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Architecture :

Joli mois de mai quand reviendras-tu ?

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Architecture :

Joli mois de mai, quand reviendras-tu ?

Jean-Pierre Lefebvre

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Nostalgie romantique ou constat de déshérence ?

Avant de rassembler ces quelque trois années de commentaires architecturaux et urbains, j’ai été pris d’un doute. N’ai-je pas consacré trop de place à la démolition du quartier des Poètes à Pierrefitte pour la simple raison que j’en avais été le constructeur ? Comme au Grand Paris qui me ramène à la première moitié de ma vie sur l’aval des bords de Seine ? J’ai donc résolu de feuilleter à la librairie du Moniteur livres récents et revues : peut-être s’était-il passé cette année de par le vaste monde quelque résurrection qui m’ait échappé ?

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Découvrir un rien d’architecture est un des plaisirs les plus rafraîchissants qui soit et on ne peut avoir raison seul contre tous quand bien même le statut d’imprécateur peut ne pas manquer de charme. Des milliers d’étudiants apprennent chaque année auprès de centaines de professeurs émérites l’architecture dans une vingtaine d’écoles, autant l’urbanisme dans une autre vingtaine d’instituts auprès d’autres centaines de professeurs émérites. Il est impossible que cet immense effort de l’intelligence nationale n’aboutisse à quelque impalpable floraison dans nos villes et nos campagnes. Un coup d’œil fugace depuis l’inextricable lacis des autoroutes, ne révèle-t-il pas dans le Tsumani de pavillons et de plots affligeants de médiocrité, un bâtiment industriel joliment troussé dans son bardage métallique pimpant voire une audace formelle (façade décalée et bien percée, cylindre, escalier extérieur, chapeau à visière, etc.), un collège ne va-t-il témoigner par ci par là d’un attendrissant effort de faire moderne (ou post) au moyen du copié collé des revues in ? N’a-t-on pas avancé un peu, n’arrive-t-il pas que le paysage perde un peu de son insupportable vulgarité ? La culture diffuserait ainsi lentement par le biais patient de façades mieux fonctionnalistes, de dessins orthogonaux aux deux dimensions un peu plus soignées, héritées du Corbusier ou de Mallet-Stevens… Un effeuillage rapide m’a comme chaque année consterné. Sans doute peut-on contester une méthode de sondage si peu rigoureuse mais il est bien ingrat d’affliger son regard en restant en apnée dans l’horreur industrielle et mercantile : attitude aussi masochiste que de scruter la file de reno-pijo uniformément laides en sortie de chaîne comme au long des trottoirs… Dans les revues, en dehors de quelques parallélépipèdes de luxe qui contrastent avec des natures agrestes, la série épouvantablement rigide et pauvre des boîtes prolifère sur les cinq continents dans une

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morne répétition qui s’aggrave fatalement avec la densité des bâtiments. Force est de me replonger dans les eaux délétères de la vitupération en dépit de la lassitude qu’elle finit par engendrer. Je veux me convaincre pourtant que l’architecture est une discipline autonome qui suit une histoire artistique propre sans être mécaniquement inféodée à l’économie et à la lutte des classes comme l’affirmait un peu simplement Engels au siècle avant dernier dans son droit au logement. L’Europe capitaliste, démocratique et libérale sur tout son territoire, exhibe cependant de fortes différences sur la place et la valeur des architectures nationales, entre la Scandinavie, l’Autriche d’une part et l’Allemagne, la France ou l’Italie, de l’autre, au détriment de ces dernières. Comment expliquer la belle anomalie de Graz, où l’architecture tient une place considérable sinon comme une bizarrerie culturelle sur fond de patriotisme provincial (contre la prédominance viennoise) ? Idem Pour les Basques ou les Catalans, quand bien même ils s’appuient moins sur la richesse de concepteurs compatriotes comme en Autriche Domenig, Siskowycz, Kowalski, etc. A chacune de ces percées s’est déroulée une histoire autonome de la spécificité artistique, une tradition s’est forgée qui a mieux résisté à la pression réductrice du bulldozer économique.

En France même, le secouement de la tutelle archaïque et réactionnaire des prix de Rome qui épousait si bien la férocité profiteuse des Bouygues naissants, a suscité entre 1960 et1981, une floraison féconde d’architectures inventives et vivantes : Parent, Renaudie, Schein, Lay, Friedmann, Gailhoustet, Kalouguine, Simounet, puis Buczkowska, Porro, Gaudin, Borel, Brunel et tant d’autres épousaient peu ou prou la vague de progrès social et culturel qui balayait la France... Rien à voir avec l’amas de

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fausses gloires et de rois tous nus du hit parade contemporain de l’insignifiance, illustré par les scandaleux derniers grands prix formatés à l’IFA, les Equerres du Moniteur, les sommaires d’AMC, les rubriques d’Edelmann et les cours d’architecture, depuis trente ans imperturbablement obséquieux au tout venant ! Comme j’ai tenté de le dire dans : Faut-il brûler les HLM ? (L’Harmattan, 2008), la création architecturale est affrontée en première ligne aux deux hydres qui dévastent le pays et que les cohortes de mai 68 avaient si bien identifiées : le mercantilisme capitaliste et la bureaucratie étatiste, instrument du premier qui lui ajoute ses propres tares parasitaires. La Sodédat 93, cette expérience d’écologie urbaine (Le Linteau, 1999) que j’ai pu mener vingt ans en Seine Saint Denis pour les collectivités communistes, en soutenant la pointe de l’architecture créative du moment, notamment nombre de jeunes et valeureuses équipes, a dû combattre violemment ces deux fléaux. Nous n’avons pas toujours gagné, quand bien même le bilan (voir ci après) témoigne de la possibilité de renverser absolument les tendances principales à l’étouffement, à la médiocrité de l’antiville dont parle Henri Lefebvre où la valeur d’échange efface toute valeur d’usage. Avec le soutien d’élus portés alors par une vague idéologique positive, elle a pu ouvrir à une urbanisation proxémique plutôt que prothétique qu décalque le système de stockage des humains sur la forme des réseaux de desserte de l’urbanisation, comme le dit joliment Françoise Choay. J’ai tenté de définir l’édification de la ville comme une triade dialectique entre le maçon, l’habitant et l’architecte, selon le poème d’Hundertwasser, qui sont aujourd’hui, les trois secteurs, de l’économie, de la politique et de la création. La théorie du chaos énonce qu’une contradiction ternaire n’a pas de

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solution linéaire. L’économie de marché toute puissante a en effet digéré les deux autres facteurs, résolvant ainsi la contradiction aporétique. En dehors de quelques objets de haut luxe, appuyés sur la CAO, le modèle imposé, qu’on ne discute plus nulle part, est la boîte, laquelle permet le confort des dirigeants des très grosses entreprises et le profit maximum, fixé arbitrairement à 15 % minimum, ce qui élimine toutes fantaisies telles que la satisfaction des désirs sociaux ou esthétiques des simples gens mais garantit le gonflement exponentiel des bulles spéculatives jusqu’à l’explosion financière de 2008, dont la réplique ne saurait tarder. La publicité prend le relais pour asséner ses contrevérités et faire prendre des vessies pour des lanternes et les bicoques de Borloo pour la quintessence créative: la boîte est sacrée incontournable par l’appareil productif, reprise par les appareils étatiques où la loi du moindre effort et de la logorrhée prime toujours. Empiler des boîtes est la règle intangible, la ville ainsi produite est faite de barres et de tours, tantôt alignées sur rues tantôt plantées dans un no man’s land sinistre, seule variante autorisée selon que vous êtes post-modernes ou néo-corbusiens. Car le relais mercantile est également assuré au sein même des institutions de la création, véritable cheval de Troie du marché sans contrainte : les écoles, les grands prix, les critiques pissent la même copie insipide, gomment toute aspérité conceptuelle, éradiquent toute résurgence de velléités créatives par l’élimination maffieuse et le cumul des commandes. La publicité remplace le talent réel. Objectif atteint : qu’aucun de ceux qui suivirent les traces fécondes des meilleurs créateurs des années 70 ne survivent, ils doivent être impitoyablement réduits en bouillie, laminés, éliminés déchiquetés comme tendance, reconvertis dans l’apiculture, l’assistance aux syndics, le commerce, le sacerdoce tiers-mondiste voire la psychologie des toutous!

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Comme ça n’est pas encore suffisant car du cadavre peut toujours surgir de nouvelles pousses, des spécialistes (Borloo, Daune, ANRU, Braouezec, etc.) s’affairent donc à démolir systématiquement leur oeuvre construite ! Tout un réseau de promoteurs, d’examinateurs municipaux, de bureaux d’études d’urbanisme ou de techniques surveille mêmement le droit imprescriptible des citoyens à la médiocrité normée, à l’absence de ville. Devant la dégradation des conditions sociales résultant de l’inégalité galopante, ultime progrès : les plans masses seront désormais soumis à l’appréciation des commissaires de police, ces critiques d’art à la subtilité sans égale ! Tout ce qui n’est pas rectiligne, sans recoins, vertical et lisse doit être éliminé parce que cela gêne la charge des CRS contre les exclus. Est ainsi gommé à peu près tout ce qui fait qu’il puisse y avoir architecture. La surveillance panoptique est reine ! Rien de bien nouveau : la bureaucratie inventée pour contrer les excès de la prédation marchande s’entend comme larron en foire avec elle pour partager le gâteau. Pour contenir ce nouvel accès de vitupération, j’ai acquis deux livres récents : Jean-Pierre Garnier sur la violence et la ville, Antoine Picon sur l’architecture numérique.

Jean-Pierre Garnier, sur les banlieues qui brûlent réellement

L’architecture n’est pas enfermée dans une tour d’ivoire. Mai 68, ce mouvement révolutionnaire mondial, revendiquait une transformation socialiste par la base, anticapitaliste et antibureaucratique, l’autogestion avec ses prolongements urbains. Guy Debord disait : la plus grande idée révolutionnaire à propos de l’urbanisme n’est pas par elle-même urbanistique, technologique ou

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esthétique. C’est la décision de reconstruire intégralement le territoire selon les besoins du pouvoir des conseils de travailleurs, de la dictature anti-étatique du prolétariat, du dialogue exécutoire ! A quelques nuances près qui remplaceraient par exemple dictature du prolétariat par hégémonie du salariat et qui rappelleraient le passage obligé par une culture critique, la phrase garde pour l’essentiel un sens profond. La régression politique de la gauche des Marchais et Mitterrand des années 80 a inhumé cet espoir et induit avec sa gestion loyale du pire capitalisme un effondrement qualitatif de l’architecture, camouflé sous l’expansion quantitative de l’hyper- libéralisme. C’est la thèse vigoureuse défendue avec brio depuis des années par Jean-Pierre Garnier, sociologue et lefebvrien libertaire. Dans son livre une violence éminemment contemporaine, (Agone, 2010), il évoque le basculement d’une génération de critiques gauchistes dans le maniement de l’ostensoir néo-bourgeois, assaisonné du dévoiement des concepts marxistes qu’ils adoraient hier, mixité, socialité, créativité, dans des versions affadies et consensuelles : faire du monde une cité… la ville compacte qui, tous murs tombés choisit librement l’être ensemble dans l’espace public et chasse les démons de l’écart …le chatoiement multiculturel des populations urbaines dans la ville globale… quand leur préoccupation essentielle est de conserver le régime de classe qui, depuis Giscard, leur a ouvert si grand ses mangeoires. Jusqu’à la préconisation de la coproduction de la sécurité, par habitants et policiers, lisez l’appel à la délation et l’élaboration des plans masse par le commissaire de police ! Nous souscrivons à sa critique vivifiante quand il interroge ces pseudo chercheurs : quand pensez-vous mettre fin à la Propriété Privée des Moyens de Production , cette énorme anomalie éthique ?

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Pour autant, l’architecture ne saurait résoudre tous les problèmes de la société, notamment ceux de l’inégalité sociale. De la même façon, ceux-ci ne seront jamais totalement résolus en l’absence d’une niche urbaine empathique et belle. Le quartier des Poètes à Pierrefitte a montré que le meilleur urbanisme pouvait aussi tourner au ghetto si les populations homogènes qu’on y entassait n’avaient ni bon salaire, ni travail, ni l’éducation et la sécurité dont bénéficient les zones résidentielles. En sociologue marxiste tendance Bakounine, JPG tente une explication de cette atrophie politique par l’essor d’une couche sociale nouvelle, celle des bobos, employés et cadres, travailleurs intellectuels qu’il postule sans trop le démontrer comme une nouvelle petite bourgeoisie intellectuelle, adhérant par nature de classe à la politique grande bourgeoise en votant socialiste naturellement. Elle poursuivrait ainsi à son profit l’éviction des couches populaires (prolétaires ?) d’un Paris de l’est « gentrifié » vers la deuxième périphérie démunie, ce qui expliquerait pour une part la violence aveugle avec laquelle les jeunes migrants exclus détruisent leur environnement pauvre et oppressif comme protestation sans perspective politique contre leur exclusion.

Si son analyse de la situation des exclus de lointaine banlieue abonde en traits pertinents, un élément à mes yeux primordial y manque : le rôle funeste des conceptions urbaines totalitaires du Corbusier exprimées dans L’urbanisme (1923) qui a justifié idéologiquement cette ségrégation délétère et cristallisé la ghettoïsation engendrée par son principe de zonage. Il y a une filiation évidente entre la politique d’Etat fondée sur les seules répression et manipulation électorale de la peur des braves gens, et l’hygiénisme médical et social des classes

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pauvres, le zonage des CIAM, leurs plans panoptiques, la fordisation et la pauvreté formelle de l’architecture du logement et de l’urbanisme des ZUP. Le maître ne passa-t-il pas deux ans à Vichy pour tenter de vendre son plan Voisin de Paris qui remplaçait les 7 premiers arrondissements par une répétition de gratte-ciel ? D’autres éléments d’explication complémentaires de la crise et l’apolitisme violent des « caillerats », outre l’impéritie trentenaire des forces de gauche à les gagner à une politique transformatrice des banlieues, touchent à l’influence des caïds de la drogue ou des islamistes qu’il serait naïf de gommer.

L’analyse de Garnier est en fin de compte pessimiste car si cette dichotomie sociale est bien à l’œuvre, le rejet comme petite bourgeoisie de la totalité des nouveaux salariés intellectuels, déjà majoritaires au sein du salariat, bouche toute issue à une solution positive à la crise générale du capitalisme qui est ouverte, sauf insurrection violente puis dictature ultra minoritaire du prolétariat manuel. Position théorique invraisemblable et suicidaire. Pour sortir positivement de la crise, un rassemblement de toutes ses victimes est nécessaire sur une stratégie claire : Gagner à la fois les jeunes des cités et les salariés intellectuels à l’autogestion. Si la description de l’effondrement idéologique a quelques traits pertinents, elle procède globalement d’une erreur de diagnostic. Le nouveau prolétaire intellectuel n’est pas un petit bourgeois quand bien même il n’a su trouver jusqu’ici d’autres « théoriciens »  que les idéologues peu ou prou tombés du gauchisme au marais néo-libéral. Il ne resterait plus sinon qu’à maugréer et se plonger chaque semaine dans la lecture innocente du Canard Enchaîné. Comme son nom l’indique, le petit-bourgeois, selon le bon vieux marxisme, a un statut social ambigu, il participe

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- chichement - à l’extraction de la plus value mais commerçant, artisan, agriculteur, profession libérale, il est propriétaire individuel de ses moyens de production, il n’est jamais salarié. Le prolétaire, le salarié, fût-il « intellectuel », vend sa force de travail et produit des marchandises : si ces dernières sont de plus en plus virtuelles sous forme de services, elles n’en sont pas moins des marchandises qui s’échangent sur le marché. Le vendeur de sa force de travail intellectuelle est exploité comme celui qui travaille de ses mains, même si sa situation est souvent plus douce et son salaire parfois plus élevé. J-P Garnier commet curieusement la même erreur que les doctrinaires du PC qui rejetaient les étudiants dans la petite-bourgeoise en mai 68 : le résultat fut que la droite gagna sa contre offensive. Pour être sacré prolétaire, il fallait avoir du cale dans les mains. Cela nous a valu l’homme de marbre et Marchais avec l’Equipe comme bréviaire théorique. Ces mêmes prolétaires manuels dont le poids spécifique dans le salariat diminue et dont la frange la plus faible s’est mise à voter Le Pen, une autre frange à suivre peu ou prou les islamistes, ont-ils pour autant changé d’appartenance de classe ? Non, il s’agit d’une régression idéologique, d’un retard subjectif, (dissolution de la conscience de classe, retrait de la classe subjective à la classe objective), liés à l’effondrement des promesses du socialisme réel comme à la réalisation d’une partie de celles du capitalisme, tant qu’il n’était pas en crise et grâce à l’exploitation du Sud par le Nord. Le flottement réformiste des nouveaux salariés s’explique de la même façon, leur revenu jusqu’à présent s’élevait et la relativisation des promesses miraculeuses de Grand Soir les a jetés dans les bras du PS. Corée du Nord, Chine et Cuba continuent de donner une image détestable du communisme. Le constater ne fait pas de vous un petit-bourgeois, plutôt un prolétaire un peu plus lucide ! Il n’est

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même plus certain que le mot d’ordre du communisme à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses capacités ait encore une vraisemblance théorique. Avec la diminution tangible de l’inégalité des revenus au Nord, les progrès pédagogiques et scientifiques - une fois libérés du mercantilisme - devraient pouvoir continuer de travailler au rattrapage progressif des inégalités génétiques et biographiques. Le mot d’ordre à chacun selon son travail pourrait animer suffisamment longtemps la construction de l’utopie réaliste, en écartant tout assistanat démagogique et débilitant qui suppose le maintien ad vitam aeternam des structures étatiques paralysantes quand l’égalité sociale devrait pouvoir s’en passer en étant secrétée à la source, sous le contrôle direct des salariés ! L’élévation du niveau d’instruction du salariat, ses capacités d’analyse nouvelles, entrent paradoxalement dans les causes de ce recul bien qu’elles soient en même temps la condition enfin réalisée d’une possibilité inédite de passage à un socialisme autogestionnaire donc viable. Les fils d’ouvriers qui sont de ces nouveaux petits bourgeois, n’ont pas tous gommé les idéaux paternels mais ils croient plus difficilement qu’on rasera gratis demain et que la solution à tous les maux sociaux, aux aliénations capitalistes, c’est l’embauche de fonctionnaires pour une extension continue des services publics menant doucement au « socialisme » étatique… sur le modèle de l’URSS ! De la même manière que le slogan la santé n’a pas de prix pourrait régler l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Pourquoi rejeter dans le camp de la bourgeoisie ces nouveaux prolétaires sous prétexte que leur idéologie retarde sur la situation objective de la lutte de classe ? Sans doute n’ont-ils pas tout à perdre mais leur modeste niveau de vie, leur bagage culturel, quels qu’en soient les travers persiflés par JPG, sont des acquis, utiles

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à la transformation sociale. La culture - émanerait-elle du centre Pompidou - mérite un tri esthétique entre le grain et l’ivraie qui tienne compte que l’amateur puisse aussi passer par un moment de snobisme et un goût incertain avant d’aiguiser son regard. Pas d’autre issue que le vieux mot d’ordre de Brecht : élargir le petit cercle de connaisseurs en un grand cercle. Que ces couches nouvelles du salariat fassent leur propre expérience politique. Et une patience infinie, une chamaille intraitable contre le dévoiement mercantile !

L’inquiétude de ces couches de salariés intellectuels (salariés numériques ?) grandit avec la crise et les rend plus proches d’un divorce avec les lunes de la croissance consommatoire et ininterrompue du marché sans contrainte. L’emploi des cadres est menacé par les délocalisations, une portion non négligeable des jeunes ingénieurs est sans travail malgré le diplôme en poche cependant que le sarkozysme maintient les retraités au travail. D’autres se suicident à France Télécom. Combien de jeunes architectes peuvent-ils s’épanouir dans un travail créatif et rémunérateur ? Où pourraient-ils trouver réponse à leurs interrogations éventuelles ? Dans la cacophonie de la gauche de la gauche et ses illusions tribunicistes et corporatistes, ses renvois étatistes, ses vieilles tétanies dogmatiques versus les platitudes socialistes ? Aubry, prête à s’effacer devant DSK, fondé de pouvoir planétaire des marchés ! Rien moins qu’évident.

La critique sociologique de JPG oublie un autre paramètre important de l’évolution de ces années mitterrandiennes justement pourfendues : l’extension mémorable des fonctionnaires ou assimilés, plus de 5 millions de salariés, 20 % du total. Record mondial. Sont-ce des prolétaires ou des petits bourgeois ? A l’évidence

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dans ce cas leur statut de classe proche du salariat diffère cependant de celui des salariés du privé. A l’abri de la principale nuisance capitaliste contemporaine, la menace de chômage, ils bénéficient d’avantages nombreux. Ils ne sont pas titillés par les lois du marché ni par l’obligation d’une marge à 15 % minimum. Leur sort est – plus ou moins – lié aux politiques de l’Etat capitaliste dont ils sont même à leur corps défendant les agents d’exécution. Dans l’échelon de base des institutions démocratiques, la municipalité, un phénomène nouveau est apparu : la formation d’une couche sociale particulière par la fusion entre quelques élus dominants et la haute bureaucratie municipale en un corps unique, cadenassé dans son conformisme et son parasitisme global, qui mériterait l’analyse des sociologues. Les démolitions de Pierrefitte les Poètes démontrent comment cette caste, quelle que soit sa couleur politique, foule aux pieds la démocratie participative et les autres valeurs dont elle s’affirme le soutien. Pour des motifs électoralistes sordides, l’avis des 800 locataires a été ignoré, six ans de pression et de dispersion des contestataires ont conduit au triomphe de la stupidité bureaucratique et à la démolition d’une précieuse expérimentation socio-urbaine.

La crise du capitalisme le conduit à empiéter violemment sur le statut privilégié des fonctionnaires, créant les conditions de leur engagement dans les luttes sociales du camp anticapitaliste et c’est là le trait essentiel de la situation présente. Mais quand ils seront placés devant les perspectives de changement socialiste par l’autogestion, leur attitude risque d’être au moins ambiguë, comme en témoigne dès maintenant le hold-up opéré par leurs syndicats sur la stratégie de la gauche radicale : selon eux l’avenir anticapitaliste passerait par le

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renforcement des services publics, c’est-à-dire, sous un regard réellement révolutionnaire, par ce paradoxe : le renforcement de l’Etat, bras armé du capital. Autre critère à prendre en compte, le rôle du patrimoine fût-il modeste. La possession du logement et de la maison de campagne développe l’idéologie propriétaire et éloigne de la contestation… C’est le calcul de la bourgeoisie depuis Giscard quand il a aidé par des fonds publics l’accession modeste à la propriété alors qu’il est patent qu’ainsi la ville se détériore. Aux USA la même politique (les subprimes) a déclenché la crise financière. Les promoteurs immobiliers se contrefichent de la qualité de la ville, de la richesse interne des espaces du logement comme de la catastrophe écologique et esthétique du pavillonnaire ou de l’hyper-densité. Ils ne connaissent que l’hypertrophie exponentielle des prix vers la chute finale de la bourse. La plupart des architectes installés qui devrait être porteurs de la critique de ces aberrations, pour des raisons commerciales évidentes, se taisent. Autre chose est la critique nécessaire de l’idéologie réformiste qui a prise dans ces couches nouvelles, comme elle l’avait déjà en France du siècle dernier dans la frange aisée de la classe ouvrière, tantôt pour gérer loyalement le capitalisme, plus rarement comme force associée à la meilleure esquisse de transformation sociale en 1936, 1945, 1981. Il serait naïf de sous-estimer la pugnacité de la bourgeoisie pour qui le débauchage des experts du camp adverse, anciens mai soixante-huitards ou socialistes type Kuchner, Besson, Rocard, Lang ou DSK, est le B A BA de la défense des privilèges. En bons marxistes critiques, il est difficile de faire porter à une analyse de classe un peu simplifiée l’essentiel des dérives idéologiques des trente dernières années, sous peine de mélanger quelque peu les catégories. La répétition trois fois par page du terme

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nouvelle petite-bourgeoisie n’amène pas un début de preuve d’un tel statut objectif. On pourrait tout aussi bien décréter l’apparition d’une nouvelle secte, celle des moines d’ordinateur… Plutôt qu’affirmer une pseudo appartenance à la classe bourgeoise des couches de salariés intellectuels, il serait plus efficace d’analyser le rôle idéologique des appareils d’Etat, de l’Université, relayée par les médias libéraux (Minc, Rothschild, Lagardère, Dassault, Bouygues, patrons de presse !). La déconstruction des grandes illusions du siècle dernier est nécessaire, pas seulement les relents de stalinisme mais le confusionnisme heidegerrien, artificiellement gonflé par des légions de mandarins, masquant son essence, l‘introduction du nazisme en philosophie ; le structuralisme desséchant l’artère historique dans l’explication du monde ; le freudisme dont Onfray dit bien son essence nihiliste et mythologique ; le maoïsme attardé de Badiou ; le sionisme comme ultime doctrine coloniale, etc. Ces scories obscurantistes éparses empêchent la pensée héritée des Lumières de hisser la réflexion collective au niveau des exigences historiques quand tous les voyants historiques sont au rouge : le capitalisme a fait son temps, la domination ploutocratique n’est plus gérable, la démocratie doit faire un grand bond en avant vers une gestion rationnelle du monde, sous peine d’apocalypse annoncée. Le salariat a désormais les moyens quantitatifs et la capacité intellectuelle, dans sa diversité, de devenir définitivement majoritaire comme classe sociale conscientisée pour faire dépérir patiemment la propriété privée des moyens de production et ses appareils d’Etat. Il ne lui manque que le projet stratégique, une autogestion qui se préciserait en marchant, dans la confrontation de la créativité populaire aux obstacles du passé.

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L’autogestion comme moteur d’une reconstruction sensible de la ville

Nous sommes rendus bien loin de l’architecture ? Pas tant. L’essentiel pour la gauche de transformation est de définir son projet, celui-ci passe nécessairement par l’autogestion et le dépérissement de l’Etat. C’est la seule voie praticable qu’elle puisse ouvrir, pour un très long parcours, probablement long et difficultueux. Conserver, rapetasser le capitalisme mènerait à une catastrophe économique, financière, écologique, urbaine, seulement un peu retardée. Il n’y a donc pas le choix. Après avoir trouvé les mutations décisives à opérer dans les domaines de l’économie et de la politique, la concrétisation de la société future exige d’avoir expérimenté dans celle qui la précède les voies inexplorées de nouvelles institutions représentatives comme des tests d’édification d’une enveloppe minérale, d’un cadre urbain de la société réconciliée qui soient un puissant appui à son épanouissement. Il s’agit donc de traquer les talents, de faire appel à des intelligences créatives qui réfléchissent avec indépendance et proposent des solutions dans leur propre discipline, faute de quoi les bévues conduiraient vite à la défaite, à la déception des masses. La tabula rasa mène au totalitarisme, qu’il soit fasciste, stalinien ou corbusien. Si l’architecture ne peut être ravalée au politique ou à l’économique (ce qui est la situation dramatiquement réelle que lui consent aujourd’hui le monde libéral), il convient d’analyser l’histoire propre de la discipline, les expériences mondiales de pointe et d’incorporer fougueusement ces avancées dans le corpus des réformes à entreprendre. On ne peut absolument compter sur la

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spontanéité des masses populaires pour réinventer six mille ans d’architecture. Ce serait purement démagogique. Kroll, faisant tenir le crayon d’architecte par ses clients pavillonnaires les voyait tristement reproduire les modèles Bouygues. La réalisation de l’amorce d’un projet autogestionnaire qui affaiblirait considérablement le recours aux seules règles du marché et de la spéculation et de leur corollaire bureaucratique, posera immédiatement la question de la ville qui devrait accompagner, comme enveloppe physique, la bonne vie rendue possible par les changements politiques radicaux. Les échéances écologiques d’un réchauffement climatique, sans issue réelle au niveau des énergies de substitution, obligeront l’humanité sous peine de disparition, à réaménager entièrement son environnement urbain afin qu’il soit enfin économe, durable, adapté à la survie : chance inouïe pour une corporation des architectes qui saurait répondre aux désirs des humains !

La contradiction sera évidente entre cette spontanéité probable et souhaitable des masses populaires en effervescence, tout en bas, et la lourdeur de l’appareil technocratique hérité de la société uniquement marchande. L’ouverture à la conception la plus hardie et la fusion des délégués populaires avec la phalange créatrice de l’institution architecturale, deviendront une ardente nécessité comme ce fut le cas dans les occurrences rares de certaines banlieues ouvrières des années 70 / 80, manières de répliques du séisme populaire de mai 68 qu’il faudra bien ressusciter. On peut imaginer les répercussions qu’un tel évènement aurait sur l’autonomie de la discipline architecturale : un gigantesque appel d’air où toutes les cartes esthétiques et sociales seraient libérées de l’oppression Dapa-bouyguesque selon laquelle le déni n’est pas d’avoir conçu et construit les grands ensembles

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de la charte d’Athènes mais d’avoir ensuite dénoncé leur nuisance ! - Bouygues peut ainsi démolir ce qu’il avait construit et reconstruire à la place les mêmes barres, un peu plus segmentées, en réalisant de nouveaux profits parasitaires! - Un urbanisme économe, débarrassé de l’obsession de la marge, de la misérable ratiocination post moderne ou sous-corbusienne et de leurs empilements carcéraux, réutiliserait ou découvrirait de multiples pistes formelles d’une architecture empathique, proxémique, conviviale, économe, proposant à tous des espaces verts et cultivés plutôt que démolir leur rare expérimentation. On a le droit de rêver de ce nouveau droit à la ville et à l’utopie autogestionnaire qui le permettrait enfin. Dans le moindre quartier la question de la construction d’une maison de la démocratie pour abriter l’activité du comité de quartier souverain, celle dans les grandes villes d’un agora municipal de plusieurs centaines de places pour loger la réunion mensuelle du conseil des comités, donneraient un champ de création à l’amorce de la transformation urbaine, comme la recherche, en place des grands ensembles démolis sur les ZUP de la honte construite, d’une mixité fonctionnelle et sociale au sein du même bâtiment grâce à des solutions d’architecture inédites et ambitieuses de R+4 maximum : programme enthousiasmant pour une génération d’architectes !

La reconquête du territoire des grands ensembles devrait donc s’appuyer sur une grande politique architecturale et sociale. Ce qui manque dans le livre de JP Garnier : les propositions programmatiques concrètes d’un gouvernement de la gauche radicale qui mettent fin à la ségrégation concrète, aux ghettos. Tâche longue et ardue. La première décision à

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prendre serait d’ordre national et social : augmenter le SMIC et les allocations familiales pour ceux qui en ont besoin. Créer le revenu maximum autorisé. Répartir le travail et les revenus au besoin par la RTT, nouvelle cible d’un développement rejetant la croissance aveugle. Assurer une éducation correcte par une réforme profonde de la pédagogie basée sur l’informatique et sur l’apprentissage de l’autogestion scolaire. Dénicher des équipes d’architectes capables de libérer leur énergie créatrice pour imaginer des quartiers conviviaux, peu denses, munis de jardins et terrasses plantées, incluant dans le même bâtiment des logements et des activités de proximité. Ils devraient être piétons, ouverts, écologiques, mixtes et beaux s’ils se libèrent des contraintes réductrices de l’entreprise ou de la police, comme l’esquisse en exista dans les banlieues rouges dans les années 70/80, tout en respectant les contraintes économiques de base. Former les maîtres d’ouvrage éclairés qui se battent pour construire ces solutions. Créer comme ce fut le cas heureux aux Poètes de Pierrefitte pendant dix ans, une équipe d’animation sociale de quelques militants qui constituerait le ferment d’une reprise en main par elles-mêmes des populations abandonnées, une coordination vivante des différents services intervenant sur ces espaces. Une police de proximité pour éliminer toute tentative d’implantation des gangs de la drogue. Des formations professionnelles accélérées pour les jeunes non diplômés. Une action culturelle de quartier, des fêtes comme il en existait chaque année aux Poètes, avant leur assassinat. Une pédagogie de la science pour faire reculer les fondamentalismes et autres aliénations. En dehors de ce nouveau souffle politique, on se demande où l’architecture pourrait puiser sa résurrection. Le génie de la génération Team Ten, était d’avoir repris et développé les inventions fulgurantes des organisations

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d’espace des villas de luxe, notamment chez FL Wright et de les avoir incorporées dans les HLM de banlieue en dépit de prix plafonds extrêmement réducteurs. On conçoit le manque d’enthousiasme des tâcherons arrivistes pour s’engager dans cette voie héroïque !

Culture numérique et architecture

L’excellent livre d’Antoine Picon (Birkhäuser, Basel, 2010) fait un bilan cultivé, exhaustif et critique de quinze années de déferlement de la conception assistée par ordinateur sur la discipline architecturale dont aucune agence désormais ne peut se dispenser. La vente des logiciels est boostée par le succès médiatique des formes autorisées par ce nouveau média avec ses vedettes, Gehry mais aussi Eisenmann, Calatrava, Liebskind, Zaha Hadid, etc. D’autres comme Piano, Nouvel et nombre d’étoiles de moindre grandeur glissent à leur tour peu ou prou vers les formes organiques, baroques ( ?), décoratives ou déconstructivistes qu’autorise la CAO. La jeune génération d’architecte ne pense plus architecture qu’au travers de cet outil, quand bien même les meilleurs maîtres conçoivent toujours par les moyens traditionnels qu’ils avaient maîtrisés jadis. Ainsi Gehry étudie ses projets les plus chers au moyen artisanal de maquettes en carton et balsa longuement bricolées… Le succès public répond à une attente, à une révolte contre la suprématie du less is more et de la fordisation orthogonale de Mies Van der Rohe et Le Corbusier.

Enfin l’architecture pourrait se libérer des règles de la statique et de la rigueur pauvre de la boîte rectangulaire pour se donner toutes les joies de la

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ronde bosse en sculpture : plus de limites à l’invention formelle ! L’individu, ses tourments, les fracas sociétaux pourraient être directement exprimés dans les bâtiments. La dynamique, le mouvement s’y exprimeraient comme jamais. Ricardo Porro y a consacré sa vie, produisant nombre de chefs d’œuvre expressionnistes bien avant l’invention de la CAO ! Cet engouement pour le numérique a un revers : Leurs surfaces gauches semblent souvent dictées par le seul souci de la satisfaction visuelle immédiate… Faisant appel aux ressources du calcul intégral et différentiel, les logiciels de modélisation produisent habituellement des séries continues de formes, sortes de flux géométriques ou de films générés au moyen de déformations ou de variations paramétriques. (A. Picon o.c.). Le principal intérêt est d’avenir quand l’industrie se mettrait à la fabrication assistée par ordinateurs, de l’élaboration de prototypes à la production en série. A la possibilité de réconcilier préfabrication et personnalisation aux perspectives ouvertes par la robotisation (id.). Ce qui ne manque pas d’éveiller symétriquement à la grande prudence au souvenir des procédés de préfabrication industrielle de logements standard, Camus et Coignet, de sinistre mémoire. L’horreur économique fait peser une menace permanente d’un dévoiement de ces directions nouvelles et elle ne tient qu’une place euphémique dans l’ouvrage de A Picon. Il brosse donc les contours de ce qu’il nomme l’architecture numérique. En dépit des limites apportées par les logiciels marchands, elle a ramassé la réflexion aventurée de Deleuze sur les plis, celle de Derrida sur la déconstruction, de Sloterdijk sur les bulles… Elle s’interroge sur la disparition des limites entre sujet et objet, sur la substitution de l’algorithme à l’intuition

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créatrice, voies de recherche naturellement non interdites mais ô combien périlleuses. L’art numérique s’intéresse aux continuités, aux surfaces, à la peau, à sa décoration, au mouvement plus qu’à la statique des objets et à leur rigueur constructive. Ce foisonnement atteindrait ses limites car s’il est fondé comme le baroque sur l’individu, l’architecture peut y perdre ses dimensions politiques. Elle évoluera sans doute vers un certain retour au minimalisme, vers un rôle de stabilisation, de refuge. Face au fourmillement insaisissable de l’information, vers un nouvel équilibre entre les continuités, le formalisme infini du numérique et le maintien des structures tectoniques et de la mémoire. Abordant les problèmes de la « ville numérique », le propos devient plus flou, sans être étayé par un algorithme quelconque. Le numérique accélérant les mouvements pousserait à l’abandon de structures physique et de mémoire mais on constate l’inverse, on n’a jamais eu autant besoin d’infrastructures physiques dans les villes… Manhattan et la City prennent une nouvelle importance…Peut-être est-il exagéré de tout expliquer par le numérique, la spéculation financière rendant mieux compte de cette tendance à la surdensification rendue largement superfétatoire par le travail en ligne… Le numérique tendrait à produire une ville d’individus, à moins, encore une fois que ce soit le mode de production lui-même qui soit mis en cause par l’aliénation qu’il secrète : le morcellement entre individus ayant perdu toute conscience collective, isolés, formatés par les médias, la publicité, l’encadrement par l’Etat du capital qui les nivellent en entités conformes, toutes pareilles, sous le rideau de fumée d’une autonomie prétendue, résidu autorisé par les dominants. On confond l’outil dont la manipulation amplifie ces tendances avec l’essence du phénomène, le

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mode de production, la propriété privée des moyens de production, concept tabou. L’affirmation suivant laquelle la satisfaction des sens l’a emporté sur les rêves de surveillance panoptique, paraît bien aventurée, malgré un détour obligé par la dérive debordienne, surtout si on tient compte de cette remarque : les protocoles d’interaction (numériques et urbains) sont généralement conçus de toute pièce au lieu d’apparaître comme le produit de processus spontanés de l’auto-organisation sociale.

Avançant l’idée de la ville comme territoire où se produisent des évènements, qui se substituerait aux cloisons et aux murs qui perdent une partie de leur signification, on en vient vite à l’essentiel : les phénomènes les plus imprévisibles sont souvent basés sur des processus de calcul. Les marchés financiers et leurs produits sophistiqués fondés sur des formules mathématiques constituent probablement le meilleur exemple de cette situation. Bien que rétrospectives, les crises qu’ils ont traversées ont pris tout le monde par surprise, sauf les marxistes impénitents, la naïveté du propos est réjouissante. La ville comme succession d’évènements réduit sa fonction à celle du marketing artificiel, lui faisant abandonner d’un coup son rôle fondamental de deuxième corps de l’humain, portant son caractère historique et en voie de transcendance relative. Le corps collectif et minéral de l’homme correspond à sa structure ondulatoire, collective, contradictoire et simultanée au corps individuel et organique, enveloppe de son caractère corpusculaire. Le marketing se retrouve dans la place excessive consentie à l’ornement, à la peau du bâtiment par la conception numérique. On ne s’étonnera pas de la référence de l’auteur au thème de la fin de l’histoire de Fukuyama, omettant l’autocritique que celui-ci a formulée après son échec à prévoir la crise de 2008 !

