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Anatomie de la région labiale

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Page 1: Anatomie de la région labiale

Article original

Anatomie de la région labiale

The anatomy of the labial region involve the lipsand the peri-labial zone

P. Caix *

Laboratoire d’anatomie médico-chirurgicale appliquée, UER III Victor-Pachon, université Bordeaux II, 146, rue Léo-Saignat,33076 Bordeaux cedex, France

Résumé

L’anatomie de la région labiale concerne les lèvres et les contours péri–buccaux. Les bases phylogénétiques, embryologiques etcomparées permettent de mieux comprendre l’organisation multiforme, les fonctions complexes pour une esthétique de l’expression faciale,qui vieillira sans atteindre à la magie du sourire primal. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The phylogenetic and embryologic basis, as well as compared anatomy allow for a greater grasp of the multiform organization, as of thecomplex functions for the cosmetic appearance of the facial expression, which, as it grows older, will not touch to the magical beauty ofthe first smile, as it always was. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.

Mots clés: Lèvres; Bouche; Région labiale; Contours péri–buccaux; Embryologie; Phylogénèse; Anatomie

Keywords: Lips; Mouth; Labial region; Peri–labial zone; Embryology; Phylogenesis; Anatomy

1. Introduction

La région labiale est dite péribuccale : les lèvres occu-pent son centre[1,2].

Elles déterminent la fente labiale ou buccale, occluse aurepos.

La région labiale est limitée par des replis, zonesd’incisions chirurgicales (Fig. 1) :

• les sillons naso-labiaux, sous la columelle et les ailesdu nez ;

• les sillons labio-géniens, qui suivent en bas les sillonsnaso-géniens, sillons commissuraux d’amertume,jusqu’à la bajoue ;

• les sillons labio-mentonniers, en bas.

Les lèvres blanches sont périphériques, les lèvres rougescentrales (Fig. 2.2).

La lèvre blanche supérieure présente une gouttière mé-diane, le phyltrum (Fig. 2.1), bordé de deux crètes phyltra-les, vestiges embryonnaires.

La lèvre rouge supérieure isole un tubercule médian, plusou moins prononcé (Fig. 2.3).

La lèvre blanche inférieure (Fig. 2.5) est plus creusée,légèrement en arrière de la supérieure, avec deux tuberculesrouges latéraux, plus marqués chez les africains (Fig. 2.4).

Les lèvres sont des replis musculo-cutanés qui formenten avant le vestibule buccal, espace buccal prédentaire ( labouche ou cavité buccale proprement dite est à l’intérieurdes arcades dentaires).

La projection des lèvres dépend de la position desarcades dentaires et de l’os alvéolaire[3]. Le nez, les joues,le menton bordent les contours péri–labiaux (Fig. 2.6-7)

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]–bordeaux2.fr (P. Caix).

Annales de Chirurgie Plastique Esthétique 47 (2002) 332–345

© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.PII: S 0 2 9 4 - 1 2 6 0 ( 0 2 ) 0 0 1 4 3 - 7

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Figs. 1–8.

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Les lèvres sont de différents types :• supérieure ou inférieure,• blanche entre les plis périphériques et le vermillon, ou

rouge, le vermillon lui-même en deux zones variables,externe visible, sèche, et interne, invisible et humide ;

• la face postérieure (Fig. 4) détermine le cul-de-sacvestibulaire supérieur et inférieur, la muqueuse vesti-bulaire se réfléchissant en gencive d’abord non adhé-rente puis adhérente.

2. Anatomie microscopique

Les lèvres sont des jonctions cutanéo-muqueuses, sousforme de replis musculo-membraneux à trois couches (Fig.4) [4] :

• cutanée épaisse, particulièrement résistante, adhérenteaux faisceaux musculaires sous jacents, avec des folli-cules pileux, des glandes sébacés et sudoripares ;

• musculaire, représentée par l’orbiculaire, les incisifs etles compresseurs des lèvres associés aux musclesextrinsèques radiés ;

• muqueuse et sous-muqueuse, riches en glandes sécré-toires, dites couche glanduleuse avec un épithéliumpavimenteux stratifié.

Les lèvres sont peu adipeuses : elles n’engraissent pas,elles restent à peine gonflées chez l’obèse.

La face muqueuse est souvent adhérente en médian, parles freins des lèvres : le supérieur est un relief intermyrti-forme, l’ inférieur, interhouppe (du menton).

Les lèvres ont un chorion très vasculaire, pouvant parti-ciper à leur couleur, lieu de malformations angio-mateusesvariées :

• deux artères coronaires issues de l’artère faciale sous-muqueuse près du bord libre,

• de nombreuses veines plus ventrales.Les jonctions :• rouge–blanche marquée par un petit relief à la jonction

muco-cutanée,• sèche–humide marqué d’une petite crète.Sur le plan morphologique, les lèvres diffèrent :• la lèvre supérieure présente un tubercule médian créant

une épaisseur de 10 à 12 millimètres,• la lèvre inférieure présente deux tubercules latéraux

avec une hauteur moins grande de 6 à 7 millimètres.

