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1 Sri Lankã Prajathanthrika Samajavadi Janarajaya Cinghalais Illankai Chananaayaka Chosalisa Kudiyarasu Tamoul République démocratique socialiste du Sri Lanka Fiche d’identité : Langue officielle : Cinghalais, Tamoul Capitale : Colombo Forme de l’état : République Président : Mahinda Rajapaksa Superficie : 65 610 km² 1 er ministre : Ratnasiri Wickremanayake Population : 21 128 773 hab. Densité : 288 hab. /km² Indépendance : du Royaume Uni, le 4 février 1948 Monnaie : Roupie (LKR) 1€->~155 LKR

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Sri Lankã Prajathanthrika Samajavadi Janarajaya

Cinghalais

Illankai Chananaayaka Chosalisa Kudiyarasu

Tamoul

République démocratique socialiste du Sri Lanka

Fiche d’identité : Langue officielle : Cinghalais, Tamoul Capitale : Colombo

Forme de l’état : République Président : Mahinda Rajapaksa

Superficie : 65 610 km² 1er ministre : Ratnasiri Wickremanayake

Population : 21 128 773 hab. Densité : 288 hab. /km²

Indépendance : du Royaume Uni, le 4 février 1948 Monnaie : Roupie (LKR) 1€->~155 LKR

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1. Présentation générale

C’est un pays insulaire situé au sud-est de l’Inde dans l’océan Indien, dont il est séparé par le

détroit de Palk et le golfe de Mannar. L'île mesure environ 440 km de long, et sa largeur maximale atteint 220 km. Sa superficie est de 66 000 km², soit l’équivalant de la république d’Irlande (ou environ une fois et demie la Suisse ou deux fois les Pays-Bas). Mais le Sri Lanka paraît minuscule à comparer à son grand voisin, l'Inde, dont la superficie est de 3,2 millions de kilomètres carrés, ce qui représente une taille de 50 fois plus grosse. La capitale et la ville la plus importante de l'île est Colombo, avec ses deux millions d’habitants. La capitale et la ville la plus importante de l'île est Colombo, avec ses deux millions d’habitants. En réalité, Colombo est devenue la capitale commerciale et économique, alors que Sri Jayawardenepura Kotte est la capitale administrative et politique (judiciaire, législative, etc.).

Le pays est divisé en neuf provinces : Centre, Centre-Nord, Est, Nord, Nord-Est, Ouest, Sabaragamuwa, Sud et Uva.

Le drapeau du Sri Lanka représente les minorités avec à gauche des bandes verticales verte (l'islam) et orange (les Tamouls), puis à droite un lion jaune portant une épée (l'autorité) sur fond brun et quatre feuilles (symbole bouddhiste). Le lion sri-lankais repose sur une légende racontée dans le Mahavamsa (écrit au VIe siècle par le moine bouddhiste Maha nama, frère du roi Dhatusena de Ceylan). Des astrologues auraient prédit à un roi du Bengale que sa fille unique serait un jour l’épouse du roi des animaux. Afin d'empêcher cette prophétie, le roi enferma sa fille. Mais celle-ci s’échappa du palais et rencontra sur la route une caravane de marchands. Au cours du voyage, la caravane fut attaquée par un lion qui, ému pas sa beauté, épargna la petite fille. Il l'entraîna dans sa tanière et ils s'aimèrent. Leurs descendants fondèrent le royaume de Lanka et prirent le nom de Sinhala, les «fils du lion», d'où ce symbole sur le drapeau national.

Quant au mot Lanka, il signifie en sanskrit «la Resplendissante». Ce sont les Portugais qui nommèrent l'île Ceilão; ils l'occupèrent de 1505 à 1635. Les Hollandais l'appelèrent Zeilan, les Britanniques, Ceylon, et les Français, Ceylan. Ce nom resta jusqu'au 22 mai 1972, soit jusqu'à l'indépendance, alors que l'île reprit son ancien nom de Lanka, précédé de Sri signifiant «joie» (ou «bénédiction»), afin d'ajouter une connotation religieuse.

2. Données démolinguistiques

La population sri lankaise est très diversifiée, même si elle comprend deux groupes principaux: les Cinghalais et les Tamouls. Les Cinghalais forment le groupe majoritaire avec 69 % de la population et habitent principalement la partie sud-ouest de l’île. Les Tamouls comptent plusieurs communautés: Adi Dravida, Sri Lankais maures, Tamouls proprement dits, Vellalan, Agamudaiyan, Viswakarma, Maravan, Brahmanes, Indiens maures, Malayali, Kuravan et Shaikh. Avec 4,8 millions de locuteurs du tamoul, Les Tamouls comptent pour 25,2 % de la population.

Au plan géographique, les 25 % de Tamouls occupent une proportion considérable de territoire: à l’exception de la côte sud-ouest, ils contrôlent tout le Nord et toute la côte est, ainsi qu’une petite partie de la côte sud de l’île, sans compter une portion importante du centre de l’île. Ainsi, ils occupent près de 50 % du territoire national. De plus, les Tamouls peuvent compter sur l’appui de

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leurs «frères» de l’Inde, la plupart installés dans l'État du Tamil Nadu, qui ne se privent guère de leur fournir des armes et une forte aide financière.

