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Techniques au quotidien Apport des examens sérologiques au diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde : les leçons du suivi de 270 malades pendant trois ans Serological tests are instrumental in the diagnosis of rheumatoid arthritis: lessons from a three-year follow-up of 270 patients P. Youinou a, * ,Y. Renaudineau a , V. Devauchelle-Pensec b , A. Saraux b a Laboratoire d’immunologie, CHU, BP 824, 29609 Brest cedex, France b Service de rhumatologie, CHU, BP 824, 29609 Brest cedex, France Reçu le 23 février 2004 ; reçu en forme révisée le 20 avril 2004 ; accepté le 30 juin 2004 Disponible sur internet le 25 septembre 2004 Résumé Le diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde (PR) repose sur un faisceau d’arguments. Les tests biologiques doivent donc être simples et spécifiques, surtout quand il s’agit de reconnaître une PR devant une polyarthrite débutante. Dans ce cas, les anticorps les plus spécifiques sont dirigés contre des séquences citrullinées sur la filaggrine, la kératine et la fibrine et contre les peptides citrullinés et cyclisés (CCP). On dépiste des anticorps anti-CCP au début de la maladie mais la sensibilité du test est médiocre (50 %). Combiner facteur rhumatoïde (FR) et anticorps anti-CCP améliore les valeurs prédictives positives (91 %) et négatives (78 %) de la sérologie pour la PR. Des anticorps antinucléaires existent aussi chez 40 à 50 % de ces patients et il arrive qu’ils reconnaissent l’ADN natif ou les antigènes nucléaires solubles. Au total, associer anti-CCP et FR facilite le diagnostic de PR débutante. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The diagnosis of rheumatoid arthritis (RA) is based on a cluster of arguments. Biological tests are, therefore, selected to be as simple as specific, notably to identify RA when facing an early arthritis. Antibodies specific for RA are directed against citrullinated sequences present in filaggrin, keratin, fibrin and cyclic citrullinated peptides (CCP). Anti-CCP antibodies appear at the onset of the disease but the sensitivity of such a test is moderate (50%). Combining rheumatoid factor (RF) with anti-CCP antibodies improves the positive (91%) and negative predictive values (78%) of serology for RA.Antinuclear antibodies also exist in 40–50% of these patients, some being specific for native DNA, others for soluble nuclear antigens. On the whole, anti-CCP antibodies associated with RF render less difficult the early diagnosis of RA. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Anticorps anti-CCP ; Facteur rhumatoïde ; Anticorps antinucléaire Keywords: Rheumatoid arthritis; Anti-CCP antibodies; Rheumatoid factor; Antinuclear antibody La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une redoutable entité, parce que sa fréquence est élevée, que son diagnostic prête à confusion et que, si on ne la prévient pas, son évolution condamne le malade à l’impotence au bout de quelques années. Un kaléidoscope en balaie les aspects essentiels (Fig. 1) : les articulations sont déformées par des tuméfac- tions ; les épiphyses qui les constituent, parsemées de géo- des ; les synoviales qui les encapuchonnent, bondées de lymphocytes ; et les anomalies sérologiques qui en résultent, tellement nombreuses que le laboratoire joue un rôle décisif quand il s’agit d’en poser le diagnostic. Il est encore plus * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.Youinou). Immuno-analyse & Biologie spécialisée 19 (2004) 306–310 www.elsevier.com/locate/immbio 0923-2532/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.immbio.2004.06.009

Apport des examens sérologiques au diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde : les leçons du suivi de 270 malades pendant trois ans

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Techniques au quotidien

Apport des examens sérologiques au diagnostic de la polyarthriterhumatoïde : les leçons du suivi de 270 malades pendant trois ans

Serological tests are instrumental in the diagnosis of rheumatoid arthritis:lessons from a three-year follow-up of 270 patients

P. Youinou a,* , Y. Renaudineau a, V. Devauchelle-Pensec b, A. Saraux b

a Laboratoire d’immunologie, CHU, BP 824, 29609 Brest cedex, Franceb Service de rhumatologie, CHU, BP 824, 29609 Brest cedex, France

Reçu le 23 février 2004 ; reçu en forme révisée le 20 avril 2004 ; accepté le 30 juin 2004