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La ville traditionnelle était déjà peuplée d’évènements, consent cependant A. Picon, mais ils étaient contrebalancés par beaucoup de résistance, à commencer par celle des espaces et des objets bâtis. En réinterprétant ces derniers comme de purs médiateurs, nous avons eu tendance à affaiblir leur capacité à jouer leur rôle de stabilisateurs de la vie et de l’expérience urbaines. Dont acte. La pensée réellement intéressante sur la ville est celle de Françoise Choay dans le concept de ville proxémique qu’elle oppose à la ville prothétique, celle de la prothèse des réseaux de dessertes, utiles mais à la condition qu’ils n’envahissent pas la logique d’une urbanisation sensible et calculée, au service de l’homme total des philosophes ou plus simplement des citoyens en mal d’utopie heureuse. Elle rejoint la pensée fulgurante du libertaire Wright et des ses Broadacre city, ses unités de voisinage suivant une logique empathique, solidaire et non technocratique, mixtes, largement autosuffisantes, organiquement complexes, à l’échelle humaine, paysagées, architecturées, peu denses, piétonnes et bien desservies par les autoroutes, les trains, les câbles électriques les réseaux d’assainissement, téléphoniques, de ramassage des ordures, de distribution du courrier, etc. Ajoutons les équipements publics autogérés de quartier qui serviraient de relais entre une famille évolutive et un Etat en voie de dépérissement. Loin de la liquidité conceptuelle, cette approche s’apparente aux constats de Van Eyck, membre précieux de Team Ten : une feuille est un arbre et un arbre est une feuille, une maison est la ville, la ville est une maison. Cet aphorisme suit le principe organique d’autosimilarité, les formes fractales se reproduisent dans des échelles successives, c’est pourquoi la longueur des côtes bretonnes est non mesurable quand on passe de

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l’échelle du kilomètre à celle du centimètre, elle tend vers l’infini… L’autre critère de la fractalité des formes c’est leur tendance, à superficie égale, à produire un périmètre infini, ce qui dans l’urbanisme des quartiers érige la complexité des formes au zénith de la communication humaine, fondement de son essence, et ce faisant, condamne les plans romains trop simples de l’orthogonalité si chère au Corbusier ou à Bouygues et Eiffage L’informatique n’est pas la seule origine de cette révolution contemporaine du style dominant de l’architecture qui s’oppose à l’austérité géométrique de Mies Van der Rohe. Ricardo Porro - qui est également sculpteur -, poursuit depuis les années soixante et ses écoles d’art de la Havane, bien avant l’invention de la CAO par les avionneurs, ses recherches expressionnistes dans l’esprit de Gaudi ou de Wright, sur la sensualité, l’organicité, l’expression du chaos et la poétique dans ses projets français (Saint Denis et Montreuil pour la Sodédat 93 puis ceux de Cergy, Plaisir, Vélizy, etc.). C’est sans doute cette antériorité qui lui vaut l’affligeante conspiration du silence hexagonale, quand il est reconnu outre Atlantique où il expose et enseigne : Bob Wilson  a même écrit un opéra sur sa vie ! Non seulement il étudie ses projets sur maquettes mais, contrairement à ses collègues chic et choc, il bâtit dans les prix ordinaires (1000 Euros/M2 en 93) quand les autres multiplient ce coût par trois, cinq, dix, etc. Porro enseignait à ses élèves, broyés depuis par le marché sans contrainte, d’incuber longtemps chaque projet dans une nourriture poétique, philosophique, dionysiaque et apollinienne de l’esprit pour étoffer leur démarche expressionniste. Chez Gehry, tout semble sacrifié à la splendide volumétrie extérieure du bâtiment (Bilbao), quand

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l’intérieur laisse voir comment les ingénieurs se sont démenés pour faire tenir ces formes externes magnifiques : la qualité des espaces intérieurs en pâtit quand on découvre les bricolages échafaudés qui soutiennent les volutes extérieures. La vérité de l’architecture n’est–elle pas dès lors quelque peu tenue en échec ? Gaudi calculait finement les retombées de charge avec ses chaînettes suspendues. Calatrava, lui-même ingénieur, réussit le tour de force de mettre à nu les structures porteuses de ses formes génialement anthropomorphes. Le regretté Emerich, visionnaire de la tenségrité (voir ses œuvres au CRAC d’Orléans), que la société mercantile n’a jamais laissé construire une seule de ses structures rhomboédriques, pourrait aujourd’hui étendre le champ d’application de la CAO dans ses structures légères autoportantes en révolutionnant l’architecture urbaine d’une quotidienneté mixant les fonctions dans une esthétique nouvelle! Ainsi des recherches persévérantes de Iona Friedmann. Sur le même thème.

Le danger le plus évident quand les formes organiques sont interdites aux architectes dépourvus de très gros budgets, c’est la facilité du moyen d’étude qui se confond avec la présentation marketing en images de synthèse, du copié collé, du moindre effort projectif qui n’a pas vraiment besoin d’être encouragé. Certains grands montrent l’exemple. L’architecture concept (dépourvue du moindre concept formel) des uns, émergente ou fuck the context des autres, cache mal sous le verbiage broussailleux, la faiblesse d’une véritable intuition créatrice à laquelle l’embauche de chefs d’agence doués ne peut toujours suppléer. Telle tonitruante exposition à Pompidou, telle luxueuse publication, mélangent subtilement projets numériques et réalisations bâties dans une triche qui contamine la profession. Le look, le

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marketing, le faux semblant, plutôt que l’intégrité professionnelle et la prudente et artisanale démarche itérative du sensible à l’abstraction, là est le danger. Telle fragile vedette, expert post-corbusien brutaliste, recouvre la cour Visconti du Louvres avec un plafond ondulant très mode. Comme lui aussi a eu son grand Prix dans une pochette surprise IFA, il faut admirer. Cette vacuité rejoint la demande du secteur économique dominant et prédateur : dans 95 % de la pratique, tout se résume à une prolifération de boîtes identiques que l’entreprise sait construire les yeux fermés ! Comme il y a une santé, une politique, une pédagogie, il y a une architecture à deux vitesses. A moins que, la crise rattrapant les Etats, il n’y ait même plus de projets somptuaires susceptibles de verser les honoraires de Gehry !

Tests : Architecture now, (Taschen, 2009)

Vous pouvez feuilleter cette présentation critique par Philip Jordidio de 70 projets de la Chine au Mexique. L’idée centrale est diversité et inventivité, quand les premiers blobs extravagants de l’architecture numérique ont à peu près disparu. Le concept de modernité liquide est utilisé pour décrire ce principe d’incertitude formelle émanant de l’ordinateur selon des risques (pas toujours) calculés, avec des surprises, parfois heureuses, dans le cadre d’une confiance évolutive, des rubriques vous indiquant sans cesse ce qui est « in »… Sur les bâtiments des JO de Pékin, par exemple le centre de natation et sa peau de bulles plastiques organiques et aléatoires, Jodidio cite le Financial Times (!) : Toute réflexion sur la ville est abandonnée. C’est du modernisme moins l’utopie et sans le contexte qu’il soit physique, topographique, politique, théorique ou urbain… Chacun de ces immeubles aurait pu

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être construit n’importe où dans le monde. C’est une culture du design… une propagande du régime pour sa modernité et sa puissance économique… On pourrait étendre cet attendu à nombre de publications du recueil. La traditionnelle reprise de l’orthogonalité du less is more, du béton soigné contrastant avec le paysage naturel se croise avec le brutalisme, les courbes évolutives ou le fractal concassé, outre quelques projets originaux et bienvenus, jusqu’au minimalisme anecdotique de la maison de thé de Fujimori. Nombre de vedettes consacrées montrent, sous la répression mercantile, des objets sans trop de grâce dont la pauvreté n’est pas d’essence romane. Ainsi de Morphosis, Alvaro Siza, Monéo, Coop Himmelblau, Wilmotte, Herzog et De Meuron, Mendès da Rocha, de la tour du New York Times de Piano, décevante, des machins énormes de Foster à Moscou, la toque en feutre du Zénith de Fuksas, etc.

Guère étonnant que sur 70 projets, seulement 17 d’entre eux retiennent notre attention. Dans le style modernité plus ou moins liquide, le railway d’Innsbruck de Zaha Hadid qui, comme Eisenmann a produit longtemps des éléments dessinés avant de construire, force l’admiration. Son style de formes organiques ouvre un juste dialogue avec la montagne. Tom Wiscombe propose des formes de même famille pour sa bibliothèque de la république tchèque. De Liebskind, le musée de Royal Ontario tout en tensions et brisures fait dans un déconstructivisme convaincant. Les arcs en béton de Toyo Ito de la Tama Art University, plus classiques, n’en sont pas moins plastiquement vigoureux, comme le zénith en lamellé collé de Tschumi, la chapelle verre acier de Marc Rollinet, inspirée par celle du fils Wright à LA, le palais de justice d’Arezzo de Nicoletti, le East beech cafe de Heatherwick

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studio, l’intérieur du théâtre agora de UNstudio à Lelystad, Pays-Bas. D’autres directions sont également passionnantes. Ainsi de la tour d’observation de Tonkin Liu, Lancashire, empilement audacieux de tuyaux métalliques où le vent offre des concerts, l’Uchronia de Jean Krikel, Studio Arne Quinze, dans le désert du Nevada, méga structure provisoire pour un festival, assemblage génial en planches de trois dimensions, 60 mètres de long, 30 de large, 15 de haut, destiné à être brûlé en clôture. Cette œuvre imite à une autre échelle les sculptures de structurations d’espace, de dimensions plus modestes, de la grande sculpteuse Ludwika Ogorzelec. Citons encore de MIII architecture (Risjwijk), le centre d’information de Baarn en lamelle collé et, d’Anton Garcia Abril, le siège de l’union des compositeurs à Saint Jacques de Compostelle, assemblage d’énormes blocs de granit, splendide. Enfin deux réalisations à fins sociales, très intéressantes. Le concours de Brad Pitt pour les relogements de sinistrés de Katrina à New Orleans, avec de très bonnes maisons bon marché de Graft, David Adjay, Trey Trahan, Pugh+Scarpa, et une maison inintéressante de MVRDV. Shigeru Ban a réalisé à Ceylan des maisons en bois un peu simples pour le relogement des victimes du Tsunami mais avec des intérieurs élégants. Le très beau travail de Dioniso Gonzales sur les favelas series de Sao Paulo où l’architecte simule des insertions d’architectures modernes au sein du bidonville ordinaire, répond à un projet de remplacement par des tours. Il n’est pas sans évoquer la géniale « mémé » de Lucien Kroll qui utilisait dans ses façades un vernaculaire inventé juxtaposant tous les matériaux nouveaux des années 68. Une grande partie de l’architecture contemporaine de qualité ne peut échapper au compromis puisque l’argent -

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parfois en énorme quantité - reste nécessaire pour réaliser un projet remarquable ou innovant… L’architecture dans laquelle vivent la majorité des habitants de cette planète est assez ordinaire, ou pour le moins répétitive dans la déclinaison du concept de boîte… (P. Jodidio)

L’Arsenal du conformisme.

Expositions à L’Arsenal sur l’architecture de notre capitale et des ses suburbs du nord. Rien ne montre plus l’identité de fond entre les politiques néo-libérales, qu’elles se réclament de la droite ou de la gauche, elles témoignent physiquement de la parfaite continuité dans l’insignifiance veule des pratiques urbaines et architecturales, de Tibéri à Delanoé (et Braouezec). Elle est solidement garantie par les monstres bureaucratiques de l’APURE ou de l’IAURIF, les maîtres d’ouvrage, offices HLM, RIVP, SEAMAA, etc., et par l’humus qui nourrit et détermine le tout, la grosse entreprise du BTP, la marge à 15 %, celle qui conduit inexorablement aux crises financières ! La ZAC Austerlitz n’a pas changé d’un iota ses surdensités et platitudes formelles pourquoi tant de niveaux ? A quoi sert ici la procédure publique sinon à alléger les coûts d’aménagement du promoteur pour qu’il amplifie son profit ? Pourquoi ces façades plates, tristes et indifférenciées ? Changez d’arrondissement, vous serez agressé des mêmes boîtes et niveaux courants empilés sans grâce, sans jamais le moindre décrochement qui permettrait de sculpter l’immeuble en rafraîchissant le regard profane. Rive gauche, rive droite, identiques Waterloo de la forme, des centaines d’hectares mêmement gaspillés, bazardés à la fureur profiteuse, quel que soit le blaze du concepteur, choisi au même répertoire

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d’enseignants bien pensant et cumulards, couronnés de lauriers usurpés et de prix en pochette surprise. Tout juste si Borel s’efforce toujours de compliquer un peu ses volumes, si Berger, miraculeusement rajouté aux nuls du concours des Halles, propose un paysage intéressant pour la nouvelle dalle… D’un panneau l’autre, écarquillant les yeux pour chopper dans le défilement rapide des images creuses la moindre trace d’énervement conceptuel : rien ne sourd du magma ou si peu. Les équipements mêmes sont tristes et sans la moindre pêche. Tout juste si dans la rétrospective on découvre au hasard, proprement inespérées, de belles images du passé, le paquebot du boulevard Lefebvre (1924) ou l’Ivry renaudien (1970) , Beaubourg ou Gehry mais vous chercherez en vain Gailhoustet, Buczkowska, Porro, etc., splendides fleurons de banlieues jadis agitées des fièvres soixante huitardes !

Que dire de la Plaine Saint Denis ? Pleure, mon cœur ! Du Salvatore social démocrate, kidnappeur de l’Aubervilliers des prolos qui revendique piteusement, comme Neporello ses gages, sa tour aux Quatre Chemins qui rivaliserait dans la boursouflure spéculative avec les incongrues Pleyel ou Pariphéric ? Du pathétique maire de Saint-Denis, le bon Didier Paillard, psalmodiant longuement sa nostalgie d’une mixité introuvable et sa honte inavouée du torrent d’immondices dix ans déversés sur une Plaine bradée aux spéculateurs. Il regrette sa rue du Landy et les anciennes impasses, supports d’une défunte vie de quartier, balayées par la mono-fonctionnalité tertiaire et la médiocrité conceptuelle des Hippodamos, Daune, Devillers, Riboulet, Corajoud, Lion, etc. Des densités si élevées qu’elles excluent tout liberté de création. L’opération parisienne Mac Donald, est un rare exemple dans l’exposition où quelques chiffres permettent de simuler un rapide calcul de coefficient

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d’occupation des sols : pas loin de cinq quand notre îlot Basilique à Saint-Denis, dense, ne dépassait pas un cos de deux ! Cette densité excessive, vus les épannelages montrés, s’étend à l’ensemble de la zone de 600 hectares : un séisme dévastateur de la physionomie parisienne ! Même Jourda, pourtant ailleurs si talentueuse, ne parvient à proposer qu’un plot anonyme, substituable à n’importe quel autre de ses ternes voisins … C’est en fait le marché souverain qui décide, Icade, Paribas et Bouygues, quand la première ZAC Montjoie utilisait la pression de la demande pour imposer aux promoteurs une architecture ambitieuse, décidée à l’époque par des élus impliqués comme Soucheyre ou Mano. L’exposition aujourd’hui cache, comme était gommé hier Trotski sur les photos retouchées staliniennes, les images et les noms des valeureux concepteurs de cette première et exemplaire ZAC Montjoie, ci-dessus cités! On n’en est pas encore à la démolir comme juste à côté les 440 HLM exemplaires des Poètes à Pierrefitte de Padron Lopez et Euvremer, mais ces exemples de qualité font peur ! Et si en 2010 il y avait une autre solution, expérimentée, viable, riche, substituable à l’aplatissement sur les normes du marché prédateur, à condition que les citoyens s’en emparent ? Que deviendraient nos agapes multicartes et nos cohortes de bénédictins encoconnés ? Cerise sur le gâteau, le concours parisien public distribue les récompenses destinées à maintenir le talon de fer de l’affairisme médiocre. Affligeant ! En dehors d’une belle villa de luxe en bois (270 m2 !) et de deux très jolies passerelles, à Paris et Evry, sur la vingtaine de lauréats, rien n’accroche le regard, que des platitudes. Comment oser exhiber ce fatras ? Et ce lieu officiel du bon goût assène cette anticulture du vide, de l’argent roi, aux étudiants, aux citadins !

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La belle madame Hidalgo conclut : on a essayé de ne pas plaquer un modèle étriqué, peut-être on viendra voir demain le Nord Est parisien comme un endroit où quelque chose a été inventé ! Ca m’étonnerait ! Mais soyez rassurés : l’objectif c’est l’humain ! A moins que ce ne soit le cash flow ?

Edelmann du Monde est à cet aune. En août 2010, il nous octroie trois papiers flagorneurs et promotionnels. A l’exception des portraits en pied, aucune image, aucune critique. Le petit Perrault de l’innommable TGB, invraisemblable cadeau présidentiel à la nullité, raconte ses angoisses d’agence comme Manuelle Gontrand, meilleure architecte, chargée de remodeler la Gaieté Lyrique, car elle est aujourd’hui tristement en mal de commandes - c’est la crise - mais que nous chaut si on ne voit pas ce qu’on y perd ? A quoi rime cette pseudo critique plus proche de la publicité rédactionnelle ? Troisième papier (5/9/10), toujours sans image : l’ineffable Koolhaas occupe la scène médiatique par des provocations et vogue, l’enrichissement acquis, vers un consensus aussi verbeux. Ainsi vitupère-t-il le patrimoine, la conservation des bonnes architectures du passé pour leur substituer aussitôt le terme de préservation : quoi d’autre qu’une pirouette sans aucun contenu esthétique à l’image de ses bâtiments informes, coups médiatiques propres à épater le gogo qui permettent l’alignement sur le n’importe quoi du marché (Euralille !). Le seul élément qu’il faudrait garder à ses yeux, c’est naturellement le modernisme des années soixante, les boîtes inexpressives où entasser gens et profits ! Koolhaas, archétype en architecture de la montée de l’insignifiance décrite par Castoriadis, de l’absence de contenu de vérité de l’œuvre selon Adorno, de la société du spectacle chez Guy

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Debord ! Pas le moindre sens de la forme. Le Monde de la démolition systématique de la structure du goût !

Arc en rêve

Beau nom s’il en fut pour ce haut lieu bordelais d’architecture. Il organise un parcours contemporain en douze stations dans cette ville à l’urbanisme bien tenu. Cauchemar ou chemin de croix ? Trois étapes méritent le déplacement : la caisse d’épargne de Lay, grand prix d’architecture, magnifique bâtiment wrightien, le palais de justice de Rogers, aux salles d’audience lamellée-collée en œuf de Pâques et les jardins où Jourda inscrit d’intéressantes formes molles en béton projeté. Sur deux heures d’excursion commentées par une gentille dame plus apte à causer Saint Emilion, trois minutes pour ces sites fugitivement entr’aperçus de loin quand les autres haltes qui exposent les boîtes habituelles n’offrent guère d’intérêt.

D’un logiciel l’autre

La CAO numérique est un outil très intéressant mais seulement un outil. Son utilisation au service d’un épanouissement de l’architecture ne peut se passer des changements du logiciel sociétal, celui d’un capitalisme étant parfaitement obsolète, comme la crise financière et l’effarante affaire Bettencourt le démontrent intensément en dénudant les rois du CAC 40 ! La pensée rationnelle ne cesse de progresser à pas de géants, entraînant les développements incessants de la technologie et c’est heureux. La réalité économique et politique du monde semble seule à l’abri de ces avancées

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rationnelles quand elle accumule un retard effarant sur les autres disciplines, comme en témoigne le gel du progrès démocratique depuis la fin du 18e siècle stoppé aux portes des entreprises ou bien l’effondrement de la science économique révélé par le krach monétariste de 2008. L’origine est à chercher dans les appareils idéologiques, privés ou étatiques qui, après l’échec de la première tentative inspirée par le marxisme, ont conjuré l’avenir en établissant l’équation sophiste Marx = Lénine = Staline. Marx qui, dans son manifeste de 1848, s’il propageait de premières illusions sur le rôle de l’Etat (centralisation du crédit, banque nationale unique monopole exclusif, plan collectif) affirmait pourtant que les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers, ils n’établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement prolétarien. Les dominants s’efforcent d’interdire l’usage de ses incontournables concepts de base pour qui voudrait comprendre l’évolution du capitalisme tardif, tels que plus-value, vente achat de la force de travail, profit, accumulation, lutte de classe, autogestion, aliénation, crises cycliques, Etat bureaucratique comme instrument de domination aux mains de l’actionnariat, etc. Une autre raison, symétrique, est à l’autre bord, l’incapacité de la gauche radicale à tirer les leçons des aberrations totalitaires du stalino-maoisme, illustrée par l’obstination à défendre bec et ongles l’étatisation calamiteuse par des services publics érigés en fer de lance révolutionnaire, les œillères sur la seule voie disponible, celle d’une autogestion repensée, progressive, combinant les actions de masse et la conquête électorale, articulant la réforme profonde des institutions avec la montée impérieuse du contrôle citoyen.

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La voie royale pour l’épanouissement de l’architecture consiste à retrouver, avec les moyens décuplés de la technologie et du numérique, la maîtrise hédoniste de l’humain sur son environnement, à l’image de celle qu’il possédait dans l’histoire pré-capitaliste, encore décelable sous sa forme artisanale et pauvre dans les villages des ultimes minorités tribales ou des magnificences du Moyen-âge ou de la renaissance vénitienne. L’architecture ne peut être aujourd’hui que savante, technologiquement sophistiquée mais elle devrait pouvoir conserver cet ancien caractère sensible, proxémique, empathique, complexe, beau, libéré de l’horreur économique parce que porté par des créateurs autonomes et approprié par les citoyens.

Où donc est passée l’architecture… en architecture ?

L’étrange affaire, c’est que tous les commentateurs en sciences humaines, littérature, économie, arts, voire biologie, ne cessent d’emprunter à l’excellence ancienne de la discipline architecturale, son goût solide pour la structure, rendue obligatoire par la statique, pour décrire ce qui manque à leurs propres disciplines, tombées dans une certaine liquidité moderne, dans l’insignifiance. Ces disciplines diverses évoquent sans cesse l’architecture pour combler leur fréquente vacuité organisationnelle, comme un appel angoissé au souvenir effacé du temps où elle se préoccupait intuitivement et rigoureusement d’art mais inséparablement de stabilité, de gravité, de statique, de tectonique ? Ceci au moment même où, dissoute par l’affolement exponentiel des spéculations financières et immobilières - corollaires de leur reflet en idéologie - la structure interne de la discipline architecturale perd elle-même et sa valeur d’usage dans la spéculation et ses

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rigidités gravitaires avec les ouvertures fascinantes de la CAO. La déstructuration totale de l’urbain sensible, réduit au prothétique des réseaux de dessertes et à la prolifération autiste des étages empilés de la spéculation immobilière, accentue la tendance nihiliste.

La maison de la forêt d’Iwona Buczkowska

C’est en quoi le dernier bâtiment construit par Iwona Buczkowska, la maison de la forêt de Darnétal, organisation circulaire en tous bois, dans sa sage et explosive modestie, peut apparaître comme un des paradigmes d’un avenir architectural sinon indécelable. Intégralement inscrit dans la tradition constructiviste, il échappe pourtant à la nostalgie. Il produit une écriture architecturale projetée vers l’avenir par d’autres moyens que les volutes de la CAO, non par aristocratisme ou passéisme mais simplement pour des raisons budgétaires. Le programme, inscrit dans ses prix courants, est un objet usuel, quand bien même la pédagogie est une clé qui, si elle échappe aux canons du conformisme, peut ouvrir à un avenir hédoniste, offrant ainsi un terrain d’excellence à l’invention spatiale. Comme l’architecture, la pédagogie est largement fondée sur l’affectif. Ici, elle s’exprime dans la maîtrise des moindres détails, intuitivement passés au tamis de l’accumulation des héritages assimilés, où, parmi les plus précieux, on notera la référence à F.L. Wright, particulièrement dans le thème de l’horizontalité de ses maisons de la prairie ou celui des volumes courbes, musée Guggenheim et David Wright house à Phoenix. A propos de Buzckowska, François Granon de Télérama, évoquait Mozart lequel utilisait les legs de Haydn ou de Bach pour raffiner dans une écriture virtuose le message des Lumières… Chaque détail ciselé enrichit l’oeuvre totale,

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en harmonie avec le souffle qui porte l’ensemble : un vocabulaire épuré mais exigeant, mis au point dès Blanc-Mesnil dans une version plus anguleuse et dissonante, ici, dans une courbe apaisée, généreuse, maternelle. La tension pointe cependant dans le jeu des inclinaisons de clins, les ouvertures soulignées d’un métal vivement coloré, la contradiction des auvents dont l’oblique dramatise et suggère le chaos. Le point haut de la tour d’observation introduit la verticalité, quand la déclinaison des ouvertures calibrées invite la profusion forestière à s’engouffrer dans l’espace intérieur… et la distribution turbulente des jeunes chênes contemple effarée l’ordre raffiné créé par l’étage supérieur de la fusée cosmique, celui de la conscientisation de l’organique. Le bâtiment en couche mince contredit savamment la verticalité de la forêt ambiante et dégage une sérénité et un calme rationnel qui semblent protéger des fracas du chaos sociétal. L’espace interne est l’objet du même soin inventif : la circularité des couloirs exploite son charme jusqu’au largo des grandes salles, souligné par les arcs en lamellé collé qui portent une toiture légèrement cambrée, ainsi qu’à la découpe intime des petites salles de classe dont les accès rayonnent du couloir vers la détente des salles collectives. Au passage, l’ingéniosité du traitement du plafond par le triply contribue par son rappel artisanal à l’ambiance affectueusement protectrice, tout comme la clôture en poutres cylindriques. La combinaison de volumes simples crée la complexité où la modulation de la lumière est le principe unificateur au moyen d’un dosage, d’un filtrage, d’une osmose qui, jamais laissés au hasard, induisent des situations dynamiques lors des déplacements, la quatrième dimension chère à Bruno Zevi, où la lumière tamisée devient une matière mélodiquement contrepointée… Le tour de force est ici que toute esbroufe ou approximation est éliminée, l’œuvre naît aussi de l’instant où la réflexion

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intuitive et rigoureuse, méthodique et créative, a achevé de travailler avec la même opiniâtreté l’enveloppe externe et la découpe des espaces intérieurs, jusqu’à la minceur idéale d’une peau ultime, tendant asymptotiquement vers la quasi disparition de son épaisseur. Une logique implacable est à l’œuvre où chaque détail, inféodé à l’intuition d’ensemble, est justifié par la statique et l’équilibre des tensions, autant que par l’utilité sociale au sens large de l’empathie enfin par l’esthétique, cette autre approche, transcendante et rationnelle celle-là, de l’utilité. Un autre tour de force est celui du dialogue avec l’ingéniérie où la structure courbe parvient à se dispenser d’un rôle immédiatement porteur trop coûteux, grâce à un report astucieux des charges.

Dans la recherche sur l’oblique de Buczkowska, il était possible de lire la tentative de dépasser dans l’espace la contradiction dialectique entre l’horizontalité, siège des échanges communicationnels, dimension collective (ondulatoire) de l’humanité, et la verticalité, tentative éternelle de l’humanité de se dépasser soi-même dans une transcendance jamais atteinte de ses individus de pointe, auto-créés, historiques, libérés des mythologies, éléments (corpusculaires) les plus brillants au sein de la distribution aléatoire des gènes et des biographies… Cette préoccupation de l’osmose entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment illustre symboliquement le self, le contact, chers aux intuitions de la gestalpsychologie, qui seraient le lieu privilégié de la création, à l’interface humaine entre ses caractères ondulatoire et corpusculaire, entre l’individu et son environnement naturel, à l’image de la structure fine de la matière / énergie… A AA et AMC, au Monde, à Chaillot, aux grands prix, connaît-on les six oeuvres, les six chefs d’œuvre de Buczkowska ? Ses réponses aux concours de l’école de Saint Denis et du centre culturel de

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Solidarnosc à Gdansk, tout en courbes, en dynamisme, fractures et tensions, révèlent le potentiel créatif qui pourrait être ici libéré par la CAO et des budgets correspondants. S’agirait-il à Darnétal - traduit du Viking : le val des épines ! - du chant du cygne d’une esthétique fondée sur la statique, d’un constructivisme obsédé par la gravitation et les méthodes constructives traditionnelles ou du dépassement du foisonnement des formes aléatoires à la recherche d’autres principes structurants capables de forger une tension dialectique inédite entre structure et mouvement, indispensable à un nouveau contenu de vérité de l’œuvre d’art contemporaine? 99 % de ce qui se construit fait toujours appel - le plus souvent sans grâce - à ces bons vieux principes statiques qui datent des pyramides, des ordres grecs et de la solidité de Vitruve, avant le gothique et le mouvement moderne. Ce qui ne signifie pas qu’on doive condamner ni la dissonance déconstructiviste de Porro, Liebskind, Studio Arne quinze, ni les recherches liquides de Gehry, Wiscombe, Hadid, Eisenmann, Calatrava, fussent-elles pour le moment hors de prix. Seule, peut-être, l’exploration concrète des structures légères et géométriques de la tenségrité d’Emerich et de Friedman pourrait promouvoir une nouvelle dialectique d’opposition, de tension des forces entre une structure libérée de la gravité statique et une création formelle proliférant à l’infini. Cela suppose l’audace de maîtres d’ouvrage cultivés, appuyés sur une démocratie active, libérés de l’obsession obscène de la marge immédiate puis la généralisation de ce type de construction aux objets urbains utilitaires : une révolution que l’Oréal, Bouygues et leurs factotum ne sont pas prêts d’encourager, sauf dans les largesses à fin de marketing de Pinault et autres très

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rares milliardaires mécènes ! Demain l’autogestion peut-être ? Peuvent y aider la reprise de la réflexion de Henri Lefebvre sur la vie quotidienne et la rythmanalyse rejoignant celle de Henri Meschonnic en linguistique qui soulignait l’importance fondatrice du rythme, fondée sur sa traduction originale de l’Ancien Testament où il restitue en place d’une ponctuation inexistante, les espacements rythmés de la diction figurant sur les manuscrits en Hébreu, le te’amin qui supporte la prosodie. Le rythme de la phrase parlée exprime au-delà du sens immédiat du signifié de la sémantique, le signifiant comme passage de l’organique à l’humain par la langue, comme indispensable introduction au moyen du rythme et de la poétique, de l’éthique dans la politique pour y pulvériser les langues de bois, le conformisme du signifié sec, imposé par les dominants… Extrapolons ces considérations à la langue de l’architecture, à son vocabulaire et à sa syntaxe, à la répétition sclérosantes des métriques de la boîte, versus son rythme vivace chez les vrais créateurs, celui de la prosodie, de la poétique de l’inspiration utilisant toutes les combinaisons volumétriques de la ronde bosse, comme autre moyen de faire se rejoindre la conscience humaine et le cosmos. Cet écho des battements du cœur humain, du tempo des musiques, se retrouve dans les arcs de l’école des arts de La Havane de Porro, des HLM tramés de Blanc Mesnil ou en lamellé-collé du collège de Bobigny de Buczkowska, des fenêtres de Xénakis au couvent de la Tourette du Corbusier, des piliers en lotus des bureaux Johnson de Wright, des arcs de Cordoue, des villages Miaos du Yunnan, du cloître Saint-Trophime ou des ksours du sud tunisien…

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Janvier 2011. Deux évènements : l’un est la publication par AMC Le Moniteur (l’architecture régie par l’organe des patrons du bâtiment !) des cent projets remarquables de l’année 2010. Nous ne nous attarderons pas sur le cheval de médiocrité de ce pâté d’alouette : des boîtes, des boîtes, toujours des boîtes, surtout en matière de logement, constituant essentiel de la ville, comme on sait, où seul un Michelin un peu gonflé propose une forme régionale qui rompt un peu la dictature de la norme. Certes tous ces projets sont soigneux et appliqués, le souci du détail est visible, parfois celui de la proportion mais où est donc l’architecture, où est la création ? Trois objets émergent cependant : l’abri pour fouilles archéologiques d’Andreu, la jolie chapelle de Dumoulin Prévost. Le scoop, l’alouette, une première en quarante ans, c’est la publication d’un projet wrightien d’Iwona Buczkowska, la maison de la forêt de Darnétal, d’une richesse conceptuelle folle, certes ici publiée un peu comme à regret, rabougrie sur une page avec une seule photo… Ne nous plaignons pas, il s’agit peut-être d’un acte historique ! L’autre publication est le très sérieux et très honnête ouvrage de Monique Eleb sur l’architecture du logement social depuis 1945, commandé par l’ordre des architectes, clair et bien illustré qui s’ouvre sur les différentes tendances marquant cette longue période où le meilleur y côtoie le pire. Si Renaudie est bien publié, on s’attendait chez Gailhoustet à admirer ses superbes logements du Liégat à Ivry ou de Basilique à Saint Denis plutôt que sa première œuvre, une tour encore très corbusienne. Si Gaussel, Euvremer, Padron Lopez manquent à l’appel, on est heureux de retrouver les noms qui ont jalonné l’épopée de la Sodédat 93, les Paurd, Simounet, Bardet, Deroche, Girard, etc. Le fait que la couverture du livre reproduise – sans le dire – le plan masse du quartier de la Pièce Pointue

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du Blanc Mesnil de Buczkowska – encore elle ! –, sa reprise en tête de chapitre, les deux pages consacrées à ce chef d’œuvre le signale comme une manière d’apogée de cet effort d’invention du confort et de la beauté quotidiennes dont le logement social par tradition française, s’est trouvé être jusqu’à Mitterrand le creuset précieux. Temps achevé, comme l’a soulignée la forte intervention dans le débat de l’exposition de Catherine Furet (première œuvre à la Sodédat !) soulignant la catastrophe survenue à la nouvelle génération du logement social, où toute invention formelle est désormais soigneusement réprimée, où le client est frustré par le promoteur des surfaces habituelles qui tendent à la peau de chagrin pour gonfler le profit à court terme !

L’actualité extra- architecturale fournit là-dessus le commentaire philosophique intempestif de la praxis politique. Une sordide affaire d’héritage éclaire avec toute la cruauté souhaitable la décrépitude et le cynisme des grands bourgeois qui avec la sueur des prolétaires de l’Oréal, s’achètent une île aux Seychelles, escroquent le fisc, couvrent d’or ami de cœur et parti de classe, un milliard d’Euros, au diable la pingrerie ! Presque tout s’éclaire sur comment s’effectue la liaison entre les membres de la classe dominante et leur parti qui maîtrise l’Etat. La femme du ministre comme agent de liaison idéal ! La forêt domaniale bradée aux petits copains ! Une fortune fondée sur la découverte par un chimiste sans le sou des propriétés émulsifiantes d’un dérivé du pétrole devenu l’ingrédient bon marché de tous les shampoings du siècle, la pub et Claudia Schiffer créant le surprofit sans cause. Dans la foulée, le soutien naturel du milliardaire au fascisme avant guerre et les amitiés nouées avec un autre président, féru de TGB et d’architecture mal barrée, en

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migration permanente de la cagoule à la gauche et vice-versa. La saga du CAC 40 soudain entraperçue ! Bettencourt, partie émergée de l’ice-berg du calcul égoïste ! Mais la justice de classe et l’ami procureur sont là pour refermer les fenêtres qu’un courant d’air imprudent avait ouvertes. Circulez ! Vous n’en saurez pas davantage, on pouvait pourtant élucider un siècle de notre histoire et la nuisance profonde de ces actionnaires à qui le Président ami refile un petit chèque de 30 millions d’Euros, prime pour récompenser la triche fiscale, en toute légalité, en attendant les prochains retours d’ascenseur cependant qu’il remet à flot les persécutions raciales comme bouc émissaire !! N’est-il pas temps d’instituer un RMA, revenu maximum autorisé, de placer les banques sous le contrôle de comités de surveillance élus par les usagers et les salariés, de fermer la Bourse, d’élargir les pouvoirs des comités d’entreprise, d’entreprendre le dépérissement de la propriété privée des moyens de production ? De réformer en profondeur l’Etat, outil bureaucratique du capital, pour le faire dépérir dès maintenant, en commençant par sa base, l’institution municipale, cette fabrique de mandarins, en la plaçant sous le contrôle actif des citoyens élus par les quartiers et siégeant en permanence, en intégrant son activité dans un marché enfin libre car encadré par la vigilance populaire ? De replacer l’intuition bakouninienne fondamentale, débarrassée de ses scories, au cœur de la démarche d’un réformisme enfin révolutionnaire ? Après deux siècles de stagnation, il serait temps de placer la démocratie sur une nouvelle orbite.

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Pour se consacrer enfin à notre second corps social, l’architecture, la ville, où 80 % des neuf milliards d’individus corpusculaires ondoieront en 2050 !

Nous somme s tous des Tunisiens à nous indigner et vouloir décider nous-mêmes de tout, y compris de l’architecture, qu’il faut arracher aux banques !

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L’assassinat des Poètes ou le triomphe de l’obscurantisme.

Rapide historique.

En 1974, un responsable départemental du PC s’efforce de soigner sa déconvenue historique : le ralliement du parti de Marchais à la normalisation totalitaire en Tchécoslovaquie le conduit à réviser un engagement révolutionnaire floué en se reconvertissant dans l’urbanisme et l’amélioration du sort concret des travailleurs, à l’utopie urbaine tangible plutôt qu’aux « lendemains qui déchantent ». Il devient l’animateur de la Sodédat 93, société d’aménagement de la Seine Saint Denis qui vient d’être créée par la conseil général

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communiste. Il rencontre rapidement le meilleur de la jeune architecture française dans sa diversité – de Jean Renaudie à Paul Chémétov, des post modernes aux Japonais de Team Zoo et à l’expressionnisme de Ricardo Porro, avec un fort penchant pour les orientations de Team Ten. Son action pour la qualité urbaine obtient le soutien de ceux des élus ouvriers qui veulent, sous l’effet de la critique urbaine de mai 68, tourner la page des grands ensembles issus de la charte d’Athènes : zonage, standardisation du logement social, tours et barres sur no man’s land bituminé, n’ont engendré que ségrégation sociale et aliénation totale.