Cependant, il existe deux catégories de Tamouls: les Tamouls autochtones et les Tamouls indiens. Les Tamouls autochtones sont aussi connus comme les «Tamouls sri-lankais». Ce sont les descendants d'un groupe de Tamouls qui a migré du sud de l'Inde il y a plusieurs siècles. Quant aux Tamouls indiens, ce sont les descendants récents des Tamouls venus travailler dans les plantations britanniques dans le sud du Ceylan. Aujourd'hui, encore installés dans le Sud (en territoire cinghalais), les Tamouls indiens travaillent dans les plantations de thé, généralement dans des conditions déplorables. Pour les Cinghalais, les Tamouls indiens forment une communauté distincte des Tamouls autochtones. Parce qu'ils vivent surtout en zones mixtes (donc avec des Cinghalais), ils sont plus facilement «manipulables» et font l'objet de nombreux «chantages» de la part de la majorité cinghalaise. Au cours des années soixante, le gouvernement sri lankais a bien tenté d'expulser quelque 600 000 Tamouls indiens vers l'Inde, mais les négociations avec le pays n'ont pu se concrétiser devant le refus des Tamouls indiens de «s'expatrier». Depuis lors, beaucoup sont devenus «apatrides» aux yeux du gouvernement sri lankais.

2.1 Les langues officielles: cinghalais et tamoul et anglais - Le cinghalais : Le cinghalais (ou sinhala) est une langue indo-iranienne, à l'instar de l'hindi, du

bengali, etc., qui proviennent toutes du sanskrit. Le cinghalais est donc apparenté aux langues du nord de l'Inde. Cette langue était à l'origine parlée par les habitants du royaume de Ceylan, dont les locuteurs provenaient du nord de l'Inde au Ve siècle avant notre ère; la langue a conservé les caractéristiques de cette époque. Le cinghalais est resté aussi très proche du sanskrit.

Alphabet cinghalais Alphabet tamoul (quelques lettres)

- Le tamoul : Le tamoul (ou tamil en tamoul) est apparenté aux langues du sud de l'Inde, mais c'est la plus ancienne des langues dravidiennes. Le tamoul est parlé non seulement au Sri Lanka par la communauté tamoule (environ 3,7 millions de locuteurs), mais également dans l'État du Tamil

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Nadu (langue officielle), à Pondichéry (langue officielle), à Singapour (langue officielle), dans l'île de La Réunion (langue minoritaire) et l'île Maurice (langue minoritaire). Il existe aussi des communautés parlant le tamoul aux îles Fidji, en Malaisie, en Birmanie, en Afrique du Sud, en Guadeloupe, aux États-Unis, au Canada, en France, en Australie, etc. Au total, il y aurait environ 74 millions de locuteurs du tamoul dans le monde, dont 62 millions uniquement en Inde. Comme le cinghalais, le tamoul possède un alphabet particulier.

- L'anglais : L'anglais n'est une langue maternelle que par peu de locuteurs au Sri Lanka, soit un peu plus de 10 000. C'est l'ancienne langue coloniale amenée par les Britanniques. L'anglais a conservé un grand prestige au Sri Lanka. Cette langue est utilisée dans la rédaction des lois, les journaux, les affaires, l'éducation, etc. Mais l'anglais parlé par beaucoup de Sri-lankais n'est pas l'anglais standard, c'est un anglais particulier appelé Singlish (< Sinhalese + English) ou, plus fréquemment, Sinenglish, une variante locale mêlée de mots cinghalais et tamouls. Il convient de distinguer le Sinenglish du Sri Lankan English, qui demeure un «anglais sri lankais», alors que le Sinenglish est considéré comme du «mauvais anglais», une langue mixte parlée par les masses peu instruites. Il n'en demeure pas moins que cet anglais peu prestigieux est davantage parlé que l'anglais standard et qu'il devient à la fois un symbole d'identification et un instrument de communication efficace entre les ethnies.

2.2 Les autres groupes ethniques Mais on compte plusieurs autres groupes ethniques au Sri Lanka, dont les Ambalavasi et les

Mapilla, parlant le malayalam (3,2 %) et les Télougous, Vaddars, Waggai, Faqir et Rajput parlant le télougou (1,0 %). Les autres langues sont moins importantes, mais elles sont nombreuses: goudjarati (0,4 %), bengali, chinois, anglais, ourdou, arabe, baloutchi, birman, sindhi, marathi, konkani, vedda, maldivien, farsi, javanais, mauricien, somali, etc.

On compte aussi quelques langues créoles, dont une d'origine malaise (le créole sri lankais malais), le créole indo-portugais et le créole mauricien. Par ailleurs, on dénombre environ 10 000 Britanniques qui parlent l’anglais comme langue maternelle. On estime qu’environ 10 % de la population sri lankaise peut s’exprimer en anglais. Il s’agit d’un anglais assez particulier appelé l'anglais sri lankais, et généralement influencé par des emprunts au tamoul.

S'ajoute à la dimension ethnique, l'appartenance religieuse différente des deux grandes communautés. Les Cinghalais sont bouddhistes, alors que les Tamouls sont en majorité hindous. Le bouddhisme constitue donc la principale religion du pays et rassemble environ 70 % (dont à quelque 90 % de Cinghalais) de la population, l'hindouisme, 15 % (dont à 80 % de Tamouls). En plus des bouddhistes cinghalais et des hindouistes tamouls, le pays abrite des musulmans et des chrétiens. Les musulmans parlent pour la plupart le tamoul, tandis que les chrétiens appartiennent aux deux grandes communautés linguistiques (cinghalaise et tamoule). Les habitants musulmans du Sri Lanka sont considérés comme constituant un groupe ethnique particulier, c'est-à-dire distinct des Cinghalais et des Tamouls.

3. Données historiques

Autrefois habitée par des tribus australoïdes dont descendent les Veddas, l'île fut colonisée quelque cinq siècles avant notre ère par des Indo-Européens, les ancêtres des Cinghalais d’aujourd’hui. Le bouddhisme aurait été introduit au IIIe siècle avant notre ère par le prince indien Mahinda, fils ou frère de l'empereur indien Ashoka. Cette religion s'implanta dans l'île qui devint un bastion du bouddhisme.