Disponible sur internet le 25 septembre 2004

Résumé

Le diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde (PR) repose sur un faisceau d’arguments. Les tests biologiques doivent donc être simples etspécifiques, surtout quand il s’agit de reconnaître une PR devant une polyarthrite débutante. Dans ce cas, les anticorps les plus spécifiques sontdirigés contre des séquences citrullinées sur la filaggrine, la kératine et la fibrine et contre les peptides citrullinés et cyclisés (CCP). On dépistedes anticorps anti-CCP au début de la maladie mais la sensibilité du test est médiocre (50 %). Combiner facteur rhumatoïde (FR) et anticorpsanti-CCP améliore les valeurs prédictives positives (91 %) et négatives (78 %) de la sérologie pour la PR. Des anticorps antinucléaires existentaussi chez 40 à 50 % de ces patients et il arrive qu’ils reconnaissent l’ADN natif ou les antigènes nucléaires solubles. Au total, associeranti-CCP et FR facilite le diagnostic de PR débutante.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The diagnosis of rheumatoid arthritis (RA) is based on a cluster of arguments. Biological tests are, therefore, selected to be as simple asspecific, notably to identify RA when facing an early arthritis. Antibodies specific for RA are directed against citrullinated sequences presentin filaggrin, keratin, fibrin and cyclic citrullinated peptides (CCP). Anti-CCP antibodies appear at the onset of the disease but the sensitivity ofsuch a test is moderate (50%). Combining rheumatoid factor (RF) with anti-CCP antibodies improves the positive (91%) and negativepredictive values (78%) of serology for RA. Antinuclear antibodies also exist in 40–50% of these patients, some being specific for native DNA,others for soluble nuclear antigens. On the whole, anti-CCP antibodies associated with RF render less difficult the early diagnosis of RA.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Anticorps anti-CCP ; Facteur rhumatoïde ; Anticorps antinucléaire

Keywords: Rheumatoid arthritis; Anti-CCP antibodies; Rheumatoid factor; Antinuclear antibody

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une redoutable entité,parce que sa fréquence est élevée, que son diagnostic prête àconfusion et que, si on ne la prévient pas, son évolutioncondamne le malade à l’impotence au bout de quelques

années. Un kaléidoscope en balaie les aspects essentiels(Fig. 1) : les articulations sont déformées par des tuméfac-tions ; les épiphyses qui les constituent, parsemées de géo-des ; les synoviales qui les encapuchonnent, bondées delymphocytes ; et les anomalies sérologiques qui en résultent,tellement nombreuses que le laboratoire joue un rôle décisifquand il s’agit d’en poser le diagnostic. Il est encore plus

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Youinou).

Immuno-analyse & Biologie spécialisée 19 (2004) 306–310

www.elsevier.com/locate/immbio

0923-2532/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.immbio.2004.06.009

important d’y consentir tous les efforts, depuis la consécra-tion de médicaments récents, comme le méthotrexate, etl’avènement de nouveaux agents, comme ceux qui s’oppo-sent au TNFa. Il est conseillé de traiter le patient le plus tôtpossible, il est donc avisé d’identifier son affection le plusrapidement possible.

1. Les facteurs rhumatoïdes

Les facteurs rhumatoïdes (FR) sont des autoanticorps diri-gés contre le Fc des IgG de l’homme ou contre celui des IgGdes autres espèces que l’homme. Elles sont représentées icipar le lapin [6]. Les FR historiques sont des IgM pentaméri-ques qui agglutinent les particules sur lesquelles ont étéfixées les IgG qui leur servent de cibles (Fig. 2) : IgG del’homme quand c’est le test du latex qui les met en évidence,IgG de lapin quand c’est la réaction de Waaler-Rose. Lapremière technique est parfois remplacée par la néphélémé-trie, la seconde souvent complétée par des Enzyme-LinkedImmunoSorbent Assays (Elisa). Ces derniers permettent dedétecter, non seulement les IgM pentamériques dotées d’uneactivité FR, mais également les IgM monomériques, les IgGet les IgA dirigées contre les IgG de lapin. En regroupant lesrésultats disponibles dans la littérature ancienne (Tableau 1),on estime que des FR antihomme apparaissent dans 76 pourcent des cas de PR et les FR antilapin dans 64 pour cent descas. Mais, la durée d’évolution au terme de laquelle sontdépistés ces FR n’est pas précisée. De plus, on les retrouvedans les maladies de système, en particulier dans le syn-

drome de Gougerot-Sjögren (SGS), dans les infections, no-tamment dans l’endocardite d’Osler et dans des états patho-logiques variés, par exemple dans la cirrhose éthylique.Notons au passage que la spécificité des FR antilapin pour laPR est meilleure que celle des FR antihomme. Dans lecontexte de la PR, les FR de classe IgG font craindre ledéveloppement d’une vascularite et les FR de classe IgAdénoncent l’existence d’un SGS secondaire.