Avec des élus, aristocrates ouvriers de sensibilité ouverte, comme Mmes Andros de l’Isle Saint Denis, Petitot de Villetaneuse, Pierna de Stains, Périllaud de Montreuil, Soucheyre de Saint Denis, Karman et Sivy d’Aubervilliers, Royer du Blanc- Mesnil, Marson de la Courneuve, Mons de Noisy, Pierna de Stains, etc., la Sodédat 93, aménageur départemental, construit non des objets miraculeux mais des quartiers diversifiés, quelques utopies concrètes, conçus dans les conditions économiques et institutionnelles du temps et qui fonctionnent plutôt bien. Ils sont piétons, végétalisés, mixtes fonctionnellement et socialement. L’architecture, complexe, n’est plus décidée par les BET d’entreprise dans une simplification qui permet d’engranger le profit maximum mais par les architectes eux-mêmes selon leur éthique inventive. Leur projet est ensuite confronté à l’avis critique des élus, et mieux, à celui des populations. A la morne cellule exactement rectangulaire et dupliquée, dont on a décidé avec mépris qu’elle est adaptée aux besoins des travailleurs pauvres, les plus hardis substituent l’obligation de ne jamais répéter le même plan de logement mais d’introduire la variété des formes,

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l’oblique, la courbe, les mezzanines, les transparences de rez-de-chaussée, les coursives, les terrasses plantées en pleine terre, etc. Ils créent un espace intérieur appropriable. La pointe de cet effort se situe dans la reprise du gradin-jardin de Jean Renaudie, dans la filiation de Team Ten. En 1984, Henri Lefebvre sera associé à cette démarche. Cet engagement est aussitôt combattu par des élus dogmatiques, emmenés par Valbon, président du conseil général et maire de Bobigny, ville au bouquet de vingt tours répétitives, ainsi qu’un urbaniste courtisan l’a décrite sur commande. La SCET (filiale de la Caisse des Dépôts), auteur d’innombrables ZUP, qui encadre à ses débuts la jeune société d’aménagement, tente de freiner ses velléités de renouvellement urbain. Des dignitaires bedonnants d’offices HLM, des architectes affairistes tenus à l’écart de cette commande éclairée, tout l’appareil commercial de la grande entreprise et des officines se constituent en front commun pour tuer dans l’œuf la nouvelle orientation. Ce qui fait beaucoup de monde ! Elle est cependant soutenue par quelques vertueux et sensibles fonctionnaires du Ministère de l’Equipement (GEP, FAU, direction de l’architecture, etc.) : Mmes Fribourg, Contenay, MM Baquet, Bachwitz, Duport, Dommel, etc. La presse, avec le Monde de Champenois (la Seine Saint Denis, terre de missions de l’architecture exigeante !), le journal de l’Union des HLM de Guinchat, ou l’Humanité et Regards, reconnaît cet effort.

Ecologistes bien avant l’heure !

Le caractère écologique de ces quartiers est éclatant : les terrasses plantées en pleine terre, la qualité des espaces intérieurs et extérieurs, recréent les conditions d’un plaisir

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sédentaire qui modère le besoin excessif de déplacements automobiles qui polluent et mangent le temps de vivre. Généralisé, ce type d’habitat tend aux économies d’énergie. La terrasse renouvelle exactement dans les étages la surface végétale supprimée par la construction, elle favorise donc l’élimination du CO2 à effet de serre. Elle retient les pluies excessives en évitant les inondations ; elle joue un rôle de volant thermique. Elle favorise en outre la convivialité entre locataires, adoucit la sévérité des verticales, redonne un contact permanent avec la nature, tout comme le font les parcours piétons labyrinthiques, verts et dessinés. Ces bâtiments compacts de 5 niveaux maxima, au coefficient d’occupation des sols de 1, sont infiniment plus économiques en énergie que le ruineux pavillonnaire. La forme du logement n’est jamais répétitive, chaque HLM est dessiné de manière originale, comme une maison appropriable, l’espace de vie commune de la famille est privilégié, le passage du privé au collectif public n’est jamais brutal mais négocié avec sensibilité.

La mixité sociale peut s’y installer pourvu que les gestionnaires y portent attention car certains des cadres apprécient l’environnement inédit et acceptent de cohabiter avec des habitants plus modestes, aidant ainsi à structurer un milieu social équilibré. Ce qui est la seule voie pour une intégration bien conduite respectant les richesses culturelles des origines et gommant doucement par le frottement courtois les pesanteurs répressives issues des mythologies surannées. La gauche pleutre et la droite vindicative (effaçons mai 68 !) ont totalement abandonné cette voie unique pour s’engouffrer une régression à brides abattues dans la ségrégation mortifère, l’enfermement pavillonnaire des uns, la désespérance des autres, coincés dans leur ghetto de la charte d’Athènes. Mme Boutin a fait

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une loi qui triple le loyer des couches moyennes qui avaient accepté de jouer le jeu de la solidarité : elles déménagent, ainsi de l’îlot d’équilibre social et ethnique, longtemps exemplaire, de la Pièce Pointue du Blanc-Mesnil où les deux derniers cadres historiques sont partis en 2009 ! Ces quartiers nouveaux ne peuvent changer à eux seuls la vie des citadins, ils nécessiteraient bien entendu l’appui d’une solidité sociale, d’un bon niveau de salaires, du plein emploi, d’une école efficace, et d’une sécurité de niveau parisien. Mais le changement complet de la forme urbaine pour une solution empathique et douce est le vecteur indispensable de la réussite, pour autant qu’on y tende sincèrement.

Les Poètes de Pierrefitte s’inscrivaient dans cet effort altruiste contre l’habitat totalitaire des ZUP. Non pas dans une direction unique, obligatoire, vers une perfection imposée mais selon un progrès sur mille pistes à défricher d’un habitat proxémique, peu dense, de faible hauteur, mixte, vert, offrant des parcours hédonistes. Plus de dix quartiers du 93 sont ainsi bâtis. Avec Ivry, Givors et Saint Martin d’Hères, en tout près de 10 000 HLM, jamais répétitifs et appréciés par leurs habitants qui les ont choisis pour leur diversité, leur originalité, quand 99 % de l’offre hexagonale respecte une morne orthogonalité.  

Archivari, 1986

1981 fut le moment d’un grand espoir : la gauche avait gagné ! Elle avait accumulé depuis mai 68 dans ses expériences municipales socialistes et communistes, de nombreux bons exemples visant à rompre avec le zonage et la standardisation prêchés par la Charte d’Athènes du

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Corbusier (relisez son ouvrage catastrophique,  de l’urbanisme, paru en 1923 !).

Dans la foulée nous créons un club d’urbanisme avec nos meilleurs architectes dont Chémétov. Promu vice-président du plan construction, il épouse vite les politiques technocratiques restées toutes puissantes à la direction de la construction du Ministère sous la férule du même Mercadal, des Ponts-et-Chaussées. Un clivage s’établit donc et la cohorte la plus vaillante se regroupe autour de la Sodédat 93, de Renaudie, Porro et Henri Lefebvre et édite un petit journal artisanal, porté par le dévouement inépuisable des frères Euvremer,  Archivari qui publiera, jusqu’à épuisement financier, onze numéros sur une ligne audacieuse de reconquête urbaine dans l’esprit de Team Ten. Je suis tombé sur un article de la sixième livraison, signé Raymond Passant, mon pseudonyme quand directeur de la Sodédat 93, l’hostilité du Président du Conseil Général, Valbon et de nombre de barons séquano-dyonisiens ne m’autorisait pas à afficher des engagements sur un ligne urbaine et architecturale précise ! Le texte a gardé me semble-t-il beaucoup de sa fraîcheur. De retour d’un voyage d’études à Berlin-Ouest, l’exemple de l’IBA, sous la direction de Kleihus, est comparé à celui de la Sodédat. L’IBA prépare un immense concours d’architecture urbaine portant sur 3500 logements. Les méthodes sont analogues : l’IBA, puissance publique, définit les projets au niveau APD, après concours et les impose aux constructeurs. Les prix HLM berlinois au mètre carré sont de 50 % plus élevés que les français et devrait permettre une liberté de création accrue. Mais « le résultat est affligeant de pacotille, de kitsch, de cosmétique, de façades surchargées dans des logements à la structure d’espace absolument conformiste. Tout pour le look !

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L’originalité séquano-dyonisienne réside dans l’ouverture totale à tous les styles, toutes les écoles architecturales de ce pays avec une ouverture sur l’international. Des post-modernes, des néo-corbusiens, des modernes Team Ten, des expressionnistes comme Ricardo Porro, des membres de l’école d’Ivry (dans la mouvance Renaudie).L’originalité par rapport à l’IBA s’exprime également dans le terrain d’accueil, la banlieue et dans le refus du « quartier résidentiel » qui est le thème central de l’IBA. Les Villes qui mandatent la Sodédat s’efforcent au contraire d’utiliser chaque fois qu’elles le peuvent la mixité des fonctions plutôt que la mono-fonctionnalité résidentielle. Un tel projet n’est pas aisé à mettre en œuvre mais il conditionne la réalisation de quartiers vivants, complexes, auto-subsistants. Il créée les occasions de solutions d’architecture à leur tour complexes, organiques, génératrices d’effets d’animation et de d’extension des relations sociales variées. Seconde originalité, l’urbanisme de la Sodédat ne s’arrête pas à la porte du logement. Il doit être lui-même le lieu d’une réflexion incessante sur le rôle social de ses espaces intérieurs, en s’affranchissant des courtes idées reçues qui norment de façon répressive les espaces orthogonaux et clos octroyés uniformément à chaque famille. La nouveauté est simple : il faut bannir la répétitivité de la cellule carcérale. Chaque appartement en collectif, petit ou grand, doit pouvoir apporter sa configuration spatiale, sa distribution, ses effets de volumes architecturaux originaux afin qu’ils servent non pas à je ne sais quelle gesticulation formelle et gratuite mais à proposer des pistes pour mieux adhérer à l’évolution des mœurs, des mentalités, des structures familiales, voire à les précéder.

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Afin qu’ils soient source de plaisir, de jouissance d’espace, de support à l’envol des imaginaires et au développement de personnalités diversifiées grâce à une appropriation des configurations spécifiques du logement. Cette complexité, cette imbrication de formes des espaces internes du logement doivent conduire à des enveloppes architecturales inédites, hardies, sensibles.

L’imbrication de fonctions différentes de celles du logement enrichit la complexité de cette recherche spatiale : équipements, bureaux, petits ateliers, commerces, etc. doivent être intégrés dans les bâtiments, à l’image de ce qui a été fait à Ivry centre, à Saint Denis Basilique, Aubervilliers la Maladrerie, Givors, etc. L’industrie, quand elle n’est pas nuisante, doit trouver sa place dans ces quartiers mixtes.

Dès lors, la forme urbaine du damier de voies de circulation et des sages alignements haussmanniens, de la barre rectiligne ou vaguement courbe de 12 mètres d’épaisseur, avec ses fenêtres toutes pareilles et son cœur d’îlot quadrangulaire, est à bannir au profit d’une libération de l’imagination créative quant aux formes concrètes à donner aux à l’urbanisation continue, de forte densité et de faible hauteur. Le vocabulaire (basic langage) étriqué du post-modernisme haussmannien est à pulvériser, l’architecte doit inventer, inventer, inventer. La barre chémétovienne, porzamparcienne ou même cirianique, aussi soignée soit-elle, est résolument à oublier au profit de géométries plus libres, débarrassées des carcans du coffrage tunnel, du refend porteur et du prix plafond. Libérez-vous d’abord et rationalisez ensuite, tel devrait être le conseil aux jeunes architectes. Soyez des esthètes mais soyez d’abord des philosophes et des épicuriens. Faîtes des maisons pour els autres

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comme celle que vous feriez pour vous faire plaisir à vous-mêmes. Utilisez toutes les ressources des techniques de construction moderne boudées par la grande entreprise qui impose sa nostalgie des tours et barres des grands ensembles. Explorez le poteau dalle et le poteau poutre, le bois, l’acier,, le béton projeté, les structures courbes. Etonnez-nous par votre innovation sage et rigoureuse. Les prix plafonds suivront.

Il n’a pas été étudié encre le centième des possibilités de la technique moderne pour construire des quartiers moderne enfin beaux et satisfaisants, ceux de l’an 2000. Sachez être clairs dans vos choix, refusez la ligne la ligne droite et la symétrie pour vos plans masses, refusez les axes monumentaux, les places sagement orthogonales et démesurées, la banalité des mails plantés, fuyez Mansard, filez--nous des jardins à l’anglaise à la japonaise ou bien toscans. Il y a 1000 fois plus à apprendre dans le resserrement labyrinthique des plans-masses moyenâgeux ou méditerranéens que dans le quadrillage de Cerda, issu du militarisme romain ou baroque. Regardez-voir ce que font Porro, Kalouguine, Kroll, Baller, Ando, Piet Blom, Hertzberger, Gailhoustet, Renaudie, Bucskowska, les écoles de Graz ou de Pecs, réfléchissez et défrichez d’autres voies généreuses, libérées, inventives. Balayez les ratiocinations des copistes façadiens, les tout petits mandarins du néo, du néant, de la pacotille, les petits grands couturiers de la dernière mode et leur message exsangue, anémié dans la facilité du superficiel d’entreprise. OSEZ TRAVAILLER. Le style ou l’école viendront après. Pensez aux gens, à la ville, l’esthétique suivra. Si vous avez du talent, bien sûr…

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En attendant les beaux jours de la reprise économique et de la belle saison, les jardiniers que vous êtes, politiques, doivent mettre les rares et frêles jeunes pousses à l’abri, dans des serres, pour passer les mauvais jours, que refleurissent demain les mille tulipes du bonheur et du désir espérés, la vision des banlieues sublimes où succomber, harassés, à l’excès des plaisirs architecturaux. Les logements aidés se font si rares qu’à l’image des pratiques berlinoises, il faut non pas encourager les « systèmes industriels » mais pénaliser les entreprises qui les utilisent et réserver les financements d’Etat, tous les PLA, aux seuls projets de grande qualité, sélectionnés par des concours, choisis par des jurys incorruptibles d’où les copains et les coquins auraient été exclus…

Sauvetage d’un grand ensemble en construction.

La ZAC du Barrage, neuf hectares vierges en limite de Sarcelles, est soutenue par un Maire entreprenant. Son premier projet de 1978 consistait à occuper le terrain par vingt tours répétitives de la SCIC (filiale construction de la Caisse des Dépôts), recouvertes d’amiante elles fuyaient en outre aux joints à chaque étage ! L’effort de la Sodédat vise à convaincre le Maire de confier la moitié du programme à trois nouvelles équipes d’architectes : Autheman, conseiller à la direction de l’architecture, Euvremer et Padron Lopez, deux collaborateurs de Renaudie (grand prix d’architecture). Les deux derniers n’ont encore rien construit de cette ampleur, ils étudieront chacun 220 HLM. Une tentative de sauvetage d’un grand ensemble en cours de route ! Comme constructeur et gestionnaire, le Brassens des frères Euvremer aura le Foyer du Fonctionnaire et de la Famille. Le Desnos de Padron-Lopez, l’office d’HLM naissant de la ville de

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Pierrefitte, relayé en attendant sa maturité par la Sodédat qui débutera elle-même en 1989 dans la construction et la gestion de HLM. Si Brassens s’édifie sans problème, le chantier Desnos connaîtra des difficultés : en 1987, le Ministère refuse un an durant le complément de crédit sur lequel il s’était engagé, bloquant un an le chantier ce qui provoque des surcoûts ! L’entreprise italienne décide ensuite, en raison de la crise immobilière des années 90, de cesser son activité en France, acceptant néanmoins d’achever Desnos mais non sans difficultés. Le projet est ambitieux, il comprend un séjour urbain sous verrière qui abritera un jardin exotique, unique en France ! Brassens est pourvu d’un petit centre commercial de proximité et d’un centre socio-culturel sur la place centrale. Deux remarquables premières oeuvres architecturales !

Dès l’origine, un ghetto en formation

Les logements sont trop vite occupés sans qu’il soit recherché par la ville un souhaitable équilibre social. 24 % de chômeurs, 40 % de moins de 24 ans, une majorité d’habitants originaires du Sud : c’est dès la mise en location un ghetto qui sera ensuite aggravé par la publicité d’Etat pour le pavillonnaire détestable et anti-écologique où les ultimes Gaulois ont tendance à fuir dès qu’ils le peuvent. Les ménages les plus solides s’en iront petit à petit, selon le processus classique. La Ville multiplie ses efforts pour aider les locataires à résister à la pauvreté, à l’insécurité, la police étant toujours absente du quartier. Une fête annuelle du quartier utilisant les riches espaces conçus par les architectes remporte un vif succès. Un animateur de talent Habat Tabib, pendant cinq ans enregistrera des succès notables dans l’amélioration du

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climat social et la collaboration active des différentes administrations. Il publiera un livre sur cette expérience remarquable. En 2005, quand les banlieues de la charte d’Athènes brûlent, il ne se passe rien aux Poètes ! Mais des dealers, chassés de Sarcelles proche, se replient aux Poètes sans être autrement dérangés ! Le chômage et les bas salaires continuent d’être la règle, entretenant la déprime. La Ville de Pierrefitte, en 2000, étudie avec l’Equipement une réhabilitation du quartier, surtout sur Desnos, 220 HLM achevés en 1992, plutôt mal gérés par un office local inexpérimenté puis, en 1994, par une Sodédat qui, privée de sa direction active, ne cesse depuis de dépérir. La réhablitation se justifie par les façades béton qui vieillissent mal et quelques fuites dans les terrasses et le mauvais entretien des espaces communs.Estimation municipale du coût de la réhabilitation en 2003 : 15 millions d’Euros, ce qui, en comparaison d’autres interventions du même type, est un prix confortable.

En 1994, l’effort d’aménagement innovant mené avec enthousiasme et sans subvention par la jeune équipe de la Sodédat, trente salariés, est stoppé net par la phrase historique d’un vice- président du Conseil Général : Ce n’est pas parce qu’une équipe est gagnante qu’il ne faut pas la changer ! Et d’un autre vice-président : Jusqu’alors, avec les collèges nous avons fait de l’architecture, maintenant nous allons faire des collèges ! (De 1988 à 1994 trente cinq collèges de bonne qualité architecturale sont édifiés par la Sodédat).

Réhabiliter ou démolir ?

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En 2004, Borloo, comme Zorro, arrive. Il est pressé de démolir les ZUP de la charte d’Athènes (karcher versus bulldozer) mais il n’a pas la moindre idée de ce par quoi il va les remplacer sinon de confier à Bouygues et à son horreur économique le soin de conceptualiser la ville de demain. Le membre de son cabinet chargé du dossier, ancien juge aux affaires de corruption en 93, veut éliminer, m’a-t-il lui-même déclaré, toute trace d’innovation urbaine « communiste » qu’il qualifie en bloc de stalinienne, ce qui est manifestement peu informé et peu aimable pour les hauts fonctionnaires qui l’avait soutenue à l’époque! L’ANRU, cet Etat dans l’Etat, qui ne rend des comptes qu’au premier Ministre, par ailleurs excellent critique d’art dans la Sarthe, travaille à la subvention de ces démolitions jamais justifiées par un quelconque progrès urbain. Il propose en 2004 la modique somme de 130 millions d’Euros pour raser les Poètes qui ne sont construits que depuis 12 ans et dont les emprunts à la Caisse des Dépôts ne sont remboursés qu’environ au tiers ! Cette somme évoluera ensuite jusqu’à 180 millions. Un plan masse hâtif est proposé par Daune, architecte spécialisé dans la démolition des projets de confrères plus talentueux (Aubervilliers, Isle Saint Denis, etc.) : un damier de plots sans relief, la voiture réadmise partout. Sur son élan démolisseur, il rase un gymnase récent et une école primaire parce qu’elle est trop grande (sic) ! On ne reconstruira sur le site que 130 HLM, soit une perte de 300 quand ils manquent si cruellement ! 150 millions au lieu de 15 pour un résultat infiniment plus médiocre : un délire financier et social. L’intérêt inavoué mais probable du maire : alléger le bureau d’aide sociale, les effectifs scolaires, régler les problèmes de sécurité par l’élimination des habitants du

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Sud ! On propose bien la construction de HLM neufs sur d’autres sites mais rien ne dit qu’ils ne l’auraient été de toute façon quel que fût le sort des Poètes ! Le précieux animateur est médiocrement remplacé puis le centre social est fermé et muré pour justifier par la déshérence du quartier et sa future démolition.

L’unanimité des locataires contre la démolition !

Dès 2004, huit cents locataires – la totalité – signent la pétition de madame Santorineou, infatigable militante du quartier, contre le projet insensé de démolition et pour le maintien du projet de réhabilitation :«  Contre le projet municipal de renouvellement urbain du quartier des Poètes à Pierrefitte,Nous sommes opposés à l’ouverture de routes.Nous sommes opposés aux démolitions de logements car nous souhaitons garder le caractère paysager, les chemins piétonniers et l’important patrimoine architectural de ces ensembles récents.Nous exigeons la réhabilitation, la sauvegarde des cités, des rues piétonnes et des jardins, poumon pour toute la région.

Dans ce sens nous demandons dans l’immédiat : 1/ La sécurisation des parkings et le fonctionnement des barrières en place, l’application de la loi d’interdiction aux voitures d’accéder et de stationner 2/ La pose de volets aux fenêtres

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3/ L’entretien et réparations des bâtiments : travaux de peinture, la réhabilitation des logements inoccupés ; 4/ L’entretien des pelouses et arborisation des espaces verts, la remise en place des bancs publics, des haies abritant les poubelles, le tri sélectif des déchets, la pose de boîte aux lettres. 5/ La restauration du mini foot.6/ L’ouverture d’une crèche ou d’une halte-garderie. 7/ d’une bibliothèque 8/ d’une piscine 9/ d’un local pour les jeunes ouvert jusqu’à 22heures et le week-end.10/ d’un poste de police. 11/ l’accession à la propriété. 12/ La constitution d’un musée Adama Kouyaté. »

Suivent 811 signatures soit la totalité des locataires des Poètes ! La Ville n’aura de cesse de convaincre ces locataires récalcitrant d’accepter des mirifiques propositions de relogement dans le patrimoine important des trois offices, Office de la communauté urbaine Plaine-Commune dont le Président est le député communiste Patrick Braouezec, Office départemental qui dépend de Bartoloné du PS, FFF, société anonyme. Ils organisent la déchéance du quartier, mal entretenu. Des pressions sont effectuées sur les « meneurs » comme Mme Santorinéou qui multiplie les interventions auprès des autorités! Elle restera jusqu’au bout, dans les pires conditions ! La police n’y met plus les pieds aux Poètes puisqu’ils vont être cassés ! Ils sont laissés complètement aux mains des dealers, organisés en bande. La Ville promeut des actions de masse bidon d’une poignée d’employés municipaux pour faire accélérer le processus fatal.

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Les architectes signent contre la démolition

En 2005, je suis informé par JJ Karman, vice-président du Conseil Général, du choix municipal de la démolition en échange des 150 millions de Borloo. Mais il faudra en 2007 le retour de Padron Lopez, (depuis dix ans il construit dans ses îles Canaries d’excellents projets) pour qu’il nous fasse rencontrer madame Santorinéou avec qui nous mènerons une démarche commune. Renée Gailhoustet, les frères Euvremer et l’auteur contestent la décision de la maire d’accepter la manne funeste de Borloo et la démolition. Ils sont reçus par Madame Hanriot, le maire, sans résultat. Une pétition est lancée, bientôt signée par deux cents architectes et maîtres d’ouvrage :

« NON à la démolition des 440 HLM expérimentaux du quartier des Poètes ! Au moment où s'élèvent de nombreuses voix pour dénoncer la situation désastreuse du logement en région parisienne, les menaces qui pèsent sur 450 logements à Pierrefitte, paraissent incompréhensibles. La démolition du quartier serait envisagée. Ces logements dont la construction remonte à une vingtaine d'années, n'ont pourtant rien à voir avec bon nombre des barres industrialisées des Grands Ensembles. Ils occupent le terrain d'une ZAC

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qui devait grouper vingt tours identiques. Dix d'entre elles étaient déjà construites. Au lieu de poursuivre la réalisation de ce projet affligeant, la SODEDAT 93 (société d'aménagement de Seine-Saint Denis) avait confié aux architectes Jeronimo Padron Lopez et Yves et Luc Euvremer l'étude de deux tranches de logements HLM (les 450 logements menacés). Ce projet constitue une réponse urbaine pertinente dans un contexte difficile. Le bâtiment de Jeronimo Padron Lopez, situé en contrebas de la bruyante RN1 multiplie les aménagements qui limitent les nuisances pour les habitants : jardins d'hiver clos par des vitrages, regroupement de l'habitat autour de deux cours protégées, terrasses-jardins prolongeant les logements. Une grande rue couverte d'une verrière, un vaste séjour urbain, constitue le point de rencontre du quartier. Dans le secteur étudié par Yves et Luc Euvremer, les diverses articulations de l'immeuble créent des espaces très différenciés qu'une circulation piétonne généreuse met en relation. Les logements, tous différents, sont groupés en volumes de différentes échelles, se superposent en se décalant, accompagnés là aussi de jardins en hauteur. L'ensemble offre l'image d'une colline plantée.

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La politique de monsieur Borloo, exploitant le rejet des Grands Ensembles, parle beaucoup de démolitions. Ce qui fait problème, c'est l'inexistence de projets alternatifs destinés à remplacer les quartiers condamnés, hormis la proposition démagogiques de zones pavillonnaires. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que ses décisions ne fassent aucune différence entre les pires produits de l'industrialisation et des quartiers où s'exprime le respect des habitants. Les logements y échappent à l'étroitesse des cellules répétitives. Des propositions urbaines à l'opposé du stockage des 4000, des 800, des Minguettes ou de la Pierre Collinet, sont ainsi menacées. Parmi elles, les Poètes à Pierrefitte et les ensembles édifiés par Jean Renaudie à Villetaneuse et à Grande Synthe. La dégradation actuelle de la situation politique aboutit à ce que «  quinze à vingt millions de personnes ont, de façon durable, des conditions de vie marquées du sceau de l'extrême difficulté » (Jacques Rigaudat, le Monde, 4 avril 2005). Les communes où s'inscrivent ces quartiers connaissent des problèmes sociaux. La concentration de locataires insolvables, la surpopulation à l'intérieur des logements, le chômage induisent des difficultés éducatives, les problèmes de drogue et de délinquance, les dégradations et les saccages. La réhabilitation du bâti devient ainsi obligatoire. Les dispositifs financiers du Ministère ne facilitent pas cette solution : la démolition, mieux subventionnée qu'une remise en état, est moins coûteuse pour une ville. Ceci ne dédouane pas les maires et offices d'HLM de leur responsabilité, ne justifie pas l'éradication de quartiers porteurs d'évolution urbaine, au delà même

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des limites de la commune.

Pour les architectes, aménageurs et urbanistes, cette situation représente un enjeu pour l'avenir même de leur travail. C'est pourquoi nous les incitons à s'opposer à ces dérives et à intervenir auprès de M Borloo, Ministère de l'Emploi et de la Cohésion Sociale, rue de Grenelle, Paris, pour qu'il abandonne immédiatement toute menace de démolition des quartiers expérimentaux des Poètes à Pierrefitte."

En octobre 2009, plus de deux cents ARCHITECTES avaient signé contre la démolition :

Yves et Luc Euvremer, architectes de Brassens ; Jeronimo Padron-Lopez, architecte de Desnos ; Anne Andreeff ; Jacques Barda ; Antoine Baray ; Patrice Bazaud, enseignant ; Gilles Bienvenu, architecte historien ; Pierre Bolze et Simon Rodriguez-Pagès, enseignant ; Patrick Bouchain ; Yves Brangier et Jean-Paul Waegeman ; Jacqueline Braun ; Sacha Braun ; Yann Brunel,enseignant ; Iwona Buczkowska, enseignante ; Pascale Buffard ; Agnès Camagne ; Elenide Cardoso, enseignante ; Roland Castro et Sophie Denissof, enseignants ; Pierre Chabard, architecte et historien de l’art ; Thomas Cestia ; Christophe Chaland ; Bénédicte Chlajub ; Caroline Charmont et Jean-Patrick Desse ; Olivier Chaslin,

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enseignant ; Paul Chemetov, enseignant ; Frank Chopin, enseignant ; Catherine Clarisse, enseignante ; Jean-Louis Cohen, architecte et historien, professeur à la New York University ; Michel Collin, paysagiste ; Emmanuel Combarel, enseignant ; Loïc Coulon, enseignant ; Alain Dervieux, enseignant ; Rosa di Marco, maître assistante DNSA ; Elisabeth Dousset ; Dominique Druenne, enseignant ; Françoise Piquet-Druenne ; Philippe Duboy, architecte et historien de l’art ; Jean Dubus ; Elizabeth Essaian, architecte chercheur ; Valentin Fabre ; Virginie Filliol-Délestal ; Katherine Fiumani, enseignante ; Nicolas Flawisky, enseignant ; Olivier Gahinet, enseignant ; Renée Gailhoustet ; Francis Gaussel ; Edith Girard, enseignante ; Olivier Girard, enseignant ; Marta Gruter ; Céline Harraud ; René Hasson, enseignant ; Henri Hunkeler ; IRATOM, bet ; Laurent Israel, enseignant ; Gilles Jacquemot, enseignant ; Xavier Jaupitre, enseignant ; Cécile Katz,chargée d’études CAUE 93 ; Brigitte de Kosmi, enseignante ; Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, enseignants ; Francis Landron ; Michèle Lavanant ; Gilbert Lavanant ; Damien Lécuyer ; Pascal Lefebvre ; Frédéric Lefebvre, enseignant ; Hubert Lempereur ; LLTR architectes (Olivier Le Boursicot, Philippe Loth, Yves Robert, Guillaume Testas) ; Julien Loiseau ; Jean-André Macchini ; Philippe Maillard, enseignant ; Nicole Martel, enseignante ; Didier Marty, enseignant ; Jean Mas, enseignant ; Georges

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Maurios ; Lucas Meister et Jean-Michel Veillerot, enseignant ; Lise Mélian, architecte-aménageur ; Jean-Claude Moreau, enseignant ; Elizabeth Mortamais, enseignante ; Andréa Mueller ; Guy Naizot ; Christian Nidriche, enseignant ; Claude Parent, architecte, membre de l’Institut ; Raoul Pastrana, enseignant ; Agnès Paty ; Jean-Michel Payet, directeur du CAUE 93 ; Jean Perrotet ; Lorenzo Piqueiras, enseignant ; Ricardo Porro, ancien enseignant ; Makan Rafadjou, architecte-urbaniste ; Marina Raggi ; Jean-Marie Rapin, chercheur en acoustique ; Frédéric Rebeyrol ; Serge Renaudie ; Jacques Ripault, enseignant ; Tiphaine Rocher ; Elizabet Rojat-Lerfebvre, directrice du CAUE 78 ; Pierre Roux ; Irénée Scalbert, historien de l’architecture, enseignant, Londres et New-York ; Nina Schuch ; Katia Sechas et Claudine Castel, enseignantes Ecole Boulle ; Odile Seyler, enseignante ; Dominique Tessier ; Magda Thomsen (Munich) ; Yannis Tsiomis, enseignant ; Jean-François Verdière, enseignant ; Philippe Vieuxmaire ;  Ericka Violeau ; Jean-Louis Violeau, historien ; Bernard Wauthier–Wurmser, enseignant ; Inger-Lise Weeke, enseignante.

PLASTICIENS Areski Aoun, enseignant ; Pierre Auriol, professeur ESA Angoulême ; Yves Belorgey ; Christian Bessette, enseignant ; Anne-Marie Collette ; Bertrand Collette, chef de projet Mission Cézanne 2006 ; Elise Cornuet, agent

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d'art ; Carmen Charpin ; Marc Charpin ; Gérard Chirex ; Jean-Gabriel Coignet ; Leo Delarue ; Janine Echard ; Florence Euvremer ; Damien Fouqué ; Jeanne Gailhoustet, photographe, enseignante ; Stellio Gambetti ; Florence Gillet ; Olivier Guénaud, cinéaste ; Janine Laffargue ; Nicolas Lefebvre, ingénieur du son ; LE RARE ; David Liaudet ; Yves Linard, enseignant ; Bertrand Massé ; David Merle, photographe ; Christian Merlhiot, cinéaste, enseignant ; Pascal Neveux, directeur du FRAC Alsace ; Jean-André Macchini ; Ludwika Ogorzelec, sculpteuse ; Anne Rizzo, cinéaste ; Vincent Roux ; Imgard Sigg ; Thierry Sigg ; Leila Simon ; Jean Tribel ; Madeleine Van Doren, ancienne directrice du CRAC d’Ivry ; Olivier Wogenski, photographe d’architecture ; Xavier Zimmermann, photographe enseignant.

  ELUS ET MAITRES D’OUVRAGE  François Barré, ancien directeur de l’Architecture et du Patrimoine ; Yves Dauge, sénateur-maire de Chinon ; Marc Huret, aménageur-urbaniste ; Alain Kahan, directeur de l’OPHLM d’Ivry ; Cécile Katz, chargée d’études CAUE 93 ; Raymonde Laluque, ancienne directrice de l'office HLM d'Ivry sur Seine ; Bernard Landau, architecte voyer en chef de la ville de Paris ; Philippe Lecoy, directeur du CAUE 91 ; Michel Leduc, économiste-conseil en aménagement ; Jean-Pierre Lefebvre, aménageur-urbaniste, ancien directeur de la SODEDAT 93, constructeur des Poètes ; Jacques Lelièvre, ancien maître d’ouvrage (Logement Dyonisien) ; Jean-Pierre Merlot, maître d’ouvrage ; Elisabeth Rojat-

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Lefebvre, architecte et directrice du CAUE 78 ; Agnès Pary, CAUE 93 ; A. Palidoni, ancien élu mairie de Marseille, conseiller académique à l’enseignement technique ; Jean-Marie Salomon, ancien chargé d’étude à la SCET ; Roger-Henri Guerrand, historien du logement social ; Gustave Massiah, économiste, vice-président d'Attac ; Michel Huet, juriste.Trand Bérine, poète ; association CHEAP ; Bernadette Collette, enseignante à la Cimade Paris, Martine Dancer ; Fouqué, Sud Education 18 ; Jean-Pierre Garnier, sociologue ; Dominique du Jonchay, Info Presse Conseil ; Roger-Henri Guerrand, historien du logement social, Elizabeth Guimard, conservatrice du patrimoine ; Mathieu ho-simonpoli ; Jacqueline Lafaurie, enseignante ; Corinne Lefebvre, psychologue ; Marianne Leroy, psychiatre ; Laurence de Morgon, journaliste ; Jacques Reda, écrivain ; Philippe Roatta, secrétaire général de l’ESPC ; Christian Salmon, écrivain ; Jean-Marie Salomon, ancien chargé d’études à la Scet ; Hélène Chauveau, psychothérapeute ; Jean Sivy, ancien président de l’office HLM d’Aubervilliers ; Gérard Verroust, enseignant (On peut distinguer entre autres les noms de Gailhoustet, Porro, Buckowska, Chemetov, Fabre, Tribel (AUA), Edith et Olivier Girard, Castro, Parent, Bouchain, JL Cohen, Lacaton, Vassal, (grand prix de l’architecture), Jacques Réda, écrivain, F Barré, ancien directeur de l’architecture, Yves Dauge, sénateur. Jean Nouvel a rejoint le soutien en 2009.

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Les initiateurs sont reçus par la maire. Dialogue de sourds. Une bataille d’opinion s’engage. Les Ministres, le Président de la République, les leaders de l’opposition, le DAL, etc. sont saisis. En vain, le mur. Un élu vert, un vice président du Conseil Général, un sénateur, voire le Maire de Saint Denis en privé, soutiennent la réhabilitation. La Ville entreprend une action politique insistante pour décourager toute opposition à ses projets de démolition.

France culture

François Chaslin organise en 2005 une émission sur France Culture. Par le choix des intervenants et sa direction du débat, il en fait un appui à la démolition ! D’un côté le maire, un locataire dévoué à la démolition (!), un maître d’ouvrage de l’autre Renée Gailhoustet à qui on demande de commenter le récent sauvetage du projet de Renaudie dans la ville limitrophe de Villetaneuse, pareillement menacé de démolition par son gestionnaire la Sablière, organe constructeur de la SNCF, qui a depuis le début, a refusé cette architecture et n’a jamais entretenu le quartier ni remplacé les locataires qui déménageaient, murant systématiquement les logements ! Mais Renaudie était Grand Prix d’architecture, il était difficile à l’Etat de se déjuger ainsi. La démolition a donc été annulée. Mais

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cette heureuse conclusion ne pouvait s’étendre automatiquement aux Poètes qui présentent, aux différences de style près, les mêmes qualités urbaines, puisqu’il ne s’agissait que de collaborateurs du grand prix ! Yves Euvremer sollicité de raconter la naissance du projet est interrompu avant qu’il n’aborde sa véhémente protestation contre la démolition. Son frère Luc, au fond de la salle proteste en vain : l’affaire est entendue, personne ne dénoncera la démolition !

Une polémique s’engage entre François Chaslin et l’auteur, en dépit de leur amitié  «  Les hommes des médias sont par essence intouchables, sous peine de poursuites. Toute critique est réputée « diffamatoire, méprisable, outrageante, » leur auteur ne peut être que « minable, idiot, crapuleux, flic, stalinien, promoteur » ! J'en passe...Internet même est de trop ! Il faut donc avaler l'intox et dire merci. Que M. Chaslin ait été touché au vif me parait une évidence, que ses épithètes malsonnantes ne salissent que l'exquis raffinement de leur auteur, une autre. L'excès est insignifiant, tout comme l'archi mode et sa critique vaselinée. Donc cette émission n'a pas été manipulée. Parler trop longtemps de Villetaneuse qui ne sera pas détruit : pur hasard, ce n'est pas voler au secours de la victoire. Hasard que de dénicher un vieil interview de Padron Lopez sur l'acoustique, cela ne pouvait que ridiculiser l'architecte et nuire à l'honnêteté du débat sur la seule question qui vaille : pourquoi donc ne pas conserver Pierrefitte pour les mêmes raisons qu'on garde Villetaneuse ? Couper la parole aux architectes quand ils commencent à se défendre, pur hasard ; choisir un locataire sur 900 qui vient justifier sa propre éviction, autre hasard démocratique.

