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Département Universitaire des Soins Infirmiers Enseignement 2.1 S2 Anthropologie de la maladie et de la santé Anthropologie du corps 1 A. DUMOND Professeur d’anthropologie médicale

Anthropologie du corps 1 A. DUMOND Professeur d ’ anthropologie médicale

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Département Universitaire des Soins Infirmiers Enseignement 2.1 S2 Anthropologie de la maladie et de la santé. Anthropologie du corps 1 A. DUMOND Professeur d ’ anthropologie médicale. L ’ image du corps. - PowerPoint PPT Presentation

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Page 1: Anthropologie du corps 1 A. DUMOND Professeur d ’ anthropologie médicale

Département Universitaire des Soins Infirmiers Enseignement 2.1 S2 Anthropologie de la maladie et de la santé

Anthropologie du corps 1

A. DUMONDProfesseur d’anthropologie médicale

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L’image du corps

• L’image du corps est la représentation que se fait le sujet de son corps. Elle s’organise autour:

• D’une forme : limite précise dans l’espace.

• D’un contenu : un univers cohérent et familier où s’inscrivent des sensations prévisibles et reconnaissables.

• Du savoir : la connaissance, par l’individu de l’idée que la société se fait du corps humain. (biomédical)

• La valeur : le jugement social qui entoure les attributs physiques qui le caractérisent (estime de soi).

• Ces quatre composantes dépendent du contexte social, culturel, relationnel, et personnel.

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Représentation du corps comme dissociée de l’homme

• Les sociétés occidentales développent l’anatomophysiologie (savoir biomédical).

• L’acteur social dit « mon corps » sur le modèle de la possession. (paradoxe: appartenance d’un objet distinct). « c’est le corps qui commence à s’user », « c’est mon cholestérol ».

• Cette représentation se transforme au contact des nouvelles technologies (scanner, IRM), un corps décrypté par un savoir.

Rembrandt, La Leçon d’anatomie du professeur Tulp, huile sur toile 162x216, Mauritshuis, La Haye.

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• Le corps est une barrière qui délimite le sujet des autres. (objet de scission).

• Objet que l’on doit modeler pour qu’il révèle notre moi intérieur.

• Le vocabulaire anatomique strictement indépendant de toutes autres références marque bien cette séparation.

• La médecine hospitalière a pu pousser le paroxysme jusqu’à appeler ses patients par leurs organes malades.

• « Le rein de la 28, la prostate de la 46 ».

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• Le malade n’est que le réceptacle d’un événement physiologique (la maladie) qui advient à son corps.

• La médecine moderne a favorisé une vision instrumentale du corps : « on répare un corps ».

• « C’est dans la maladie que nous nous rendons compte que nous ne vivons pas seuls mais enchaînés à un être d’un règne différent, dont des abîmes nous séparent, qui ne nous connaît pas et duquel il est impossible de nous faire comprendre : notre corps. »

• M. Proust, À la recherche du temps perdu, III, Le Côté de Guermantes, Paris, Gallimard, 1988, p. 288.

• Cette vision amène le malade à se placer passivement entre les mains du médecin et à attendre que le traitement reçu face son effet: être patient.

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La représentation du corps comme constituant de l’homme

• Dans les sociétés dites communautaires, où le sens de l'existence de l'homme marque une soumission au groupe, au cosmos, à la nature, le corps est un assemblage de ces forces.

• L'homme n'est pas un individu (c'est-à-dire indivisible et distinct), mais nœud de relations.

• Il n’y a pas de coupure entre l’intérieur et l’extérieur.

• « Je ne suis pas seul dans mon corps ». Par le corps l’individu noue une relation avec « quelque chose qui n’est pas soi », qui change selon les cultures.

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• Dans les sociétés d’Afrique de l’Ouest comme les Dogons, les Bambara, les Sénoufos ou les Lobi, le façonnement du corps est inséparable de la relation étroite qui unit les vivants à leurs ancêtres, garants de prospérité et de fécondité.

• L’individu est conçu comme étant la réunion éphémère de Puissances qui s’ordonnent le temps d’une vie, avant de se défaire.