Fig. 1. En procédant dans le sens des aiguilles d’une montre à parti de midi, la polyarthrite rhumatoïde provoque une inflammation des articulations distales,creuse de géodes les épiphyses osseuses (flèches), infiltre la synoviale de lymphocytes (flèche) et suscite une efflorescence d’autoanticorps.

Fig. 2. Le test du latex et la réaction de Waaler-Rose mettent en évidence desfacteurs rhumatoïdes agglutinant des IgG d’homme dans le premier cas, desIgG de lapin dans le second. Les Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assays(Elisa) où l’anticorps révélateur est conjuguée à une enzyme (E) détectentceux qui ne sont pas agglutinants.

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2. Les anticorps antinucléaires

L’étude des anticorps antinucléaires (AAN) commenceévidemment par un dépistage. La technique est l’immuno-fluorescence indirecte (IFI), non plus sur des coupes de foieou de rein de souris ou de rat, mais sur des frottis de cellulesprovenant de lignées -habituellement on choisit des cellulesHEp-2. Si, comme tout à l’heure, on fait la moyenne de tousles résultats qui sont disponibles dans la littérature (Fig. 3),en regroupant d’un côté les malades souffrant d’un lupusérythémateux disséminé (LED) pour servir de témoins posi-tifs, et les sérums normaux pour servir de témoins négatifs del’autre, on s’aperçoit que la recherche d’AAN est positivedans 40 à 50 pour cent des cas de PR, 50 à 75 pour cent descas de sclérodermie systémiques (SS), 50 à 60 pour cent descas de SGS et 24 à 74 pour cent des cas de dermato-polymyosite. L’opérateur passe alors à l’étape suivante :identifier les cibles de ces AAN. Il peut s’agir, parmi lesantigènes nucléaires insolubles, de l’ADN natif des anticorpsdu LED. Ces anticorps sont trouvés plus volontiers par unElisa que par le test de Farr qui est assez spécifique ou par

l’examen sur Crithidia luciliae qui est peu sensible. On lesrencontre chez 10 à 20 pour cent des malades présentant unePR débutante. D’autres AAN se fixent sur des antigènesnucléaires solubles [1], comme les ribonucléoprotéines(RNP). Ces anticorps anti-RNP ne sont pas l’apanage de laconnectivite mixte (CM) comme on l’a initialement pensé,puisqu’on les signale également (Tableau 2) dans 39 % descas de LED, 12 pour cent des cas de SS, cinq pour cent descas de SGS et trois pour cent des cas de PR. Le rhumatismeinflammatoire de ces malades qui consultent pour la premièrefois ne peut donc être attribué ni à un LED au prétexte qu’il ya des anticorps anti-ADN natif, ni à une CM à cause de laprésence des anticorps anti-RNP. Cela va de soi, le diagnosticde PR ne peut pas être écarté sur de tels arguments.

3. Les anticorps antifilaggrine

L’histoire des anticorps antifilaggrine (AAF) s’est dérou-lée pendant deux décennies. La vedette de cette saga estsuccessivement revenue aux anticorps « antipérinucléaires »(APN), aux anticorps « antikératine » (AAK), aux AAF etaux anticorps anti-Citrullinated Cyclised Proteins (CCP).

En quête d’un substrat commode pour dépister les AANpar IFI, des chercheurs hollandais ont prélevé des cellulesbuccales en grattant la face interne de la joue de leurs labo-rantines à l’aide d’un abaisse-langue. Ils se sont aperçus quebeaucoup des sérums qui provenaient de malades souffrantd’une PR contenaient des IgG qui se fixaient sur des granuleskératohyalines entourant le noyau des cellules buccales. Cesnouveaux autoanticorps, baptisés APN, ont depuis été décritsdans 65 à 75 pour cent des cas de PR, chez cinq à dix pourcent des témoins malades et chez trois à cinq pour cent destémoins normaux. Quelques années plus tard, une équipeanglaise a remarqué, qu’une partie de ces sérums reconnais-sent des structures empilées sur la muqueuse de l’œsophagedu rat dont les coupes étaient examinées par IFI. Faute demieux, les AAK étaient intronisés par cette caractéristiquevisuelle.