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Le Maire, propriétaire de « Desnos » qui a des fuites parce qu'on ne les a pas bouchées pendant vingt ans, est responsable, bien sûr avec la crise, de sa mauvaise gestion, cela ne l'autorise en rien à user d'arguments au ras des pâquerettes pour justifier qu'elle ait vendu son droit d'aînesse social et culturel au Ministre anti-rouge. F. Chaslin dénigrant le superbe séjour urbain parce qu'il est mal entretenu, cela s'appelle une participation à la défense de l'architecture et non du philistinisme. Plutôt que de les réparer, M.Borloo veut casser, avec nos sous, ces 440 magnifiques HLM non encore amortis : pendant toute l'émission on n'a entendu aucune critique contre ce scandale, son nom n'a même pas été prononcé, merci M. Chaslin qui n'a même pas eu à utiliser ses réserves, les gros bataillons de l'ANRU du même. Je confesse que M. Chaslin m'a « courtoisement » censuré de l'émission sur ces deux quartiers expérimentaux que j'ai construits pour les villes, parce que, m'a-t-il dit quand je lui ai téléphoné (courtoisement ) pour m'étonner de sa censure discourtoise : « Tu fais peur ! » mais à qui donc? A lui ? A Borloo ? Aux élus casseurs ? Un débat - si possible sans injures - c'est mieux quand c'est contradictoire. Non ? JPL (février 2005).

L’argument journalistique est fallacieux : il y a des utopies qui ne marchent pas. En vérité elles marchent mais ne peuvent suppléer à elles seules à l’inégalité, à la ségrégation et à la déprime sociale. La plupart des grands médias se taisent, seul le Monde publiera tardivement un papier honnête de Grégoire Alix mais qui, pessimiste, conclut à la fatalité de la démolition. D’A, journal de l’ordre des architectes, publie un bon papier, tout comme Cyberarchi.

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Les pétitionnaires multiplient les interventions auprès du Ministre, de son successeur, du Président de la République, MM Chirac puis Sarkozy. Les uns et les autres font adresser par leur cabinet des réponses polies mais qui renvoient à une prochaine réponse de l’ANRU, état dans l’état, qui ne répond à aucun courrier, dans un silence fracassant de Trou Noir.

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«  A Monsieur Borloo, Ministre de la Cohésion Sociale.

Nous avons l’honneur de porter à votre connaissance, pour votre information, le dernier tract que nous avons diffusé dans le quartier des poètes à Pierrefitte, ainsi que des photographies du site menacé et des inscriptions faites par les habitants qui sont hostiles à la démolition dans leur grande majorité. Ils sont en effet 800 à avoir signé une pétition demandant le retrait de la démolition et la réhabilitation légère du quartier. Depuis, Madame le Maire Hanriot fait pression individuellement sur les locataires en leur promettant des relogements aussi mirifiques qu’illusoires. Elle a essayé de leur faire signer une pétition en blanc ! Elle organise jeudi devant votre ministère une délégation de ses affidés, soi-disant locataires qui ne représentent qu’eux-mêmes. Il y a tout à craindre des retombées des dépenses colossales qu’elle voudrait faire engager par votre Ministère. (130 millions d’Euros !) A proximité, signalons que dix tours de la SCIC sont recouvertes en majorité de glasal, contenant de l’amiante mais personne ne semble s’en préoccuper.

Nous vous demandons respectueusement, Monsieur le Ministre, de bien vouloir faire annuler les décisions prises par le conseil municipal et l’office départemental d’HLM qui se fondaient sur une prise en charge totale du coût des démolitions par le Ministère. L’ODHLM saccage et mure aujourd’hui chaque logement libéré, rendant ainsi plus difficile et beaucoup plus coûteuse leur réhabilitation, il

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est urgent de mettre un terme à ce gâchis. Nous vous demandons de bien vouloir nous informer de l’état des études que vous avez chargé Monsieur le Préfet de Seine Saint Denis de mener à bien. » (2006)

Les habitants rédigent un tract :

« Dès 2004, nous sommes huit cents locataires à avoir signé contre la démolition des 440 HLM de notre quartier des Poètes. Deux cents architectes ont signé contre cette destruction fascisante de deux œuvres architecturales. Violant la démocratie, Mme la Maire Hanriot veut quand même démolir le quartier, le gymnase, l’école, pour les reconstruire en plus moche ! Elle fait scandaleusement pression sur les locataires pour qu’ils changent d’avis ! Elle leur promet des bons relogements quand elle sait qu’ils sont impossibles ! Elle veut seulement se débarrasser d’habitants qui ne « rapportent pas » ! C’est une politique d’extrême-droite, digne de le Pen et de Sarkozy : comme eux, elle veut nettoyer au kärcher notre quartier populaire ! Elle déshonore son parti communiste, comme le président de l’OPHLM, M. Kern qui, au lieu de les réhabiliter, bousille les logements de Desnos, patrimoine public, déshonore son parti socialiste ! Elle veut jeter 130 millions d’Euros par les fenêtres ! C’est un gaspillage délirant de l’argent de nos impôts, quand le quartier n’est même pas fini de payer ! A qui profiteraient ces grands travaux inutiles ? Le Ministre Borloo refuse sa folie démolisseuse. Il ne veut pas donner un sou. Les Poètes ne seront donc pas démolis !

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Après sa pétition foirée, elle veut faire une délégation bidon pour faire croire que les locataires voudraient leur propre malheur !RESISTONS  Exigeons la réhabilitation du quartier, la réouverture du centre social, de vrais animateurs, une police de proximité, des emplois, de bons salaires ! »

A Monsieur le président Jacques Chirac.  «  Nous avons l’honneur d’attirer votre haute attention sur l’affaire suivante qui peut prendre l’allure d’un symbole. Elle concerne quatre cents quarante logements HLM construits en 1990 à Pierrefitte en Seine Saint-Denis, dans le quartier des Poètes. Le quartier comporte plus de quatre vingt pour cent de population originaire du Sud. Le sous-emploi atteint 19 % des actifs. Pourtant, en 2005, aucun trouble n’y a été enregistré. Ayant travaillé longtemps à l’aménagement en banlieue, notamment en résorbant grâce à la loi Vivien dix quartiers insalubres, nous avons approuvé à l’origine la politique de monsieur Borloo visant à démolir ceux des grands ensembles où la forme urbaine particulièrement répétitive et méprisante pour leurs habitants entraînait une importante désaffection de logements occupés. Plutôt que de les réhabiliter en pure perte comme longtemps les politiques de l’Etat l’avaient préconisé, il était sage de démolir ceux qui étaient amortis pour les remplacer par des quartiers mieux habitables.  Mais ce quartier des Poètes a un caractère différent. Il a été conçu pour briser la logique d’un grand ensemble de

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plus qui devait comprendre à l’origine vingt tours répétitives, revêtues en outre de glasal à base d’amiante. Nous n’avons pu empêcher la construction à l’époque de dix de ces tours.  Les 440 HLM ont une toute autre conception : les logements de ce quartier piéton sont chaque fois de plans différents, ils possèdent chacun en étage une terrasse avec trente centimètres de terre permettant de cultiver un jardin. Un petit centre commercial et un petit centre socio-culturel sont intégrés, ainsi qu’un séjour urbain vitré où un jardin tropical d’hiver représente, au profit de locataires modestes, une prestation exceptionnelle, unique au monde. Une mission sociale a fonctionné pendant plusieurs années, apportant de premières améliorations, faisant même l’objet d’un livre. Elle a été depuis close par la ville. Ce travail interrompu devrait être naturellement repris et complété par un effort des gestionnaires visant à un rééquilibrage social du quartier, envisageable en fonction de la qualité initiale de cet habitat.  Il y a trois ans, la Ville a changé sa position et choisi de proposer la démolition plutôt que la réhabilitation de cet ensemble, du fait que le Ministère proposait la prise en charge totale des coûts de démolition et pas du tout ceux de la réhabilitation. Huit cents locataires ont immédiatement signé une pétition contre cette démolition et demandé la réhabilitation. Plus de deux cents architectes, maîtres d’ouvrage et enseignants dont plusieurs noms importants de la conception moderne, ont également demandé de surseoir à la démolition de cette œuvre qui représente une précieuse expérimentation.

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Le Poètes font partie de la douzaine d’opérations menées en France dans les années soixante et dix, avec le soutien des gouvernements de l’époque. Elles constituaient, grâce en particulier aux innovations de Jean Renaudie, Grand prix de l’architecture, une avancée unique au monde en matière d’habitat collectif où les richesses d’espace des villas de luxe du mouvement moderne étaient mises à la disposition des familles les plus modestes.  Monsieur le Premier Ministre, saisi par nos soins, nous a écrit avoir chargé Monsieur le Préfet de Seine Saint-Denis d’une mission d’étude sur cette question. A la suite de quoi, l’ANRU avait annoncé qu’elle renonçait à financer l’opération de démolition des Poètes. Des informations récentes nous font craindre qu’un revirement ne soit en cours et que l’ANRU, devant l’insistance de Plaine Commune, le syndicat d’agglomération, envisagerait de nouveau la prise en compte de la démolition. Or celle-ci, d’après les chiffres disponibles sur un site municipal reviendrait à la somme astronomique de 130 millions d’Euros pour un quartier de remplacement dont les esquisses rendues publiques font craindre le pire ! Une réhabilitation des logements de Desnos à hauteur de la moitié du prix neuf, la reprise des voiries, des terrasses, du centre social fermé, du gymnase et de l’école, ne sauraient dépasser en première approximation 10% de ce montant !   L’opposition municipale est hostile à la démolition et préfère la réhabilitation qui dans ce cas précis est la solution raisonnable. Les difficultés financières de la commune, mal gérées si on en croit la tutelle, ne justifient pas cette fuite en avant vers un gigantesque gâchis

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financier, humain et culturel. Où iront ces huit cents locataires ? Constituer de nouveaux Cachan ?  Nous sommes persuadés, Monsieur le Président de la République, que vous aurez à cœur de prendre la défense de ce morceau du patrimoine de l’architecture urbaine contemporaine qui honore la créativité des artistes et la grandeur de la France. Vous ne voudrez pas assombrir le bilan de votre second mandat par une action désastreuse qui rappelle les pires aberrations obscurantistes que l’histoire récente a produite et auxquelles votre courant de pensée s’est toujours opposé. » Renée Gailhoustet, architecte, Yves et Luc Euvremer, Jeronimo Padron Lopez, constructeurs des Poètes, Jean-Pierre Lefebvre, maître d’ouvrage. (2006)

L’estimation des bilans financiers de la réhabilitation et de la rénovation

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Plusieurs chiffres des coûts comparés de la réhabilitation et de la démolition on été avancés, qu’on pouvait saisir par exemple sur le site Internet de la Ville. Aucun détail sur les postes de ces bilans n’a jamais été fourni, quand le coût de démolition global a progressé d’une année à l’autre de 130 à 180 millions d’Euros pour redescendre parfois à 150 ! Notre expérience d’aménageur et de constructeur HLM, connaissant bien le dossier initial, appuyée sur d’anciens collaborateurs comme Marc Huret, demeuré professionnellement actif, a pu nous permettre de pratiquer des esquisses de simulation de bilan « grosses mailles » comme on dit dans le métier, qui demeurent crédibles.

Evaluation sommaire, par ratio, des enveloppes de la réhabilitation du quartier des Poètes.

Il s’agit essentiellement de 440 HLM dont le gros œuvre, âgé de vingt ans, ne peut justifier la démolition. Les emprunts ne sont amortis que pour moitié. L’ensemble Brassens, 220 logements, ne souffre d’aucun dégradation majeure, il a été repeint par le gestionnaire il y a moins de dix ans. Des interventions sont, sous réserve de vérifications détaillées, nécessaires sur le second oeuvre, la sécurisation des parkings, la plantation volontariste des terrasses en pleine terre, pour redonner au bâtiment son agrément initial. Le bâtiment Desnos, sous réserve d’un

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examen détaillé, cellule par cellule, requiert des interventions plus importantes notamment sur les quelques fuites en terrasses qui devront être traitées. Des interventions seront nécessaires pour une finition générale de la peau du bâtiment avec un revêtement adéquat, au moins un nettoyage et entretien du béton de surface. Les terrasses non plantées devront être reprises par l’opération de façon à homogénéiser la végétalisation des patios par des grimpants. Un traitement acoustique modeste pourra être réalisé dans le séjour urbain dont les plantations exotiques seront naturellement remises en état. Les parkings seront sécurisés. Le centre socio-culturel remis en état. Le caractère piéton du quartier est maintenu. La voie voiture pourra néanmoins être prolongée vers Sarcelles. Le gymnase de vingt cinq ans, l’école primaire des années trente, nécessitent également des travaux secondaires et de gros entretien mais aucun ou peu d’intervention sur le gros œuvre. C’est sur cette base que les ratios ont été fixés à 40 000 euros par logements pour Desnos, (environ la moitié du prix neuf), à 4 000 par logement pour Brassens, à 250 euros du mètre carré pour le gymnase et pour l’école.

Options : il serait intéressant d’inclure la prise en charge par le bilan ANRU pendant cinq ans au moins d’une équipe de trois personnes pour l’animation sociale qui existait auparavant D’autre part, le remplacement des parois glasal à base d’amiante des quatre tours conçues par l’architecte Beufé. Ces interventions n’ont pas été chiffrées.

A signaler que le montant de la réhabilitation envisagée par la ville jusqu’en 2003 se montait à 15 millions d’Euros.

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Bilan prévisionnel sommaire :

Ensemble Desnos, réhabilitation lourde 220 x 40 000 = 4 400 000 Euros Brassens 220 x 4 000 = 880 000

Gymnase 2000 x 250 = 500 000

Ecole 3000 x 25O = 750 000

Voirie supplémentaire 500 000

Parkings 440 x 1500 = 660 000

Centre socio-culturel 150 000

Honoraires 6% 470 000

Frais d’études 10% 784 000

Total 9 094 000 Euros

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Il est possible de prévoir bien entendu une somme pour imprévus et compléments par exemple 1 millions d’Euros. Nous avons donc compté large dans nos enveloppes. Un tel chiffrage nécessite en fait une programmation détaillée, logement par logement, puis un avant-projet sommaire, ensuite un avant-projet détaillé, vérifié par des bureaux de contrôle pour éviter toute exagération. Ainsi serait chiffrée l’ampleur des investissements à engager. Nous ne disposons pas des éléments pour y parvenir. De telles études précises devraient être naturellement engagées avant d’envisager une solution ou une autre. Notre enveloppe sommaire se situe, sous ces réserves, aux environs de 10 millions d’euros. C’est un ordre de grandeur qui n’a rien à voir avec les coûts de démolition qui seront trois fois plus importants, ni avec ceux, faramineux, annoncés par la Ville pour la démolition qui sont assez incompréhensibles s’il sont confirmés à 130 millions d’euros 

Esquisse de bilan financier de la démolition des Poètes, 2007.

 Estimation « grosses mailles » du coût de la démolition reconstruction des 440 HLM des Poètes avec la reconstruction de 330 logements dont 100 HLM (nous ne disposons pas des esquisses de bilan de l’Anru, (top secret !)

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Le coût de construction de ces logements et VRD ne fait pas partie des 180 millions ANRU annoncés puisque, HLM ou accession, ils auront leur propre financement indépendant, y compris la charge foncière (prix du terrain et VRD).

Démolition proprement dite, au grand maximum, environ 0,5 million d’Euros

Remboursement des prêts CDC des 440 HLM, à moitié amortisPlus les intérêts courus (sauf remise de la CDC, organisme d’Etat) Et sous réserve de dettes à la CDC accumulées par les gestionnaires Estimation : environ 440 x 90 0000 soit 39,6 millions d’Euros

Reconstruction de l’école et du gymnase : environ 10 millions Charge foncière manquante (150 logements en moins) 150x10 000 = 1,5 millions d’Euros ___________________

Total : environ 56 millions

Frais généraux, animation  20% soit 11,2 millions ___________________ Total :61,92 millions d’Euros

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Soit un tiers du montant annoncé, où va le reste ? Question sans réponse.

Le poste le plus important est le remboursement de la Caisse des Dépôts : l’Etat rembourse l’Etat ! Cela souligne l’absurdité de démolir des bons logements non encore amortis quand il y en a dans les 700 grands ensembles de l’exclusion, tellement de barres médiocres qui sont totalement amorties ! La réhabilitation coûterait, selon le bilan municipal de 2003, 15 millions d’Euros ce qui correspond à l’esquisse de bilan que nous avions nous-même faite. Nouvelle absurdité : la ville vandalise elle-même l’intérieur des logements, aggravant le coût de réhabilitation en le portant à la moitié du prix de construction de ceux –ci, soit pour les 220 HLM de Desnos un coût global nouveau de 220x50 000 = 11 millions d’Euros !!! Ces chiffres, abondamment diffusés sur Internet et à la presse, montrent l’énormité du scandale financier qui redouble l’attentat à la culture, à la cause des mal-logés, à l’antiracisme. Outre la démolition, en pleine crise du logement, de 440 HLM solides et récents, la plupart en bon état, qui représentent neufs, une somme de 44 millions d’Euros ! A cela s’ajoutent les 120 millions du bilan ANRU dont on ne trouve aucune justification chiffrée et dont on ignore ce qu’ils deviendront. Pshitt ! Envolés, disparus dans le trou noir de l’ANRU ou ailleurs ( ?). Ajoutons encore, pour être complets, les 45 millions supplémentaires entre la réhabilitation de la ville et une démolition justement calculée… Un gouffre largement inexplicable, sans que personne ne s’en émeuve ni au Parlement ni dans les médias ! O transparence démocratique, que de crimes ne commet-on en ton nom !

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Les arguments des partisans de la démolition.

Bien entendu, à défaut de justifier leurs chiffres de haute fantaisie, Etat, Villes et offices ont fortement argumenté sur la nécessité de la démolition. Un immense intellectuel leur est venu en aide. Il s’agit de M Daune, architecte, qui a reçu de très fructueux contrats à Pierrefitte et adans Plaine Commune. Il n’en était pas à son coup d’essai. Il avait déjà fourni les argumentaires contre Renaudie à Villetaneuse et même pendant un temps où c’était envisagé, sur la Maladrerie de Renée Gailhoustet (construit par la Sodédat 93 et qu’une action puissante des locataires, conduite par Katherine Fiumani et Gilles Jacquemot, architectes résidents a fait abandonner). Il s’est donc fait une spécialité dans la nécrophagie, dans la destruction rémunérée des œuvres architecturales de ses confrères plus richement dotés en talent. Singulière conception du débat architectural ! Lui ne fait que poursuivre de vagues études à Sevran par exemple, de participation bidon avec les habitants des barres pour leur faire dessiner un vague truc, un machin, une manière de piste de ski qui ne conduit qu’à une cabine perchée où les malheureux zupiens sont conviés à méditer sur leur malheur de vivre en ZUP, heureusement jamais construite ! Ce bazar a été cependant exposé dans un énorme stand à la foire aux œuvres d’arts contemporaines du Grand Palais, initiée par le président du Conseil à l’époque de sa splendeur, M. de Villepin, parfois mieux inspiré. O culture architecturale, désert des Tartares ! M. le Préfet, saisi par sa tutelle a donc fait exécuter un pensum idéologique par ses « spécialistes » de l’architecture qui reprend les vieilles calomnies du

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précédent artiste. Nous en avons fait à l’époque, 2007, la critique :

  Sur le rapport de M. le Préfet du 93 

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 Le rapport préalable à la démolition des Poètes à Pierrefitte signé par Jean-François Cordet, Préfet de la Seine-Saint Denis en juillet 2007, est un tissu de bévues et d’énormités urbanistiques, d’approximations, de paralogismes voire de contre-vérités.  Les contraintes topographiques concernent la pente du terrain  qui est légère, en dehors du talus de la RN1. L’étudiant en première année d’architecture découvre avec ravissement les prouesses que tous les sites en pente ont occasionnées en matière d’habitabilité et d’agrément urbain. Traboules lyonnais, Lycie, Ligurie, M’zab, Miaos et Dongs du sud est asiatique, etc. Depuis ces habitats primitifs géniaux jusqu’aux splendides villas de Frank Lloyd Wright ou aux HLM renaudiens de Givors. Les passerelles qui ajoutent au pittoresque, à la variété du spectacle urbain sont présentées stupidement comme autant des nuisances. La complexité serait un défaut en soi : une barre de la Courneuve, dans sa nudité extrême, tellement rémunératrice pour la grosse entreprise, est de ce point de vue sans doute le parangon de la qualité ! Les contraintes sonores de la RN1 qui ont rendu nécessaires le bâtiment écran : Elles sont et seront toujours présentes, l’arrivée du tramway n’y changera rien : le mur écran garde donc la même nécessité. Un passage piéton architecturé au droit de l’arrêt du tram, dès qu’il serait exactement positionné, serait évidemment bienvenu. On ne peut en toute absurdité justifier un accès voitures pour se rendre au tramway, support du choix piétonnier.

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De la même façon rendre circulable aux automobiles le quartier des Poètes n’est autre chose qu’une totale régression urbanistique, quand nombre de centres villes du monde entier ont réalisé à grands frais leur piétonisation ultérieure, à la grande satisfaction des usagers. Le quartier des Poètes n’est naturellement pas un modèle achevé, absolu, indépassable mais il faut partir de ses qualités propres si on veut l’améliorer. Les propositions «urbaines» de Daune - chiches alignements de plots et pavillons ringards sur voieries automobiles nuisantes - sont affligeantes de pauvreté conceptuelle quand elles reprennent les médiocres « cités manifestes » lancées hâtivement par Borloo et déjà délaissées par leurs habitants.

Contrainte d’accès handicapés   On ne peut justifier la démolition scandaleuse de 440 beaux logements par le seul aspect « labyrinthique » de quelques accès particuliers. Le caractère labyrinthique n’est d’ailleurs pas un défaut. Bien traité architecturalement, il constitue au contraire une qualité recherchée de l’habitat : les quartiers médiévaux de centres anciens qui abondent en tels détails sont achetés et réhabilités désormais à prix d’or ! Rappelons enfin que le projet des Poètes avait été avalisé à l’époque par le Ministère de l’Equipement.

Contraintes budgétaires et de phasage opérationnel qui ont obligé à des choix techniques et esthétiques contrariant les objectifs de départ : Lesquels ? Le savant critique ne le dit pas et pour cause : le chantier, malgré ses difficultés, l’étroitesse des prix plafonds HLM et la faiblesse financière de la Ville, a été achevé selon les plans initiaux des architectes, approuvés à

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l’époque par les Préfets, DDE, architectes conseils, Ministères du logement et de la culture, etc. Autres mensonges : le projet initial de l’architecte, lequel n’a jamais déserté le chantier, n’a été à aucun moment abandonné. L’entreprise générale de Desnos n’a pas déposé son bilan mais, italienne, elle a décidé en 199O, au moment de la crise générale de la construction, de fermer tous ses chantiers français, sauf Pierrefitte, qu’elle a achevé, c’est vrai dans la difficulté. Mais le maître d’ouvrage a fait face. Les difficultés se sont concentrées sur le bâtiment écran, difficile à terminer en raison notamment des dégradations que l’insécurité banlieusarde faisait peser en permanence sur le chantier (vols et détériorations récurrents). La poursuite des travaux n’a pas été plus empirique (?) que sur n’importe quel chantier du bâtiment en dehors des inconvénients signalés, liés à l’insécurité profonde du quartier proche de Sarcelles et de Villiers le Bel.

Bien entendu si le financement avait été plus généreux, le revêtement en béton brut aurait pu être plus soigné. Les dégradations constatées depuis (fuites) sont essentiellement la conséquence d’une gestion lamentable des offices qui se sont succédés et ont refusé de faire le gros entretien comme c’est leur devoir sur n’importe quelle construction de HLM et en prévision duquel le loyer prélève 0,6 % de la valeur totale de l’immeuble chaque année. Ces sommes ont été détournées de leur usage primitif.

Si l’ouvrage n’a jamais été réceptionné par le maître d’ouvrage, peut-être faut-il rappeler qu’à la suite de l’éviction brutale en 1994 de la direction de la Sodédat qui avait promu le bâtiment, cette société a connu un effondrement technique et financier total dans une incurie

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dramatique, obligeant le conseil général à refinancer de plusieurs dizaines de millions le compte d’exploitation, pourtant largement bénéficiaire en 1994. Bien entendu, le Préfet n’a pas manqué l’argument sempiternel des trissotins, assassins rétrogrades de la culture vivante, sur  l’architecture complexe des bâtiments qui détermine des formes de logements rendant malaisés l’ameublement et l’utilisation de certaines pièces, ce vieil argument de Bouygues : rendez-vous compte, on a trouvé un poteau dans une chambre ou même dune ou deux pièces triangulaires : quel scandale en architecture ! Les Prix de Rome qui ont commis des millions de logements des ZUP en forme de boîte à godasse exactement dupliquées, se retournent de joie dans leur tombe. Renaudie qui a utilisé abondamment ces éléments triangulaires n’a-t-il pas reçu le Grand Prix d’architecture décerné par le ministère ? 6 000 HLM de ce type ont été construits sur une quinzaine de sites et sont bien habités.

Monsieur le Préfet s’improvise critique d’art mais, utilisant le bull-dozer, il rappelle de fâcheux précédents. C’est là où le bout de la queue du chat dépasse : il s’agit bien d’interdire toute architecture non conforme et au besoin de détruire l’œuvre des contrevenants, comme jadis dans les autodafés. Le mercantilisme des hyperlibéraux de droite et le bureaucratisme des néo-staliniens de gauche se rejoignent pour éradiquer les avancées libertaires et urbaines, inspirées de mai 68.

 Exposition des logements :Encore une ineptie : les logements sous verrières n’auraient pas d’éclairage direct, vous qui pensiez qu’une verrière laissait passer le soleil ! S’il fallait détruire tous

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les logements mal exposés, on devrait raser la moitié de Paris ! Les terrasses constituent le grief principal : elles sont mal plantées ! Encore une fois, cela ne met en valeur que l’incurie des gestionnaires qui n’ont absolument pas veillé à la mixité sociale du quartier lors de la première mise en location et qui n’ont fait aucun effort pédagogique auprès des nouveaux arrivants pour les inciter à jouir correctement de leur terrasse en la plantant. On rêve : le gouvernement fait grand bruit avec son Grenelle de l’environnement mais il subventionne la démolition d’un ensemble d’habitat qui reconstitue intégralement, grâce à ses terrasses de pleine terre plantées, l’intégralité de la surface au sol soustraite à la nature par les constructions, luttant ainsi concrètement, trente ans avant tout le monde, contre les excès de CO2 et de la pollution, donnant des raisons aux locataires de demeurer dans leur quartier vert et piéton plutôt que de fuir chaque week-end dans les embouteillages pollués pour goûter un peu de nature ! De qui se moque-t-on ? Les terrasses favoriseraient les intrusions : Ne faut-il donc construire que des blockhaus étanches aux voleurs ?  Les terrasses augmenteraient le loyer : Si on attribuait seulement 30 mètres carrés à chaque famille nombreuse leur loyer payé serait certes plus modeste !

Problèmes de luminosité, d’humidité et de chauffage : Amalgame insupportablement malhonnête : à les entendre, une poignée de logements en demi sous-sol justifierait la démolition des 440 HLM ! En Grande-Bretagne, ces cours

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anglaises sont très recherchées et fréquentes dans l’habitat huppé. Juste à côté des Poètes, plusieurs centaines de logements aux revêtements d’amiante seront au contraire réhabilités, exposant leurs habitants aux risques majeurs du cancer : le monde à l’envers !

En trois lignes, le Préfet expédie la réhabilitation décidée en 2004 avec son propre accord qui n’apporterait aucune garantie de meilleur fonctionnement et de perspectives convaincantes d’amélioration du quartier. On attend en vain l’argumentation justifiant cette affirmation gratuite (sauf pour les contribuables qui devront payer la somme fabuleuse de 155 millions d’Euros pour démolir un quartier qui réhabilité et réaménagé deviendrait excellent).

Les locataires unanimes se sont opposés à la démolition en exigeant la réhabilitation qui leur éviterait toute … La maire depuis multiplie réunions et pressions pour faire changer les locataires d’avis, en bon totalitarisme ! « Administration criminelle ! » comme disait le Président Mitterrand. Il y a pénurie de logements sociaux en région parisienne, les gens couchent dehors, les communistes et socialistes manifestent mais, ici, ils veulent casser à prix d’or, dans une sombre magouille locale, 440 HLM qui n’ont pas vingt ans en n’en reconstruisant que 133 sur place, promettant 250 autres on ne sait trop où.

On est en plein délire surréaliste : le Préfet justifie la démolition du gymnase et du groupe scolaire parce qu’ils sont sous-utilisés ! Le contraire de ce qu’il faudrait faire en bonne logique! Peut-être que les surfaces en trop pourraient être utilisées à d’autres fins, par exemple pour y

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loger des équipements d’animation culturelle pour les enfants et leurs parents ?

Depuis quand un groupe scolaire constitue une barrière urbaine ? Nos puissants spécialistes ont découvert une nouvelle pathologie urbaine : les écoles, qu’il faudrait casser pour les rebâtir en plus petit ! Pourquoi ne pas les faire traverser par un cheminement piéton ? Les neurones préfectoraux sont visiblement surmenés.

Accessibilité du quartier Elle va être améliorée par le tramway. Très bien. Pourquoi donc casser les Poètes ? Ses logements vont prendre de la valeur. Faut-il comprendre que des logements en accession permettraient à des promoteurs privés une opération juteuse, aux dépens du social et payée sur fonds publics ? On se croirait en Sicile.

 Diversification de l’habitat  Pourquoi ne pas construire les 250 logements prévus à l’extérieur du quartier en accession, plutôt que de démolir de bons et récents logements HLM ? Quelle est cette rage à jeter l’argent de l’Etat par les fenêtres ? Nous avions cru entendre M Fillon évoquer la faillite des finances de l’Etat.

Plan de relogement Le rapport du préfet donne des chiffres qui expliquent la dégradation du quartier : 27 % des actifs sont au chômage, le taux d’effort des locataires est de 33 % sur Desnos. 29 % des ménages y sont endettés avec un niveau moyen de 2758 Euro pour 1500 Euros de ressources mensuelles. Là réside le problème essentiel. Les Poètes ont été un ghetto dès leur mise en location. La forme urbaine, dans ce cas et contrairement aux 4 000 et à la plupart des autres ZUP de barres et de tours, n’y est strictement pour rien ; l’erreur

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était là dès l’origine. Les difficultés financières des ménages excluent toute possibilité d’accession à la propriété. L’éviction et la démolition ne peuvent qu’aggraver la situation de ces populations fragiles. Les promesses mirifiques faites aux locataires risquent de se résoudre à la déportation dans des zones pires et au déchirement des relations sociales difficilement tissées. Le centre social a eu des résultats encourageants : Mme la Maire a enlevé son animateur puis l’a fermé sans autre procès pour accélérer l‘effondrement social du quartier. Si 3F a signé l’achat de terrain pour 194 logements neufs, qui peut prédire dans trois ans le nombre d’anciens des Poètes qui y seront réellement relogés ? Ne s’agit-il pas surtout d’opérations juteuses pour le constructeur ? A chaque départ de locataire, les gestionnaires se conduisent en vandales et démolissent l’intérieur des logements : il sera facile ensuite de dire que la réhabilitation coûte cher ! Outre les 63 millions d’Euros de l’Anru, département, Plaine commune, et ville de Pierrefitte pour neuf millions devront payer les participations aux aberrantes reconstructions de gymnases et d’école totalement injustifiées quand ses finances exsangues sont sous la surveillance de la Trésorerie générale !

La Préfet fait état de l’opposition des 200 architectes, dont nombre d’enseignants du supérieur, de directeurs de CAUE, plusieurs grands prix et deux anciens directeurs de l’architecture, des plasticiens. Il oublie de citer Jean-Pierre Lefebvre ancien directeur général de la Sodédat 93 et constructeur des Poètes comme son adjoint d’alors Marc Huret, Jean Sivy, ex premier adjoint au maire d’Aubervilliers et membre du conseil d’administration de la Sodédat 93, Yves Dauge, sénateur, ancien directeur de

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l’urbanisme au Ministère. Il oublie surtout les huit cents signataires du quartier en faveur de la réhabilitation, avant les pressions de la Maire qui a rameuté quelques dizaines de soutiens aguichés par des promesses de relogement, dans ses réunions. Jean-Jacques Karman, Président de la Sodédat, reconnaît en privé sa préférence pour la réhabilitation.

Le responsable du service de l’architecture et du patrimoine du 93, s’il signale des sentiments d’isolement et des réparations insuffisantes sur Desnos qui font apparaître des pathologies du béton, émet une appréciation positive notamment sur Brassens et regrette que les architectes d’opération, les frères Euvremer pour Brassens et Padron Lopez (Espagnol et non Brésilien) n’aient pas été associés à l’étude. Tous les pseudo-arguments préfectoraux en faveur de la démolition concernent Desnos, jamais Brassens mais on les utilise pourtant pour démolir aussi ces 220 HLM qui ne nécessitent même pas de réhabilitation lourde. Le préfet conclut sur la politique « ambitieuse » de la ville de Pierrefitte ! Sans doute dans la monstrueuse entreprise de gâchis financier, de nihilisme catastrophique, d’hystérie à détruire l’intelligence construite. Le Préfet craint avec raison les suites juridiques de cette aberration urbaine. La Cour des Comptes est saisie sur ce qui s’apparente à un détournement massif de fonds publics. Peu importe, il daune cependant un avis favorable !

Dans tout cela, on cherche en vain le moindre diagnostic professionnel, compétent, éclairant. Le moindre discours d’expert à la logique interne informée et cohérente. Qu’une mosaïque de faits mensongers,

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secondaires ou sans rapport avec l’objet : dépenser en pure perte l’équivalent du coût de construction de 1500 HLM neufs ! Quand un chiffrage rapide établit qu’une réhabilitation bien menée ne dépasserait pas 15 millions, dix fois moins, excusez du peu ! Pour donner un quartier agréable, habitable. Un quart des logements sont vides désormais. C’est une base intéressante pour une autre approche qu’il n’est pas trop tard de substituer à la calamiteuse démolition. Il faut réhabiliter ces logements vides et traiter soigneusement les espaces communs, redonner vie au centre social, aux commerces, aux terrasses plantées, au séjour urbain et attirer des locataires d’un niveau de ressources plus élevé qui viendraient amorcer une nouvelle composition sociale, établir une mixité que n’a jamais connue le quartier, changer l’image de ghetto.S’il faut casser, utilisons une partie de sommes pour éliminer l’amiante des tours ! Devant l’énormité d’un tel déni éthique, on parvient difficilement imaginer les ressorts psychologiques de l’obstination dans l’absurde des décideurs. Le premier facteur, c’est sans doute la crainte panique des communistes en voie de disparition accélérée. A 1,3 % des suffrages nationaux, M. Braouezec acteur principal de la prise en considération du projet délirant par l’ANRU, craint de voir vite disparaître son fief. Toute tétanie est bonne pour tenter de le conserver. Ainsi il faut sauver l’encombrant soldat Hanriot, maire de Pierrefitte, contestée jusque par ses proches, obtenir que les Verts locaux, jusque là hostiles à la démolition, se rallient à cette épouvantable union pour la pire bureaucratie, sinon il perdrait la majorité à Plaine Commune et bientôt son siège de député.

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L’autre facteur, non des moindres, tient aux ébouriffantes retombées financières du projet dément, non une manne mais un tsumani de fifrelins. L’effronterie des caïmans n’a plus de bornes, on peut tout justifier quand miroite un total prévisible de 15 millions d’Euros d’honoraires (10% du total). Il faudra bien partager un peu mais il restera bien l’équivalent de quelques villas sur la Côte ! On peut s’interroger sur la dégénérescence politique qui rend possible de telles monstruosités !

JP Lefebvre, constructeur des Poètes. »

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Premier succès démocratique.

En 2007, devant protestation croissante et malgré l’agitation bidon de la Ville, M. Borloo décide finalement de retirer le dossier pierrefittois de la liste des opérations nationales de l’ANRU, il passe la patate chaude à la Région, laquelle n’en veut pas ! Attendant la décision officielle qui mette un terme au scandale, architectes et locataires commencent de se réjouir. La Ville redouble d’actions bidons, s’accrochant à son énorme plat de lentilles de 180 millions d’Euros, voulant absolument se justifier auprès de sa population, quelques mois avant des élections municipales périlleuses pour la Maire sortante.

Le forcing du député Braouezec

Début 2007 s’ouvre la campagne électorale des élections municipales. M Braouezec, président de la communauté urbaine, vole au secours du Mme Hanriot, maire de Pierrefitte dont la perte du siège très menacé affaiblirait son fief de député : il fait le forcing à l’ANRU pour faire rétablir le contrat funeste, menaçant de retirer six autres dossiers de villes de la communauté qu’il dirige. Il obtient gain de cause, l’ANRU recule et le quartier est à nouveau condamné ! Son forcing ne servira à rien : la maire sortante est battue. Son remplaçant, le socialiste Fourcade, soutenu par M. Bartolone le patron PS du

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conseil général, est depuis toujours, comme adjoint candidat à la succession, hostile au quartier des Poètes et fanatique de la démolition du talent et de l’éviction des indésirables ! La lutte continue et les interventions se multiplient à l’Elysée et auprès des ministres et des médias. L’association DOCOMOMO présidée par madame Agnès Cailliau, architecte des bâtiments de France, spécialisée dans la défense des patrimoines intéressants menacés par des démolitions, s’investit dans l’action commune. Jeronimo Padron Lopez est revenu spécialement des Canaries pour défendre son œuvre. Il investit dans une vaste étude qui utiliserait les crédits annoncés par l’ANRU de manière positive en améliorant les performances écologiques, sociales et la qualité urbaine du quartier, en perfectionnant son intégration dans le site, en le végétalisant encore davantage. Edith et Olivier Girard, Pastrana, professeurs d’architecture, Mathilde Chikitou fait un film sur le sujet… Le centre Pompidou organise une visite urbaine du quartier auquel Jeudi Noir commence de s’intéresser. Celle-ci sera animée par un comité d’accueil des jeunes dealers qui balancent des briquetons sur les visiteurs, la police refusant d’intervenir, jusqu’à ce que Padron explique toute une soirée son plan-masse aux ados, surpris et intéressés…

A Monsieur le Président Sarkozy, 2008. «  …Je me permets d’attirer votre bienveillante attention sur une affaire particulière qui peut s’inscrire

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dans l’effort ingrat visant à diminuer les dépenses excessives de l’Etat.

L’ANRU a décidé l’année dernière, après de fortes hésitations et sous la vive pression de M. Braouzec, député de Saint Denis, d’attribuer 160 millions d’Euros pour la démolition totale de l’ensemble de 440 HLM du quartier des Poètes à Pierrefitte (93), achevé en 1992.

Il est possible très simplement à l’Etat d’économiser l’essentiel de cette somme. En effet, sous réserve d’estimations plus détaillées, la simple réhabilitation de ces HLM dont la structure est en bon état, qui n’ont que vingt ans et ne sont donc amortis que pour la moitié de l’investissement, ne coûterait qu’une quinzaine de millions d’Euros.