3. Anatomie phylogénétique

Chez les agnathes comme l’ammocète, larve de lalamproie (Fig. 5), le stomodeum est un lieu électif dejonction ecto-endodermique, amenant à la délimitation de la

membrane pharyngienne, qui s’ invagine progressivementau fond de la cavité buccale.

Elle se perfore très tôt pour créer l’ isthme du gosier(oro-pharynx). Chez certains invertébrés, le velum de lamembrane pharyngienne entre ecto- et entoderme persistelongtemps.

Chez les vertébrés agnathes, il n’y a pas de mâchoire etla bouche est soutenue par quelques cartilages labiaux : leplancher porte une langue à squelette cartilagineux oùs’ insèrent de nombreux muscles, lui permettant de jouer unrôle de piston, de bascule, voire de sortir de la cavitébuccale.

Les lèvres peuvent porter des plaques dentaires voire devéritables appendices odontoïdes cornés.

La lamproie, premier gnathostome, spécialité culinaireappréciée à la « bordelaise », présente le premier squeletteosseux issu du premier arc branchial maxillo-mandibulaire.

Certains auteurs considèrent que la bouche ou plutôtl’orifice buccal pourrait résulter de la coalescence des deuxpoches branchiales initiales par rupture de la membraneséparant la poche ecto- de la poche entodermique.

La bouche primitive serait alors un simple orifice sanslèvres et sans dents, non mobile, simple ouverture rigide,comme chez le silure.

Les invertébrés agnathes se nourrissent par le remplis-sage en eau permanent de la bouche contenant particules etplancton (microphagie).

Un changement de régime, un changement climatique oude nouvelles conditions de survie, permettent le développe-ment d’une bouche plus mobile, plus grande, capable depréhension et de succion : l’orifice est alors créé àpartir desdeux premières fentes branchiales.

Les gnathostomes, par le premier squelette maxillaire (lalamproie), peuvent créer un mécanisme de piston très actifpermettant d’aspirer les éléments, de trier ceux–ci dansl’eau ou dans la vase.

La lamproie ou les poissons suceurs n’ont pas de lèvresvéritables mais des replis musculo-membraneux, qui leurpermettent une forte succion et un excellent accolement surles plans plats : « brouteurs d’algues ».

Plus tard dans l’évolution, on décrira chez les lémuriensdeux systèmes peauciers cervico-faciaux (Fig. 6) :

• un sphincter colli longitudinal, superficiel, très pla-tysma, qui inclut frontal, nasal, releveurs et abaisseurs ;

• un sphincter colli circulaire, profond, péri–orificiel,parfois sphinctérien, incluant orbiculaire palpébral,auriculaires et constricteurs des narines mais surtoutl’orbiculaire interne marginal des lèvres.

Ce « sphincter oris » serait indépendant, vicéral, fait defibres circulaires, sous- muqueuses, initiales du tube digestifbuccal primitif. L’orbiculaire interne ne serait alors pas issudu système peaucier ?

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Gegenbauer pense au contraire que l’orbiculaire internedérive du seul platysma comme tout le SMAS, expliquantses rapports étroits avec les muscles labiaux extrinsèquespériphériques radiés.

Pour beaucoup, le petit zygomatique, le sourcilier, lereleveur de la lèvre supérieure et du nez dériveraient del’orbiculaire orbitaire inférieur, périphérique, mais tout celareste discuté, ce d’autant que certains poissons ont unsystème peaucier profond sphinctérien sans aucun platysma[5].

Seuls les mammifères constituent une paroi musculairelatérale, le buccinateur et surtout antérieure : les lèvres, pourl’allaitement.

Ces lèvres seront récupérées pour l’expression orale(phonation) et faciale (mimique), modes de relation électifsde l’homme.

4. Anatomie embryologique

4.1. Le stomodeum

Les lèvres ne sont que des replis ectodermiques quibordent le futur orifice buccal, le stomodeum [8].

L’embryologie faciale s’ initie par cinq bourgeons faciaux(Fig. 7), dont l’ impair est frontal, les quatre autres issus dupremier arc branchial [9] :

• un bourgeon intermédiaire fronto-nasal, crânial et fron-tal, à l’origine des bourgeons nasaux internes et exter-nes ;

• une paire de bourgeons maxillaires à l’origine desportions latérales de la lèvre supérieure ;

• une paire de bourgeons mandibulaires à l’origine deshémi-lèvres inférieures.

Le stomodeum, de superficiel et large, devient progres-sivement profond par enfouissement ectodermique, et étroitpar le développement périphérique des bourgeons, repous-sant la membrane pharyngienne (futur voile du palais), aufond d’une cavitéstomodéale, dont les bords sont les futureslèvres [10].

Les cinq bourgeons se rejoignent autour du stomodeum,et fusionnent par mésodermisation grâce à une apoptosecellulaire génétiquement programmée, c’est-à-dire la mortdes cellules épithéliales de surface, permettant la fusion desbourgeons mésodermiques.

