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ARTICLE ORIGINAL Anémie néonatale précoce : orientation diagnostique Neonatal anemia: diagnosis approach A. Tasseau, V. Rigourd * Service de réanimation et pédiatrie néonatales, institut de puériculture et de périnatalogie, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France Parmi les problèmes hématologiques précoces du nouveau-né, l’anémie occupe une place prédomi- nante. Outre la question de son traitement, qui peut avoir un caractère urgent en fonction de la tolérance de l’enfant, la recherche étiologique doit se faire de façon rigoureuse. Nous ne traiterons ici que des anémies « précoces » des premières heures ou des premiers jours de vie, en essayant d’appor- ter les éléments d’orientation diagnostique qui conduiront à l’étiologie. Rappels[1–5] Hématopoïèse in utero Les premières hémoglobines sont synthétisées dans le sac vitellin lors de la vie embryonnaire. À partir du stade fœtal, c’est l’HbF (a 2 c 2 ), pro- duite principalement dans le foie et la rate, qui assure l’oxygénation des tissus. Puis les chaînes b et d, produites par la moelle osseuse prennent pro- gressivement le relais, pendant la vie intra-utérine et après la naissance. C’est pourquoi les hémoglo- binopathies touchant les chaînes b (b-thalassémie et drépanocytose) ne se manifestent qu’après l’âge de 3–6 mois. À un an, l’HbA (a 2 b 2 ) est majoritaire (97 à 98 %), avec une faible proportion d’HbA 2 (a 2 d 2 ) (2,5 %) (Fig. 1). À la naissance Chez le nouveau-né, il existe une polyglobulie phy- siologique avec macrocytose : le taux normal d’hé- moglobine varie de 15 à 18 g/dl. En raison de la polyglobulie néonatale physiologique et de l’impor- tance relative du volume sanguin, le nouveau-né est particulièrement sensible à l’anémie et à l’hy- povolémie. Les valeurs du taux d’hémoglobine, de réticulo- cytes et des indices érythrocytaires varient en fonc- tion du terme et de l’âge de l’enfant (Tableau 1). Le taux d’hémoglobine augmente progressivement jusqu’à la 33 e semaine de gestation puis demeure stable jusqu’à la naissance. Il existe aussi une variation du taux d’hémoglo- bine dans les premières heures et premiers jours de vie ; celui-ci augmente de 17 à 20 % dans les 24 premières heures de vie puis redescend douce- ment au cours des 24 heures suivantes. À la fin de la * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Rigourd). Figure 1 Érythropoïèse périnatale Journal de pédiatrie et de puériculture 17 (2004) 198–203 www.elsevier.com/locate/pedpue © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.jpp.2004.04.008

Anémie néonatale précoce : orientation diagnostique

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ARTICLE ORIGINAL

Anémie néonatale précoce : orientationdiagnostique

Neonatal anemia: diagnosis approach

A. Tasseau, V. Rigourd *Service de réanimation et pédiatrie néonatales, institut de puériculture et de périnatalogie,26, boulevard Brune, 75014 Paris, France

Parmi les problèmes hématologiques précoces dunouveau-né, l’anémie occupe une place prédomi-nante. Outre la question de son traitement, quipeut avoir un caractère urgent en fonction de latolérance de l’enfant, la recherche étiologique doitse faire de façon rigoureuse. Nous ne traiterons icique des anémies « précoces » des premières heuresou des premiers jours de vie, en essayant d’appor-ter les éléments d’orientation diagnostique quiconduiront à l’étiologie.

Rappels[1–5]

Hématopoïèse in utero

Les premières hémoglobines sont synthétisées dansle sac vitellin lors de la vie embryonnaire.À partir du stade fœtal, c’est l’HbF (a2c2), pro-

duite principalement dans le foie et la rate, quiassure l’oxygénation des tissus. Puis les chaînes b etd, produites par la moelle osseuse prennent pro-gressivement le relais, pendant la vie intra-utérineet après la naissance. C’est pourquoi les hémoglo-binopathies touchant les chaînes b (b-thalassémieet drépanocytose) ne se manifestent qu’après l’âgede 3–6 mois.À un an, l’HbA (a2b2) est majoritaire (97 à 98 %),

avec une faible proportion d’HbA2 (a2d2) (2,5 %)(Fig. 1).

