P de M telqueM N`P est appelé supplémentaire de N . Si N admet un supplémentaire,on dit que N est un facteur direct de M .

Exercice 1.14 Montrer que p1, 2qZ est un supplémentaire de p0, 1qZ dans leZ-module Z2. Montrer que 2Z est un sous-module du Z-module Z qui n'admetpas de supplémentaire.

1.5 Applications linéaires

Dénition 1.15 Soit M et N deux A-modules. Une application f : M Ñ Nest dite linéaire si et seulement si c'est un morphisme pour les lois interneset externes (i.e. fpa mq a fpmq et fpm m1q fpmq fpm1q). On ditalors que f est un morphisme de A-module. Dans le cas M N , on parled'endomorphisme.

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1.5. APPLICATIONS LINÉAIRES 9

Proposition 1.16 Soit M et N deux A-modules. L'ensembleLpM,Nq,,

des morphismes de M dans N est une A-algèbre.

Proposition 1.17 Soit f : M Ñ N une application linéaire. Si f est bijective,alors f1 est aussi linéaire. On dit alors que f est un isomorphisme de A-modules et que M et N sont isomorphes. Dans le cas M N , on dit que f estun automorphisme.

Proposition 1.18 Soit M un A-module. L'ensembleGlpMq, des automor-

phismes de M est groupe.

Exemples. Soit M un A-module et N un sous-module de M . Alors laprojection π : x P M ÞÑ rxs P MN et l'injection i : x P N ÞÑ x P M sontlinéaires.

Exercice 1.19 Soit G et G1 deux groupes abéliens. Caractériser les applica-tions linéaires de G vers G1 pour leur structure de Z-modules.

Soit E et E1 deux K-espaces vectoriels, u P LpEq et u1 P LpE1q. Caractériserles applications linéaires de E dans E1 pour les structures de KrXs-moduleassociées à u et u1. Dans le cas E E1, montrer que les KrXs-modules associésà u et u1 sont isomorphes si et seulement si u et u1 sont semblables.

Proposition 1.20 L'image (respectivement l'image réciproque) d'un sous-modulepar une application linéaire est un sous-module.

Dénition 1.21 On note ker f f1p0q et Im f fpMq les sous-modulesnoyau et image de f .

Proposition 1.22 Un morphisme f : M Ñ N est injectif si et seulement siker f t0u.Théorème 1.23 Soit f : M Ñ N une application linéaire. On note π : M ÑM ker f le morphisme de projection et i : Im f Ñ N le morphisme d'inclusion.Alors il existe un unique morphisme f : M ker f Ñ Im f tel que f i f π.Le diagramme suivant est donc commutatif

MfÝÑ N

π Ó Ò iM ker f

fÝÑ Im f

De plus, f est un isomorphisme.

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10 CHAPITRE 1. MODULES

Exercice 1.24 Soit M N ` P une somme directe. Montrer que P est iso-morphe au module MN .

Exercice 1.25 Soit M un A-module et N un sous-module de M . Montrer queles sous-modules MN sont en bijection avec les sous-modules de M contenantN (indication: utiliser la projection π : M ÑMN).

Exercice 1.26 Montrer que si L,N sont des sous-modules de M , alors lesmodules pLNqN et LpLXNq sont isomorphes.

Exercice 1.27 Montrer que si L N sont des sous-modules deM alorsMNet pMLqpNLq sont isomorphes.

Exercice 1.28 Soit M ArXs et P PM un polynôme unitaire (i.e. de coe-cient dominant inversible) et de degré d. Montrer que le A-module MpP q (oùpP q est l'idéal engendré par P dans M) est isomorphe à Ad.

1.6 Familles génératrices, familles libres, bases

Dénition 1.29 Une famille pmiqiPI d'éléments de M est génératrice si etseulement si pour tout m PM , il existe une famille presque nulle paiqiPI P ApIq

d'éléments de A telle que m °iPI aimi (i.e. M Modptmi, i P Iuq et

paiqiPI P ApIq ÞÑ °i aimi PM est surjective).

Dénition 1.30 Une famille pmiqiPI d'éléments de M est libre si et seule-ment si la seule famille presque nulle paiqiPI P ApIq d'éléments de A telle que°iPI aimi 0 est la famille nulle (i.e. paiqiPI P ApIq ÞÑ °

i aimi P M estinjective).

Proposition 1.31 pmiqiPI est libre si et seulement si tout élément m du mo-dule Modptmi, i P Iuq admet une unique décomposition de la forme

°i aimi.

Dénition 1.32 Une famille pmiqiPI d'éléments deM est une base si et seule-ment si elle est libre et génératrice.

Ainsi, si pmiq est une base de M , tout élément m P M admet une et uneseule décomposition m °

i aimi. ai est appelé i-ème coecient de m dans labase pmiq.

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1.6. FAMILLES GÉNÉRATRICES, FAMILLES LIBRES, BASES 11

Exemple. Le A-module An admet une base, appelée base canonique, consti-

tuée des éléments ei p10, , i10 ,

i1,i10 , , n0q pour 1 ¤ i ¤ n.

Exercice 1.33 Montrer que la famille pX,X2 1q est génératrice mais paslibre dans le ArXs-module ArXs.

Dénition 1.34 Un module est dit libre si et seulement si il admet une base.

Exemple. Soit I un ensemble non vide. On note ApIq l'ensemble des suitespresque nulles d'éléments de A. C'est un module libre de base peiqiPI , où ei estl'élément de ApIq dont le coecient d'indice i vaut 1 et les autres sont nuls.

Remarque 1.35 Soit M un A-module libre. Si pmiqiPI est une base de Malors paiq P ApIq ÞÑ °

i aimi P M est un isomorphisme. Donc tout A-modulelibre est isomorphe à un des modules ApIq.

Dénition 1.36 Un module est dit de type ni si et seulement si il admet unefamille génératrice nie. Un module est dit de dimension nie si et seulementsi il admet une base de cardinal ni.

Remarque 1.37 Si M est de type ni et pmiq1, ,n est une famille génératricealors f : paiq P An ÞÑ

°i aimi P M est linéaire et surjective. On en déduit que

M est isomorphe à An ker f . Réciproquement, tout module de la forme AnN ,où N est un sous-module de An, est de type ni.

Exercice 1.38 Trouver toutes les familles libres, génératrices et les bases deZ6Z en tant que Z6Z-module (respectivement Z-module).

Proposition 1.39 Toute sur-famille d'une famille génératrice est génératrice.Toute sous-famille d'une famille libre est libre. L'image d'une famille généra-trice par un morphisme surjectif est génératrice. L'image d'une famille librepar un morphisme injectif est libre. L'image d'une base par un isomorphismeest une base.

Proposition 1.40 Soit pmiqiPI une base deM et pniqiPI une famille d'élémentde N . Alors il existe une unique application linéaire f : M Ñ N telle quefpmiq ni pour tout i P I.

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Sommaire

2.1 Formes alternées

2.2 Déterminants

2.3 Calcul des déterminants

2.4 Autres applications des déterminants

2.5 Dérivée d'un déterminant

Chapitre

2Formes multilinéaires

D ans ce chapitre, on introduit diérentes notions de déterminants (d'une fa-mille de vecteurs, d'un endomorphisme et d'une matrice). Cet outil est fon-

damental en algèbre linéaire car il permet de résoudre de nombreux problèmespratiques (inversibilité des endomorphismes et des matrices, caractérisationdes bases, calcul du volume des simplexes, orientation des espaces vectorielsréels,...).

13

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14 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

Dénition 2.1 Soit E1, . . . , Ep et F des A-modules. Une application f : E1 Ep Ñ F est dite p-linéaire de

p¹i1

Ei dans F si et seulement si pour tout

px1, , xpq P¹i

Ei et pour tout 1 ¤ i0 ¤ p, l'application

Ei0 Ñ Fui0 ÞÑ fpx1, , ui0 , , xpq

est linéaire de Ei0 dans F .

On note LppE1, , Ep;F q l'ensemble des applications p-linéaires de E1 Ep dans F .

Dans le cas particulier où F A, f est appelée forme p-linéaire et on noteLppE1, , Epq leur ensemble.

Dans le cas particulier où E1 Ep (respectivement et F A), onparle d'application p-linéaire de E dans F (respectivement de forme p-linéairesur E) et on note LppE;F q (respectivement LppEq).Remarque 2.2 i) Soit f P LppE1, , Ep;F q. S'il existe 1 ¤ i0 ¤ p tel quexi0 0, alors fpx1, , xpq 0 (par linéarité par rapport à la i0-ème variable).

ii) Soit f P LppE1, , Ep;F q, px1, , xpq P±pi1Ei et pλ1, , λpq P Ap,

alorsfpλ1x1, , λpxpq pλ1 λpq.fpx1, , xpq. En particulier, fpλx1, , λxpq λpfpx1, , xpq pour tout λ P A.Dénition 2.3 Si peiqiPI est une base deM , on note ei : M Ñ A l'applicationlinéaire qui a m associe sa i-ème composante. La famille pei qiPI est appelée baseduale de peiqiPI .Exercice 2.4 Montrer que si peiqiPI est une base nie de M , alors pei qiPI estune base de E L1pEq. Montrer que si I est inni alors pei q n'est pas unebase de E.

Dénition 2.5 Soit E1, , Ep, F des A-modules. Si peijqj¤ni est une base

de Ei,peijqj la base duale de peijqj et pflql¤q des bases de F , alors pour

tout pj1, , jp, lq tel que 1 ¤ ji ¤ ni pour tout i ¤ p et l ¤ q, on notepe1j1qb b pepjpqb fl : E1 Ep Ñ F l'application p-linéaire dénie par

pe1j1q b b pepjpq b flpx1, , xpq pe1

j1qpx1q pepjpqpxpqfl.

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15

Proposition 2.6 Soit E1, , Ep et F des A-modules.LppE1, , Ep;F q,,

est un Amodule. De plus, si peijq1¤j¤ni est une base

de Ei pour tout i ¤ p et pflq1¤l¤q est une base de F , alors la famille pe1j1q b

b pepjpq b fl forme une base de LppE1, , Ep;F q.Preuve. Le premier point est évident. De même, si l'un des espaces Ei

ou F est réduit à t0u alors LppE1, , Ep;F q t0u.Pour tout point xi P Ei, on a xi

°jpeijqpxiqeij . On note αij peijqpxiq,

alors

fpx1, , xpq f¸j1

α1j1e

1j1 , ,

¸jp

αpjpepjp

¸j1

α1j1f

e1j1 ,

¸j2

α2j2e

2j2 , ,

¸jp

αpjpepjp

¸1¤j1¤n1, ,1¤jp¤np

α1j1 αpjp f

e1j1 , , epjp

¸1¤j1¤n1, ,1¤jp¤np

pe1j1qpx1q pepjpqpxpq f

e1j , , epj

¸1¤j1¤n1, ,1¤jp¤np,1¤l¤q

fl

fe1j , , epj

pe1j1qb bpepjpqbfl

px1, , xpq.

La famille ppe1j1q b b pepjpq b flq engendre LppE1, , Ep;F q d'après

ce qui précède et on vérie sans mal qu'elle est libre car pe1j1q b b pepjpq b

flpe1j1, , epjpqfl et pe1

j1qb bpepjpqbflpe1

j11, , epj1pq0 si pj11, , j1pqpj1, , jpq.

2

Remarque 2.7 Si tous les Ei sont libres alors une application p-linéaire estentièrement déterminée par la donnée des images des p-uplets constitués devecteurs des bases de E1, , Ep.Remarque 2.8 Si les modules pEiq et F sont de type ni alors la preuve pré-cédente s'adapte facilement pour montrer que LpE1, , Ep;F q est de type ni.Dénition 2.9 Soit E et F deux A-modules et f P LppE;F q. On dit que f estsymétrique si et seulement si pour tout px1, , xpq P

±1¤i¤pEi et pour tout

σ P Sp, on a fpxσp1q, , xσppqq fpx1, , xpq.On dit que f est antisymétrique si et seulement si pour tout px1, , xpq P±

1¤i¤pEi et pour tout σ P Sp, on a fpxσp1q, , xσppqq εpσqfpx1, , xpq,où εpσq est la signature de la permutation σ.

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16 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

Proposition 2.10 f P LppE;F q est symétrique (resp. antisymétrique) si etseulement si pour toute transposition τ de t1, , pu et tout px1, , xpq P Ep,on a

fpxτp1q, , xτppqq fpx1, , xpqpresp. fpxτp1q, , xτppqq fpx1, , xpqq.Preuve. Zñ est évident car εpτq 1.Pour ð\, remarquez que toute permutation σ P Sp est un produit de trans-

positions σ τ1 σr et on a εpσq p1qr. 2

Remarque 2.11 Si A est un anneau de caractéristique 2 alors les formes sy-métriques et les formes antisymétriques coïncident.

Exemple. Si E R3 alors fpx, yq x.y est une forme bilinéaire symétriqueet fpx, yq x^ y est une application bilinéaire antisymétrique.

2.1 Formes alternées

Dénition 2.12 Soit E et F deux A-modules et f P LppE;F q. On dit que fest alternée si fpx1, , xpq 0 pour tout p-uplet px1, , xpq P Ep tel quexi xj pour au moins un couple d'indices distincts pi, jq.Proposition 2.13

1) Si f est alternée alors f est antisymétrique.2) si f est antisymétrique et si tx P F 2.x 0u t0u, alors f est alternée.

Preuve. 1) Soit 1¤i j¤p, puisque f est alternée, on a

0 fpx1, , xi xj , , xj xi, , xpq fpx1, , xi, , xj , , xpq fpx1, , xj , , xj , , xpq

fpx1, , xi, , xi, , xpq fpx1, , xi, , xj , , xpq fpx1, , xi, , xj , , xpq fpx1, , xj , , xi, , xpq

et donc, pour toute transposition τ pi, jq, on a

fpx1, , xτpiq, , xτpjq, , xpq fpx1, , xi, , xj , , xpq.

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2.1. FORMES ALTERNÉES 17

2) Si on a xi xj pour i j, alors en appliquant la permutation pi, jq trouvefpx1, , xi, , xi, , xpq fpx1, , xi, , xi, , xpq, et donc p2 1Aqfpx1, , xi, , xi, , xpq 0. On en déduit que fpx1, , xi, , xi, , xpq 0. 2

Remarque 2.14 Si A est un corps de caractéristique diérente de 2, uneforme est alternée si et seulement si elle est antisymétrique.

En revanche, Z2Z est un Z2Z-module sur lequel la forme fpa, bq a best antisymétrique mais pas alternée.

Proposition 2.15 Soit E et F deux A-modules et f une application p-linéairealternée de E dans F .

1) si px1, , xpq est une famille liée, alors fpx1, , xpq est de torsiondans F .

2) fpx1, , xpq est inchangée si on rajoute à un des xi une combinaisonlinéaire des autres vecteurs de la famille.

Preuve. 1) si px1, , xpq est liée, alors il existe i0 tel que αi0xi0

°ii0

αixi avecαi0 0 et donc

αi0fpx1, , xpq fpx1, , xi01,¸ii0

αixi, xi01, , xpq

¸ii0

αi.fpx1, , xi01, xi, xi01, , xpq 0.

2) si à xi0 on ajoute°ii0

αixi, alors on a

fpx1, , xi0 ¸ii0

αixi, , xpq

fpx1, , xi0 , , xpq ¸ii0

αifpx1, , xi, , xpq

fpx1, , xi0 , , xpq

2

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18 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

Dénition 2.16 Soit E et F des A-modules et p P N. On note ΛppE;F q(respectivement ΛppEq) l'ensemble des applications p-linéaires alternées de Edans F (respectivement des formes p-linéaires alternées de E).

Proposition 2.17 ΛppE;F q est un sous-module de LppE;F q.

Remarque 2.18 Si E et F sont de type ni (respectivement libres) alorsΛppE,F q est de type ni (respectivement libre). Si p 1 alors Λ1pEq E.

Proposition 2.19 Soit E un A-module de type ni engendré par une famillepe1, , enq. Si p ¡ n alors ΛppE;F q t0u.

Preuve. Soit f P ΛppE;F q. Il existe pλijq P MpnpAq tels que xi °1¤j¤n λijej et donc

fpx1, , xpq ¸

j1, ,jp

λ1j1 λpjpfpej1 , , ejpq 0

car si p ¡ n alors tous les p-uplets pj1, , jpq ont des éléments qui se répètent.2

Dénition 2.20 Soit pe1, , enq une base de E, pej q sa base duale et pf1, , fqqune base de F . Pour tout 1 ¤ j1 jp ¤ n et tout 1 ¤ l ¤ q,on note ej1 ^ ^ ejp b fl la p-forme alternée à valeur dans F dénie par

ej1 ^ ^ ejp b flpx1, , xpq ¸σPSp

εpσqejσp1qpx1q ejσppqpxpqfl.

Preuve. Si xi xj et τ pi, jq, alors xτpkq xk pour tout k etσ P Sp ÞÑ σ τ P Sp est une bijection qui envoie l'ensemble des permutations

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2.1. FORMES ALTERNÉES 19

paires An sur l'ensemble des permutations impaires, et donc

ej1 ^ ^ ejppx1, , xpq ¸σPSp

εpσqejσp1qpx1q ejσppqpxpqfl

¸σPAp

ejσp1qpx1q ejσppqpxpqfl

¸σPAp

ejστp1qpx1q ejστppqpxpqfl

¸σPAp

ejσp1qpx1q ejσppqpxpqfl

¸σPAp

ejστp1qpxτp1qq ejστppqpxτppqqfl

¸σPAp

ejσp1qpx1q ejσppqpxpqfl

¸σPAp

ejσp1qpx1q ejσppqpxpqfl

0.

2

Proposition 2.21 Si pejq1¤j¤n est une base de E et pflq1¤l¤q est une base deF , alors la famille pej1 ^ ^ ejp b flq pour 1 ¤ j1 jp ¤ n et 1 ¤ l ¤ q

forme une base de ΛppE;F q.Preuve. Soit pe1, , enq une base de E et pf1, , fmq une base de

F . On a donc

fpx1, , xpq ¸

1¤i1, ,ip¤n

ei1px1q eippxpq fpei1 , , eipq

Comme f est alternée, on peut restreindre la somme aux pi1, , ipq P t1, , nupdont tous les éléments sont distincts. Pour un tel pi1, , ipq, il existe un uniqueσ P Sp telle que iσp1q iσppq et on a

fpx1, , xpq ¸

i1 ip

¸σPSp

eiσp1qpx1q eiσppqpxpq fpeiσp1q , , eiσppqq

¸

i1 ip

¸σPSp

εpσqeiσp1qpx1q eiσppqpxpq fpei1 , , eipq

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20 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

On a donc f °l¤m

°i1 ip

αl,i1, ,ipej1^ ^ ejp b fl où αl,i1, ,ip

fl fpei1 , , eipq P A. Comme ej1 ^ ^ ejp b flpei1 , , eipq fl si j1 i1, , ip jp et 0 sinon (pour i1 ip), la famille pej1 ^ ^ ejp b flqest libre. 2

Corollaire 2.22 En particulier, si pe1, , enq une base de E, alors ΛnpEq A e1 ^ ^ en.

2.2 Déterminants

La dénition des déterminants et leurs propriétés reposent sur le corollaire2.22 et sur le lemme suivant.

Lemme 2.23 Si E est de dimension 1, alors LpEq tx ÞÑ λx, λ P Au.

Preuve. Soit e une base de E, f P LpEq et λ P A tel que λe fpeq.Pour tout x P E, il existe a P A tel que x ae. Alors fpxq fpaeq afpeq aλe λx et donc f est une homothétie. Réciproquement, toute homothétie estlinéaire. 2

2.2.1 Déterminant d’une famille de vecteurs par rapport àune base

Proposition 2.24 Soit E un A-module libre et B pe1, , enq une base deE. Il existe une unique n-forme alternée α P ΛnpEq telle que αpe1, , enq 1.On la note detB et on l'appelle déterminant par rapport à la base B. On adetB e1 ^ ^ en.

Preuve. Soit β e1 ^ ^ en. On a β P ΛnpEq et βpe1, , enq 1.D'après la preuve de la proposition 2.21, tout élément α P ΛnpEq est de laforme aβ et donc αpe1, , enq a. D'où le résultat. 2

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2.2. DÉTERMINANTS 21

Dénition 2.25 Soit E un A-module libre de type ni et B pe1, , enq unebase de E. On appelle déterminant de la famille px1, , xnq par rapport à labase B l'élément detBpx1, , xnq de A.

Proposition 2.26 Soit E un A-module libre de dimension n, B et B1 deuxbases de E. Alors pour tout px1, , xnq P En, on a

detB1px1, , xnq detB1pBq detBpx1, , xnq.

Preuve. Comme ΛnpEq est engendré par detB, il existe a P A tel quedetB1 a detB. Or detB1pBq a detBpBq a et donc detB1 detB1pBq detB.2

Corollaire 2.27 Soit B et B1 deux bases de E alors detB B1 et detB1 B sontinversibles et on a detB B1 rdetB1 Bs1.

La réciproque sera démontrée plus loin.

2.2.2 Déterminant d’un endomorphisme

Proposition 2.28 Soit E un Amodule libre de dimension n et f P LpEq. Ilexiste un unique λ P A tel que pour tout α P ΛnpEq et pour tout px1, , xnq PEn, on a

αfpx1q, , fpxnq

λ αpx1, , xnq.λ est appelé déterminant de f et noté λ det f .

Preuve. αf px1, , xnq αfpx1q, , fpxnq

est une n-forme linéaire

alternée et l'application

Φf : ΛnpEq Ñ ΛnpEqα ÞÑ αf

est linéaire. Comme ΛnpEq est de dimension 1, Φ est un homothétie et il existeλ P A tel que Φf pαq λ α pour tout α P ΛnpEq. 2

Une conséquence directe de cette dénition est que detpIdEq 1. De même@λ P A, on a detpλfq λn det f . De plus, on a detpf1 f2q detpf1qdetpf2qen général car detp2fq 2n det f 2 det f .

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22 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

Remarque 2.29 Contrairement au déterminant d'une famille de vecteurs, ledéterminant d'un endomorphisme ne dépend pas du choix d'une base.

Le lien entre les deux notions est donné par la proposition suivante.

Proposition 2.30 Soit E un A-module libre de type ni, B pe1, , enq unebase de E et f P LpEq. On a la relation

det f detBfpe1q, , fpenq

.

Preuve. Il sut de prendre α detB dans la dénition de det f . 2

Proposition 2.31 Soit E un A-module libre de type ni et pf, gq P LpEq, alors

detpf gq det f det g

Preuve. On a Φfg Φg Φf , doù le résultat. 2

Remarque 2.32 On en déduit que detpφ ψq detpψ φq pour tout coupled'endomorphisme de E et que det f1 pdet fq1.

Théorème 2.33 Soit E un A-module libre de type ni. L'application det :GlpEq, q Ñ pA,q est un morphisme de groupe.

2.2.3 Déterminant d’une matrice carrée d’ordre n

Dénition 2.34 Soit A un anneau commutatif etM pmijq1¤i,j¤n PMnpAq.On appelle déterminant deM le déterminant de la famille des vecteurs colonnesde A relativement à la base canonique de An. On le note detA.

Exemple. On a det In 1 et detpaInq an.

Proposition 2.35 On a detM °σPSn

εpσqmσp1q1 mσpnqn.

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2.2. DÉTERMINANTS 23

Preuve. Soit B pε1, , εnq la base canonique de An et pc1, , cnqles vecteurs colonnes de M . Alors on a mij εi pcjq et donc

detM detBpc1, , cnq ¸σPSn

εpσq εσp1qpc1q εσpnqpcnq

¸σPSn

εpσq mσp1q1 mσpnqn

2

Soit E un A-module libre de base B pe1, , enq. On appelle matrice dela famille px1, , xnq dans la base B la matrice MatBpx1, , xnq pmijqdont les coecients vérient xj

°imijei pour tout j.

Proposition 2.36 On a detBpx1, , xnq det MatBpx1, , xnq.

Preuve. On a mij ei pxjq et donc

det MatBpx1, , xnq ¸σPSn

εpσqeσp1qpx1q eσpnqpxnq detBpx1, , xnq

2

A tout f P LpEq, on associe la matrice MatB f pmijq P MnpAq déniepar fpejq

°ni1mijei.

Proposition 2.37 Soit E un A-module libre de base B pe1, , enq, f PLpEq et M la matrice de f dans la base B, alors det f det MatB f .

Preuve. Par dénition deM , on a fpejq °imijei. Donc ei

fpejq

mij et

det f detBfpe1q, , fpenq

¸σPSn

εpσq eσp1qfpe1q

eσpnqfpenq

¸σPSn

εpσq mσp1q1 mσpnqn detM.

2

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24 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

Proposition 2.38 Soit pM,M 1q P MnpAq, alors detpM M 1q detM detM 1.

Preuve. Soit Bn la base canonique de An. Il existe un unique couplepf, f 1q P LpAnq tel queM MatBn f etM 1 MatBn f

1. Alors on aM M 1 MatBnpf f 1q et donc detpM M 1q detpf f 1q det f det f 1 detM detM 1. 2

Corollaire 2.39 Deux matrices semblables de MnpAq (i.e. telles que M 1 P1MP pour P P GlnpAq) ont même déterminant.

Proposition 2.40 Soit M PMnpAq, alors detM det tM .

Preuve. Soit M pmijq et tM pm1ijq. On a

det tM ¸σPSn

εpσqm1σp1q1 m1

σpnqn ¸σPSn

εpσqm1σp1q mnσpnq

Or @σ1 P Sn, on a m1σp1q mnσpnq mσ1p1qpσσ1qp1q mσ1pnqpσσ1qpnq,donc avec σ1 σ1, on obtient

det tM ¸σPSn

εpσq m1σp1q mnσpnq

¸σPSn

εpσq mσ1p1qpσσ1qp1q mσ1pnqpσσ1qpnq

¸σPSn

εpσqmσ1p1q1 mσ1pnqn ¸σPSn

εpσ1qmσ1p1q1 mσ1pnqn

¸σPSn

εpσq mσp1q1 mσpnqn detM

2

Remarque 2.41 Dés que l'on dispose pour le calcul de detA d'une propriétésur les colonnes elle se retrouve sur les lignes.

Proposition 2.42 D'après ce qui précède, on a1) detpInq 1,2) detpλMq λn detM ,

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2.3. CALCUL DES DÉTERMINANTS 25

3) detM est linéaire par rapport à chacune des lignes et des colonnes deM .

det

a11 a111 a1n

......

an1 a1n1 ann

det

a11 a1n

......

an1 ann

det

a111 a1n

......

a1n1 ann

det

λ a11 a1n

......

λ an1 ann

λ det

a11 a1n

......

an1 ann

4) si on eectue une permutation σ sur les lignes ou les colonnes de M , onmultiplie son déterminant par εpσq

5) detM est inchangé si on ajoute à l'une de ces lignes (respectivementcolonne) une combinaison linéaire des autres lignes (respectivement colonnes).

6) si la famille des vecteurs colonnes (respectivement lignes) de M est liéealors detM 0 est un diviseur de 0 dans A.

2.3 Calcul des déterminants

2.3.1 Déterminants d’une matrice triangulaire par blocs

Dénition 2.43 Soit M P MnpAq. On dit qu'elle est triangulaire supérieurpar blocs si et seulement si elle est de la forme

M

M11 M12 M1r

0 M22 M2r

.... . .

. . ....

0 0 Mrr

avec Mii PMnipAq pour tout 1 ¤ i ¤ r.

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26 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

Par exemple

1 2 3 4 5 6 7 88 7 6 5 4 3 2 10 0 3 4 5 6 7 80 0 0 5 4 3 2 10 0 0 4 5 6 7 80 0 0 5 4 3 2 10 0 0 0 0 0 7 80 0 0 0 0 0 2 1

On dit que M est triangulaire inférieur par bloc si et seulement si tM esttriangulaire supérieur par blocs.

Proposition 2.44 Soit M B D0 C

(respectivement M

B 0D C

) où

B PMppAq et C PMqpAq, alors detM detB detC.

Preuve. On pose n p q, Bn pe1, , enq la base canonique deAn, E1 le sous-module engendré par peiq1¤i¤p et E2 le sous-module engendrépar peiqp1¤i¤pq. On note pmjq1¤j¤n les vecteurs colonnes de M et mj bj 0 pour 1 ¤ j ¤ p, mj dj cj pour p 1 ¤ j ¤ p q leur décompositionselon la somme E E1 ` E2. On a alors

detM detBnpm1, ,mnq detBnpb1, , bp, cp1 dp1, , cn dnqOn considère l'application

α : pE1qp Ñ Apx1, , xpq ÞÑ detBnpx1, , xp, cp1 dp1, , cn dnq

Comme α est une p-forme alternée sur E1 et que B1 pe1, , epq est unebase de E1, il existe a P A tel que α a detB1 avec a αpB1q. Donc on adetM αpb1, , bpq αpB1q detB1pb1, , bpq. Or la matrice de la famillepb1, , bpq dans la base B1 est B donc detB detB1pb1, , bpq. Enn, on a

αpb1, , bnq detBnpe1, , ep, cp1 dp1, , cpq dpqq detBnpe1, , ep, cp1, dp2 cp2, , cpq dpqq

detBnpe1, , ep, dp1, cp2 dp2, , cpq dpqqloooooooooooooooooooooooooooooooooooomoooooooooooooooooooooooooooooooooooon0

detBnpe1, , ep, cp1, cp2, , cpqq

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2.3. CALCUL DES DÉTERMINANTS 27

On pose maintenantβ : pE2qq Ñ A

py1, , yqq ÞÑ detBnpe1, , ep, y1, , yqq . Comme

β est une q-forme alternée de E2 et que B2 pep1, , epqq est une basede E2, alors il existe b P A telle que β bdetB2 , où b βpB2q. En par-ticulier, on a βpcp1, , cpqq βpB2q detB2pcp1, , cpqq. Or βpB2q detBpe1, , enq 1 et la matrice de la famille pcp1, , cpqq dans la base B2

est C donc βpcp1, , cpqq detC. En conclusion, on a detM αpB1qdetB βpcp1, , cpqq detB detC detB. 2

Par récurrence sur r, on en déduit le corollaire suivant.

Corollaire 2.45

det

M11 M1n

0. . .

......

. . .. . .

...0 0 Mrr

r¹i1

detMii

2.3.2 Développement selon une ligne ou une colonne

Soit M pmijq P MnpAq et pi0, j0q xés. On note Mi0j0 la matrice deMn1pAq obtenue en supprimant dans M la i0-ème ligne et la j0-ème colonne.On appelle cette matrice le mineur de M d'indice pi0, j0q. On appelle cofacteurde mi0j0 l'élément ∆i0j0 p1qi0j0 detpMi0j0q de A.

Proposition 2.46 Soit M pmijq PMnpAq et pi0, j0q xés1) on a detM °

1¤i¤np1qij0mij0 detMij0 °ni1mij0∆ij0 (dévelop-

pement du déterminant suivant la j0-ème colonne).

2) on a detM °1¤j¤np1qi0jmi0j detpMi0jq

°nj1mi0j∆i0j (déve-

loppement du déterminant suivant la i0-ème ligne).

Preuve. 2) se déduit de 1) par passage à la transposée. Soit Bn pe1, , enq la base canonique de An. Si pc1, , cnq sont les vecteurs colonnes

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28 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

de M alors on a

detM detBnpc1, , cnq detBnpc1, , cj01,¸i

mij0ei, cj01, , enq

¸i

mij0detBnpc1, , cj01, ei, cj01, , cnq

¸i

aij0p1qj01detBnpei, c1, , cj01, cj01, , cnq

Or

detBnpei, c1, , cj01, cj01, , cnq

det

0 m1,1 m1,j01 m1,j01 m1,n

......

......

...0 mi1,1 mi1,j01 mi1,j01 mi1,n

1 mi,1 mi,j01 mi,j01 mi,n

0 mi1,1 mi1,j01 mi1,j01 mi1,n

......

......

...0 mn,1 mn,j01 mn,j01 mn,n

p1qi1 det

1 mi,1 mi,j01 mi,j01 mi,n

0 m1,1 m1,j01 m1,j01 m1,n

......

......