Les fentes faciales proviennent de la non fusion de cesbourgeons par défaut d’apoptose [11].

Dès la fin de la cinquième semaine, le bourgeon naso-frontal et les plaques nasales apparaissent très latéralisés etapparemment descendent, tout en se médialisant sous ledéveloppement important du front et de la vésicule céré-brale antérieure [12].

Simultanément, les bourgeons maxillaires augmentent devolume tout en grandissant vers la zone stomodéale ventralequi se réduit au cours de la sixième semaine.

Les placodes nasales s’ invaginent pour créer une dépres-sion puis une fosse nasale, permettant d’ identifier lesbourgeons nasaux internes et externes [13].

La gouttière lacrymo-nasale remonte entre bourgeonnasal latéral et bourgeon maxillaire dans la cavité orbitaire :elle se fermera pour former le canal lacrymo-nasal,s’ouvrant sous le cornet inférieur [14].

Les deux bourgeons nasaux médiaux se fusionnent parmésodermisation pour former la pointe du nez et sur le planmaxillaire, le pré-maxillaire ou bloc incisif, porté par leseptum nasal [15].

Les deux bourgeons nasaux internes fusionnent :• d’une part, avec les bourgeons maxillaires pour former

la lèvre supérieure (la cicatrice de mésodermisationsera la crête phyltrale) ;

• d’autre part, avec les bourgeons nasaux latéraux pourformer l’orifice narinaire.

Les deux bourgeons maxillaires inférieurs ou mandibu-laires se développent en ventro-médial pour fusionner sur laligne médiane par mésodermisation au 24e jour.

L’ouverture du tube digestif primitif par rupture de lamembrane pharyngienne, au 25e jour, permettra l’entrée duliquide amniotique et les premiers mouvements de dégluti-tion.

L’ébauche dès la fin du deuxième mois des mouvementsde succion, la fusion latérale des bourgeons maxillaire etmandibulaire par apoptose termineront les angles de labouche ou commissures buccales, expliquant les micro– oules macrostomies congénitales.

4.2. Formation des lèvres

La neurulation et la formation du tube neural par ferme-ture de la gouttière neurale ectoblastique de l’embryon alieu dès la 3e semaine.

Cette neurulation isole simultanément des lieux cellulai-res péritubulaires dorso-latéraux qui se regroupent trèsrapidement en noyaux : les crêtes neurales (Fig. 8).

Les neurocristopathies sont des pathologies de ces cellu-les neuro-ectoblastiques qui vont migrer loin dans les tissusoù elles se différencieront et attireront très probablement parchimiotactisme les extrémités nerveuses en croissance.

Les cellules des crêtes neurales rhombencéphaliquesventrales dites facio-acoustiques sont dédiées aux 7e et 8e

paires crâniennes : elles vont migrer dans l’épiblaste du 1er

du 2e arc branchial jusqu’à inter-agir avec les celluleslocales de la face et du cou [16].

Leur migration sera en grande partie responsable de laformation du ganglion géniculé du VII.

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La musculature peaucière de la tête et du cou a ainsi unedouble origine : le mésenchyme ou cellule mésoblastique etle neuro-ectoblaste des cellules des crêtes neurales ; il s’agiten fait d’une induction réciproque entre les cellules neuro-ectoblastiques des crêtes neurales et les cellules mésenchy-mateuses du mésoderme péribuccal.

Pour nombre d’auteurs, les myoblastes peaucierscervico-céphaliques sont d’origine neuro-ectoblastique, is-sus des rhombomères du 2e arc, expliquant l’ innervation parla 7e paire [18, 19].

Le syndrome de Moebius est une neurocristopathierhombencéphalique ventrale avec absence bilatérale du nerffacial et de muscles peauciers.

Futamura [20] puis Gasser [21] en 1967 ont bien montréla migration des myoblastes peauciers faciaux en lamesdiverses dès le 35e jour : celles–ci sont issues du mésen-chyme du 2e arc branchial, innervé par la 7e paire, souscontrôle des cellules des crêtes neurales.

La migration des cellules des crêtes neurales se fait parcolonnes bilatérales sous l’épiblaste autour de la 7e paire(Fig. 8) : elles vont se déplacer en ventral à partir de larégion péri-auriculaire selon les axes multiples rayonnés[21] :

• un axe ventro-crânien à la destinée temporo-frontale, lalamina temporalis (LT) ;

• un axe ventral moyen à but centro-facial naso-maxillaire, la lamina infra– orbitaire (LIO) ;

• un axe ventro-caudal à visée mandibulaire et cervicale,les lamina mandibularis (LM) et cervicalis (LC) ;

• un axe dorsal à couverture occipitale, la lamina occi-pitalis (LO), qui va rejoindre le muscle fronto-temporalen haut (muscle occipito-frontal épicrânien), et en basle muscle platysma (platysma occipital).