À la naissance

Chez le nouveau-né, il existe une polyglobulie phy-siologique avec macrocytose : le taux normal d’hé-moglobine varie de 15 à 18 g/dl. En raison de lapolyglobulie néonatale physiologique et de l’impor-tance relative du volume sanguin, le nouveau-néest particulièrement sensible à l’anémie et à l’hy-povolémie.Les valeurs du taux d’hémoglobine, de réticulo-

cytes et des indices érythrocytaires varient en fonc-tion du terme et de l’âge de l’enfant (Tableau 1).Le taux d’hémoglobine augmente progressivementjusqu’à la 33e semaine de gestation puis demeurestable jusqu’à la naissance.Il existe aussi une variation du taux d’hémoglo-

bine dans les premières heures et premiers jours devie ; celui-ci augmente de 17 à 20 % dans les24 premières heures de vie puis redescend douce-ment au cours des 24 heures suivantes. À la fin de la

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (V. Rigourd).

Figure 1 Érythropoïèse périnatale

Journal de pédiatrie et de puériculture 17 (2004) 198–203

www.elsevier.com/locate/pedpue

© 2004 Publié par Elsevier SAS.doi: 10.1016/j.jpp.2004.04.008

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première semaine de vie, son taux est redevenu lemême qu’au cordon à la naissance.Cette chute du taux d’hémoglobine se poursuit

pour atteindre son minimum (11 à 12 g/dl) vers 8 à12 semaines de vie chez l’enfant né à terme, plusrapidement vers six semaines de vie chez le préma-turé (7 à 10 g/dl).

Définition de l’anémie néonatale

La définition exacte de l’anémie du nouveau-né estvariable selon les auteurs mais on peut retenir lechiffre d’hémoglobine inférieur à 13,5 g/dl au cor-don. En dessous de 10 g/dl on parle d’anémiesignificative et, en dessous de 8 g/dl, on parled’anémie sévère.Cependant, les variations sont importantes,

fonction de l’heure du prélèvement, de son siège etde la date de la ligature du cordon : ainsi unnouveau-né à terme reçoit 50 à 125 ml de sangprovenant du placenta à l’accouchement, dont lestrois quarts pendant la 1re minute et le reste durantles cinq minutes suivantes. La date de clampage ducordon ainsi que le niveau de l’enfant par rapportau placenta (en cas de césarienne) vont jouer sur letaux d’hémoglobine.Par ailleurs, d’autres variables liées aux condi-

tions techniques, au lieu de prélèvement et/ou aumoment des prélèvements peuvent influencer l’in-terprétation du taux d’hémoglobine :

• le taux d’hémoglobine au niveau de l’artèreombilicale est un peu plus élevé que celui auniveau de la veine ombilicale ;

• dans les prélèvements au talon, les taux d’hé-moglobine et l’hématocrite peuvent être net-tement plus élevés que sur un prélèvementartériel ou veineux, surtout si le prélèvementest difficile ou s’il existe une vasoconstriction ;

• par ailleurs, il existe dans les premières heuresde vie un ajustement volémique et une varia-tion du taux de l’hémoglobine qui peut aug-menter de 2 à 6 g/100 ml et dont l’importance

serait principalement liée à celle de la transfu-sion placentofœtale ;

• enfin, l’anémie ne peut se démasquer quequelques heures après la naissance et en cas dedoute, il faut bien sûr répéter les prélève-ments.

Étiologies

Les étiologies des anémies précoces néonatalespeuvent être classées en trois grands groupes (Ta-bleau 2) :

• anémie par perte sanguine (hémorragie) ;• anémie par destruction des globules rouges(hémolyse) ;

• anémie par défaut de production des globulesrouges (anémies centrales).Nous ne citerons que les principales étiologies de

chaque groupe.

Anémies par hémorragie

Les hémorragies sont en cause dans 5 à 10 % desanémies néonatales sévères et 25 % des anémiesprésentes chez les nouveau-nés hospitalisés enunité de néonatologie.Parmi les causes d’hémorragies anténatales, la

transfusion fœtomaternelle est relativement fré-quente. On estime qu’il existe un passage de cellu-les fœtales dans la circulation maternelle dansenviron 50 % des grossesses. Dans la majorité descas, la quantité est minime et ne retentit pas sur lenouveau-né. Dans 8 à 10 % des cas, le saignementpeut atteindre 40 ml, et jusqu’à 100 ml dans 1 % descas. Ce saignement est favorisé par les amniocen-tèses, les traumatismes en cours de grossesse, lesmanœuvres de version externe, le maintien del’enfant au-dessus du placenta après la naissance(notamment au cours d’une césarienne)...Le diagnostic de transfusion fœtomaternelle se

fait grâce au test de Kleihauer qui recherche parfrottis de sang maternel, le pourcentage d’héma-

Tableau 1 Valeurs sanguines moyennes en fonction du terme et de l’âge postnatal. D’après Siberry GK, Iannone R editors. TheHarriet Lane handbook: a manual for pediatric house officers. 15th ed. Saint-Louis: Mosby; 2000.