...0 mi1,1 mi1,j01 mi1,j01 mi1,n

0 mi1,1 mi1,j01 mi1,j01 mi1,n

......

......

...0 mn,1 mn,j01 mn,j01 mn,n

p1qi1 det

m1,1 m1,j01 m1,j01 m1,n

......

......

mi1,1 mi1,j01 mi1,j01 mi1,n

mi1,1 mi1,j01 mi1,j01 mi1,n

......

......

mn,1 mn,j01 mn,j01 mn,n

p1qj01∆ij0

Et donc detM °imij0∆ij0 . 2

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2.3. CALCUL DES DÉTERMINANTS 29

La formule de développement selon les lignes ou les colonnes a de nom-breuses applications pratiques ou théoriques (voir aussi la section 3).

2.3.3 Inverse d’une matrice carrée inversible

Dénition 2.47 Soit M P MnpAq une matrice. On note ComM la matricep∆ijq composée des cofacteurs deM . On l'appelle la comatrice deM . Rappelonsque ∆ij p1qijdij où dij est le déterminant de la matrice de taille n 1extraite M et obtenue en supprimant la i-ème ligne et la j-ème colonne de M .

Proposition 2.48 Pour touteM PMnpAq, on aMtpComMq tpComMqM detpMq In. On en déduit que M est inversible si et seulement si detMest inversible et dans ce cas, on a M1 1

detM tpComMq et detpM1q pdetMq1.

Preuve. En développant selon la j-ème ligne, on trouve

det

m1,1 m1,j1 x1 m1,j1 m1,n

......

......

...mn,1 mn,j1 xn mn,j1 mn,n

n

i1

xi∆i,j

En remplaçant xi par pmi,kq on trouve°ni1mi,k∆i,j δjk detM . D'où tpComMq

M detpMqIn. Pour l'autre égalité, on développe selon une ligne ou on ap-plique cette égalité à tM . 2

Corollaire 2.49

GlnpAq,

Ñ pA,qM ÞÑ detM

est un morphisme de groupe sur-

jectif et non injectif si n ¥ 2.

Exemple. M a cb d

alors M est inversible si et seulement si ad bc

est inversible et alors M1 1adbc

d cb a

.

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30 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

2.3.4 Exemples de calcul de déterminant

Si n 1 et A paq PM1pKq, alors detpAq a.

Si A a cb d

PM2pKq alors detpAq a11a22 a21a12 ad bc.

det

a a1 a2

b b1 b2

c c1 c2

pab1c2 a1b2c a2bc1q pa2b1c a1bc2 ab2c1q (règle de

Sarrus).Déterminant de Vandermonde

Soit pa1, , anq P An, alors

det

1 a1 a21 an1

1

1 a2 a22 an1

2...

......

...1 an a2

n an1n

¹1¤i j¤n

paj aiq

Preuve. La preuve peut se faire par opération élémentaire sur lescolonnes. Dans le cas où A est intègre, on peut faire la preuve suivante:

On pose P pXq det

1 a1 a21 an1

1

1 a2 a22 an1

2...

......

...1 X X2 Xn1

. Un développement par

rapport à la dernière ligne implique que P est un polynôme de degré ¤ n 1à coecients dans K (P pXq °n

i1p1qni∆niXi1).

S'il existe pi, jq tel que ai aj alors le déterminant est nul (on a alors deuxlignes égales) et donc l'égalité est triviale dans ces cas.

Sinon, P pXq admet n 1 racines distincts pa1, , an1q et on a doncP pXq λ

±n1i1 pX aiq (on utilise ici que A est intègre). Le développement

par rapport à la dernière ligne fait plus haut nous donne

λ p1q2n∆nn det

1 a1 a21 an2

1

1 a2 a22 an2

2...

......

...1 an1 a2

n1 an2n1

.

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2.4. AUTRES APPLICATIONS DES DÉTERMINANTS 31

Et donc on a

det

1 a1 a21 an1

1

1 a2 a22 an1

2...

......

...1 an a2

n an1n

P panq

n1¹i1

panaiq det

1 a1 a21 an2

1

1 a2 a22 an2

2...

......

...1 an1 a2

n1 an2n1

.

Enn, comme det

1 a1

1 a2

a2 a1 on obtient le résultat par récurrence sur

n. 2

2.4 Autres applications des déterminants

L'utilisation du déterminant pour calculer le rang d'une matrice est traitédans la section 3.

2.4.1 Formules de Cramer

On considère le système de p équations à q inconnues suivant$'''&'''%a1,1x1 a1,2x2 a1,qxq b1a2,1x1 a2,2x2 a2,qxq b2

......

......

ap,1x1 ap,2x2 ap,qxq bp

Si on pose A paijq P MpqpKq et B tpb1, , bpq alors ce système peuts'écrire sous la forme AX B. Donc un tel système admet une unique solutionsi et seulement si p q n et la matrice A paijq est inversible. On parlealors de système de Cramer. On note alors pA1, , Anq les vecteurs colonnesde A. Si px1, , xnq est la solution, alors on a B x1A1 xnAn et donc

detBnA1, , Ai1, B,Ai1, , An

xi detBn

A1, , Ai1, Ai, Ai1, , An

xi detA

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32 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

où Bn est la base canonique de Kn. On en déduit que la solution est donnéepar

xi detBn

A1, , Ai1, B,Ai1, , An

detA

(Formules de Cramer)

Dans le cas général, on a le théorème suivant

Théorème 2.50 (Rouché-Fontené) Soit r rgA et paijqiPI,jPJ une ma-trice carrée inversible de taille r extraite de A. Le système précédent admet dessolutions si et seulement si pour tout k R J , on a

det

paijqiPI,jPJ pbiqiPIpakjqjPJ bk

0

Les solutions sont alors celles du sous-système constitué des lignes d'indicei P I. C'est un système de Cramer en les inconnues principales (xj pour j P J)qui sont donc déterminées en fonction de B est des inconnus non principales.

Noter que si r p alors il y a toujours des solutions.

2.4.2 Calcul de la distance à un sous espace

Proposition 2.51 SoitE, x, y un espace Euclidien, V un sous-espace de E

muni d'une base pe1, , enq et x P E. Alors la distance d infvPV x v dex à V est donnée par la formule

d2 Gpe1, , en, xqGpe1, , enq

où Gpf1, , frq det

xf1, f1y xf1, fry

......

xfr, f1y xfr, fry

.

Preuve. On décompose x xK xT où xT P V et xxK, xT y 0. Alorson a d2 xK2. Comme xei, xy xei, xT y, on a

Gpe1, , en, xq det

xe1, e1y xe1, eny xe1, x

T y...

......

xen, e1y xen, eny xen, xT yxxT , e1y xxT , eny d2 xT 2

Gpe1, , en, xT q Gpe1, , enqd2 d2Gpe1, , enq.

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2.5. DÉRIVÉE D'UN DÉTERMINANT 33

car xT est une combinaison linéaire des ei, donc Gpe1, , en, xT q 0. 2

2.4.3 Calcul de volumes

Proposition 2.52 SoitE, x, y un espace Euclidien de dimension n, B

pe1, , enq une base orthonormée et F pv1, , vnq une famille de vecteursde E. Alors le volume du parallélépipède formé par F pour la mesure de Lebesgueest donné par

Vol! n

i1

λivi, pλiq P r0, 1sn) detBpv1, , vnq

Le volume du simplexe formé par F est donné par la formule

Vol! n

i1

λivi, pλiq P Rn,¸i

λi ¤ 1) 1

n!detBpv1, , vnq

Ce résultat se généralise sous la forme du théorème de changement de va-riable suivant.

Théorème 2.53 (Changement de variables) Soit Ω un ouvert de Rn etϕ : Ω Ñ Rn un C1 diéomorphisme sur son image. Pour tout fonction mesu-rable f : ϕpΩq Ñ R, on a »

ϕpΩq

f »

Ω

f ϕ|det dϕ|

2.4.4 Réduction des endomorphismes/Résultant des polynômes

La réduction des endomorphismes ou des matrices (via le calcul des polynômescaractéristiques) sera développée à part entière ultérieurement. Le résultant de2 polynômes sera étudié en séance de développement.

2.5 Dérivée d’un déterminant

Pour nir la formule suivante est très utile et on doit savoir la démontrer(connaître plusieurs méthodes est même conseillé)

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34 CHAPITRE 2. FORMES MULTILINÉAIRES

Proposition 2.54 Soit fij : R Ñ R des fonctions dérivables pour tout 1 ¤i, j ¤ n et ∆pxq det

fijpxq

. Alors ∆ est dérivable et on a

∆1pxq

det

f 111pxq f12pxq f1npxq

......

...f 1n1pxq fn2pxq fnnpxq

det

f11pxq f1,n1pxq f 11npxq

......

...fn1pxq fn,n1pxq f 1nnpxq

trtComF F 1

où F pxq

fijpxq. On a donc

dA det

pHq trptComAHq.

Preuve. Le première inégalité découle directement de la n-linéarité dudéterminant et la deuxième des formules de développement par rapport auxcolonnes. 2

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Sommaire

3.1 Dénition

3.2 Caractérisation des familles libres des modules

libres de dimension nie

3.3 Bases d'un module libre de type ni

3.4 Familles génératrices des modules libres

3.5 Espaces vectoriels

3.6 Rang d'une matrice

Chapitre

3Dimension d’un A-module

O n étudie l'invariant linéaire fondamental qu'est la dimension d'un modulelibre.

35

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36 CHAPITRE 3. DIMENSION D'UN A-MODULE

3.1 Définition

Rappelons les dénitions suivantes.

Dénition 3.1 Une famille pmiqiPI d'éléments de M est génératrice si etseulement si pour tout m PM , il existe une famille presque nulle paiqiPI P ApIq

d'éléments de A telle que m °iPI aimi (i.e. M Modptmi, i P Iuq et

paiqiPI P ApIq ÞÑ °i aimi PM est surjective).

Dénition 3.2 Une famille pmiqiPI d'éléments de M est libre si et seule-ment si la seule famille presque nulle paiqiPI P ApIq d'éléments de A telle que°iPI aimi 0 est la famille nulle (i.e. paiqiPI P ApIq ÞÑ °

i aimi P M estinjective).

Dénition 3.3 Une famille pmiqiPI d'éléments de M est une base si et seule-ment si elle est libre et génératrice.

Théorème 3.4 Soit E un A-module libre, alors toutes les bases de E ont mêmecardinal. Ce cardinal est appelé la dimension de E.

Preuve. Si pe1, , enq est une base nie de E alors d'après le corollaire2.22, on a dim ΛnpEq 1, et d'après la proposition 2.19, on a dim ΛppEq t0upour tout p ¡ n. Donc n suptp P Ndim ΛppEq 0u et comme le membre dedroite de cette égalité ne dépend pas de E, on en déduit que toutes les basesnies ont le même cardinal.

Si peiqiPI et pfjqjPJ deux bases et que le cardinal de I est inni et plus grandque celui de J . Comme tout fj se décompose sur un nombre ni d'éléments depeiqiPI , on en déduit que le cardinal de l'ensemble des éléments de la famille peiqimpliqués dans la décomposition des éléments de la famille pfjq est de cardinalstrictement plus petit que celui de I (car ni ou égal à celui de J). Il existedonc un ei0 non impliqué dans ces décompositions. Or ei0 se décompose sur unnombre ni de pfjq qui eux-mêmes se décomposent sur un nombre ni de peiqpour i i0. On en déduit une relation non nulle sur les peiq, ce qui contreditque peiq est une base. 2

La dimension caractérise les A-modules libres à isomorphisme près.

Théorème 3.5 Deux A-modules libres sont isomorphes si et seulement si ilsont même dimension.

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3.2. CARACTÉRISATION DES FAMILLES LIBRES DESMODULES LIBRES DE DIMENSION FINIE37

Preuve. On a vu que si E est un A-module de base peiqiPI , alors E estisomorphe à ApIq, et donc deux A-module de même dimension sont isomorphes.Réciproquement, si f : E Ñ F est un isomorphisme, alors pour tout baseB peiqiPI de E,

fpeiq

iPI

est une base de F et donc E et F ont mêmedimension. 2

3.2 Caractérisation des familles libres des moduleslibres de dimension finie

Proposition 3.6 Soit M P Mn,mpAq, avec n ¥ m. Les vecteurs colonnes deM sont liés si et seulement si il existe β 0 dans A tel que β detC 0 pourtout matrice carrée C de taille m extraite de M .

Remarque 3.7 Si A est intègre (par exemple si A est un corps) alors la condi-tion il existe β 0 tel que β detC 0 devient ” detC 0”.

Preuve. Soit pc1, , cmq les vecteurs colonnes de M pmijq. Si°i βici 0 avec au moins un βi0 0, alors on a βi0 detC 0 pour toute

matrice carrée extraite de M et de taille m, car si ci sont les vecteurs colonnesde C alors on a βi0 detC βi0 detpc1, , cmq detpc1, , βi0 ci0 , , cmq detpc1, ,

°ii0

βici, , cmq 0.Réciproquement, si βmij 0 pour tout pi, jq alors βci 0 pour tout i

et donc pc1, , cmq est liée. Sinon, soit C une matrice carrée extraite de M ,vériant β detC 0 et de taille maximale (notée r). On a 1 ¤ r ¤ m 1.Quitte à permuter les lignes et les colonnes de M , on peut supposer que C m11 m1r

......

mr1 mrr

. Pour tout 1 ¤ i ¤ n, on considère la matrice

Ci

m1,1 m1,r m1,m

......

...mr,1 mr,r mr,m

mi,1 mi,r mi,m

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38 CHAPITRE 3. DIMENSION D'UN A-MODULE

Si i ¤ r alors detCi 0 car deux lignes sont égales. Si i ¥ r 1 alorsβ detCi 0 par maximalité de C, car Ci est alors une matrice carrée extraitede M de taille r 1. Donc, pour tout i ¤ n, le développement de Ci selon ladernière ligne donne

0 β detCi β r

j1

p1qrjαj mij detC mi,n

où αj est un déterminant extrait de

m1,1 m1,r m1,m

......

...mr,1 mr,r mr,m

et donc ne

dépend pas de i. On en déduit la relation

r

j1

p1qrjβαjcj β detC cm 0

et comme par hypothèse sur r on a β detC 0, on en déduit que la famillepc1, , cr, cmq est liée. 2

Proposition 3.8 Si M PMn,mpAq avec n m, alors les colonnes de M sonttoujours liées.

Preuve. Appliquer la proposition précédente à la matrice carrée detaille m obtenue en rajoutant des lignes nulles à M . Son déterminant est doncnul. On en déduit que les colonnes de la matrice carrée sont liées, ce qui impliqueque les colonnes de la matrice M sont liées. 2

Exercice 3.9 Montrer que les colonnes de

1 2

2 13 0

sont liées pour A Z6Z

mais pas celles de

1 2

2 12 2

.

Théorème 3.10 Soit E un A-module libre de base B pe1, , enq. Alors1) une famille px1, , xmq avec m ¡ n est toujours liée,

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3.2. CARACTÉRISATION DES FAMILLES LIBRES DESMODULES LIBRES DE DIMENSION FINIE39

2) une famille px1, , xnq est liée si et seulement si detBpx1, , xnq est di-viseur de 0 dans A,3) une famille px1, , xmq avec m n est liée si et seulement si il existe β 0dans A tel que β detC 0 pour tout matrice C carrée de taille m extraite deMatBpx1, , xmq.

Preuve. Soit M la matrice de la famille px1, , xnq dans la base B.Comme la famille est liée si et seulement si les vecteurs colonnes de M sontliés, on déduit le résultat de la proposition précédente. 2

Remarque 3.11 Si la famille pe1, , enq est seulement génératrice, alors lesconditions précédentes sont susantes pour que px1, , xmq soit liée, mais pasnécessaires.

Proposition 3.12 Soit E un A-module de type ni, engendré par une famillepe1, , enq, alors toute famille libre a au plus n éléments. En particulier:1) tout A-module libre de type ni est de dimension nie,2) si E est un A-module libre de dimension n, alors toutes les familles libres(respectivement génératrices) de E ont au plus (respectivement au moins) néléments.

Preuve. Soit pe1, , enq une famille génératrice de E et px1, , xn1qune famille de E. On considère M P Mn1pAq telle que xj

°i¤nmijei et

mn1,j 0 pour j ¤ n 1. Alors detM 0 et d'après la proposition 3.6, ilexiste pλ1, , λn1q P An1, non tous nuls et tels que

°n1j1 λjmij 0 pour

tout i ¤ n 1. En particulier, on a°j λjxj

°i¤n

°j¤n1 λjmij

ei 0,

donc px1, , xn1q est liée. 2

Remarque 3.13 On déduit de la proposition précédente que si E est un A-module libre de dimension n alors tout sous-module libre de E est de dimensionplus petite que n (car les familles libres de ce sous-module sont libres dans E).Toutefois, contrairement à ce qui se passe pour les espaces-vectoriels, il peuty avoir des sous-modules non libres et des sous-modules libres de dimension ndistincts de E.

Exemples.

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40 CHAPITRE 3. DIMENSION D'UN A-MODULE

1) A est un A-module libre de dimension 1. Ses sous-modules sont ses idéaux.Les sous-modules libres étant t0u ou de dimension 1, on en déduit que les sous-modules libres de A sont les sous-modules monogène. Si A n'est pas principalalors il admet des sous-modules non libres. Par exemple, montrer que l'idéalde CrX,Y s engendré par X et Y n'admet pas de base. On montera plus loinque, réciproquement, si A est principal, alors tout sous-module d'un A-modulelibre de type ni est libre.2) Le sous-module 2Z est libre de dimension 1 dans le Z-module Z.

Proposition 3.14 Soit E un A-module libre de dimension nie et L P LpEq.L est injective si et seulement si detL n'est pas diviseur de 0 dans A.

Preuve. Soit B pe1, , enq une base de E. L est injective si et seule-ment si

Lpeiq

n'est pas liée. On en déduit le résultat du théorème précédent.

2

3.3 Bases d’un module libre de type fini

On déduit de la formule M tCompMq detMIn deux résultats fondamen-taux.

Théorème 3.15 Soit E un A-module libre de base B pe1, , enq, alorspx1, , xnq est une base de E si et seulement si detBpx1, , xnq est inversibledans A.

Preuve. Si px1, , xnq est une base de E, alors on a

detBpx1, , xnq detpx1, ,xnqB 1

et donc detBpx1, , xnq est inversible dans A.SoitM MatBpx1, , xnq, alors detM detBpx1, , xnq. Si detBpx1, , xnq

est inversible alors M est inversible dans A. On en déduit qu'il existe N PMnpAq tel que MN In. Alors

°j njixj

°j,k njimkjek

°k δkiek ei.

On en déduit que la famille px1, , xnq est génératrice. S'il existe Λ P An telque 0 °

i λixi °ijmjiλiej , alors

°jmijλj 0 pour tout i, i.e. MΛ 0

d'où Λ NMΛ 0 et la famille px1, , xnq est libre. 2

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3.4. FAMILLES GÉNÉRATRICES DES MODULES LIBRES 41

Exercice 3.16 Caractériser les vecteurs pa, bq P Z2 qui peuvent être com-plétés en une base du Z module Z2. Trouver tous les vecteurs pc, dq tels quep2, 3q; pc, dq forme une base de Z2.

On a vu que f P LpEq est un isomorphisme si et seulement si l'image d'unebase est une base. Le théorème 3.15 implique donc le corollaire suivant.

Théorème 3.17 Soit E un A-module libre de type ni. On a

GlpEq f P LpEq det f P A

(.

Exercice 3.18 Soit E un A-module libre de dimension n. Montrer que det :GlpEq Ñ A est surjective mais pas injective si n ¥ 2.

Proposition 3.19 Soit M P MnpAq, on a detM P A si et seulement si lafamille des vecteurs colonnes (respectivement lignes) de M forme une base deAn si et seulement si M est inversible.

3.4 Familles génératrices des modules libres

Théorème 3.20 Soit E un A-module libre de dimension n. Toute famille gé-nératrice a au moins n vecteurs et toute famille génératrice de cardinal n estune base.

Preuve. Le premier point a déjà été démontré. Soit B pe1, , enqune base de E et px1, , xnq une famille génératrice. Alors il existe M pmijq PMnpAq telle que ej

°imijxi pour tout i. On a donc 1 detBpe1, , enq

detM detBpx1, , xnq, et donc M est inversible. Soit N M1, alors on a°i nijei

°ik nijmkixk δkjxk xj et donc N MatBpx1, , xnq est

inversible, d'où le résultat. 2

Corollaire 3.21 Soit E et F des A-module libres de même dimension nie.Alors un morphisme f : E Ñ F est surjectif si et seulement si f est inversible.

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42 CHAPITRE 3. DIMENSION D'UN A-MODULE

Preuve. Soit B pe1, , enq une base de E, alors f est surjec-tive si et seulement si

fpe1q, , fpenq

est génératrice si et seulement si

fpe1q, , fpenqest libre si et seulement si f est un isomorphisme. 2

Attention, contrairement au cas des espaces vectoriels, une application li-néaire entre modules libres de même dimension peut-être injective sans êtrebijective. Par exemple l'application de Z dans Z dénie par z ÞÑ 2z.

3.5 Espaces vectoriels

Exemple. M Z6Z est un Z-module qui n'admet pas de base (et doncde dimension).

En revanche, si A est un corps, alors tout A-module M est libre (modulo lelemme de Zorn).

Théorème 3.22 (base incomplète) Tous K-espace vectoriel admet une base.Plus précisément, si peiqiPI est une famille libre et pekqkPK est une famille gé-nératrice avec I K, alors il existe J vériant I J K et pejqjPJ est unebase de E.

Preuve. L'ensemble des J vériant les deux conditions1) I J K.2) pejqjPJ est libre.

est inductif: si pJlqlPL est une sous-famille totalement ordonnée pour l'inclu-sion de cet ensemble, alors J YlPLJl vérie 1) et si pajqjPJ P ApJq vérie°jPJ ajej 0, alors l'ensemble J 1 tj P Jaj 0u est ni et pour tout j P J 1,

il existe l P L tel que j P Jl. Comme la famille pJlq est totalement ordonnée, ilexiste l0 tel que J 1 Jl0 . La famille paiq peut-être vue comme un élément deApJl0 q, et comme pejqjPJl0 est libre, on a ai 0 pour tout i. Donc pejqjPJ estlibre.

On déduit du lemme de Zorn qu'il existe un ensemble J maximal vériant1) I J K,2) pejqjPJ est libre.Si pejq n'est pas génératrice, alors il existe k P K tel que ek R Vect pejqjPJ

(car pekqkPK est génératrice). La famille peiqiPJYtku n'est donc pas libre (parmaximalité de J) et il existe paiqiPJYtku P ApJYtkuq non nulle vériant la relation

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3.5. ESPACES VECTORIELS 43

akek °iPJ ajej 0. Comme peiqiPJ est libre, on a ak 0, et donc ek

1ak

°iPJ ajej . Ce qui est contradictoire. On en déduit que pejqjPJ est une

base de E. 2

La preuve précédente se généralise et donne le résultat suivant.

Proposition 3.23 Une famille libre maximale est une base, une famille gé-nératrice minimale est une base. Si dimE n alors toute famille libre (resp.génératrice) de cardinal n est une base

Preuve. Pour les famille libres maximales, voir la preuve précédente.Si une famille est liée alors la relation non triviale vériée par un nombre nide ses éléments permet d'exprimer l'un des éléments comme une combinaisonlinéaire des autres (car les coecients non nuls sont inversibles). On peut doncretirer cet élément de la famille sans changer l'espace qu'elle engendre. Donctoute famille génératrice minimale est aussi libre.

On a vu qu'en dimension n les familles libres sont de cardinal majoré parn. Donc tout famille libre de cardinal n est maximale. De même toute famillegénératrice de cardinal n est minimale. 2

Corollaire 3.24 Soit E un espace vectoriel et F un sous-espace, alors la di-mension de F est plus petite que la dimension de E et il existe un sous-espaceG de E tel que E F ` G. De plus, si dimE est nie, alors dimF dimEsi et seulement si F E.

Preuve. Soit peiqiPI une base de F , K I Y pEzF q et ek k sik P pEzF q. Alors peiqiPI est libre et pekqkPK est génératrice. Il existe une basepejqjPJ de E qui complète celle de F . On pose G Vect pekqkPJzI .

Si dimF n dimE alors toute base de F est une famille libre de E decardinal n et donc une base de E. Comme la base de F est alors génératricedans E, on a bien F E. 2

Remarque 3.25 Si E RrXs et F RrX2s alors dimE dimF est dé-nombrable et F E.

Proposition 3.26 Soit E et F deux K-espaces vectoriels de dimension nie.Alors

dimpE F q dimE dimF.

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44 CHAPITRE 3. DIMENSION D'UN A-MODULE

Preuve. Soit B peiq une base de E et B1 pfjq une base de F . Alorsla famille constituée des vecteurs pei, 0q et p0, fjq forme une base de E F . 2

Proposition 3.27 Soit E un K-espace vectoriel de dimension nie et F unsous-espace vectoriel de E. Alors dimEF dimE dimF .

Preuve. On a vu que F admet un supplémentaire G. On a EF iso-morphe à G et donc dimEF dimG. Or si peiq est une base de F et pfjqune base de G, alors la réunion des deux familles forme une base de E et doncdimE dimF dimG. 2

Dénition 3.28 Soit f : E Ñ F une application linéaire. On appelle rang def la dimension de l'image ImF .

Théorème 3.29 (du rang) Soit E un K-espace vectoriel de dimension nieet F un K-espace vectoriel . Alors pour toute application linéaire f : E Ñ F ,on a

dimE dim ker f rg f

Preuve. On a Im f isomorphe à E ker f et donc rg pfq dim Im f dimE dim ker f . 2

Proposition 3.30 Soit E un K-espace vectoriel , F et G deux sous-espacesde E. On a dimpF Gq dimpF XGq dimF dimG (formule de Gramm).

Preuve. On considère la suite d'applications linéaires

0 ÝÑ F XGfÝÑ F G

gÝÑ F G ÝÑ 0x ÞÝÑ px,xq

px, yq ÞÝÑ x y

On a g f 0. Donc Im f ker g et réciproquement, si px, yq P ker g alorsx y et donc x P F X G et px, yq px,xq. Donc Im f ker g. Commef est injective et g surjective, on a dimpF X Gq dim ker g et dimpF Gq dimpF Gq dim ker g dimF dimG dimpF XGq. 2

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3.6. RANG D'UNE MATRICE 45

3.6 Rang d’une matrice

Dans la suite, les matrices sont à coecients dans un corps commutatif K.Rappels: Soit M P Mn,ppKq. Le rang de M est le rang de la famille des

vecteurs colonnes de M dans Kn, i.e. c'est la dimension du sous espace de Kn

engendré par ses vecteurs. Comme rgM rg tM , ce rang est aussi celui de lafamille des vecteurs lignes de M dans Kp.

Dénition 3.31 SoitM PMn,ppKq et C une matrice carrée de taille q extraitede A, avec q minpn, pq. On appelle matrice bordante de C dans M toutematrice carrée de taille q1 extraite deM et contenant C. C admet pnqqppqqmatrices bordantes dans M .

Théorème 3.32 Soit M P MnppKq non nulle. rgM r si et seulement siM admet une matrice extraite carrée de taille r et inversible dont toutes lesbordantes sont non inversibles.

Preuve. On adapte la preuve de la proposition 3.6. Soit C une ma-trice extraite de taille r inversible dont toutes les matrices bordantes sont noninversibles. On a donc detC 0 et pour tout i ¤ n, la matrice Ci fabriquéedans la preuve de la proposition 3.6 vérie detCi 0 (car Ci est bordantepour i ¥ r). En raisonnant comme dans la preuve de la proposition 3.6, onobtient l'existence de pα1, , αrq P Kr telle que

°j αici detCcp 0 et

comme detC est inversible, on a cp P Vect pc1, , crq. En remplaçant cp pourn'importe quel cj pour r 1 ¤ j ¤ p dans la construction des matrices Ci, onobtient Vect pc1, , cnq Vect pc1, , crq, et donc rg pMq ¤ r.

Enn, si pc1, , crq est liée alors la matrice C fabriquée plus haut n'estpas inversible. On en déduit que pc1, , crq est une base de Vect pc1, , cnq.

Réciproquement, la matrice carrée inversible extraite de taille maximale atoutes ces bordantes non inversibles. D'après ce qui précède, la taille de cettematrice est rgM . 2

Théorème 3.33 Soit M P MnppKq non nulle. Le rang de M est égal à lataille maximum des matrices carrées inversibles et extraites de M .

Corollaire 3.34 Soit M P MnppKq et B une matrice extraite de M . AlorsrgB ¤ rgM .

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Sommaire

4.1 Dual-Bidual

4.2 Dual

4.3 Bidual

4.4 Orthogonalité formes-vecteurs

4.5 Cas de la dimension nie

4.6 Transposition

Chapitre

4Dualité

Dans ce chapitre, on ne considère que le cas des espaces vectoriels.

4.1 Dual-Bidual

Dénition 4.1 Soit E un K-espace vectoriel . On appelle forme linéaire surE toute application linéaire de E dans K. L'ensemble des formes linéaires deE est noté E. C'est un K-espace vectoriel, appelé espace dual de E. Le dualde E est appelé bidual de E et noté E.

Proposition 4.2 Si E est de dimension nie n, alors E et E sont dedimension nie n.

Preuve. Il sut de montrer que E est de dimension n. Soit peiq estune base de E, alors pour tout f P E, on a fpxq °

i xifpeiq, où les pxiq sontles composantes de x dans la base peiq. Et donc il existe pλiq P Kn tels quefpxq °

i λixi. De plus, il n'est pas dicile de voir que l'application f P E ÞÑ

47

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48 CHAPITRE 4. DUALITÉ

pλiq P Kn est bien dénie, linéaire et bijective. Toutefois, cet isomorphismedépend du choix d'une base de E. 2

Exemples.

1) Tout élément de pKnq est de la forme fpx1, , xnq °i λixi, où

pλiq P Kn (il sut d'appliquer la preuve de la proposition précédente à la basecanonique de Kn).

2) Soit E C0pra, bs,Rq, alors l'application f ÞÑ ³bafptq dt est une forme

linéaire sur E.3) Soit X un ensemble non vide et KX tu : X Ñ Ku. Alors KX est un

K-espace vectoriel et pour tout x0 P X, fx0: u P KX ÞÑ upx0q P K est une

forme linéaire (appelée l'évaluation en x0).

Proposition 4.3 Toute forme linéaire est soit nulle soit surjective.

Preuve. Im f est un sous-espace vectoriel de K et donc soit Im f t0u,soit Im f K. 2

Proposition 4.4 Le noyau d'une forme linéaire non nulle est un hyperplan deE. Réciproquement, tout hyperplan et le noyau d'une forme linéaire non nulle.

Plus précisément, si H est un hyperplan de E, x0 P EzH et α P Kzt0u, alorsil existe une unique forme linéaire f de E de noyau H et telle que fpx0q α.

Deux formes linéaires f et g ont même noyau si et seulement si il existeλ P K tel que f λg.

Preuve. Rappelons que par dénition, H est un hyperplan de E si etseulement si c'est un sous espace de codimension 1, i.e. si et seulement si EHest une droite vectorielle. On a alors le lemme très utile suivant.

Lemme 4.5 Soit H un hyperplan et x0 P EzH, alors E H ` pKx0q.

Preuve. Soit x P H X pKx0q, alors il existe λ P K tel que x λx0.Si λ 0, alors x0 1

λx P H, ce qui est absurde. Donc λ 0 et x 0. D'oùH X pKx0q t0u.

Soit x P E. On note π : E Ñ EH la projection canonique. Alors πpx0q 0et EH étant une droite vectorielle, il existe λ P K telle que πpxq λπpx0q.Alors x λx0 px λx0q et x λx0 P kerπ H. D'où E H pKx0q. 2

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4.1. DUAL-BIDUAL 49

Soit f P E non nulle. Alors Im f K et donc E ker f K, ce quiimplique que ker f est un hyperplan de E.

Si H est un hyperplan xé, x0 R H et α P Kzt0u. Comme E H ` pKx0q,pour tout x P E il existe une unique décomposition x h λx0 avec h P Het λ P K. On pose alors fpxq λα. On a donc f linéaire, fpx0q α etker f tx P Eλα 0u tx P Eλ 0u H (car α 0).

