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252 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 252-3 Doi : 10.1019/200720020 Séminaire FMC Analyses minéralogiques et cancers thoraciques : intérêt et limites P. Dumortier Les techniques d’analyse minéralogique (AM) utilisées pour identifier les microparticules, et particulièrement la microscopie optique (MO) et la microscopie électronique (ME) analytique, sont une aide précieuse pour la caractérisa- tion et la quantification du contenu en particules et en fibres des échantillons pulmonaires. Les aspects pratiques de la quantification des fibres d’asbeste et des corps asbestosiques (CA) dans les échantillons biologiques ainsi que de l’interpré- tation des résultats ont été revus [1-3] et ont fait l’objet d’un consensus au niveau des laboratoires européens spécialisés dans ces analyses. L’objectif des AM est de déterminer la concentration en fibres retenues au niveau pulmonaire au moment du prélèvement de l’échantillon. Elles ont l’avantage de fournir une estimation individuelle de l’exposition cumu- lée et sont particulièrement utiles lorsque les données concer- nant l’histoire professionnelle sont absentes, peu fiables ou non concluantes. Elles font principalement appel à des échantillons de tissu pulmonaire ou de liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA), et éventuellement à des échan- tillons d’expectoration. Le niveau de rétention mesuré intègre à la fois les phénomènes de dépôt et d’épuration pulmonaire des fibres. Les limitations liées à l’épuration ne doivent pas être négligées dans le cas d’expositions très anciennes et/ou d’expositions exclusives au chrysotile qui présente une bio- persistance plus faible que celle des amphiboles. Des valeurs- seuils dont le dépassement traduit une exposition inhabituelle par rapport à celle de la population générale non exposée, généralement d’origine professionnelle, ont été établies par chaque laboratoire. En ce qui concerne l’interprétation des résultats des comptages de CA en MO, la situation est relati- vement simple dans la mesure où toutes les équipes euro- péennes ont adopté des seuils de positivité de 1 CA/ml pour le LBA et de 1 000 CA/g de poumon sec pour les échantillons de parenchyme pulmonaire. Par contre, dans les conditions actuelles de réalisation des analyses par ME, les comparaisons de résultats obtenus par différents laboratoires sont hasardeuses. Il a toutefois été conclu que les valeurs de référence en ME Service de Pneumologie, Laboratoire de Minéralogie, Hôpital Erasme, Bruxelles, Belgique. Correspondance : P. Dumortier Service de Pneumologie, Laboratoire de Minéralogie, Hôpital Erasme, Route de Lennik, 808, B1070 Bruxelles, Belgique. [email protected]

Analyses minéralogiques et cancers thoraciques : intérêt et limites

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252 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 252-3Doi : 10.1019/200720020

Séminaire FMC

Analyses minéralogiques et cancers thoraciques : intérêt et limites

P. Dumortier

Les techniques d’analyse minéralogique (AM) utiliséespour identifier les microparticules, et particulièrement lamicroscopie optique (MO) et la microscopie électronique(ME) analytique, sont une aide précieuse pour la caractérisa-tion et la quantification du contenu en particules et en fibresdes échantillons pulmonaires. Les aspects pratiques de laquantification des fibres d’asbeste et des corps asbestosiques(CA) dans les échantillons biologiques ainsi que de l’interpré-tation des résultats ont été revus [1-3] et ont fait l’objet d’unconsensus au niveau des laboratoires européens spécialisésdans ces analyses. L’objectif des AM est de déterminer laconcentration en fibres retenues au niveau pulmonaire aumoment du prélèvement de l’échantillon. Elles ont l’avantagede fournir une estimation individuelle de l’exposition cumu-lée et sont particulièrement utiles lorsque les données concer-nant l’histoire professionnelle sont absentes, peu fiables ounon concluantes. Elles font principalement appel à deséchantillons de tissu pulmonaire ou de liquide de lavagebroncho-alvéolaire (LBA), et éventuellement à des échan-tillons d’expectoration. Le niveau de rétention mesuré intègreà la fois les phénomènes de dépôt et d’épuration pulmonairedes fibres. Les limitations liées à l’épuration ne doivent pasêtre négligées dans le cas d’expositions très anciennes et/oud’expositions exclusives au chrysotile qui présente une bio-persistance plus faible que celle des amphiboles. Des valeurs-seuils dont le dépassement traduit une exposition inhabituellepar rapport à celle de la population générale non exposée,généralement d’origine professionnelle, ont été établies parchaque laboratoire. En ce qui concerne l’interprétation desrésultats des comptages de CA en MO, la situation est relati-vement simple dans la mesure où toutes les équipes euro-péennes ont adopté des seuils de positivité de 1 CA/ml pourle LBA et de 1 000 CA/g de poumon sec pour les échantillonsde parenchyme pulmonaire. Par contre, dans les conditionsactuelles de réalisation des analyses par ME, les comparaisonsde résultats obtenus par différents laboratoires sont hasardeuses.Il a toutefois été conclu que les valeurs de référence en ME