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Puis, deux siècles plus tard, les Tamouls du sud de l’Inde tentèrent de conquérir l’île (appelée Ceylan). Ils restèrent très liés sur les plans culturel et religieux (hindouisme) à l'État du Tamil Nadu (Inde), leur «pays d'origine». Les deux grands groupes ethniques se constituèrent de petits royaumes. Au cours des siècles, les rois étaient parfois cinghalais parfois tamouls. Avant la période coloniale et l'arrivée des missionnaires chrétiens, il n'y avait généralement pas d'antagonisme entre les différents groupes religieux de l'île. Les «frontières ethniques» étaient relativement «poreuses» et imprécises. Pendant plusieurs siècles, les mariages mixtes furent même fréquents; par exemple, des rois cinghalais du royaume de Kandy au centre du pays épousèrent des femmes tamoules afin de consolider les liens entre les différentes ethnies. Néanmoins, des tensions entre les communautés subsistaient, car certaines organisations bouddhistes développèrent chez les Cinghalais des complexes de supériorité aux dépens des Tamouls.

Par ailleurs, à partir du VIIIe siècle, et ce, jusqu’au XIIIe siècle, l’expansion de l’islam et la domination du commerce arabe firent en sorte que des musulmans s’installèrent en grand nombre au Ceylan et plusieurs épousèrent des femmes tamoules. Ce phénomène s'est produit à une grande échelle au XIIIe siècle lorsque les Cinghalais commercèrent avec les Arabes.

3.1 La domination européenne Les habitants de l’île de Ceylan connurent trois dominations européennes successives: celle des

Portugais, celle des Hollandais, puis celle des Britanniques.

- La période portugaise (1505-1568) : L’arrivée des Européens débuta dans les premières années du XVIe siècle, avec l'implantation des Portugais (1505-1568) qui introduisirent des missionnaires catholiques. Les Portugais s’installèrent d’abord dans le nord de l’île, donc en «terre tamoule», et pratiquèrent un catholicisme agressif. Ils détruisirent plusieurs temples hindouistes et obligèrent un certain nombre de Tamouls à se convertir au catholicisme. L'île fut nommée Ceilão.

Lors de la colonisation portugaise, l’administration de l’île fut scindée en deux: il y eut une administration, une justice, un gouvernement pour les Tamouls et un autre système parallèle pour les Cinghalais ; les documents officiels étaient rédigés généralement en portugais.

La domination portugaise irrita le roi de Kandy qui, pour protéger son royaume, demanda l’aide des Hollandais, les concurrents directs des Portugais sur le plan commercial en Asie. Dès 1638, les Hollandais s'emparèrent de certains lieux. Les derniers Portugais abandonnèrent l’île en 1668.

- La période hollandaise (1568-1796) : Les Hollandais changèrent le nom de l'île en Zeilan. Ils

pratiquèrent la dualité administrative comme les Portugais: un système pour les Tamouls, un autre pour les Cinghalais. Cependant, la plupart des documents officiels étaient rédigés soit en néerlandais soit en tamoul, le cinghalais étant totalement ignoré. Les nouveaux colonisateurs introduisirent à leur tour leur religion, le calvinisme. Les missionnaires hollandais voulurent imposer leur religion au sein de la population locale. Beaucoup de Tamouls et de Cinghalais se convertirent à la nouvelle religion pour des raisons économiques ou sociales. Puis, tous les autochtones, Tamouls comme Cinghalais, subirent la répression et la discrimination, tant de la part des «catholiques agressifs» que des «calvinistes militants». Au moment du départ des colons hollandais, tous les groupes bouddhistes et hindouistes avaient, dans une certaine mesure, adopté le discours et les méthodes du radicalisme religieux.

En cette fin du XVIIIe siècle, Français, Hollandais et Anglais exerçaient une concurrence féroce au plan commercial. Les Anglais décidèrent de s’attaquer aux possessions hollandaises et d’enlever l'île de Ceylan. L'île tout entière passa aux mains des Anglais en devenant Ceylon (Ceylan en français).

- La colonisation britannique (1796-1948) : L'île de Ceylan fut annexée officiellement par les

Britanniques, qui en firent une colonie de la Couronne en 1802. Dès lors, une seule administration unifiée vit le jour pour la première fois dans l'histoire de l'île. Après avoir vaincu les dernières

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résistances avec la prise du royaume de Kandy (au centre du pays), les Anglais développèrent les plantations de thé et d'hévéas. Afin de fournir de la main-d’œuvre appropriée, les Anglais importèrent des Tamouls indiens pour travailler dans leurs plantations. C'est depuis ce temps qu'il existe les deux catégories de Tamouls: les Tamouls autochtones et les Tamouls indiens.

Les Britanniques mirent en place un système d'écoles gérées à la fois par l'État et par l'Église anglicane ; ils écartèrent l'éducation bouddhiste traditionnelle et dépossédèrent ainsi les moines d'une de leurs plus importantes fonctions dans la société cinghalaise. Ils favorisèrent la rupture des liens entre le bouddhisme et l'État, ce qui souleva des rancunes au sein de la communauté cinghalaise d’obédience bouddhiste. Les missionnaires anglicans tentèrent d'angliciser la population sri lankaise en instaurant des écoles de langue anglaises ; ils croyaient ainsi que l'instruction en anglais contribuerait à «civiliser» la population. Le gouvernement colonial fonda des écoles publiques conçues spécifiquement pour les jeunes Britanniques surtout dans des villes comme Colombo, Kandy et Galle. L'apprentissage de l'anglais présentait des avantages considérables pour les Sri-lankais, car la connaissance de cette langue leur permettait d'obtenir des emplois plus prestigieux. Pour les Sri-lankais anglicisés, le cinghalais et le tamoul furent réservés pour communiquer avec les aînés, les domestiques et les moines.