Age Hb (g/dl) Hte (%) GR (million/mm3) Réticulocytes (%)26–30 SA 13,4 41,5 3,79 –28 SA 14,5 45 3,1 5–1032 SA 15 47 3,2 3–10Terme (cordon) 16,5 51 3,3 3–71–3 jours 18,5 56 3,3 1,8–4,62 semaines 16,6 53 3,14 –1 mois 13,9 44 3,18 0,1–1,72 mois 11,2 35 3,186 mois 12,6 36 35 0,7–2,3

Hte : hématocrite ; Hb : hémoglobine ; GR : globules rouges.

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ties fœtales circulantes (test à réaliser rapidementaprès la naissance pour une bonne interprétation,les hématies fœtales étant rapidement détruites).La transfusion fœtofœtale complique principale-

ment les grossesses gémellaires monochoriales(syndrome transfuseur–transfusé).Le contexte de naissance peut orienter vers une

origine périnatale de l’hémorragie (placenta prae-via, hématome rétroplacentaire, anomalies du cor-don, rupture, insertion vélamenteuse, circulaireserré...). Il peut exister une souffrance fœtaleaiguë secondaire à l’anémie. Attention, le tauxd’hémoglobine au cordon ou sur un prélèvementcapillaire à la naissance peut être normal et nechuter que secondairement.Les hémorragies postnatales sont facilement dia-

gnostiquées en cas de saignement extériorisé. Onrecherchera plus particulièrement un saignement

interne en cas d’accouchement difficile ou trauma-tique. Les manifestations cliniques sont parfois re-tardées de 48 à 72 heures (dégradation hémodyna-mique, neurologique, abdominale...). L’échographie(abdominale, cérébrale...) est un outil important audiagnostic.On classera dans ce chapitre les anémies par

spoliation sanguine dues à des prélèvements répé-tés, une des principales causes d’anémie néonatalenotamment chez les nouveau-nés hospitalisés (lesprématurés y étant particulièrement exposés).

Anémies hémolytiques

Parmi les anémies hémolytiques immunes, l’incom-patibilité sanguine fœtomaternelle est une causemajeure chez le nouveau-né et doit être évoquéeen premier lieu devant une anémie néonatale avecictère. L’incompatibilité ABO est la plus fréquente(environ 20 % des grossesses), moins grave quel’incompatibilité rhésus, mais pouvant néanmoinsentraîner un ictère intense et surtout une anémietardive au cours des 2–3 premiers mois de vie. Letest de Coombs est faiblement positif, voire parfoisnégatif et on peut retrouver la présence de sphéro-cytes au frottis sanguin (diagnostic différentiel dela sphérocytose héréditaire).L’incompatibilité rhésus, rare de nos jours grâce

au traitement prophylactique des mères Rh-D-négatives, est responsable d’un ictère intense, pré-coce, avec hyperbilirubinémie parfois gravissime. Ilpeut aussi exister une incompatibilité dans lesgroupes mineurs (Kell, Duffy...).Parmi les anémies hémolytiques constitutionnel-

les, les plus fréquentes sont la sphérocytose hérédi-taire ou maladie de Minkowski-Chauffard et le déficiten glucose 6-phosphate déshydrogénase (G6PD). Lediagnostic en période néonatale peut être faussé, larésistance osmotique pouvant être augmentée à lanaissance et l’activité G6PD faussement normale ouélevée en cas d’hyperréticulocytose.En cas de doute, il faut renouveler les examens

vers l’âge de six mois. Le diagnostic peut aussi êtrefait par l’interrogatoire familial à la recherche d’an-técédents et l’étude biologique chez les parents.Parmi les hémoglobinopathies, l’alphathalassémie

peut entraîner une anémie hémolytique néonatale.Le caractère microcytaire de l’anémie oriente lediagnostic. La bétathalassémie et la drépanocytosene s’expriment que plus tard dans la vie, au momentoù l’hémoglobine Hb A devient prédominante.Les infections bactériennes graves peuvent en-

traîner une hyperhémolyse par atteinte de la mem-brane des globules rouges par les toxines. Uneérythroblastopénie est souvent associée.Les fœtopathies (cytomégalovirus [CMV], ru-

béole, syphilis, herpès, toxoplasmose) peuvent, el-

Tableau 2 Étiologie des anémies néonatales.