Réciproquement, si f a de telles propriétés, alors fpxq fph λx0q λα.D'où l'unicité.

Enn, si f et g ont même noyau, alors soit ker f E ker g (et doncf g 0), soit ker f ker g H est un hyperplan. Si x0 P EzH alorsfpx0q 0 et gpx0q 0. Il existe donc µ P K tel que fpx0q µgpx0q. Alors fet µg ont le même noyau H et prennent la même valeur en x0 R H. D'aprèsl'unicité d'une telle forme linéaire, on a f µg. 2

Se résultat se généralise partiellement.

Proposition 4.6 Soit F un sous-espace vectoriel de E, x0 P EzF et λ P Kalors il existe f P E telle que ker f F et fpx0q λ.

Preuve. Soit pfjqjPJ une base de F . Alors la famille pfj , x0qjPJ est libredans E. On peut la compléter en une base pfj , x0, eiqjPJ, iPI de E. On dénitalors une forme sur E en posant fpeiq 0 pour tout i P I, fpfjq 0 pour toutj P J et fpx0q λ. On a bien ker f F et fpx0q λ. Notez que cette formen'est pas unique en générale (dépend du choix de la famille peiq). 2

On a plusieurs corollaires.

Proposition 4.7 Pour tout x P Ezt0u, il existe f P E tel que fpxq 1.

Preuve. Prendre F t0u dans la proposition précédente. 2

Proposition 4.8 Tout sous-espace strict de E est contenu dans un hyperplande E.

Preuve. Prendre H ker f où f est la forme tel que fpx0q 1 pourun x0 P EzF . 2

La proposition suivante est fondamentale. Elle servira pour l'étude de l'or-thogonalité au sens de la dualité, mais sert aussi en analyse (par exemple dansle théorème des extrema liés).

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50 CHAPITRE 4. DUALITÉ

Proposition 4.9 Soit pf1, , fp, fq P pEqp1.On a f P Vectpf1, , fpq si et seulement si Xpi1 ker fi ker f .

Preuve. Si f P Vectpf1, , fpq alors il existe pλ1, , λpq P Kp telsque f λ1f1 λpfp et donc fpxq 0 pour tout x P Xi ker fi.

Réciproquement, on pose u : x P E ÞÑ f1pxq, , fppxq

P Kp. Alors uest linéaire et on a keru Xi ker fi ker f . On va avoir besoin du lemme defactorisation suivant.

Lemme 4.10 Soit f : E Ñ F et g : E Ñ G deux applications linéaires tellesque ker f ker g. Alors il existe une application linéaire L : G Ñ F telle quef L g.

Preuve. D'après le théorème de l'isomorphisme quotient, il existe unisomorphisme linéaire g : E ker g Ñ Im g tel que g i g π, où π : E ÑE ker g est la projection canonique et i : Im g Ñ G est l'injection canonique.Soit p : G Ñ Im g une projection xée. Comme ker g ker f , il existe f :E ker g Ñ F linéaire telle que f f π. Comme p i IdIm g, on a

f f π f pgq1 g π f pgq1 ploooooomoooooonL

i g πlooomooong

2

Exercice 4.11 Montrer que si f : F Ñ E et g : GÑ E sont deux applicationslinéaires telles que Im f Im g. Alors il existe une application linéaire L : F ÑG telle que f g L.

D'après le lemme de factorisation, il existe L : Kp Ñ K linéaire telle quef L u. Or L est un forme linéaire sur Kp et on a vu qu'il existe doncpλ1, , λpq P Kp tels que Lpy1, , ypq

°i λiyi. On en déduit que f

L u °i λifi. 2

Proposition 4.12 Soit pf1, , fpq des formes linéaires sur E. La famillepf1, , fpq est libre si et seulement si l'application linéaire u : x P E ÞÑf1pxq, , fppxq

P Kp est surjective.

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4.2. DUAL 51

Preuve. u est non surjective si et seulement si Imu Kp, si et seule-ment si Imu est contenu dans un hyperplan de Kp, si et seulement si il existef P pKpq non nulle telle que ker f Imu. Et donc, u est non surjective si etseulement si il existe pλ1, , λpq P Kpzt0u tels que°i λifi

°i λixi

u 0.2

4.2 Dual

Dénition 4.13 Soit peiqiPI une base de E. Pour tout i P I, on appelle i-èmeforme coordonnée, notée ei l'unique forme linéaire sur E vériant ei pejq δij.

Proposition 4.14 Pour tout x P E, on a x °iPI e

i pxqei.

Remarque 4.15 La notation ei pourrait laisser croire que ei ne dépend quede ei, mais en fait elle dépend de toute la base pejqjPI .

Théorème 4.16 Soit peiq une base de E. Alors la famille pei q est libre dansE. C'est une base de E si et seulement si E est de dimension nie.

Preuve. Si°i λie

i 0 alors 0 °

i λiei pejq λj pour tout j P I.

Si E est de dimension nie, alors pe1 , , enq est une famille libre dans E

qui est de dimension n, et donc c'est une base de E.Si E n'est pas de dimension nie alors fpxq °

i xi (où x °i xiei) est

bien dénie (car seul un nombre ni de composantes de x sont non nulles)et linéaire de E dans K. En revanche, elle n'est pas dans VectpeiPIq car s'ilexiste une famille presque nulle pλiq P KI telle que f °

i λiei alors on a

1 fpejq λj pour tout j P I, ce qui contredit le fait que la famille pλiq estpresque nulle. 2

Dénition 4.17 Si E est de dimension n et pe1, , enq est une base de E,alors pe1 , , enq est une base de E appelée base duale de la base peiq.

Proposition 4.18 Soit E un K-espace vectoriel de dimension nie et peiq unebase de E. Alors pour tout f P E, on a f °

i fpeiqei .

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52 CHAPITRE 4. DUALITÉ

Preuve. On sait qu'il existe pλiq P KI telle que f °i λie

i . Alors

fpejq °i λie

i pejq λj . 2

Remarque 4.19 Si dimE est innie et f P E, alors on a fpxq °iPI e

i pxqfpeiq

pour tout x P E (remarquer que la somme est bien nie). En revanche on nepeut écrire f °

iPI fpeiqei que si la famillefpeiq

iPI

est presque nulle.

Remarque 4.20 Si dimE est innie alors dimE ¡ dimE (cf [5] p.222). Onen déduit que E et E sont isomorphes si et seulement si E est de dimensionnie.

4.3 Bidual

Pour tout x P E, x : f P E ÞÑ fpxq P K est un forme linéaire sur E.

Théorème 4.21 L'application θ : x P E Ñ x P E est linéaire et injective. θest un isomorphisme si et seulement si E est de dimension nie.

Preuve. Pour tout pλ, µq P K2, tout px, yq P E2 et tout f P E, on aλx µypfq fpλx µyq λfpxq µfpyq λxpfq µypfq.On a x P ker θ si et seulement si fpxq 0 pour tout x P E. D'après ce qui

précède, cela implique x 0, d'où l'injectivité de θ.Si E est de dimension nie, alors E est de même dimension, et donc θ est

bijective. Si E n'est pas de dimension nie et peiq est ne base de E, alors on aF Vectpei q E. Donc il existe une forme linéaire f : E Ñ K on nulle telleque fpF q 0. Or, pour tout x P E, on a θpxqpej q xj . Donc si

θpxqF q 0

alors x 0 et θpxq 0. On en déduit que f n'est pas dans l'image de θ. 2

Remarque 4.221) Si E est de dimension nie, θ est un isomorphisme entre E et E. On

l'appelle l'isomorphisme canonique entre E et E. Il identie x et x (il nedépend pas du choix d'une base).

2) Si pe1, , enq est une base de E et pe1 , , enq la base duale associée,alors la base duale pe1 , , en q associée de E vérie ei ei.

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4.4. ORTHOGONALITÉ FORMES-VECTEURS 53

4.4 Orthogonalité formes-vecteurs

Dénition 4.23 Pour tout px, fq P EE, on appelle crochet de dualité de xet f la quantité xx, fy fpxq P K. L'application px, fq P E E ÞÑ xx, fy P Kest un forme bilinéaire sur E E.

Proposition 4.24 Si E est de dimension nie n, peiq est une base de E etpei q la base duale, alors on a

x ¸i

xx, ei yei

Dénition 4.251) On dit que x P E et f P E sont orthogonaux si et seulement si xx, fy

0 fpxq.2) Soit X une partie non vide de E. On appelle orthogonal de x dans E

l'ensemble XK f P Efpxq 0 pour tout x P X(

f P E ker f X( XxPX ker x.3) Soit F une partie non vide de E. On appelle orthogonal de F dans E

l'ensemble F x P Efpxq 0 pour tout f P F( XfPF ker f .

Remarque 4.26 Attention, si F est une sous partie de E, alors FK est unesous partie de E et F une sous partie de E.

Proposition 4.27 Pour tout partie non vide X de E, XK est un sous-espacede E. Pour toute partie non vide F de E, F est un sous-espace de E.

Preuve. Au vu des formules ci-dessus, il s'agit toujours d'une intersec-tion de sous-espaces, donc un sous-espace. 2

Proposition 4.28 Soit X et Y deux parties de E. Alors on a

pVectXqK XK X Y Zñ Y K XK pX Y Y qK XK X Y K

pX Y qK XK X Y K X pXKq VectX

XK Y K pVectX XVectY qK pX X Y qK

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54 CHAPITRE 4. DUALITÉ

Proposition 4.29 Soit F et G deux parties de E. Alors on a

pVectF q F F G Zñ G F pF YGq F XG

pF Gq F XG VectF pF qK avec égalité si dim VectF 8F G pVectF XVectGq avec égalité si dim VectF dim VectG 8

Preuve. Lorsque X est un sous-espace vectoriel de E, l'égalité X pXKq se déduit de la proposition 4.6.

Pour toute base peiq de E, on aVectpei q

t0u et donc

Vectpei qK

E. L'égalité pF qK F n'est donc pas vraie en général en dimension innie(car on a vu qu'en dimension innie, Vectpei q E). 2

4.5 Cas de la dimension finie

Si E est dimension nie, alors x P E ÞÑ x P E est un isomorphisme. Deplus, si F est une partie non vide de E alors F et FK sont naturellementidentiée (x P F si et seulement si xpfq fpxq 0 pour tout f P F si etseulement si x P FK. C'est pourquoi en dimension nie on ne conserve qu'unenotation K. Alors si F E, on a FK E.

Théorème 4.30 Soit E un K-espace vectoriel de dimension nie et X un

sous-espace vectoriel de E. On a dimX dimXK dimE et X XK

K.

Preuve. Soit Y un sous-espace vectoriel de E tel que E X ` Y .Alors l'application f P XK ÞÑ f|Y P Y est linéaire, injective (car si f s'annulesur Y et X alors f 0 sur E) et surjective, car si f : Y Ñ K est linéaire, onpeut l'étendre en une application linéaire sur E en posant f|X 0. Il s'agitbien alors d'un élément de XK. Notez qu'on a pas utilisé la dimension niepour cet isomorphisme. On conclut en utilisant le fait que dimY dimY dimE dimX. 2

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4.5. CAS DE LA DIMENSION FINIE 55

4.5.1 Équation d’un sous-espace vectoriel

Soit E un K-espace vectoriel de dimension nie et X un sous-espace vecto-riel de E de dimension p. Alors XK est de dimension n p. Soit pf1, , fnpqune base de XK. Alors x P X si et seulement si x P pXKqK si et seule-ment si fpxq 0 pour tout f P XK si et seulement si fipxq 0 pour touti P t1, , n pu. On a donc X Xi kernpi1 fi.

On dit que

$'&'%

f1pxq 0...

fnppxq 0

est un système d'équation du sous-espace vectoriel

X.Réciproquement, si pf1, , fqq sont des formes linéaires sur E, alors le

système

$'&'%f1pxq 0

...fqpxq 0

est un système d'équations linéaires pour X Xqi1 ker fi.

On a alors dimX dimE rg pfiq car X Vectpf1, , fqq

K.

4.5.2 Polynômes d’interpolation de Lagrange

Soit E KnrXs et pa1, , an1q P Kn1 des points deux à deux distincts.On note fipP q P paiq. Alors pf1, , fn1q est une famille de forme linéairessur E. C'est même une base de E puisqu'on a

Vectpfiq

K P P EP paiq fipP q 0, @i P t1, , n 1u( t0u

car un polynôme non nul de degré n ne peut avoir plus de n racines distinctes.Donc Vectpfiq t0uK E. Comme E est de dimension n 1, on en déduitque pfiq est une base de E.

On note Li fi la base duale. C'est donc une base de E et on a δij Lipfjq fjpLiq Lipajq pour tout 1 ¤ i, j ¤ n 1. On a en fait Li ±jipXajq

±jipaiajq

(par unicité de la base duale), et pour tout P P E, P °i fipP qLi °

i P paiqLi.

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56 CHAPITRE 4. DUALITÉ

4.6 Transposition

Dénition 4.31 Soit u P LpE;F q. On appelle transposée de u, l'applicationtu : F Ñ E dénie par tupfq f u.

Remarque 4.32 Pour tout x P E et tout f P F, on a xx,t upfqy xupxq, fy.

Proposition 4.331) tu : F Ñ E est linéaire,2) u P LpE,F q ÞÑ tu P LpF, Eq est linéaire et injective,3) Pour tout pu, vq P LpE,F qLpF,Gq, on a tpvuq tu tv, tIdE IdE

et pour tout u P IsompE,F q, on a tu P IsompF, Eq et ptuq1 t pu1q,4) pour tout u P LpE,F q, on a ker tu pImuqK et Im tu pkeruqK.

Preuve. 1) On a tpu λvqpfq fpu λvq fpuq λfpvq tupfq λ tvpfq

ptu λ tvqpfq pour tout λ P K, tout pu, vq P LpE,F q et tout f P F.2) tupfq 0 pour tout f P F si et seulement si f

upxq 0 pour tout

x P E et tout f P F si et seulement si upxq 0 pour tout x P E si et seulementsi u 0.

3) tpv uqpfq fpv uq tufpvq tu tvpfq pour tout f P G.

4) tupfq 0 si et seulement si f u 0 si et seulement si ker f Imu siet seulement si f P pImuqK. On a f P pkeruqK si et seulement si ker f kerusi et seulement si il existe L P L pF,Kq F tel que f L u tupLq si etseulement si f P Im tu. 2

4.6.1 Cas de la dimension finie

Proposition 4.341) Si E et F sont deux K-espace vectoriel de dimension nie, l'application

u P LpE,F q ÞÑ tu P LpF, Eq est un isomorphisme,

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4.6. TRANSPOSITION 57

2) Si E et F sont de dimension nie, alors E et E (respectivement Fet F) sont identiés et si u : E Ñ F est linéaire, alors tp tuq s'identienaturellement à u,

3) rg puq rg p tuq,4) u est injective si et seulement si tu est surjective, u est surjective si et

seulement si tu est injective,5) Soit u P LpEq et F un sous-espace vectoriel de E. Alors F est stable par

u si et seulement si FK est stable par tu.

Preuve. 1) on a vu que l'application est linéaire et injective. Comme en dimension

nie les espaces de départ et d'arrivée ont même dimension, cette applicationest un isomorphisme?

2) Pour tout x P E et tout f P F, on attupxqpfq

xp tuqpfq xtupfq pf uqpxq upxqpfq. D'où t

tupxq upxq ce qui donne t tupxq

upxq après identications.3) On a Im tu pkeruqK et dimpkeruqK dimE dim keru rg puq

d'après le théorème du rang.4) Imu E si et seulement si ker tu pImuqK EK tOu.5) Soit f P FK alors pour tout x P F , on a tupfqpxq fpupxqq 0

car upxq P F . Donc tupFKq FK. La réciproque découle de pFKqK F ettp tuq u. 2

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Sommaire

5.1 Matrice d'une application linéaire

5.2 Somme et multiplication par un scalaire

5.3 Produit de matrices

5.4 Transposition

5.5 Changement de base

5.6 Trace

5.7 Matrices équivalentes, matrices semblables

5.8 Facteurs invariants d'une matrice

Chapitre

5Matrices

5.1 Matrice d’une application linéaire

Dénition 5.1 Soit E un K-espace vectoriel de dimension p, BE pe1, , epqune base de E, F un K-espace vectoriel de dimension n, BF pf1, , fnqune base de F et u P LpE,F q. On appelle matrice de u par rapport aux basesBE et BF la matrice paijq P Mn,ppKq dénie par upejq

°1¤i¤n aijfi. On la

note MatBE ,BF u. Dans le cas où E F on prendra BE BF , sauf si spéciéautrement.

Exemples. Soit p P LpEq un projecteur de E (i.e. tel que p2 p). On aE ker p` Im p. Si pe1, , erq est une base de Im p et per1, , enq est unebase de ker p alors B pe1, , enq est une base de E et on a

MatBp

1 0 0

0. . . 0

0 0 1

0 0...

...0 0

0 0...

...0 0

0 0...

...0 0

Ir 00 0nr

Jr.

59

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60 CHAPITRE 5. MATRICES

Soit s une symétrie de E (i.e. s2 IdE) si CarK 2 alors E kerps IdEq`kerpsIdEq. Soit pe1, , epq une base de kerpsIdEq et pep1, , enqune base de kerps IdEq. Alors la matrice de s dans la base B pe1, , enqest

MatBs

1 0 0

0. . . 0

0 0 1

0 0...

...0 0

0 0...

...0 0

1 0 0

0. . . 0

0 0 1

Ip 00 Inp

τ P LpEq est une transvection de E si et seulement si il existe une basede E dans laquelle τ admet comme matrice une matrice de transvection, i.e.de la forme

j

1 0 0 | 0

0. . .

. . . λ ...

. . .. . .

. . . 0... 0

. . .. . . 0

0 0 1

i Bijpλq

τ P LpEq est une dilatation si et seulement si il existe une base de E danslaquelle u admet une matrice de la forme

1 0 0

0. . .

. . ....

.... . . 1 0

0 0 λ

Soit peiq1¤i¤n une base de E et σ P Sn une permutation xée. On dénitun endomorphisme de E en posant uσpeiq eσpiq pour tout i. uσ envoie unebase de E sur une base de E donc est un automorphisme de E. Soit Aσ paijq

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5.1. MATRICE D'UNE APPLICATION LINÉAIRE 61

la matrice de uσ dans la base peiq.

j

0...0

0 0 1 0 00...0

σpjq

Chaque ligne et chaque colonne de A contient un terme égal à 1 et tous lesautres sont nuls. Une telle matrice est appeléematrice de permutation. Ellevérie aij δiσpjq pour tout 1 ¤ i, j ¤ n.

Sn Ñ GlpEqσ ÞÑ uσ

est un morphisme de groupe injectif. En eet uσ1σpeiq eσ1σpiq uσ1peσpiqq uσ1uσpeiq et uσ IdE si et seulement si uσpeiq ei pour tout i si et seulementsi eσpiq ei pour tout i si et seulement si σpiq i pour tout i si et seulement siσ Id. On en déduit que l'ensemble des matrices de permutation est un sousgroupe de GlnpKq de cardinal n!.

Théorème 5.2 Soit E et F des K espaces vectoriels de dimension p et n.Soit BE pe1, , epq une base de E, BF pf1, , fnq une base de F ,u P LpE,F q et A la matrice de u par rapports aux bases BE et BF .

Si x °j xjej et y upxq °

i yiei, on note X

x1

...xp

et Y

y1

...yn

.

Alors on a Y AX.Réciproquement, si B P Mn,ppKq vérie Y BX pour tout x P E (où X

et Y sont les vecteurs composantes de x et upxq), alors B MatBE ,BF u

Proposition 5.3 L'application

LpE,F q Ñ Mn,ppKqu ÞÑ MatBE ,BF u

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62 CHAPITRE 5. MATRICES

est un isomorphisme linéaire entre K espace vectoriels (qui dépend du choix deBE et BF ).

5.1.1 Endomorphismes Nilpotents

Théorème 5.4 Soit u P LpEq. u est nilpotent si et seulement si il existe unebase de E dans laquelle la matrice de u est trigonale supérieure (i.e. triangulairesupérieure à diagonale nulle).

Preuve. Supposons que dans une base peiq de E, on ait

Matpeiqu

0 ...

. . .. . .

...... 0

. . . 0 0

Alors upe1q 0 et upekq P Vectpe1, , ek1q pour tout k P J2, nK. On endéduit aisément par récurrence que uppe1q uppepq 0 et uppekq PVectpe1, , ekpq pour tout k P Jp 1, nK. En particulier, on a unpeiq 0pour tout i, et donc u est nilpotent.

Réciproquement, supposons que u est nilpotent et soit p son indice de nil-potence (i.e. le plus petit p tel que up 0). On a alors

keru keru2 kerup E

On part alors d'une base de keru qu'on complète en une base de keru2 puis dekeru3, , puis de E kerup. Si on note ki dim kerui dim kerui, alors la

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5.2. SOMME ET MULTIPLICATION PAR UN SCALAIRE 63

matrice de u dans la base de E ainsi obtenue est de la forme suivante.

k1 k2 kp

0 0 ...

......

......

......

...0 0 0 0 0 0 ...

......

......

......

...0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 ...

......

......

......

...0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0...

......

......

......

...0 0 0 0 0 0 0 0

2

On verra dans le chapitre sur la réduction des endomorphismes que ce théo-rème est un corollaire direct du théorème de trigonalisation des matrices dontle polynôme minimal est scindé.

5.2 Somme et multiplication par un scalaire

5.2.1 Base canonique de Mn,ppKq

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64 CHAPITRE 5. MATRICES

Soit k P J1, nK et l P J1, pK. On note

Ekl

l

0 0 0 0 0...

......

......

0 0 0 0 00 0 1 0 00 0 0 0 0...

......

......

0 0 0 0 0

k

δikδjli,j.

Proposition 5.5 pEklq1¤k¤n,1¤l¤p est une base de Mn,ppKq, appelée base ca-nonique. On a alors A paijqi,j

°i,j aijEij.

5.2.2 Sous-espaces remarquables de MnpKq

On note TspKq l'ensemble des matrices triangulaires supérieures. C'est unsous-espace vectoriel de MnpKq dont une base est pEklqk¤l. Il est donc dedimension npn1q

2 .De même, TipKq l'ensemble des matrices triangulaires inférieur est un sous-

espace vectoriel de MnpKq de dimension npn1q2 dont une base est pEklql¤k.

L'ensembleD des matrices diagonales est un sous-espace vectoriel deMnpKqde dimension n engendré par pEklqkl. On a D Ti X Ts.

L'ensemble Scal des matrices scalaires (i.e. de la forme λIn pour tout λ P K)est un K sous-espace vectoriel de MnpKq de dimension 1.

L'ensemble S des matrices symétriques (i.e. vériant aij aji pour tout

pi, jq) est un sous-espace vectoriel de dimension npn1q2 dont une base est donnée

parpEkkq1¤k¤n, pEkl Elkq1¤k l¤n

.

L'ensemble A des matrices antisymétriques (i.e. vériant aij aji pourtout pi, jq) est un sous-espace vectoriel de MnpKq. Si CarpKq 2 alors A S

et donc dimpAq npn1q2 . Si CarpKq 2, alors t : A ÞÑtA est une symétrie

de MnpKq et on a donc kerpt InqlooooomooooonA

`pt InqlooomooonS

MnpKq. On en déduit que

dimA npn1q2 et que la famille

Ekl Elk

k l

forme une base de A. Pour

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5.3. PRODUIT DE MATRICES 65

tout matrice M PMnpKq, on a

M M tM

2loooomoooonA

M tM

2loooomoooonS

5.3 Produit de matrices

Rappelons le résultat fondamental suivant. Soit E, F , G des K-espacesvectoriels et BE , BF et BG des bases de chacun de ces espaces. Pour toutu P LpE,F q et v P LpF,Gq, on a

MatBE ,BGv u MatBF ,BGv MatBE ,BF u

Les liens entre produits et sommes de matrices sont résumés dans la propo-sition suivante. Rappelons que le produit AB de deux matrices est déni dèsque le nombre de colonnes de A égale le nombre de lignes de B.

Proposition 5.6 Soit A, B et C des matrices et λ P K.

1. Si A pB Cq est bien déni alors AB AC est bien déni et ona A pB Cq AB A C,

2. Si pB Cq A est bien déni alors B AC A est bien déni et ona pB Cq A B A C A,

3. Si A pB Cq est bien déni alors pABq C est bien déni et on aA pB Cq pABq C,

4. Si λ pA Bq est bien déni alors pλ Aq B et A pλ Bq sont biendénis et on a λpABq pλ Aq B A pλ Bq.

Les deux résultats précédents ont le corollaire suivant.

Théorème 5.7MnpKq,,,

est une K-algèbre et si E est un K-espace

vectoriel de dimension n et B est une base de E alors l'application

LpEq Ñ MnpKqu ÞÑ MatBu

est un isomorphisme de K-algèbre.

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66 CHAPITRE 5. MATRICES

Dénition 5.8 On note GlnpKq le groupe des unités de MnpKq, i.e. l'en-semble des matrices inversibles de MnpKq.

On a alors

Proposition 5.9 Si E un K-espace vectoriel de dimension n alors GlpEq etGlnpKq sont isomorphes.

Théorème 5.10 Soit M P MnpKq. Alors M est inversible (M P GlnpKq) siet seulement si M est inversible à droite si et seulement si M est inversible àgauche.

Remarque 5.11 Les ensembles Ts, Ti et D sont des sous-algèbres de MnpKqstables par inversion (i.e. les éléments de n'importe laquelle de ces sous-algèbresqui sont inversibles dans MnpKq ont leur inverse qui est encore dans la sous-algèbre).

En revanche il est facile de montrer que deux matrices symétriques A et Bont un produit AB symétriques si et seulement si A et B commutent.

5.3.1 Produit des vecteurs de la base canonique

La formule suivante est à retenir car elle sert assez souvent.

Lemme 5.12 on aEkl Ers δlrEks

Preuve. Soit pcijq Ekl Ers. On a alors

cij ¸p

Ekl

ip

Ers

pj

¸p

δikδplδprδsj δikδlrδsj δlrEks

ij

D'où le résultat. 2

On en déduit la propriété suivante

Proposition 5.13 Soit A paijq PMnpKq. Alors on a

A Ekl l

0 0 a1,k 0 0...

......

......

0 0 an,k 0 0

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5.3. PRODUIT DE MATRICES 67

Ekl A

0 0...

...0 0al,1 al,n0 0...

...0 0

k

Preuve. On a

A Ekl

ij

¸p

aipδpkδlj aikδlj

et Ekl A

ij

¸p

δikδlpapj aljδik

2

Corollaire 5.14 Le centre de ZMnpKq

est égal à l'ensemble

λ In, λ P K

(des matrices scalaires.

Exercice 5.15 Montrer que pIn λEklqA est la matrice obtenue en rajoutantλ fois la l-ième ligne de A à sa k-ième ligne. De même, ApIn λEklq est lamatrice obtenue en rajoutant λ fois la k-ième colonne de A à sa l-ième colonne.

5.3.2 Produit par blocs

Soit A P Mm,npKq et B P MnppKq. On suppose que m m1 mk,n n1 ns et p p1 pr, où les ni, mi et pi sont des entiers plus

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68 CHAPITRE 5. MATRICES

grands que 1. On suppose A et B découpées en blocs selon

A

n1ÐÑ njÐÑ nsÐÑ

A11 A1s

... ...Ai1 Aij Ais... ...

Ak1 Aks

Ù m1

...Ù mi

...Ù mk

B

p1ÐÑ pjÐÑ prÐÑ

B11 B1r

... ...Bi1 Bij Bir... ...

Bs1 Bsr

Ù n1

...Ù nj...

Ù ns

Si on découpe le produit C AB PMm,ppKq en blocs selon

C

p1ÐÑ pjÐÑ prÐÑ

C11 C1r

... ...Ci1 Cij Cir... ...

Ck1 Ckr

Ù m1

...Ù mi

...Ù mk

alors on a Cij °st1AitBtj pour tous les blocs.

Pour faire un produit par blocs il sut d'avoir le même découpage de n n1 ns pour A et B.

5.3.3 Matrices élémentaires

Soit A un anneau commutatif. Dans l'ensemble MnpAq, on distingue lesmatrices de la forme suivante, appelée matrices élémentaires dans la suite:

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5.4. TRANSPOSITION 69

1. Les matrices de permutations dénies par Pσ ppijq, où σ P Sn etpij δiσpjq. Elles forment un groupe isomorphe à Sn et on a PσPσ1 Pσσ1 , pPσq1 Pσ1 et detpPσq sg pσq. Pour toute matrice M c1, , cn

l1, , lp

P MpnpAq, où cj et li sont respectivementles colonnes et les lignes de M , on a MPσ

cσp1q, , cσpnq

pour tout

σ P Sn et PσM lσ1p1q, , lσ1ppq

pour tout σ P Sp.

2. Les matrices de transvection sont dénies par Tijpaq In aEij pouri j et a P A. Elles vérient pTijpaqq1 Tijpaq et detTijpaq 1,mais ne forment pas un groupe (on verra plus loin qu'elles engendrent legroupe SlnpAq). Pour toute matrice M PMnppAq, on a

c1, , cn

pIp aEijq c1, , cj1, cj aci, cj1, , cn

pIn aEijq

l1, , ln

pl1, , li1, li alj , li1, , ln

3. Les matrices diagonales inversibles (i.e. dont les éléments diagonaux sontinversibles dans A), qui forment un sous-groupe de GlnpAq. Si D pa1, , anq est une matrice diagonale et pl1, , lnq sont les lignes deM , alors pa1l1, , anlnq sont les lignes de DM . De même, si pc1, , cnqsont les colonnes de M alors pa1c1, , ancnq sont les colonnes de MD.

5.4 Transposition

Dénition 5.16 Soit A aij

P MnppKq. On appelle transposée de A la

matrice tA aji

PMpnpKq.

Théorème 5.17 Soit E un K-espace vectoriel de base BE, F un K-espace vec-toriel de base BF et u P LpE,F q. Si A MatBE ,BF u, alors

tA MatBF ,B

E

tu.

Les propriétés de la transposée d'une matrice se déduisent de celles de latransposée d'un endomorphisme.

Proposition 5.18 tpA Bq tA tB, tpλAq λ tA, tpABq tB tA ettp tAq A. Si A est inversible, alors on a tpA1q ptAq1.

Un matrice A est dite symétrique si tA A et antisymétrique si tA A.

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70 CHAPITRE 5. MATRICES

5.5 Changement de base

Dénition 5.19 Soit E un K-espace vectoriel de dimension n, BE pe1, , enqet BE1 pe11, , e1nq deux bases de E. On appelle matrice de passage de BE àBE1 la matrice P

pij PMnpKq dénie par e1j

°ni1 pijei

Remarque 5.20 La matrice P est la matrice de IdE par rapport aux basesBE1 et BE (P MatBE1 ,BEIdE).

Cette simple remarque permet de montrer simplement les propriétés desmatrices de passage.

Proposition 5.21 P est inversible et P1 est la matrice de passage de BE1 àBE.

Proposition 5.22 Si P est la matrice de passage de BE à BE1 , alors la ma-trice de passage de B

E à BE1 est tP1.

Théorème 5.23 Soit BE et BE1 deux bases de E. Si x °ni1 xiei

°ni1 x

1ie1i,

alors on a la relation X PX 1, où X

x1

...xn

, X 1

x11...x1n

et P est la matrice

de passage de la base BE à BE1 .

Théorème 5.24 Soit BE et BE1 deux bases de E, BF et BF 1 deux bases deF et u P LpE,F q. Si A MatBE ,BF u, A

1 MatBE1 ,BF 1u, P est la matrice depassage de BE à BE1 et Q est la matrice de passage de BF à BF 1 , alors on ala relation suivante

A1 Q1AP

Dans le cas particulier d'un endomorphisme, avec BE BE1 et BF BF 1 , ona A1 P1AP .

Preuve. On a X 1 MatBE1x MatBE1 ,BEIdE MatBEx PX etu IdF u IdE donne

A1 MatBE1 ,BF 1u MatBF ,BF 1 IdF

MatBE ,BF u

MatBE1 ,BEIdE

Q1AP

2

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5.6. TRACE 71

5.6 Trace

Dénition 5.25 Soit A aij

P MnpKq. On appelle trace de A le scalairetrA °n

i1 aii.