Toutefois, parce que le développement économique du Sri Lanka dépendait essentiellement de la main-d'œuvre agricole, les administrateurs crurent nécessaire de limiter l'éducation anglaise. En 1889, le gouverneur du Sri Lanka avait écarté l'instruction complète en anglais en déclarant qu'il créerait «une génération d'instruits oisifs», qui se croiraient au-dessus des autres qui travaillaient. Une commission sur l'éducation créée en 1906 soutint que l'apprentissage de l'anglais n'était ni appropriée ni désirable pour tous les Sri-lankais parce qu'il inciterait la majorité des travailleurs à désirer une autre vie.

En général, l’influence des missionnaires anglicans suscita beaucoup moins d’hostilité chez les Tamouls hindouistes. Ce n’est certainement pas dû au hasard si les écoles tamoules furent mieux gérées et si, dans l’ensemble, les Tamouls furent plus instruits que les Cinghalais, firent des études supérieures, parlèrent mieux l'anglais et, par le fait même, furent fréquemment employés dans l'administration britannique. Par exemple, alors qu’ils constituaient 15 % de la population, les Tamouls accaparaient plus de 30 % des postes universitaires; dans les principales facultés, ils comptaient même autant d’étudiants que les Cinghalais. Par voie de conséquence, le nombre des Tamouls était beaucoup plus élevé que les Cinghalais dans la fonction publique, les professions reliés à la médecine et au droit (avocats). Alors qu'ils formaient environ 15 % de la population, les Tamouls occupaient quelque 40 % des emplois du gouvernement. Les Britanniques avaient décidé de favoriser la minorité tamoule, parce que celle-ci leur paraissait plus familière dans la mesure où leurs frères indiens, dans l’actuel Tamil Nadu au sud-est de l’Inde, étaient déjà leurs sujets. Cette discrimination souleva des réactions nationalistes chez les Cinghalais et suscita de fortes animosités à la fois envers les Britanniques et les Tamouls. Pour les Cinghalais, il s'agissait d'un «favoritisme colonial» fondé sur le vieux principe éprouvé qui consistait à «diviser pour régner». C'est ce qui expliquerait, de la part de certains historiens, les conflits actuels entre la majorité cinghalaise et la minorité tamoule.

À la suite des nombreux mouvements de résistance menés par les Cinghalais, le gouvernement de Londres décida, en 1931, d’octroyer une autonomie interne à l’île de Ceylan (ou Ceylon). En 1944, le gouvernement chargea la Commission Soulbury de trouver les moyens de transférer éventuellement le pouvoir entre les mains des Ceylanais, et ce, d'une manière équitable entre les deux principales ethnies de l'île. La communauté tamoule, pour sa part, réclamait 50 % de la représentation parlementaire pour les Cinghalais et 50 % pour les Tamouls. La Constitution dite de Soulbury de 1947 (Ceylon Order in Council), qui énonçait les modalités de la décolonisation, n'a pas retenu les demandes des Tamouls, puisqu’elle préconisa, conformément au droit anglais prévoyant une personne/un vote, une représentation de 65 % pour les Cinghalais et de 35 % pour les Tamouls. Elle favorisa le concept du gouvernement par la majorité cinghalaise et un système politique fortement centralisé ; les droits des minorités n'y furent guère protégés. Pour la première fois, les Tamouls n'étaient plus protégés. Bien que l'article 29 interdisait toute discrimination sur la base de la

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religion ou de l'appartenance ethnique, aucune disposition ne garantissait l'indépendance du pouvoir judiciaire ou protégeait les droits fondamentaux de la minorité tamoule.

Il s'agissait d'un renversement de situation. La majorité cinghalaise, devenue très nationaliste au cours de la colonisation britannique, s'opposait aux politiques de la Grande-Bretagne et se méfiait des Tamouls qui avaient été «protégés» et avantagés sous ce régime. Une fois le pays indépendant, les Cinghalais allaient prendre leur revanche et considérer le Ceylan comme «leur» pays aux dépens de la minorité tamoule.

3.2 L’indépendance L’île de Ceylan accéda à l'indépendance en février 1948 dans le cadre du Commonwealth.

Malgré l'indépendance proclamée, l'île de Ceylan ne fut pas entièrement coupée de la Grande-Bretagne. Seule l’administration de l’île fut laissée aux Ceylanais, tandis que le gouvernement britannique détenait encore le pouvoir d’adopter des lois pour le Ceylan. Lors de l’accession à l’indépendance, le premier parlement de Colombo comptait 58 Cinghalais, 29 Tamouls et 8 Musulmans. Les Cinghalais dominèrent aussitôt la politique, la justice, l’administration, l’armée et l’économie, ce qui provoqua au sein de la minorité tamoule une profonde animosité et les conforta dans leur crainte de voir s'instaurer dans le pays une «dictature de la majorité».

Ce pressentiment n’était pas sans fondement, car certains intellectuels cinghalais propageaient depuis longtemps le concept de la «mission» de la «race cinghalaise», comme en fait foi cette déclaration de D. C. Vijayawardhana dans The Revolt in the Temple (1953):

L'histoire du Sri Lanka est l'histoire de la race cinghalaise: le peuple cinghalais était chargé, il y a 2500 ans, d’une grande et noble mission: la préservation du bouddhisme. [...] Ainsi, la naissance de la race cinghalaise n'apparaîtrait pas comme un fruit du hasard, mais comme un événement prédestiné d’une grande importance et aux ambitions élevées. La nation semblait désignée, en quelque sorte, dès le début, pour porter haut durant cinquante siècles la lumière qui fut allumée par le grand penseur mondial (Bouddha) il y a vingt-cinq siècles.

