4
29 e Congrès national de médecine et santé au travail 144 Arch Mal Prof Env 2006 Apports de l’hygiène du travail à la gestion du risque chimique M. GUILLEMIN Institut Universitaire de Santé au Travail, Lausanne. Rappel des concepts de base La gestion du risque chimique se définit par la mise en pratique d’un processus de décisions qui inclut des considérations politiques, sociales, économiques et techniques relatives au risque pour la santé, de manière à garantir l’utilisation sûre d’une substance [IUPAC, 1990]. Le risque se définit par deux composantes : la gravité de l’effet considéré et la probabilité que cet effet se manifeste. – Risque aigu : Dans le cas d’un accident, la gravité se mesurera en terme de lésions corporelles, d’issue invalidante ou mortelle ou de coûts (absences et autres) et la probabi- lité d’occurrence s’estimera soit avec les statistiques des entreprises, des assurances ou des services nationaux, soit avec des méthodes quantitatives d’analyse de ris- que, tel l’arbre des défaillances. La science du risque aigu et de son analyse dans le milieu professionnel, est très empirique et ne repose pas sur des bases théoriques larges, solides et consen- suelles. L’acceptabilité du risque aigu est fort peu codifiée et se devine simplement à partir du comportement d’une société vis-à-vis des risques qu’elle tolère. C’est lorsque la société décide de prendre des mesures préventives pour limiter un risque (exemple de la ceinture de sécu- rité dans les voitures ou des contraventions pour excès de vitesse) que l’on peut mesurer que le seuil d’accepta- bilité a été dépassé. Dans le milieu professionnel, on estime qu’un risque collectif de une victime par an pour mille personnes exposées (taux approximatif pour les bûcherons) est acceptable. En effet, ni le gouvernement, ni les autres partenaires sociaux ne sont intervenus avec force, pour faire baisser ce taux chez les bûcherons. - Risque chronique La gravité se mesurera elle aussi selon les types attendus de maladies, d’effets (issue mortelle par ex.) ou de lésions et la probabilité s’exprimera sous la forme d’une dose reçue (estimée à partir de l’exposition). Le cœur de cette évaluation du risque chronique est donc la rela- tion dose – réponse pour le danger considéré. Dans le cas des substances chimiques, la gravité se résume par- fois à la toxicité (certains utilisent les phrases de risque) et la probabilité à l’estimation de la dose reçue par une exposition professionnelle. On peut catégoriser grossièrement les relations dose – réponse en deux catégories : 1) – celles pour lesquelles un seuil de non-effet peut être déterminé (NOEL : NO Effect Level) 2) – celles pour lesquelles on n’arrive pas à déceler un seuil de non-effet (il s’agit en particulier des substances mutagènes et cancérigènes) Pour déterminer un risque acceptable, on utilise, pour la première catégorie, la dose de non-effet qu’on divise par un facteur de sécurité qui varie en fonction de l’incertitude des données qui ont servi à construire la relation dose – réponse. Pour la seconde catégorie, on part du risque acceptable par la société (par ex : une victime par an pour 1000 personnes exposées) et on en déduit à partir de la relation dose – réponse, la dose correspondante à ce risque [1]. C’est sur ces bases que sont établies les Valeurs limites Moyennes d’Exposition au poste de travail (VME). Deux problèmes majeurs se posent face à ces risques chimiques chroniques : 1) – sur les 40 à 60 000 substances manipulées quoti- diennement dans toutes sortes d’entreprises, il n’existe des VME que pour environ 600 d’entre elles ; que faire alors pour évaluer le risque lié aux autres substances ? 2) – les VME sont établies pour des substances uniques et non pour des mélanges. Nos connaissances dans ce domaine sont tellement lacunaires que les évaluations de risques pour des mélanges de substances sont très souvent problématiques voire impossibles. Pour tenter de répondre à ces deux défis, la toxicologie industrielle, la médecine du travail et l’hygiène du tra- vail doivent collaborer. Le rôle de l’hygiène du travail Parmi les disciplines qui occupent un place-clé dans la gestion du risque chimique, figure l’hygiène du travail. La démarche de cette science d’ingénieur, se subdivise en trois étapes successives : - identification et détection des dangers, - évaluation du risque, - élimination ou maîtrise du risque. Les compétences nécessaires à la réalisation de ces trois étapes peuvent s’acquérir par des formations universi- taires pré-graduées ou post-graduées dans les pays où cette profession est officiellement reconnue. L’OMS et l’Association Internationale d’Hygiène du Travail (IOHA : International Occupational Hygiene Association) ont défini le cursus nécessaire à la formation des profes- sionnels de ce domaine [WHO, 1992]. En France, de tels cursus n’existent pas mais des formations fragmentaires sont offertes en relation soit avec la sécurité, soit avec la protection de l’environnement, soit encore avec la qualité.