• Le corps se constituent de trois composantes:1. L’enveloppe corporelle, la peau2. Le double 3. Le principe vital 

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• En 1980, une étude a été faite dans un petit village de Bourgogne, Minot, par Yvonne Verdier, sur le comportement de la femme lors des règles et de sa relations avec l’environnement.

• Pendant leur règle, les femmes ne sont pas fertiles, par contact, elles entraveraient tout processus de transformation rappelant la fécondation.

• Cette croyance sur l’influence du corps indisposé est ancienne.

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• Des techniques corporelles comme le yoga, l’acupuncture, le chamanisme, le zen, la radiesthésie, le magnétisme..., cherchent à retrouver le lien symbolique entre l’homme et la nature.

• Les limites corporelles tels que les rognures d’ongles ou les cheveux continuent, même séparés du corps, à renfermer une partie des principes vitaux de la personne. (magie, possession, sorcellerie…) Carte d’acupuncture

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Les valeurs du corps

• Un système de valeur divise les différents organes et les différentes fonctions du corps humain, selon les sociétés.

• Les usages du corps sont également pris dans des réseaux de significations symboliques, qui ne trouvent pas forcément une explication fonctionnaliste et rationnelle.

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La suprématie de la main droite

• En 1909, Robert Hertz met en évidence la symbolique sociale attachée à la prééminence de la main droite.

• Dextérité et gaucherie

• Ainsi, on remarque qu’il se forme un lien entre valeur symbolique et valeur morale.

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• Le visage a la valeur la plus élevée du corps humain. L’altération du visage peut être vécue comme une privation d’identité.

• Au Japon, ce que nous attribuons au cœur et au cerveau se situe dans l’abdomen (hara). L’abdomen est considéré comme le siège de la vie. Les Japonais distinguent un grand nombre de troubles abdominaux que nous ne distinguons pas et ils s'en préoccupent énormément. L’un des pays où le cancer de l’estomac est le plus présent.

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La greffe d’organes

• La médecine des greffes est une médecine de l’identité. Les années 1960 et 1970 ont vu naître une nouvelle ère, celle des greffes (le principe a toujours existé dans l’imaginaire humain). Ces modifications interrogent l’homme sur son rapport au corps.

• Dans la greffe, médicalement le corps est envisagé comme autre que l’homme qu’il incarne, il perd son ancienne valeur morale et voit s’accroître sa valeur technique (objet), voir marchande (prix).

• Après une greffe, il y a changement d’identité (respirer avec les poumons d’un autre, sentir les battements d’un autre cœur). Développement de phantasmes concernant le donneur avec les quelques indices (femme, sportif, jeune).

• L’allogreffe est le terme utilisé pour désigner la greffe d’un organe humain vers un autre humain. (individu-société)

• La xénogreffe consiste en une greffe d’organe animal sur l’homme. (nature-culture)

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• Qu’est ce qui me rend humain ? La condition humaine est corporelle. (monstre).

• Quand le corps est blessé, l’image du corps est également blessée. Il existe des blessures narcissiques, des atteintes insupportables à notre propre image. Les greffes sont toutes différentes les unes des autres mais la greffe des mains pose des problèmes spécifiques.

• - Parce qu’elle est visible.- Parce qu’elle provient d’un cadavre.- Parce qu’elle n’est pas immédiatement fonctionnelle.

• « Cette greffe ne sauve pas la vie. Elle fait bien plus. Elle donne la vie. » (patient)

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Corps et communication

• Le corps est l'espace qui se donne à l'appréciation des autres. C'est par lui que nous sommes nommés, reconnus, singularisés et identifiés à une appartenance sociale.

• La peau enveloppe et incarne la personne en la distinguant des autres ou en la reliant à eux selon les signes utilisés.

• Comme le langage verbal, le corps est un support de communication, de parole, entre deux individus parlant la même langue des gestes.

• Dans les interactions, le geste est réellement un support de sens.

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• Le corps est donc l’interprète d’une partition que sa culture et sa société lui ont donné.