Cette prétendue «grande et noble mission» de la «race cinghalaise» fut interprétée comme un fait historique par la population majoritaire, puis utilisée par les dirigeants bouddhistes qui luttèrent pour perpétuer ainsi leur règne sur l'île. La plupart des politiciens cinghalais suivirent le mouvement, car tous devinrent en quelque sorte des «otages» de la hiérarchie bouddhiste qui détient, encore aujourd’hui, le pouvoir de vie et de mort sur toutes les carrières politiques.

Dès la première année de l’indépendance, le gouvernement cinghalais modifia la Loi sur la citoyenneté ceylanaise dans le but de diminuer le nombre de la représentation tamoule. Ainsi, le gouvernement supprima la citoyenneté à un million de «Tamouls des montagnes» — dont les ancêtres avaient été installés dans l'île par les Anglais, comme coolies, depuis 1827 — sous prétexte qu’ils étaient de descendance «indienne». De cette façon, dans un laps de temps très court, les Cinghalais purent réduire d'un tiers la représentation tamoule au Parlement.

- La «dictature de la majorité» : En 1956, alors qu’il avait axé sa campagne électorale sur la primauté de la langue, de la culture et de la religion cinghalaises, le Sri Lanka Freedom Party (SLFP), c'est-à-dire le Parti sri lankais de la liberté, prit le pouvoir avec l'appui de nombreux dirigeants bouddhistes. Le gouvernement adopta la politique du «Cinghalais seulement», laquelle était destinée à faciliter l'accès des bouddhistes à la fonction publique et à l'université. De plus, le gouvernement du Ceylan adopta une première loi linguistique, la Official Language Act (Loi sur la langue officielle), déclarant que «le cinghalais est le langue officielle du Ceylan». Pour les Cinghalais, qui avaient acquis leur indépendance en 1948, cette loi sur la langue de 1956 était une façon pour eux de prendre leur distance par rapport aux Britanniques en abandonnant formellement l'anglais, mais les Tamouls y ont vu un moyen détourné pour les Cinghalais majoritaires d'imposer leur volonté à la minorité. Les autorités cinghalaises pratiquèrent la même politique colonialiste que les Britanniques, mais en favorisant cette fois la majorité cinghalaise aux dépens de la minorité tamoule. Les parlementaires

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cinghalais se considéraient comme les héritiers légitimes d'une communauté qui avaient été exclue du pouvoir durant la période coloniale. L'officialisation d'une seule langue était perçue par les Cinghalais comme une façon économique de faire fonctionner le nouvel État, d'autant plus que le cinghalais était une langue autochtone de l'île parlée par les deux tiers de la population. L'exclusion du tamoul et de l'anglais paraissait donc normale, car elle allait permettre de rehausser le statut de la langue majoritaire.

- La guerre civile et la sécession : Devant le bannissement du tamoul comme langue officielle et le sentiment d’être injustement traités par le pouvoir en place, les Tamouls eurent une réaction violente: toute la population tamoule se souleva. Devant la résistance des Tamouls, la loi de 1956 (Official Language Act) a été considérablement modifiée en 1958 par la Loi sur la langue tamoule (Tamil Language Act). Mais la loi ne changea pas la situation qui se détériorait pour les Tamouls, d'autant plus que les dispositions législatives ne furent pas appliquées. En 1970, tout l'appareil de l'État était redevenu presque entièrement cingalais, avec des milliers de fonctionnaires tamouls obligés de démissionner en raison de leur insuffisance, présumée ou réelle, de la connaissance du cinghalais. C'est à cette époque qu’est née chez les Tamouls la volonté de s’affranchir de l’État centralisateur et d’affirmer leur autonomie.

Comme si le gouvernement cinghalais n’avait absolument rien compris les véritables enjeux, il nationalisa en 1961 les écoles tamoules, ce qui obligeait les Tamouls à apprendre le cinghalais. Le nationalisme cinghalais favorisa l’émergence du militantisme tamoul. Depuis, les conflits ethniques entre Cinghalais et Tamouls déchirent périodiquement le pays, jusqu’à menacer l'existence même de l'État. Si le nouvel État indépendant avait eu la présence d'esprit de proclamer le cinghalais et le tamoul comme les deux langues officielles du pays, il est probable que le Sri Lanka aurait pu éviter cette longue guerre. Par ailleurs, la suppression de l'anglais dans l'appareil de l'État fut plus difficile que prévu, notamment dans les transactions commerciales, l'enseignement supérieur, la technologie, la science, etc. L'anglais avait continué de servir comme valeur sociale, culturelle et économique, malgré la valorisation du cinghalais.

Le conflit entre Cinghalais et Tamouls prit une nouvelle tournure à la fin des années soixante-dix, quand le principal parti politique de la communauté tamoule, le Front uni de libération des Tamouls, demanda la création d’un État indépendant dans la province du Nord et la province de l’Est. En même temps, les Tamouls décrétèrent l'unilinguisme tamoul dans les deux provinces. Mais la Constitution de 1972, qui détachait définitivement l’île de Ceylan du Royaume-Uni, et la naissance de la République socialiste démocratique du Sri Lanka ne modifièrent pas les rapports de force entre Tamouls et Cinghalais. D'une part, cette constitution faisait de l’État sri lankais le protecteur du bouddhisme, ce qui irritait les Tamouls, de religion hindouiste.