Apports de l’hygiène du travail à la gestion du risque chimique

  • Upload
    m

  • View
    216

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

29e Congrès national de médecine et santé au travail

144 Arch Mal Prof Env 2006

Apports de l’hygiène du travail à la gestion du risque chimique

M. GUILLEMINInstitut Universitaire de Santé au Travail, Lausanne.

Rappel des concepts de baseLa gestion du risque chimique se définit par la mise enpratique d’un processus de décisions qui inclut desconsidérations politiques, sociales, économiques ettechniques relatives au risque pour la santé, de manièreà garantir l’utilisation sûre d’une substance [IUPAC,1990].Le risque se définit par deux composantes : la gravitéde l’effet considéré et la probabilité que cet effet semanifeste.– Risque aigu :Dans le cas d’un accident, la gravité se mesurera enterme de lésions corporelles, d’issue invalidante oumortelle ou de coûts (absences et autres) et la probabi-lité d’occurrence s’estimera soit avec les statistiques desentreprises, des assurances ou des services nationaux,soit avec des méthodes quantitatives d’analyse de ris-que, tel l’arbre des défaillances.La science du risque aigu et de son analyse dans lemilieu professionnel, est très empirique et ne reposepas sur des bases théoriques larges, solides et consen-suelles.L’acceptabilité du risque aigu est fort peu codifiée et sedevine simplement à partir du comportement d’unesociété vis-à-vis des risques qu’elle tolère. C’est lorsquela société décide de prendre des mesures préventivespour limiter un risque (exemple de la ceinture de sécu-rité dans les voitures ou des contraventions pour excèsde vitesse) que l’on peut mesurer que le seuil d’accepta-bilité a été dépassé. Dans le milieu professionnel, onestime qu’un risque collectif de une victime par an pourmille personnes exposées (taux approximatif pour lesbûcherons) est acceptable. En effet, ni le gouvernement,ni les autres partenaires sociaux ne sont intervenus avecforce, pour faire baisser ce taux chez les bûcherons.- Risque chroniqueLa gravité se mesurera elle aussi selon les types attendusde maladies, d’effets (issue mortelle par ex.) ou delésions et la probabilité s’exprimera sous la forme d’unedose reçue (estimée à partir de l’exposition). Le cœur decette évaluation du risque chronique est donc la rela-tion dose – réponse pour le danger considéré. Dans lecas des substances chimiques, la gravité se résume par-fois à la toxicité (certains utilisent les phrases de risque)et la probabilité à l’estimation de la dose reçue par uneexposition professionnelle.

On peut catégoriser grossièrement les relations dose –réponse en deux catégories :1) – celles pour lesquelles un seuil de non-effet peutêtre déterminé (NOEL : NO Effect Level)2) – celles pour lesquelles on n’arrive pas à déceler unseuil de non-effet (il s’agit en particulier des substancesmutagènes et cancérigènes)Pour déterminer un risque acceptable, on utilise, pourla première catégorie, la dose de non-effet qu’on divisepar un facteur de sécurité qui varie en fonction del’incertitude des données qui ont servi à construire larelation dose – réponse. Pour la seconde catégorie, onpart du risque acceptable par la société (par ex : unevictime par an pour 1000 personnes exposées) et on endéduit à partir de la relation dose – réponse, la dosecorrespondante à ce risque [1]. C’est sur ces bases quesont établies les Valeurs limites Moyennes d’Expositionau poste de travail (VME).Deux problèmes majeurs se posent face à ces risqueschimiques chroniques :1) – sur les 40 à 60 000 substances manipulées quoti-diennement dans toutes sortes d’entreprises, il n’existedes VME que pour environ 600 d’entre elles ; que fairealors pour évaluer le risque lié aux autres substances ?2) – les VME sont établies pour des substances uniqueset non pour des mélanges. Nos connaissances dans cedomaine sont tellement lacunaires que les évaluationsde risques pour des mélanges de substances sont trèssouvent problématiques voire impossibles.Pour tenter de répondre à ces deux défis, la toxicologieindustrielle, la médecine du travail et l’hygiène du tra-vail doivent collaborer.