De simples calculs nous donne les propriétés suivantes.

Proposition 5.261) tr : A PMnpKq ÞÑ trA P K est une forme linéaire non nulle sur MnpAq.2) Pour tout pA,Bq PMnpKq2, on a trpABq trpBAq.Remarque 5.27 On a trpABCq trpBCAq trpCABq, mais en généraltrpABCq trpACBq. La trace d'un produit n'est stable a priori que par per-mutations circulaires sur les éléments du produit.

Corollaire 5.28 2 matrices semblables ont même trace.

Preuve. trpP1AP q trpPP1Aq trA. 2

Ce corollaire permet de dénir simplement la trace d'un endomorphisme.

Dénition 5.29 Soit u P LpEq. On appelle trace de u la trace de n'importelaquelle de ses matrices.

Exemple. Soit p un projecteur de E. Comme il existe une base de E danslaquelle la matrice de p est la matrice Jr, où r est la dimension de l'image de p(i.e. son rang), on en déduit que tr p rg p 1K (si la caractéristique du corpsK est nulle alors on a tr p rg p).

On nit par une caractérisation des matrices de trace nulle.

Proposition 5.30 L'ensemble des matrices de trace nulle est l'espace vectorielengendré par les matrices de la forme MN NM .

Preuve. Il est clair que toute combinaison linéaire de matrices de cetteforme est de trace nulle. Réciproquement, le noyau de la forme linéaire traceest un hyperplan de MnpKq. Or l'espace précédent contient toutes les matricesEij Ei1E1j E1jEi1 pour tout i j et E11 Eii E1iEi1 Ei1E1i pourtout i ¥ 2. Comme ces matrices forment une famille libre, on en déduit quel'espace engendré par les matrices de la forme MN NM est de dimension aumoins n2 1. Comme il est contenu dans ker tr, on a l'égalité désirée. 2

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72 CHAPITRE 5. MATRICES

5.7 Matrices équivalentes, matrices semblables

Dénition 5.31 Deux matrices A et A1 sont dites équivalentes si et seulementsi il existe P P GlppKq et R P GlnpKq telles que A1 RAP .

Deux matrices A et A1 de MnpKq sont dites semblables si et seulement si ilexiste P P GlnpKq telle que A1 P1AP .

Ces deux relations sont des relations d'équivalence.

Remarque 5.32 Dans MnppKq avec n p les matrices ne peuvent être sem-blables. Dans MnpKq des matrices semblables sont équivalentes, mais la réci-proque est fausse.

Proposition 5.331) A et A1 sont équivalentes si et seulement si ce sont les matrices d'un mêmemorphisme par rapport à des bases diérentes.2) Deux matrices A et A1 de MnpKq sont semblables si et seulement si ce sontles matrices d'un même endomorphisme par rapport à des bases diérentes.

On a déni plus haut le rang d'une matrice comme étant le rang de lafamille constituée de ses vecteurs colonnes. Or, si A PMnppKq a pour vecteurs

colonnes pc1, , cpq P pKnqp, alors A

x1

...xp

°p

i1 xici. On en déduit que

Vectpc1, , cnq ImLA, où La : X P Kp ÞÑ AX P Kn, et donc rgA rgLA.Remarquer que A est la matrice de LA par rapport aux bases canoniques deKp et Kn.

Réciproquement, si u P LpE,F q est un morphisme tel que MatBE ,BF u A,alors si on note Φ : E Ñ Kp et Ψ : F Ñ Kn les isomorphismes naturellementassociés aux bases BE et BF , on a u Ψ1 LA Φ. On en déduit querg u rgLA rgA. Ainsi, le rang d'un morphisme est égal au rang de samatrice par rapport à n'importe quelles bases des espaces de départ et d'arrivée.

Les propriétés du rang d'une matrice sont donc les mêmes que les propriétésdu rang d'un endomorphisme.

Proposition 5.34 Soit A PMnppKq.1) rgA rg tA,2) rgA est égal au rang de la famille des vecteurs lignes de A dans Kp,3) rgA ¤ maxpn, pq,

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5.7. MATRICES ÉQUIVALENTES, MATRICES SEMBLABLES 73

4) rg pABq ¤ minprgA, rgBq,5)

rgA rgB ¤ rg pABq ¤ rgA rgB.

Théorème 5.35 Soit A P MnppKq. A est de rang r si et seulement si A estéquivalente à la matrice Jr.

En particulier, A et A1 sont des matrices équivalentes de MnppKq si etseulement si rgA rgA1.

Preuve. On a vu que des matrices équivalentes représentent le mêmemorphisme dans des bases diérentes. Or le rang d'un morphisme égal le rangde sa matrice par rapport à n'importe quelles bases. On en déduit que deuxmatrices équivalentes ont le même rang.

Réciproquement, si A est une matrice et LA : Kp Ñ Kn est l'endomor-phisme déni plus haut, on choisit H tel que Kp H ` kerLA, pe1, , erqune base de H, per1, , epq une base de kerLA. On pose fi LAei pourtout i ¤ r. Alors pf1, , frq est une famille libre de Kn (car LA est injec-tive sur H) qu'on peut compléter en une base B1 pf1, , fnq de Kn. AlorsB pe1, , enq est une base de Kp, et on a MatB,B1LA Jr. Comme A etJr sont deux matrices de LA, elles sont équivalentes. 2

Le rang sut donc à caractériser les classes d'équivalence dans les matrices.Il faut retenir de tout ça que si on a la matrice d'un morphisme u mais pas lesbases par rapport auxquelles la matrice a été calculée, alors la seule informationqu'on puisse retrouver sur u est son rang (autrement dit par grand chose). Onverra plus loin que la caractérisation des classes de similitudes est bien pluscompliquée.

Corollaire 5.36 Soit I un idéal bilatère de MnpKq, alors soit I t0u, soitI MnpKq.

Preuve. Un idéal bilatère est stable par équivalence. Si A P Izt0u, alorsr rgA ¥ 1, et donc Jr P I. Or J1 J1Jr et donc J1 P I. Comme toutesles matrices diag p1, 0, , 0q, diag p0, 1, 0, , 0q, ,diag p0, , 0, 1q sont derang 1, et donc équivalentes, elles sont dans I. On en déduit que leur sommeIn est dans I, ce dont on déduit facilement que I MnpKq. 2

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74 CHAPITRE 5. MATRICES

5.8 Facteurs invariants d’une matrice

5.8.1 Formule de Cauchy-Binet

Soit M P MpnpAq. Pour tout 1 ¤ r ¤ minpp, nq, et tout 1 ¤ i1 ir ¤p, 1 ¤ j1 jr ¤ n, on note M j1, ,jr

i1, ,irle déterminant de la matrice carrée

de taille r extraite de M en conservant les lignes pi1, , irq et les colonnespj1, , jrq. Ces déterminants sont appelés les mineurs de M d'ordre r (lesmineurs principaux sont ceux correspondants au cas pi1, , irq pj1, , jrq).La formule suivante, permet de calculer les mineurs d'un produit de matricesen fonction des mineurs de chaque matrice. Dans le cas k 1, on retrouve ladénition du produit de 2 matrices et dans le cas k m n p, on retrouveque le déterminant est multiplicatif.

Théorème 5.37 (Cauchy-Binet) Pour tout B P MnppAq, tout C P MpmpAq,tout r ¤ minpn,mq, tout 1 ¤ i1 ir ¤ n et tout 1 ¤ j1 jr ¤ m,on a

pBCqj1, ,jri1, ,ir

¸1¤k1 kr¤p

Bk1, ,kri1, ,ir Cj1, ,jrk1, ,kr

Remarque 5.38 Dans le théorème précédent, si p r alors le membre dedroite est une somme sur l'ensemble vide, dont on convient que le résultat vaut0. La matrice BC étant alors de rang plus petit que p r, tous ses mineursd'ordre r sont nuls. L'égalité est donc bien vériée dans ce cas particulier.

Preuve. D'après la remarque précédente, on peut supposer que r ¤ p.D'après la formule de produit par bloc, la matrice extraite de BC correspondantaux lignes pi1, , irq et aux colonnes pj1, , jrq est égale à la matrice B1C 1,où B1 P Mr,ppAq est extraite de B en conservant les lignes pi1, , irq et C 1 PMp,rpAq est extraite de C en conservant les colonnes pj1, , jrq. On notepB1

1, , B1pq les vecteurs colonnes de la matrices B1 et c1ij les coecients de

la matrice C 1. En utilisant que le déterminant est une forme alternée en les

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 75

vecteurs colonnes d'une matrice, on obtient les égalités suivantes.

detB1C 1 det p

k11

c1k11B1k1 , ,

p

kr1

c1krrB1kr

¸1¤k1, ,kr¤p

c1k11 c1krr detB1k1 , , B1

kr

¸1¤k1 kr¤p

¸σPSr

sg pσqc1k1σp1q c1krσprq detB1k1 , , B1

kr

¸1¤k1 kr¤p

B1k1, ,kr1, ,r C 11, ,r

k1, ,kr ¸

1¤k1 kr¤p

Bk1, ,kri1, ,irCj1, ,jrk1, ,kr

2

Corollaire 5.39 Soit B P Mn,mpAq et k P N. On note IkpBq l'idéal de Aengendré par tous les mineurs d'ordre k de B si k ¤ minpn,mq et IkpBq t0usi k ¡ minpn,mq. Alors, d'après ce qui précède on a IkpBCqYIkpC 1Bq IkpBqpour tout C P Mm,lpAq et tout C 1 P Ml,npAq. En particulier, si C et C 1 sontdes matrices inversibles, alors on a IkpC 1BCq IkpBq pour tout k. Si deuxmatrices B et B1 sont équivalentes, alors les idéaux IkpBq et IkpB1q sont lesmêmes pour tout k P N.

Remarque 5.40 On va montrer dans la suite que si A est un anneau principalet si on a IkpBq IkpB1q pour tout k, alors B et B1 sont équivalentes dansMn,mpAq.

5.8.2 Facteurs invariants d’une matrice

Rappel: on dit que deux éléments a, b de A sont associés s'il existe u P Ainversible tel que a ub. C'est équivalent, lorsque A est intègre, à aA bA.

On va avoir besoin dans la suite de la proposition suivante.

Proposition 5.41 Soit A un anneau principal et pmiqiPN une suite d'élémentsde A tel que mi1 divise mi pour tout i. Alors il existe un rang N P N tel quetous les pmiqi¥N sont associés.

Preuve. Soit Ii miA. On a Ii1 Ii pour tout i et donc J YiPNIiest un idéal de A. Comme A est principal, on en déduit qu'il existe a P J tel

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76 CHAPITRE 5. MATRICES

que J aA. Or il existe N P N tel que a P IN , d'où J IN . Pour tout i ¥ Non a donc mi P IN et donc IN Ii IN . On en déduit que mi et mN sontassociés pour tout i ¥ N . 2

Théorème 5.42 Soit A un anneau principal et M P Mn,mpAq. Il existe P PGlnpAq, Q P GlmpAq et D PMn,mpAq vériant les conditions suivantes.

1. dij 0 si i j,

2. di,i divise di1,i1 pour tout 1 ¤ i ¤ minpn,mq 1,

3. M PDQ.

Si M P 1D1Q1 est une autre décomposition du même type, alors dii et d1ii

sont associés pour tout i.Les éléments pd11, , dllq (où l minpn,mq) sont appelés les facteurs in-

variants de la matrice M . Ils sont uniques à des facteurs inversibles près etvérient IkpMq pd11 dkkqA pour tout k ¤ minpn,mq. Deux matrices Met M 1 sont équivalentes dans Mn,mpAq si et seulement si elles ont les mêmesfacteurs invariants (à inversibles près). Enn, notez qu'on peut réaliser la dé-composition avec P et Q de déterminant 1.

Preuve. Si M et M 1 ont mêmes facteurs invariants (à inversiblesprès), alors dii uid

1ii avec ui inversible pour tout i, et donc on a D

diagpu1, , ulqD1 (si l n) et M 1 P 1diagpu1, , ulqP1MQ1Q1 ouD D1diagpu1, , ulq (si l m) et M 1 P 1P1MQ1diagpu1, , ulqQ1.On en déduit que M et M 1 sont équivalentes dans Mn,mpAq, ce qui montre ledernier point.

Montrons l'unicité des facteurs invariants. D'abord, les relations de divisi-bilité impliquent que si di,i est non inversible (resp. nul) alors on a dk,k 0est non inversible (resp. nul) pour tout k ¥ i. Dans la suite di,i les éventuelsinversibles sont donc toujours au début et les éventuels 0 à la n. Les mineursd'ordre k de la matrice D sont soit nuls, soit de la forme di1,i1 dik,ik pourtout 1 ¤ i1 ik ¤ minpn,mq. Comme dii divise djj pour tout i j,on en déduit que pd11 dkkqA IkpDq IkpMq IkpD1q pd111 d1kkqApour tout 1 ¤ k ¤ minpn,mq. On en déduit qu'il existe u1k P A tels qued11 dkk d111 d1kku1k pour tout k. Puisque A est intègre, cela impliqueque le nombre d'inversibles au début des deux suites est le même, et le nombrede 0 à la n des deux suites est le même. Enn, l'égalité précédente implique

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 77

d11,1 d1k1,k1puk1,k1dk,k uk,kd1k,kq 0. Si dk,k est non nul, alors d1i,i

est non nul pour tout i ¤ k et comme A est intègre, on obtient dk,k d1k,ku

1kpu1k1q1 pour tout 2 ¤ k ¤ n (car dk,k et d1k,k s'annulent en même

temps).

Reste à montrer l'existence de la factorisation. On le fait par récurrencesur minpn, pq. On peut supposer dans la suite que M 0. Commençons parmontrer que M est équivalente à une matrice M 1 telle que m1

1,1 divise tousles coecients de M 1. Pour cela on construit une famille de matrices pM ppqqéquivalentes à M en itérant les règles suivantes:

1. Si mppq1,1 ne divise pas mppq

1,j , alors soit d pgcdpmppq1,1,m

ppq1,j q et pu, vq P A2

tels que d umppq1,1 vm

ppq1,j . On pose alors

Q

u 0 0 mppq1,jd 0 0

0 0... Ij2

......

...0 0

v 0 0 mppq1,1d 0 0

0 0...

... Imj

0 0

où on a noté m1,jd le quotient de m1,j par d (d n'est pas forcémentinversible dans A). On a detQ 1 donc Q P G lmpAq et on pose

M pp1q M ppqQ. On a mpp1q1,1 d qui divise mppq

1,1 mais ne lui est pasassocié.

2. Simppq1,1 ne divise pasm

ppqj,1 alors comme au-dessus, on construit un matrice

P P G lnpAq telle que M pp1q PM ppq vérie mpp1q1,1 pgcdpmppq

1,1,mppq1,j q

divise mppq1,1 mais ne lui est pas associé.

3. Si mppq1,1 divise tous les mppq

1,j et tous les mppqj,1 , mais pas mppq

i,j pour i, j ¥ 2.

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78 CHAPITRE 5. MATRICES

On pose a P A tel que mppqi,1 am

ppq1,1 et

P

a 1 0 0 1 0 00 0... Ii2

......

...0 01 0 0 0 0 00 0...

... Inj0 0

Alors M 1 PM vérie m11,1 pa 1qmppq

1,1 mppqi,1 m

ppq1,1 qui ne divise

pas m11,j pa 1qmppq

1,j mppqi,j . En appliquant 2) à M 1 on obtient un

matriceM pp1q équivalente àM telle que mpp1q1,1 divise mppq

1,1 sans lui êtreassocié.

Le procédé précédent ne s'arrête que si mppq1,1 divise tous les coecients de

M ppq. Or, tant que le procédé ne s'arrête pas, mpp1q1,1 divise mppq

1,1 sans lui êtreassocié. Puisque A est principal la famille pM ppqq ne peut-être innie, et doncen un nombre ni d'itération, on obtient une matrice M 1 équivalente à M telleque m1

1,1 divise tous les éléments de M .Soit pa2, , anq et pb2, , bmq tels que m1

i,1 aim11,1 et m1

1,i bim11,1.

La matrice M est donc équivalente à la matrice

1 0 0a2

... In1

an

M 1

1 b2 bm0... Im1

0

m1

1,1 0 00... M2

0

avec m11,1 qui divise tous les coecients de M2 (qui sont des combinaisons

linéaires des coecients de M 1).Si minpn,mq 1 alors on a ni de montrer le résultat. Sinon on applique

l'hypothèse de récurrence à M2. Il existe donc P 1 P G ln1pAq, Q1 P G lm1pAqet D1 P Mn1,m1pAq tel que M2 P 1D1Q1, d1ij 0 si i j et d1i,i divise

d1i1,i1. On pose alors P

1 00 P 1

, Q

1 00 Q1

et D

m1

1,1 00 D1

.

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 79

Reste à montrer que m11,1 divise d11,1. Or on a vu plus haut que d11,1 est le pgcd

de M2. Comme m11,1 divise tous les éléments de M2, on a m1

1,1 divise d11,1. 2

Remarque 5.43 Les facteurs invariants pd1,1, , dminpn,mq,minpn,mqq d'unematrice peuvent s'annuler. Si di,i 0 alors dj,j 0 pour tout j ¡ i puisquedj,jdi,i. Les facteurs invariants pd1, , dlq d'une matrice sont uniques à in-versibles près et les éléments diagonaux de la matrice D dans la décompositionprécédente peuvent être n'importe quelle suite pu1d1, , uddlq pour des puiqinversibles (quitte à multiplier la matrice P ou la matrice Q par une matricediagonale bien choisie).

M P MnpAq est inversible si et seulement si tous ses facteurs invariants sontinversibles: si M PDQ avec tous les éléments diagonaux de D inversibles,alors D et M sont inversibles. Si M est inversible, alors M MInIn donctous les facteurs invariants de M sont inversibles.

Si A est un corps, alors les facteurs invariants d'une matrice M PMnmpKqpeuvent être choisis égaux à 1 ou 0. Avec cette normalisation, on a unicitédes facteurs invariants pour les matrices de MnmpKq. De plus, le nombre de1 est alors le rang de M . On retrouve que deux matrices de Mn,mpKq sontéquivalentes ssi elles ont le même rang.

Si A krXs, alors on normalise les facteurs invariants en choisissantleur représentant unitaire. Si A Z, on normalise les facteurs invariants enchoisissant leur représentant positif. Avec ces normalisations, on a unicité desfacteurs invariants.

Dans la suite du chapitre, on va voir trois applications standard des facteursinvariants d'une matrice et leurs applications.

5.8.3 Théorème de la base adaptée

On a va montrer que si A est un anneau principal alors tout sous-moduled'un A-module libre de type ni est libre. Plus précisément, on va démontrerle théorème de la base adaptée qui la version (faible) du théorème de la baseincomplète qui subsiste dans les modules. Commençons par un exemple concret.

Exemple. On s'intéresse au sous-module F Zp2, 3, 4q Zp5, 6, 7q de Z3.F est l'image de Z2 par le morphisme ϕ : Z2 Ñ Z3 déni par ϕpλ, µq

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80 CHAPITRE 5. MATRICES

λp2, 3, 4q µp5, 6, 7q. La matrice de ϕ par rapport aux bases canoniques de Z2

et Z3 est M 2 5

3 64 7

. On lui applique l'algorithme décrit dans la preuve

du théorème 5.42 pour obtenir les facteurs invariants de M dans M3,2pZq (plusprécisément, ici on s'autorise les permutations sur les lignes et les colonnes pourgagner du temps).

2 53 64 7

1 0 00 1 00 0 1

2 1

3 04 1

1 0 00 1 00 0 1

1 2

0 31 4

1 0 00 1 00 0 1

1 0

0 31 6

1 0 00 1 00 0 1

1 0

0 30 6

1 0 00 1 01 0 1

1 0

0 30 0

1 0 00 1 01 2 1

loooooomoooooonP

Notez qu'au dessus, on fait des opérations sur les lignes et colonnes de Mpour arriver à la forme réduite, mais on a rajouté la matrice identité à droitede M de manière à ce qu'en appliquant à ce bloc supplémentaire les mêmesopérations que sur les lignes de M , on obtienne en nal une matrice P telle

que PMQ 1 0

0 30 0

pour une matrice inversible Q.

Les vecteurs colonnes de P1 1 0 0

0 1 01 2 1

forment une base B

pf1, f2, f3q de Z3 et P1 est la matrice de passage de la base canonique deZ3 à B. Si on note B1 la base de Z2 telle que Q soit la matrice de passage dela base canonique de Z2 à B1, la formule précédente s'interprète comme une

formule de changement de base et on a MatB1,Bϕ 1 0

0 30 0

. On en déduit

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 81

que F Imϕ Zf1 Z3f2, et donc pf1, f2, f3q est une base de Z3 telle quepf1, 3f2q

p1, 0,1q, p0, 3, 6q forme une base de F (elle est génératrice parce qui précède et est bien sûr libre).

Théorème 5.44 Soit A un anneau principal, E un A-module libre de dimen-sion n et F un sous-module de E. Alors F est un A-module libre de dimensionm ¤ n et il existe une base B pe1, , enq de E et pd1, , dmq une familled'éléments de A tels di divise di1 pour tout i ¤ m 1 et pd1e1, , dmemqforme une base de F .

De plus, le sous-module Ae1 Aem et les éléments pd1, , dmq sontuniques (à inversibles près).

Remarque 5.45 Une telle base est dite adaptée au sous-module F . Notezqu'en revanche le théorème de la base incomplète est faux sur un module: 2est une base du sous-module 2Z du module libre Z qui ne peut pas être com-plétée en une base de Z (deux modules libres emboités de même dimensionpeuvent-être distincts!).

On a vu plus haut que si A n'est pas principal alors c'est un A-module librequi contient au moins un sous-module (i.e. un idéal) qui n'est pas libre (carnon monogène).

Preuve. Soit B1 pe11, , e1nq une base xée de E. Commençons par montrer que

F est de type ni. On le fait par récurrence sur n. Si n 1, alors E estisomorphe au A-module A et donc F est isomorphe à un idéal de A. CommeA est principal, on en déduit que F t0u (et alors on peut prendre e1 1,d1 0 et les unicités sont évidentes), soit F aA (et alors on peut prendree1 1, d1 a et les unicités sont évidentes).

Sinon, on note α : E Ñ A l'application qui a x P E associe son coecientpar rapport à e1n dans la décomposition de x dans la base B1. Alors αpF q estun idéal de A, et il existe a P A tel que αpF q aA. Soit f P F tel que αpfq aet F 1 F X G, où G Ae1 Aen1. Alors G est un A-module librede dimension n 1 (de base pe1, , en1q) et donc F 1 est de type ni parhypothèse de récurrence. Or on a F Af F 1 (car si x P F alors il existec P A tel que αpxq ca cαpfq d'où αpx cfq 0, i.e. x cf P G X F ). Etdonc F est de type ni.

Soit pf1, , fkq une famille génératrice de F et M P MnkpAq la matricepar rapport à la base canonique de Ak et la base B1 de E de l'application

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82 CHAPITRE 5. MATRICES

ϕ : Ak Ñ E dénie par ϕpλiq °i λifi. D'après le théorème 5.42, il existe

P P GlnpAq, Q P GlkpAq et D P MnkpAq vériant di,j 0 si i j et di di,idivise di1 di1,i1 pour tout i ¤ minpn, kq 1, telles que M PDQ.

Soit B pe1, , enq la base de E telle que la matrice de passage de B1

à B soit P (on a el °ni1 pi,le

1i) et b la base de Ak telle que la matrice de

passage de la base canonique à b soit Q1. L'égalité M PDQ, implique quela matrice de ϕ par rapport aux bases b et B est D. Comme F Imϕ, ondéduit de la forme de D que F est engendré par la famille pd1e1, , dmemq(où m est choisi tel que di 0 pour tout i ¤ m et di 0 pour tout i ¡ m).Enn, la famille pe1, , enq étant libre et A étant intègre, on en déduit que lafamille pd1e1, , dmemq est libre et donc une base de F . Comme m est pluspetit que le nombre n de lignes de la matrice M , on a m dimF ¤ n.

On montre enn les unicités. Soit F 1 tx P EDa P Azt0u tel que ax P F u.F 1 est un sous-module de E qui contient G Ae1 Aem (car dm P Fpour tout x P G). Réciproquement, si x °n

i1 xiei et ax P F G, alorsaxi 0 pour tout i ¡ m et donc xi 0 car a 0 et A est intègre. On adonc G F 1, ce qui montre que G ne dépend que de F . Enn, si pe11, , e1nqest une autre base de E telle que pd11e11, , d1m1e1m1q forme une base de Favec d1i divisant d

1i1, alors m

1 dimF m, il existe P P GlnpAq tel queej

°ni1 pi,je

1i et Q P GlmpAq telle que d1je

1j

°mi1 qi,jdiei. On en déduit

d1je1j

°mi1

°nl1 qi,jdipl,ie

1l et donc D

1 PDQ. D'après l'unicité du théorèmeprécédent, on en déduit que di et d1i sont associés pour tout i ¤ m. 2

5.8.4 Modules de type finis

L'algorithme de réduction des matrices décrit dans la preuve du théorème5.42 permet de décrire la structure des A-modules de type ni sur les anneauxprincipaux. Commençons par un exemple concret.

Exemple. Soit G le groupe abélien engendré par trois éléments pe1, e2, e3qvériant les relations 2e13e24e3 0 et 5e16e27e3 0.G est un Z-moduleet l'application linéaire Φ : Z3 Ñ G dénie par Φpz1, z2, z3q z1e1z2e2z3e3

est surjective. Son noyau F tpziq P Z3 °i ziei 0u est le sous-module de Z3

engendré par p2, 3, 4q et p5, 6, 7q et le théorème de l'isomorphisme implique queG est isomorphe à Z3F . Toutefois, cette description de G n'est pas susantepuisque par exemple elle ne permet même pas de dire si G est ni ou pas.

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 83

On a vu plus haut comment des opérations élémentaires sur la matrice2 5

3 64 7

permet de trouver une base pf1, f2, f3q de Z3 adaptée à F . Alors,

un élément quelconque°i zifi de Z3 appartient à F ssi on a z3 0 et 3

divise z2. On en déduit que l'application linéaire ϕ : Z3 Ñ Z3Z Z déniepar ϕpz1, z2, z3q pz2

3, z3q est surjective de noyau F . D'après le théorème del'isomorphisme, on a donc G isomorphe (comme Z-module, et donc commegroupe abélien) à Z3Z Z. De plus, G est engendré par pE1, E2, E3q pe1 e3, e22e3, e3q vériant les relations E1 0, 3E2 0 et 0E3 0 et donc G estengendré par pE2, E3q pe2 2e3, e3q vériant la relation 3E2 0. On a doncidentié la structure de G et simplié les relations du système de générateurs.

Le théorème suivant décrit la structure des A-modules de type ni quandA est un anneau principal.

Théorème 5.46 Soit A un anneau principal et E un A-module de type ni.Alors il existe une suite d'éléments pd1, , dmq de A non inversibles, tels quedi divise di1 pour tout i ¤ m 1 et E soit isomorphe à

Àmi1AdiA.

La suite pd1, , dmq est unique à facteurs inversibles près. Elle est appeléela suite des facteurs invariants de E.

Preuve. Par hypothèse, il existe pf1, , fmq tel que l'application L :pλiq P Am ÞÑ °

i λifi P E soit surjective. Alors le sous-module F kerL estlibre et il existe une base pe1, , emq de Am et des éléments pd1, , dlq P Altels que di divise di1 et pdieiq forme une base de F . On la complète en unefamille de m éléments en rajoutant des éléments dj 0 à la n. On a toujoursdi divise di1 pour tout i ¤ m 1. Le théorème de l'isomorphisme nous donnealors que E ImL est, comme dans l'exemple traité en préambule, isomorpheà Am kerL lui même isomorphe, comme A-module, à

Àmi1AdiA. Si di est

inversible alors AdiA t0u, donc on peut (quitte à supprimer les (premiers)éléments inversibles de la famille des di) supposer qu'aucun des éléments din'est inversible. Ce qui nit la preuve de l'existence des facteurs invariantsde E. Notez qu'alors E est engendré par les images Ei Lpeiq des vecteursde la base de Am adaptée à kerL correspondants aux facteurs invariants noninversibles di de plus ces générateurs vérient les relations diEi 0

L'unicité est plus délicate que pour les facteurs invariants d'une matrice etsera admise dans ce polycopié (voir le livre [2]). 2

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84 CHAPITRE 5. MATRICES

Corollaire 5.47 Soit A un anneau principal. Deux A-modules sont isomorphessi et seulement si ils ont mêmes facteurs invariants (à inversibles près).

5.8.5 Invariants de similitude d’une matrice de MnpKq, Ré-duction de Froebenius et de Jordan

Dans cette section on va voir comment l'algorithme du théorème 5.42 permet decalculer les invariants de similitude d'une matrice à coecients dans un corpset d'obtenir certaines réductions.

Nous aurons besoin de la notion de polynôme à coecients matriciels et dedivision Euclidienne de tels polynômes.

Dénition 5.48 On appelle polynôme à coecients dansMnpKq toute somme

P °di0MiX

i, où pMiq P MnpKqd1. Si Md 0, on dit que P est de degréd. On dénit la somme et le produit de deux polynômes à coecients dansMnpKq comme dans ArXs. On obtient un anneau non commutatif. Attention,ces polynômes peuvent être évalués en une matrice M (en remplaçant X parM), mais on a pas P pMqQpMq pPQqpMq en général si M ne commute pasavec tous les coecients de Q.

L'anneau des matrices à coecients dans MnpKq est canoniquement iso-

morphe à l'anneauMnpKrXsq via l'application°iMiX

i ÞÑ p°impiqj,kX

iqj,k, oùon a posé Mi pmpiq

j,kqj,k.Comme dans le cas des polynômes a coecients dans un anneau commutatif,

on peut dénir des divisions euclidiennes à gauche et à droite.

Proposition 5.49 Soit P et S deux polynômes à coecients dansMnpKq avecS à coecient dominant inversible. Alors il existe un unique couple pQ,Rq telque P QS R avec degR degS. Il existe aussi un unique couple pQ1, R1qtel que P SQ1 R1 avec degR1 degS.

Preuve. Pour l'existence, il sut de faire une récurrence sur le degré deP . Si degP degS, on pose P R et Q 0. Si P °d

i0MiXi avec Md 0

et d ¥ degS et si A est le coecient dominant de S, alors PMdA1Xddeg SS

est de degré strictement plus petit que P et donc est égal à qSR avec degR degS par hypothèse de récurrence. On pose alors Q q MdA

1XddegS .Pour l'unicité, Q1S R1 Q2S R2 implique pQ1 Q2qS R2 R1. Si

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 85

Q1 Q2 0, alors degpQ1 Q2qS ¥ degS ¡ degpR2 R1q car le coecientdominant de S est inversible. On a donc Q1 Q2 et R1 R2.

On procède de même pour la division à droite. 2

Exemple. Si S InX A alors il existe Q polynôme à coecient dansMnpKq et R PMnpKq tel que P pXq QpXqpInXAqR. Comme A commuteavec tous les coecients de InX A, on peut remplacer X par A dans cetteégalité et obtenir P pAq R.

On peut en déduire facilement le théorème de Cayley-Hamilton. L'égalitéχApXqIn t CompInX Aq pInX Aq valable dans MnpKrXsq peut êtrevu comme une égalité de polynômes à coecients dans MnpKq. Par unicité dela division Euclidienne par InX A et d'après la remarque précédente, on aχApAqIn 0 et donc χApAq 0.

Dénition 5.50 Soit M PMnpKq. On appelle invariants de similitude de Mles représentant unitaires des facteurs invariants non-inversibles dans KrXs dela matrice InX A. Comme rappelé plus haut, ils sont uniques puisque choisisunitaires.

Remarque 5.51 Si on a une égalité InXM PDQ donnée par le théorème5.42, alors on a χM detP

±i di,i detQ et par construction les matrices P

et Q sont de déterminants 1. En particulier, on a±i di,i χM . Donc aucun

des éléments diagonaux di,i n'est nul puisque χM est un polynôme non nulet comme les polynômes inversibles unitaires valent 1, χM est le produit desinvariants de similitude de M .