D'autre part, l’État maintenait les zones tamoules dans un sous-développement économique chronique et décida même d'y implanter des colons cinghalais dans les provinces traditionnellement tamoules. Les Tamouls et leurs représentants rejetèrent la Constitution de 1972 et exigèrent du gouvernement de la modifier et de reconnaître les droits constitutionnels de la nation tamoule, tout cela sans nécessairement mettre en péril l'unité du pays. Les Tamouls considéraient être dans une situation de colonialisme en privant leur nation de son territoire, de sa langue, de sa souveraineté, de sa vie économique, de ses emplois et de son éducation, afin de détruire les fondements de l'autonomie du peuple tamoul. Évidemment, le gouvernement ignora totalement les revendications, tout en promettant des améliorations importantes.

Mais les Tamouls refusèrent de se laisser endormir par les «promesses» des Cinghalais. En 1974, les activistes politiques tamouls continuèrent de prôner la création, dans le nord du pays, d'un État séparé. L'Eelam tamoul devint le nom du pays rêvé par les Tamouls, tandis que les Cinghalais furent appelés mlechchas (les «impurs»). Devant la montée incessante des revendications tamoules, la majorité cinghalaise considéra comme un «compromis» la nouvelle Constitution de 1978, qui abolissait nécessairement celle de 1972. L’article 18 de la Constitution de 1978 déclarait que «la langue officielle du Sri Lanka est le cinghalais»; que «le tamoul est aussi une langue officielle» et que

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«l'anglais est la langue véhiculaire». Cette disposition permettait d’accorder un rôle accru et officiel à la langue tamoule dans la province du Nord et la province de l’Est pour ce qui a trait à l’Administration, la justice et l’éducation. De plus, l'article 9 imposait le bouddhisme comme religion d'État.

Puis les tensions persistèrent et continuèrent de s’accroître, en raison, entre autres, des inégalités économiques croissantes, ce qui entraîna même un durcissement des revendications tamoules.

À partir de 1983, les dissidents tamouls, regroupés au sein des Tigres de la libération de l'Eelam tamoul (LTTE) entrèrent en rébellion ouverte contre le régime de Colombo. La volonté de sécession fut exacerbée par les émeutes anti-tamoules, dont les actions se caractérisèrent par des attentats terroristes et des commandos-suicides. D’ailleurs, les dirigeants cinghalais en avaient pris leur parti et, comme en témoigne en 1983, J. R. Jayawardene, le président du Sri Lanka, ils ne se soucièrent plus des Tamouls:

Je ne me soucie pas de l'opinion du peuple tamoul... Maintenant, nous ne pouvons pas penser à lui, ni à sa vie ni à son opinion... Plus vous mettrez de pression sur le Nord, plus heureux sera le peuple cinghalais ici... Vraiment, si je peux priver de nourriture les Tamouls, le peuple cinghalais sera heureux. [Daily Telegraph, Colombo, 11 juillet 1983].

De leur côté, les Tamouls en vinrent à recourir à des mesures désespérées. Depuis 1985, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul commencèrent à utiliser une unité appelée le «Women's Front»: des fillettes y effectuaient des missions suicides et portaient des capsules de cyanure à leur cou qu'elles devaient croquer en cas de capture. De leur côté, les forces de sécurité cinghalaises en vinrent à massacrer à l’aveuglette les Tamouls, tandis que la torture devint une pratique courante. Comme si ce n’était pas assez, les Cinghalais adoptèrent en août 1983 une modification à la Constitution du Sri Lanka, laquelle rendit vacants les sièges des parlementaires élus du peuple tamoul. Décidément, les Cinghalais ne comprennent pas rapidement ce qu'il conviendrait de faire.

En 1987, après que les forces armées cinghalaises eurent mis fin à une offensive sur la ville de Jaffna (à l'extrême nord), les gouvernements de l'Inde et du Sri Lanka signèrent un accord (l'accord dit «indo-sri lankais») qui prévoyait une action politique et militaire concertée en vue de mettre un terme au conflit dans le Nord. Dans un premier temps, les sécessionnistes tamouls acceptèrent de ne pas affronter les troupes indiennes, en échange de promesses d'autonomie, mais revinrent sur leur position. Cet Accord indo-sri-lankais de 1987 reconnaissait quelques concessions aux Tamouls et précisait que le tamoul et l'anglais étaient aussi des langues officielles. De fait, la Constitution de 1987 amenait des changements notables dans le domaine des droits de la minorité tamoule. Le tamoul devint l’une des deux langues nationales du Sri Lanka (articles 19 et 22). Le cinghalais reste la langue officielle et administrative dans tout le pays, sous réserve que le tamoul est aussi utilisé comme langue administrative dans les provinces du Nord et de l’Est. Il y était également prévu de déléguer des pouvoirs administratifs à ces deux provinces. Celles-ci seraient temporairement unies pendant un an, après quoi les habitants de la province de l’Est pourraient, «à la discrétion du président», décider par référendum si elles souhaitent former une unité administrative séparée. Mais on ne nota dans les faits aucun changement significatif dans les droits des Tamouls.

L’année suivante, ce furent les citoyens cinghalais qui, à leur tour, protestèrent contre la présence des «troupes étrangères» sur leur territoire. Le président Premadasa, élu en 1989, fut assassiné en 1993, l'attentat étant attribué à un Tamoul. La guerre civile reprit, sauf pour un court cessez-le-feu de quatorze semaines conclu en 1995. Le 26 janvier 1998, le gouvernement interdit le LTTE après un attentat suicide à Kandy, lieu saint du bouddhisme. Le clergé bouddhiste est toujours demeuré sur ses positions: il resta hostile à toute revendication tamoule. En 1991, le LTTE s'est mis à dos son plus important allié, en envoyant un kamikaze tuer le premier ministre indien Rajiv Ghandi, en représailles contre une mission indienne de maintien de la paix, qui a mal tourné. En 1998, le gouvernement sri lankais imposa l'anglais comme matière obligatoire dans les écoles primaires. Il n'avait pas pensé que le système d'éducation ne disposait pas d'un nombre suffisant d'enseignants

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qualifiés. Le gouvernement allait s'en rendre compte en 2001 lorsque les premiers étudiants durent subir un examen d'anglais. Il fallut remettre en question les programmes.