Le rôle de l’hygiène du travailParmi les disciplines qui occupent un place-clé dans lagestion du risque chimique, figure l’hygiène du travail.La démarche de cette science d’ingénieur, se subdiviseen trois étapes successives :- identification et détection des dangers,- évaluation du risque,- élimination ou maîtrise du risque.Les compétences nécessaires à la réalisation de ces troisétapes peuvent s’acquérir par des formations universi-taires pré-graduées ou post-graduées dans les pays oùcette profession est officiellement reconnue. L’OMS etl’Association Internationale d’Hygiène du Travail(IOHA : International Occupational Hygiene Association)ont défini le cursus nécessaire à la formation des profes-sionnels de ce domaine [WHO, 1992]. En France, de telscursus n’existent pas mais des formations fragmentairessont offertes en relation soit avec la sécurité, soit avec laprotection de l’environnement, soit encore avec la qualité.

145

Devenir de la surveillance des risques chimiques dans le contexte de la mobilité professionnelle

Arch Mal Prof Env 2006

ME

RC

RE

DI

3

1

MA

I

Il ne faut pas sous-estimer la difficulté des trois étapesmentionnées ci-dessus, difficulté qui explique quecette science ne peut s’acquérir qu’après une formationrelativement approfondie. Quelques exemples de diffi-cultés « classiques » :- il y a beaucoup de dangers chimiques cachés que lesnon-professionnels ignorent (impuretés dans les pro-duits de base, réactions intermédiaires, pyrolyse etdécomposition, changements de phase des polluants,polymérisation, oxydation, etc.). Cela peut donc con-duire à l’échec de la première étape donc à l’échec detoute la démarche ;- pour évaluer le risque chimique, il faut donc estimerune dose reçue par une évaluation de l’exposition(inhalation, résorption cutanée, ingestion, piqûres). Sila mesure dans l’air n’est parfois pas trop compliquée,l’estimation de la dose, devient très problématique s’il ya d’autres voies d’entrée dans l’organisme et si les con-centrations varient fortement durant la journée, lasemaine ou les mois. Mis à part les connaissancesnécessaires en chimie, en statistiques, en pharmacoci-nétique, en toxicologie, en dynamique des fluides etbien d’autres encore, le plus difficile consiste à faire deschoix et des hypothèses lorsque les données de basemanquent ;- éliminer ou maîtriser le risque peut être parfois relati-vement simple pour des opérations standards (voir ci-dessous le concept du « control banding »), mais biensouvent la ou les solutions se trouvent au cas par casgrâce à un travail d’équipe et une approche participative.Face à la médecine du travail, l’hygiène du travail esttotalement complémentaire [BIT, 2000], la premières’occupant de l’homme, la seconde s’occupant de sonenvironnement professionnel. Ce tandem indissociablen’existe malheureusement pas souvent dans les entre-prises ou les services interentreprises du fait du man-que d’hygiénistes du travail. Cela conduit le médecindu travail à acquérir des compétences dans ce domainece qui a des avantages et des inconvénients. Avanta-ges, dans le fait qu’il a une large compétence et peutainsi agir efficacement sur le plan de la prévention.Inconvénients, dans le fait qu’il devient un « homme–orchestre » au détriment de la vraie pluridisciplinaritéet peut-être au détriment de sa science médicale qu’il amoins le temps de développer et de pratiquer. Unesituation similaire existe pour l’ergonomie.Le rôle de l’hygiène du travail est aussi déterminant dansl’élaboration des fiches de données de sécurité, de l’enre-gistrement des substances chimiques (REACH), de l’éti-quetage harmonisé (GSH : Global Harmonized Systemfor classification and labelling), des matrices « emploi-exposition », des modèles d’exposition, de l’évaluationde l’exposition dans les études épidémiologiques, etc.

Sur le plan international, l’hygiène du travail estreconnue dans bon nombre de pays, en particulier, lesEtats-Unis, le Canada, l’Australie, la Grande-Bretagne,les pays nordiques, les Pays-Bas et l’Italie et elle trouvesa place dans les organisations internationales (OMS,BIT) et les associations professionnelles (CIST : Com-mission Internationale de Santé au Travail, par exem-ple). Elle trouve aussi sa place dans les centres derecherche en Santé et Sécurité au Travail, où ses com-pétences-clés sont nécessaires. En revanche, elle n’apas tendance à se développer sur le terrain du fait destendances décrites ci-dessous.