Comme beaucoup d’autres quartiers de banlieue, « les Poètes » sont en voie de ghettoïsation, ce qui explique sinon justifie l’étrange consensus d’un large éventail politique sur sa démolition.

Celle-ci, d’un coût astronomique, est en outre une pure aberration culturelle et sociale. J’ai construit ce quartier il y a vingt ans comme un contre exemple au grand ensemble qu’on y voulait bâtir… C’est, avant la lettre, un quartier écologique, expérimental, une manière d’amorce des dix Ecopolis que M. Attali dans son rapport propose de construire en France. L’institution architecturale, notamment l’association DOCOMOMO de Madame Agnès Cailliau et les huit cents locataires, ont demandé l’annulation de la démolition au bénéfice de la réhabilitation. La Maire qui avait pris la funeste décision a été battue aux dernières élections municipales.

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Un tiers des logements ont été vidés par les offices gestionnaires, ce qui pourrait permettre, après sa réhabilitation, le rééquilibrage social du quartier, sans toucher à son intéressante architecture d’ensemble. Il est proposé de reconstruire à la place des Poètes, un projet d’une affligeante débilité conceptuelle, sur la foi d’une argumentation urbanistique dérisoire n’utilisant que le terme vague de « désenclavement » ( ?), totalement disproportionné avec le séisme envisagé : la RN1 qui borde le quartier et le futur tramway constituent des dessertes tout à fait enviables. Je me permets donc, Monsieur le Président de la République, de vous demander de bien vouloir user de votre haute autorité pour faire réexaminer cette affaire lamentable qui s’apparente à un détournement de fonds publics, en trouvant la voie d’une économie facile et d’une action de salubrité rationnelle et culturelle. JP L. » Le Président a répondu, ainsi que Mme Boutin, Ministre, que l’ANRU, l’organisme chargé de l’affaire, allait nous répondre. Nous attendons toujours cette réponse… En attendant, l’Office dévaste les logements à chaque fois que l’un d’eux se libère ! Il n’y aura que 133 HLM reconstruits, c’est-à-dire que le double langage de la classe politique de gauche à droite est éclatant : on manifeste pour reloger les sans-abri tout en les privant concrètement, pour des sommes astronomiques aggravant les déficits abyssaux de l’Etat, de 290 logements très intéressants, âgés de vingt ans seulement ! Scandaleux !

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Droit de réponse à FR3,

«  Fidèle téléspectateur de FR3, j’ai regardé les informations régionales du jeudi 7 février, éditions du midi et du soir. Elles ont abondamment traité de la Ville de Pierrefitte en Seine Saint Denis et notamment du problème de la démolition des 440 HLM du quartier des Poètes. Il se trouve que c’est moi-même qui les ai construites dans les années 90 comme directeur général de la Sodédat 93 et que je connais donc parfaitement le dossier.

Je vous mets en demeure par la présente de bien vouloir rectifier les informations incomplètes, tendancieuses ou fausses qui ont été données aux auditeurs à cette occasion. Jusqu’en 2004, la ville a soutenu un dossier de réhabilitation du quartier, justifiée par le manque d’entretien et les difficultés de peuplement, typiques de la banlieue : chômage, bas salaire, insécurité, tendance à la ghettoïsation de fait.(coût : quinze millions d’Euros contre 150 à la démolition !)… Mme Hanriot, la maire, a inversé son approche parce que M. Borloo, alors Ministre de la Ville a proposé pour des motifs idéologiques malvenus de démolir la totalité de ces logements expérimentaux en en finançant la totalité du coût. On a inventé pour le besoin de la cause des « arguments »  absolument fallacieux. Il faudrait « désenclaver » le quartier. Il est piéton ce qui est un progrès sur les nuisances automobiles habituelles. Il est très bien desservi par la Nationale1. On peut certes renforcer la liaison interne avec Sarcelles en faisant une

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rue nouvelle mais sans qu’il soit nécessaire de démolir quoi que ce soit ! Ce financement de la démolition a été fixé (par qui ?) à la somme astronomique de 168 millions d’Euros ! Beaucoup plus que le coût total de 440 logements neufs ! Selon mon expérience de vingt ans et le propre chiffrage de la Ville, la réhabilitation coûterait dix fois moins en fournissant un quartier parfaitement habitable, restituant ses qualités initiales.

J’ai moi-même procédé à la démolition en 1986 des trois cents logements de la barre Debussy à La Courneuve, absolument justifiée, elle. Ce coût que j’avais dénoncé à l’époque comme excessif n’atteignait cependant que 8 Millions de francs, soit environ 1,2 millions d’Euros. Rapporté au nombre de logements des Poètes et compte tenu de l’inflation, cela donnerait 2,5 millions d’Euros, trente fois moins que l’estimation délirante de l’ANRU et de la Ville. En vérité il faut rajouter le remboursement anticipé des prêts locatifs de la Caisse des Dépôts, sans doute proches de 50 millions d’Euros, ce qui souligne le fabuleux gâchis de la démolition. On reste de toute façon très loin de l’estimation extravagante. Le centre culturel n’est pas tombé en déshérence, il a été fermé par la Ville, bien que son expérience fructueuse de quinze ans ait fait l’objet d’un livre !

Dès l’annonce de la démolition les huit cents locataires unanimes ont signé une pétition demandant d’y renoncer et d’en rester à la réhabilitation initialement prévue par le conseil municipal. La Maire n’a cessé depuis de multiplier les pressions pour faire croire aux malheureux locataires à la fatalité de la démolition. FR3 vient d’apporter sa pierre à cette intoxication généralisée !

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Il est encore tout à fait possible d’en revenir à la raison et de réhabiliter, de rééquilibrer socialement le quartier, de lui amener la sécurité (commissariat de police). Deux cents architectes et créateurs ont signé une pétition contre la démolition et pour la réhabilitation, parmi lesquels de grands noms de l’architecture française.L’association de défense du patrimoine, l’ordre d es architectes, les Conseils d’architecture, les architectes des bâtiments de France, les Verts, le Sénateur Dauge, s’opposent pareillement à la démolition. A Villetaneuse et Pantin c’est la raison qui a prévalu, ces quartiers seront réhabilités et non détruits. Pourquoi pas Pierrefitte ?

A tel point qu’en 2006, M Borloo et l’ANRU ont revu leur copie et retiré Pierrefitte les Poètes de la liste des démolitions subventionnées. C’est un forcing de Mme Hanriot et de M. Braouzec qui a obtenu la signature scandaleuse du dossier en 2007. Leur obstination prédatrice et ruineuse n’a qu’une motivation : sauver leur postes respectifs aujourd’hui très menacés ! Si la lutte politique est bien naturelle, elle ne peut en aucun cas justifier de tels errements culturels, sociaux et financiers ! Aujourd’hui, un tiers des logements sont vidés et vandalisés au fur et à mesure par les gestionnaires qui naturellement n’entretiennent plus rien ! On va supprimer à grands frais 440 HLM où vivent des populations fragiles au moment où tous les politiques s’époumonent à dénoncer la crise du logement ! La Cour des Comptes est saisie, les architectes MM Euvremer et Padron Lopez préparent un procès contre la Ville, les gestionnaires et l’ANRU pour défendre leur oeuvre.

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Je vous demande instamment de bien vouloir rétablir cette part d’éclairage public sur cette très sinistre affaire, conformément à votre mission de chaîne publique. JPL. Le réalisateur a tenté vaguement de prendre contact mais son scrupule tardif est resté sans suite.

Encore FR3

Message diffusé sur Internet : « Peut–être avez-vous vu début février ce scoop télévisé sur FR3 : le quartier des Poètes serait la plaque tournante de la drogue en RP, des dizaines de morts étaient causées par la vente d’un mélange de drogue et de médicament ! Une semaine durant des dizaines de policiers ont mis ce qui reste du quartier en état de siège. Selon les habitants, un seul résultat : un mineur fumeur de hasch sous les verrous. Où sont soignés les malades, dans quels hôpitaux ? Qui a vu les morts, dans quelles morgues ? Depuis, silence assourdissant des médias. Le Maire PS, M Fourcade, a paradé à FR3 et amplifié l’information bidon. Mais Le Monde publie deux jours plus tard la carte de France des « grands chantiers» bidons du Président visant à enrayer la crise : il y a un petit rond à Pierrefitte. Les Poètes ? Un coup de bluff du maire aurait-il réussi ? Son dossier était en effet bien malade, l’ANRU, organisme gouvernemental et muet, chargé de ces opérations, auquel Sarko, Carla, Boutin renvoient tous les courriers de protestation sans la moindre suite, n’a plus un sou…. …En contradiction cynique avec les buts affichés de la politique de Borloo, les Poètes sont rajoutés à la liste de opérations de « grands ensembles » à démolir. Cela provient surtout de la volonté du membre du cabinet

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chargé à l’époque de ces affaires et que j’ai rencontré (fils de l’ex-maire UMP de Chelles, ancien juge aux « affaires » communistes en 93). Urbaniste ignare, il voulait éradiquer tout souvenir, même construit, de la banlieue rouge et de mai 68. La maire communiste de Pierrefitte qui a lutté des années avec certain succès pour le sauvetage du quartier, craque et se fait acheter par le ministère pour la bagatelle de 180 millions d’Euros si elle casse tout ! Elle abandonne la réhabilitation dont le dossier était prêt d’aboutir pour un prix douze fois moindre ! Les 800 locataires s’opposent à la démolition, signent une pétition unanime, avec eux, plus de deux cents architectes enseignants ou conseils, parmi les meilleurs de l’hexagone. L’association DOCOMOMO, en liaison avec le Ministère de la Culture, défend le dossier. Borloo recule alors et exclut le dossier des Poètes de sa liste de démolition.

Le député Braouezec, éminent leader de la gauche de la gauche, juste avant les élections municipales, veut sauver son fief et la maire menacée d’un de ses bastions, à Pierrefitte : il arrache à l’ANRU la promesse d’une reprise du dossier ! Las, sa maire est battue et il doit mendigoter au PS sa survie politique, lui à qui sa braderie des terrains de la Plaine aux promoteurs et aux banques, a valu le surnom de « Balkany de gauche » ! Défenseur en parole des mal logés, des migrants sans toit ni papiers, des banlieues difficiles, de la culture, de la démocratie, des fonds publics, j’en passe, Braouzec, un des leaders de la « Fédération » qui veut changer la France, devient spécialiste du double langage. Il foule aux pieds la volonté démocratique des habitants, la culture architecturale, l’argent public, en soutenant le détournement de 180 millions d’Euros, de quoi construire 1800 HLM tous neufs, quand les 440 qu’il veut détruire ne sont même pas

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finis de payer et qu’ils pourraient servir, une fois réhabilités, encore des siècles ! Une réhabilitation qui n’aurait coûté que 10 fois moins ! Le nouveau Maire PS Fourcade est un de ces « grands intellectuels » qui, par électoralisme bovidé, s’est opposé dès les premiers plans à la superbe innovation utopique des Poètes, belle continuité dans l’obscurantisme à la Ubu !

Quels sont leurs arguments ? Inexistants ! Des sophismes primaires ont été fourbis par l’urbaniste de service, le nécrophage Daune qui s’est fait une spécialité de tirer ses revenus de l’assassinat de l’intelligence construite. Il radote sur le « désenclavement » du quartier (qui sera bientôt desservi par un tramway !) quand il ne propose que de ramener la nuisance automobile dans un quartier auparavant piéton et de casser le mur antibruit qui protégeait des nuisances de la RN1. La mairie a publié un plan-masse (illégal, sans même un vrai concours) : une régression totale par rapport au quartier exemplaire qu’elle veut détruire. On crée une route vers Sarcelles (qu’on pourrait réaliser sans rien casser) et, sur cette voie, on aligne de tristes cubes tous pareils en un formidable recul conceptuel. Le bonnet d’âne en architecture urbaine ! Le fond : on ne reconstruira que 150 HLM, c’est-à-dire que, comme l’extrême droite, on veut « désenclaver » les 800 habitants eux-mêmes, c’est-à-dire pousser les migrants un peu plus loin et, globalement, soustraire 300 logements HLM à la demande criante des mal logés ! Fabuleux bilan ! Il n’y a pas que la finance et l’écologie qui sont en crise, l’escroc Madoff a des émules à Pierrefitte. La justice, la Cour des Comptes ont été saisies de cette dilapidation des impôts. Le PS, le PCF, le NPA, le DAL lui-même, grands pourfendeurs des ennemis du logement social, Sarkozy, Carla et tous les médias se taisent. Un petit film sur

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dailymotion a été censuré, Le Monde a bien publié un papier mais qui parlait d’un fait accompli, France culture a fait un débat truqué où les opposants étaient muselés, etc. En attendant, le scandale continue, les offices HLM du Département de Bartolone et de la Communauté présidée par Braouezec, dévastent les logements comme de vulgaires vandales, coupent l’électricité, font pression sur les locataires qui résistent courageusement comme Madame Santorinéou. Cette affaire est un révélateur : la démocratie actuelle est aussi en crise, la classe politique au delà de ses divergences oppose un mur, de l’autisme, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite. Il est urgent aussi de se poser, contrairement au NPA, les bonnes questions sur la réforme par en bas, celle de la démocratie et de ses institutions, les comités de quartiers décisionnels, des maires renouvelables annuellement, plutôt que des mandarins assis sur et infectés par leur matelas bureaucratique : l’autogestion en un mot, en politique autant qu’en économie. Sinon, amis de la gauche, que pourrons-nous construire sur des fondations aussi pourries ? »

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Juin 2009 : Permis de démolir de Desnos

Desnos étant vidé de ses locataires, le permis de démolir est déposé par la ville en juin 2009, aussitôt contesté par l’architecte Padron Lopez. Un référé est engagé auprès du tribunal administratif avec l’aide de DOCOMOMO et d’avocats spécialisés. Les fonctionnaires du Ministère des Affaires Culturelles se prononcent pour le classement des Poètes à l’inventaire supplémentaire du Patrimoine mais le Ministre ne veut pas signer la note de crainte de mécontenter son premier ministre, responsable direct de l’ANRU !

A Monsieur Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture

«  J’attire votre attention sur la malheureuse affaire de la démolition du quartier des Poètes à Pierrefitte en Seine Saint Denis. Je suis l’initiateur et le constructeur, dans les années quatre vingt, de cette construction expérimentale de 440 HLM, chacun de plans différents, munis de terrasses avec quarante centimètres de terre végétale, piétons, disposant de petits centres culturel et commercial et d’un séjour urbain, unique en Europe où nous avons fait pousser un jardin exotique. Il s’agissait à l’époque d’une démarche

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assez exemplaire car le projet initial du maire était de réaliser avec le même architecte 800 logements suivant un même modèle de tours répétitives, revêtues qui plus est d’amiante. Nous avons pu convaincre la municipalité de partager cette commande avec deux jeunes collaborateurs de Jean Renaudie, deux fois grand prix d’architecture, Jéronimo Padron Lopez et les frères Euvremer. L’élection du Président Mitterrand aida à mener à bien ces chantiers difficiles, sans subvention, dans les prix plafonds HLM, une performance au vu de la qualité des deux projets. Le Président lui-même avait alors exprimé le désir, sur la proposition du Sénateur Yves Dauge, de visiter ces quartiers expérimentaux que M. François Barré avait chaleureusement salués quand il dirigeait l’Architecture.

L’attribution des logements se fit malheureusement sans maîtrise de la compositions sociale et très vite le peuplement tourna au ghetto, avec les dysfonctionnements connus : pauvreté, chômage, familles monoparentales, 40 % de jeunes, insécurité, etc. La ville pendant quinze années a lutté pour améliorer le fonctionnement du quartier. Une excellente mission sociale conduite par un avocat iranien émigré obtint des résultats précieux pendant quelques années. Ils firent même l’objet d’une publication. La Ville poursuivait dans le même temps une étude de réhabilitation dont le montant était évalué en 2004 à 15 millions d’Euros. C’est alors que le Ministère de Monsieur Borloo, avec l’ANRU, rechercha des volontaires pour pousser le processus de démolition-reconstruction qu’il voulait encourager. Celui-ci se justifie pleinement sur des quartiers de barres et tours comme il en pullule, à la condition d’être assuré de la qualité du produit de

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remplacement. La proposition du cabinet de M. Borloo d’y adjoindre Pierrefitte ne laisse pas d’étonner. Pour en avoir parlé en 2006 à deux reprises avec un chargé de mission du Ministre - ancien juge aux affaires de corruption en 93 - la motivation idéologique de la proposition de démolition ne fait guère de doute. Enorme contresens : il fallait éradiquer ce témoin bâti du « totalitarisme rouge » quand il s’affichait clairement au contraire comme une critique des errements anciens des ZUP totalitaires, qu’elles fussent rouges, roses ou blanches…

Les Architectes des Bâtiments de France du 93 ont absurdement coupé la poire en deux : ils veulent conserver Brassens des Euvremer et laisser démolir Desnos de Padron Lopez, quand, au delà de leur spécificité, ils sont tous deux de même famille stylistique. M Borloo décida donc en 2007 de surseoir à l’opération et de la renvoyer à l’examen de la Région, laquelle manquait visiblement d’enthousiasme. Le quartier était raisonnablement sauvé ! C’est alors qu’interviennent les élections municipales. Menacé dans sa circonscription, Monsieur Braouezec ne présentait pas moins de sept dossiers à la subvention de l’ANRU. Celle-ci avait absolument besoin d’eux pour consommer ses crédits. Le député exigea que le dossier de Pierrefitte resta joint aux six autres et il gagna : la convention fut signée (anecdote : la Maire entre temps perdit son siège !) Nous en sommes là. Le nouveau Maire, le 27 juin dernier a signé le permis de démolir des 220 HLM du quartier Desnos. L’association Docomomo et le centre Pompidou ont organisé en mai une visite des Poètes qui a confirmé pour tous les participants les qualités architecturales éminentes des deux oeuvres. L’architecte Padron Lopez a déposé un recours à la mairie contre le

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permis de démolir. Les derniers habitants sont relogés en catastrophe, les appartements dévastés par leur gestionnaire ! Le mois d’août comme toujours est propice aux mauvais coups. Il est juste temps de mettre un terme à cette effrayante accumulation de sottise bureaucratique et d’inculture. On peut encore empêcher cette aberration obscurantiste, ce gigantesque gâchis d’argent public (les logements n’ont pas fini de rembourser leurs emprunts à la Caisse des Dépôts). Je me permets, Monsieur le Ministre, en m’excusant de cet historique un peu longuet, de solliciter votre haute intervention pour bloquer ce dossier et faire étudier en parallèle une procédure de réhabilitation complétant harmonieusement les qualités évidentes des deux projets, enfin, de mettre à l’étude par vos services l’inscription à l’inventaire supplémentaire du patrimoine ces quartiers « gradin-jardin », manifestation du génie national en urbanisme. » JPL

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Délégation au Ministère de la Culture

A défaut de voir le Ministre, nous fûmes reçus longuement, grâce à l’insistance de M Pastrana, à la Direction du Patrimoine et de l’architecture au Ministère de la Culture. J’en diffusais le compte–rendu suivant : «  Une délégation conduite par M. Pastrana, architecte enseignant, comprenant Mme Caillau (Docomomo), Mme et M. Padron Lopez, architecte de Desnos, Mme Caillau (Docomomo), J-P Lefebvre, maître d’ouvrage du quartier des Poètes, a été reçue très aimablement par Mme Piquéras, directrice adjointe de l’architecture et du patrimoine au Ministère des Affaires Culturelles, le lundi 12 octobre. M. Pastrana, rappelant l’opposition commune à la démolition de 440 excellents HLM, demande que le gouvernement bloque immédiatement la démolition. Qu’une étude fine de réhabilitation soit engagée rapidement afin que les puissances publiques, Ville et ANRU, se déterminent enfin sur le résultat comparatif et raisonnable des deux solutions, réhabilitation ou démolition. Qu’en outre, le classement du quartier à l’inventaire du Patrimoine soit décidé. Madame Piquéras en réponse fait état d’une longue note de la Direction demandant au Ministre de procéder au classement des Poètes à l’inventaire, mais qui n’a que peu de chance d’être signée par le ministre. Les Affaires culturelles préfèrent en effet dialoguer ad libitum avec l’ANRU où elle siège mais à un niveau éloigné de

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l’engagement des opérations et jusqu’ici sans aucun résultat. JP Lefebvre fait un bref historique de l’opération des Poètes. Engagée en 1976 par la Sodédat, jeune société d’aménagement du 93, il s’agissait de sauver un grand ensemble en voie de formation : vingt tours identiques, revêtues d’amiante devaient inclure les 850 logements, avec un seul architecte. S’appuyant sur la DDE, Mlle Fribourg, et sur la direction de l’architecture de l’époque, M Baquet, Mme Contenay, la Sodédat convainc le Maire de confier à deux jeunes équipes (Euvremer et Padron Lopez, collaborateurs de Renaudie, deux fois grand prix d’architecture), la réalisation du quartier des Poètes. Les idées retenues (Team Ten et Atelier de Montrouge) relevaient dès cette époque de l’écologie. Le quartier était piéton, protégé des nuisances sonores de la RN1, doté de terrasses plantées pour chaque logement en pleine terre. Il recréait la même superficie de terre végétale qu’avant l’opération. La terre est un moyen d’inertie thermique des logements. Le goût retrouvé du jardin pouvait diminuer le recours aux sorties de week-end, coûteuses en énergie, etc…. Il manquait l’instauration d’une mixité des fonctions, le programme municipal ne prévoyant que du logement. L’attribution a été trop rapidement faite, la mixité est insuffisante, l’amorce d’un ghetto se créée aussitôt.

En quelques années, les caractéristiques habituelles sont réalisées : 91 % de locataires originaires du Sud, 40 % de moins de vint ans, 24 % de chômeurs, les bas salaires pour les autres ! La ville a essayé de sauver le quartier contre les problèmes d’insécurité qui pointaient, avec la faiblesse des effectifs policiers à Pierrefitte. De 1992 à 1998, un animateur, Habat Tabib, effectue un remarquable travail avec les associations et les fonctionnaires avec un tel

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résultat qu’il fera l’objet d’un livre ! La Ville prépare une réhabilitation du quartier, médiocrement entretenu par un office en constitution qui ne verra jamais le jour. En 2003, un dossier est prêt, il en coûtera 15 millions d’Euros.

C’est alors que M Borloo inaugure sa politique de démolition des grands ensembles, laquelle peut se justifier quand il s’agit des 4000 de La Courneuve, à la condition toutefois d’être assuré de reconstruire un meilleur quartier que le précédent. La Maire accepte l’offre faramineuse du Ministère : 180 millions de subvention, douze fois plus cher que la réhabilitation, un pactole ! Immédiatement les huit cents locataires signent une pétition exigeant le retour à la réhabilitation. Deux cents architectes font de même. Après de nombreuses actions, en 2007 M. Borloo retire les Poètes de la liste des opérations de démolition de l’Anru… Après que la maire ait perdu sa mairie, en juin 2009 son successeur, M. Fourcade du PS, appuyé par M Bartolonne, prend l’arrêté de démolition de Desnos, vide le quartier, vandalise l’intérieur des logements : il ne reste plus qu’un locataire ! Un crève-cœur pour la population et les acteurs du quartier, une utilisation frauduleuse de l’argent public, une forfaiture de l’Etat !

Mme Caillau souligne le caractère extrêmement intéressant des espaces intérieurs, semi-publics ou publics, créés par les architectes aux Poètes. Elle a constaté sur place combien ils permettent à la fois une surveillance facilitée des enfants et l’épanouissement de leur autonomie ludique. Elle y voit un enrichissement précieux de l’histoire de l’architecture urbaine. Ces avancées devraient être prises en compte par le Patrimoine et justifier pleinement que le Ministre classe les Poètes à

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l’inventaire comme l’a proposé la DA. Elle a également constaté en interrogeant les habitants que les problèmes d’insécurité étaient largement exagérés. Elle considère également que la notion de désenclavement est inapplicable aux Poètes.

Mme Piquéras en convient et expose que la Direction de l’Architecture a préparé une liste de cent « grands ensembles » qui devraient être conservés avec un descriptif ! La note sera diffusée aux Préfets qui sont, dans chaque département, le représentant direct de l’ANRU (en toute décentralisation !). L’ étrange explication du Ministère de ces démolitions aveugles, c’est que tout ce qui a été construit dans ces années d’après guerre souffrirait d’un déni de la part des politiques et de la population! Et si ce sont les habitants qui ont raison ? Si les grands ensembles sont pour la plupart d’entre eux tout bonnement horribles, inhumains, obsolètes ? Quoi de commun entre Renaudie et les Baudoin, Aillaud, Tambuté, etc., qui zonaient et standardisaient en courbant parfois une barre, soignant une façade ou dessinant une bonne cellule, dupliquée ensuite à des milliers d’exemplaires ?

L’architecte Jeronimo Padron Lopez présente alors une série de propositions visant à parfaire la conception du quartier réhabilité en lui conférant plus encore de qualités écologiques, en utilisant la verrière du séjour urbain pour poser des capteurs solaires, etc.! Conclusion tristounette : monsieur l’architecte votre projet a vingt ans d’avance ! A moins que ce soit les Ministères qui aient quarante ans de retard ? Personne ne cache les difficultés : seule une forte campagne de presse serait capable de faire reculer le consensus de la classe politique et le Big Brother, le

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monstre froid de l’ANRU, abrité de tout contrôle démocratique ! Chacun se tait, même le DAL !

Avec l’appui de Mme Caillau de Docomomo, les architectes vont déposer une demande en annulation du permis de démolir ce qui donnera du temps à la protestation pour se développer. Nous vous appelons à écrire au Ministre de la Culture pour exiger le classement à l’inventaire du Patrimoine (comme le Givors de Renaudie l’a été), à la Présidence de la République pour que l’ANRU cesse son délire nihiliste, à la presse, au Monde, à Libé, etc. pour qu’ils informent enfin du scandale de la démolition scandaleuse ! JPL

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Un référé positif : la morale et le droit vont triompher à Pierrefitte ?

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Le référé contre la démolition déjà engagée à 10 %, est gagné par les architectes et Docomomo en novembre 2009. David a vaincu le rassemblement des Goliath. Un espoir se lève : il y aurait donc une justice indépendante en France ! Quelle bonne nouvelle ! Tous ceux qui avaient soutenu de puis cinq ans l’action se congratulent ! Mais il ne s’agit que d’un référé, le tribunal devra se prononcer sur le fond. Si personne ne songe une minute qu’il pourrait se déjuger à quelques mois d’intervalle, le renforcement de l’argumentaire des avocats strictement encadrés par DOCOMOMO sans l’avis des acteurs initiaux, commande de demeurer vigilants.

«  Sur la décision du tribunal administratif de Montreuil, novembre 2009 , quelques mots (confidentiels !) à Agnès Cailliau sur le dire des avocats choisis par Docomomo et l’architecte Padron Lopez dont le bâtiment Desnos est menacé de démolition immédiate. Passées les ratiocinations juridiques sans intérêt, en dehors de deux bons textes de Serge Renaudie (par ailleurs bénéficiaire d’un contrat avec l’ANRU) et d’Iwona Buzkowska, la défense est étonnamment indigente. Je ne m’étonne plus que le document ait été à ce point confidentiel car sa force démonstrative l’est tout autant. Cinq années de luttes et de mises en cause de la politique affligeante de l’ANRU, de Braouezec et de Fourcade sur le fond de l’affaire – la monstruosité de l’acte de démolir des oeuvres précieuses, tout comme les totalitaires

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envoyaient à Moscou les bull-dozers éradiquer une exposition de peinture non conforme - proprement escamotées, édulcorées, émasculées, au mépris de la simple cohérence intellectuelle. Un lecteur non informé pourrait se demander à la limite si l’essentiel n’était pas de protéger non Desnos mais la DAPA et l’ANRU ! Rien sur l’origine de l’aberrante décision ANRU : l’obstination anti-mai 1968 du membre du cabinet de Borloo, chargé de l’urbanisme, qui voulait éradiquer tous les quartiers « totalitaires » des années 70 (témoignage formel recueilli par JP Lefebvre, constructeur du quartier, ancien DG de la Sodédat) ! Rien sur le fait que tous ces quartiers ont été construits par la Sodédat 93 avec l’appui des directions successives de l’architecture de l’époque, du Ministère d e l’Equipement et du Fonds inter ministériel d’aménagement urbain et salués par la presse nationale, par l’Institut Français d’Architecture (plusieurs expositions), récompensé par les académies d’architecture française puis internationale. Rien sur les deux cents architectes qui ont signé la pétition nationale (douterait-on de l’authenticité des signatures ??) Rien sur les aspects décisifs du chiffrage du projet : 180 millions d’Euros qu’il faut ajouter aux 44 millions de la valeur résiduelle des 440 logements. Rien sur le fait que ces logements étaient seulement à moitié amortis ! Rien sur le fait que la Ville pendant 10 ans a voulu conserver ce site, a mis une excellente équipe d’animation qui en a même écrit un livre, et a étudié, en accord avec le Ministère, une réhabilitation quinze fois moins chère, 15 millions d’Euros, chiffre de la Ville, prête à démarrer en 2003 avec le soutien de l’unanimité des locataires ! Rien sur le fait qu’au début 2007, le quartier était pratiquement sauvé, le Ministre Borloo ayant renoncé,

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suite à notre campagne, à garder le dossier Pierrefitte dans la liste de ses opérations ANRU de démolition. Rien sur le fait capital que c’est l’obstination de M. Braouezec en 2007, essayant de sauver sa mairie communiste de Pierrefitte (en vain !), qui a obtenu au forcing la réinscription du dossier assassin! Rien sur le fait que le quartier de même nature à Villetaneuse, mêmement menacé de démolition par les mêmes, a été sauvé en 2005. Rien sur l’inanité de l’argumentation de Daune, cet architecte nécrophage (il a tenté systématiquement d’abîmer aussi tous les quartiers gradin-jardin de La Maladrerie, de Villetaneuse, etc.), pour « justifier » la monstrueuse démolition par le prétendument nécessaire « désenclavement » quand un tramway passera bientôt sur la RN1, en limite des Poètes. Rien sur l’énormité de détruire le bâtiment écran sur la RN1 qui protège toute la ZAC laquelle serait désormais soumise à toutes les pollutions automobiles ! Rien sur l’autre énormité d’utiliser des sportifs et les enfants de écoles (l’actuelle étant démolie entièrement car elle est trop grande !!!) comme écran illusoire contre ces pollutions ! Rien sur le plan-masse débile de Daune (publié par la mairie de Pierrefitte), qui mérite les oreilles d’âne : des rues partout pour réintroduire les nuisances automobiles dans un quartier qui en était protégé. Au siècle de l’écologie, on croît rêver ! Un plan masse en damier, repris de la simplicité d’esprit des camps militaires romains, afin que des promoteurs incultes y déposent leurs boîtes répétitives, à un coût minimum pour le maximum de marge. 224 millions d’Euros (soit le coût de construction de 2200 HLM neufs !) pour une régression urbanistique et sociale : une monstruosité !

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Rien sur les six tours contiguës, revêtues d’amiante, qu’on laisse, elles, en place, une véritable provocation contre l’écologie ! Au delà du permis de démolir qui était seulement l’occasion ultime de s’opposer à ce crime contre l’intelligence sensible, le fait générateur, c’est évidemment le scandaleux contrat Ville ANRU qu’il fallait attaquer sur le fond ! C’est-à-dire celui d’une utilisation frauduleuse de l’argent public : 224 millions pour aboutir à une régression urbaine en ayant supprimé globalement 300 HLM alors qu’ils manquent cruellement aux mal logés et qu’on a déporté les huit cents locataires qui avaient mal voté (contre la démolition pour la réhabilitation !) : quand le peuple n’appuie plus ses dirigeants, une solution est évidemment de le supprimer ! L’ANRU qui commence à être critiquée pour son opacité totale, ses coûts faramineux et sa stupidité urbanistique, voir la dernière livraison de la revue « d’A » éditée par l’ordre national des architectes ! Y compris le choix de seules citations (excellentes) de Buczkowska et Renaudie est à la limite contre-productif, elles émanent de proches de Renaudie et Gailhoustet et tendent à réduire la protestation à un petit cercle qu’on a vite fait de calomnier comme esthétisant voire farfelu, méprisant à la limite le confort des gens (réponses de Phillippe Jarry ou de la Ville). Pourquoi ne pas avoir rappelé les quatre grands prix qui soutiennent : Chemetov, Parent, Lacaton Vassal, Nouvel ? Pourquoi ignorer des pointures comme Porro, Pouchain, Barré (ancien Directeur de l’Architecture), le sénateur Dauge, Kroll, Castro ou l’excellente lettre de Pastrana, enseignant à la Villette, le soutien des Girard, de Fiumani-Jaquemot, de Cabestan, enseignants eux aussi, etc. etc. ? Les indemnités demandées par les avocats sont dérisoires, il fallait demander au moins 30 000 Euros, c’est

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sinon minimiser l’ampleur du désastre provoqué par la démolition. Ce ne sont pas les avocats qui sont en cause, ils ne doivent que transcrire la position des plaignants en veillant simplement à la rédaction dans le jargon approprié, encore faut-il que la position initiale soit claire et forte ! Je sais bien que l’élaboration du texte s’est fait dans la précipitation et la difficulté et c’est bien qu’il en ait existé un. Il fallait seulement leur préparer un bon texte, en discuter avec eux, bien sûr mais ne pas s’autocensurer. On ne leur demande pas d’être des militants mais de défendre la cause de ceux qui les payent. Sans doute le verdict du tribunal administratif, (était-ce le bon tribunal ?) peu au fait des problèmes d’architecture, s’appuiera-t-il peu sur certains de ces aspects. Encore fallait-il tenter de tenir compte non des derniers six mois mais des cinq ans d’action contre la démolition et ne pas abandonner l’essentiel de l’argumentation. Je me devais de vous donner cet avis, hélas bien tardif mais non de mon fait. Je n’en apprécie pas mois grandement l’effort de Docomomo et votre remarquable dévouement personnel à cette cause difficile, inégale (nous avions toute la classe politique contre nous et un silence assourdissant des médias et des ONG spécialisées comme le DAL). Nous avons été, malgré tout, solidaires dans ce bon combat pour l’intérêt public et la défense de la liberté de création, et c’est pour moi l’essentiel. JPL Le journal de l’Ordre des architectes publie un très bon article qui résume bien la problématique architecturale navrante de cette affaire : nous en publions quelques extraits :

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Les poètes réduits au silence ?

par Christophe Catsaros, extraits d’un article paru dans «  D'A », journal de l’Ordre des Architectes : La mobilisation de nombreux architectes contre la démolition du quartier des Poètes à Pierrefitte n’y aura rien changé. La municipalité, persuadée que l’on ne traite le mal que par le mal, poursuit sans la moindre hésitation son plan de réaménagement : le remplacement d’un bel ensemble brutaliste des années quatre-vingt par un banal assortiment de pavillons et de logements collectifs.  …l’ouvrage s’inscrit dans la réflexion qui, à partir des années soixante, s’efforce de reconsidérer le caractère standardisé et uniforme de la modernité… L’ensemble témoigne d’une volonté affirmée de rompre la linéarité et l’empilement uniforme en reconfigurant l’habitat autour de l’échange et de la rencontre. Contre les vues dégagées, on y privilégie les vis-à-vis, les croisements des parcours et des regards. Les formes sont variées, non pour glorifier l’inventivité de leurs concepteurs mais pour inscrire dans le bâti une certaine idée de la diversité. Les familles ne se ressemblent pas, leurs habitations non plus… Une architecture de raccordements et d’ajouts, qui fait l’éloge de la différence par sa façon d’ériger l’irrégularité et le non-alignement en principe structurant. Accepter le réel dans sa complexité, au lieu de vouloir à tout prix le faire entrer dans un moule. Aux Poètes, c’est un idéal urbain, écologique et social qui se retrouve condamné. Le nouvel aménagement proposé dans le cadre de l’Anru ne fait malheureusement qu’exprimer la doxa en matière de restructuration des grands ensembles. Les mêmes solutions stéréotypées sont appliquées presque

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partout, sans prendre ni le temps, ni les moyens d’élaborer des réponses spécifiques… Quel que soit l’angle d’approche, la démolition des Poètes est une régression : le rejet hâtif d’une conception humaine et optimiste de la collectivité…Ses façades hétéroclites étaient une leçon à ciel ouvert sur la fabrique de la ville, un dépassement de l’uniformité parachutée, une invitation à laisser les strates d’aménagement se superposer, sans recourir au lissage. Laisser la ville se faire progressivement, corriger au lieu de recommencer : tel était le principe inavoué qui déterminait la forme organique du quartier des Poètes. C’est l’intuition qui précède cette architecture et l’enseignement qui en découle. Dommage qu’il n’ait pas été suivi…Accepter le réel dans sa complexité, au lieu de vouloir à tout prix le faire entrer dans un moule. (2010) Las, Ville, Offices, département, ANRU, les Big Brothers se réveillent et engagent une formidable campagne d’intoxication. Le rapport de force est trop inégal. Impact le plus décisif de la campagne de désinformation : un papier scandaleux en une de Médiapart, le journal d’Edwy Pleyel. Cet article de complaisance, d’une partialité accablante, éclaire tristement le fonctionnement de notre démocratie biaisée, fût-elle de gauche, entre les intrigues des copains et des coquins, en toute opacité. Notre protestation n’a eu droit à aucune réponse ! Il est arrivé à point nommé pour donner bonne conscience aux juges et aux défenseurs de l’indignité. Il reprend uniquement les « arguments» des bureaucraties contre les locataires dispersés et les architectes fauchés, traînant les calomnies éculées sur de prétendues difficultés des locataires à installer leurs meubles dans ces logements quand 10 000 HLM de ce type sont correctement vécus et appréciés par leurs habitants. Ou bien sur la mauvaise qualité technique de

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Desnos (qui n’aurait jamais été achevé !!! et dans ce cas, comment aurait-il pu être mis en location par la Ville et le Ministère ?). Il s’agit en fait de quelques défauts ponctuels, inévitables dans tout programme d’habitat, et qui n’ont jamais connu la moindre réparation par les gestionnaires pendant 17 ans ! Brassens, bien entretenu par le FFF, ne présente aucun de ces défauts mais il est pareillement menacé de destruction…

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 A Edwy Plenel, président de Médiapart.