Exemple. L'algorithme du théorème 5.42 nous donne

XI2

1 21 1

X 1 21 X 1

1 X 1X 1 2

1 0X 1 X2 2X 1

1 00 X2 2X 1

et donc

1 21 1

a un seul invariant de similitude qui est X2 2X 1. Notez

que c'est aussi son polynôme minimal et son polynôme caractéristique.En revanche,

XI2

1 00 1

X 1 0

0 X 1

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86 CHAPITRE 5. MATRICES

a deux invariants de similitude qui sont X 1 et X 1.

Un premier intérêt des invariants de similitude est de pouvoir décider sideux matrices sont semblables ou pas.

Théorème 5.52 Deux matrices de MnpKq sont semblables ssi elles ont lesmêmes invariants de similitude.

Preuve. Si M et N sont semblables, alors il existe une matrice P PGlnpKq telle que M PNP1 et donc InX M P pInX NqP1. CommeInXM et InXN sont équivalentes, elles ont les mêmes facteurs invariants,et donc les mêmes facteurs invariants inversibles. On en déduit que M et Nont les mêmes invariants de similitude.

Réciproquement, siM et N ont mêmes invariants de similitude, alors InXM et InX N ont les mêmes facteurs invariants non-inversibles. Comme lesdeux matrices ont le même nombre de facteurs invariants, ils sont égaux àinversibles près. On en déduit qu'il existe des matrices inversibles P1, P2 dansMnpKrXsq telles que P1pInX Mq pInX NqP2.

Par division Euclidienne, il existe q1, q2 dans MnpKrXsq et r1, r2 dansMnpKq telles qu'on ait P1 pInX Nqq1 r1 et P2 q2pInX Mq r2. Ona alors

pInX Nqpq1 q2qpInX Mq pInX Nqr2 r1pInX MqOr si q1 q2 0, alors le membre de droite de l'égalité précédente est unpolynôme à coecients matriciels de degré au moins égal à 2 alors que lemembre de droite est de degré au plus 1. On en déduit que q1 q2 et doncr2 r1 et Nr1 r1M .

Enn, par division Euclidienne, il existe q3 PMnpKrXsq et r3 PMnpKrXsqtelles que P1

1 pInX Mqq3 r3, et donc on a

In P1P11 P1pInX Mqq3 P1r3 pInX NqpP2q3 q1r3q r1r3

et par unicité de la division Euclidienne à gauche de In par InX N , on ar1r3 In, et en particulier, r1 P GlnpKq. On en déduit que N et M sont biensemblables. 2

Les invariants de similitude et l'algorithme 5.42 permettent en fait bien plusque la seule détermination des matrices semblables. Ceci est lié à la propositionsuivante.

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 87

Proposition 5.53 Soit M PMnpKq et peiq la base canonique de Kn. On noteL : KrXsn Ñ Kn l'application dénie par LpP1, , Pnq

°ni1 PipMqei et

ϕ : KrXsn Ñ KrXsn l'application dénie par

ϕpP1, , Pnq pP1X n

i1

M1,jPj , , PnX n

i1

Mn,jPjq.

Alors, L est surjective et de noyau égal à l'image de ϕ. ϕ est un morphismede KrXs-module de matrice dans la base canonique de KrXsn égale à InXM .

Preuve. L envoie la base canonique de KrXsn (comme KrXs-module)sur la base canonique de Kn, donc elle est surjective. Si gi est le i-ème vecteurde la base canonique de KrXsn vu comme un KrXs-module, alors on a Lpgjq °

iMi,jgiXgj et donc la matrice de L dans la base canonique est bien InXM . De plus, pour tout élément pPiq deKrXsn, on a LϕpPiq

°ipPipMqMei°

jMi,jPjpMqeiq °j PjpMqMej

°i PipMqMei 0.

Enn, pour tout pPiq de KrXsn, la matrice P PMnpKrXsq dont le premiervecteur colonne est pP1, , Pnq et les suivants sont nuls peut-être vue commeun polynôme à coecients dansMnpKq et à ce titre il existe Q PMnpKrXsq etR PMnpKq tels que P pInXMqQR. Alors l'égalité des premiers vecteurscolonne nous donne l'égalité de polynômes Pi XQi1

°kMikQk1 Ri1

pour tout i et donc pP1, , Pnq ϕpQ1,1, , Qn,1qpR1,1, , Rn,1q. On endéduit que LpP1, , Pnq LϕpQ1,1, , Qn,1q

°iRi,1ei

°iRi,1ei. Donc

si pP1, , Pnq est dans kerL, alors on a°iRi,1ei 0, et comme peiq est libre

sur K, on a Ri,1 0 pour tout i et donc pP1, , Pnq ϕpQ1,1, , Qn,1q PImϕ. 2

Étant donnée une matrice M P MnpKq, Kn est naturellement muni d'unestructure de KrXs-module associé à M en posant pour tout P P KrXs et toutu P Kn, P.u P pMqu. Alors l'application L devient KrXs-linéaire et il existeun isomorphisme L : KrXsnL Ñ E tel que L L π, où π : KrXsn ÑKrXsnL est la projection canonique sur le quotient. Pour calculer la structurede ce quotient, on va utiliser le fait que ϕ a pour image F kerL.

En appliquant l'algorithme du théorème 5.42 à la matrice InX M de ϕdans la base canonique, on obtient des matrices inversibles P,Q de MnpKrXsqtelles que P pInXMqQ Diagpd1, , dnq avec di P KrXs vériant d1 dn.Alors les vecteurs colonnes des matrices Q et P1 fournissent des bases B1

et B pE1, , Enq de KrXsn telles que la matrice de ϕ par rapport à la

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88 CHAPITRE 5. MATRICES

base B1 au départ et à la base B à l'arrivée est la matrice Diagpd1, , dnq.La base B est donc adaptée à F et la famille pd1E1, , dnEnq est généra-trice dans F . On en déduit que l'application h : KrXsn Ñ `iKrXsdiKrXsdénie par hp°i PiEiq pPidiq est de noyau F et qu'il existe un isomor-phisme h : KrXsnL Ñ `iKrXsdiKrXs tel que h π h. Les éléments

fi hpEiq p0, , 0, 1di , 0 , 0q sont des générateurs de `iKrXsdiKrXsvériant les relations difi 0. Comme L phq1 est un isomorphisme deKrXs-modules entre `iKrXsdiKrXs et E, les éléments vi L phq1pfiq Lphq1phpEiqq LπpEiq LpEiq engendrent leKrXs-module E et vérientles relations divi 0. Comme en particulier, vi 0 et KrXsdiKrXs si di estinversible, on peut ne conserver que les invariants de similitude pd1, , dsq deM dans les formules ci-dessus. Alors, on a

L phq1pPidiq L phq1p¸i

Pi.fiq ¸i

Pi.L phq1pfiq ¸i

Pi.vi (5.1)

¸i

PipMqvi (5.2)

L'application pPiq P `iKdeg di1rXs ÞÑ pP diq P KrXsdiKrXs est un iso-morphisme de K-espace vectoriel. Comme l'isomorphisme L phq1 est aussiun isomorphisme de K-espace vectoriel, on en déduit que l'application suivante

Ψ : `iKdeg di1rXs Ñ E

pPiq ÞÑ L phq1pPidiq °i PipMq.vi

est un isomorphisme de K-espace vectoriel.

La famillepXi, 0, , 0q0¤i¤deg di1, , p0, , 0, Xiq0¤i¤deg ds1q forme

une base de `iKdeg di1rXs, et Ψp0, , 0, Xiloomoonj-ème pos.

, 0, , 0q M ivj , donc

la famille b pv1,Mv1, ,Mdeg d11v1, , vs, ,Mdeg ds1vsq forme unebase de E. De plus, si on note di Xdeg di °deg di1

j0 aijXj , alors on a

MMdeg di1vi Xdeg di .vi Lphq1pXdeg didiq Lphq1p°

j ai,jXjdiq °

j aijM jvi. On en déduit que si on note T la matrice de passage de la base

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5.8. FACTEURS INVARIANTS D'UNE MATRICE 89

canonique de E à la base b, alors T1MT est la matrice diagonale par blocs

Cd1 0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 00 0 Cds

où le bloc Cdi

0 0 ai,01

. . ....

...

0. . . 0 ai,deg di2

0 0 1 ai,deg di1

est la matrice compagnon du po-

lynôme di. C'est la réduction de Froebenius de la matriceM (qui coïncide avecla réduction de Jordan pour les matrices nilpotentes).

Exemple. SoitM 0 1 0

1 2 21 1 1

. L'algorithme du théorème 5.42 appliqué

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90 CHAPITRE 5. MATRICES

à InX M donneX 1 01 X 2 21 1 X 1

1 0 00 1 00 0 1

1 1 X 1

1 X 0X 2 1 2

0 0 11 0 00 1 0

1 0 0

1 X 1 X 1X 2 X 3 X2 3X 4

0 0 11 0 00 1 0

1 0 0

0 X 1 X 10 X 3 X2 3X 4

0 0 11 0 10 1 2X

1 0 0

0 2 X2 2X 30 X 3 X2 3X 4

0 0 11 1 X 10 1 2X

1 0 0

0 2 0

0 X 3 pX1q3

2

0 0 11 1 X 10 1 2X

1 0 0

0 2 0

0 0 pX1q3

2

0 0 11 1 X 1

3X2

X12

X27X102

Donc M a pour seul invariant de similitude le polynôme pX1q3. Les vecteurscolonne de la matrice P1 nous donne une base de KrXs3, dont seul le dernier

vecteur nous intéresse. Il vaut E3 1

10

et donc v3 LpE3q e1e2

1

10

.

Enn, comme le seul invariant de similitude de M vaut pX 1q3, on obtient

comme base de E la famille

1

10

, M

1

10

1

30

, M2

1

10

3

72

. On a

donc T 1 1 3

1 3 70 0 2

et T1AT

0 0 1

1 0 30 1 3

CpX1q3 .

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Sommaire

6.1 diagonalisation, trigonalisation

6.2 Polynômes annulateurs, polynôme minimal

6.3 Lemme des noyaux

Chapitre

6Réduction des

endomorphismes

D ans ce chapitre, E est un k-espace vectoriel et u est un endomorphismede E. Le but dans ce chapitre est de présenter des méthodes d'étude

(recherche des sous-espaces stables, dynamique, espaces propres, etc.) des en-domorphismes de E.

91

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92 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

6.1 diagonalisation, trigonalisation

6.1.1 valeurs propres, vecteurs propres

Dénition 6.1 λ P k est une valeur propre de u s'il existe une vecteur x P Enon nul tel que upxq λx. On dit alors que x est un vecteur propre de u associéà la valeur propre λ.

Remarque 6.2 un vecteur propre est associé à une seule valeur propre. 0 estvaleur propre de u si et seulement si u est non injective.

Dénition 6.3 Si E est de dimension nie, l'ensemble des valeurs propres deu est appelé le spectre de u, noté Spu.

Remarque 6.4 En dimension innie, λ P k est une valeur spectrale si etseulement si u λIdE n'est pas bijective. Spu est alors l'ensemble des valeursspectrale. λ est une valeur propre de u si et seulement si u λId n'est pasinjective, mais en dimension innie, uλId peut-être injectif sans être bijectif.

Dénition 6.5 Pour toute valeur propre λ de u, on note Eλpuq kerpuλIdql'ensemble des vecteurs propres de u associés à la valeur propre λ. C'est unsous-espace de E stable par u. On a u|Eλpuq λId|Eλpuq.

Plus généralement, pour tout P P krXs, on a kerP puq et ImP puq stablespar u.

Exemple.

1) Soit E C8pR,Rq et upfq f 1. Alors pour tout λ P R, fλpxq eλx est unvecteur propre de u pour la valeur propre λ. De plus, on a Eλpuq Rfλ.2) Soit u : P P RrXs ÞÑ XP P RrXs. Comme deg upP q degP 1, u n'apas de valeurs propres (en revanche, tout réel est valeur spectrale car tout lespolynômes dans l'image de u λid s'annulent en λ).

Proposition 6.6 Soit λ et µ deux valeurs propres distinctes de u, Eλ et Eµsont en somme directe.

Proposition 6.7 Soit u P LpEq et P P krXs tel P puq 0. Alors toute valeurpropre de u est racine de P .

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6.1. DIAGONALISATION, TRIGONALISATION 93

Exemple.

1) Soit p : E Ñ E un projecteur. On a donc p2 p, Spppq t0, 1u et E ker p` Im p avec Im p E1ppq et ker p E0ppq.2) Si u : E Ñ E est nilpotent (et E de dimension nie), alors up 0 et doncSppuq t0u (car u n'est pas injective).3) Si u est une symétrie (i.e. u2 IdE) alors Sppuq t1, 1u et E kerpuIdEq ` kerpu IdEq.

Proposition 6.8 Soit u P LpEq et F un sous-espace stable par u. On note ul'endomorphisme de F induit par u. Alors toute valeur propre de u est valeurpropre de u et on a Eλpuq Eλpuq X F .

6.1.2 Polynômes caractéristiques

Dénition 6.9 Soit A PMnpkq. On note χApXq detpXIn Aq. On appellevaleur propres de A les racines de χA dans k.

Remarque 6.10 χApXq est un polynôme unitaire de degré n. On a même

χApXq Xn trpAqXn1 p1qn detA

Proposition 6.11 Deux matrices semblables ont le même polynôme caracté-ristique.

Dénition 6.12 Soit u P LpEq. On appelle polynôme caractéristique de u lepolynôme de l'une quelconque des matrices de u.

Proposition 6.13 Soit u P LpEq. On a λ P Sppuq si et seulement si χupλq 0. Les valeurs propres de u sont donc les racines de χu dans k.

Corollaire 6.141) Tout endomorphisme de E admet au plus dimE valeurs propres distinctes.La multiplicité d'une valeur propre est sa multiplicité comme racine de χu. ua donc au plus n valeurs propres comptées avec multiplicités.2) Si k est algébriquement clos, tout en endomorphisme de E admet au moinsune valeur propre.3) Si E est un R espace vectoriel de dimension impaire, alors tout endomor-phisme de E admet au moins une valeur propre.

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94 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

Exemple. Une rotation de R2 d'angle α non congru à 0 modulo π n'admetpas de valeurs propres (son polynôme caractéristique est X2 2 cosαX 1 etn'admet pas de racines dans R).

Notez aussi que les vecteurs propres d'un endomorphisme sont les vecteursdirecteurs des droites stables par l'endomorphisme et qu'une rotation d'anglenon nul et non plat n'admet de droite stable.

Théorème 6.15 Soit u P LpEq (resp. A P Mnpkq) tel que χu (resp. χA)soit scindé. Soit pλ1, , λnq les valeurs propres de u (resp. A) comptées avecmultiplicités. Alors on a

tru n

i1

λi trA detu n¹i1

λi detA

Exemple.

1) Si p est un projecteur de E, alors on a χp Xdim ker ppX 1qdim Im p.2) Si u est nilpotent, alors χu Xn.3) Si s est une symétrie de E et Car k 2, alors on a χs pX1qdim kerpuIdqpX 1qdim kerpuIdq.4) Si u est une transvection de E, alors on a χu pX 1qn.

Proposition 6.16 On a χu χ tu.

Proposition 6.17 Soit u P LpEq et F un sous-espace de E stable par u. Onnote u l'endomorphisme de F induit par u. Alors on a χuχu.

Si E F1 ` F2 avec F1 et F2 stables par u et ui l'endomorphisme de Fiinduit par u, alors on a χu χu1

χu2.

Preuve. On choisit une base de E obtenue en complétant une basede F . Alors la matrice de u dans cette base est triangulaire supérieure parbloc. Comme le premier bloc diagonal est la matrice de u dans la base de F ,la formule de calcul des déterminants de matrices triangulaires supérieures parbloc nous donne χuχu.

Pour la deuxième assertion, on fait de même en complétant la base de F1

par une base de F2. 2

Corollaire 6.18 Si λ P Sppuq, alors l'ordre de multiplicité de λ dans χu ma-jore la dimension de l'espace propre Eλpuq.

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6.1. DIAGONALISATION, TRIGONALISATION 95

6.1.3 Endomorphismes et matrices diagonalisables

Dénition 6.19 Un endomorphisme u de E est dit diagonalisable s'il existeune base de E formée de vecteurs propres de u. C'est équivalent à ce qu'il existeune base de E dans laquelle la matrice de u est diagonale.

Une matrice A P Mnpkq est diagonalisable si et seulement si il existe unematrice diagonale D et P P Glnpkq telles que M PDP1.

Proposition 6.20 u P LpEq est diagonalisable si et seulement si une matricede u est diagonalisable.

A P Mnpkq est diagonalisable si et seulement si l'un des endomorphismeassocié à A est diagonalisable.

Exemple. Un projecteur, une symétrie (si Car k 2) sont diagonalisables.u est nilpotent et diagonalisable si et seulement si u 0 (car alors on a Sppuq t0u). Une transvection u est diagonalisable si et seulement si u IdE .

Théorème 6.21 Soit u P LpEq, pλ1, , λpq des valeurs propres distinctes deu et px1, , xpq des vecteurs propres associés à pλ1, , λpq. Alors la famillepx1, , xpq est libre.

Preuve. Soit F Vectpx1, , xpq. Alors u u|F admet au moins pvaleurs propres distinctes pλ1, , λpq. On a donc dimF ¥ p. D'où dimF pet la famille est bien libre. 2

Corollaire 6.22 Si dimE n et u P LpEq a n valeurs propres distinctes alorsu est diagonalisable.

Théorème 6.23 Soit u P LpEq, pλ1, , λpq les valeurs propres distinctes deu. Alors les espaces propres Eλ1

puq, , Eλppuq sont en somme directe.

Théorème 6.24 Soit u P GlpEq, dimE n. Les conditions suivantes sontéquivalentes.

1. u est diagonalisable,

2. χu est scindé dans krXs, χu ±pi1pXλiqαi avec les λi 2 à 2 distinctes

et dimEλipuq αi pour tout i P t1, , pu,3.

°pi1 dimEλipuq dimE.

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96 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

Endomorphismes diagonalisables et projecteurs

Soit E E1 ` ` Ep une décomposition en somme directe et pi le pro-jecteur d'image Ei et de noyau `jiEj . Alors on a IdE p1 pp etpi pj 0 si i j.

Réciproquement, si des projecteurs pi vérient IdE p1 pp et pipj 0 si i j, alors leurs images Ei Im pi vérient E E1 ` ` Ep.

Théorème 6.25 u P LpEq est diagonalisable si et seulement si il existe pλ1, , λpq Pkp 2 à 2 distincts et pp1, , ppq des projecteurs de E tels que IdE p1 pp, pi pj 0 si i j et u λ1p1 λppp.

Les pi sont alors les projecteurs spectraux de u (projecteurs sur les sous-espaces propres)

Corollaire 6.26 Si u est diagonalisable, alors ses projecteurs spectraux sontdes polynômes en u.

Preuve. On a facilement par récurrence sur k que uk °i λ

ki pi et

donc P puq °i P pλiqpi. Soit Pi le polynôme de Lagrange Pi

±jipXλjq

±jipλiλjq

.

Alors on a Pipuq pi. 2

trigonalisation

Dénition 6.27 Un endomorphisme u P LpEq est trigonalisable s'il existe unebase de E dans laquelle la matrice de u est triangulaire supérieure.

Une matrice A PMnpkq est trigonalisable si elle est semblable à une matricetriangulaire supérieure dans Mnpkq.

Proposition 6.28 u P LpEq est trigonalisable si et seulement si l'une quel-conque de ses matrices est trigonalisable.

A PMnpkq est trigonalisable si et seulement si un endomorphisme qui admetA comme matrice dans une base est trigonalisable.

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6.1. DIAGONALISATION, TRIGONALISATION 97

Remarque 6.29 Dans la dénition, on met l'accent sur les matrices trian-gulaires supérieures mais si pe1, , enq est une base de E dans laquelle lematrice de u est triangulaire supérieure, alors pen, , e1q est une base de Edans laquelle la matrice de u est triangulaire inférieure.

Théorème 6.30 u P LpEq est trigonalisable si et seulement si χu est scindédans krXs.

A PMnpkq est trigonalisable si et seulement si χA est scindé dans krXs.

Preuve. Si MatB u

λ1 0

. . .. . .

......

. . .. . .

0 0 λn

, alors χu

±ni1pX λiq

est scindé.Pour la réciproque on fait une récurrence sur n dimE. Si n 1 il n'y a

rien à montrer.Si χu est scindé, alors u admet une valeur propre λ. Soit x un vecteur

propre de u associé à λ et B px, e12, , e1nq une base de E. On pose F

Vectpe12, , e1nq. Alors MatB u

λ 0... A1

0

et on a χu pXλqχA1 . On en

déduit que χA1 est scindé. On note p : E Ñ F la projection sur F de noyau kx.Alors u1 p u est un endomorphisme de F qui dans la base B1 pe12, , e1nqa pour matrice A1 dont le polynôme caractéristique est scindé. Comme dimF n 1, par hypothèse de récurrence, il existe une base pe2, , enq de F danslaquelle la matrice de u1 est T une matrice triangulaire supérieure. Alors, dans

la base B px, e2, , enq de E, on a MatB u MatB u

λ 0... T0

qui

est triangulaire supérieure. 2

Corollaire 6.31 Si u P LpEq est trigonalisable et F est un sous-espace vecto-riel de E stable par u, alors u1 u|F est trigonalisable.

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98 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

Preuve. On a χu1χu, donc si χu est scindé alors χu1 scindé. 2

Théorème 6.32 Soit u P LpEq (resp. A P Mnpkq) tel que χu (resp. χA) soitscindé et P P krXs. Si χu

±ni1pX λiq, alors χP puq

±ni1

X P pλiq

.

En particulier, on a trP puq °ni1 P pλiq et detP puq ±n

i1 P pλiq.(resp. même résultat pour la matrice A).

Preuve. S'il existe une base B telle que MatB u

λ1 0

. . .. . .

......

. . .. . .

0 0 λn

,

alors MatB P puq

P pλ1q

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 0 0 P pλnq

. D'où les résultats. 2

Exercice 6.33 Soit A

a1 a2 an1 an

an a1. . . an1

an1. . .

. . .. . .

......

. . .. . .

. . . a2

a2 an1 an a1

une matrice dite

circulante. Montrer qu'il existe P P CnrXs telle que A P pJq où J

0 1 0 0...

. . .. . . 0

0 0. . . 1

1 0 0

. En déduire que detA ±n

j1

°nk1 ake

2kjiπn

.

6.2 Polynômes annulateurs, polynôme minimal

Soit u P LpEq et P a0 a1X anXn P krXs. On note P puq

a0IdE a1u anun. C'est un élément de LpEq.

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6.2. POLYNÔMES ANNULATEURS, POLYNÔME MINIMAL 99

Proposition 6.34 L'application ϕ : P P krXs ÞÑ P puq P LpEq est un mor-phisme de k-algèbre. krus : Imϕ est la sous-algèbre de LpEq engendrée par uet kerϕ est l'ensemble des polynômes annulateurs de u.

Il existe un unique polynôme unitaire mu dans krXs tel que kerϕ pmuq.On l'appelle le polynôme minimal de u. On a donc P puq 0 si et seulement simuP .

L'algèbre krus est isomorphe à l'algèbre krXspmuq, c'est donc un k-espacevectoriel de dimension degmu. degmu est aussi le plus grand i P N tel que lafamille pIdE , u, , ui1q soit libre dans LpEq.

Preuve. La première assertion est un simple calcul. L'existence dupolynôme minimal résulte du caractère principal de l'anneau krXs est de l'uni-cité du générateur unitaire d'un idéal de krXs. La dernière assertion résultedu théorème de l'isomorphisme quotient et du fait que si d degpmuq, alorsπ : P P kd1rXs ÞÑ P P krXspmuq est un isomorphisme de k-espace vec-toriel (kerπ t0u et π est surjective car pour tout P P krXs, il existepQ,Rq P krXs kd1rXs tel que P muQR).

Enn, si i est tel que la famille soit liée, alors on obtient un polynôme annu-lateur de u non nul de degré au plus i1. D'où i1 ¥ degmu. Réciproquement,si i ¥ degmu 1 alors mu donne combinaison linéaire non nulle qui annule lafamille. 2

Proposition 6.35 Le polynôme minimal mu de tout endomorphisme est dedegré au moins 1. degmu 1 si et seulement si il existe λ P k tel que u λIdE(i.e. u est une homothétie).

Preuve. dimLpEq n2, donc la famille pId, u, u2, , un2q est liée. Ilexiste donc un polynôme annulateur non nul de u de degré plus petit que n2.On a donc kerϕ t0u et mu 0. Si P 1, alors P puq idE 0. Donc unpolynôme de degré 0 ne peut pas être un polynôme minimal. Si u λIdE alorsmu Xλ (carmupuq 0, degmu ¥ 1 etmu est unitaire). Simu XλIdEalors, comme mupuq 0, on a u λIdE . 2

Exercice 6.36 Montrer que si E est de dimension innie, alors il existe desendomorphismes de E dont le seul polynôme annulateur est 0.

Le théorème suivant fournit un exemple de polynôme annulateur.

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100 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

Théorème 6.37 (Cayley-Hamilton) Le polynôme χu detpXIdE uq PknrXs vérie χupuq 0.

Preuve. Soit x P Ezt0u et Ix tP P krXsP puqpxq 0u. Ix est unidéal de krXs qui contientmu. Soit Px Xkak1X

k1 a0 le générateurunitaire de Ix. Alors la famille B

x, , uk1pxq est libre (sinon on obtientun polynôme annulateur non nul de degré au plus k 1) et le sous-espace Fqu'elle engendre est stable par u. On complète B en une base de E. Alors lamatrice de u dans cette base est triangulaire supérieure par blocs de la forme

0 0 a0 1

. . .... a1

......

0. . .

. . ....

......

......

. . .. . . 0

......

...

0 0 1 ak...

...

0 0...

......

......

...0 0

On en déduit que χu est le produit des polynômes caractéristiques des deuxmatrices de la diagonale par blocs. Comme le polynôme caractéristique dupremier bloc est Px, χu est un multiple de Px et donc χupuqpxq 0, pour toutx P E. 2

Corollaire 6.38 On a muχu, degmu ¤ n et dim krus ¤ n.

Exercice 6.39 Montrer que mu m tu.

Remarque 6.40 Le théorème de Cayley-Hamilton (où le calcul du polynômeminimal) permet de calculer l'inverse de u ou ses puissances, car on peut ré-écrire χupuq 0 sous la forme upp1qn1un1 an1Inq detuIn et siXp QχuR est le résultat de la division Euclidienne de Xp par χu, alors ona up Rpuq avec degR n (on a le même résultat avec le polynôme minimal).

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6.2. POLYNÔMES ANNULATEURS, POLYNÔME MINIMAL 101

Proposition 6.41 Soit F un sous-espace vectoriel de E stable par u et u u|Fl'endomorphisme de F induit par u. Alors on a mumu.

Si E F1F2, où F1 et F2 sont des sous-espaces vectoriels non nuls stablespar u, et si ui est l'endomorphisme de Fi induit par u (i 1, 2) alors mu estle ppcm de mu1 et mu2 .

Preuve. mu annule u donc u, d'où mumu.On amuimu donc P : mu1

^mu2mu. Réciproquement, soit x un élément

de E et xi P Fi tels que x x1 x2. Alors on a P puqpxq P puqpx1q P puqpx2q P pu1qpx1q P pu2qpx2q 0, car χui divise P . Donc P puq 0 etmuP . 2

Exemples.

1) Soit u un endomorphisme diagonalisable. Alors on a E E1 ` ` Ek oùles Ei sont les sous-espaces propres de u. On a u|Ei λiIdEi et donc mui X λi. D'après la proposition précédente, on a mu pX λ1q pX λkq,où pλ1, , λkq sont les valeurs propres distinctes de u. En particulier, mu estscindé à racines simples.2) Si p est un projecteur non trivial (i.e. p 0 et p id), alors mp XpX1q.Si s est une symétrie non triviale (i.e. s id), alors ms pX 1qpX 1q.3) Si u est nilpotent (i.e. tel que uk 0 pour un certain k P N), alors mu Xi

où i inftk P Nuk 0u est l'indice de nilpotence de u (on a muXi et ui1 0 par dénition de i). En particulier, on obtient que l'indice de nilpotence estplus petit que n.

On peut de la même manière dénir le polynôme minimal d'une matrice

Dénition 6.42 Soit A P Mnpkq une matrice. On appelle polynôme minimalde A, noté mA le générateur unitaire de l'idéal IA tP P krXsP pAq 0u.

Proposition 6.43 Deux matrices semblables ont le même polynôme minimal.

Preuve. En eet, elles ont les mêmes polynômes annulateurs. 2

Proposition 6.44 Soit u P LpEq et A sa matrice dans une base de E. Alorson a mu mA.

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102 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

Exemple. Soit P Xn an1Xn1 a0 un polynôme unitaire de

degré n. On appelle matrice compagnon de P la matrice

CP

0 0 a0

1. . .

... a1

0. . .

. . ....

......

. . .. . . 0

...0 0 1 an1

Elle vérie χCP mCP P . En eet, on a χCP P pour opération sur les

lignes et les colonnes de CP . De plus, si pe1, , enq désigne la base canonique dekn, alors on a CP ei ei1 pour tout i ¤ n1 (et CP en an1en a0e1).On en déduit que si Q P kn1rXs, alors QpCP qpe1q 0, et donc degmP ¥ n.Comme mP P , mP et P sont unitaires et degmP P , on a mP P .

Proposition 6.45 Le polynôme minimal d'une matrice M est le même pourtout corps k contenant ses coecients.

Preuve. Soit k un corps et k1 k un sur-corps de k. Toute matriceM de Mnpkq est aussi dans Mnpk1q. De plus, pour tout l P N, la matrice de lafamille pIn,M, ,M lq dans la base canonique de Mnpkq est la même que samatrice dans la base canonique de Mnpk1q, donc cette famille à le même rangdans Mnpkq et Mnpk1q. Donc si on note mk

M le polynôme minimal de M danskrXs et mk1

M le polynôme minimal de M dans k1rXs, on a degmkM degmk1

M

(car c'est le plus grand l tel que le rang de la famille soit égale à l). Enn, toutpolynôme annulateur de M dans krXs est aussi annulateur dans k1rXs. Doncon a mk1

MmkM . Comme les deux polynômes sont unitaires et que mk1

MmkM , on

en déduit que mk1

M mkM . 2

Comme tout corps est contenu dans un corps algébriquement clos, il sutqu'une propriété des polynômes minimaux soit vraie pour un corps algébrique-ment clos pour qu'elle soit toujours vraie.

On a vu quemuχu et donc les facteurs irréductibles demu sont des facteursirréductibles de χu avec des multiplicités plus petites. On va montrer que lesfacteurs irréductibles de mu et χu sont les mêmes.

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6.3. LEMME DES NOYAUX 103

Proposition 6.46 Si dimE n, alors χu divise mnu. En particulier, mu et

χu ont exactement les mêmes facteurs irréductibles (avec des multiplicités pluspetites dans mu).

Preuve. Soit B un base de E et M la matrice de u dans la base B.On a χu χM et mu mM . Il sut de montrer la propriété dans le cas desmatrices. On peut alors supposer le corps algébriquement clos (car M est aussiune matrice à coecients dans une clôture algébrique de k et que changer lecorps de base ne changent pas les polynômes minimaux et caractéristiques). Ona alors χM ±k

i1pX λiqβi , où λi sont les valeur propres de M . Soit vi 0tel que Mvi λivi alors 0 mM pMqpviq mM pλiqvi et donc mM pλiq 0pour tout i. On en déduit que mM ±pX λiqαi avec βi ¥ αi ¥ 1. Comme1 ¤ βi ¤ n, on a nαi ¥ n ¥ βi et donc χMmn

M . D'où le résultat. 2

Corollaire 6.47 u P LpEq est trigonalisable si et seulement si il admet unpolynôme annulateur scindé.