Ces autoanticorps-là, on les relevait chez 864 des1741 malades atteints de PR (50 pour cent), chez 57 des1189 témoins malades (5 pour cent) et chez 12 des 859 té-moins sains (1 pour cent). Ce qui leur conférait une sensibi-lité oscillant de 43 à 58 pour cent et une spécificité oscillant

Tableau 1Prévalence des facteurs rhumatoïdes (pourcentage des positifs)

Anti-IgGhumaines

Anti-IgGde lapin

Polyarthrite rhumatoïde 76 64Syndrome de Gougerot-Sjögren 96 74Lupus érythémateux disséminé 21 10Maladie de Still 10 5Endocardite d’Osler 48 22Hépatite virale 24 21Viroses bénignes 17 14Cirrhose éthylique 36 16Leucémie lymphoïde chronique 35 16Asthme 17 0Témoins normaux 5 2

Fig. 3. Anticorps anti-nucléaires dépistés par immunofluorescence indirectesur des coupes de foie de rat ou sur des frottis de cellules en lignée dans lelupus érythémateux disséminé (LED), la polyarthrite rhumatoïde (PR), lasclérodermie systémique (SS), le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) etla dermatopolymysite (DM-PM). Les chiffres inscrits dans les colonnes sontles pourcentages de sérums positifs.

Tableau 2Fréquences des anticorps antiribonucléoprotéines dépistés par les techni-ques classiques (immunodiffusion radiale et Elisa)

Nombrede positifs/nombre de testés

Pourcentagede positifs

Connectivite mixte 219/236 93Polyarthrite rhumatoïde 11/323 3Lupus érythémateux disséminé 205/513 39Sclérodermie systémique 13/110 12Syndrome de Gougerot-Sjögren 3/101 3Témoins normaux 0/437 0

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de 88 à 100 pour cent, selon les séries. On a initialementpensé que ces anticorps étaient suscités par de la kératine,mais toutes les études conçues pour tester cette hypothèse ontdonné des résultats négatifs. Si ce n’était pas la kératine, cene pouvait être que l’une des protéines associées à la kéra-tine. La filaggrine en est une, qui émane de la profillagrine et,comme son nom l’indique, agrège les filaments du cytosque-lette dont la kératine n’est qu’un cas particulier. De fait(Fig. 4), les APN conjugués à la fluorescéine et les anticorpsmonoclonaux antiprofilaggrine conjugués à la rhodamines’attachent aux mêmes granules kératohyalins dans les cellu-les buccales. Bref, les uns et les autres reconnaissent lafilaggrine et les autoanticorps sont des AAF. Tout le mérite decette découverte revient à l’équipe dirigée par Guy Serre àToulouse [4]. Il s’est ensuite avéré que ces autoanticorpsétaient dirigés contre certaines séquences de filaggrine à lacondition que leurs arginines aient été déiminées en citrulli-nes.

Bien sûr, c’est par le plus grand des hasards que la molé-cule qui avait exposé ces séquences citrullinées aux sérumsdes malades était la filaggrine. Celle-ci abonde dans lescellules buccales qui desquament et à la surface de la mu-queuse œsophagienne, mais il n’y a pas de filaggrine dans lasynoviale fût-elle rhumatoïde. Des séquences de ce typeexistent dans n’importe quelle protéine, en particulier dans lafibrine qui infiltre la synoviale rhumatoïde. Il est intéressantque la maladie soit associée à certains des allèles de la

peptidyl-arginine déiminase qui est l’enzyme déiminant l’ar-ginine en citrulline (on le sait depuis la fin de 2003 !)

Deux versions de l’Elisa mis au point à partir de peptidessynthétiques [5] sont disponibles dans le commerce. Lesanticorps anti-CCP sont dépistés dans 68 pour cent des cas deRP et dans deux à six pour cent des cas de maladies systémi-ques autres que la PR.

4. En pratique

Nous avons souhaité mettre ces notions à l’épreuve de1995 à 1997 en recrutant 270 nouveaux malades dont lapolyarthrite ne pouvait pas encore être baptisée rhumatoïde[2]. Outre l’examen clinique et le bilan radiologique dont ilsont bénéficié, toute la batterie de tests sérologiques leur a étéappliquée, incluent FR, AAN, APN, AAK et anticorps anti-CCP. Les malades ont été revus tous les six mois pendant

Fig. 4. Un anticorps monoclonal dirigé contre la profilaggrine (flèche) et conjugué à la rhodamine se fixe sur les mêmes granules kératohyalins (flèches) qu’unfacteur antipérinucléaire (flèches) révélé par un anticorps conjugué à la fluorescéine.