  Je vous prie d’insérer dans votre publication ma réponse aux affabulations de M. Hajdenberg, votre journaliste, sur le problème social posé par la démolition des 440 HLM expérimentaux des Poètes à Pierrefitte. Je suis le maître d’ouvrage qui a initié et mené à bien, comme Directeur Général de la Sodédat 93, ces deux programmes de 440 HLM, achevés en 1992. L’article de M. Hajdenberg est un tissu d’inexactitudes, de malveillances, à la limite de la calomnie. Le surréalisme de la situation, c’est qu’on démolisse pour 160 millions d’Euros (montant du contrat ANRU) un ensemble de HLM en bon état, dont les emprunts ne sont pas finis de rembourser à La Caisse des Dépôts (à environ 50 %). La réhabilitation avait été chiffrée, dans un dossier municipal, agréé par le Ministère en 2004, à 15 millions. Cette réhabilitation provient de l’absence d’entretien pendant vingt ans par les gestionnaires de la Ville, contrairement à Brassens, en bon état car bien entretenu par le FFF. Le chiffre avancé par Daune de 50 000 Euros de réhabilitation par logement est totalement fantaisiste. Il correspond plutôt au montant de la réparation du vandalisme opéré sur Desnos par les gestionnaires qui ont dévasté inutilement l’intérieur de chaque logement. Autre inexactitude : à peine 10 % du bâtiment a été démoli et

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non pas 50 %, le quartier Brassens, mêmement menacé, est intact. La totalité des locataires a signé dès la menace de démolition en 2004 une pétition la condamnant et exigeant la réhabilitation douce du quartier. C’est sous la pression constante de la Ville que les locataires un à un ont accepté de déménager. A l’évidence, le bénéfice pour la ville est de soulager son bureau d’aide sociale et d’alléger les effectifs des écoles en poussant ces populations fragiles ailleurs La perte d’HLM sur le site serait de plus de 300 ! Où est la préoccupation sociale ? Avec le coût total du contrat ANRU, on pourrait construire 1600 HLM neufs ! Les deux programmes des Poètes ont été conçus à l‘époque par la Ville pour éviter la construction d’un type unique de tours sur les huit hectares. Dix seulement ont été construites par la SCIC, propriétaire du terrain, leur revêtement est à base d’amiante mais on les conserve ! Non, nous, élus, population, maîtres d’ouvrage, architectes, nous ne rêvions pas. Pas plus qu’à Aubervilliers, Blanc Mesnil, Saint Denis, Villetaneuse, Isle Saint Denis, Stains, La Courneuve, Ivry, Givors, Saint Martin d’Hères où des milliers de logements de ce type ont été bâtis puis habités par des « gens modestes » qui ont naturellement pu placer leur lit et leur buffet Henri II ou tout autre espèce de mobilier. C’est de Jean Renaudie qu’est venue l’impulsion de ces quartiers d’avenir dont chacun des logement dispose outre des richesses d’espace des villas de luxe, d’une terrasse en pleine terre où cultiver un petit jardin comme en pavillonnaire. Il a ouvert la cellule carrée éditée à des millions d’exemplaires, enrichi son espace intérieur par l’utilisation de la courbe et de la diagonale. Il en a été couronné pour cela deux fois grand prix d’architecture. Sa

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proposition était beaucoup plus sage que celle de son collègue Parent qui voulait rendre les sols obliques et dont l’œuvre est aujourd’hui consacrée à Chaillot après la sienne, dans une exposition inaugurée par le Ministre de la Culture ! Ce sont eux qui font avancer l’art et le confort urbain et non les « partisans de l’architecture bête », comme M. Daune, titulaire d’un fructueux contrat ANRU pour casser les œuvres géniales de ses collègues : triste spécialité ! Il propose de reconstruire le quartier « pour permettre aux policiers d’y entrer plus facilement » ! Il est contre la clarté labyrinthique et pour la belle simplicité du « chemin de grue » des ZUP de 1960 : les 4000 ou le Clos Saint Lazare tout proches, des barres et des tours immondes plantées sur un no man’s land où on a empilé les locataires pour un profit rapide, il appelle cela son « minimum syndical » ! Cynisme ! La cité des poètes n’est pas un monstre. Comme dans les 750 quartiers sensibles en difficultés, la drogue, le deal n’ont aucun rapport avec l’architecture, davantage sans doute avec l’insécurité, le sous-emploi et la sous scolarisation. Pendant cinq années, une mission sociale a effectué un travail remarquable sur les Poètes avec les associations, cela a même fait l’objet d’un livre de son animateur Habat Habib ! C’est la Ville qui a fermé le centre social après avoir signé le contrat ANRU. Daune veut « distinguer le public du privé », les Poètes pariaient davantage sur la convivialité quand il veut séparer, enclore. Il ne croit pas à l’écologie, c’est son droit. Mais même ces exigences contestables ne sont à aucun moment obligées de passer par la démolition : nombre d’anciens quartiers ont vu poser des clôtures et des digicodes sans que rien ne soit cassé. Par exemple, juste à côté, à Villetaneuse, chez Renaudie.

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La route parallèle à la RN1 vers Sarcelles peut elle aussi être réalisée, si elle est vraiment nécessaire, sans rien démolir. Daune ment effrontément en affirmant n’importe quoi : que ces logements coûteraient plus cher en chauffage ou en charges. Auteur du plan masse débile proposé pour les poètes, il éructe sa haine contre des projets qu’il serait incapable de créer. Alors que de tels HLM sont recherchés et bien habités, y compris par des couches moyennes avant qu’on augmente excessivement leur surloyer, brisant ainsi une chance précieuse de mixité sociale et d’intégration. Leurs architectes les habitent souvent : ainsi de Renaudie, de Gailhoustet, de Fiumani, de Jacquemot, de Buczkowska , etc. Les Euvremer habitent une maison construite de leurs propres mains ! La phrase populiste ne dégrade que ses auteurs. Des membres des couches moyennes ont longtemps recherché ces quartiers. On fait dire à l’architecte des inexactitudes manifestes : le projet a été achevé, j’en témoigne, sinon nous n’aurions pas eu le droit de le mettre en location. Certes dans la difficulté (le financement a été supprimé pendant un an par le Ministère ce qui a interrompu le chantier, puis l’entreprise a cessé ses activités en France, l’office municipal HLM, en gestation, n’était pas au niveau, etc.). Mais l’architecte, rentré aux Canaries à cause de la crise, a naturellement fait sien son superbe projet qui, avec son séjour urbain unique en Europe, constitue une avancée considérable de l’art urbain. Les aménagements acoustiques dont il rêvait n’entraient malheureusement pas dans les financements du Ministère, ils demeuraient à mon avis secondaires par rapport aux qualités remarquables du projet. M. Peu, président de l’Ophlm, bavarde sur l’enclavement, avec peu d’arguments : la RN1 et bientôt le tramway ne constituent-ils pas le meilleur

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désenclavement qui soit ? N’est-ce pas aberrant de remettre la nuisance automobile partout ? Cela ressemble beaucoup plus à une régression qu’à un progrès. A tel point qu’à Saint Denis où il est adjoint au maire, le quartier Basilique, construit pas nous à la même époque partiellement ouvert à l’automobile, a été entièrement piétonnisé il y a deux ans ! Est-il donc désormais enclavé ? Où est la vérité, à Saint Denis, à Pierrefitte ? Pas en tous cas dans le papier d’Hajdenberg (Médiapart) qui ose écrire on assure sans en retrouver les preuves que les habitants s’étaient mobilisés pour sauver leur cité. Nous tenons à votre disposition la matérialité des huit cents signatures collectées à l’époque par Mme Santorinéou, ardente militante pour la réhabilitation contre laquelle de multiples pressions ont été exercées jusqu’à ce qu’elle accepte de déménager (en juillet 2009). Ces palinodies n’empêcheront pas ce constat aveuglant : le contrat ANRU sur les Poètes est un méfait social qui supprime 440 HLM, âgés seulement de vingt ans, une régression urbaine et architecturale, une affaire d’Etat dans la dilapidation de millions d’Euros publics sans aucune justification que le souhait de pousser ailleurs 440 familles en majorité originaires du Sud.  JPL, le 28 janvier 2010. »   Trois mois plus tard, le tribunal administratif se déjuge!

En janvier 2010, astuce procédurière : les plaignants embauchent un architecte expert auprès du tribunal administratif pour cautionner un arrêté de péril sur

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Desnos, commencé de démolir à 10 % avant le référé. Prétexte : la verrière menacerait de s’écrouler ! Mensonge absolu : la verrière est solidement assise sur deux bâtiments en béton de 100 mètres de long. Il n’y a plus un seul locataire et le chantier, interdit au public, est entouré d’une clôture ! Personne n’est menacé. La ficelle est grosse. Le tribunal administratif, deux mois après, se déjuge pourtant et accepte la reprise de la démolition avant même son propre jugement définitif qui interviendra le 26 février. Celui-ci contredit totalement le premier, Desnos va être détruit ! Docomomo n’a pas retenu les remarques que nous lui avons présentées sur le renforcement de l’argumentation des avocats, notamment pour qu’ils prennent en compte les aspects financiers proprement étonnants de l’affaire. L’Etat et les collectivités vont engager 180 millions de nos impôts pour détruire 440 HLM de qualité exceptionnelle, ce qui outre le déni culturel et le sale coup raciste et totalitaire représente un gaspillage de 160 millions par rapport au coût de la réhabilitation, pour faire place à un plan masse débile et des constructions de promoteurs, sans aucune qualité écologique ni architecturale. Le mur écran qui protège des nuisances de la RN 1 sera démoli, les voitures réintroduites partout : c’est ce qu’on appelle le désenclavement du quartier (le poumon vous dis-je du malade imaginaire de Molière). L’obstination dans l’absurdité la plus stupide. Les architectes et Docomomo peinent à régler les frais d’audience et d’avocats, ils n’ont pas de fonds secrets ! L’appel coûterait 15 000 Euros de plus ! Les bureaucraties regorgent de l’argent de leurs victimes, elles peuvent faire face sans problèmes ! Voir cette fois La Fontaine : selon que vous serez puissants ou misérables.

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La leçon des Poètes Hamlet a dit : quelque chose est pourri au royaume de Danemark. Cette affaire est assez immorale : comment des élus qui affirment être mus par des convictions sociales dont on ne peut à priori supputer l’hypocrisie peuvent-ils susciter des politiques aussi mal ficelées, incultes, imprégnées de mercantilisme et de sclérose technocratique, les conforter par des décisions improbables, à fins électoralistes, puis se tenir prisonniers de cette logique délétère qui insensiblement les amène à justifier l’injustifiable ? Dans le même élan, Braouezec qui a recouvert la Plaine des immondices de ses promoteurs plutôt que poursuivre l’intelligente politique urbaine de ses prédécesseurs sur la Montjoie, soutient le Grand Paris de Sarkozy parce qu’il lui promet une gare et des gratte-ciel ! Cette montée de l’immoralisme, de la brutalité totalitaire, de la régression sous les couleurs du progrès, ne vous rappelle-t-elle rien ?

Je vous entends, vaillants combattants de la FASE finale, Braouezec ne peut pas être si mauvais, il agit dans sa commune et à l’assemblée pour défendre les salariés, les migrants, la culture, etc. Dont acte. C’est bien là où le bât blesse. Comment se fait–il que sur un évènement précis, à partir d’une attitude initialement dictée par un réalisme électoral qu’on peut à la limite admettre face à la droite, visant à garder Pierrefitte dans son fief d’extrême gauche, tout l’édifice de la délégation de pouvoir s’effondre dans une attitude d‘inacceptable domination régressive et obscurantiste? L’éthique disparaît soudain et la praxis dérive toute entière dans l’exacte contradiction à tous les thèmes glorieusement défendus. Fragilité extrême de la démocratie ! Le ver est dans le fruit, ne tient-il pas à la bureaucratisation de la construction municipale, la

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disparition d’une présence informée, critique, agissante du citoyen, quelle que soit la couleur politique, porteur de l’esprit du temps, globalement humaniste ? Les élus verts qui avaient soutenu la réhabilitation désertent pour garder leur écharpe, d’autres se taisent comme le maire de Saint Denis ou JJ Karman, pourtant, en privé, partisans de la réhabilitation ! Presque tous les médias suivent voire en rajoutent comme Edwy Plenel de Médiapart qui se livre à une basse besogne de désinformation calomnieuse. Bien entendu, ils ont eu raison de dénoncer l’affaire Woerth ! N’empêche. Acrimed a perdu une bonne occasion de dénoncer une manipulation médiatique. Le DAL, même le DAL si autonome, en affaire avec Saint Denis, s’est tu. 440 HLM habités par des gens du Sud, sacrifiés, ça ne l’intéresse pas ! La DAPA n’est pas d’accord mais attend pieusement son Ministre muet. La disproportion des forces était considérable. Une poignée d’architectes, les huit cents locataires dont on a érodé pendant cinq ans l’hostilité ! De l’autre toute la classe politique ! Pourtant, verre à demi plein, deux fois de suite la cause des Poètes a frôlé la victoire, en 2007 avec le recul de Borloo, en 2009 quand un petit juge courageux du TA de Montreuil a osé braver le conformisme pour donner brièvement raison à la morale, à la culture, à l’engagement social. L’énorme solidarité mandarinale a balayé ces fétus. Y a-t-il un remède à ces dérives bureaucratiques qui bloquent l’avenir et éloignent dangereusement les citoyens de la chose publique ? Sans doute en rapprochant les décisions municipales d’un contrôle vigilant, informé, rationnel de l’électeur de base, en supprimant ce qui légitime l’érection de potentats inamovibles appuyés sur leur matelas parasitaire et leurs techniques médiatiques de réélection. Un maire ne devrait-il pas être renouvelé chaque année par un corps électoral de délégués des quartiers, selon le ratio par exemple d’un élu pour deux

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cents électeurs, valable sur tout le territoire national ? Autogestion, dépérissement de l’Etat, rationalité sensible, pas d’autres issues pour la sortie de crise qu’elle soit éthique, financière ou écologique. L’assassinat des Poètes, est un signe, celui d’une doriotisation rampante, d’un effondrement menaçant vers le chaos ultra-conservateur. Résistons !

Le combat des Poètes n’est pas achevé. Le centre de Saint Denis Basilique, la Maladrerie d’Aubervilliers, la pièce Pointue de Blanc-Mesnil, l’îlot du Bocage à L’Isle Saint Denis, le Vieux Pays à Villetaneuse, l’Orme Seul et Rateau à La Courneuve, l’îlot Carnot à Stains, la Montjoie à la Plaine Saint Denis sont de mêmes pièces d’architecture précieuses, tout autant menacées à terme par l’obscurantisme régressif en 93 Rappelons les attaques contre le forum culturel de Blanc-Mesnil, les menaces contre les Instants chavirés, la Maison de la culture de Bobigny, la sculpture de Gary Faif à Romainville, qui n’émanent hélas pas seulement de la droite !

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Opérations de la Sodédat 93 (1974-1994) qui pourraient être classées à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques

« Liste établie à la demande d’Agnès Caillau, présidente de DOCOMOMO pour transmission à l’architecte des MH du 93 afin d’éviter la répétition de l’affaire des Poètes : il suffirait pour cela d’une signature du Ministre de la Culture ! Bien entendu un tel classement a sa part de subjectivité, on peut utiliser, au delà des inévitables erreurs de parallaxe un filet mailles larges ou mailles étroites que nous nommerons catégorie A ou B, avec un effacement des nuances regrettables puisque ces opérations se présentent sur le plan de la qualité architecturale, des commodités et des relations sociales, davantage comme deux nébuleuses statistiques s’interpénétrant plus que comme deux armoires closes et bien rangées…

Le Blanc-Mesnil :

La Pièce Pointue d’Iwona Buczkowska, parmi les meilleurs architectes de l’hexagone : quartier piéton, 220 HLM en tout bois au plan jamais répétitif, R+ 3 moyen, petit centre commercial, salle de réunion, ateliers d’artistes, etc., splendide composition tout à la fois constructiviste et expressionniste. Trois fois récompensée par 1/ le prix de l’académie internationale d’architecture 2/ par le prix Delarue de

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l’académie de France, 3/ prix région parisienne du grand public par votation sur internet. Dans la lignée de Team Ten, de Wright et de Claude Parent, un chef d’œuvre mozartien, menacé par un entretien insuffisant et une ghettoïsation en cours.

Saint –Denis :

- Îlot Basilique, résorption d’habitat insalubre piéton du centre ville de Saint Denis de treize hectares. - 254 remarquables HLM de Roland Simounet qui dialoguent avec les arc-boutants de la Basilique de Suger.

- 185 HLM à terrasses plantées, logements jamais répétitifs ni orthogonaux, gradin-jardin surmontant une galerie commerciale de 8 000 M2 au plafond transparent : Renée Gailhoustet

131 HLM superposés à 6800 M2 de moyennes surfaces. Francis Gaussel : chaque appartement est accessible par un cheminement à l’air libre escaladant l’immeuble ;

- Siège du journal l’Humanité de Oscar Niemeyer, 7 200 M2

- Agrandissement de l’hôtel de ville de Henri Gaudin, 12 000 M2

- 65 logements accession de Bernard Paurd

- Supermarché de 10 000 M2 surmonté de 211 HLM et d’une mini-forêt de bouleaux sur dalle de Jean Deroche.

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- 1300 M2 de commerces, hôtel de 99 places, 1500 M2 de bureaux, deux cinémas : Guy Naizot, auteur du plan-masse général et de la place et de la colonnade du Caquet).

- 300 HLM, 1000 M2 de commerces, 2000 M2 de bureaux, de Olivier Girard et Georges Maurios

- Les programmes de Serge Lana, 200 HLM (ex architecte en chef, inévitable à l’époque, et de Jacques Bardet, 200 HLM et 1400 M2 de commerces, vraiment simples, sont nettement plus discutables…L’ensemble de l’îlot, piétonnisé par la ville, est bien entretenu.

- A signaler les halles du XIXe réhabilitées par Jean Deroche.

- ZAC de la Montjoie, activités sur la Plaine

Yves et Luc Euvremer, architectes de coordination, auteurs du plan masse et du mobilier urbain original. 85 000 M2 de bâtiments d’activités signés Renée Gailhoustet, Luc et Yves Euvremer et Bastide-Bazaud. Exemple paradigmatique (et rare) d’une zone d’activités à l’architecture conviviale maîtrisée par la Ville et son aménageur plutôt que par la promotion inculte.

Aubervilliers :

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- La Maladrerie. Vaste résorption d’îlot insalubre sur neuf hectares, piétonne, 1219 logements HLM en gradin-jardin, dont 50 logements en accession, 32 ateliers d’artistes, 5000 m2 de bureaux, centre culturel, bibliothèque, FPA, centre commercial intégré, bien arboré, terrasses plantées en pleine terre : la surface initiale au sol est totalement restituée par les terrasses en étage, l’écologie trente ans avant qu’on en cause ! Renée Gailhoustet qui devrait être depuis longtemps grand prix d’architecture ! Mais aussi de jeunes architectes invités par elle, Magda Thomsen, 30 pavillons HLM (première œuvre), Vincent Fidon, 60 HLM (Première œuvre ), Y. et L. Euvremer, 100 logements à terrasses, équipements, première œuvre, K. Fiumani et G. Jaquemot, 60 HLM… Densité du quartier : COS 1

Correctement entretenu, menacé un moment par la démolition d’une partie significative !

- Bâtiment d’activité, rue Aubry : 7 000 M2 Yves et Luc Euvremer

- Réchossière : joli ensemble de 60 HLM en tout bois, promoteur : promoteur : Arcade, architectes : Yves et Luc Euvremer.

Stains :

- Ilot Carnot : 338 HLM, 1400 M2 de boutiques, première œuvre d’Edith Girard, remarquable, bien entretenu, pas de menace à l’horizon.

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- Rue Parmentier : 30 HLM de Ricardo Porro, petite composition baroque et virtuose…

Ile Saint Denis :

- Résorption d’habitat insalubre du Bocage, de Katherine Fiumani et Gilles Jaquemot, enseignants : terrasses et structure en tabouret, en bord de Seine, première œuvre, 100 HLM.

- a signaler à proximité une jolie école primaire de Ricardo Porro.

La Courneuve :

- Ilot Rateau : 100 HLM, Jean Renaudie et Hugues Marcucci, gradin-jardin, terrasses plantées, etc. Bien entretenu par l’office de la Courneuve.

- Quartier de l’Orme seul :

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- A la place de la barre Debussy des 4000, implosée en 1986, 80 HLM de Ricardo Porro, joli petit îlot expressionniste bien agencé, - en face : 100 HLM des frères Goldstein, résolument modernes, conception ouverte et raffinée rappelant qui sait Mallet Stevens ?

- 100 HLM alignés sur rue de Catherine Furet, élève de Gaudin.

Villetaneuse :

- Vieux pays Résorption d’habitat insalubre, 200 HLM, commerces, bibliothèque de Jean Renaudie puis Nina Schuch. Terrasses plantées, logements tous différents, etc. Menacés de démolition et sauvés par l’inscription à l’inventaire. 74 HLM abandonnés par la Sablière, promoteur social de la SNCF, transformés par De Pinguily en accession à la propriété et tous vendus !

- ZAC du centre villeRenée Gailhoustet, 91 HLM en briques avec terrasses.

Romainville :

Bas Pays : Renée Gailhoustet, Centre urbain de quartier, 9800 M2 .

Pierrefitte :

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- Quartier des Poètes 440 HLM en gradin-jardin. Yves et Luc Euvremer (première œuvre) Jeronimo Padron –Lopez … promis à la démolition !

- Réhabilitations rue de Paris, Katherine Fiumani et Gilles Jaquemot.

- ZAC Guéroux, Fiumani et Jacquemot : hôtel, logements, équipements et commerces

Collèges

- Iwona Buczkowska, franco-polonaise : Bobigny, Pierre Sémard. Collège de 600 élèves en tout bois, structure apparente de 48 arcs lamellés collés, chef d’œuvre, magnifique village scolaire, siège d’une passionnante expérimentation pédagogique !

- Ricardo Porro, franco-cubain :

- Saint-Denis, collège Elsa Triolet : première œuvre en France, après vingt ans de silence ! En brique : la colombe, oiseau de la connaissance prend son envol ! Chef d’œuvre !

- Montreuil, collège Fabien, Second chef d’œuvre expressionniste!

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Renée Gailhoustet :Montfermeil, collège Fabien, très belle réalisation.L’espace se déploie depuis le rez-de-chaussée rythmé par de grands portiques arqués(Architecture d’Aujourd’hui)

- Yann Brunel : Noisy –le- Sec, collège René Cassin, en briques, d’une élégante rigueur d’inspiration finnoise. 

- Lucien Kroll, Belgique :

Saint Ouen, collège Jules Michelet, agrandissement écologique et sensible.

- Jean-Patrick Desse et Caroline Charmont (première œuvre) :

Rosny-sous-Bois, Collège Albert Camus : une géométrie destructurée à laquelle répond le volume piranésien de l’atrium ! ( AA)

- Elisabeth Doucet (première œuvre):Pavillons-sous-Bois, Collège La Basoche, première œuvre, un toit terrasse planté !

- Maximiliano Fuksas, Italie :

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Noisy-le-Grand, collège Saint Exupéry, un déambulatoire elliptique s’enroule comme un jeu de l’oie ! (A d’A)

- Vénéta Charliandjéva, franco-bulgare : Bagnolet, collège Travail (première œuvre)

Et Aulnay-sous-Bois, collège Croix-Rouge, verre et métal, organisé autour d’une grande serre centrale.

- Francis Gaussel : - Bagnolet, collège Politzer, en tout bois, une réalisation qui s’affirme comme l’antithèse du panoptique légué par le collège-caserne napoléonien (A d’A)

- Saint Denis, collège Henri Barbusse, des volumes bas associent la brique laissée brute, cernée par les ouvrages de béton clair, l’ardoise grise des toitures et le bois lamellé collé des charpentes (A d’A)

- Kynia Maruyama, Team Zoo Japon : Aubervilliers, collège Denis Diderot, une ambiance poétique et conviviale (A d’A)

- Olivier Bonte, Philippe Escudé, (élèves de R Porro), première œuvre : Dugny, collège Jean-Baptiste Clément, témoigne de la fécondité de l’enseignement de R. Porro (A d’A)

- Nathalie Carton et Walter Chiani, élèves de Porro, première œuvre : Montreuil, collège Marais de Villiers,

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- Marchant, Lamour, Théret, élèves de Porro, Drancy, collège Anatole France, première œuvre.

Remarques :

17 collèges ici cités sur 35 construits.Tous ces projets ont été réalisés sans subvention aucune, dans les prix plafonds de l’époque, avec quelques inévitables variations, aux environs de 1000 Euros par mètre carré construit. On peut imaginer ces projets s’ils avaient pu disposer des 10 000 Euros/M2 de Rogers pour la Lloyds ou même des 2 000 Euros/M2 de Gehry pour son Guggenheim de Bilbao.

Des précisions et des images peuvent être trouvées sur tous ces programmes et sur les autres collèges ou sites construits dans : Banlieue 93 (Messidor, Paris, 1989), dans le numéro spécial de Architecture d’Aujourd’hui, (N° 295, octobre1994) dans une expérience d’écologie urbaine, Jean-Pierre Lefebvre, (Le Linteau, Paris, juin 1999, nominé au Prix France Culture), et dans  faut-il brûler les HLM ? Jean-Pierre Lefebvre, (L’Harmattan, Paris, février 2008, nominé au prix du livre d’urbanisme de l’Académie d’architecture), L’art de faire la ville, Carte Segrete, 1994, quatre films de Périphérie production, (Gailhoustet, Porro, Bukszkowska, Euvremer) 1996. »

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Sur le Grand Paris

« Le 10 /8/08, à M. le Président Sarkozy, …Dans son principe, la décision de confier à une dizaine d’architectes notoires une réflexion sur le devenir de la région parisienne est justifiée. Pour équilibrer une croissance spontanément dévastatrice, un corps d‘idées sensibles, écologistes, esthétiques peut nourrir le contenu d’une action politique résolue. Trop longtemps une planification illusoire a été laissée aux mains de la haute bureaucratie d’Etat et la réalité de la production de la ville au seul secteur économique. Avec ses grands ensembles de barres et de tours, ses zones pavillonnaires ou industrielles répétitives, asservies plutôt que desservies par l’arborisation proliférante des réseaux divers, la région parisienne étale une image d’incohérence, de chaos pollué, et polluant, impropre à la bonne vie, que le philosophe Henri Lefebvre a su caractériser correctement par le concept d’antiville. Il y eut cependant, dès les années soixante, quelques velléités de soigner le grand corps malade en rééquilibrant son développement tentaculaire, en cassant l’irrationalité de sa gangrène mécanique et romaine. Mais les villes nouvelles ont échoué à leur tour sur les mêmes récifs : dominance exclusive de la logique économique, courte

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vue corollaire des machines bureaucratiques, affaissement veule de l’institution architecturale. Elles ne sont que des grands ensembles supplémentaires, un peu moins romaines, un peu plus chaotiques que le précédent quadrillage totalitaire des ZUP. La région parisienne a besoin d’un traitement fort, courageux, éclairé, obstiné, de la part des politiques, qui transcrive positivement ce que les habitants pratiquent individuellement en fuyant vers les campagnes agrestes dès qu’ils le peuvent. Il faudrait en premier lieu arrêter l’expansion quantitative, exponentielle, aveugle, suicidaire, avant la catastrophe. S’il faut malgré tout encore construire, faisons-le en reconquérant les terrains des grands ensembles sinistrés. C’était sans doute l’intuition de M. Borloo. Mais on a le droit de la mettre en œuvre que si les projets de substitution sont radicalement meilleurs que ce qu’on démolit. Or les dispositifs manquent pour y parvenir. Personne ne sait plus bâtir un bon quartier, peu dense, convenablement habitable, protecteur, relié au corps, aux sites, intégrés à la nature et aux saisons, porteur de mémoire culturelle, supportant des volumes construits qui, à l’extérieur comme à l’intérieur, provoquent des jouissances d’espaces, entretiennent l’imaginaire poétique, la convivialité, l’amour du beau. Et qui soient fonctionnels et économiques, bien entendu. Ce n’est pas une entreprise chimérique. Pendant vingt ans, en 93, parmi d’autres aménageurs, j’ai construit quelques expérimentations de ce type, certes infiniment perfectibles. En général, elles survivent bien, malgré l’environnement hostile. Ces expériences, décrites dans faut-il brûler les HLM ? (L’Harmattan, 2007) se sont inscrites dans les procédures, le contexte économique et les prix usuels, sans subventions particulières.

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L’idée initiale des villes nouvelles et de métropoles qui équilibreraient une région parisienne envahissante peut être reprise. A condition d’oser urbaniser à une distance suffisante. Par exemple en reprenant l’axe de la Seine dont le site est précieux. Habitat collinaire sur les falaises, cités lacustres dans les gravières des méandres, des quartiers de rêve pourraient y naître, à l’image de ceux que Jean Renaudie, le plus grand des architectes français contemporains, avait conçus dans les années soixante pour la ville nouvelle du Vaudreuil et que les bureaucrates et des collègues « réalistes » exécutèrent froidement ! Quoi de plus irréaliste pourtant que la France défigurée produite partout depuis ? Le TGV qui mettra bientôt plus près de Paris Rennes que Rouen, pourrait transformer la vallée en une banlieue proche, en y branchant nombre de quartiers piétons et empathiques, à l’image de la « Broadacre city » de FL Wright ! A Paris même très bien desservi en transports collectifs, il faudrait cesser de mettre les automobilistes à la torture par des aménagements inextricables et coûteux qui ne diminuent en rien la pollution mais piétonniser au moins les 7 premiers arrondissements, avec les parkings correspondants. Chaque friche devrait être préemptée pour y faire des parcs et jardins, à l’exclusion de toute autre utilisation car la densité parisienne est déjà trop élevée et le Paris haussmannien ennuyeux. Les grosses machines arrogantes et stériles de l’APURE et de l’AIURP devraient être secouées. La construction en hauteur est une fausse bonne idée, totalement anachronique, sinon pour les spéculateurs et les boulimiques d’honoraires. La synergie attendue des concentrations en gratte-ciel ne sera pas au rendez-vous : les portables informatiques rendent possibles désormais les centres directionnels horizontaux. Silicon Valley se passe de gratte-ciel. Ceux-ci ne manifestent qu’un

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machisme imbécile, infantile, retardataire, nationaliste et chrématistique. Ils sont hyper consommateurs en énergie et génèrent sans autre avantage l’oppression inhumaine par leur hors d’échelle et entassements excessifs

Quand, dès les années cinquante la valeureuse phalange des architectes de « Team Ten » professait raisonnablement les « fortes densités faibles hauteurs », à l’image des villes splendides du Moyen-âge. L’excellente urbaniste Françoise Choay explique que les quartiers à vivre ne doivent plus être conçus comme l’appendice des réseaux de transport divers. Ces réseaux en arborisation fractale devraient desservir des quartiers piétons, paysagés, architecturés, mixtes fonctionnellement et socialement. La ville devrait être proxémique (et poétique) plutôt que prothétique (ou prophétique). Mme Choay ne serait pas choquée qu’on démolisse les hideurs de l’opéra Bastille, des Finances à Bercy et de la TGB. L’urbanisation sauvage et hyperdense qui déferle sur la planète est le modèle minéral qui répond à la fuite en avant productiviste et spéculative d’une accumulation sans frein. Elle est l’antichambre de l’inéluctable effondrement écologique, démographique et planétaire, pronostiqué par Jarel Diamond et d’autres hommes de science. La France peut apporter des réponses originales à l’exigence de survie de la planète. Des médecines douces sont sous nos yeux. : les cités jardins de Henri Sellier d’avant-guerre vieillissent très bien en dépit de leurs normes de logement datées et exiguës. Dans les septantes, les expérimentations en banlieue de près de 3000 HLM en gradin jardin par Renaudie et les siens à Ivry, Givors, etc., ont porté plus avant ces heureuses tentatives. Les citadins-touristes plébiscitent les quartiers anciens dont les qualités font défaut à leur lieu de vie moderne.

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Villages Dogons, yéménites, Miaos et Dongs, hudongs de Chine, cités lacustres de Birmanie et Thaïlande, vestiges Anasazis de l’Arizona, splendeurs maghrébines du M’zab ou du Draa, grecques de Santaurin, italiennes de Venise, Lucca, Ferrare, Mantoue, Apricale, Dolce Aqua, Triora en Ligurie, Ephèse ou Priène en Lycie, Petra en Jordanie et ici même Saint Cirq la Popie, Lucéram, la Petite Franc de Strasbourg ou les traboules lyonnaises, etc. apportent des trames, des rythmes urbains, des styles plastiques, des adéquations fines entre les matériaux et le site, des affinités électives entre le corps humain et la géométrie des volumes qui l’enserrent et la valorisent, des astuces et des principes d’un usage empathique de l’habitat que nos techniques modernes devraient rendre infiniment plus accessibles à la sensibilité d’architectes doués. Ceux-ci devraient être en osmose fécondante avec les futurs citadins, plutôt que se contraindre à la médiocrité fruste des VRP du béton. Le bois par exemple est un matériau dont la souplesse et la chaleur permettraient de réaliser plus aisément des modelages d’espace inventifs et beaux, générateurs de micro effets sociaux bénéfiques. Ecologique par excellence, il pourrait fournir comme en Suède et aux USA, une fraction importante de la construction totale, économe en énergie et facilement adaptable aux évolutions de l’usage. La France architecturale ne s’est jamais relevée de la sinistre époque des Beaux-arts et prix de Rome qui édictait un académisme d’une grandissime nullité. Après 1970, ce sont les barbus bavards et contestataires qui les ont remplacés, créant un Nouvel académisme de la velléité et de l’inconsistance. Seul, le nombre d’architectes (mal) formés a crû, le niveau de création a stagné dans la vacuité, la grisaille et le psittacisme des alignements corbusiens versus haussmanniens, ces boîtes si faciles à construire par la paresse intellectuelle des ingénieurs.

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Il en est résulté une non architecture en deux dimensions, celles de la façade plate et interchangeable pour la photo grand angle et la publication L’institution, innombrable et impavide, s’auto-désigne, sans appréciation, débat ni sanction de la société civile. Nombre d’enseignants ne construisent rien, d’autres du n’importe quoi mercantile. Seule exception sensible, quelques valeureux artistes, rejetés par le mode constructif et qui ne peuvent transmettre que la flamme fragile d’une architecture de papier. Après les utopies totalitaires de la tabula rasa et de l’industrialisme, l’empirisme à courte vue s’inscrit à merveille dans la cancérisation d’un tissu urbain dépourvu d’architecture. Dans les agences la CAO tient lieu de sensibilité à l’espace quand le grand Gehry vérifie lui-même ses volumes étonnants sur des maquettes en carton. Au risque de simplifier, il serait urgent que le clergé change de dieu et remplace le totalitaire et publicitaire Le Corbusier par le libertaire et précurseur Frank Lloyd Wright. Quelques fausses vedettes ont été artificiellement hissées au sommet d’un Olympe surréaliste, notamment à l’occasion des grands chantiers mitterrandiens, ce summum de la frime. Trois papes infaillibles maintiennent un hit-parade truqué. Eux-mêmes fins connaisseurs, ils entretiennent un consensus mou où ils flottent, octroyant depuis des décennies leurs bulles. Le premier deux fois l’an proclame le bon goût chèvre et chou au Monde. Un autre commente les formes architecturales sur une radio : n’étant requis de ne montrer aucune image, il maîtrise la vacuité médiatique comme nul autre, ludion sur l’océan des platitudes. Ailleurs, la presse est muette et les revues confidentielles. Le dernier, dans l’épicerie fine de l’IFA, après jadis deux ou trois expositions intéressantes, a cuisiné ensuite le formatage de deux décennies de Grands Prix d’architecture où la photographie chic et choc supplée

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à l’indécente misère formelle des lauréats. Ces roitelets sont nus ! Ils perpétuent l’abstinence émotive dans leurs objets construits à grand frais. Toute honte bue au dernier grand prix. Deux bons architectes, fait exceptionnel, étaient pourtant nominés, Pouchain et Jourda. Le jury croupion – où ne siège aucun vrai critique mais des élus et PDG incultes – les a donc écartés pour récompenser l’assiduité aux guichets des Ministères et médias. Qu’ont bâti les lauréats, qu’ont-ils inventé ? Transformer le plomb en or, ériger des tâcherons du copier-coller qui n’ont jamais osé une forme audacieuse en parangon des Arts, sont devenus une des rares industries françaises d’exportation. L’adéquation entre notoriété et talent est partout mieux vérifiée, en Grande Bretagne avec Rogers ou Grimshaw, en Italie avec Gian Carlo et Piano, en Espagne avec Calatrava, en Finlande avec l’agence Piétilä, aux Pays-Bas avec Hertzberger, en Hongrie avec Makowecs, en Belgique avec Kroll, au Japon avec Ando ou Team Zoo, en Autriche avec Domenig, en Israël avec Zvi Eckert, aux USA avec Gehry, Liebskind, Einsenmann, etc. En France point. La TGB, catastrophe du siècle, usine à gaz alignant les bévues techniques et formelles, fut sacrée géniale par une prodigieuse intervention divine, jusqu’à faire présider l’IFA par son auteur. Notre maladie de langueur devient endémique. Nous formatons désormais jusqu’aux Pays Bas ou en Italie, depuis Rem Koolhas (fuck the context) jusqu’à Fuksas (intégrer son n’importe quoi à la ville émergente). Chez ces as, l’ersatz sensass assoit la grâce. Le Pritzker lui-même longtemps vu comme le Nobel de l’architecture, sanctionne maintenant des valeurs improbables : brutalité industrielle chez Morphosis, éclectisme fragile de nos deux héros nationaux. Il n’est pas certain que la dizaine d’architectes choisis pour réfléchir au Grand Paris puissent amener une réponse

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féconde : engloutis dans la logique commerciale et le renoncement fonctionnaliste, on chercherait en vain les ailes de l’imaginaire. En dehors de Rogers - toutefois moins industrialisé il y a vingt ans - qui a prudemment délégué un de ses collaborateurs, il ne brillent guère par la vigueur de leur conception ni par l’originalité de leur critique du temps. Avec des semeurs aussi improbables, la moisson court au fiasco. Délicatesse envers Delanoë, la reprise des quatre lauréats du calamiteux concours des Halles garantit une belle continuité dans l’incongruité et le non-sens. L’ineffable Fregoli de Banlieue 89 peut-il aujourd’hui présenter une seule réussite parmi les projets qui firent il y a trente ans tant de bruit ? Existe-t-il une œuvre de Grumbach ? Ceux qui ont commis les horreurs d’Euralille ou d’Austerlitz peuvent-ils embellir Paris ? Perplexité. Nouvel interroge davantage. L’IMA n’est cependant qu’un alignement verre-acier (avec des poteaux en béton) sur une voie courbe et au gabarit orthogonal et fordiste de Jussieu. L’élégante casquette de Tours a resservi, allongée, à Lucerne. Le fier pénis d’Akbar a une belle double peau. La transparence de Cartier vaut ses vingt carats. Mais le quai Branly est disharmonieux quand le projet concurrent d’Eisenmann était superbe. La tour de la Défense est sans forme. Les espaces de logements sociaux métalliques sont banals et inconfortables. Attendons la salle de concert qui semble emprunter beaucoup. Chez De Porzamparc, on cherche en vain un projet convaincant. Les Hautes Formes, présentées à l’époque comme une révolution, furent en vérité le signal d’une régression passéiste, une reprise du vieux modèle des HBM de Paris, les briques en moins. Que dire du palais des congrès de la Porte Maillot, d’Euralille, du siège du Monde, etc. ? La Villette propose un agréable espace intérieur en spirale, le conservatoire un beau mur incliné sur l’avenue mais il n’échappe pas à la ténuité post

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moderne : collage de segments géométriques sans cohérence ni rôle dans la structure, sans élan poétique, sans contenu de vérité. Ce qui distingue surtout nos deux leaders c’est qu’ils émergent de la vacuité des autres grands prix récents. Il est incroyable que la misogynie latente ait empêché qu’aucune femme ne soit lauréate. D’excellentes créatrices pourtant bâtissent. Jourda en est. Buczkowska, une de nos rares valeurs internationales, a sur chacun de ses projets de logement social ou d’équipement public à 800 Euros/M2, créé une œuvre originale, exploité la structure en arcs, exploré après Claude Parent la fonction oblique, après AldoVan Eyck, la clarté labyrinthique et l’organicité. Sa virtuosité constructiviste sert un dramatisme aigu autant qu’un hédonisme altruiste. Son prix le plus significatif est celui du meilleur immeuble en région parisienne (Blanc-Mesnil, 200 HLM en tout bois), obtenu par référendum du public sur Internet. René Gailhoustet a accompli loin des médias une œuvre immense, sereine et forte. Elle a apporté les preuves construites qu’un autre urbanisme est possible (La Maladrerie d’Aubervilliers, le Liégat d’Ivry, les passages de Basilique à Saint Denis, etc.) Outre la maltraitance des dames, d’autres noms mériteraient davantage de lumière. Ricardo Porro en premier lieu - one of the best in the world -. Dans la continuité de Gaudi, Horta, Steiner et Sharoun, il creuse depuis ses écoles d’art de la Havane en 1960 le sillon d’un expressionnisme organique, proche de la ronde bosse, redécouvert aujourd’hui par Gehry et les autres, grâce à la CAO, qui ébranle enfin, au moins dans les projets richement dotés, la dictature insensée des boîtes de Mies, Gropius et le Corbusier. Après vingt ans de silence français, il me fit les collèges géniaux de Saint Denis et de Montreuil (800 Euros/ m2), depuis, les casernes de Vélizy, le commissariat de Plaisir, les collèges de Cergy, le centre

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culturel du Puy, etc., autant de chef d’œuvre que les revues ne publient pas : censure apeurée ? Henri Gaudin dont Charletty est le seul grand projet parisien réussi. Brunel, imprégné de clarté finlandaise poursuit son chemin exemplaire, notamment dans le centre culturel de Noisy le Sec. Gaussel, tout de rigueur, fait gravir son cheminement piéton de Saint Denis Basilique un immeuble à terrasses sur rez-de-chaussée commercial. Les frères Euvremer ont réalisé une des rares cités industrielles à l’architecture maîtrisée et avenante, outre des logements sociaux remarquables. Padron Lopez a bâti le seul séjour urbain européen, eux dont on veut démolir le quartier exemplaire des Poètes à Pierrefitte. La liste n’est pas exhaustive. L’hexagone est le lieu d’un immense gâchis de talent. La bonne architecture doit être prospectée puis protégée comme une orchidée. La jeunesse est l’instant le plus précieusement inventif. On doit exiger d’elle la sensibilité à la forme, aux problématiques urbaines, une forte autonomie face au bulldozer productif. Une grosse agence est avant tout une entreprise, fondée sur le marketing et une division du travail qui nie souvent la cohérence de l’œuvre, mieux servie par un talent solitaire. Il faut sortir du cercle vicieux : atteindre grâce au marketing la notoriété qui procure les gros budgets, remplacer dès lors l’invention des formes par des gesticulations gratuites et des peaux raffinées, fournies par les BET spécialisés. Un patron de grosse agence contrôle difficilement ses dizaines de commandes, il délègue trop, sa production inégale en souffre. Des régions ou nations comme la Catalogne, le Pays Basque, Graz, la Finlande, la Norvège, etc. ont su préserver un secteur significatif de bonne qualité architecturale. La France l’a fait dix ans, de 1970 à 1980, puis elle a cessé. Après trente années de black out, la surface de l’institution semble frémir dans les expositions.