Preuve. Si u admet un polynôme annulateur scindé alors mu est scindé(i.e n'a que des facteurs irréductibles de degré 1) et donc χu est scindé. Onconclut grâce au critère classique de trigonalisation. 2

6.3 Lemme des noyaux

Théorème 6.48 Soit Q1, , Qk des polynômes de krXs premiers entres euxdeux à deux et Q Q1 Qk, alors

kerQpuq kài1

kerQipuq.

De plus, Ei kerQipuq est stable par u et les projections de kerQpuq d'imageEi et de noyau

ÀjiEj sont des polynômes en u.

Preuve. Le résultat général se déduit facilement par récurrence du cask 2. Comme QiQ, on a kerQipuq kerQpuq.

Soit P1 et P2 des éléments de krXs tels que 1 P1Q2 P2Q1. Alors six P kerQ1puqX kerQ2puq, on a x P1puq Q2puqpxqP2puq Q1puqpxq 0 etdonc kerQ1puq X kerQ2puq t0u.

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104 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

Soit x P kerQpuq, alors x P1puq Q2puqpxq P2puq Q1puqpxq et doncQ1puq

P1puq Q2puqpxq

P1puq Qpuqpxq 0. On a donc π1pxq : P1puq Q2puqpxq P kerQ1puq. De même, on a π2pxq : P2puq Q1puqpxq P kerQ2puq.D'où kerQpuq kerQ1puq kerQ2puq. Enn, π1 : kerQpuq Ñ kerQ1puq estla projection de noyau kerQ2puq et d'image kerQ1puq. De même π2 est laprojection de kerQpuq de noyau kerQ1puq et d'image kerQ2puq.2

Exercice 6.49 Montrer que si Q1 et Q2 sont des polynômes non nuls, Q estle ppcm de Q1 et Q2, et D est le pgcd de Q1 et Q2, alors alors kerQ1puq XkerQ2puq kerDpuq, kerQpuq kerQ1puqkerQ2puq, ImQpuq ImQ1puqXImQ2puq et ImDpuq ImQ1puq ImQ2puq.

Ce simple lemme a de nombreuses applications à la réduction des endomor-phismes.

Théorème 6.50 Soit u P LpEq. Les trois propriétés suivantes sont équiva-lentes.1) u est diagonalisable,2) mu est scindé à racines simples dans krXs,3) u admet un polynôme annulateur scindé à racines simples.

Preuve. On a déjà vu que si u est diagonalisable, alors mu est scindéà racines simples. Réciproquement, si P ±k

i1pX λiq est un polynômeannulateur scindé à racines simples, alors E kerP puq `ki1Ei où Ei kerpuλiIdEq est l'espace propre de u associée à λi. Donc u est diagonalisable.2

Corollaire 6.51 Soit u un endomorphisme diagonalisable de E et F un sous-espace stable par u. Alors u|F est diagonalisable.

Preuve. mu|Fdivise mu. D'où le résultat. 2

En général le produit de deux matrices diagonalisables n'est pas diagona-lisable. De même la diagonalisation des endomorphismes n'est pas stable parcomposition.

Théorème 6.52 Soit U un ensemble d'endomorphismes diagonalisables de Equi commutent 2 à 2. Alors il existe une base de E qui diagonalise tous leséléments de U en même temps.

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6.3. LEMME DES NOYAUX 105

Preuve. On procède par récurrence sur n dimE. Pour n 1 lapropriété est évidente puisque tout endomorphisme est une homothétie. Sup-posons la propriété vraie pour tout espace vectoriel de dimension plus petiteque n 1 et soit E de dimension n.

Si tous les éléments de E sont des homothéties, alors toute base de Econvient. Sinon, soit u0 P U qui n'est pas une homothétie. Comme u0 estdiagonalisable, on a E `pi1Eλipu0q et dimEλipu0q n pour tout i car u0

n'est pas une homothétie. Comme tout élément u P U commute avec u0, lesespace propres Eλipu0q sont stables par u (u0upxq upu0pxqq λupxq doncupxq P Eλpu0q pour tout x P Eλpu0q). On note ui l'endomorphisme induit paru sur Eλipu0q. Alors Ui tui, u P Uu est un ensemble commutatif d'endomor-phismes diagonalisables de Eλipu0q. Par hypothèse de récurrence, il existe unebase de chaque Eλipu0q formée de vecteurs propres pour tous les ui. En lesconcaténant, on obtient une base de E formée de vecteurs propres pour tousles u de U. 2

Corollaire 6.53 Toute combinaison linéaire d'endomorphismes diagonalisablesqui commutent est diagonalisable.

On a les mêmes propriétés pour les endomorphismes trigonalisables.

Théorème 6.54 Soit U un ensemble d'endomorphismes trigonalisables de Equi commutent 2 à 2. Alors il existe une base de E qui trigonalise tous leséléments de U en même temps.

Preuve. On procède par récurrence sur n dimE. Pour n 1 lapropriété est évidente puis que tout endomorphisme est alors une homothétie.Supposons la propriété vraie pour tout espace vectoriel de dimension plus petiteque n 1 et soit E de dimension n.

Si tous les éléments de E sont des homothéties, alors toute base de Econvient. Sinon, soit u0 P U qui n'est pas une homothétie. Donc tu0 n'estpas un homothétie. Comme tu0 est trigonalisable (χtu χu), il admet un sous-espace propre F non nul (et non égal à E). Comme tout élément tu P tU

commute avec tu0, F est stable par tous les tu. On note tuF l'endomorphismeinduit par tu sur F . Alors tUF ttuF , u P Uu est un ensemble commutatifd'endomorphismes trigonalisables de F . Par hypothèse de récurrence, il existeune base de chaque F qui trigonalise tous les tuF . En particulier le premiervecteur de cette base est un vecteur propre pour tous les tu. Soit H xK.

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106 CHAPITRE 6. RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES

C'est un hyperplan de E qui est stable par tous les u P U (car si y P H alorsxpupyqq t upxqpyq λuxpyq 0). On note uH l'endomorphisme induit par u.Alors UH tuF , u P Uu est une famille commutative d'endomorphismes trigo-nalisables de H. Par hypothèse de récurrence, il existe une base pe1, , en1qde H qui trigonalise tous les éléments de UH . On complète cette base en unebase pe1, , enq de E. Alors dans cette base, les matrices de tous les u P U

sont triangulaires supérieures. 2

Corollaire 6.55 Toute combinaison linéaire d'endomorphismes trigonalisables(resp. nilpotent) qui commutent est trigonalisable (resp. nilpotent).

Preuve. Un endomorphisme nilpotent est trigonalisable car mu Xi est scindé. Dans une base de trigonalisation sa matrice est triangulairesupérieure avec que des 0 sur la diagonale (car Spu t0u. Toute combinaisonlinéaire de telles matrices est nilpotente. D'où le résultat. 2

Exercice 6.56 On suppose k C. Montrer que si G est un sous-groupe nide GlpEq alors tout élément de G est diagonalisable. En particulier, s'il existep P N tel que up IdE, alors u est diagonalisable. Montrer que tout sous-groupe commutatif ni de GlpEq est isomorphe un sous-groupe multiplicatif nide pCqdimE.

On peut caractériser de manière générale les endomorphismes dont le poly-nôme minimal est scindé comme étant ceux pour lesquels il existe une décom-position de Dunford.

Théorème 6.57 (Dunford) Si u admet un polynôme annulateur scindé, alorsil existe un unique couple d'endomorphismes pd, nq de E tels que u d n, dest diagonalisable, n est nilpotent et dn nd. Cette décomposition est appeléela décomposition de Dunford de u.

De plus, d et n sont des polynômes en u. Réciproquement, si u admet unedécomposition de Dunford, alors χu χd et donc md est scindé.

Preuve. On a mu ±ki1pX λiqαi et donc E `ki1 kerpu λiqαi .

On note Ei kerpu λiqαi et πi la projection sur Ei de noyau `jiEj . Ona vu que πi est un polynôme en u. Alors d °

i λiπi est un polynôme en udiagonalisable (car d|Ei λiIdEi pour tout i) et n u d est nilpotent car

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6.3. LEMME DES NOYAUX 107

n|Ei u|Ei λiIdEi est nilpotent d'indice αi sur Ei kerpu λiqαi et donc nest nilpotent d'indice maxpαiq sur E. On a bien u dn et d et n commutentpuisque ce sont des polynômes en u.

Si Bi est une base de Ei qui trigonalise nEi , alors B YiBi est une basede E dans laquelle la matrice de d est diagonale, celle de n est triangulairesupérieure à diagonale nulle et donc la matrice de u est diagonale par blocset dont les blocs sont triangulaires supérieurs. Le calcul de χu dans cette basedonne χu χd.

Si u d1 n1 est une autre décomposition de Dunford de u, alors on ad1u ud1 et n1u un1 et donc dd1 d1d et nn1 n1n (car d et n sontdes polynômes en u). Or d d1 n n1 avec d d1 diagonalisable et n n1

nilpotente. D'où n n1 0 d d1.2

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Sommaire

7.1 Sous-espace stable, élément primitif

7.2 Calcul des invariants de similitude

7.3 Structure de krXs-module associée à u

7.4 Réduite de Froebenius

7.5 Théorème de Jordan, décomposition de Dun-

ford et généralisations

Chapitre

7Invariants de similitude

7.1 Sous-espace stable, élément primitif

Soit E un k-ev de dimension nie et u P L pEq. Pour tout x P E, le plus petitsous-espace de E stable par u est donné par la proposition suivante.

Proposition 7.1 Le plus petit sous-espace de E contenant x et stable par uest Ex Vecttukpxq, k P Nu tP puqpxqP P krXsu.

Si on note mx le générateur unitaire de l'idéal Ix tP P krXsP puqpxq 0u, alors on a dimEx degmx et la famille Bx

x, upxq, , udegmx1pxq

forme une base de Ex. Enn, le polynôme minimal de u|Ex est mx et sa matricedans la base Bx est la matrice compagnon de mx.

Preuve. L'égalité Vecttukpxq, k P Nu tP puqpxqP P krXsu est évi-dente. Si F est un espace stable par u et contenant x alors F contient tous lesukpxq et donc F contient l'espace annoncé. De plus, Ex contient x u0pxq etest stable par u car u P puqpxq pXP qpuqpxq.

L'application P P krXs ÞÑ P puqpxq P Ex est linéaire surjective de noyauIx mxkrXs. Comme krXsmxkrXs est un k-espace vectoriel de dimensiondegmx, on a la propriété annoncée. La famille

x, upxq, , udegmx1pxq est

109

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110 CHAPITRE 7. INVARIANTS DE SIMILITUDE

libre par dénition de mx et donc une base de Ex. Enn, le polynôme minimalde u|Ex est dans Ix donc est divisible par mx. Comme il est unitaire et de degréplus petit que dimEx degmx (par le théorème de Cayley-Hamilton) on endéduit que c'est mx. 2

Remarque 7.2 Inversement, si CP est la matrice compagnon d'un polynômeP unitaire, alors les polynômes minimal et caractéristique de CP sont égaux àP .

En eet, si P Xn °n1i0 aiX

i et peiq est la base canonique de kn, alorsek1 pCP qke1 pour tout 0 ¤ k ¤ n 1 et P pCP qpe1q 0 par dénition deCP . On a alors P pCP qpekq P pCP qpCP qk1pe1q pCP qk1 P pCP qpe1q 0pour tout k et donc P est un polynôme annulateur de CP . Comme il est facilede voir qu'aucun polynôme en CP de degré inférieur à n 1 n'annule e1 etque P est unitaire, on en déduit que P est le polynôme minimal de CP . Enn,comme le polynôme caractéristique est unitaire, annulateur et de degré égal àcelui de P (et donc du polynôme minimal), on a χCP mCP .

Comme on a mu P Ix pour tout x P E, on a nécessairement mxzmu. Onappelle élément primitif de u tout élément x P E tel que mx mu. On vacommencer par montrer que u admet un élément primitif.

Proposition 7.3 Soit u P L pEq, alors il existe x P E tel que mx mu.

Preuve. Soit mu ±ki1Q

αii la décomposition de mu en facteurs

irréductibles. Alors d'après le lemme des noyaux, E est la somme directe desespaces (caractéristiques) Ei kerQαii . De plus ces espaces sont stables par u.De plus, pour tout x P Ei, on a Qαii puqpxq 0 et donc mxzQαii . Comme Qi estirréductible, on a doncmx Qβxi pour βx ¤ αi. On note γi maxtβx, x P Eiu.Alors on a Qγii puq 0 sur Ei et comme tout élément de E est une sommed'éléments des Ei, p

±ki1Q

γii qpuq est nul sur E. On a doncmuz

±ki1Q

γii , ce qui

donne γi αi pour tout i. Il existe donc xi P Ei tel que mxi Qαi pour touti. On pose x °

i xi, alors pour tout P P krXs, on a P puqpxq °i P puqpxiq

et comme Ei est stable par u, et donc par P puq, et que E `iEi, on aP puqpxq 0 si et seulement si P puqpxiq 0 pour tout i. On en déduit queQαii zmx pour tout i est comme les Qi sont premiers entres eux, on a muzmx.Comme on a toujours mxzmu et que les deux polynômes sont unitaires, onobtient mx mu. 2

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7.1. SOUS-ESPACE STABLE, ÉLÉMENT PRIMITIF 111

Exercice 7.4 Montrer que pour tout P divisant mu, il existe x P E tel quemx P . En déduire que tout endomorphisme d'un R-espace vectoriel de di-mension nie admet une droite ou un plan stable.

Dénition 7.5 On dit qu'un sous-espace F de E est cyclique (pour u) s'ilexiste x P E tel que F Ex.

Tout sous-espace cyclique est de dimension degmx et donc plus petite quedegmu. Le sous-espace cyclique associé à un élément primitif est donc de di-mension maximale parmi les sous-espaces cycliques.

Lemme 7.6 Pour tout élément primitif x de u, il existe un sous-espace G deE stable par u et tel que E Ex `G.

Preuve. On complète la base ei ui1pxq, 1 ¤ i ¤ degmx de Exen une base pe1, , enq de E et on note pei q sa base duale. On note G0 tek P puq, P P krXsu et G pG0qK. Si x P G, alors ek P puq upxq ek pXP qpuqpxq 0 pour tout P P krXs et donc G est stable par u.

G0 est l'image de krus par l'application ϕpP puqq ek P puq. Si P puq Pkruszt0u, alors P °d

k0 akXk avec ad 0 et d ¤ degmx 1 et donc

ϕP puqudegmx1dpxq ek

Xdegmx1dP

puqpxq ad 0. Donc ϕest une bijection de krus sur G0. En particulier, dimG n dimG0 n dim krus n degmu n dimEx.

Enn, si y P Ex X G, alors y P puqpxq pour P P kdegmx1rXs et 0 ekpulqpyq ekpX lP qpuqpxq pour tout l, et donc P 0 et y 0. 2

Itérant le lemme précédent, on obtient le théorème suivant.

Théorème 7.7 (Décomposition de Frobenius) Pour tout u P L pEqzt0u,il existe des sous-espaces pFiq1¤i¤k de E stables et cycliques par u tels que

E F1 ` ` Fr

et si Pi est le polynôme minimal de u|Fi , alors on a PizPi1 pour tout i P J2, rK.De plus, on a P1 mu, P1 Pr χu et il existe une base B de E telle

que

M atBu

CP1

0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 00 0 CPr

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112 CHAPITRE 7. INVARIANTS DE SIMILITUDE

Preuve. On fait une récurrence sur la dimension de E. Si dimE 1et u 0 alors tout x 0 est primitif et la propriété est évidente.

Supposons la propriété démontrée pour tout espace de dimension stricte-ment plus petite que n. Soit x un élément primitif de u. Si Ex E, alorsle théorème est prouvé. Sinon, soit G un supplémentaire de Ex stable par u,et v u|G. On a dimG n et par hypothèse de récurrence il existe dessous-espaces F2, , Fr de G stables par v (et donc par u) et cycliques pourv (et donc pour u) tels que G F2 ` ` Fr et tels que les polynômesminimal Pi de v|Fi u|Fi vérient PizPi1 pour tout i P J3, rK. Enn, onnote F1 Ex et P1 mx mu le polynôme minimal de u|Ex . On a bienE F1 `G F1 ` ` Fr et P2zP1 mu, ce qui conclut.

Si B est obtenue en concaténant les bases de chaque sous-espace cyclique Fidonnées par la proposition 7.1, la matrice de u dans cette base à la forme annon-cée. Comme le polynôme caractéristique de CPi est Pi, le calcul du polynôme ca-ractéristique de la matrice précédente nous donne χu

±ri1 χCPi

±ri1 Pi.

2

Remarque 7.8 On retrouve le théorème de Cayley-Hamilton puisqu'on amu P1χu. On retrouve aussi le fait que mu et χu ont les mêmes facteurs irréduc-tibles.

La décomposition de E en somme directe de sous-espaces cycliques donnéepar le théorème de décomposition de Frobenius n'est pas unique. Par contre,la famille des polynômes unitaires pP1, , Prq est unique et on appelle cespolynômes les invariants de similitude de u.

Théorème 7.9 Soit pP1, , Prq et pQ1, , Qsq deux familles de polynômesunitaires de degré plus grands que 1 tels que PrPr1 P1 et Qs Q1 etles matrices

CP1

0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 00 0 CPr

et

CQ1

0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 00 0 CQs

sont semblables dans Mnpkq, alors on a r s et Pi Qi pour tout i.

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7.1. SOUS-ESPACE STABLE, ÉLÉMENT PRIMITIF 113

Preuve. On note diagpCPiq et diagpCQj q ces matrices et Q P G lnpkqtelle que diagpCPiq Q1 diagpCQj q Q. Pour tout P P krXs, on aP pdiagpCPiqq diagpP pCPiqq Q1 diagpP pCQj qq Q. Comme R est lepolynôme minimal de CR, on a P1pCPiq 0 pour tout i, et donc P1pCQj q 0pour tout j. En particulier, on a P1Q1. De même, Q1P1. Comme les 2 poly-nômes sont unitaires, on a P1 Q1.

Si Pj Qj pour tout j ¤ i, alors les i premiers blocs de diagpPi1pCPj qqsont égaux à ceux de diagpPi1pCQj qq tandis que les r i suivants sont nuls.Comme on a

i

j1

rg rPi1pCPj qs r

j1

rg rPi1pCPj qs rg rdiagpPi1pCPiqqs

rg rdiagpPi1pCQj qqs s

j1

rg rPi1pCQj qs

i

j1

rg rPi1pCPj qs s

ji1

rg rPi1pCQj qs

on en déduit que Pi1pCQj q 0 pour tout j ¥ i 1, et donc Qi1Pi1. Demême, on a Pi1Qi1, et donc Pi1 Qi1.

En itérant, on a Pi Qi pour tout i ¤ minps, rq. Enn, comme la taille desdeux matrices donnent n °

i degPi °j degQj , on obtient s r. 2

Lorsque M est une matrice, ses invariants de similitude sont ceux de l'en-domorphisme X P kn ÞÑMX P kn. On a alors le théorème suivant.

Théorème 7.10 Deux matrices de Mnpkq sont semblables si et seulement sielles ont les mêmes invariants de similitudes.

Deux endomorphismes de L pEq sont conjugués si et seulement si ils ontmêmes invariants de similitude.

Preuve. Les deux énoncés sont équivalents. Si M et M 1 ont les mêmesinvariants de similitude, alors elles sont semblables à la même matrice diago-nale par blocs. Réciproquement, si M et M 1 sont semblables alors le théorèmeprécédent implique qu'elles ont les mêmes invariants de similitude. 2

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114 CHAPITRE 7. INVARIANTS DE SIMILITUDE

Corollaire 7.11 Soit u un endomorphisme nilpotent de E, il existe une basede E dans laquelle la matrice de u est une matrice de Jordan (i.e. diagonale

par blocs de la forme

0 1 0 0...

. . .. . . 0

.... . . 1

0 0

ou

0 0...

...0 0

).

De même, toute matrice nilpotente est conjuguée à une matrice de Jordan.

Preuve. On a mu Xn et donc tous les Pi sont de la forme Pi Xαi

avec 1 ¤ αi ¤ n (car les polynômes minimaux sont de degré au moins 1).On déduit le résultat du théorème précédent en inversant l'ordre des élémentsde la base et du fait que les matrices compagnons des polynômes Xk sont lestransposées des blocs annoncés dans le corollaire (rappelons que la matricecompagnon de X est p0q). 2

Remarque 7.12 La version généralisée de Jordan pour un endomorphismeadmettant un polynôme annulateur simplement scindé s'obtient en se restrei-gnant à chaque espace caractéristique F kerpu λIdEqα et en appliquantJordan à l'endomorphisme nilpotent pu λIdEq|F de F .

7.2 Calcul des invariants de similitude

Une méthode de calcul des invariants de similitude d'une matrice est basée surle théorème suivant

Théorème 7.13 Les invariants de similitude de A P Mnpkq sont les facteursinvariants non inversibles de XIn A dans MnpkrXsq.

Preuve. Si pP1, , Pdq sont les invariants de similitude de A alors A

est semblable à B

CP1

0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 00 0 CPd

. Alors XIn A et XIn B sont

semblables et donc ont les mêmes facteurs invariants. Reste à montrer que lesfacteurs invariants non inversibles de XInB sont les polynômes pP1, , Pdq.

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7.2. CALCUL DES INVARIANTS DE SIMILITUDE 115

On procède par opération élémentaires sur les lignes et les colonnes de chaquematrice XIdi CPi . On a

1 X X2 Xd1

0. . . 0 0

.... . .

. . .. . .

......

. . .. . . 0

0 0 1

XIdCP

1 X 0 0

0. . . 0 0

.... . .

. . .. . .

......

. . .. . . 0

0 0 1

1 0 0 0

0. . . X 0 0

.... . .

. . . 0...

.... . .

. . .. . . 0

0 0 1

1 0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 0 0...

. . .. . . X

0 0 1

1 0 0 a1

0. . .

. . ....

......

. . .. . . 0

......

. . .. . . ad1

0 0 1

0 1 0 0...

. . .. . .

. . ....

.... . .

. . . 0

0. . . 1

1 0 0

P 0 0

0 1. . .

......

. . .. . . 0

0 0 1

On en déduit que XInB est équivalente à une matrice diagonale de diagonalep1, , 1, P1, , Pdq. 2

On en déduit les corollaires suivants.

Théorème 7.14 Deux matrices A et B de Mnpkq sont semblables si et seule-ment si les matrices XIn A et XIn B sont équivalentes dans MnpkrXsq.

Preuve. Si XInA et XInB sont équivalentes alors elles ont mêmesfacteurs invariants à facteurs inversibles dans krXs près. Si ont les choisis tousunitaires alors XIn A et XIn B ont mêmes facteurs invariants et doncmême facteurs invariants non inversibles. On déduit du théorème 7.13 qu'alorsA et B sont semblables.

Réciproquement, si A et B sont semblables, alors il existe P P Glnpkq telleque A P1BP . On en déduit que XIn A P1pXIn BqP et doncXIn A et XIn B sont équivalentes dans MnpkrXsq. 2

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116 CHAPITRE 7. INVARIANTS DE SIMILITUDE

Théorème 7.15 Soit k l deux corps et M,M 1 deux matrices de Mnpkq. Sielles sont semblables dans Mnplq alors elles sont semblables dans Mnpkq.

Preuve. Le calcul des facteurs invariants de XInM dans MnpkrXsqet dans MnplrXsq donne le même résultat par unicité des facteurs invariantssur l. Si les deux matrices sont semblables dans Mnplq alors leurs invariantssont égaux, et on en déduit que les matrices sont semblables dans Mnpkq. 2

Proposition 7.16 A et tA sont semblables dans Mnpkq.

Preuve. Les matrices XIn A et XIn tA sont transposées et doncont mêmes mineurs d'ordre k. Les PGCD de ces mineurs sont donc les mêmes.On en déduit que XIn A et XIn tA ont mêmes facteurs invariants et doncA et tA sont semblables. 2

7.3 Structure de krXs-module associée à u

Dans tout ce chapitre, E est un k-espace vectoriel de dimension n.

Dénition 7.17 Soit u P LpEq un endomorphisme et P P krXs un polynôme,on note P x P puqpxq. Alors Mu pE,, q est un krXs-module. On aX x upxq et k x kx pour tout x P E et tout k P K.

Proposition 7.18 Le Mu est l'unique structure de krXs-module sur E véri-ant X x upxq et λ x λx pour tout px, λq P E k.

Preuve. Exercice. 2

Proposition 7.19 Les sous-modules de Mu sont les sous-espaces vectoriels deE stables par u.

Si v P LpEq, alors les morphismes de krXs-modules de Mu dans Mv sontles endomorphismes ϕ P LpEq tels que ϕ u v ϕ.

En particulier, l'ensemble des endomorphismes de krXs-module de Mu estle commutant de u. De plus, Mu et Mv sont isomorphes comme krXs-modulessi et seulement si u et v sont semblables.

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7.3. STRUCTURE DE KrXs-MODULE ASSOCIÉE À U 117

Preuve. Exercice. 2

Proposition 7.20 Mu est un krXs-module de type ni.

Preuve. Si peiq est une base du k-espace vectoriel E, alors c'est une famillegénératrice du krXs-module E. Donc Mu est de type ni. 2

Dénition 7.21 On appelle invariants de similitude de u les facteurs inva-riants pP1, , Pdq deMu. Ce sont des polynômes de krXs non inversibles (i.e.

de degré au moins 1) tels que P1 Pd et Mu soit isomorphe à `di1krXsPikrXs .

Ils sont uniques à inversibles près, et donc uniques si on les choisit unitaires(ce qu'on fait toujours par convention).

Proposition 7.22 Deux endomorphismes u et v sont semblables si et seule-ment si ils ont mêmes invariants de similitude.

Preuve. Deux endomorphismes u et v de E sont semblables si etseulement si Mu et Mv sont des krXs-modules isomorphes. Comme krXs estun anneau principal,Mu etMv sont isomorphes si et seulement si ils ont mêmesfacteurs invariants. 2

Dénition 7.23 Soit A P Mnpkq une matrice à coecient dans un corps k.On appelle invariant de similitude de A les invariants de similitude de l'endo-morphisme LA : kn Ñ kn déni par LApXq AX.

On a alors les propositions suivantes.

Proposition 7.24 Deux matrices A et B de Mnpkq sont semblables si et seule-ment si elles ont les mêmes invariants de similitude.

Proposition 7.25 Pour tout u P LpEq, les invariants de similitude de u sontles invariants de similitude de sa matrice dans n'importe quelle base de E.

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118 CHAPITRE 7. INVARIANTS DE SIMILITUDE

7.4 Réduite de Froebenius

Si u P LpEq et pP1, , Pdq sont ses invariants de similitude, alors le théorèmede structure des modules de type ni sur un anneau principal implique qu'ilexiste un isomorphisme de krXs-modules ψ : Mu Ñ `di1

krXsPikrXs . En particulier,

on aψpupxqq Xψpxq

pour tout x P E. Comme ψ est une bijection, on en déduit que P est unpolynôme annulateur de u si et seulement si la multiplication par P annule`di1

krXsPikrXs . Comme on a P1 Pd, la multiplication par P annule `di1

krXsPikrXs

si et seulement si PdP . On en déduit les propriétés suivantes.

Proposition 7.26 Tous les facteurs invariants Pi sont de degré au moins 1.On a

°di1 degPi dimE et Pd mu.

Exercice 7.27 Montrer que pour tout u P LpEq, u a au plus dimE invariantsde similitude, et qu'il en a dimE si et seulement si u est une homothétie.

Exercice 7.28 Soit P Xpap1Xp1 a0 P krXs et CP

0 0 a0

1. . .

......

0. . .

. . ....

......

. . .. . . 0

...0 0 1 ap1

.

1. Montrer qu'il existe une base du k-espace vectoriel krXsPkrXs dans laquelle

l'endomorphisme µX de k-espace vectoriel donné par la multiplicationpar X a pour matrice CP . En déduire que les polynômes caractéristique,minimal et les invariants de similitude de µX valent tous P .

2. Montrer que si u P LpEq et P1 Pd sont ses invariants de similitudealors il existe une décomposition E `di1Fi telle que chaque Fi soitstable par u, u|Fi ait pour polynôme minimal Pi et il existe une base deE dans laquelle la matrice de u est de la forme

CP1 0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 00 0 CPd

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7.4. RÉDUITE DE FROEBENIUS 119

On dit que cette matrice est la réduite de Froebenius de u.

3. Montrer que si u P LpEq admet une base de E dans laquelle sa matriceest de la forme

CP1

0 0

0. . .

. . ....

.... . .

. . . 00 0 CPd

alors on a Mu `di1krXsPikrXs . En déduire que si P1 Pd et degP1 ¥ 1,

alors pP1, , Pdq est la famille des invariants de similitude de u (laréduite de Jordan caractérise donc les invariants de similitude).

4. Calculer les invariants de similitude de la matrice

0 0 1 0 01 0 0 0 00 1 0 0 00 0 0 0 10 0 0 1 0

.

On en déduit la propriété suivante

Proposition 7.29 Le produit des invariants de similitude de u est égal au po-lynôme caractéristique χu de u. Comme P1 Pd mu, on retrouve Cayley-Hamilton et que mu et χu ont mêmes facteurs irréductibles. En revanche, tousles invariants de similitude de u n'ont pas même facteurs irréductibles!

Exercice 7.30 Montrer qu'en dimension plus petite que 3, deux endomor-phismes (resp. matrices) sont semblables si et seulement si ils ont même poly-nômes minimaux et caractéristiques.

Exercice 7.31 Soit A,B P Mnpkq et K k un sur-corps. En utilisant la ca-ractérisation des invariants de similitude par la réduite de Jordan, montrer queles invariants de similitude d'une matrice ne dépendent pas du corps contenantses coecients, puis que A et B sont semblables dans Mnpkq ssi elles sontsemblables dans MnpKq.

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120 CHAPITRE 7. INVARIANTS DE SIMILITUDE

7.5 Théorème de Jordan, décomposition de Dun-ford et généralisations

1. Soit u un endomorphisme nilpotent. Montrer qu'il existe une suite crois-sante 1 ¤ n1 ¤ ¤ np ¤ n d'entier vériant n1 np n ettelle qu'il existe une base de E dans laquelle la matrice de u soit diago-nale par blocs Jn1 , , Jnd , où Jk est la matrice de taille k de la forme

0 0

1. . .

...

0. . .

. . ....

.... . .

. . .. . .

...0 0 1 0

. On appelle cette matrice la matrice de Jordan

de u (appliquer l'existence d'une réduite de Froebenius à u). Montrerl'unicité de la matrice de Jordan de u.

2. Soit u un endomorphisme dont le polynôme caractéristique χu ±pi1pX

λiqαi est scindé dans krXs. Calculer la matrice de µX dans la base1, X λ, , pX λqα1

de krXspX λqαkrXs. Montrer qu'il existe

une base de E dans laquelle la matrice de u est diagonale par bloc de la

forme

λi 0 0

1. . .

. . ....

0. . .

. . .. . .

......

. . .. . .

. . . 00 0 1 λi

. On appelle cette matrice la matrice de

Jordan généralisée de u. En déduire l'existence de la décomposition deDunford.

Montrer qu'il existe Qi P krXs tels que 1χu

°i

QipXλiqαi

. On note P °i λiQiχupXλiqαi . Montrer que d P puq et n uP puq donnent la

décomposition de Dunford de u. En déduire la décomposition de Dunfordde la matrice

0 0 11 0 10 1 1

3. Soit u un endomorphisme dont le polynôme minimal est de la forme Pα,

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7.5. THÉORÈMEDE JORDAN, DÉCOMPOSITION DE DUNFORD ETGÉNÉRALISATIONS121

où P Xp ap1Xp1 a0 est un polynôme irréductible. Montrer

que la famille

p1, X, , Xp1, P,XP, , Xp1P, , Pα1, , Xp1Pα1q

forme une base de krXsPαkrXs . En déduire que pour tout endomorphisme u

de E, si χu ±di1 P

αii est la décomposition en facteurs irréductibles

de χu, alors il existe une base B de E dans laquelle la matrice de u estde la forme N S, où N est une matrice de nilpotente dont presquetous les coecients sont nuls, S une matrice diagonale par blocs de ma-trices compagnons des polynômes Pi et NS SN . On note n et s lesendomorphismes de matrice N et S dans la base B. Montrer que n estnilpotente, u n s et ns sn. Montrer que Ms `di1

krXsPikrXs

αi etms

±di1 Pi. En déduire que tout sous-espace de E stable par s admet

supplémentaire stable par s (on dit que s est semi-simple).