Les tendances actuellesDepuis la publication de la directive cadre de la Com-mission européenne en 1989 (CE/89/391), la gestion durisque en milieu professionnel s’est développée à unrythme soutenu en commençant par les analyses de ris-ques qui sont supposées faire un bilan exhaustif des ris-ques dans un milieu donné et un classement de cesrisques en rapport avec l’urgence ou non de prendre desmesures préventives. Une foison de méthodes d’analysea vu le jour, mais le principe en est toujours le même :construire une matrice « gravité – probabilité » en clas-sant les dangers détectés dans une catégorie de gravitéet une catégorie de probabilité, donnant ainsi un risquesemi-quantifié. Chaque méthode se distingue par lechoix des critères de gravité (phrases de risques,ampleurs de dégâts, gravité des effets, etc.) et de proba-bilité (estimation subjective de la fréquence possibled’occurrence, évaluation approximative de l’exposition,etc.). Certaines méthodes combinent les risques aigus etles risques chroniques, d’autres les traitent séparément.Pour mener à bien ces analyses, des listes de contrôles(checklists) ont été établies pour faciliter l’identifica-tion et la détection des dangers en fonction des profes-sions ou des activités professionnelles concernées. Iciaussi, une quantité énorme de publications (souventissues d’organismes étatiques) est apparue, fournissantainsi des outils de travail simples et pratiques pour cel-les et ceux chargés de faire des analyses de risque.Ni sur le plan des méthodes d’analyse de risque, ni surcelui des listes de contrôle, il n’existe d’harmonisationinternationale, ni de consensus sur la manière d’appro-cher ces problèmes, chacun étant persuadé que saméthode est la meilleure. Dans ce cadre, le BIT et l’OMScherchent à concevoir des outils simples pour la pré-vention des risques aux postes de travail qui seront ras-semblés dans une « Boîte à outils [2] » spécialementdestinée aux pays en voie de développement. Celareprésentera une première étape vers un consensus de« bonnes pratiques » en matière de prévention.

29e Congrès national de médecine et santé au travail

146 Arch Mal Prof Env 2006

Certains pays ont sollicité l’ISO (International Standar-dization Organization) pour développer une norme deSystème de management pour les risques profession-nels, équivalente à la norme ISO 14 000 pour les sys-tème de management environnemental. Mais certainspays (dont la France) s’y sont opposés vigoureusementet l’ISO n’a donc pas pu développer cette nouvellenorme. Mission a été donnée à l’OIT de produire unGuide, ce qu’il a fait en 2001 [OIT, 2001]. Devant lademande croissante de normes de qualité, une initia-tive d’organismes indépendants a conduit au dévelop-pement et à la publication, en 1999, par la BritishStandard Institution de la certification OHSAS 18001[BSI, 1999] qui est devenue très populaire dans lesentreprises internationales avides de ce genre guide estconstruit sur la base du standard britannique (BS8800), publié en 1996 déjà [BS, 1996].Eliminer ou maîtriser les risques sans passer trop detemps à les évaluer. Cette approche fortement soutenuepar le BIT et l’OMS a été introduite, il y a une dizained’année au Royaume-Uni par le HSE (Health andSafety Executive – Agence nationale de protection de lavie et de la santé des travailleurs) pour aider les PME àmaîtriser les risques chimiques dans le cadre de la loi« Control of Substances Hazardous to Health Regula-tion 1988 ». Le HSE a publié un guide intitulé « COSHHEssentials » en libre accès sur internet [HSE, 2002], quipermet, dans beaucoup de situations (simples) de pro-céder au choix le plus approprié d’une ou plusieursméthodes préventives. Ce concept (appelé en anglaisControl Banding qu’on pourrait traduire par« catégories de méthodes préventives » et qui sous-tendtous les « outils » de la « Boîte à outils »), est nouveau etcertains le considèrent même comme révolutionnaire.L’idée qui se cache derrière ce concept est que l’on ensait assez sur le comportement des produits chimiques(sous forme de gaz, vapeurs et aérosols) et que, grâce àdes modèles simples (intégrés dans le guide et non visi-bles de l’utilisateur) on peut rapidement se faire uneidée sur le degré d’exposition des salariés et arriver toutde suite à la meilleure solution préventive possible. Laréalité est loin d’être aussi belle. En fait cette approchedu risque chimique n’a pas encore été validée et lespremières études sur les modèles d’exposition simpli-fiés sont plutôt sévères [Northage, 2005].Dans un registre plus pragmatique, l’Université Catholi-que de Louvain en Belgique, a développé, avec le sou-tien du Fonds social de l’Union européenne, uneapproche participative appelée SOBANE (Screening,Observation, Analysis and Expertise) qui vise à structu-rer la démarche d’identification des dangers (dépistage),d’analyse et de maîtrise des risques, permettant à tous