On distingue par homologie avec la phylogenèse, deuxcouches superposées de myoblastes peauciers cervico-céphaliques :

• une couche profonde, dite sphinctérienne, pour leszones péri-orificielles des orbiculaires des lèvres(sphincter colli profondus) ;

• un cercle superficiel, dérivé du plastysma, qui sedifférencie en muscles de la mimique (sphincter collisuperficialis)–la musculature peaucière est différenciéeau 50e jour et dès le 2e mois, l’embryon ébauche desmouvements des lèvres, voire des succions franches(pouce, gros orteils).

La fusion des deux chefs latéraux embryonnaires del’orbiculaire inférieur donnera la lèvre inférieure, tandis quel’association maxillo-fronto-nasale donnera la lèvre supé-rieure [22].

Le vermillon pourrait être du à la transparence desmuscles orbiculaires au travers de la muqueuse labiale [17].

La cavité buccale est constituée par le stomodeumectodermique et la partie initiale du tube digestif entoder-mique en avant de la première fente branchiale.

Certains auteurs zoologistes considèrent que l’orbiculairelabial profond est formé des premières fibres circulaires dutube digestif, celles du buccinateur et du constricteursupérieur du pharynx étant longitudinales.

5. Anatomie comparée

Les muscles peauciers sont beaucoup plus importantsdans le règne animal que chez l’homme : ils se répartissentsur tout le corps et prédominent dans la région cervico–fa-ciale, seule zone où ils persistent pour la mimique (sansoublier le petit muscle peaucier palmaire, propre à la prisehumaine) [23].

Leur rôle classique d’optimisation des organes des sensdomine largement les fonctions de mimique faciale, quoiquecelles–ci différent chez certains animaux domestiques ouévolués (Fig. 9).

Certains muscles sont ainsi destinés à [24, 25] :• l’œil, optimisant à vision, avec l’ouverture de la fente

palpébrale et plus encore protecteur de la cornée à butocclusif ;

• le nez, pour l’olfaction, dilatateur ou constricteur ;• l’oreille auditive, en vue soit d’orienter le pavillon soit

de calibrer le conduit auditif ;• la bouche, à visée dégustative et alimentaire, réglant

l’ouverture et la fermeture voire la mimique. Trèssouvent les faisceaux de l’orbiculaire supérieur sontinterrompus en médian par un raphé fibreux (lapin,ruminants, carnivores), moins souvent présent au ni-veau de la lèvre inférieure.

Le « muscle depressor nasi » est plutôt animal qu’hu-main, remplacé chez l’homme par le myrtiforme [26].

L’orbiculaire des lèvres est d’autant plus épais que lafonction préhensile des lèvres est développée : ruminants,carnivores et le porc.

Le dépresseur de l’angle de la bouche devient chez lesanimaux un rétracteur latéral de la commissure (carnivores,porc) avec un platysma très développé.

Le buccinateur existe sous deux formes :• la portion molaire qui est la portion classique,• la portion buccale qui est faite de fibres longitudinales

transfaciales étendues d’un côté àl’autre avec un raphélongitudinal (ongulé, carnassier) [27].

Le carré du menton est plutôt rétracteur de la lèvreinférieure, très développé chez les ruminants, le porc et lesongulés.

Le mentalis comprend aussi chez l’homme le transversedu menton : si le menton est le propre de l’homme, laplupart des animaux présente une houppe du menton très

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caractéristique qui soutient les parties molles du menton,soulevant la lèvre inférieure appliquée contre les incisives.

Les muscles incisifs sont très développés chez les équi-dés, créant une lèvre très protractile : le rhinocéros peutdécrocher les feuilles avec sa seule lèvre supérieure.

Le grand zygomatique est le seul constant chez lesmammifères domestiques, très peu développécependant. Lereleveur superficiel de la lèvre et du nez est très développéet se confond souvent avec l’aponévrose épicrânienne et lefrontal et s’unit souvent avec son opposé sur le chanfrein :il existe surtout chez les carnivores et les rongeurs [28].

Le releveur profond dévie souvent sur la région nasale etse termine avec le côté opposé sous le nez : il permet ainside relever le groin pour des aptitudes fouisseuses (le porc).

Le canin est aussi à destinée plutôt nasale chez lesanimaux : très développé chez les ruminants et le porc, ildevient souvent un abaisseur de la lèvre supérieure.

6. Anatomie classique musculaire

La plupart des anatomistes classiques reconnaissent onzemuscles labiaux : leurs insertions, leurs trajets, leurs termi-naisons diffèrent largement, les variations sont multiples,leurs fonctions exactes discutées (Fig. 10) [29].

L’essentiel est de bien noter l’ intrication permanente desfibres musculaires aux commissures et surtout la synchro-nisation bouche–œil qui fait tout le charme d’un sourire[30].

Les muscles labiaux se distinguent en muscles intrinsè-ques (orbiculaires, mais aussi incisifs et compresseurs) et enmuscles extrinsèques périphériques radiés [31].

6.1. Les muscles labiaux intrinsèques

6.1.1. L’orbiculaire des lèvres (OL)Selon Testut [32], chaque orbiculaire présente deux

parties (Fig. 11) :• externe, périphérique où s’ insèrent les muscles extrin-

sèques, dits protactiles ;• interne, centrale ou marginale, intrinsèque, rétractile.Chaque orbiculaire est formé de deux parties : droite et

gauche comme le confirment les atteintes des hémilèvreslatérales en cas de paralysie faciale.