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Rogers et Gian Carlo au centre Pompidou, l’habitat social à l’Arsenal, Friedmann à Bordeaux, Team Ten et l’atelier de Montrouge à Chaillot. Le temps est peut-être venu de sortir des chemins battus, de bousculer l’incroyable inertie bureaucratique et l’amoncellement des leurres, d’endiguer la pression productiviste au front de taureau. C’est peut-être l’occasion d’inventer une grande politique de l’architecture, digne du vingt et unième siècle. Le monde l’attend. Expérimentons-la sur des grands ensembles reconquis à l’écologie, dans des quartiers proxémiques, piétons, paysagés, mixtes (fonctionnellement et socialement), poétiques et beaux. En politique cela suppose que soit maintenu un secteur social qui soit uniquement réservé à la qualité architecturale puisque subventionné par l’Etat. L’accession à la propriété succombe toujours à la courte vue, à la frilosité de l’appétit de lucre. L’Etat devrait encourager la créativité dans le secteur privé, dans le foisonnement des recherches et des styles : la ville qui en résulte est en effet le bien (ou le mal) de tous. Parmi les chantiers herculéens que requiert l’hexagone, le nettoyage des écuries d’Augias de l’architecture urbaine n’est pas le moindre souci. »

« Juin 2009 : la montagne accouche d’une souris.

Lukäcs disait que le bourgeois - le propriétaire des moyens de production - était incapable par nature de

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penser la situation globale de la société. Quelle que soit sa vive intelligence et la qualité de ses conseillers, sa conscience de classe le lui interdirait : il ne peut que se limiter au court terme et refuser une perspective qui ne signifierait rien d’autre que sa propre disparition. Il en est ainsi de Nicolas Sarkozy s’attaquant au Grand Paris, c’est-à-dire à la problématique urbaine contemporaine comme expression physique, spatiale, minérale des rapports capitalistes dont la grande crise vient de sonner le glas. Difficile de s’autoriser à penser que le temps des siens est forclos. Comme monsieur Coué, force est d’oublier la crise financière et désormais économique qui s’est abattue en octobre 2008 sur le monde et qui bouleverse toutes les perspectives des trente prochaines années. La mégalopole monstrueuse n’est que la traduction physique, spatiale, de l’effondrement de la civilisation contemporaine. Une minéralisation de la crise des rapports sociaux. Planifier rationnellement un développement francilien heureux exigerait donc d’anticiper le prolongement de ces tendances probables vers l’arrêt de la croissance aveugle au profit du développement durable, l’écrasement des échelles de revenus de un à cinq, le doux amaigrissement des patrimoines excessifs engrangés au dernier demi-siècle, la réduction du temps de travail à 32 heures et moins, le travail chez soi sur Internet, la généralisation de l’automation, l’élévation sans pareille de la culture sensible de masse, grâce à la réforme pédagogique fondamentale et à la disparition totale de la publicité, l’investissement considérable du temps libre croissant des citoyens dans la création et dans la direction des affaires politiques. Le corollaire serait le dépérissement du fonctionnariat, l’autogestion des entreprises, l’invention de modes de vie économes, et de quartiers tellement

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accueillants et mixtes (emplois-logements) qu’ils limiteraient spontanément la frénésie du déplacement, etc. L’axe de la démarche adoptée par l’Elysée - louable dans son intention - pour aborder l’avenir peut se résumer en un immense télescopage entre deux problématiques absolument opposées. On peut être assuré que le résultat sera à la hauteur de l’oxymoron : catastrophique. Bien entendu il subsiste un certain nombre de propositions partielles des plus intéressantes.I La première vision est accrochée aux années 60, aggravée de celle des années 80, c’est celle de l’hyperlibéralisme, de l’affrontement forcené des individualismes, de l’hyper-croissance de mégalopoles internationales s’entrechoquant (Paris contre Londres, Amsterdam contre Francfort…), de la compétition « libre et entière », manipulée en fait par la publicité, ce déferlement du mensonge jusque dans l’intimité du rapport à Internet. La croissance aveugle, la surdensité, la prolifération du chaos, la pollution et le cancer, la malbouffe et l’obésité, la frénésie des accélérations temporelles poussées au paroxysme, l’apoplexie démographique, l’inégalité creusée à son plus extrême niveau spatial, la fuite en avant exponentielle de l’avoir aboutissant à la dystopie écologique, la fuite en avant exponentielle dans une expansion matérielle et désormais également virtuelle (produits dérivés), tout cela ne peut conduire qu’à l’inévitable chute finale, la crise financière et économique maintenant engagée. L’oppression étatique tente en vain de calmer le jeu mais ne peut s’empêcher de surajouter ses propres malfaisances, ce qui limite singulièrement l’illusion des solutions néo-keynésiennes.

Les forêts de gratte-ciel versus les favelas ou zones sensibles en sont la traduction spatiale, typique et explosive. L’antiville incohérente, inesthétique, oppressive

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est impropre à la vie quotidienne, elle multiplie les pathologies, la langue de bois architecturale, l’autisme, le stress, la déprime, l’abus de tranquillisant. La région parisienne, malgré nombre d’idiosyncrasies intéressantes, est un enfer urbain ou peut s’en faut. Le bordel, disait De Gaulle, demandant à Delouvrier d’y mettre de l’ordre, ce qu’il tenta en inventant les villes nouvelles, contre-exemples annoncés des ZUP du zoning et de la charte d’Athènes. Par la médiocrité des intervenants, Corps des Ponts étranglant toute possibilité de tissu urbain cohérent par un lacis irrémédiable d’autoroutes infranchissables, marié à la vacuité conceptuelle des mandarins choisis par la Cour, aplatis devant les normes hirsutes de l’entreprise (que des boîtes, au nom du credo des 15 % de marge), le résultat fut l’incohérence, l’exsangue, l’imbroglio, comme une image sculptée dans le non paysage des technocraties publiques ou privées, la diarrhée pavillonnaire ponctuée de ronds points stupides, l’impuissance à recréer du charme dans les centres de vie contemporain… Aucun rythme, aucune beauté, fut-elle vernaculaire, aucun lieu de cohérence et de convivialité. Le Dieu Transport, fils du Dieu Automobile a tout régi sous la dictature d’une voierie autonomisée et surdimensionnées, sur laquelle on a parsemé des plots informes et sous cultivés. Cette antiville n’est que le résidu du réseau d’autoroutes aussi totalitaires que superfétatoires, sauf aux lobbies du béton et du bitume (dérivé du pétrole, encore l’automobile).

II La seconde vision pointe 2030, elle traduit une prise de conscience tardive, verbeuse, de l’inexorable marche au cataclysme (peut-être déjà trop tardive pour le réchauffement climatique, les trous d’ozone, la démographie, le pétrole, l’eau, etc.). Enfin à l’écoute des Cassandre scientifiques de l’écologie, on prône la verdure

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et le recours à l’architecture sinon aux architectes, lieu supposé de sédimentation d’une pensée critique, utopique sur la ville heureuse, s’il existe. Les premières phrases lyriques du discours présidentiel et le parcours des 10 stands des consultants ne laissent pas d’interroger sur cet aspect gratifiant de la consultation. Le discours sarkozien nous engloutit sous un déluge d’attendus positifs. L’écologie verbale règne en maître, parfois même avec un zeste de sensibilité architecturale appliqué au développement. Au hasard : il faut rompre le fonctionnalisme qui sépare, partir du point de vue de l’Homme, promouvoir une ville qui donne la qualité de vie plutôt que l’étouffer, condamner la démesure qui rend la vie difficile, engendre la servitude et l’aliénation du quotidien (emprunt au marxiste Henri Lefebvre ?) ; l’agglomération gigantesque n’a pas d’âme, faire la ville de l’après Kyoto est le plus grand défi du vingt et unième siècle, il faut refaire du tissu social et de la métropole un lieu de convivialité, avec Victor Hugo il faut le vrai, le grand, le beau ,et d’ajouter : il faut aussi le juste, le social… la dimension culturelle, intellectuelle de la ville est inaliénable, la beauté est une dimension essentielle du bonheur humain, quand bien même elle varie, on ne peut l’éluder…quand la politique et l’esthétique s’allient, c’est la civilisation…la ville ne peut pas exclure, elle doit unir, il y aura ville quand on ne parlera plus des banlieues, etc. Laissez moi respirer, disait le barbier andalou. Nous n’avons rien moins qu’un nouvel Haussmann, sans ses avenues rectilignes conçues pour faciliter le tir au canon sur les barricades, le bombardement médiatique suffisant désormais au pouvoir!

La consultation.

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Chez les dix architectes, même tonus, humaniste en diable. Mais les équipes, en dehors de Rogers, semblent choisies sur le critère de l’indigence inventive, le poids médiatique usurpé, le dosage politicien, leur fascination pour l’empilement des boîtes toutes pareilles mais sonnantes et trébuchantes Deux d’entre elles méritent leurs honoraires. Celle de Grumbach (école de Belleville) qui reprend et approfondit dans un travail solide l’excellente idée non suivie d’effet des années soixante (voire de Bonaparte en 1802 !) que j’avais proposée au président dès août 2008 : arrêter et rééquilibrer la prolifération francilienne en prolongeant Paris jusqu’au Havre, un TGV mettant le port normand à une heure de la capitale et desservant des zones alternées de verdure et d’urbanisation en vallée de Seine. Regrettons qu’elle n’ait pas cru bon d’intégrer l’étude de Jean Renaudie sur la ville du Vaudreuil dont les dessins futuristes montraient ses logements à terrasses, tous différents, descendre de la côte des Deux Amants pour franchir la Seine sur des ponts multiples avant de s’étendre sur pilotis parmi les étangs du méandre, projet sublime, rejeté par les philistins de l’époque pour une ville nouvelle mort-née ! Le projet écologique pourrait, à partir de la feuille blanche séquanienne, expérimenter de nouvelles et multiples manières de faire la ville par des unités urbaines vertes et piétonnes, de densité inférieure à COS 2, protégées des nuisances, bien desservies par une arborescence de transports en commun rapides, inspirées des cités jardins de Sellier, du gradin jardin de Renaudie, des Broadacre cities de Wright, des clusters des Smithson en 1960, des unités de voisinages de Porro, de la ville proxémique plutôt que prothétique de Françoise Choay, notre grande urbaniste à la vigueur critique acérée. Ce projet devrait pousser sa fractalité (autosimilarité et périmètre d’interface le plus long possible pour une même

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surface afin de multiplier les échanges interindividuels), jusqu’à sa cellule de base, le logement, en libérant ses potentialités d’invention de formes diversifiées, en quittant la sacro sainte orthogonalité obligatoire au profit de l’utilisation dans les HLM de toutes les richesses de la géométrie dans l’espace inventées par le mouvement moderne dans ses expressions les plus sensibles. Reprendre les leçons de Team Ten : forte densité faible hauteur, clarté labyrinthique, respiration des espaces du resserré au dilaté, épannelages variés, sculpture des pleins et des vides de chaque élément de base (logements jamais répétitifs, bureaux ouverts, etc.). Mixité des usages dans les mêmes bâtiments avec des solutions d’architecture complexes qui suivent le principe de Van Eyck : une maison est une ville, une ville est une maison, comme l’arbre et la feuille. Mais ça n’est pas dans la pratique de Grumbach qui ne sait guère faire que des boîtes en uniforme, alignées pour la parade. L’équipe de Rogers donne une leçon de sérieux professionnel aux approximations hexagonales. Elle met au premier plan la reconquête des zones sensibles (réaménagement de Clichy-sous-Bois, déjà étudié par Kroll et nous-mêmes dès 1984, malheureusement sans suite politique), en soulignant, comme l’a fait Stéphane Gatignon, maire communiste de Sevran (le Monde du 9/5/09), l’incontournable étape d’une mise à niveau sociale et financière des banlieues de la pauvreté, du chômage, de la sous-scolarisation, ces tares typiques du capitalisme. On repère chez Rogers une foule de bonnes idées british : l’utilisation des réserves ferroviaires des gares de l’est et du nord pour réaliser des pénétrantes vertes reliant la proche banlieue et le centre de la capitale. La reconquête des toitures parisiennes en terrasses plantées. Une ceinture verte protégeant l’agglomération de toute nouvelle croissance anarchique, le gommage des

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coupures autoroutières par des ponts urbains systématiques, la desserte de la petite couronne par un transport en commun sur une deuxième périphérie, la création de boulevards verts en libérant la circulation grâce aux TC et à la petite voiture électrique, pas d’espace vert à plus de 5 minutes de chaque habitation, généralisation des parcs linéaires polyvalents, mixité, proximité, perméabilité, continuités, etc.

Que dire de la prestation ectoplasmique de nos deux Pritzker qui se contentent d’exhiber leur faciès comme à la télé en défonçant quelques portes ouvertes ? Porzamparc martèle sa dernière invention sémantique, le rhizome qui n’est pas une maladie mais une racine, un archipel en damier (?), avec ses zones yin et ses zones yang, tours et demi-tours, en parfait alignement, à vos rangs fixe ! Le rhizome n’est pas arborescent, ses périphéries n’ont pas besoin de centre (?) : justification du n’importe quoi de l’anarchie capitaliste qui sévit déjà sans ses objets disgracieux (Hautes Formes, Euralille, Porte de Paris, etc.). Une jolie méditation sur la perte de la rue où les dieux Hestia (le foyer) et Hermès (le commerce) étaient jadis joints, se prolonge par une critique de la métropole moderne où seul Hermès a gagné. Mission impossible : il faudrait les réconcilier en retrouvant la rue. Qui pasticherait celle d’Haussmann ? Comme son compère Nouvel, ses soucis d’agence obèse l’oblige à s’approprier la grande dimension par des balises de repérage, traduisez des gratte-ciel. Sa coulée verte est gentiment agrémentée d’une forêt de tours. Le nouvel « hub » européen, heurrible, à Aubervilliers : un centre d’affaire de plus (paradis fiscal ? Usine à titrisations pourries ?). Malheur aux gentils enfants de prolétaires ! L’essentiel pour nos compères en gigantisme c’est qu’on les autorise à amasser en même temps honoraires et plans

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courants de gratte-ciel ! Cent bouches à nourrir à l’agence, rude fardeau !

Petit papa Nouvel descend du ciel de l’Olympe en crépon pour distribuer ses truismes hybrides : supprimer le zoning, laisser construire n’importe quoi, créer des lofts dans les vieux bâtiments d’activité, des locaux populaires pour l’étude de la transformation urbaine, mais surtout des hauts lieux très denses pour l’interconnexion », la Plaine ou Saclay, refuser la démolition des ZUP et retrouver leur esthétique (y a du boulot). A Paris, titiller le patrimoine (?) : par exemple coller une perruque à la tour Montparnasse ! La hauteur des tours, les balcons urbains créent le plaisir de nouveaux horizons…comme le malheur de vivre des usagers. Sur une île de la Seine, il exhibe une maquette de casquettes carrées, indigne d’un étudiant de première année. De l’art, de l’art, nous voulons de l’art (Buren et Fleischer à la rescousse, toujours la mode chic et choc). Mais il augmente partout les densités et pond ses tours à foison, en soignant le mobilier urbain, merci Decaux. Il infiltre le végétal dans ce magma. Malaisé ! Un mot du bouffon, comme disent les caillerats, de tous nos princes depuis quarante ans. Il nous assène un GP de la dérive, de la flânerie et de la nonchalance ! Tout un programme baba cool ! Rien à voir avec Guy Debord qui voulait reconstruire la ville par l’activité informée des conseils de travailleurs ! Cela nous vaut une resucée à peine relookée de ses interventions octantes dont il ne subsiste aucune trace sur le terrain pour cause d’inanité congénitale. Quelques incongruités formelles, des zizis kitsch plantés sur l’antiville, autant de provocations au mal vivre des exclus sous le prétexte d’une pensée républicaine et démocratique de la métropole et de sa traduction spatiale : un opéra de plus à Gennevilliers, des

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gratte-ciel autour du Parc de la Courneuve pour copier Central Park, plein d’autres sur une île artificielle à Vitry. Imagination flamboyante ! Il est minuit docteur Mao ! L’école des Ponts et Descartes et le fin artiste Yves Lion font carrément la révolution dans l’indigence tautologique : faire vingt villes de 500 000 habitants à partir du tissu incohérent existant qui les abrite déjà, plus mal que bien. Le bordel gaullien. Comment ? La recette ne figure pas. Sauf à renvoyer à l’entente entre mandarins politiques par le truchement d’une langue de bois intraduisible : considérer que ce qui se passe entre les territoires est autant stratégique que ce qui advient dans les territoires… A l’ère de la ville mobile, les projets urbains locaux doivent trouver leur sens (et leurs contours) dans leur articulation aux autres espaces plutôt qu’en eux mêmes. Hélas, Madame de Lafayette ! Comme tout le monde, ils vont (juste en dernière page car ils ont failli oublier) agrandir les forêts ! Mais surtout rendre constructibles tous les terrains le long des infrastructures dès lors que celles-ci sont moins polluantes,…doubler la capacité des villes nouvelles, rajouter un étage aux immeubles collectifs d’habitation, casser les règles d’urbanisme qui gèlent le foncier et donner à chaque logement 20 mètres carrés de plus ! Martin Bouygues biche ! Le Studio 09 vend son mot fétiche, il propose une ville « poreuse », met de l’eau partout (anticipant le réchauffement climatique), régénère la Seine grâce à des marais artificiels, stratifie (?) les grands ensembles plutôt que les démolir. Sa ville de strates à stratifier (?) ressemble à un lotissement pavillonnaire au cordeau. Mignon.

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L’AUC se garde bien de définir de nouvelles formes, des typologies ou des limites de hauteur ! A quoi bon leur confier une étude s’ils n’ont rien à dire ?

LIN : mot d’ordre : Arranger la ville avec douceur, faire de la Seine un fleuve auto-nettoyant(voir ci-dessus) : les images de maquettes en cubes répétitifs font froid dans le dos !

MRVD : qualifie de visionnaire le plan Voisin du Corbusier qu’ils souhaitent continuer ou les élucubrations débiles de Rem Koolhas, fuck the context, pour le prolongement du grand axe Défense. Ils veulent urbaniser à l’aide du programme d’ordinateur Matrix ; bonjour, la sensibilité ! Une de leur hypothèse est un grand Paris compact de 10 étages moyens outre une gare européenne sous le trou des Halles !

Faire la ville de l’après Kyoto supposerait une révolution dans l’institution architecturale, en pleine déprime, comme le montre ce Tsumani d’approximations intéressées et de cabotinage médiatique. Il y faudrait une inversion du rapport de forces actuel entre technocratie bureaucratico-mercantile et sensibilité rationnelle : Buczkowska et Porro plutôt que Bouygues et Bouton. Un basculement des urgences et des parts d’investissement au sein du PIB, de l’automobile vers la sédentarisation ataraxique, support de l’hédonisme d’Onfray. (General Motors ouvre la voie, attendons la suite).

Les décisions concrètes du Président 

Une série de demi-mesures, beaucoup plus 1960 que 2030, laquelle n’est l’objet que de vœux pieux. Dans

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l’oxymoron inextricable passé/avenir, expansion/crise, il a choisi le camp des siens, celui de la foi désespérée dans l’éternel retour de la spéculation et de la croissance aveugle. Grâce à la Révolution Conservatrice. L’ambition : Paris doit prendre son rang auprès de Tokyo, Shanghai, New York, Londres, beau pugilat en perspective où le citoyen sera assurément perdant ! Comme à Roland Garros, il faut, pour gagner le match, cultiver le revers mortel, voir grand, doper son rôle sportif dans la compétition économique mondiale. Le plus urgent ne serait-il pas de soigner, réglementer celle-ci (faire contrôler les banques par ses usagers, fermer les bourses parasitaires, les paradis fiscaux mafieux, les titrisations escroques, laisser tomber le dollar, etc.) ? Y a-t-il une ombre de raison à vouloir booster la croissance aveugle, rivaliser dans la taille des mégalopoles invivables avec Shanghai ou Tokyo ? L’élévation exponentielle du taux de profit, la fabrication de milliers de milliards de dollars de fausses valeurs, jusqu’à l’explosion du système financier mondial précipitent des millions d’hommes dans le chômage d’une crise durable, dans la violence, la malnutrition. Le corollaire de ces nouveaux Dieux Croissance, Profit, Inégalité, c’est l’entassement inhumain, l’accélération des rythmes de vie mécaniques, l’asservissement à la production /consommation, l’érection dans le monde entier des mégalopoles hyperdenses, apoplectiques, oppressives, polluées, infernales.

Une analyse rationnelle enseignerait au contraire qu’il est urgent de substituer à l’aiguillon de l’accumulation du profit privé celui de la diminution générale du temps de travail répétitif, non créatif et l’extension infinie de la démocratie active, la réduction à son minimum de la délégation de pouvoir pour maîtriser la machine infernale de l’économie par la vigilance de tous. On ne sait combien

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de temps l’humanité mettra à s’approprier ces constats simples mais vitaux pour sa survie, il serait temps de commencer à les mettre en œuvre.

Peu nous chaut qui gagnera la compétition entre un Londres apoplectique et un Tokyo hystérique, le même malheur en résultera pour leurs millions d’habitants surmenés. La grande affaire de la région parisienne, c’est en premier lieu de stopper immédiatement sa croissance abusive, imbécile et suicidaire et de travailler sur le construit pour rendre peu à peu mieux vivable cet espace chaotique. En premier lieu en remplaçant les ZUP de la charte d’Athènes par des quartiers écologiques, mixtes, architecturés et beaux où le mixage des populations rendra possible la création de tissus solidaires et apaisés et avec elle l’apaisement des violences. De beaux logements dans des quartiers verts et peu denses, munis d’emplois à proximité, pour que les familles les plus solides y restent et aident les plus fragiles à progresser, à s’intégrer.

Les mesures phares du Président prennent le contre-pied de cette urgence raisonnable. Le nouveau métro aérien automatique en huit de Roissy à Orly aura comme conséquence, revendiquée par le président, de gonfler le prix du foncier dans le rayon de ses gares et d’encourager une nouvelle fuite en avant de l’immobilier disgracieux. Comme le ruineux tunnel de Neuilly pour privilégier les privilégiés. Moyen revendiqué : des gratte-ciel, une nouvelle surdensification. Le chiffre est annoncé : 70 000 logements par an, surtout en accession. Soit en tout un million et demi de logements en plus, 4 millions d’habitants, on passerait de douze à seize ! Il y aurait paraît-il 200 km2 de foncier disponible, sans toucher à la nature, je meurs si je mens. La salive coule aux commissures des lèvres de Martin B. Pourquoi rajouter du

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malheur de vie quand l’urgence serait de dédensifier, de décompresser cette région invivable (en dehors de Neuilly, Le Vésinet, Rambouillet,…) ? Tous ceux qui le peuvent la fuient pour la province ? Autre promesse : supprimer l’interdiction des IGH et la paperasserie urbanistique pour un laisser-faire total des monstres de l’immobilier qui ont tué la ville et déclenché la crise financière en empilant jusqu’à plus soif. Non que des points hauts comme la tour Eiffel ne soient pas ponctuellement intéressants pour découvrir le paysage et servir de points de repères mais seulement s’ils sont exceptionnellement architecturés, la forêt de gratte-ciel nie tout paysage urbain, opprime l’individu par son hors d’échelle, en dépit des exceptions historiques de New York ou de Hong Kong qui, par leur foisonnement sédimenté, expriment plastiquement la violence exubérante d’un capitalisme alors dynamique. Le nôtre périclite. La répétition morne des mêmes formes hyper-rentables tue cette image : Shanghai, 1000 gratte-ciel, tous aussi pauvres de formes, entre le centre et l’aéroport ! Au moins les Chinois ont-il la mauvaise excuse de leur natalité débordante et de la crise du logement. On sent une gêne compréhensible dans le choix des thèmes qui devraient constituer les supports programmatiques des nouveaux centres de connexion urbaine : Saclay, la science déjà présente, Clamart, la santé, Rungis, la nutrition, l’île Seguin, l’art, la Plaine, l’audiovisuel (studios Besson), quelle imagination débridée ! Et la machine outil, les deux roues motorisées, les ordinateurs, la filière bois, les nanotechnologies, les neurosciences, les biotechnologies, les pédagogies nouvelles, l’automation, une sociologie du capitalisme déclinant, une science économique qui sache prévoir les dysfonctionnements du Capital et inventer un meilleur logiciel du système économique, la recherche sur les

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formes de démocratie du futur, celles d’une ville adaptée, etc. ?

Supprimer la bureaucratie tatillonne qui est censée protéger le cadre de vie et ne protège rien, serait un immense bienfait. Sauf que la nature du promoteur a horreur du vide et qu’elle le remplira tout aussitôt de nouvelles immondices. Ce n’est pas le joli bouquet fané des dix mandarins princiers qui pourra y mettre le holà. En dehors de Rogers, la cohorte aux dents longues fait profil bas dans des réalisations où elle songe surtout à empiler, sous une façade léchée pour la photo, les niveaux pour rentabiliser ses ordinateurs, un clic et cent plans d’étage courant sont édités, une rentabilité de traders ! M. Sarkozy veut marier les organes bureaucratiques que sont l’IAURIF, l’APURE et l’ANRU, avec les équipes d’architectes. On prend du vieux et on continue. Au moins son aïeule Thatcher avait-elle d’un trait de plume rayé les 6000 urbanistes fonctionnarisés du Great London Council. Londres ne s’en n’est certes pas mieux porté mais pas plus mal non plus. De Tibéri en Delanoé, rien n’a changé dans la sinistrose des constructions parisiennes. Paris refuse la piétonisation nécessaire de ses 7 premiers arrondissements, à l’opposé des plus belles villes européennes, comme la récupération définitive des voies des berges par les piétons, quand le Marais piéton le week-end est un bonheur. On s’obstine à y construire encore (malgré un COS moyen de 4 !) quand chaque parcelle libre devrait être achetée par la Ville pour faire place à un square, tandis que les espaces verts privés intérieurs qui abondent devraient être progressivement ouverts au public.

Accroître la population du site actuel de l’Ile de France et développer de façon volontariste la vallée de la Seine

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comme pôle d’équilibre, constitue manifestement une contradiction absolue. Il faut faire l’un ou l’autre, pas les deux à la fois sous peine d’avortement ou de tête à queue.

Quel avenir ?

A la lumière de nos vingt années de pratiques urbaines plutôt réussies en Neuf Trois (Sodédat, société d’aménagement du 93 de 1974 à 1994), le discours plein de bonne volonté (électoraliste ?) sur la ville, le beau, l’écologie, l’art, la bonne vie, le XXIème siècle, restera sans doute pur verbiage si des mesures de caractère anticapitaliste et antibureaucratique ne sont prises. L’une d’elle serait de cesser de subventionner l’accession privée sur fond public qui a pour inconvénient, outre de répandre la pire laideur urbaine, celui de vider les HLM de leurs populations les plus solides et de contribuer ainsi à créer des ghettos. Une autre serait de privilégier la construction locative HLM, en général médiocre mais dont on sait qu’elle a été néanmoins depuis un siècle le siège à peu près unique de la qualité architecturale dans l’habitat, agent essentiel de la beauté et de l’agrément de la ville. Sous la condition que les crédits d’Etat HLM soient strictement réservés aux projets pertinents, vérifiés après débat public et contradictoire, sur Internet et dans les quartiers, après exposition des permis de construire. Cela suppose l’interdiction par la loi des services commerciaux d’entreprise et de promoteurs, vecteurs essentiels de corruption banale et d’antiville.

Une grande politique de réforme de l’institution architecturale,

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Celle-ci est aujourd’hui aussi coûteuse qu’en dehors de son rôle social. Valse des chaires, grand nettoyage, prospection des talents les plus créatifs pour un encadrement renouvelé, renaissance d’une critique autonome, abandon de la langue de bois, fusion des enseignements d’architecture, d’urbanisme et de maîtrise d’ouvrage, s’imposent (Ce que Malraux esquissa en 1967). Il est aberrant que les acteurs décisifs de la ville soient exempts dans leur immense majorité du moindre frottis à une culture de l’espace, à une sculpture des vides et des pleins autrement que par le jeu virtuel de la CAO, germe de toutes les projétations trichées. Cela suppose que soient réévalués les grands moments de l’architecture moderne, que l’Orthogonal et son Dieu Corbusier cessent d’être dogmatisés en impératif catégorique, que soient balayées les stupidités totalitaires de cet admirateur des fascistes et staliniens : la droite est le chemin des hommes, la courbe celui des ânes, la tabula rasa, l’ordre, le fordisme, le zoning, l’angle droit comme suprême divinité, le plan Voisin qui voulait remplacer le tissu parisien par une forêt de gratte-ciel répétitifs ! Les enseignements devraient s’ouvrir largement sur les créatifs, Gaudi, Wright, Vandevelde, Horta, Sharoun, Sauvage, Guimard, Mendelssohn, Pietilä, Doshi, Nervi, Scarpa, Van Eyck, Gian Carlo di Carlo, Piano, Frei Otto, Renaudie, Piet Blom, Utzon, Rietvelt, Vandevelde, Saarinen père et fils, Bart Prince, Bruce Goff, Berg, Team Zoo, Zvi Eckert, Makowecs, Grimshaw, Liebkinds, Gehry, Friedmann, Emmerich, etc. M Blanc, allez donc passer une demi journée au CRAC d’Orléans où les meilleurs sont montrés, visitez la Pièce Pointue de Buczkowska à Blanc Mesnil, interrogez le sénateur Dauge, rare politique hexagonal à bénéficier d’une culture architecturale. Oubliez les dix derniers grands prix, tout nus, et les

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derniers Pritzker, non moins. La dépression mondiale ne touche pas seulement les finances. Avec Porro, il faut réinjecter la poétique, ce rythme organique et vital, dans le processus architectural, comme Meschonnic l’a fait si pertinemment en philosophie linguistique, mère nourricière de l’éthique et de la politique. Il faut pulvériser la langue de bois architecturale dérivée du structuralisme et de ses avatars post-moderne et déconstructiviste. Il faut crever la bulle de la non architecture, cet habillage de la spéculation immobilière, urgent quand la bulle financière explose ! Pas de style dans la pensée (architecturale) sans l’énergie de la critique, pas d’énergie sans critique. Pas de pensée sans critique. C’est l’énergie de l’utopie. MM de Porzamparc, Grumbach, Nouvel : L’erreur du post moderne est de tenir l’époque, et de remplacer par son dogmatisme les dogmatismes des modernismes qu’il avait chassés…Le post moderne (et le post-corbusien), ayant commis l’erreur de se référer au moderne, et à une idée vieille de la modernité, ne pourra rester que d’un temps, piqué comme un papillon à l’époque, comme le Modern’Style et le Nouveau Style… Lacan, Heidegger, Derrida, les structuralistes, tout ce monde qui tient l’époque, fait la danse du signe et occupe la place. Comme la sémiotique généralisée. Manquant le continu, le rythme, la poétique. (Henri Meschonnic, Dans le bois de la langue, éditions Laurence Teper, octobre 2008).  S’il est judicieux de s’appuyer sur les agences d’architectes libéraux de dimension modeste, il convient aussi de les libérer de l’emprise bureaucratique des structures étatiques parasitaires et de l’obsession de rentabiliser la leur, ce qui ravale leur spécificité prétendument créative à une fabrication en série au travail divisé. Pourquoi ne pas avoir fait appel, ici, aux jeunes

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agences artisanales ou aux plus créatives des valeurs non-conformistes.

S’il faut construire absolument, au moins faisons-le pour remplacer les hideuses ZUP de la charte d’Athènes et du mépris qui, le plus souvent déjà amorties, sont superficiellement bricolées depuis trente ans sans autre résultat que les explosions récurrentes des jeunes populations qui y sont stockées en silos. Ce que M. Borloo a voulu nous faire croire qu’il s’apprêtait à faire. Mais, dépourvu du moindre badigeon de culture, il a cassé pour reconstruire aussi laid qu’inadéquat. Un gâchis énorme, aggravé par la tentative perverse d’éradiquer les avancées urbaines des années d’après 68, années maudites, ce qui est le comble de l’obscurantisme nihiliste. Avoir osé donner aux pauvres les qualités d’espace réservées aux riches ! Impardonnable ! Pierrefitte les Poètes en est le triste et scandaleux exemple, où on s’apprête, appuyé par l’ensemble de la classe politique, le Ministère de la Culture (!) et les médias aphones, à démolir 440 magnifiques HLM expérimentaux sous la seule raison qu’elles sont « mal » habitées par une majorité d’originaires du Sud. L’Etat (nous) va y dépenser de quoi construire 1800 HLM neufs  pour n’en reconstruire que 150 (coût du massacre : 180 millions d’Euros) ! Un signe certain de l’affaissement civilisationnel en cours. Le permis de démolir 440 magnifiques HLM vient d’être scandaleusement accordé. Le Président, cent fois saisi, détruit à prix fort les expérimentations fécondes d’une ville réconciliée demain. Comment oser bavarder sur un merveilleux Grand Paris tout en assassinant ses germes ? Que disait le Président ? La dimension culturelle, intellectuelle de la ville est inaliénable, sauf à l’explosif !