- Vers le fédéralisme ? Le 3 août 2000, afin de mettre fin à la guerre, le gouvernement du Sri

Lanka présenta au Parlement un projet de Constitution fédérale accordant une importante dévolution de pouvoirs aux Tamouls. Ce projet constitue sans doute, depuis le début de la rébellion en juillet 1983, le premier geste déterminant effectué par un gouvernement sri lankais (ou cinghalais) envers les Tamouls, qui se plaignent des nombreuses mesures de discrimination de la communauté cinghalaise à leur égard.

Toutefois, l’autonomie dont il est question n’est pas l'indépendance, car le gouvernement propose aux Tamouls une forme de fédéralisme, d'ailleurs «indissoluble». C’est pourquoi les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) ont rejeté cette révision constitutionnelle et ont réclamé à nouveau l’indépendance pure et simple. Pour sa part, le gouvernement cinghalais avait prévenu que, si les Tamouls rejetaient ces propositions, la guerre allait continuer. Elle s'est poursuivie!

- Un échec prévisible : Selon les statistiques officielles du gouvernement sri lankais, quelques 20

000 rebelles tamouls auraient été tués en quinze ans de conflit (depuis 1985) entre la guérilla des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et les troupes gouvernementales; pour leur part, les rebelles ont fait état de 16 000 morts. Depuis 1995, plus d’un demi-million de Tamouls de Jaffna (ville du Nord) sont sur les routes de l’exode: habitations détruites à 80 % dans la ville même de Jaffna, pénuries de vivres, d’électricité et de médicaments, massacres, viols, enlèvements, torture, destructions, etc. Certains parlent de «génocide» et d’«épuration ethnique» menés par les forces cinghalaises à l’encontre du peuple tamoul. La région demeura complètement fermée au reste du monde. En décembre 2000, la présidente du Sri Lanka (Mme Chandrika Kumaratunga) déclarait dans une entrevue accordée en français à la presse occidentale: «Je n’arrive toujours pas à comprendre comment une société civilisée comme la nôtre a pu devenir si animale, si bestiale.» C'est justement ce qualificatif qui revient souvent dans le bouche des Tamouls: les Cinghalais seraient pires que des «animaux».

Pourtant, la situation n’est pas si difficile à comprendre. Le colonialisme luso-hollando-britannique a implanté l’antagonisme religieux et ethnique dans l’île. Au lendemain de l’indépendance, les Cinghalais ont voulu reprendre ce qu'ils estimaient comme le «terrain perdu» et ont réduit considérablement les droits des Tamouls en instaurant la «dictature de la majorité». Or, ce n’était certainement pas de cette façon qu’ils espéraient favoriser la paix dans le pays. Les Tamouls se sont radicalisés, le clergé bouddhiste également qui représente la «religion d'État». Les conflits ethniques ont dégénéré en guerre civile, une guerre enlisée et sans issue, parce que les deux camps sont fortement armés. Le gouvernement maintient indéfiniment un régime d'urgence et applique une série de lois anti-démocratiques qui servent à imposer essentiellement la loi martiale dans le Nord et dans l’Est, à emprisonner sans procès des centaines de Tamouls et à intimider les médias et leurs adversaires politiques. Parce que le pays est «sous un régime de guerre», le gouvernement cinghalais est justifié d’imposer des lois interdisant les grèves, les réunions publiques et les protestations, et en imposant une censure dans tous les médias. Plusieurs journaux ont été fermés pendant que l’État engloutissait 40 % de ses revenus dans l’«effort de guerre». Le militarisme et le chauvinisme cinghalais coûtent cher!

En somme, au lendemain de l’indépendance, les Cinghalais ont fonctionné en terme d’«État-nation», alors que la structure sociale du pays était manifestement binationale. L’échec était d’autant plus prévisible que cette politique d’uniformisation se réalisait sur une base autocratique. Dès lors, le recours à la violence était inévitable. De plus, loin d’enrayer les mouvements d’émancipation tamoule, la mobilisation cinghalaise ne réussit qu’à les renforcer et les confirmer dans leur volonté de rupture avec cet État-nation dont les Tamouls étaient exclus. Ce processus s'apparente à d'autres cas semblables dans le monde tels que le Soudan, Israël, le Kosovo de Slobodan Milosevic, l'Indonésie, l'Irak, etc.

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- Des actes manqués : Fait troublant: lorsque le tsunami du 26 décembre 2004 a déferlé sur le Sri Lanka en faisant plus de 30 000 morts, les autorités cinghalaises se sont laissé traîner les pieds avant de secourir le Nord tamoul. Les Tigres pour la libération de l'Eelam tamoul ont reproché au gouvernement sri lankais d'avoir tardé à envoyer de l'aide dans les zones sinistrées tamoules. Évidemment, Colombo a affirmé qu'il n'y avait aucune discrimination dans la distribution de l'aide, entre le Nord tamoul et le Sud cinghalais. Les Tigres de libération ont aussi accusé le gouvernement de ne pas laisser passer les dons privés envoyés vers ces régions, car l'armée sri lankaise avait envahi tous les centres de charité et exigé que les approvisionnements d'urgence lui soient remis et non pas directement à la population. Le ministère de la Défense a repoussé ces accusations, affirmant que ses services cherchaient simplement à assurer une distribution équitable de l'aide. La situation réelle dans les territoires du Nord est demeurée difficile à vérifier parce que le gouvernement sri lankais a restreint l'accès aux régions tamoules. La présidente du Sri Lanka serait personnellement intervenue pour empêcher le secrétaire général de l'ONU de se rendre dans le Nord-Est afin d'éviter que les Tigres n'exploitent cette visite à des fins politiques. On pouvait espérer que, en raison des tsunamis, la communauté internationale allait s'intéresser davantage au Sri Lanka, ce qui aurait contribué à résoudre le conflit entre Tamouls et Cinghalais.