Anémies par hémorragie Anémies hémolytiquesSaignements anténatals• Transfusion fœtomater-nelle• Transfusion fœtofœtale(grossesse multiple)

Incompatibilité sanguinefœtomaternelle• ABO, Rh, autres• Maladie auto-immunematernelle

Saignements pernatals• Rupture du cordon ou d’unvaisseau aberrant (insertionvélamenteuse)• Incision de césarienne àtravers un placenta antérieur• Placenta praevia et héma-tome rétroplacentaire• Transfusion fœtoplacen-taire (césarienne, proci-dence du cordon, clampagetardif du cordon)Saignements postnatals• Céphalhématome volumi-neux• Hémorragies extériorisées(digestive, ombilicale...)• Hémorragies internes(hématome sous-capsulairedu foie, hématome des sur-rénales, hémorragie intracrâ-nienne)

Anémies érythrocytairescongénitales• Sphérocytose héréditaire,elliptocytose, poïkylocytosehéréditaire• Déficit enzymatique enG6PD, pyruvate-kinase• Hémoglobinopathies :a-thalassémie, c-thalassémieInfection grave bactérienneou viraleFœtopathies (CMV, rubéole,syphilis, herpès, toxoplas-mose)Avitaminose E

Spoliation sanguine par pré-lèvements répétésAnémies centrales• Infections bactériennes, virales (parvovirus B19, rubéole,CMV, herpès)• Anémie de Blackfan-Diamond• Anémies carentielles :o carence martiale sévère chez la mèreo malnutrition maternelle sévèreo médicaments maternels (zidovudine, pyriméthamine...)

CMV : cytomégalovirus ; Rh : rhésus ; G6PD : glucose6-phosphate déshydrogénase.

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les aussi entraîner une hyperhémolyse à la nais-sance. Une hépatosplénomégalie peut êtreassociée, ainsi qu’une atteinte des autres lignées(leucopénie, thrombopénie).

Anémies centrales

Les anémies par défaut de production sont plusrares chez le nouveau-né.

L’étiologie à évoquer en premier lieu est l’ori-gine infectieuse, qu’elle soit virale ou bactérienne.Les autres lignées sanguines sont parfois touchées(leucopénie, thrombopénie).

L’infection à parvovirus B19 anténatale peut en-gendrer une anémie fœtale sévère avec parfoisanasarque, voire mort fœtale in utero. Parfois l’en-fant naît en phase de régénération, le critère defaible réticulocytose manquant alors pour le dia-gnostic.

Dans les syndromes infectieux sévères, les méca-nismes de l’anémie sont multiples associant nonseulement une érythroblastopénie mais aussi unehyperhémolyse due aux toxines microbiennes.

La maladie de Blackfan-Diamond ou érythroblas-topénie congénitale, est beaucoup plus rare et nese révèle généralement que progressivement aucours des premières semaines de vie. Elle est sou-vent associée à un syndrome malformatif (anoma-lies des membres, de la face, de la sphère urogéni-tale, du cœur, petite taille).

Dans ce chapitre, on citera aussi l’anémie duprématuré, liée en partie à un défaut de productionmédullaire par déficit en érythropoïétine.

Démarche diagnostique en présenced’une anémie néonatale

Schématiquement, deux situations peuvent se pré-senter :

• soit le cas est évident et diagnostiqué par laclinique (hémorragie extériorisée...) ou lecontexte (hématome rétroplacentaire, jumeautransfuseur–transfusé...) ;

• soit le cas n’est pas évident et il faudra s’aiderde l’interrogatoire, de la clinique (à la recher-che de signes associés) et de la biologie (Ta-bleau 3).Attention, si l’on envisage une transfusion san-

guine en urgence, il faut penser à prélever, dans lamesure du possible, des échantillons de sang avantla transfusion, pour guider la recherche étiologiquequi ne sera plus possible dans les semaines suivantla transfusion (groupe sanguin, test de Coombsdirect, dosage des enzymes érythrocytaires, élec-trophorèse de l’hémoglobine...).