Selon Poirier [6] l’orbiculaire marginal central est annu-laire avec des fibres circulaires constrictives : il s’agit d’unvéritable sphincter oris (Fig. 11).

Les fibres sont alors concentriques et représentent untiers de la hauteur globale de la lèvre.

L’orbiculaire périphérique externe représente les deuxtiers de la hauteur de la lèvre.

Il est en rapport avec les muscles extrinsèques ; il formeune boutonnière elliptique à deux faisceaux indépendants

comme l’orbiculaire orbitaire des paupières qui s’ insère surles ligaments palpébraux [33].

L’orbiculaire est profond sauf au niveau des milieux oudes commissures, où il devient superficiel [34].

L’orbiculaire interne est très profond pour le buccinateur,l’orbiculaire externe est plus superficiel, lié aux musclesextrinsèques.

L’orbiculaire labial a donc quatre occlusions possible :• l’occlusion naturelle sans effort par l’orbiculaire ex-

terne,• l’occlusion par effort par l’orbiculaire externe, avec

constriction des muscles extrinsèques (dépresseurs,élevateurs) ;

• l’occlusion forcée avec des lèvres rétractées de dehorsà dedans, pincées par l’orbiculaire interne, lié avec lebuccinateur ;

• la dernière occlusion très forcée avec des lèvres pincésretroussées en dehors par l’orbiculaire externe sans lebuccinateur, mais avec les muscles extrinsèques.

Chaque lèvre a donc trois orbiculaires, un interne et deuxexternes, l’un propre, l’autre extrinsèque.

Dans les paralysies glosso-labio-pharyngées, il y a uneatteinte de l’orbiculaire interne seulement, alors qu’ il existeune atteinte de l’orbiculaire externe seul dans les paralysiesfaciales [35].

6.1.2. Les muscles incisifs (IL)Les muscles incisifs s’ insèrent sur le maxillaire et la

mandibule, en juxta-alvéolaire antérieure, entre 2 et 3,proches de la ligne médiane [36].

Ces adducteurs du modiolus (add. ang. oris) s’étendenthorizontaux jusqu’au tiers latéral de la lèvre, sont doncprotracteurs et projettent la partie médiane de la lèvre enavant (le baiser).

6.1.3. Les compresseurs des lèvres (CL)Le muscle « rectus labii » de Klein est formé de fibres

sagittales translabiales, intra-orbiculaires, proches du bordlibre, plus nombreuses en médian.

Il est plus important au niveau inférieur qu’au niveausupérieur, il intervient dans la succion et dans l’occlusionlabiale [37].

6.2. Les muscles labiaux extrinsèques [38]

6.2.1. Le buccinateur (BCC)Le buccinateur est un muscle peaucier devenu sous–mu-

queux par l’ invagination stomodéale expliquant son inner-vation classique par la 7e paire.

Il s’ insère en arrière sur les ligaments ptérygo-maxillaires, la face externe du maxillaire et de la mandibule

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et présente des fibres globalement horizontales, qui souvents’ intercroisent et se terminent sur le modolius et l’orbicu-laire.

Poirier [7] considère qu’ il s’étend jusqu’au tiers latéral dechaque orbiculaire par des fibres directes et croisées (Fig.11).

Il tire ainsi la commissure à l’horizontale, il s’agit làd’unsourire viscéral, végétatif de satiété et de satisfaction (LaJoconde).

Antagoniste des muscles incisifs, il permet de comprimer(souffler, trompétiste) ou de déprimer la cavité buccale(aspirer, succion) et ramène les aliments vestibulaires entreles dents [39].

6.2.2. Le risorius de Santorini (RS) (1739)Il n’appartient pas au peaucier du cou, car il est plus

superficiel, et serait plutôt une expansion du dépresseur del’angle [40].

Il peut provoquer une petite fossette latérale de la jouepar une insertion cutanée directe.

Il n’apparaît que chez l’homme et n’existe pas chez lesprimates.

6.2.3. Le grand zygomatique (ZM)Muscle du sourire, le zygomaticus major s’ insère sur l’os

malaire en avant selon un axe général en bas et en ventral de45 degrés. Il tracte la commissure en haut et en dehors [41].

Muscle de la joie, il crée le sillon naso-labial, extensiondu pli naso-génien :

• soit par traction du modiolus,• soit par ptose de la graisse malaire sur un orbiculaire

immobile.

6.2.4. Le petit zygomatique (Zm)Le zygomaticus minor apparaît peu zygomatique : d’ in-

sertion discutée, inconstant, il semble naître de fibresinférieures de l’orbiculaire palpébral inférieur.

Il descend en avant et en bas, et rejoint l’orbiculairesupérieur, proche du releveur superficiel.

Il ne s’ insère pas sur le modolius et ne présente aucunesimilitude avec le grand zygomatique [42,43].