Finalement, après vingt-cinq ans de guerre civile, la mort du chef rebelle Velupillai Prabhakaran en mai 2009 a scellé la défaite de l'armée des Tigres de libration de l'Eelam tamoul (KTTE). L'armée régulière sri lankaise contrôle désormais tout le nord du pays. Les pays de l'Union européenne ont demandé une enquête sur d'éventuels crimes de guerre commis à l'encontre des populations civiles. Si les Tamouls sont militairement battus, ils ne sont pas pour autant devenus pro-cinghalais. Le long conflit qui vient de se terminer aura fait près de 100 000 morts, dont 7000 seulement entre janvier et mai 2009. Il y a maintenant un long travail de reconstruction à faire. Et l'opération commence mal: le gouvernement sri lankais, afin de traquer les derniers membres des Tigres, a bouclé les camps de réfugiés tamouls, où s'entassent dans des conditions déplorables quelque 290 00 personnes, des déplacés de guerre. Dans les faits, ce sont des détenus sans avoir subi un procès, ce qui constitue une violation par le Sri Lanka du droit international. Leur crime, c'est d'être suspectés d'avoir été «contaminés» par la propagande des Tigres; ils sont donc perçus par le gouvernement comme des terroristes potentiels. Des immigrants sri lankais des États-Unis ou du Canada ont réussi à faire sortir des membres de leur famille de ces camps en donnant des pots-de-vin de 2000 $ US à 5000 $ US aux gardes armés. De plus, ces gardes armés vendent la nourriture fournie par les pays occidentaux. Au Sri Lanka, il existe des partis politiques ultranationalistes et hostiles à toute concession aux Tamouls, le Parti national-marxiste (JVP) et le Parti des moines bouddhistes (JHU). Dans ces conditions, il n'y aurait de paix possible que par la liquidation complète de la population tamoule. De son côté, le gouvernement américain a ordonné à la Croix-Rouge américaine de ne pas distribuer de biens humanitaires dans les territoires tamouls, même pas lorsqu'ils sont sous le contrôle cinghalais.

4. Bibliographie (disponible à la bibliothèque du Triangle)

TITRE : Les îles de l'Océan Indien 01. / A. Sjukur, I Nyoman Jendra… TYPE DOC. : CD. LOCALISATION : Triangle adulte 037 A.ILE TITRE : Puspurani, une enfant du Sri Lanka / Béatrice Ingermann. TYPE DOC. : LIVRE. LOCALISATION : Triangle enfant 915.4 ING

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TITRE : Récifs / Romesh Gunesekera TYPE DOC. : LIVRE. NOTE : Ceylan, 1962. Triton a onze ans quand il entre au service d'un dandy solitaire. Il apprend à polir l'argenterie, à cuisiner une dinde de Noël digne de la vieille Angleterre et à observer les rapports de son maître avec Nili, jeune femme non conformiste. Un roman d'éducation, un roman d'amour et un roman politique sur fond de paradis perdu. LOCALISATION: Triangle adulte R GUN s TITRE : L'ile aux tortues / Michel Girin Camille Meyer. TYPE DOC. : LIVRE. LOCALISATION : Triangle enfant R GIR i TITRE : Au Sri Lanka et aux Maldives / Patrick de Panthou TYPE DOC. : LIVRE. LOCALISATION : Triangle adulte 915.493 PAN TITRE : Le domaine / Lester James Peries TYPE DOC. : DVD. LOCALISATION : Triangle adulte F LES

5. Actualités

-> La coalition sortante largement majoritaire au Sri Lanka. Mercredi 21 avril, 07h39 (Reuters France)

La coalition au pouvoir au Sri Lanka a largement remporté les élections législatives du 8 avril, manquant de peu la majorité des deux tiers nécessaire pour amender la constitution, montrent les résultats définitifs du scrutin publiés mardi. L'Alliance pour la liberté du peuple uni (UPFA) du président Mahinda Rajapaksa a obtenu 144 sièges sur les 225 que compte le parlement. La majorité des deux tiers est de 150 sièges. Le principal parti d'opposition, le Parti national uni (UNP), a remporté 60 sièges et l'Alliance nationale tamoule, ancien parti rebelle, comptera 14 élus. Un nouveau vote a eu lieu mardi dans deux districts où des violences avaient perturbé le scrutin le 8 avril. Jean-Stéphane Brosse pour le service français

-> Sri Lanka: Fonseka demande sa remise en liberté. Jeudi 22 avril, 07h50 (Associated Press) L'ancien chef de l'armée sri-lankaise Sarath Fonseka, qui a remporté un siège au Parlement lors des élections générales, a exigé jeudi d'être remis en liberté, qualifiant son placement en détention d'illégal lors de son premier discours d'élu. Sarath Fonseka, candidat malheureux à la présidentielle de janvier au Sri Lanka face au président Mahinda Rajapaksa, a été arrêté en février. Il est notamment accusé d'avoir préparé sa candidature à l'élection présidentielle sans avoir quitté ses fonctions, et attend son procès. L'ancien chef des armées a démenti ces accusations et a remporté un siège au Parlement lors des élections organisées ce mois-ci. Jeudi, il a été escorté par des gardes de son centre de détention jusqu'au Parlement. Il s'est qualifié de "victime d'une détention illégale", exigeant sa remise en liberté. AP