On peut démontrer que la décomposition u n s avec n nilpotente,s semi-simple et ns sn est unique (c'est la décomposition de Dunfordgénéralisée).

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IIAlgèbre bilinéaire

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Sommaire

8.1 Formes bilinéaires

8.2 Formes bilinéaires symétriques

8.3 Formes bilinéaires symétriques et formes qua-

dratiques en dimension nie

Chapitre

8Formes bilinéaires

symétriques et quadratiques8.1 Formes bilinéaires

8.1.1 Cas général

Dénition 8.1 Soit E et F deux K-espaces vectoriels. Une application f :E F Ñ K est une forme bilinéaire si et seulement si

1) pour tout x P E, fx : y P F ÞÑ fpx, yq P K est linéaire (i.e. fx P F),

2) pour tout y P E, fy : x P E ÞÑ fpx, yq P K est linéaire (i.e. fy P E).

Exemple. px, gq P E E ÞÑ gpxq P K est bilinéaire.

Proposition 8.2 L'ensemble des formes bilinéaires sur EF est un K-espacevectoriel pour les deux lois f g : px, yq ÞÑ fpx, yq gpx, yq et λf : px, yq ÞÑλ fpx, yq.

Cet espace est noté LpE,F ;Kq et L2pE,Kq lorsque E F .

125

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126CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Proposition 8.3 Soit f P LpE,F ;Kq. On pose ϕ : x P E ÞÑ fx P F et ψ :y P F ÞÑ fy P E. Ce sont des applications linéaires et pour tout px, yq P EF ,on a

ϕpxqpyq fpx, yq

ψpyqpxq.Proposition 8.4 L'application de LpE,F ;Kq dans LpE,Fq (resp. LpF,Eq)qui à f associe ϕ (resp. ψ) est un isomorphisme linéaire. On a donc

LpE,F ;Kq LpE,Fq LpF,Eq

8.1.2 Cas de la dimension finie

Soit E un K-espace vectoriel de dimension n et F un K-espace vectoriel dedimension p.

Proposition 8.5 Via l'identication de F et F, on a tϕ ψ.

Preuve. Puisque F est de dimension nie, l'application y P F ÞÑ y PF dénie par ypαq αpyq pour tout α P F est un isomorphisme. Alors pourtout y P F et tout x P E, on a

tϕpyqpxq y ϕpxq ϕpxqpyq fpx, yq ψpyqpxq

En identiant y et y on a donc tϕpyqpxq ψpyqpxq pour tout px, yq P E F ,et donc tϕ ψ. 2

Dénition 8.6 On appelle rang de la forme forme bilinéaire f le rang communde ϕ et ψ.

Dimension de LpE,F ;KqProposition 8.7 On a dimLpE,F ;Kq dimE dimF . En particulier, ona dimL2pE,Kq pdimEq2.

Preuve. On a vu que LpE,F ;Kq LpE,Fq. 2

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8.1. FORMES BILINÉAIRES 127

Aspect matriciel et analytique

Comme les applications linéaires, les formes bilinéaires peuvent étudiées ma-triciellement.

Dénition 8.8 Soit peiq1¤i¤n une base de E et pfjq1¤j¤p une base de F .On appelle matrice de f par rapport aux bases peiq et pfjq la matrice A fpei, fjq

1 ¤ i ¤ n1 ¤ j ¤ p

P Mn,ppKq.

Théorème 8.9 Si x °i xiei et y

°j yjfj, on pose X

x1

...xn

et Y

y1

...yp

, alors on a

fpx, yq tXAY tY tAX

Réciproquement, si B P Mn,ppKq vérie fpx, yq tXBY pour tout px, yq PE F alors B est la matrice de f relativement aux bases peiq et pfjq.Théorème 8.10 Soit peiq et pfjq des bases xées de E et F . L'application deLpE,F ;Kq dans Mn,ppKq qui à f associe la matrice de f par rapport aux basespeiq et pfjq est un isomorphisme.

Remarque 8.11 On retrouve le fait que dimLpE,F ;Kq np.

Théorème de changement de bases

Théorème 8.12 Soit peiq et pe1iq deux bases de E, pfjq et pf 1jq deux bases deF , P la matrice de passage de peiq à pe1iq, Q la matrice de passage de pfiq àpf 1iq, f P LpE,F ;Kq, A la matrice de f par rapport aux bases peiq et pfjq et A1

la matrice de f par rapport au bases pe1iq et pf 1jq. Alors on a

A1 tPAQ

Preuve. On a X PX 1 et Y QY 1. Donc fpx, yq tXAY tX 1 tPAQY 1 tX 1A1Y 1, donc A1 tPAQ. 2

Dans le cas particulièrement important où E F , peiq pfjq et pe1iq pf 1jq,si P est la matrice de passage de peiq à pfjq alors on a A1 t PAP .

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128CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Dénition 8.13 Deux matrices A et A1 de MnpKq sont dites congruentes siet seulement si il existe P P GlnpKq telle que A1 tPAP . C'est une relationd'équivalence.

Rang d’une forme bilinéaire

Toutes les matrices de f sont équivalentes et ont donc le même rang.

Théorème 8.14 Soit peiq une base de E, pfjq une base de F et A la matricede f par rapport aux bases de peiq et pfjq. La matrice de ϕ par rapport auxbases peiq et pfj q de E et F est la matrice de tA. La matrice de ψ par rapportaux base pfjq et pei q est A. Donc le rang de f est le rang de l'une quelconquedes matrices de f .

Preuve. Soit B pαijq la matrice de ϕ par rapport aux bases peiq etpfj q. On a ϕpeiq fpei, q et donc ϕpeiq

°k αkif

k

°k fpei, fkqfk . On en

déduit que B tA. 2

8.2 Formes bilinéaires symétriques

Dans tout le reste du chapitre on suppose que K est un corps de caractéristiquediérente de 2.

Dénition 8.15 Un élément f P L2pE,Kq est dit symétrique si et seulementsi pour tout px, yq P E2, on a fpx, yq fpy, xq.

Un élément f P L2pE,Kq est dite antisymétrique si et seulement si fpx, yq fpy, xq pour tout px, yq P E2.

Proposition 8.16 f est symétrique si et seulement si ϕ ψ.

Proposition 8.17 L'ensemble des formes bilinéaires symétriques sur E est unsous-espace vectoriel de L2pE,Kq, noté S2pE,Kq.

L'ensemble des formes bilinéaires antisymétriques sur E est un sous-espacevectoriel de L2pE,Kq, noté A2pE,Kq.

On a

L2pE,Kq S2pE,Kq `A2pE,Kq

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8.2. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES 129

Preuve. Soit s : f P L2pE,Kq ÞÑ spfq P L2pE,Kq dénie parspfqpx, yq fpy, xq. On a s2 IdL2pE,Kq et CarK 2, donc s est une symétrievectorielle et on a

L2pE,Kq kerps IdL2pE,KqqloooooooooomoooooooooonA2pE,Kq

` kerps IdL2pE,KqqloooooooooomoooooooooonS2pE,Kq

2

Remarque 8.18 On a fpx, yq fpx, yq fpy, xq2looooooooomooooooooon

PS2pE,Kq

fpx, yq fpy, xq2looooooooomooooooooon

PA2pE,Kq

.

Exemples.

1) Soit E C0ra, bs,R. fpu, vq ³b

auv est un forme bilinéaire symétrique

sur E.

2) Plus généralement, si g P E, fpu, vq ³baguv est une forme bilinéaire

symétrique sur E.

3) fpu, vq ³bauptqvpa b tq dt est aussi une forme bilinéaire symétrique.

4) Soit l2 tpxnq P RN,°

N x2n convergeu. l2 est un sous-espace vectoriel de

RN (car°

Npxn ynq2 ¤ 2°

N x2n 2

°N y

2n) et px, yq P l22 ÞÑ

°N xnyn est

une forme bilinéaire symétrique bien dénie (°

N |xnyn| ¤°

Nx2ny

2n

2 ).

5) Soit pa1, , anq P Kn alors fpx, yq °i aixiyi est une forme bilinéaire

symétrique sur Kn.

8.2.1 Formes quadratiques

Dénition 8.19 Une application Q de E dans K est une forme quadratiquesur E si et seulement si il existe f P S2pE,Kq tel que pour tout x P E, Qpxq fpx, xq.

Proposition 8.20 Si Q est quadratique, on a Qpλxq λ2Qpxq pour tout λ PK et tout x P E.

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130CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Théorème 8.21 Soit Q une forme quadratique sur E. Il existe une uniquef P S2pE,Kq telle que Qpxq fpx, xq. On l'appelle forme polaire de Q. Deplus, pour tout px, yq P E2, on a

fpx, yq 1

2

Qpx yq Qpxq Qpyq

Cette égalité est appelée identité de polarisation.

Preuve. Soit f une forme bilinéaire symétrique telle que Qpxq fpx, xq. On a

Qpxyq fpxy, xyq fpx, xq2fpx, yqfpy, yq Qpxq2fpx, yqQpyq

Ce qui donne l'égalité (puisque CarK 2) et l'unicité de f . 2

Remarque 8.22 Soit f une forme bilinéaire quelconque et qx P E ÞÑ fpx, xqest une forme quadratique associée à hpx, yq fpx,yqfpy,xq

2 , projeté de f surS2pE,Kq par rapport à A2pE,Kq.

Proposition 8.23 Autre identité de polarisation

fpx, yq 1

4

Qpx yq Qpx yq

Dénition 8.24 Soit f P S2pE,Kq.Deux éléments px, yq de E sont dits orthogonaux si et seulement si fpx, yq 0.

On dit qu'une famille peiqiPI P EI est orthogonale si et seulement si pourtout pi, jq P I2, i j implique fpei, ejq 0.

On dit que peiqiPI est orthonormée si et seulement si fpei, ejq δij pourtout pi, jq P I2.

x P E est dit isotrope si et seulement si fpx, xq 0 (i.e. qpxq 0).

Soit X E une partie non vide. On appelle orthogonal de X dans Erelativement à f l'ensemble XK ty P E fpx, yq 0 pour tout x P Xu.On a XK ϕpXqK au sens de la dualité.

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8.2. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES 131

On appelle noyau de f , noté ker f l'ensemble

ker f tx P E@y P E, fpx, yq 0u kerϕ EK.

On dit que f est dégénérée (resp. non dégénérée) si et seulement si ker f t0u (resp. ker f t0u).Soit F un sous-espace de E, on dit que F est isotrope si et seulement siF X FK t0u. On dit que F est totalement isotrope si et seulement siF FK.

Exemples.

1) Soit E C0ra, bs,R et fpu, vq ³b

auv. u est isotrope si et seulement si

0 fpu, uq ³bau2 et donc si et seulement si u 0. Comme tout élément

de ker f est isotrope, on a ker f t0u.2) E Kn et fpx, yq °

k akxkyk avec a1, , ar non nuls et ar1 an 0. Soit pεkq1¤k¤n la base canonique de Kn. Alors x P ker f si etseulement si fpx, εkq 0 pour tout k si et seulement si akxk 0 pourtout k si et seulement si xk 0 pour tout k ¤ r, si et seulement six P Vecttεr1, , εnu. Si K R et les ai ¡ 0 pour tout i ¤ r alors x estisotrope si et seulement si x P ker f .

Proposition 8.25 Soit Q une forme quadratique de forme polaire f sur E.

1) L'ensemble des vecteurs isotropes de Q est stable par homothétie. Onl'appelle le cône isotrope de Q (ou f) et on le note C. En général C n'estpas un sous-espace vectoriel. On a ker f C. L'inclusion peut-être stricte.

2) Soit X,Y E deux parties, X H. XK est un sous-espace vectoriel de Eet XK ker f . On a pVectXqK XK, pXYY qK pXY qK XKXY K

et t0uK E.

3) Soit F un sous-espace vectoriel de E. F est isotrope si et seulement sifFF est dégénérée. F est totalement isotrope si et seulement si fFF 0. En particulier, si F est totalement isotrope et non nul, alors F estisotrope.

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132CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Preuve. 1) on a Qpλxq λ2Qpxq,2) découle de la formule XK ϕpXqK est des propriétés de l'orthogonal au

sens de la dualité.3) On a ker fFF tx P F fpx, yq 0, @y P F u tx P F x P FKu

F X FK. 2

Proposition 8.26 Soit x0 P Ezt0u. On a équivalence entre

a) x0 est isotrope,

b) Vectpx0q est isotrope,c) Vectpx0q est totalement isotrope.

Preuve. Soit x0 0 tel que fpx0, x0q 0. Alors pour tout pαx0, βx0q PVectpx0q2, on a fpαx0, βx0q αβfpx0, x0q 0 et donc Vectpx0q est totalementisotrope. 2

Exercice 8.27 Soit E R2 et Qpxq x21 x2

2. Montrer que Q est une formequadratique. Calculer sa forme polaire f , calculer le noyau de f , son côneisotrope, ses sous-espaces isotropes et totalement isotropes.

8.2.2 Automorphismes orthogonaux

Soit f P S2pE,Kq. u P GlpEq est un automorphisme orthogonal relativement àf si et seulement si f

upxq, upyq fpx, yq pour tout px, yq P E2.

Proposition 8.28 u P GlpEq est orthogonal si et seulement si pour tout x P E,Qupxq Qpxq.

Preuve. Le sens direct est évident et la réciproque découle de l'identitéde polarisation. 2

Proposition 8.29 L'ensemble des automorphismes orthogonaux relativementà f (ou à Q) est un sous-groupe de GlpEq appelé le sous-groupe orthogonal def (ou de Q) et noté OpEq (ou OqpEq).

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8.3. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET FORMES QUADRATIQUES EN DIMENSION FINIE133

8.3 Formes bilinéaires symétriques et formes qua-dratiques en dimension finie

8.3.1 Aspects analytiques et matricielles

Soit E un K-espace vectoriel de dimension nie n, peiq une base de E, x °i xiei, y

°i yiei et f P S2pE,Kq. On a

fpx, yq n

i,j1

xiyjfpei, ejq n

i1

xiyifpei, eiq ¸i j

xiyj xjyi

fpei, ejq

et

Qpxq n

i1

x2iQpeiq 2

¸i j

xixjfpei, ejq

Théorème 8.30

1) Si q est une forme quadratique non nulle sur E, l'expression analytiquede Q dans chaque base peiq de E est un polynôme homogène de degré 2(en les coordonnées de x),

2) Si Q est une application de E dans K dont l'expression analytique dansune base peiq de E est un polynôme homogène de degré 2, alors Q est uneforme quadratique. De plus, l'expression analytique de la forme polaire fde Q s'obtient par doublement des termes, i.e. en remplaçant x2

i par xiyiet xixj (i j) par

xiyjxjyi2 dans l'expression analytique de Q.

Preuve. 2) Si Qpxq °i α

2ix

2i 2

°1¤i j¤n αijxixj , on pose fpx, yq °

i αixiyi °i j αijpxiyj xjyiq. Alors f est bilinéaire symétrique et Qpxq

fpx, xq. 2

Proposition 8.31 Soit peiq une base de E et f une forme bilinéaire de E. fest symétrique si et seulement si la matrice A de f par rapport à la base peiqest symétrique.

Preuve. On a A pαijq où αij fpei, ejq, donc A est symétrique si fest symétrique. Réciproquement, si A est symétrique alors fpx, yq t XAY tXAY t ptY AXq fpy, xq 2

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134CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Proposition 8.32 L'application f P S2pE,Kq ÞÑ Matpeiqf P SnpKq est un

isomorphisme linéaire. En particulier, on a dimS2pE,Kq npn1q2 .

Remarque 8.33 Si on connait fpx, yq °ij αijxiyj alors Matf pαijq. Si

qpxq °i,j αijxixj, on peut calculer f puis la matrice de f ou remarquer que

pour tout i on a BqBxi

2°j αijxj et on a alors Matf pαijq.

Exemple. Si dimE 4 et qpxq x21 2x2

2 3x23 4x2

4 5x1x2 6x1x3 7x1x4 8x2x3 9x2x4 10x3x4 alors

A

1 52 3 7

252 2 4 9

23 4 3 572

92 5 4

8.3.2 Rang et noyau

Théorème 8.34 Soit E un K espace vectoriel de dimension n et f P S2pE,Kq.Alors on a

dim ker f rg f n

En particulier, f est non dégénérée si et seulement si rg f n si et seulementsi la matrice de f dans un base quelconque est inversible.

Preuve. On a rg f rgϕ rgψ et ker f kerϕ. Le résultat découledonc du théorème du rang appliqué ϕ. 2

Théorème 8.35 Si f est non dégénérée, alors pour tout α P E, il existe ununique x P E, tel que αpyq fpx, yq pour tout y P E.

Preuve. Si f est non dégénérée, ϕ est un isomorphisme de E sur E.En particulier, ϕ est une bijection donc pour tout α P E, il existe un uniquex P E, α ϕpxq, i.e. tel que αpyq fpx, yq pour tout y P E. 2

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8.3. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET FORMES QUADRATIQUES EN DIMENSION FINIE135

8.3.3 Orthogonalité

Rappels: x P E et α P E sont dits orthogonaux au sens de la dualité si etseulement si xx, αy αpxq 0.

Si F E, on note F tα P Eαpxq 0, @x P F u, appelé l'orthogonalde F dans E (au sens de l'orthogonalité forme vecteur).

Si G E, on note G tx P Eαpxq 0@α P Gu.Si F est un sous-espace vectoriel de E alors on a dimE dimF dimF .

Si G est un sous-espace vectoriel alors dimE dimG dimG.

Lemme 8.36 Soit F un sous-espace vectoriel de E et f P S2pE,Kq. On aϕpF q FK et ϕpFKq F X ϕpEq F

avec égalité si ϕpEq F (en particulier si f est non dégénérée en dimensionnie).

Preuve. On a x P ϕpF q si et seulement si αpxq 0 pour tout

α P ϕpF q si et seulement si ϕpyqpxq 0 pour tout y P F si et seulement sifpx, yq 0 pour tout y P F si et seulement si x P FK.

Soit α P ϕpFKq, alors il existe y P FK tel que α ϕpyq. Si x P F alorson a αpxq ϕpyqpxq fpy, xq 0 donc α P F . On en déduit que ϕpFKq F X ϕpEq F .

Réciproquement, si α P F X ϕpEq alors il existe x P E tel que α ϕpxqet pour tout y P F on a 0 αpyq ϕpxqpyq fpx, yq et donc x P FK, ce quidonne α P ϕpFKq.

Remarquez que si f est non dégénérée alors ϕ est injective (et donc surjectiveen dimension nie). 2

Contre-exemples. Si f 0 alors ϕ 0 et pour F t0u, on a ϕpFKq t0u et F E.

Théorème 8.37 Soit f P S2pE,Kq et F est un sous-espace vectoriel de E,alors en dimension nie on a

dimF dimFK dimE dimpF X ker fq

Preuve. On a dimE dimϕpF q dimϕpF q dimϕpF q dimFK

d'après le lemme précédent. En appliquant le théorème du rang à ϕ|F , on

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136CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

obtient dimF rgϕ|F dim kerϕ|F dimϕpF q dim kerϕ X F . Or pardénition on a ker f kerϕ, d'où le résultat. 2

Théorème 8.38 Soit f P S2pE,Kq non dégénérée et F un sous-espace vecto-riel de E, alors en dimension nie on a

dimF dimFK dimE et pFKqK F

Preuve. La première égalité découle directement du théorème précé-dent, de plus on a alors dimpFKqK dimE dimFK dimF et commepFKqK F , on obtient la deuxième égalité. 2

Remarque 8.39 Attention, sous les hypothèses du théorème précédent, F etFK ne sont pas forcément supplémentaire.

Exemple. Si E R2 et fpx, yq x1y1 x2y2. Alors f est non dégénéréeet pour F Rp1, 1q, on a DK D.

Théorème 8.40 Soit f P S2pE,Kq quelconque. Si F est un sous-espace vec-toriel de E, alors F est non isotrope si et seulement si E F ` FK.

Preuve. Le sens indirecte est évident. Pour le sens direct, notez queker f FK, et donc si F est non isotrope, on a F X ker f F X FK t0u etdonc le théorème 8.37 nous donne dimE dimF dimFK. 2

8.3.4 Bases orthogonales

Dans cette section f P S2pE,Kq et E est un espace vectoriel de dimension n.Rappel: peiq est une base orthogonale de E si et seulement si fpei, ejq 0

dès que i j.

Théorème 8.41 Toute forme quadratique sur E admet une base orthogonale.

Preuve. On fait une récurrence sur la dimension n de E. Dans lecas n 1, il n'y a rien à démontrer. On suppose la propriété vraie jusqu'àn 1. Si f 0 alors il n'y a rien à démontrer (toute base convient). Si f 0alors la forme quadratique correspondante est non nulle (d'après l'identité de

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8.3. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET FORMES QUADRATIQUES EN DIMENSION FINIE137

polarisation) et il existe donc a P E tel que fpa, aq 0. On en déduit queF Ka est non nul et non isotrope. D'après le théorème précédent, on aE Ka`pKaqK. Comme dimpKaqK n 1, il existe une base pe1, , en1qde pKaqK orthogonale pour f|pKaqKpKaqK . Alors la famille pe1, , en1, aqforme une base de E. 2

Corollaire 8.42 Soit A une matrice symétrique de MnpKq. Il existe une ma-trice inversible P et une matrice diagonale D tel que A t PDP . Donc toutematrice symétrique est congruente à une matrice diagonale.

Preuve. Soit E un K espace vectoriel de dimension n et B peiq unebase base quelconque de E. On pose fpx, yq t XAY , c'est une forme bilinéairesymétrique dont la matrice dans la base B est A. D'après le théorème précédent,il existe une base B1 pe1iq orthogonale pour f . Soit D la matrice de f dans labase B1. Alors D est diagonale et si P est la matrice de changement de base,alors D t PAP . 2

Remarque 8.43 Il n'existe pas forcément de base orthonormée. Une conditionnécessaire pour qu'il existe une base orthonormée est que f soit non dégénérée,mais ce n'est pas susant.

Exemple. Si E R2 et fpx, yq x1y1x2y2, alors f n'admet pas de baseorthonormée.

Théorème 8.44 Soit f P S2pE,Kq et peiq une base quelconque de E. Lespropriétés suivantes sont équivalentes.

a) peiq est une base orthogonale,b) pour tout px, yq P E2, on a fpx, yq °

i qpeiqxiyi,c) pour tout x P E, on a qpxq °

i qpeiqx2i ,

d) la matrice de f par rapport à peiq est

qpe1q 0

. . .

0 qpenq

.

Théorème 8.45 Soit peiq une base orthogonale pour f . Alors le rang de fest le nombre de vecteurs non isotropes de la base. Le noyau de f est l'espaceengendré par les vecteurs isotropes de la base.

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138CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Preuve. D'aprés le théorème du rang (appliqué à ϕ) il sut de démon-trer la deuxième assertion. On peut supposer que qpeiq 0 pour tout i ¤ ret qpeiq 0 pour tout i ¥ r 1. Soit x °

i xiei P E. Alors x P ker f siet seulement si fpx, yq 0 pour tout y P E si et seulement si pour tout i,0 fpx, eiq

°j xjfpej , eiq xiqpeiq et donc si et seulement si xi 0 pour

tout i ¤ r. D'où, x P ker f si et seulement si x P Vectper1, , enq. 2

8.3.5 Décomposition de Gauss

Préliminaires: Soit l P E, alors qpxq lpxq2

est une forme quadratiquesur E de forme polaire fpx, yq lpxqlpyq. On note l2 cette forme quadratique.

Théorème 8.46 Soit f P S2pE,Kq et q la forme quadratique associée.a) Si peiq est une base orthogonale, on a q °

i qpeiqpei q2,b) Si q °

i ail2i , où pl1, , lnq est une base de E alors pli q est une base

orthogonale de E.

Preuve. a) Si peiq est une base orthonormée, on a x °i xiei où

ei pxq xi et qpxq °i qpeiqx2

i °i qpeiq

ei pxq

2.

b) Si pl1, , lnq est une base de E alors pl1 , , lnq est une base de E.De plus, fpli , lj q

°k aklkpli qlkplj q

°k akδikδjk aiδij . Donc la base est

orthogonale. 2

Théorème 8.47 Supposons q °i ail

2i avec pliq base de E. Alors le rang de

q est le nombre de ai non nuls et ker f est l'intersection des noyaux des formesli pour lesquelles ai est non nul.

Preuve. D'après le théorème précédent, pli q est une base orthogonale eton conclut d'après le dernier théorème de la section précédente, car qpli q aiet VectiPI l

i XiPIpli q XiPI Vecttlj , j iu

Vecttli, i R Iu

XiRI ker li. 2

Méthode de Gauss: On va montrer (par récurrence sur n, mais de manièreconstructive) qu'on peut écrire tout forme quadratique comme combinaisonlinéaires de carrés de formes linéaires indépendantes (ce qui redémontre l'exis-tence d'une base orthogonale)

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8.3. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET FORMES QUADRATIQUES EN DIMENSION FINIE139

n 1, on a qpxq ax2

n 2, on a qpxq α1x212α12x1x2α2x

22. Si q 0 c'est évident. Si α1 0

alors on a

qpxq α1

x1 α12x2

α1looooomooooonl1pxq

2 α1α2 α212

α1p x2loomoonl2pxq

q2

et pl1, l2q forme une base de E. On procède de même si α2 0. Si α1 α2 0et α12 0, on a qpxq 1

2 p x1 α12x2looooomooooonl1pxq

q2 12 p x1 α12x2looooomooooon

l2pxq

q2 et pl1, l2q est une

base de E.

On suppose la propriété vraie jusqu'à n1 pour n ¥ 3. Si q 0 la propriétéest évidente. Si q 0, soit peiq une base de E, alors on a qpxq °

i αix2i

2°i j αijxixj .

Si l'un des αi est non nul, par exemple α1, alors on écrit

qpxq α1x21 2x1Lpx2, , xnq Q1px2, , xnq

où L et Q1 sont respectivement une forme linéaire et une forme quadratiquesur l'espace de dimension n 1 engendré par pe2, , enq. On a alors

qpxq α1

x1 Lpx2, , xnq

α1looooooooooomooooooooooonl1pxq

2

Q1px2, , xnq L2px2, , xnqα1looooooooooooooooooooomooooooooooooooooooooon

Qpx2, ,xnq

En appliquant l'hypothèse de récurrence à Q (vue comme une forme quadra-tique sur l'espace Kn1) on obtient l'existence de formes linéaires indépen-dantes pl2, , lnq sur Kn1 telles que Q °

i ail2i . Elles dénissent des formes

linéaires sur E en posant lipxq lipx2, , xnq. Enn, la famille pl1, l2, , lnqest libre puisque si

°i µili 0 alors en e1 on obtient µ1 0, puis tous les µi

nuls puisque la famille pl2, , lnq est libre.

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140CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Si tous les αi sont nuls et (par exemple) α12 0, alors on peut écrire

qpxq 2α12x1x2 x1Lpx3, , xnq x2Mpx3, , xnq Q1px3, , xnq 2α12

x1 Mpx3, , xnq

2α12

x2 Lpx3, , xnq

2α12

Q1px3, , xnq LMpx3, , xnq

2α12loooooooooooooooooooooooomoooooooooooooooooooooooonQpx3, ,xnq

α12

2

x1 x2 pLMqpx3, , xnq

2α12loooooooooooooooooooomoooooooooooooooooooonl1pxq

2 x1 x2 pM Lqpx3, , xnq

2α12loooooooooooooooooooomoooooooooooooooooooonl2pxq

2

Qpx3, , xnq

On peut alors appliquer l'hypothèse de récurrence à Q et obtenir des formespl3, , lnq indépendantes telles que Q a3l

23 anl

2n. Ce qui nous donne

une décomposition de q, l'indépendance de pl1, , lnq s'obtient comme plushaut.

Exercice 8.48 On pose E R3.1) On pose qpxq x2 2xy 2y2 4yz 5z2. Donner une décomposition

de Gauss de Q, son rang, une base orthogonale et son cône isotrope.2) Même questions pour Qpxq px yq2 py zq2 pz xq2,3) Même questions pour Qpxq xy yz zx.

8.3.6 Adjoint d’un endomorphisme

Soit f P S2pE,Kq non dégénérée. L'applications ϕ associée à f est un isomor-phisme de E sur E. En particulier, pour tout α P E, il existe un uniquey P E tel que α ϕpyq, i.e. αpxq ϕpyqpxq fpx, yq pour tout x P E.

Soit u P LpEq un endomorphisme de E, alors pour tout y P E, on poseαpxq f

upxq, y. D'après ce qui précède, il existe un unique y1 P E tel que

fupxq, y fpx, y1q pour tout x P E. On dénit u : E Ñ E en posant

upyq y1 et on l'appelle adjoint de u.

Théorème 8.49 L'application u est un endomorphisme de E, appelé endo-morphisme adjoint de u (relativement à f). u est caractérisé par

fupxq, y f

x, upyq

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8.3. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET FORMES QUADRATIQUES EN DIMENSION FINIE141

pour tout px, yq P E2. De plus, on a u ϕ1 t u ϕ.Preuve. L'égalité caractérise u d'après ce qui précède. De plus, on

a ϕpyqupxq fupxq, y f

x, upyq ϕ

upyqpxq, et donc tupϕpyqq

ϕupyq, d'où u ϕ1 tuϕ, ce qui implique que u est un endomorphisme

de E. 2

Proposition 8.50

1) pλu µvq λu µv,

2) pu vq v u,3) si u P GlpEq alors u P GlpEq et puq1 pu1q,4) puq u,

5) rg u rg u,

6) keru pImuqK et Imu pkeruqK.Preuve. Les 5 premières propriétés découlent facilement de l'égalité

u ϕ1 t u ϕ. Enn, upxq 0 si et seulement si pour tout y P E,0 f

upxq, y f

x, upyq si et seulement si x P pImuqK. Enn pkeruqK

kerpuqK pImuqKK Imu. 2

Aspect matriciel

Soit peiq une base quelconque de E, A la matrice de f relativement à la basepeiq, M la matrice de u relativement à la base peiq et M 1 la matrice de u

relativement à la base peiq.Pour tout px, yq P E2, on a f

upxq, y f

x, upyq, et donc d'un point

de vue matriciel, on a tXptMAqY t pMXqAY t XApM 1Y q t XpAM 1qY ,d'où tMA AM 1 et donc

M 1 A1 tM A

Si la base peiq est orthonormée alors A In et la matrice de u dans la basepeiq est la transposée de la matrice de u dans la base peiq. Enn, on a

detu detu

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142CHAPITRE 8. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET QUADRATIQUES

Endomorphisme symétrique

u P LpEq est symétrique si et seulement si pour tout px, yq P E2, on a fupxq, y

fx, upyq, i.e. si et seulement si u u. Si peiq est une base orthonormée, alors

u est symétrique si et seulement si sa matrice dans la base peiq est symétrique.

Automorphisme orthogonaux

Rappel: Soit u P GlpEq. On dit que u est orthogonal si et seulement si pourtout px, yq P E2, on a f

upxq, upyq fpx, yq.

Proposition 8.51 Soit u P GlpEq. Les propriétés suivantes sont équivalentes.a) u est orthogonale,

b) u u IdE,

c) uu IdE

Preuve. u est orthogonale si et seulement si fupxq, upyq fpx, yq si

et seulement si fuupxq, y fpx, yq, si et seulement si uu IdE . 2

Remarque 8.52 Si u P LpEq vérie fupxq, upyq fpx, yq, alors uu IdEet donc u P GlpEq.Corollaire 8.53 Si u est orthogonal alors detu P t1, 1u (attention, la réci-proque est fausse).

Proposition 8.54 Si peiq est une base orthonormée alors u P GlpEq est unautomorphisme orthogonal si et seulement si la matrice M de u dans la basepeiq vérie tMM In (ou M tM In).

Dénition 8.55 Une matriceM PMnpKq est dite orthogonale si et seulementsi tMM In (ce qui équivaut à M tM In ou tM M1).