Service de Pneumologie, Laboratoire de Minéralogie, Hôpital Erasme, Bruxelles, Belgique.

Correspondance : P. DumortierService de Pneumologie, Laboratoire de Minéralogie, Hôpital Erasme, Route de Lennik, 808, B1070 Bruxelles, Belgique.

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Analyses minéralogiques et cancers thoraciques : intérêt et limites

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étaient dans l’ensemble de l’ordre de 1 à 2 x 106 fibres/g detissu sec pour les fibres d’amphiboles, et d’environ 0.1 x 106fibres/g de tissu sec pour les fibres d’amphiboles de longueursupérieure à 5 •m [1]. Un résultat positif n’est en aucun casle signe de l’existence d’une pathologie. Un résultat négatifne permet pas d’exclure une exposition faible ou épurée, nide rejeter une histoire d’exposition clairement établie, sur-tout s’il s’agit d’une exposition au chrysotile. Une identifi-cation précise du type de fibres peut être requise dans les casde suspicion d’exposition à partir de l’environnement géo-logique.

L’évaluation des profils de rétention des CA ou desfibres d’asbeste en fonction des pathologies a surtout eu pourintérêt de mieux comprendre les relations dose-réponse exis-tant pour les différentes pathologies asbestosiques. Contrai-rement à l’asbestose, les plaques pleurales ou le mésothéliomepeuvent être observées avec des niveaux de rétention très fai-bles correspondant à des expositions cumulées peu élevées.En dehors de situations particulières, il paraît donc inutile derecourir à une analyse minéralogique à visée de diagnosticétiologique en présence de plaques pleurales bilatérales oud’un mésothéliome, un résultat négatif ne permettant enaucune façon d’exclure l’origine asbestosique de ces patholo-gies relativement spécifiques. L’analyse minéralogique est parcontre utile pour aider à la caractérisation, par la mise en évi-

dence de niveaux de rétention pulmonaire anormalementélevés, des expositions à l’amiante lors de maladies multifac-torielles comme les fibroses interstitielles diffuses ou les cancersbronchopulmonaires. Les résultats des analyses minéralogi-ques sont un des éléments pouvant être pris en compte dansle cadre de la reconnaissance médico-légale des cas de cancersbronchiques d’origine professionnelle [4]. Les seuils utiliséspour la reconnaissance dépendent des législations nationales.Quoi qu’il en soit, la mise en évidence de niveaux de réten-tion supérieurs à 1 000 CA/g dans plus de 10 % des cas decancers bronchiques opérés et supérieurs à 5 000 CA/g dans4 % des cas montre l’intérêt de procéder de façon systémati-que à une quantification de CA sur les pièces de résection.

Références

1 De Vuyst P, Karjalainen A, Dumortier P, Pairon JC, Monso E, Bro-chard P, Teschler H, Tossavainen A, Gibbs A : Guidelines for mineralfibre analyses in biological samples: report of the ERS Working Group.European Respiratory Society. Eur Respir J 1998 ; 11 : 1416-26.

2 Pairon JC, Dumortier P : Role of biometric analysis in the retrospectiveassessment of exposure to asbestos. Rev Mal Respir 1999 ; 16 : 1219-35.

3 Gibbs AR, Pooley FD : Analysis and interpretation of inorganic mine-ral particles in “lung” tissues. Thorax 1996 ; 51 : 327-34.

4 Asbestos, asbestosis, and cancer: the Helsinki criteria for diagnosis andattribution. Scand J Work Environ Health 1997 ; 23 : 311-6.