Il est souvent comparé au carré (inférieur) du menton(dépresseur labial inférieur DLI) : les allemands l’associentsouvent aux deux autres muscles canins (LAO) et releveurprofond (LLS) pour former le carré supérieur.

Il retrousse la lèvre supérieure ; superficiel, il expri-me l’attendrissement avec le grand zygomatique et le dédainavec les élévateurs labiaux.

6.2.5. Le releveur superficiel (LLSAN)Le releveur superficiel ou levator labii superioris alae-

que nasi (LLSAN) s’ insère sur le bord médial de l’orbicu-laire palpébral inférieur, dont il pourrait être une expansion.

Il descend en ventral, un peu en dehors, contourne l’ailedu nez ou il s’ insère en superficiel, et se termine surl’orbiculaire en juxtamédian.

Il apparaît responsable du pli naso-génien, le vrai, latéro-nasal : il élève l’aile du nez, dilatant l’orifice narinaire et lalèvre supérieure médiane, signe d’agressivité.

6.2.6. Le releveur profond (LLS)Le levator labii superioris (LLS) s’ insère à la face

externe du maxillaire sous le foramen infra-orbitaire. Ildescend verticalement et se termine à la face profonde del’orbiculaire : il enroule la lèvre supérieure en dedans,l’efface et l’élève.

6.2.7. L’élévateur de l’angle (LAO)L’élévateur de l’angle, ou canin ou levator angulae oris

(LAO) ou triangulaire supérieur, s’ insère en dehors dureleveur profond, reste le muscle le plus profond et setermine sur le modiolus.

Poirier [6] considère que ses fibres dépassent le modio-lus, se rejoignent sous la fente buccale dans l’orbiculairesuperficiel externe.

6.2.8. Le dépresseur de l’angle (DAO)Le dépresseur de l’angle, ou angulae oris (DAO) ou

triangulaire inférieur des lèvres, est l’équivalent inverse ducanin. Il s’ insère sur la face antéro-latérale de la symphysementonnière, proche de l’orifice du nerf mentonnier. Il sedirige en haut et en dehors et se termine sur le modiolus.

Poirier [7] le décrit comme dépassant le modiolus, seterminant sur l’orbiculaire superficiel externe supérieurjusqu’à l’aile du nez (Fig. 11).

Le dépresseur apparaît comme très superficiel, il estpropre à la mimique humaine comme le sourcilier : lesanimaux abaissent la totalité de la lèvre inférieure maisjamais seulement l’angle.

L’abaissement isolé de la commissure a fonction d’ex-pression propre à l’homme : stress, tristesse, vieillissement(masque tragique s’opposant au masque comique de l’élé-vateur de l’angle).

6.2.9. Le carré du menton (DLI)Le dépresseur labial inférieur (DLI) ou carré inférieur est

superficiel. Il s’ insère sur la face ventrale de la symphyse aubord rouge de la lèvre inférieure superficielle, sauf sur lesquatre millimètres latéraux. Il est oblique en haut et endedans, sous le triangulaire, et s’ insère très superficiel. Ilserait une expansion du platysma, et signe le dégoût oul’amertume.

6.2.10. La houppe du menton (M)Le Mentalis ne s’ insère pas sur la lèvre inférieure mais

s’étend de la face ventrale de la symphyse à la peau du

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menton. Il est responsable du pli labio-mentonier et de lafossette médiane.

Il est considéré comme le corrugator mental ; il élève lementon qu’ il impacte sous la lèvre, projetant celle–ci enavant. Il est le muscle « superbe » de l’orgueil, du défi.

6.2.11. Le transverse du menton (TM)Il serait l’association des fibres des deux dépresseurs de

l’angle, reliées à la face inférieure du menton et serait ainsiun soutien, un élévateur du menton.

6.2.12. Le myrtiforme (MY)Ce dépresseur du nez, parfois appelé à tort depressor

septi, s’ insère sur la zone juxta-alvéolaire, au dessus del’ incisive latérale et de la canine, pour aller à l’aile du nez,la columelle voire au septum [44].

Ce muscle est très profond sous la gencive, la muqueuseet l’orbiculaire : il serait en continuité avec le releveursuperficiel de l’aile du nez, projettant la lèvre en avant etabaissant la pointe du nez et constricteur de la narine [45].

7. Anatomie moderne

Les idées fonctionnelles labiales ont évolué tout au longdes recherches anatomiques et surtout de la pratique chirur-gicale [46,47,48,49].

De nombreuses hypothèses ont été proposées pour com-prendre la fonction labiale complexe, très évoluée, différen-ciée par ces aspects de prise, d’expressivité, mais surtout dephonation [49,50].

Si le système peaucier labial et péri-labial existe pouroptimiser l’acte alimentaire, la région labiale est devenue unsite privilégié d’expression faciale, où la mimique vientrenforcer voire remplacer la parole.

7.1. Les théories de l’orbiculaire labial

Les théories sont nombreuses, âprement discutées, leproblème non encore résolu.

L’orbiculaire labial apparaît comme une constructioncomplexe, faite d’ intrications évolutives et fonctionnelles.