Interrogatoire

L’interrogatoire doit porter sur les antécédentsmaternels et familiaux, obstétricaux, sur le dérou-lement de la grossesse et de l’accouchement.

Antécédents maternels et familiauxIl faut préciser :

• l’origine ethnique ;• les antécédents maternels ou familiaux d’ané-mie hémolytique congénitale (alphathalassé-mie, déficit en G6PD, pyruvate kinase [PK]),antécédents de splénectomie, de transfusionsà répétition, hémodialyse, maladie auto-immune ;

• le groupe sanguin et rhésus de la mère.

Tableau 3 Clinique et biologie en fonction du type d’anémie.

Clinique Biologie Bilan étiologiqueAnémies parhémorragie

• Pâleur • Attention, taux d’Hb parfois nor-mal dans les 1res heures

• Recherche hémorragie interne(échographie abdominale, ETF,FO...)

• Anasarque en cas d’hémorragiechronique prolongée

• Hyper-réticulocytose • Test de Kleihauer

• Signes de choc en cas d’hémorra-gie aiguë• Pas d’ictère ni HSM

Anémies parhémolyse

• Pâleur + ictère précoce avec uri-nes claires et selles non décolorées

• Hyperréticulocytose • Test de Coombs

• ± spléno- ou hépatomégalie • Hyperilirubinémie libre • Dosage enzymes érythrocytaires• Possible anasarque en cas d’hé-molyse anténatale isolée

• Électrophorèse de l’Hb• Étude morphologique des GR

Anémies centrales • Pâleur isolée • Taux de réticulocytes faible • Myélogramme• Aplasie ou hypoplasie érythrocy-taire au myélogramme

HSM : hépatosplénomégalie ; FO : fond d’œil, ETF : échographie transfontanellaire ; Hb : hémoglobine ; GR : globules rouges.

201Anémie néonatale précoce : orientation diagnostique

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En cas de rhésus maternel négatif, il faut recher-cher un geste en cours de grossesse (amniocentèse,prélèvement de sang fœtal [PSF]...), ou toute autresituation (traumatisme...) à risque d’immunisationanti-D chez la mère.

Antécédents obstétricaux

Il faut rechercher les antécédents obstétricauxet/ou néonataux inexpliqués (mort in utero, ana-sarque fœtal, anémie néonatale, ictère néonatalintense).

Grossesse actuelleIl faut rechercher :

• les prises médicamenteuses, les épisodes in-fectieux inexpliqués ;

• les gestes invasifs en cours de grossesse (am-niocentèse...), un traumatisme, une manœu-vre de version.

AccouchementIl faut préciser :

• si l’accouchement s’est fait par voie basse oupar césarienne ;

• s’il y a eu une anomalie du placenta, du cordon(circulaire, serré...).

Tableau clinique

Le diagnostic clinique d’anémie néonatale n’est pastoujours évident : même si les signes sont habituel-lement évocateurs, la pâleur peut être masquéepar l’érythrose classique du nouveau-né ou parl’existence d’un ictère débutant, voire par unecoloration ethnique foncée.

Il faut rapidement en évaluer le degré de gravitéet, selon la tolérance de l’enfant, envisager untraitement en urgence.

L’examen clinique peut être normal, avec pâleurisolée, ou associer de façon variable (Tableau 4) :

• des signes d’anémie aiguë ou chronique : pâ-leur, tachycardie, tachypnée ; en cas d’anémiesévère, on peut observer un tableau d’anasar-que fœtale qui serait due en partie à l’insuffi-sance cardiaque résultant de l’anémie ;

• des signes d’hémolyse : ictère d’apparitionprécoce durant les 36 premières heures de vie,splénomégalie, rarement présente à la nais-sance.

Il faut rechercher une cause directe de l’anémie,parfois au premier plan (céphalhématome volumi-neux, saignement extériorisé) ou des signes en rap-port avec la cause de l’anémie (ictère, splénomé-galie).