• L’espace même entre les corps est socialement et culturellement codé. (sphère privée/sphère publique)

• Les modalités dynamiques du corps varient en fonction de l’éducation reçue, les manières dont le corps se meut (marche, alimentation, sexualité…).

• La position assise peut être inconnue dans certaines sociétés au bénéfice de la position accroupie. Certaines femmes urineront et enfanteront debout.

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Des représentations culturelles

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Les inscriptions corporelles

• Traces de démarcation avec la nature et les autres communautés d'appartenance.

• Elles ont différentes significations : sexualisation, passage à l'âge

adulte, beauté, érotisme, fécondité, hiérarchie, protection...

• Elles permettent une conformité corporelle, qui sépare le normal de l’anormal, les « membres » du groupe des « étrangers ».

• Elles sont indélébiles ou provisoires.

• Le marquage social et culturel du corps peut s’accomplir à travers une écriture directe du collectif sur la chair de l’individu.

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Soustraction rituelle d’un fragment du corps (excision, circoncision, limage des dents, épilation, …)

Limage des dents dans l’île de Bali en Indonésie dans une communauté hindouiste.

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Modification de la forme du corps (allongements du crâne par procédés de contention, déformation des pieds, système de corset, amaigrissement...).

• Les membres de la tribu des Mangbetus (Congo), recouraient, jusque dans la première moitié du XXe s., à la déformation crânienne comme signe distinctif d’appartenance à leur culture.

• Le pied en Chine, est la partie du corps la plus sensuelle.

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Marquage dans l’épaisseur de la chair (scarification, incision, cicatrice saillante...).

Femme enceinte de la tribu Karo Omo Valley (Ethiopie du Sud) Papou scarification ventrale Incision homme

(Burkina Faso)

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• Inscriptions sous la forme de tatouages définitifs ou provisoires, de maquillage…

• Les peintures corporelles qui participent à établir la communication avec les forces de l'au-delà permettent à l'individu d'accéder à une dimension supra humaine.

• Surma, peuple de l’Omo entre le Kenya et le Soudan

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Peuple Wodaabe au Niger Les rencontres permettant les mariages d'amour ont lieu lors du geerewol.

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• À l'inverse de la peinture et du maquillage, superficiels et passagers, les tatouages sont définitifs.

• Aux îles Marquises, en Nouvelle-Zélande et au Japon, le tatouage manifeste le plus de complexité, tendant à envahir le corps tout entier.

Chef polynésien tatoué

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Usage de bijoux ou d’objet rituels qui réorganisent la forme du corps.

Une femme Padaung dans le nord de la Thaïlande. Allongement du cou par des anneaux.

Au Brésil, Les Kayapo placent des plateaux de terre cuite

dans la lèvre inférieure.

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L’art du piercing

Femme indienne Femme massai

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Peuple de chasseurs et d’horticulteurs de la forêt amazonienne, les Yanomami habitent un territoire situé de part et d’autre de la

frontière du Brésil et du Venezuela.

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Le traitement des cheveux ou plus généralement du système pileux est un autre type de marquage corporel sur lequel le collectif

tend à exercer un contrôle rigoureux.

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• De même dans nos sociétés individualistes, quiconque ne se reconnaît pas dans son existence peut intervenir sur sa peau pour la ciseler autrement.

• Agir sur elle revient pour l'individu à modifier l'angle de sa relation au monde.

• Les marquages permettent d’occuper un statut, un rôle, une position sociale. En un regard on identifie tout individu rencontré.

• La profondeur de la peau est inépuisable pour fabriquer de l'identité.

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Conclusion

• Le corps n’existe pas à l’état naturel, il est toujours saisi dans la trame du sens social.

• Les représentations du corps dépendent de la manière dont la personne voit, conçoit et comprend le monde qui l’entoure.

• Ces représentations sont sociales et personnelles.

• Georges Canguilhem s’inscrit dans une tradition philosophique qui non seulement reconnaît mais valorise le fait que le corps porte en lui le risque et la potentialité d’erreur ; car c’est aussi ce qui fait sa richesse.

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Bilbiographie et filmographie

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