les acteurs concernés (mais en particulier aux salariés)d’apporter leur contribution aux choix des meilleuressolutions préventives [Malchaire, 2003]. Cette approchedonne aussi la priorité à la prévention (par rapport àl’évaluation) mais elle a le grand avantage par rapport àla méthode britannique « COSHH », de faire participertoutes les personnes concernées et de bénéficier ainsi deleur expérience. D’ailleurs ces méthodes ne sont pasincompatibles, l’une (COSHH) pouvant être intégréedans la démarche plus globale de l’autre (SOBANE).Cette dernière procède à une analyse des divers problè-mes du poste de travail en progressant par étape, la pre-mière étant un survol général (Screening) permettant dedépister et régler rapidement les problèmes évidents.Une méthode de dépistage a aussi été développé dans cecadre [3] [Malchaire, 2004]. La seconde étape (Observa-tion) consiste à approfondir de manière qualitative lesproblèmes n’ayant pu être réglé dans la première étape.La troisième étape (Analysis) s’arrête si nécessaire, surdes problèmes qu’il faut éclaircir par des mesures quan-titatives avant de passer à la prévention. La dernièreétape (Expertise) est réservée aux problèmes trop com-plexes pour être résolus sans l’aide d’experts. Il s’agitdonc d’une pyramide qui va du plus simple au pluscompliqué, étant bien entendu que le plus compliqué nereprésentera finalement, qu’une petite partie del’ensemble des problèmes.Malgré son intérêt et les nombreux guides qui ont étédéveloppé dans ce programme, le succès de SOBANEest loin d’être satisfaisant pour des raisons difficiles àcomprendre mais qui, peut-être, relèvent d’un certainchauvinisme des divers pays européens, chacun ayanttendance à considérer que ce qui est fait ailleurs n’estpas très « fiable ».

Conclusion – besoin de nouveaux paradigmes

Il est clair que l’approche traditionnelle des risques pra-tiquée jusqu’ici et résumée ci-dessus, doit évoluer, voirese modifier fondamentalement dans le contexteactuelle où tout change et se transforme à un rythmeeffréné. Les salariés non seulement ont une mobilitéprofessionnelle qui croit de manière exponentielle, maisils sont aussi exposé à des cocktails de produits chimi-ques rendant impossible toute approche « classique ». Ilfaut donc inventer de nouvelles références. Le ControlBanding en est-elle une ? Peut-être dans la mesure où ils’agit d’une approche pragmatique se basant sur l’expé-rience acquise jusqu’ici. Mais il reste un gros travail derecherche et de validation des principes et des hypothè-ses qui sous-tendent cette approche. Quel est l’avenirdes VME qui sont basées sur le principe de l’évidence

147

Devenir de la surveillance des risques chimiques dans le contexte de la mobilité professionnelle

Arch Mal Prof Env 2006

ME

RC

RE

DI

3

1

MA

I

des effets et qui par là se révèlent systématiquementinsuffisamment protectrices [Hansson, 1998] et qui deplus, ne peuvent être utilisées dans le cas de mélanges ?Ne faut-il pas s’orienter vers des indices globauxd’exposition, par rapport aux effets attendus ? La limiteentre produits chimiques, poussières et nuisances phy-siques devient de plus en plus floue avec l’arrivée desnanoparticules. Nous ne sommes pas prêts à affronterl’avenir et à prévenir les risques émergents. Il convientdonc d’encourager la recherche et la formation enSanté au Travail avec des ressources en adéquationavec les enjeux actuels et futurs.