Bilan

Chez l’enfant (Fig. 2)On vérifie :

• l’hémogramme avec le taux d’hémoglobine quiaffirme le diagnostic. Sur une première lame,on peut aussi observer des anomalies morpho-logiques des globules rouges qui orienterontvers une anomalie de membrane (sphérocy-tose, elliptocytose...) ;

• le taux de réticulocytes ± érythroblastes : unchiffre élevé oriente vers une hémorragie ouune hémolyse, un chiffre bas vers une insuffi-sance médullaire ;

• le bilan d’hémolyse : bilirubine libre : unehyperbilirubinémie libre oriente vers une ori-gine hémolytique. Le dosage de l’haptoglobinea peu d’intérêt en période néonatale car sontaux est bas de façon physiologique chez lenouveau-né ;

• le groupe sanguin, rhésus et test de Coombsérythrocytaire : recherche d’une incompatibi-lité avec le groupe et le rhésus de la mère,

Tableau 4 Caractères distinctifs entre anémie aiguë etchronique en salle de naissance. D’après Francoual C et al.,Pédiatrie en maternité 2e édition.

Anémie aiguë Anémie chroniqueSignes cliniques Pâleur et collap-

susPâleur et hépatos-plénomégalieou anasarquefœto-placentaire

Signes radiologi-ques

Volume du cœurdiminué

Volume du cœurnormalou augmenté

Signes biologiques Hématocrite nor-mal initialement,baisse secondaire

Réticulocytose éle-vée

Principales causes Hémorragie aiguë Hémorragie chroni-que

• placenta : – fœtomaternelle– placenta praevia – fœto-fœtale

(jumeaux)– hématome rétro-placentaire– incision trans-placentaire

Hémolyse chroni-que

• cordon • incompatibilités :– rupture, proci-dence

– Rh D, C et E

– insertion véla-menteuse

– Kell, autres

– ligature défec-tueuse– transfusionfœto-placentaire

Infection à Parvo-virus

– transfusionfœto-maternelle

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avec coombs positif qui affirme l’origine immu-nologique de l’anémie.Un bilan plus poussé est réalisé en fonction de

l’orientation : dosages enzymatiques (G6PD, PK),électrophorèse de l’hémoglobine (alphathalassé-mie), recherche d’anomalies de membrane, test derésistance osmotique...

Chez la mèreOn réalise :

• le taux d’hémoglobine et la recherche de si-gnes de carence martiale ;

• le groupe sanguin, le rhésus, le test deCoombs, la recherche d’agglutinines irréguliè-res (RAI) ;

• le test de Kleihauer : il repose sur la détectiond’hématies fœtales dans le sang maternel etobjective une transfusion fœtomaternelle.Si une infection virale est suspectée, il faut

refaire des sérologies sur sérum gardé en cours degrossesse (parvovirus B19...).L’étude morphologique des hématies des deux

parents (recherche sphérocytose, elliptocytose...)est réalisée.Secondairement en cas de diagnostic chez l’en-

fant, un bilan plus poussé est réalisé chez les pa-rents à la recherche de l’anomalie (alphathalassé-mie, déficit en G6PD...) en vue d’un conseil pourune éventuelle prochaine grossesse.

Conclusion

L’anémie est un problème relativement fréquenten période néonatale. L’enquête étiologique doitcomporter, dans un premier temps, une étude ap-profondie de l’anamnèse familiale et obstétricale,un examen clinique et des examens biologiquessimples qui permettront de mettre en évidence uncertain nombre de causes. Dans un second temps,des examens plus spécifiques sont réalisés, le butétant d’aboutir à un diagnostic et de permettre uneprise en charge adaptée de l’enfant et de safamille.

Références

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ANEMIE =

VGM

N

Réticulocytes

BilirubineN

Coombs -+Hémorragie aiguë

Hémolyse immune(ABO, Rh, autres groupes..)

Erythropathie

MorphologieSpécifique Non-spécifique

SphérocytoseElliptocytosePycnocytose

Enzymopathies(G6PD, PK)

Autres anomaliesde membrane

GB, plaquettes N

Aplasieérythrocytaire(Parvo B19,Blackfan-Diamond)

Infections(CMV,Rubéole,Bactéries…)

Hémorragie chronique intra-utérineAnémie sidéroblastique

α-thalassémie

Taux d’hémoglobine

Figure 2 Orientation diagnostique en fonction de la biologie. VGM : volume globulaire moyen ; CMV : cytomégalovirus ; G6PD : glucose6-phosphate déshydrogénase ; PK : pyruvate kinase

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