Remarque 8.56 M est orthogonale si et seulement si tM est orthogonale.

Proposition 8.57 Si M est orthogonale alors detM 1.

Proposition 8.58 L'ensemble des matrices orthogonales est un sous-groupede GlnpKq appelé groupe orthogonal et noté OnpKq.

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8.3. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES ET FORMES QUADRATIQUES EN DIMENSION FINIE143

Proposition 8.59 Si f P S2pE,Kq, f non dégénérée et si f possède une baseorthonormée, le groupe orthogonal de E (relativement à f) est isomorphe augroupe OnpKq.

Proposition 8.60

a) Toute matrice de passage entre bases orthonormées est une matrice or-thogonale,

b) Toute matrice orthogonale peut-être interprétée comme une matrice depassage entre bases orthonormées (si E possède une base orthonormée).

Preuve. a) D'après la formule de changement de base pour f , on aIn t PInP .

b) Soit P une matrice orthogonale, peiq une base orthonormée de E et pe1iqla base de E telle que P soit la matrice de passage de peiq à pe1iq. On a alorsfpe1i, e1jq

ijMatpe1iqf t PInP In et donc fpe1i, e1jq δij . 2

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Sommaire

9.1 Théorème de Sylvester

9.2 Classication des formes quadratiques

Chapitre

9Signature

Dans ce chapitre, sauf spécication contraire, le corps de base est R.

9.1 Théorème de Sylvester

Théorème 9.1 (De Sylvester) Soit E un R-espace vectoriel de dimensionnie n, f une forme bilinéaire symétrique, q la forme quadratique associée à fet r son rang.

Il existe une base orthogonale pe1, , enq de E et une entier s P t1, , rutel que

qpxq x21 x2

s x2s1 x2

r

Une telle base est appelée base de Sylvester. De plus, l'entier s ne dépend quede f . On appelle signature de f (ou de q) le couple ps, r sq.

Preuve. Existence des bases de Sylvester: Soit pe1iq une base orthogonalede E. Quitte à permuter les vecteurs de base, on peut supposer que qpe1iq ¡ 0pour tout i ¤ s, qpe1iq 0 pour tout s 1 ¤ i ¤ r et qpe1iq 0 pour tout

i ¥ r 1. On pose alors ei e1i?qpeiq

si i ¤ s, ei e1i?qpeiq

si s 1 ¤ i ¤ r et

ei e1i si i ¥ r 1. La base peiq est une base orthogonale et on a qpeiq 1

145

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146 CHAPITRE 9. SIGNATURE

si i ¤ s, qpeiq 1 si s 1 ¤ i ¤ r et qpeiq 0 si i ¥ r 1, d'où qpxq x2

1 x2s x2

s1 x2r.

Unicité de la signature: Soit peiq et pe1iq deux bases de Sylvester, ps, r sqet ps1, r1 s1q les signatures associées. On sait déjà que r r1 rg f . Onpose F Vectpe1, , esq, G Vectpes1, , enq, F 1 Vectpe11, , e1sq etG1 Vectpe1s1, , e1nq. Soit x P F X G1, alors on a 0 ¤ °

i¤s x2i qpxq

°r¥i¥s1 x

1i2 ¤ 0. D'où qpxq 0 °

i¤s x2i , ce qui donne x 0 et donc

F XG1 t0u. On en déduit que n ¥ dimpF G1q dimF dimG1 sns1et donc s1 ¥ s. En procédant de même avec F 1 et G, on obtient s1 ¤ s. D'oùs s1. 2

Corollaire 9.2 Toute matrice symétrique réelle est congruente à une matrice

de la forme

Is 0 0

0 Irs 00 0 0nr

.

Preuve. Soit A une matrice symétrique réelle deMnpRq, E un R-espacevectoriel de dimension n, peiq une base quelconque de E, f la forme bilinéairede matrice A dans la base peiq. Soit pe1iq une base de Sylvester de f , P la matricede passage de peiq à pe1iq, alors on a

tPAP Is 0 0

0 Irs 00 0 0nr

.

2

Théorème 9.3 Soit E un C-espace vectoriel de dimension nie n et q uneforme quadratique de rang r. Il existe une base orthogonale peiq de E telle que

qpxq ¸i¤r

x2i

Toute matrice symétrique complexe A est congruente à la matrice

Ir 00 0nr

.

Preuve. Soit pe1iq une base orthogonale de E et δi P C tel que qpe1iq δ2i .

On pose alors ei e1iδisi i ¤ r et e1i ei si i ¥ r1. peiq est une base orthogonale

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9.1. THÉORÈME DE SYLVESTER 147

de E telle que qpeiq 1 pour i ¤ r et qpeiq 0 si i ¥ r 1. Ce qui donne lerésultat. 2

Dénition 9.4 Soit E un R-espace vectoriel quelconque, q une forme quadra-tique sur E et A une matrice symétrique réelle.

On dit que q est positive si qpxq ¥ 0 pour tout x P E,On dit que q est dénie positive si qpxq ¡ 0 pour tout x P Ezt0u,On dit que A est positive si et seulement si pour tout X P Mn,1pRq, on a

tXAX ¥ 0,On dit que A est dénie positive si et seulement si pour tout X PMn,1pRqzt0u,

on a tXAX ¡ 0.

Proposition 9.5 Soit E un R-espace vectoriel de dimension nie, q une formequadratique sur E, peiq une base quelconque de E et A la matrice de q parrapport à la base peiq. Alors q est positive (resp. dénie positive) si et seulementsi A est positive (resp. dénie positive).

Proposition 9.6 Soit E un R-espace vectoriel de dimension n. Alors q estpositive si et seulement si la signature de q est pr, 0q et q est dénie positive siet seulement si la signature de q est pn, 0q.

Preuve. Soit peiq une base de Sylvester de q et ps, tq la signature de q,alors on a qpxq °

i¤s x2i

°s1¤i¤st x

2i . D'où le résultat. 2

Caractérisation intrinsèque de la signature

Théorème 9.7 Soit q une forme quadratique sur E un R-espace vectoriel dedimension n. La signature de q est ps, tq où s est la dimension maximale dessous-espaces vectoriels F de E tel que q|F soit dénie positive et t est la di-mension maximale des sous-espaces vectoriels F de E tel que q|F soit dénienégative.

Preuve. Soit s1 la dimension maximale des sous-espaces vectoriels Fde E tel que q|F soit dénie positive et peiq une base de Sylvester de q. Onpose F0 Vectpe1, , esq et G0 Vectpes1, , enq. Alors q|F0

est déniepositive (qpxq °

i¤s x2i pour tout x P F0) et on a s1 ¥ s. Soit F un sous-espace

vectoriel de E tel que q|F soit dénie positive, alors si x P F XG0, on a qpxq ¤ 0et qpxq ¥ 0, d'où qpxq 0 et x 0 car q est dénie positive sur F . On en déduit

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148 CHAPITRE 9. SIGNATURE

que F XG0 t0u et donc n ¥ dimpF G0q dimF dimG0 dimF ns.Ce qui donne s ¥ dimF et s ¥ s1. En procédant de même, on a t t1. 2

Recherche pratique de la signature

On a essentiellement trois méthodes pratiques pour déterminer la signatured'une forme quadratique.

Via la décomposition de Gauss qpxq °i l

2i pxq, on a s nombre de ai ¡ 0

et t nombre de ai 0.Si A est la matrice de f par rapport à une base (quelconque) de E, alors s

est le nombre de valeurs propres ¡ 0 et t est le nombre de valeurs propres 0.Enn, s est la dimension maximale des sous-espaces vectoriels F de E tel

que q|F soit dénie positive et t est la dimension maximale des sous-espacesvectoriels F de E tel que q|F soit dénie négative.

Exemple. Si E R2 et qpxq αx2 2βxy γy2, alors la matrice A de q

dans la base canonique est

α ββ γ

et q est non dégénérée si et seulement si

detA αγ β2 0. Le polynôme caractéristique de A est χA X2 pα γqX αγ β2, de discriminant pα γq2 4β2 ¥ 0. Puisque ce discriminantest nul si et seulement si la matrice A est diagonale, on en déduit que A estdiagonalisable. De plus, on a les diérents cas suivants.

1) si detA αγ β2 0 alors A a deux valeurs propres non nulles designes distincts et donc sgpqq p1, 1q,

2) si detA αγβ2 ¡ 0 et trA αγ 0 alors A a deux valeurs propresnon nulles négatives et donc sgpqq p0, 2q,

3) si detA αγβ2 ¡ 0 et trA αγ ¡ 0 alors A a deux valeurs propresnon nulles positives et donc sgpqq p2, 0q,

4) si detA αγ β2 0 et trA α γ 0 alors A a 1 valeur proprenulles et une valeur propre négative et donc sgpqq p0, 1q,

5) si detA αγ β2 0 et trA α γ ¡ 0 alors A a 1 valeur proprenulles et une valeur propre positive et donc sgpqq p1, 0q.

Remarque 9.8 Si detA ¥ 0 alors α et γ ont le même signe et donc le signede la trace est le même que celui de α ou γ. Dans le cas particulier qpxq 2βxy(β 0), on a toujours sgpqq p1, 1q.

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9.2. CLASSIFICATION DES FORMES QUADRATIQUES 149

9.2 Classification des formes quadratiques

Soit E unK-espace vectoriel de dimension nie n,K un corps corps commutatifde caractéristique diérente de 2. Soit q et q1 deux formes quadratiques sur E,f et f 1 les formes polaires associées.

Dénition 9.9 On dit que les formes quadratiques q et q1 sont équivalentes siet seulement si il existe u P GlpEq telle que q1 q u, i.e. pour tout x P E, ona q1pxq q upxq (ou f 1px, yq f

upxq, upyq).

Proposition 9.10 La relation précédente est une relation d'équivalence surl'ensemble QpEq des formes quadratiques dénies sur E.

Proposition 9.11 Soit E un K-espace vectoriel de dimension nie, q et q1

deux formes quadratiques de formes polaires f et f 1. Les propriétés suivantessont équivalentes.

1) q et q1 sont équivalentes,

2) il existe des bases peiq et pe1iq de E telles que Matpeiqf Matpe1iqf1,

3) les matrices de f et f 1 par rapport à la même base sont congruentes.

Preuve. 1q Zñ 2q Il existe u P GlpEq tel que q1 q u. Soit pe1iq unebase de E et ei upe1iq. Alors peiq est une base de E et f 1pe1i, e1jq fpei, ejqpour tout pi, jq.

2q Zñ 3q Soit pe2i q une base de E, A la matrice de f dans la base pe2i q etA1 la matrice de f 1 dans la base pe2i q. P la matrice de passage de peiq à pe2i qet P 1 la matrice de passage de pe1iq à pe2i q. Alors on a A t PMatpeiqfP et

A1 t P 1Matpe1iqf1P 1, d'où A1 t pPP 11qAPP 11.

3q Zñ 1q Soit peiq une base de E, A Matpeiqf et A1 Matpeiqf1. Il existe

P P GlpEq tel que A1 t PAP . Soit u P GlpEq tel que P Matpeiqu. Alors ona f 1px, yq t XA1Y t XtPAPY t pPXqAPY f

upxq, upyq. 2

Théorème 9.12 2 formes quadratiques équivalentes ont même rang.

Théorème 9.13 Si K C, 2 formes quadratiques sont équivalentes si etseulement si elles ont le même rang.

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150 CHAPITRE 9. SIGNATURE

Preuve. Soit q une forme quadratique de rang r. On a vu que sur Cil existe une base orthogonale dans laquelle la matrice de q est de la formeIr 00 0nr

. D'où le résultat. 2

Théorème 9.14 Si K R, deux formes quadratiques sont équivalentes si etseulement si elles ont même signature.

Preuve. Si elles ont même signature alors leurs matrices dans des basesde Sylvester sont les mêmes.

Si q et q1 sont équivalentes et pe1iq est une base de Sylvester de q1 alorsei u1pe1iq est une base de Sylvester de q et Matpeiqf Matpe1iqf

1. Doncsgpqq sgpq1q. 2

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Sommaire

10.1 Espaces pré-Hilbertiens réels

10.2 Espaces Euclidiens, orthogonalité, bases or-

thonormales

Chapitre

10Espaces pré-Hilbertiens réels,

espaces Euclidiens10.1 Espaces pré-Hilbertiens réels

Dénition 10.1 Soit E un R-espace vectoriel .

1) On dit qu'une forme quadratique est positive (resp. dénie positive) si etseulement si pour tout x P E, qpxq ¥ 0 (resp. si et seulement si pour toutx P Ezt0u, qpxq ¡ 0).

2) On dit que f : E2 Ñ R est un produit scalaire si et seulement si f estune forme bilinéaire symétrique et la forme quadratique associée à f estdénie positive.

Notations: lorsque f est un produit scalaire, on le note fpx, yq px|yq ouxx, yy ou x y.

3) Un R-espace vectoriel muni d'un produit scalaire est appelé espace pré-Hilbertien réel. Si de plus il est de dimension nie, on l'appelle un espaceEuclidien.

151

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152CHAPITRE 10. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS, ESPACES EUCLIDIENS

Exemples.

1) Sur E C0ra, bs,R, pu|vq ³b

auv est un produit scalaire, sur E

Rra, bs,R, pu|vq ³b

auv est une forme bilinéaire positive, mais pas

dénie positive.

2) Soit l2 tpxnq P RN°n x2n convergeu. l2 est un R-espace vectoriel et

px|yq °n xnyn est un produit scalaire sur l2.

3) Sur E RrXs, les formes bilinéaires symétriques suivantes sont des pro-duits scalaires

pP |Qq » 1

1

PQ, pP |Qq » 8

0

PQet2

2 dt, pP |Qq » 1

1

PQ?1 t2

dt.

4) Sur E Rn, px|yq °ni1 xiyi est un produit scalaire sur Rn, appelé le

produit scalaire canonique de Rn, il munit Rn de sa structure Euclidiennecanonique. La base canonique pεiq de Rn est orthonormée pour le produitscalaire canonique.

Théorème 10.2 (Inégalité de Cauchy-Schwarz) Soit E un R-espace vec-toriel et q une forme quadratique positive sur E. Alors pour tout px, yq P E2,

fpx, yq2 ¤ qpxqqpyq.

Si px, yq est liée, on a égalité.Réciproquement, si q est dénie positive, et si on a l'égalité, alors px, yq est

liée.

Preuve. Soit px, yq P E2 quelconque et xé. Pour tout λ P R, on a

qpx λyq qpxq 2λfpx, yq λ2qpyq ¥ 0

premier cas: qpyq 0, alors 2λfpx, yq qpxq ¥ 0 pour tout λ implique quefpx, yq 0.

deuxième cas: qpyq ¡ 0, alors la positivité du polynôme qpx λyq implique

que son discriminant réduitfpx, yq2 qpxqqpyq est négatif.

Si px, yq est liée alors soit x 0 et on a l'égalité soit y αx et on a l'égalité.

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10.1. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS 153

Réciproquement, si px, yq réalise l'égalité alors,premier cas: si qpyq 0, alors y 0 et la famille est liée.deuxième cas: si qpyq 0, alors le polynôme qpxλyq a un discriminant nul etdonc admet une racine double λ0. On a donc qpx λ0yq 0, ce qui impliquex λ0y 0 et donc la famille px, yq est liée. 2

Corollaire 10.3 Si q est positive, le cône isotrope de f est égal à son noyau.

Preuve. On a toujours ker f C. Soit x P C et y P E, on a 0 ¤fpx, yq2 ¤ qpxqqpyq 0 et donc fpx, yq 0 pour tout y P E. Alors x P ker f .2

Exercice 10.4 Montrer que si q est seulement positive, alors on a égalité dansl'inégalité de Cauchy-Schwarz si et seulement si il existe pλ, µq P K2ztp0, 0qutel que λx µy P ker f .

Corollaire 10.5 Soit q une forme quadratique de forme polaire f . f est unproduit scalaire si et seulement si q est positive et f est non dégénérée.

Exemples.

1) Pour tout pu, vq P Rra, bs,R, on a

» ba

uptqvptq dt2

¤» ba

u2ptq dt» ba

v2ptq dt

De plus, si u et v sont continues alors il y a égalité si et seulement si pu, vqest liée.

2) Pour tout px, yq P Rn Rn, on a°n

i1 xiyi2 ¤ °n

i1 x2i

°ni1 y

2i

.

3) Sur l2, on a°8

n0 xnyn2 ¤ °8

n0 x2n

°8n0 y

2n

.

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154CHAPITRE 10. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS, ESPACES EUCLIDIENS

10.1.1 Norme d’un espace pré-Hilbertien réel

Soit E un R-espace vectoriel muni d'un produit scalaire px|yq.

Théorème 10.6 L'application x ÞÑ aqpxq x est une norme sur E. On

l'appelle norme associée au produit scalaire.

Preuve. On a x aqpxq 0 si et seulement si qpxq 0 si et

seulement si x 0.Pour tout λ P R, on a λx a

qpλxq aλ2qpxq |λ|aqpxq |λ|x.

Pour tout px, yq P E2, on a fpx, yq ¤aqpxqaqpyq et donc

x y2 qpx yq qpyq 2fpx, yq qpyq¤ qpyq 2

aqpxq

aqpyq qpyq a

qpxq aqpyq2 x y2

2

Proposition 10.7 On a x y x y si et seulement si px, yq estpositivement liée, i.e. si et seulement si x 0 ou il existe λ P R tel quey λx.

Preuve. Si x 0 on a égalité. Si x λy avec λ ¥ 0, on a x y x λx p1 λqx p1 λqx x λx x y.

Réciproquement, si on a égalité alors x2 2px|yq y2 x y2 px yq2 x2 2xy y2 et donc px|yq xy. On a donc égalitédans Cauchy-Schwarz, ce qui implique que px, yq est liée. Donc x 0 ou y λxavec λ P R. On a donc λx2 px|yq xy ¥ 0, ce qui implique λ ¥ 0. 2

Dénition 10.8 Un espace pré-Hilbertien réel dont la distance associée à sanorme est complète est appelé un espace de Hilbert.

Exemples.

1) E C0pra, bs,Rq muni de pu|vq ³bauv n'est pas complet.

2) E RrXs n'est complet pour aucun produit scalaire (un espace vecto-riel normé muni qui admet une base dénombrable n'est jamais completd'après le théorème de Baire).

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10.1. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS 155

3) l2 tpxnq P RN°n x2n converge u est un espace de Hilbert pour le

produit scalaire px|yq °n xnyn.

Théorème 10.9 (Pythagore) Soit E un espace pré-Hilbertien, pxiq une fa-mille orthogonale nie. Alors °i xi2

°i xi2.

Preuve. °i xi2 °i xi|

°j xj

°ijpxi|xjq °

ipxi, xiq °i xi2. 2

Théorème 10.10 (Identité du parallélogramme) Soit E un espace pré-Hilbertien réel. Pour tout px, yq P E2, on a

x y2 x y2 2x2 2y2

Preuve. On a x y2 x2 y2 2px|yq et x y2 x2 y2 2px|yq. 2

Remarque 10.11 Ce théorème s'appelle aussi le théorème de la médiane.

Remarque 10.12 On a une réciproque au théorème: Si pE, q est un espacevectoriel normé qui vérie x y2 x y2 2x2 2y2 pour toutpx, yq P E2, alors px|yq 1

4

x y2 x y2 est un produit scalaire sur Edont la norme associée est : on a px|yq px|yq, p0|yq 0 et

px x1|yq 1

4

x2 x

2 x1 y2 x

2 x

2 x1 y2

1

2

x2y2x

2x12x

2y2x

2x12 1

4

x1y2x1y2 2px

2|yq px1|yq

En posant x1 0, on obtient px|yq 2px2 |yq et donc pxx1|yq px|yq px1|yq.Par récurrence, on a pkx|yq kpx|yq pour tout k P Z et qppqx|yq ppx|yq ppx|yq, donc prx|yq rpx|yq pour tout r P Q. Par continuité de x ÞÑ px|yq, onen déduit que pλx|yq λpx|yq pour tout λ P R. Comme px|yq est symétrique,on obtient que p, q est bilinéaire symétrique. Enn, on a px|xq x2, doncc'est bien un produit scalaire sur E.

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156CHAPITRE 10. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS, ESPACES EUCLIDIENS

10.2 Espaces Euclidiens, orthogonalité, bases or-thonormales

Rappel: E est un espace Euclidien si E est de dimension nie et muni d'unproduit scalaire p|q. L'application ϕ : E Ñ E est alors un isomorphisme. Enparticulier, pour tout α P E, il existe un unique x P E tel que αpyq px|yqpour tout y P E.

Dénition 10.13 Soit F et G 2 sous-espaces vectoriels de E en somme di-recte. On dit que F et G sont en somme directe orthogonale si et seulement si

pour tout px, yq P F G, on a px|yq 0 (ou F GK). On note FK` G. Si

pFiq1¤i¤p est un famille de sous-espaces vectoriels en somme directe telle quepxi|xjq 0 pour tout xi P Fi et xj P Fj, i j, alors la famille pFiq est en

somme directe orthogonale. On le noteK`iPI Fi.

Proposition 10.14 Soit pFiqiPI une famille de sous-espaces vectoriels de Etels que pour tout i j et pour tout pxi, xjq P Fi Fj, on a pxi|xjq 0. Alorsla famille est en somme directe orthogonale.

Preuve. Soit x P Fi X p°ji Fjq, alors on a x xi °ji xj , et donc

x2 pxi|°ji xjq 0 et donc x 0. 2

10.2.1 Symétries orthogonales, projections orthogonales

Théorème 10.15 Soit E un espace Euclidien et F un sous-espace vectorielquelconque de E. Alors on a

E FK`FK

FK est le supplémentaire orthogonal de F .

Preuve. F est non isotrope car si x P F X FK alors 0 px|xq x2et donc x 0. Donc F X FK t0u. 2

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10.2. ESPACES EUCLIDIENS, ORTHOGONALITÉ, BASES ORTHONORMALES157

Projections orthogonales

Dénition 10.16 Soit E un espace Euclidien et F un sous-espace vectoriel deE. On appelle projection orthogonale sur F la projection sur F parallèlementà FK, noté pF (pF : x xF xFK P E ÞÑ xF P F ).Proposition 10.17

1) pour tout x P E, pF pxq P F et x pF pxq P FK. En particulier, on a

pF pFK IdE .

2) Soit F un sous-espace vectoriel de E et x P E. Pour tout y P F , on a

x y ¥ x pF pxqavec égalité si et seulement si y pF pxq. Donc la distance de x à F estatteinte en un point et un seul: pF pxq.

3) Soit pe1, , epq une base orthonormée de F et x P E, alors

pF pxq p

i1

px|eiqei.

4) pF est un endomorphisme symétrique, i.e. pour tout px, yq P E2, on apF pxq|y

x|pF pyq

.

Preuve. 2) on a x y x pF pxqloooomoooonPFK

pF pxq yloooomoooonPF

. D'après le théorème

de Pythagore, on a x y2 x pF pxq2 pF pxq y2 ¥ pF pxq x2,avec égalité si et seulement si y pF pxq 0 si et seulement si y pF pxq.

3) pour tout 1 ¤ j ¤ p, on ax°

ipx|eiqei|ej px|ejq

°ipx|eiqpei|ejq

0 et donc x¸i

px|eiqeiloooomoooonPF

P FK.

4) Soit x xF xFK et y yF yFK , alors on apF pxq|y

pxF |yF yFKq pxF |yF q

x|pF pyq

. 2

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158CHAPITRE 10. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS, ESPACES EUCLIDIENS

Symétries orthogonales

Dénition 10.18 Soit E un espace Euclidien, F un sous-espace vectoriel deE. On appelle symétrie orthogonale par rapport à F , notée sF l'applicationsF pFpFK , i.e. l'endomorphisme de E déni par sF pxFxFKq xFxFK .

Si F est un hyperplan, alors sF est appelée une réexion. Si F est de codi-mension 2, alors sF est appelée un retournement.

Proposition 10.19

1) sF pF pFK IdE 2pFK 2pF IdE sFK .2) sF est involutif et donc un automorphisme.

3) sF est symétrique (comme somme de deux endomorphismes symétriques).

4) sF est un automorphisme orthogonal. Pour tout px, yq P E2,sF pxq|sF pyq

px|yq.

5) det sF p1qcodimF

Preuve.

2) s2F ppF pFKqppF pFKq p2

F pFKpF pF pFK p2FK pF pFK

IdE .

4) on a sF sF donc IdE s2F sF s

F .

5) Soit pe1, , epq une base de F et pep1, , enq une base de FK. Alors

pe1, , enq est une base de E et vérie MatsF Ip 00 Inp

, ce qui

donne le résultat.

2

Remarque 10.20 Deux quelconques des propriétés suivantes impliquent latroisième (et donc que u est une symétrie orthogonale).

1) u est involutive,

2) u est symétrique,

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10.2. ESPACES EUCLIDIENS, ORTHOGONALITÉ, BASES ORTHONORMALES159

3) u est orthogonale.

Dénition 10.21 On appelle automorphisme orthogonal direct tout automor-phisme orthogonal de déterminant 1. On appelle automorphisme orthogonalindirect tout automorphisme orthogonal de déterminant 1.

Exemples.

1) une réexion est toujours indirect. Un retournement toujours direct.

2) Une symétrie orthogonale par rapport à une droite est directe si dimEest impaire et indirecte si dimE est paire. En particulier, sD est indirectedans le plan et directe en dimension 3.

Exercice 10.22 Soit a P Ezt0u, a °i aiei, peiq une base orthonormée de E

et D Ka. Déterminer vectoriellement puis matriciellement (lorsque a 1)sD et sDK.

Correction. On a sDpxq 2pDpxq x 2 px|aqa2 a x et sDKpxq x 2 px|aqa2 a. La matrice de sD dans la base peiq et dans le cas a 1 est donc

Mat sD In2

a21 a2a1 ana1

a1a2 a22 ana2

......

...a1an a2an a2

n

2a21 1 2a2a1 2ana1

2a1a2 2a22 1 2ana2

......

...2a1an 2a2an 2a2

n 1

et Mat sDK Mat sD.

2

10.2.2 Bases orthonormées

Théorème 10.23 Tout espace Euclidien admet des bases orthonormées.

Preuve. La forme quadratique associée est dénie positive, donc designature pn, 0q. Toute base de Sylvester est donc orthonormée. 2

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160CHAPITRE 10. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS, ESPACES EUCLIDIENS

Théorème 10.24 Soit E un espace Euclidien et peiq une base quelconque deE. Les propriétés suivantes sont équivalentes.

1) peiq est une base orthonormée,

2) pour tout px, yq P E, on a px|yq °i xiyi,

3) pour tout x P E, on a x2 °i x

2i ,

4) La matrice du produit scalaire dans la base peiq est In.

Théorème 10.25 Soit E un espace vectoriel Euclidien et peiq une base or-thonormée. Si x °

i xiei alors xi px|eiq. Si u P LpEq alors Matpeiqu upejq|eiq

1¤i,j¤n

. En particulier, tru °ni1

upeiq|ei

.

Proposition 10.26 Tout famille orthonormée peut-être complétée en une baseorthonormée de E.

Preuve. Soit pe1, , epq une famille orthonormée et F Vectpe1, , epq.On a E F

K`FK. Comme la restriction du produit scalaire de E à FK estun produit scalaire, FK admet une base orthonormée pep1, , enq pour leproduit scalaire induit. Alors pe1, , enq est un famille orthonormée et unebase de E. 2

10.2.3 Orthonormalisation de Gram-Schmidt

Théorème 10.27 Soit E un espace Euclidien et paiq1¤i¤n une base de E.Alors il existe une unique base orthonormée peiq de E vériant

1) pour tout i P J1, nK, Vectpa1, , aiq Vectpe1, , eiq,2) pour tout i P J1, nK, pei|aiq ¡ 0.

Preuve. On note Ei Vectpa1, , aiq.Unicité. Soit peiq et pe1iq deux bases orthonormées vériant 1) et 2). On

montre par récurrence sur k ¤ n que ei e1i pour tout i ¤ k. On a Vect e1 Vect a1 Vect e11 et donc e1 λa1 et e11 λ1a1. Comme e1 1 e11, on aλ λ1 1

a1. Enn, comme pe1|a1q λa12 ¡ 0 et pe11|a1q λ1a12 ¡ 0,

on a λ ¡ 0 et λ1 ¡ 0 et donc λ λ1 1a12

, ce qui donne le cas k 1.

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10.2. ESPACES EUCLIDIENS, ORTHOGONALITÉ, BASES ORTHONORMALES161

Supposons que ei e1i pour tout 1 ¤ i ¤ k ¤ n1. On a Vectpe1, , ek1q Vectpa1, , akq ` Rak1 Vectpe1, , ekq ` Rak1. On a donc ek1 °i¤k λiei λak1. Comme la base peiq est orthonormée, on a pek1|eiq 0

λi λpak1|eiq pour tout i ¤ k. On a donc ek1 λak1

¸i¤k

pak1|eiqei

loooooooooooooomoooooooooooooonvk1

.

On a vk1 0 car ak1 R Vectpa1, , akq Vectpe1, , ekq, et 1 ek12 λ2vk12 implique λ 1

vk1. Enn, 0 pek1|ak1q λ

ak12°i¤kpak1|eiq2

λvk12, donc λ 1

vk1et ek1 vk1

vk1. Comme vk1 est unique par hypo-

thèse de récurrence, on a ek1 unique.Existence. On pose e1 a1

a1et pour tout k ¥ 2, on pose ek vk

vk,

où vk ak °i¤k1pak|eiqei. Alors pek|eiq δik pour tout i ¤ k, donc

peiq est orthonormée et libre. Par récurrence sur k, on a Vectpe1, , ekq Vectpa1, , akq pour tout k, donc peiq vérie 1) par égalité des dimensions.Enn on a pvk|akq

ak2 °i¤kpak|eiq2

aKk 2, où aKk est le projetéorthogonal de ak sur Vectpe1, , ek1q Vectpa1, , ak1q. 2

Remarque 10.28 Les base orthonormées de E vériant seulement 1) sont aunombre de 2n.

Théorème 10.29 (Forme matricielle du théorème de Gram-Schmidt)Soit M P GlnpRq. Il existe un unique couple pO, T q PMnpRq tel que

1) M OT ,

2) O est orthogonale,

3) T est triangulaire supérieure à coecients diagonaux strictement positifs.

Preuve. Existence. On munit Rn de sa structure Euclidienne canonique.Soit pεiq la base canonique et u un automorphisme de Rn de matrice M dansla base pεiq. La famille ai upεiq est une base de Rn. On note peiq la baseorthonormée de E obtenue par orthonormalisation de Gram-Schmidt de la basepaiq. On a alors Matpaiq,pεiqIdRn M . On note O Matpeiq,pεiqIdRn et T Matpaiq,peiqIdRn . Comme O est la matrice de passage de la base pεiq à la basepeiq et que ces bases sont orthonormées, on en déduit que O P OnpRq. CommeT est la matrice de passage de la base peiq à la base paiq, T est triangulaire

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162CHAPITRE 10. ESPACES PRÉ-HILBERTIENS RÉELS, ESPACES EUCLIDIENS

supérieure à coecients positifs. Enn, on a IdRn IdRn IdRn et donc M OT .

Unicité. Si M OT O1T 1 alors N O1O1 TT 11. Donc N est

orthogonale et triangulaire supérieure à coecients positifs. Mais tN N1 ortN est triangulaire inférieure et N1 est triangulaire inférieure. On en déduitque N est diagonale (à coecients diagonaux positifs) et orthogonale. DoncN In et on en déduit que O O1 et T T 1. 2

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Bibliographie

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[2] V. Beck, J. Malick, G. Peyré, Objectif Agrégation. H&K.

[3] J. Briançon, P. Maisonobe, Éléments d'algèbre commutative. Ellipses.

[4] R. Goblot, Algèbre linéaire.

[5] B. Gostiaux, Cours de mathématiques spéciales 1. Algèbre.

[6] X. Gourdon, Les maths en tête. Ellipses.

[7] A. Paugam, Questions délicates en algèbre et en géométrie.

[8] H. Roudier, Algèbre linéaire. Vuibert.

[9] D. Serre, Les matrices. Dunod.

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Algèbre linéaire et bilinéaire