Tableau 3Diagnostics de 270 malades ayant consulté pour la première fois pour unepolyarthrite inflammatoire puis suivis tous les six mois pendant trois ans

Polyarthrite rhumatoïde 98 (36 %)Spondylarthrite ankylosante 56Chondrocalcinose articulaire 7Syndrome de Gougerot-Sjögren 6 (41 %)Lupus érythémateux disséminé 5Divers 37Diagnostic non précisé 61 (23 %)

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trois ans et le jugement rendu par un collège de cinq rhuma-tologues au terme de cette évolution (Tableau 3).

Que s’est-il passé ? Dans 36 pour cent des cas, il s’agissaitd’une PR, mais dans les 41 autres c’était un autre rhumatismeinflammatoire comme la spondylarthrite ankylosante, leSGS, le LED et la chondrocalcinose articulaire. Il restait61 patients (23 pour cent) pour qui aucun diagnostic nepouvait être retenu. Sur le plan sérologique (Tableau 4), lesFR de classe IgM offraient une honorable sensibilité de65 pour cent quand ils étaient détectés par un Elisa artisanal,et les anticorps anti-CCP une remarquable spécificité de93 pour cent, alors qu’ils étaient mis en évidence par un Elisade première génération. Il faut néanmoins reconnaître que lavaleur prédictive positive (les vrais positifs parmi les posi-tifs) et la valeur prédictive négative (les vrais négatifs parmiles négatifs) de l’antique test du latex frisent la perfection.

Les prélèvements réalisés au moment de la premièreconsultation ont été conservés dans une sérothèque. Cetteprécaution nous a permis de constater (Fig. 5) que ni l’Elisaanti-CCP de deuxième génération, ni l’Elisa pour anticorpsantifibrine déiminée n’amélioraient notablement les perfor-mances du laboratoire [3].

Sans doute faut-il souligner, en conclusion, que la cliniqueprévaut, même confrontée à des examens biologiques aussiraffinés, remarquer que la sérologie rhumatoïde s’est consi-dérablement diversifiée au cours de ces dernières années etsignaler que le LED n’a pas le monopole des AAN, même deceux qui sont dirigés contre l’ADN natif.

Références

[1] Arvieux J, Youinou P. Anticorps anti-Sm et anti-RNP. In: Meyer O,Rouquette AM, Youinou P, editors. Autoanticorps et mladies auto-immunes. Paris: Biotem; 1999.p. 121–7.

[2] Saraux A, Berthelot JM, Chalès G, Le Hénaff C, Thorel JB, Hoang S,et al. Ability of the American College of Rheumatology 1987 criteriato predict rheumatoid arthritis in patients with early arthritis andclassification of these patients two years later. Arthritis Rheum 2001;44:2485–91.

[3] Saraux A, Berthelot JM, Chalès G, Le Hénaff C, Mary JY, Thorel JB,et al. Value of laboratory tests in early prediction of rheumatoidarthritis. Arthritis Rheum 2002;47:155–65.

[4] Sebbag M, Simon M, Vincent C, Masson-Bessière C, Girbal E,Durieux JJ, Serre G. The antiperinuclear factor and the so-calledantikeratin antibodies are the same rheumatoid arthritis-specificautoantibodies. J Clin Invest 1995;95:2672–9.

[5] Vincent C, Nogueira L, Sebbag M, Chapuy-Regaud S, Arnaud M,Letourmeur O, et al. Detection of antibodies to deiminated recombi-nant rat filaggrin by enzyme-linked immunosorbent assay. ArthritisRheum 2002;46:2051–8.

[6] Youinou P, Le Goff P, Saraux A. Pratique et interprétation des exa-mens biologiques dans les maladies systémiques. In: Kahn MF,Peltier AP, Meyer O, Piette JC, editors. Maladies et syndromessystémiques. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2000.p. 77–128.

Tableau 4Performances des principaux tests biologiques pour la PR devant un rhumatisme inflammatoire débutant

Sensibilité Spécificité Valeur prédictive positive Valeur prédictive négativeTest du latex 55 93 82 78FR IgM par Elisa 65 87 74 73FR IgG par Elisa 59 61 46 72FR IgA par Elisa 44 85 63 73Anticorps antinucléaires 43 71 46 68Antipérinucléaires 52 79 67 74Antikératine 47 94 82 76Antin-CCP (1er génération) 47 93 78 76

Fig. 5. Sensibilité et spécificité pour la polyarthrite rhumatoïde du test dedeuxième génération pour anticorps antiprotéines citrullinées et cyclisées(CCP) et du test de détection des anticorps contre la fibrine dont les argininesont été déiminées en citrullines.

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