Trois théories se distinguent :• L’orbiculaire labial existe, est individualisé sous la

forme d’une structure double, non circulaire, où vien-nent se fixer de nombreux muscles périphériques ra-diés : le modiolus est alors souvent considéré commeun noyau fibreux commissural, proche des ligamentspalpébraux canthaux.

• L’orbiculaire labial n’existe pas en tant que structurepropre :

• certains estiment qu’ il n’est que buccinateur : un seulmuscle tendu d’un côté à l’autre et fendu horizontale

ment en son centre, avec des fibres directes et croisées,devenues indépendantes en contraction (Fig. 12 a,b,c,d)[33,51,52] ;

• d’autres ont insisté sur une structure sphinctérienne,circulaire, le « sphincter oris », sans noyau commissu-ral (Fig. 12 e) [53] ;

• d’autres encore ont préféré voir dans le modiolusl’entrecroisement des fibres des muscles extrinsèques,qui le dépasse pour former les orbiculaires supérieur etinférieur, les intrinsèques se résumant aux incisifs etcompresseurs (Fig. 12 e) [54,55,56].

Notre approche pourrait être synthétique, alliant lesdifférentes théories, pour une superposition évolutive d’ho-minisation progressive, en trois plans successifs (Fig. 14) :

• l’orbiculaire profond, archaïque, interne, circulaire, ditsphincter oris, végétatif, issu de fibres circulaires del’ intestin primitif, très développé chez les nou-veaux–nés et les africains, pour la prise, la succion, lerétention salivaire, l’occlusion labiale, seul musclelabial des vertébrés sans peauciers ;

• l’orbiculaire moyen, plus réçent, buccinateur, viscéral,masticateur, apte à la déglutition, d’ innervation VII–Vconjuguée ;

• l’orbiculaire superficiel, externe, très récent, fait desfibres longues des muscles péri-labiaux extrinsèques,adapté àla mimique, à la phonation, à l’ intelligence desrelations inter–humaines.

7.2. L’anatomie fonctionnelle expressive : le modiolus

Les expressions labiales sont multiples, complexes,d’une extrême finesse, faisant intervenir simultanément ousuccessivement de nombreux muscles [57,58,59].

L’ important réside dans la notion de points d’appui,d’ insertions musculaires : les muscles peuvent changerd’action en variant leur point fixe, l’axe de leurs vecteurs,leur degré de contraction, leurs rapports inter–musculaires.

Les points cardinaux d’ insertion fixes ou mobiles appa-raissent comme fondamentaux (Fig. 17) :

• les insertions médianes en particulier supérieures, pourles incisifs, le myrtiforme, l’orbiculaire, mais aussiinférieures pour le mentalis ;

• les insertions latérales sur le modiolus, noyau dontl’ instabilité est guidée par ses attaches périphériques.

Le modiolus apparaît ainsi comme une structure faiteplus d’ intersections musculaires que d’un noyau fibreux,d’ insertions musculaires mobiles latéro-labiales, exprimantla balance élévateurs–abaisseurs, pour une expressivitéfaciale inférieure, très liée à l’expression faciale supérieure,péri-oculaire (« l’œil sourit, il la dévore des yeux »), pourquatre types simples de mimique faciale (Fig. 19) :

• la joie, à laquelle on rattache le sourire, le rire, mêmesardonique, avec effet lift d’ascension globale et

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Figs. 16–20.

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dilatation–ouverture, vers ce « masque comique » duthéâtre antique;

• la tristesse, le dégoût, l’amertume, l’abattement où lesdépresseurs dominent , abaissant modiolus et canthuslatéral, pour un « masque tragique », propre à l’homme(les animaux abaissent la lèvre inférieure, mais jamaisla commissure) ;

• l’agression, l’étonnement, la surprise, l’effroi, la me-nace, la haine, essentiellement dans le regard, aveclèvre supérieure retroussée, rictus, ….

• l’attention, l’affection, l’émotion, la réflexion, le stress,l’angoisse, le chagrin, le pleurer….

Le modiolus résiste longtemps au vieillissement, carmusculaire, mais ne pourra empêcher la tendance avec l’âgeà la fermeture, ptose, distension cutanée, aux rides et riduleslabiales et péri–labiales, par dominance des abaisseurs, de lapesanteur, de la perte élastique cutanée.

7.3. Les boucles labio-bucco-linguo-vélo-pharyngées

L’anatomie fonctionnelle labiale ne peut être isolée deson écologie dynamique viscérale du carrefour des voiesaéro-digestives supérieures (Fig. 15).

Les lèvres sont le premier élément de la prise alimentaire,explorateur, goûteur, testeur, protecteur, nocicepteur, quiaccepte ou refuse l’objet à ingérer.

Le choix étant fait d’ ingestion buccale, interviennent lesstructures musculo-sensitivo-sensorielles qui vérifient unefois de plus le choix d’ ingestion définitive, démarrent lamastication pour une prédigestion, et organisent la dégluti-tion en intercuspidation dentaire, bouche fermée.