Références1. La Commission internationale de protection contre les radia-tions a élaboré sa proposition de valeur limite tolérable pour lesexpositions professionnelles au corps entier, exactement sur cetype de raisonnement [ICRP, 1990].

2. Le premier outil de la boîte est le « International Chemicalcontrol Toolkit » qui sera suivi par d’autres : ergonomie, bruit,traumatismes accidentels, facteurs psychosociaux, etc.

3. Méthode « Déparis » (Dépistage participatif des risques). 14 gui-des pour des nuisances spécifiques ont déjà été publiés, dont unpour les produits chimiques dangereux.

BibliographieBIT, 2000 Bureau International du Travail : Encyclopédie deSécurité et de Santé au Travail Vol I 4ème édition. Editeur :J.M. Stellmann (R.F. Herrick pour le chapitre « Hygiène du Travail)p. 30.1 – 30.38, Genève, Suisse.

BS, 1996 British Standard 8800. Guide to Occupational healthand safety management systems. ICS 13.100 BSI, 26 p.

BSI, 1999 British Standard Institution. Occupational Health andSafety Assessment Series – OSHAS 18001 : 1999 – Occupationalhealth and safety management system – Specification.

S. O. Hansson, 1998 Setting the limit Oxford University PressNew York 166 p.

HSE, 2002 http://www.coshh-essentials.org.uk/.

ICRP, 1990 International Commission on Radiological Protec-tion. Recommendations of the International Commission onRadiological protection. New York, Pergamon Press.

Connaissance des risques chimiques d’accès difficile : expositions passées, mobilité professionnelle et autre

J. FÉVOTTEUMRESTTE, Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon.

L’identification des dangers et de leurs conditionsd’utilisation pour une tâche et un lieu de travail donnésest un pré-requis indispensable à la gestion du risquechimique, malheureusement dans de multiples situa-tions professionnelles le médecin du travail n’a ni la

possibilité d’aller constater par lui-même, ni celled’obtenir des informations par l’intermédiaire d’unobservateur éclairé.La plupart des situations de mobilité des travailleursentraîne cette difficulté pour le médecin du travail :recherche des expositions présentes en cas de sous-traitance, d’expatriation, dans des branches telles quele BTP ou l’agriculture, ou passées (pour des attesta-tions d’exposition, …) dans des cursus professionnelscompliqués (intérim ou changements radicaux d’acti-vités), et qui vont aller en augmentant, etc. Par ailleursles changements fréquents de métier entraînent sou-vent une moindre maîtrise de son environnement pro-fessionnel par le travailleur : moindre connaissancedes techniques et produits mis en jeu et malheureuse-ment moindre appropriation des règles de sécuritéinhérentes à chacune des activités successives qui aug-mente les risques. A la mobilité des travailleurs, serajoutent la mobilité « technique » due à l’évolutiontechnologique qui fait qu’un même poste de travailpeut évoluer énormément en termes de produits ou deleur mise en œuvre, et la mobilité du médecin du tra-vail lui-même : le suivi de multiples entreprises ne per-met pas des visites personnalisées systématiques, touten demandant la maîtrise d’activités très variées.Quelles que soient les difficultés rencontrées, l’enjeureste toujours d’essayer d’approcher au plus près la réa-lité d’un poste de travail pour connaître les produitschimiques présents et évaluer les risques potentiels afinde les maîtriser. Tout ceci relève de connaissancesgénérales sur les postes de travail aussi bien que deconnaissances personnalisées sur les circonstancesattachées à un poste précis, en particulier pour essayerd’estimer, même très grossièrement, une dose reçue.Cette partie de l’exposé va essayer de préciser les infor-mations nécessaires au médecin du travail pour décrireau mieux des expositions auxquelles il n’a aucun accèsdirect : les informations individuelles par le travailleuravec des niveaux très divers de souvenir et de connais-sance des postes occupés, et les données techniquesgénérales sur ces postes.Les informations apportées par le travailleur : mis àpart les salariés de l’intérim et de la sous-traitance pourlesquels on est actuellement dans une situation dequasi-impuissance, la reconstitution de certainsaspects techniques de la plupart des emplois exercéspeut être beaucoup améliorée par la qualité (plus quepar la quantité) des questions posées à l’intéressé. Il y aune expérience assez importante dans ce domaine,issue d’études variées mettant en lien santé et exposi-tions professionnelles (INSERM, Instituts Universitairesde Médecine du Travail…) ; il en résulte un type de