Il semble exister une organisation neuro-matricielle gé-nérale, qui déclenche des engrammes réflexes du tronccérébral, faisant successivement intervenir les nerfs crâ-niens : la V° paire, sensitivo-labio-buccale et masticatrice,la VII° paire, labio-motrice et gustative, la IX°, X°, gusta-tives, vélo-motrices, aptes à la déglutition et la XII pairepour les fonctions motrices linguales.

Ces mêmes boucles neuro–musculaires originelles serontréutilisées par le système nerveux pour la respiration, etsurtout la phonation, propre à l’hominisation.

Leur disposition anatomique est tout à fait remarquable(Fig. 15) :

• les boucles originelles se retrouvent aux orifices :bouche unique, narines et conduits auditifs doubles,avec leurs sphincters propres, plus ou moins dégénéréschez l’homme ;

• elles sont circulaires, ovalisées, gardant la structureglobale des voies aéro-digestives supérieures, aptes àdéplacer le bol alimentaire, à réguler le courant aérien ;

• elles sont associées à des fibres longitudinales permet-tant le raccourcissement du conduit : au niveau labial,le buccinateur et le constricteur supérieur du pharynx

recréent des boucles supplémentaires axialisées, de partet d’autre du sphincter circulaire vélo-pharyngé.

Il est intéressant de comparer la disposition des bouclesnasale, buccale et vélaire, pour constater leur similitude(Fig. 13) .

Toute anomalie embryologique, anatomique ou chirurgi-cale labiale sera à l’origine de dysfonctions majeures del’appareil naso-bucco-pharyngé.

8. Anatomie climatérique des lèvres

Le sphincter oris apparaît très tôt dès la fin du 2e mois inutero et se développe très fortement dès que l’embryon suceson pouce ou son gros orteil (Fig. 18).

Le fœtus ne présente souvent qu’un orbiculaire interne(sphincter oris), les fibres de Klein ainsi que le buccinateur,associés à une hypersensibilité cutanée labiale ; ces grosseslèvres viscérales ont un gros tubercule supérieur, pour latétée du mamelon ou la succion de la tétine. La succion estun acte violent et inné.

Chez le nouveau–né, la gestuelle labiale de l’expressionest mimétique et permet le développement de l’expressionfaciale par activité des muscles externes sur l’orbiculaireexterne [60].

L’enfant porte très facilement sa main à la bouche pourdisposer différents objets de son environnement et en fait entester le goût.

La prise des objets et le port à la bouche traduisent lestade oral qui peut persister longtemps.

L’enfant développe à la fois les fonctions de prise,commence par la lallation les activités de phonation, conti-nuant souvent longtemps à sucer le biberon ou son pouce.

L’adolescence est le passage au stade pré–adulte où lasuccion devient beaucoup moins importante, laissant sedévelopper les fonctions masticatrice et phonatoire, ladéglutition infantile devenant adulte.

La bonne position des arcades dentaires permet unexcellent positionnement labial et une bonne occlusion.

Le moindre défaut des arcades dentaires derrière leslèvres réalise une plus ou moins grande anomalie del’occlusion labiale.

L’adolescent finit sa croissance à16 ans chez la fille, à17ans chez le garçon.

L’adulte vieillit, et les lèvres aussi (Fig. 20) [61].Les problèmes sont multiples :• allongement de la lèvre blanche supérieure (hauteur) ;• perte graisseuse qui affine et amincit (bombé), diminu-

tion de la lèvre rouge ;• perte cutanée, visible dans le rapport lèvre rouge–lèvre

blanche, microridules verticales ;• le sillon naso-génien se creuse, la graisse malaire se

ptose ;

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• les rides d’amertume apparaissent, les bajoues se for-ment ;

• les commissures tombent, donnant un visage fermé,sombre et tendu.

Au total, le sourire ne change jamais, mais son environ-nement lui vieillit, en surface et en profondeur [61,62,63].

La bouche devient triste et fatiguée, pouvant justifierd’un geste réparateur, restructurant profond à type de lifting,et resurfaçant cutané, à type de peelings quels qu’ ils soient.

9. Conclusion

La région labiale est mal délimitée, mais véritablementautonome : le sourire ne vieillit pas. Son expression reste lamême tout au long de la vie.

La région labiale, péribuccale, elle, vieillit par l’environ-nement facial inférieur, l’écologie cervico–faciale, pouvantdemander des gestes spécifiques de rajeunissement.

La nature hypercomplexe anatomo-fonctionnelle dunoyau commissural explique les extrêmes difficultés dereconstruction de l’angle latéral de la bouche : dans tous lescas, il apparaît fondamental de ne pas déplacer le modiolusdevant le risque de dysfonction labiale majeure.

L’ infinie variabilité de l’expression labiale humaine, etplus particulièrement du sourire, par sa complexité anato-mique et fonctionnelle impose une réparation fine tenantcompte des acquis de l’Anatomie.

Remerciements

Mr Fritz ESSONO, infographieMr Michel BASPEYRAS, informatiqueMme Laure IDJER, secrétariat

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