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Une première expérimentation a eu lieu

En vingt ans, la société d’aménagement du 93 que je dirigeais a construit une centaine de Zones d’habitations ou d’activités, de qualités inégales, en fonction des idiosyncrasies locales. A Saint Denis, Drancy, Aubervilliers, Villetaneuse, Pierrefitte, Blanc-Mesnil, Stains, La Courneuve, l’Isle Saint Denis, et sur 36 collèges neufs, 26 jeunes équipes d’architectes ont reçu leur première commande, créant des points forts architecturaux pour amorcer une reconquête des paysages urbains dégradés. 3 000 HLM aux espaces révolutionnaires, jamais répétitifs, ont prouvé que l’utopie est constructible dans les prix plafonds ! De grands architectes étrangers ont été invités pour aiguillonner la création. Un micro germe de renaissance - il ne concernait que 1 % du territoire ! - hélas, totalement abandonné depuis sous le déferlement hyperlibéral et obscurantiste, y compris à gauche ! La zone d’activités de la Montjoie sur la Plaine Saint Denis a donné l’exemple d’un quartier mixte dont le plan général, les bâtiments, le mobilier urbain, proposés par les Euvremer, étaient approuvés par la Ville, acceptés ensuite par les promoteurs. Tous ces témoignages d’excellence urbaine devraient figurer au Patrimoine. Ce germe précieux a été abandonné pour la veulerie ordinaire devant les crétineries bâties des promoteurs, au nom du « réalisme » du profit à court terme. Depuis, ils ravagent la Plaine sans coup férir, avec la bénédiction des élus socialo-communistes ! Cette pathologie dérive d’un processus démocratique insuffisant, anachronique, étouffé par la prolifération bureaucratique qui gèle toute initiative, sauf mercantile. A tel point que le président volontariste a repoussé la définition de l’outil politique francilien à plus tard, en passant un compromis mou. Or, sans outil efficient, rien ne sera fait. L’aménagement est un

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processus lent. Un bon outil démocratique supposerait que soient supprimés les innombrables doublons bureaucratiques, les strates inutiles. Mais il devrait aussi vivifier les conditions d’une participation, d’une information, d’un contrôle réel des citoyens sur les décisions, en instituant des comités de quartier élus et révocables dont la réunion sur le territoire de la ville remplacerait à terme le conseil municipal. L’urbanisme, appuyé sur la frange créative des architectes libéraux, serait naturellement une de leur occupation essentielle comme la solidarité concrète avec les plus démunis. »

Aux armes Franciliens ! »

 L’avis de Paul Chemetov

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Dans le Monde de Pâques, un de nos meilleurs recordmen dans la course aux ZUP déplore la consultation de Sarkozy sur le Grand Paris : il n’en est pas. Déjà, Nouvel et Porzamparc dont les produits post-modernes sont pis que le sien ont reçu le Pritzker ! Culture : dans le géométrisme dépouillé de Calder il voit un modèle spatial du fonctionnement métropolitain (?) : on cherche en vain la métaphore où la tentaculaire mégalopole serait en quoi que ce soit évoquée, fut-elle vue d’hélicoptère, par les mouvements gracieusement poétiques des précieux mobiles homéostatiques ! Poussant sa visite au Centre Pompidou, jusqu’à la première période de Kandinsky, avant sa géométrisation par le Bauhaus, il aurait peut-être pu y trouver une vague analogie avec l’organicité des phénomènes urbains. Plus encore chez Pollock dont les magnifiques enchevêtrements fractals suggèrent l’anarchie des formes urbaines sans autre ordre que la furieuse pulsion (de vie, de mort ?) du lucre, si bien explorée par nos Grands Prix. De Gaulle, souvent génial, l’avait intuitivement compris, demandant militairement à Delouvrier de régler ce « bordel » de la minéralisation de l’anarchie capitaliste. Certains de ses contemporains ont exprimé des avis parallèles. Henri Lefebvre bien sûr, fourbissant son concept d’antiville, où toute valeur d’usage disparaît au profit de la seule valeur d’échange d’une production d’espace fétichisée. Guy Debord, exprimant un peu brutalement cette vérité profonde que, seule, l’activité raisonnée des conseils de travailleurs reconstruirait un jour de fond en comble la ville du capital. Sans doute, l’action conjointe d’une élite politique cultivée, choisie par une délégation de pouvoir heureuse, complèterait-elle opportunément son schéma lapidaire ! Françoise Choay recommande dans son dernier ouvrage de commencer l’aménagement du Grand Paris en débarrassant la capitale

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des verrues des Finances et de la TGB, outre les funestes grands ensembles périphériques de la Charte d’Athènes. L’aspect tentaculaire de la RP vue d’avion est fractal, c’est un tapis de Sierpinski que tracent les réseaux de dessertes de l’urbanisation, manière de prothèses radioconcentriques indispensables à l’irrigation des quartiers d’habitation : autoroutes, voies ferrées, plus discrètement fluviales, réseaux énergétiques ou de communication. La ville ne peut s’édifier que dans leurs interstices mais il n’est pas indifférent qu’à l’intérieur des mailles la problématique formelle et humaine soit retournée et, dit-elle joliment, qu’elle passe du prothétique au proxémique. Les voiries automobiles, nuisantes par définition, devraient donc enserrer des îlots d’urbanisation piétons, architecturés dans la diversité, verts, peu denses et empathiques, c’est-à-dire conçus pour et par l’hédonisme citoyen. Les clusters des Smithson, la feuille de l’arbre de Van Eyck, l’unité de voisinage du Corbu, les Broadacre city de Wright, etc. Ces quartiers proxémiques, ces niches environnementales devraient être fractals par autosimilarité, éliminant l’empilement des boîtes auquel se réduit aujourd’hui partout l’architecture : à surface bâtie constante, les périmètres croissent vers la limite supérieure, offrant aux citadins les meilleures chances d’échange. Remplacer la prolifération des boîtes par des architectures inventives, déchiquetées, complexes, mêlant les fonctions et les catégories sociales dans un foisonnement des styles formels. De premières expérimentations ont eu lieu en banlieue dans les années 70 qui s’inspiraient leur morphologie de Team Ten et des centres médiévaux européens sauvegardés comme des villages primitifs d’Afrique et d’Asie. Il conviendrait de revisiter et de critiquer pour affiner la conceptualisation. Au moment où déferle la crise généralisée des finances mondiales, de la production consommation, de l’écologie,

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de la survie alimentaire d’un quart de l’humanité, la mégalopole mondialisée apparaît bien comme le monstre bétonné cristallisant la fuite en avant dans le non sens de l’accumulation, de l’aliénation spoliatrices et aveugles. Une autre vie est possible si on parvient un jour à réformer le logiciel politico-économique, vers un socialisme inédit, par en bas. Un autre urbanisme en serait la résultante tout autant que la composante. Un chef d’Etat intelligent qui voudrait aujourd’hui améliorer sa zone capitale, devrait donc, pour préparer l’avenir et y laisser une trace, écouter ces sages, plus que les jacasseries intéressées du hit parade des monceaux d’honoraires. Le plus urgent est d’arrêter cette croissance machiste, ubuesque, délétère car il faudrait au moins le temps d’une génération pour constater des changements significatifs de la ville. Il ne faut plus construire de nouveaux mètres carrés en RP, en particulier dans des tours informes et apoplectiques. Il faut interdire tout nouveau chantier routier, échangeur, rond point, etc. La religion automobile doit reculer. Les 7 premiers arrondissements parisiens devraient être piétons et progressivement à leur image d’autres centres de vie dans la RP. Toute nouvelle friche industrielle devrait être réservée à l’implantation de poumons verts, squares, parcs, parfois même sur des voies de dessertes, à l’image du génial projet de Team Zoo à Tokyo, d’une rue transformée en square. La deuxième couronne doit être protégée du mitage pavillonnaire déprimant. Les sols doivent être municipalisés. La politique nationale du logement doit cesser de subventionner l’accession à la propriété, cause puissante de dégradation des paysages urbains ou ruraux. Seuls des HLM locatifs ont permis des expérimentations heureuses : voyez sur la RN3 vers Roissy le surgissement des toitures de la pièce Pointue de Blanc-Mesnil, découvertes par Maspéro dans son Roissy express : 220 HLM en tout bois, une des rares œuvres d’art en banlieue !

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Le centre d’Ivry, la Maladrerie, le quartier Basilique à Saint Denis en sont quelques autres : l’aberration, c’est que la classe politique toute entière veuille éradiquer ces quartiers de l’excellence habitable, comme les Poètes à Pierrefitte, quand il y a tant de barres et de tours sinistres et que nulle part ne s’envisagent des quartiers dignes de ce nom. Comme si la recette en était perdue à tout jamais et que la France n’ait définitivement plus d’artistes ! Quand il faudrait généraliser les rencontres entre les rares concepteurs créatifs et musclés avec des politiques ouverts et des habitants informés. Secouer la sclérose de l’institution architecturale et de l’enseignement pour faire apparaître des architectes qui résistent au nihilisme spéculatif. L’aménagement de la RP doit commencer par démolir les grands ensembles de la charte d’Athènes mais sous la condition expresse d’y expérimenter auparavant les objets des meilleurs concepteurs, absents du hit parade Il est urgent de redécouvrir dans les écoles de nouveaux Renaudie, Gailhoustet, Gaussel, Euvremer, Porro, Gaudin, Simounet, Pouchain, Brunel, Kalouguine, Kroll, Jourda, Friedmann, Emerich, etc., avant qu’ils ne s’étiolent, étouffés par l’horreur économique. Vivifier le milieu en s’ouvrant aux étrangers créatifs. Il y a encore des besoins en logements ? Pourquoi ne pas reconstruire de vraies villes nouvelles d’équilibre - en essayant cette fois de ne pas les louper, contrairement aux années soixante où l’association des mandarins médiocres et du Corps des Ponts a refait les ZUP qu’ils disaient contredire ? Pour qu’elles rééquilibrent vraiment une RP proche de l’infarctus, il faut les implanter suffisamment loin de Paris, par exemple entre Rouen et le Havre, dans des sites verts et fluviaux encore sauvegardés. La ville nouvelle de Val de Reuil aurait pu être aujourd’hui une nappe urbaine splendide, descendant de la falaise pour

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traverser la Seine, si on avait osé construire le projet futuriste de Renaudie plutôt que l’objet industriel indéfinissable qui l’a remplacé en même temps que des milliers de dispositifs routiers aussi coûteux qu’inutiles ! Les bords de Seine et des canaux, chance exceptionnelle de sites urbains, à Paris et proche banlieue, doivent être réaménagés, protégés de la circulation automobile. Pourquoi ne pas reprendre le projet d’une ville suspendue à des arcs, étudié par Iwona Buczkowska à Brou Chantereine, technique rationnelle, bâtie en lamellé-collé dans son superbe collège de Bobigny ? D’accord avec Chémétov sur une chose : il faudrait démolir aussi les centres commerciaux périphériques et géants, négateurs d’urbanité. Par contre, à partir de situations locales propices, il serait heureux de rechercher dans le tissu tentaculaire - et de subventionner - des points d’accroche, de cristallisation pour des germes de vastes institutions culturelles, populaires, décentralisées dont le centre Pompidou ou la cité de la Villette peuvent donner des exemples. Seine Saint Denis : un million deux cents mille habitants : aucun musée à l’échelle, aucun opéra, salle de concert, grande bibliothèque, si peu de librairies ! Plutôt que d’associer les caïmans au traitement des plaies qu’ils ont jadis causées, offrons-leur une pioche d’honneur pour amorcer la démolition de leurs incongruités bâties ! »

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 Jacques Attali : un Grand Paris d’austérité !

On ne pouvait échapper au grand futurologue pour dessiner l’extension de Paris vers la Manche ! Sa commission vient donc de rendre son intéressant verdict : Paris et la mer (Fayard, 2010). Si l’idée de diriger un développement volontariste du Paris des trente prochaines années avait un intérêt majeur, celle d’urbaniser jusqu’au Havre en constituait le socle créatif. Depuis, la croissance aveugle se heurte aux impératifs de survie écologique de la planète : le problème principal est bien d’arrêter le développement anarchique et apocalyptique de la Région Parisienne qui devient inhabitable : ceux qui le peuvent la quittent. Cette idée fut déjà exprimée dans les années 70 par Delouvrier et la mission Basse- Seine. Déjà critique, elle visait à urbaniser Paris loin de Paris pour éviter l’apoplexie. On sait ce qui est advenu : on a fait le contraire, la médiocrité affairiste à courte vue l’a emporté, quatre villes nouvelles proches ont massacré les espaces naturels et étendu la superposition du technocratisme du Corps des Ponts (avec le modèle de la

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ville autoroutière !) à l’incurie programmatique des promoteurs. Les villes nouvelles, plutôt que de s’y opposer, ont élargi le phénomène des grands ensembles et transformé la Région Parisienne en un imbroglio invivable, ramassis hétéroclite des laideurs de promoteur (l’antiville que critiquait Henri Lefebvre), proche de l’apoplexie, traversé régulièrement d’insurrections urbaines. Mauvais compromis, il n’est resté de l’idée de Delouvrier (reprise de Napoléon et Michelet) que la ville nouvelle du Vaudreuil, c’est-à-dire un projet mort né (Val-de-Reuil) conçu par un major du bâtiment à la demande du Corps des Ponts pour démolir (idéologiquement cette fois) la splendide ville futuriste que Renaudie proposait de construire à Poses en habillant la falaise, traversant la Seine et construisant une Venise moderne sur les gravières ! Mauvaise action qui entraîna l’éclatement de l’atelier de Montrouge et la démarche ultérieure de Renaudie à Ivry, Givors, Saint Martin d’Hères et le 93, qui lui valut le Grand Prix. Pour lancer Paris Normandie, il faut construire enfin le Vaudreuil de Renaudie comme les Américains construisent quarante ans plus tard le splendide projet balnéaire de Wright à Madison et les Catalans la cathédrale de Gaudi depuis un siècle ! Confier une gravière de Seine à Buczkowska pour qu’elle y réalise une cité lacustre moderne en tout bois ! Plus intéressante qu’une tour de 600 mètres ! L’idée du grand Paris havrais est donc très intéressante et toutes les propositions Attali ne sont pas à rejeter, loin de là. Jusqu’au street art que nous avions déjà réalisé (en version française) avec les artistes havrais en 1965 (Gosselin, Chavigny, etc.) pour le 450e anniversaire de la fondation de la ville. Comme la même année la cinquième de Beethoven dans la gare maritime qui anticipait la reprise du concert dans la salle des machines de Fellini dans et vogue le navire. Une généreuse fresque historique

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de Guy Vassal complétait les festivités, M. Ruffenacht devrait bien la donner à nouveau à voir aux Havrais pour le 500e anniversaire en 2017 ! … Les bonnes idées sont si rares…

J’ai écrit au Président Sarkozy dès l’été 2008 pour lui proposer la reprise de l’idée du Val de Seine comme extension de Paris qui a fait le corps des propositions Grumbach. Il aurait été intéressant de se poser auparavant les bonnes questions. Quelle critique peut-on faire de l’urbanisation anarchique des 40 dernières années ? Quel avenir pour l’économie française après la crise et avant les délocalisations qui tendent à supprimer toute industrie sur le territoire national ? Pourquoi les deux villes hautes normandes n’ont-elles connu qu’une stagnation ? Où en sont les conceptions urbaines de l’hexagone ? L’idéologie qui sous-tend l’étude JA flotte entre l’ancien modernisme hyperlibéral qui a fait faillite en 2008, et la crise, le renversement écologique, en restant surtout fortement lesté d’inertie technocratique. L’idée Paris Normandie appartient à Pierre René Wolf, résistant, écrivain et fondateur du journal homonyme. Elle est intéressante dans la seule mesure où elle aurait permis de critiquer et d’enrayer le développement anarchique et totalitaire de la RP, en décidant courageusement de bloquer son désastre et de faire enfin autre chose, de trouver dans le Val de Seine le terrain quasi vierge (bien que déjà très mité jusqu’à Rouen) où implanter une extension urbaine exemplaire, volontariste, ouverte sur les derniers progrès intéressants de l’urbanisme, de l’architecture, (Team Ten des années 60, jamais dépassé) en équilibrant cette urbanisation par un rythme décidé de villes nouvelles de densité 1, séparées par des zones naturelles entretenues plutôt que le compromis flou et

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boiteux proposé par l’étude JA qui ne peut s’achever que par la victoire de l’horreur économique sur l’écologie, comme à Grenelle ou Copenhague. L’autre volant devrait être la reconquête des territoires des ZUP de la sinistrose et de l’exclusion parisiennes pour y implanter pareillement des quartiers fonctionnellement et socialement mixtes, écologiques, de densité faible, par exemple sous forme de gradin jardin. Il faudrait bien en effet être absolument assuré que la reconstruction de substitution est plus intéressante sinon la démolition ANRU n’est qu’un scandale financier et humain de plus, ce qui est partout le cas aujourd’hui en l’absence de toute réflexion amont et engagement architectural créatif. Le Grand Paris prend le contre-pied de cette orientation humaine dans une spéculation démographique délirante avec le grand huit de M. Blanc et les trente zones de gratte-ciel spéculatifs où on s’attarde à y voir un symbole de modernité comme si les catastrophes urbaines de Shangaï et Pékin n’étaient autres que des conceptions retardataires, totalitaires et nihilistes dues à l’accumulation primitive d’un capitalisme chinois dans sa brutalité obscurantiste. Canary Wharf est un des lieux horribles où est née la crise de 2008. On ne fera pas et le grand huit et l’axe Paris Le Havre. La cause est d’ailleurs entendue : M. Blanc ne croit pas au Val de Seine. Avec la crise et le plan d’austérité qui va l’aggraver, il est évident qu’il n’y aura pas un centime ni pour le huit fût-il aérien, ni pour le GPH ! Les cinquante propositions de JA reprennent nombre d’anciennes décisions normandes en splendide cacophonie avec la nouvelle orientation ! Raison de plus pour prendre le temps d’inventer autre chose, de plus intelligent !

La stagnation normande.

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La stagnation de la Normandie vient de loin, elle a été nourrie par le développement tentaculaire de la Région Parisienne qui se l’est soumise comme une banlieue pauvre. La source est aussi à rechercher dans la faiblesse chronique des édiles, de Lecanuet à Fabius, des communistes à Rufenacht, sans aucune idée forte de développement intelligent. Le retard scandaleux de la liaison ferroviaire rapide en témoigne ! Il suffit de regarder la médiocrité récurrente des architectures urbaines partout réalisées depuis cinquante ans en 76 et la liste des vieilles industries hors d’haleine : la chimie à l’ouest de Rouen pour bien irriguer les populations en pollutions agressives ! Le raccrochage de Caen au projet est artificiellement électoraliste et rend plus difficile encore le succès d’un pari séquanien fort. Pourquoi pas Paris jusqu’à Alençon, Cherbourg et Le Mans ? Le classement au patrimoine mondial de la reconstruction de Perret, vomie depuis toujours par les Havrais qui se souvenaient du splendide vieux Havre de Mac Orlan, n’est qu’un coup médiatique. Le quartier Perret est un compromis retardataire entre Haussmann et Le Corbusier, un grand ensemble tracé au cordeau, aux éléments industrialisés et répétitifs, dont on aurait gardé les rues surdimensionnées, une ville qui n’a jamais pris, une avenue plus large que les Champs Elysées où le commerce s’est étiolé mais par où le vent d’ouest s’engouffre comme dans une soufflerie, une typologie uniforme et sévère comme au grand siècle ou à sa copie prussienne du XIXe (Schinkel). Très loin de Camillo Sitte. Perret qui a conçu la très belle église du Raincy, était bien âgé lors de la reconstruction, ce sont ses collaborateurs qui ont signé les projets ! On peut toutefois aimer le parapluie renversé de la cathédrale, voire l’hôtel de ville qui semble

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sortir de RDA (même si les idées urbaines suivirent plutôt le cheminement inverse !). Aragon le visitant me dit un jour de lui : quelle belle ruine ! Les communistes, de 1956 à 1990, n’ont eu aucune idée, en dehors de la fécondation de la Maison de la Culture parachutée par Malraux, devenue enfin populaire en 1966 puis élargie par l’idée féconde des CLEC, comités culturels de quartier, appuyés à l’origine sur les prêtres ouvriers mais vite enlisés dans une bureaucratisation innombrable. Ils ont été depuis éradiqués par l’UMP qui ferme aujourd’hui le volcan de Niemeyer - parachuté en 1972 par Roland Leroy - plutôt que le faire vivre démocratiquement ! Le beau musée de Prouvé est lui aussi un don de Malraux ! Le port a toujours été extérieur à la ville, à l’abri de toute volonté démocratique, chasse gardée de la grande administration du Corps des Ponts. Le bla bla sur la réinsertion du port moderne dans la ville ne tient guère la route : l’empilement des containers derrière les grillages privés n’incitent ni à la communication ni à la promenade. Problème : Le tonnage du Havre s’appuie essentiellement sur le pétrole et depuis peu sur les importations chinoises mais avec trois fois moins d’exportations. Pas une vraie idée, personne pour tirer le char, et des divisions clochemerlesques qui parachèvent l’inertie ! Le tracé de la voie à grande vitesse est bloqué à Rouen pour ces raisons (pas moins de 7 sites en concurence pour la gare !). Le port de Rouen ne cesse de s’ensabler comme son économie et son architecture urbaine, y compris chez M. Fabius à Grand Quevilly, depuis Tony Larue est affligeante de pauvreté. L’école d’architecture est lanterne rouge nationale ou quasi ! Les années 70 avaient vu fleurir à Rouen et Dieppe une multitude d’initiatives culturelles spontanées qui ont disparu, faute d’encouragement des édiles. Saluons toutefois l’utilisation enfin intelligente de

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l’abbaye de Saint Ouen avec les spectacles de Bartabas et de Pina Bausch.

Economie 

Reprendre la concurrence avec Rotterdam est une tâche aujourd’hui bien ambitieuse et tard venue, l’écart s’est creusé, même s’il faut bien entendu tenter de la mener. Pour que le port se développe, il ne suffit pas du volontarisme, de l’amélioration des dessertes, des acquisitions foncières (incroyable qu’on en soit là !) ou de « l’annexion » de Duisbourg, (on peut toujours rêver !) De ce point de vue, le canal Seine nord est peut-être bien une imprudence qui risque de tuer pour toujours toute chance du Havre de devenir le port container de Paris à cause du déséquilibre total des forces avec Anvers et Rotterdam. Il serait sans doute urgent d’attendre mais on sent derrière la pression corporatiste à court terme des travaux pour les travaux et des firmes qui se fichent bien de l’avenir du Grand Paris : on verra après pour ramasser quoi qu’il arrive les retombées ! Deux ou trois nouveaux ponts sur l’estuaire : quel appétit ce Corps des Ponts ! Ils rabâchent un peu. Et si on commençait par enlever les péages des deux ponts existants pour avoir un peu plus de clients ? Comme si on pouvait hésiter entre Caen et Paris ! De même pour le ferry sur Honfleur, une vedette déjà, ça permettrait de tester l’intérêt économique. Faut-il fermer l’aéroport d’Octeville qui a des clients pour les renvoyer à Deauville ? Bizarre, comment cela peut-il aider à la promotion du Paris Normandie ? Comme si Rotterdam faisait atterrir ses avions à Knokke le Zoute ! La Mare Rouge peut bien être traitée sur place par démolition reconstruction, si on sait déceler les bons concepteurs qui

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proposeraient un vrai beau quartier de remplacement, avec des emplois pas loin. On peut encore rêver ! Idem pour le Nouvel Odyssey, éclectisme évasif. Bilbao a choisi Gehry et Calatrava, Bordeaux Piano, Vienne, Hadid, New York Liebskind, Metz Shigeru Ban, ça tient la route. Le rapport sent un peu trop la pub pour le Maire du Havre et sa CCI. Il faut arrêter avec les nouvelles autoroutes polluantes et inutiles et utiliser autrement les talents des IPC, arrêter de disperser les efforts vers le sud qui s’en sort bien tout seul, arrêter le saupoudrage électoraliste !

Industrialiser ?

Il faudrait surtout au PPN un hinterland industriel réel, comparable à ceux de Rotterdam et Anvers (voire Zee Bruges !). Delouvrier parlait en 70 d’une Ruhr française dans le Val de Seine ! En quarante ans, on a eu Renault, point, qui menace aujourd’hui de fermer malgré la participation de l’Etat. Quelle industrie ? Quelle exportation en provenance de la RP ? La France a perdu deux millions d’emplois industriels en vingt ans et cela continue. Comment empêcher des capitalistes de raisonner en capitalistes et de ne songer qu’au court terme du taux de profit immédiat ? Difficile d’oublier les salaires chinois vingt fois moins chers ! Sans grand projet industriel, pas de développement portuaire. Suggestion : une grande politique nationale anti-délocalisation. Par quels moyens ? Le seul qui subsiste pour résister à l’inévitable dumping des BRIC qui n’est pas prêt de s’éteindre : se battre comme les Allemands et les Scandinaves par les performances technologiques, (machines outils, etc.), contre les Japonais et les Chinois par des biens de consommation hexagonaux compétitifs

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sur les principaux créneaux. Il serait utile, dans le même esprit, d’élargir les compétences des comités d’entreprise et d’encourager la constitution de scops (Ceralep) pour freiner à la source les délocalisations. Le Val de Seine devrait être le siège de recherches, de planifications, d’implantations, d’expérimentations des technologies d’avenir et de grandes usines entièrement automatisées (deux roues, électronique grand public, panneaux voltaïques en grande série, IKEA français, etc.) où le travail vivant deviendrait asymptotique, permettant ainsi des prix compétitifs (créant de la RTT !), axées sur la mutation écologique et énergétiques inévitables à terme. Avec des protections provisoires, comme les pratiquent eux-mêmes les Chinois.

Urbanisme L’autre donnée à vendre, serait la réussite urbaine, écologique et innovante, en repartant de la grande période d’invention française des années 60/70 (Renaudie, Parent, Simounet, Lay, Andreux, etc.) et des recherches de Team Ten, indépassées depuis, naturellement en les prolongeant et en les fécondant. La conception urbaine française est étouffée depuis le mitterrandisme par la conjonction du mandarinat médiocre - cf la nullité des derniers grands prix - et de la grande entreprise type Bouygues, qui liquident l’invention pour préserver leur marge à 15 %, elle n’a donc cessé de stagner pendant les trente dernières années dans sa version post-moderne sans vitalité… Seule la construction de morceaux de ville exemplaires mixtes, verts, complexes et beaux -la ville proxémique de Françoise Choay plutôt que les villes nouvelles prothétiques du Corps des Ponts - pourrait permettre d’attirer le gratin de la conception scientifique et

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technologique internationale pour donner une assiette crédible au développement économique et urbain de la vallée. Silicon Valley, si le concept n’était pas un peu usé. Donc décider de villes nouvelles – bien pensées cette fois – à implanter volontairement sur les germes urbains de Gravenchon, Bolbec, Caudebec (un pont est déjà là qui ne sert à rien !), à Portejoie, etc., avec des activités économiques connexes. Entre ces urbanisations précises, des écrans naturels inviolables, sinon le mixte flou proposé conduira à la poursuite du mitage calamiteux actuel. L’infini malheur est que l’usine à gaz des études du Grand Paris s’est surchargée d’équipes de bras morts, si on excepte celle de Rogers qui a travaillé et fait des propositions intéressantes et celle de Grumbach qui a développé l’idée du Paris-Normandie. Tous les autres trépignent et piétinent pour construire les gratte-ciel inutiles et obsolètes qu’on leur promet, parachevant le désastre urbain de l’Ile de France. Arrêtez le massacre ! Commencez par supprimer l’ANRU, monstre bureaucratique d’Etat hors contrôle, d’une inculture urbaine crasse qui engouffre des sommes folles à refaire du médiocre à la place du médiocre, y compris en cassant scandaleusement les bons exemples d’il y a vingt ans (Pierrefitte les Poètes) !

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Grand Paris, suite et fin ?

Ainsi risque de se terminer pour les mêmes raisons le projet cacophonique du Grand Paris. L’affaire des cigares de la République vient à point pour dissoudre l’ambition mercantile excessive du chef de l’Etat : exit Blanc, exit la tentative de regagner Paris et sa région aux socialistes. La baudruche crevée, on s’achemine vers un compromis boiteux et une réduction drastique des perspectives revues et corrigées par l’austérité galopante. Seule madame Pécresse croit encore au double huit du métro dont la motivation essentielle est sans doute l’inemploi des machines à creuser des majors du BTP. Comme Sganarelle chez Molière, l’ineffable Castro, dans le Monde du 2/7/10, pleure sa cassette. Il a compris qu’il n’y avait plus guère de sous pour ces ambitions démesurées. Pour garder sa pitance avec les dix équipes du concours dans un semblant de travail chaotique, il va au devant de la misère et suggère, c’est farce, un grand Paris des bouts de ficelles, sans autre ambition que le bricolage

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et la tchatche, domaine où il excelle depuis toujours, voir le bilan extraordinairement indécelable de sa précédente esbroufe de Banlieue 89 ! Ecoutez ses recettes : que toutes les communes souffrantes adjoignent Paris à leur nom et leur environnement détestable sera évaporé ! Qu’elles découvrent des lieux merveilleux en périphérie (Clichy, Bobigny, Stains, La Courneuve, Sarcelles, Villiers le Bel, Evry, Saint Quentin en Yvelines, etc.) ; qu’elles continuent l’aménagement ordinaire, autrement dit que l’horrible ANRU en revienne au bon vieux cosmétique sur les barres qui a fait trente ans chou blanc ; qu’on accroisse le nombre de bus plutôt qu’un coûteux métro, (ce bon sens peut donner matière à réflexion) ; qu’on déniche les lieux potentiellement poétiques comme la tarte à la crème des Forts de Paris dont il faudrait virer la DST, (bon courage !), qu’on fasse travailler les administrations ensemble (idem !). En conclusion, la clé de la réussite du GP tiendrait surtout à donner aux dix équipes d’architectes la latitude et les conditions de leur liberté, traduisez : nos cassettes ! Quand cette usine à gaz de médiocres talents, Rogers excepté, ne songe qu’à empiler les niveaux courants pour remplir ses coffres !

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  Vie quotidienne et production de l’espace

La Vie quotidienne, thèse sur Henri Lefebvre et Agnès Heller par Chryssoula Mitsopoulou pose la question : Est-ce réellement un concept ? Le vrai concept explicatif n'est-il pas plutôt celui de réification, d'aliénation qui pénètre, sous-tend et travaille la matière immédiate de la vie quotidienne ? H. Lefebvre reprend largement ce concept dérivé de Lukäcs et d'Adorno dans ses considérations sur la vie quotidienne. C'est en cela qu'il se montre le plus pertinent, le plus  fécond et qu'il a pu peser de manière décisive sur l'idéologie qui a nourri la révolte étudiante et prolétarienne de mai 68. Il émane par contre des considérations sur une «ontologie sociale» comme un parfum heideggerien, traînant une certaine pesanteur obscurantiste.

   HL a creusé ce thème pour soutenir son projet sociologique : mesure des constantes et variations des différents aspects de la socialité dans la nouvelle étape du capitalisme des années cinquante.  Vu sa propre situation

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critique (eu deux sens du terme) vis-à-vis d'un PCF qui dominait pour longtemps encore l'extrême-gauche mais dont il refusait, à partir de 1956, le stalinisme, tout en souhaitant se maintenir au sein du courant dominant la classe ouvrière. C'était le bon moyen de lui mettre le nez dans sa merde « socialiste réelle », sans pour autant sembler le prendre bille en tête, au risque d'être accusé de « trahir la patrie de la révolution prolétarienne » ! Comparer scientifiquement la vie quotidienne des prolétaires à l'ouest et à l'est ne pouvait pas ne pas amener les bonnes questions sur la déviation fatale du socialisme « réel» dans l'étouffement bureaucratique et la pénurie.  Sortir donc le marxisme de son ornière stalinienne, en même temps, relier sa démarche à celle des universitaires dits « bourgeois » quand elle portait un relatif contenu de vérité, et surtout, critiquer la « modernité », c'est-à-dire la nouvelle situation des modes de vie, après l'irruption de l'américanisme fordien, de la production en série, distribuée grâce au keynésianisme, critiquer ses mirages publicitaires, son antiville, son aliénation profonde qui bouleversaient les conditions d'une résistance quelconque au capitalisme, par rapport aux modèles schématiques de paupérisation (Maurice Thorez,1956), de type classe contre classe, très 19ème siècle. On n'a pas fini de mesurer l'impact de masse de ces thèmes lefebvriens dans les évènements de 1968 (avec le relais  de l'école de Francfort, Marcuse, Reich,etc.). Avec l'effondrement hyper-libéral, ils reviennent avec force sur le devant de la scène, comme en témoignent les attaques haineuses de Sarkozy-Gaino contre l'esprit 68 et les tentatives de démolition des utopies urbaines renaudiennes en 93 par les mêmes, avec l'aide de ce qui reste du Parti Communiste. .   Lukäcs écrit, à propos de l'immédiateté, dans histoire et conscience de classe : dépasser l'expérience ne peut

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signifier que ceci, les objets de l'expérience elle-même sont saisis et compris comme des moments de l'ensemble de la société en plein bouleversement historique. En isolant comme une chose en soi la vie quotidienne, on risque de s'enfermer dans une phraséologie qui flotterait sans cesse sur le réel mais sans réellement de prise sur lui. La vie quotidienne est certes la pierre de touche mesurant l'excellence (versus la malfaisance) d'un modèle de société, mais elle est par définition aussi le point de rencontre obligé, le terminal de toutes les disciplines des sciences humaines qui traitent - plus ou moins correctement - de l'homme social ou individuel et de ses conflits telluriques. On ne se trompe donc jamais complètement quand on reprend à satiété tous les thèmes fournis par les études partielles à propos de la vie quotidienne : ils sont par nature toujours présents mais on n'a pas forcément progressé dans la compréhension de l'homme, cette entité contradictoire à la fois individuelle et sociale. Sauf à y entendre la fameuse vision totale des philosophes qui manque aux sciences bourgeoises partielles, parcellaires. Mais dans ce cas  pourquoi se limiter à la quotidienneté ? Pourquoi n'y pas intégrer la vie hebdomadaire, mensuelle, annuelle, d'une durée de vie humaine, d'un cycle économique ou d'un mode de production ? La vieille question de la répétitivité des us, nécessaire, ou nuisible, ou les deux, montre la limite d'une conception uniquement  quotidienne du sort humain. Tout ce qui fait, le plus souvent, - en dehors des créateurs d'exception - l'intérêt de la condition humaine, ne tient-il pas à ce qui n'est pas quotidien  dans la quotidienneté, à l'extra-quotidien, à l'événement, la rupture, l'irruption de la socialité (de l'histoire), des grands thèmes collectifs,  philosophiques,  de l'amour passion, etc. ? A la limite, la théorisation du quotidien par HL subit la pression du cyclique économique : en phase de relative

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expansion, l'effet déstructurant  majeur du capitalisme sur la vie quotidienne se dilue dans le satisfecit consommatoire quand aujourd'hui, la crise générale, une nouvelle fois, annonce les pires moments quotidiens pour l'humanité. Vivre à Gaza ou à Tel Aviv, à Watts ou à Santa Barbara ?   Parlant de la vie quotidienne, comment ne pas aborder ses distinctions profondes suivant nombre de paramètres individuels ou sociaux, et leurs interférences mécaniques, étudiés (plus ou moins bien, c'est une autre question) dans les autres disciplines des sciences humaines élucidant les manifestations chaotiques des lois tendancielles ? Peut-on parler indifféremment des vies quotidiennes d'un SDF et d'un PDG, d'un salarié précaire à bac plus 5, d'un licencié boursier ou d'un hacker à parachute doré ? D'un truand ou d'un flic, d'un homme de pouvoir ou d'un salarié, d'un inconnu ou d'un médiatisé, d'un homme cultivé et d'un lecteur du Parisien ? Etc. L'étude fine des ces types et d'une infinité d'autres modalités est utile, ne serait-ce pas le but d'une sociologie bien comprise, si elle se libérait des carcans conformistes de la pensée dominante. Comment ne pas aborder le problème de la famille dans son évolution, comme niche longtemps utile de protection contre les agressions sociétales mais également comme frein aux libertés de choix individuels. L'homme qui travaille, l'homme en loisir, l'homme qui voyage ou pas, la résidence secondaire ou pas, etc.  S'en tenir à l'analyse de l'immédiateté est utile pour juger in fine la pertinence d'institutions nouvelles, mais cela ne peut dispenser de penser les forces telluriques sous-jacentes et les révolutions nécessaires, de repenser la politique comme une discipline libérée des sujétions manipulatrices, spectaculaires, démagogiques de sa pratique bourgeoise qui pollue si souvent les oppositions.

  Le thème du résidu du vécu, hors d'atteinte de l'analyse

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scientifique, est à la fois productif et dangereux. Dangereux car il peut déporter vers les irrationalismes phénoménologiques, sur les révélations anti-cartésiennes et para mythologiques de l'intuition, du Dasein, de l'Etant , pouvant aboutir in fine au « destinal » nazi du recteur de Fribourg qui ne sont que des régressions de la pensée. Productif en ce sens que le «bruit de fond » résultant de l'élimination par les sciences nécessairement parcellaires de ce qui les gênent à formuler des concepts  exacts mais d'application limitée, est aussi le domaine où peut commencer demain une recherche nouvelle, si des moyens d'investigation inédits se développent : ainsi des théories qui ont étudié le chaos, rejeté jadis dans le pur aléatoire, grâce aux simulations par ordinateur. La considération du résidu n'est pas une base scientifique c'est plutôt  une prudence à n'interdire aucune voie nouvelle de recherche, à toujours réserver la possibilité de développements inattendus. Le propos utile de HL vise l'étude dans la texture de la vie quotidienne, des conséquences nouvelles du déferlement de la loi économique sauvage du capitalisme qui a apporté pendant un temps des éléments (inégaux) d'abondance, ce qui conduisait les observateurs à négliger le long terme, les aliénations, les atteintes à la sensibilité, les nuisances de toute sorte engendrées par l'économisme étroit et la course folle au profit. Ainsi de ses considérations sur l'espace, sur l'antiville, les grands ensembles, hypermarchés, zonages divers, l'automobile, la standardisation, la stérilisation des productions culturelles par la publicité. Ce qui implique une réflexion sur les utopies nécessaires : comment les travailler pour radicaliser la contestation des traumatismes capitalistes, élaborer les grandes lignes du pont à jeter entre les occurrences immédiates et une autre vie  possible, jusque bien entendu dans sa

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quotidienneté dernière, mais sans imposer des modèles obligatoires, complètement achevés, au danger de totalitarismes nouveaux. Un axe précieux est celui qui répandrait partout la transparence démocratique et la culture rationnelle, poussées à leur extrême, compatible avec les moyens du temps. Rien moins que facile. Le progrès de la RTT, si décriée même à gauche, est de ce point de vue une direction décisive : le temps libre ouvrant à la diversité la plus folle des activités, des devenirs humains heureux et économes en planète.

  L'accent mis sur la vie quotidienne ne devrait pas écarter des théories politiques stratégiques sur les transformations des rapports de production (autogestion) et le dépérissement de l'Etat, au delà des démagogies tribunicistes aujourd'hui florissantes, souvent  sanctuarisées dans l'esprit de secte qui, contre toute attente, perpétue les tares dogmatiques du stalinisme bureaucratisé dans une défense imbécile du Tout Etat. Ceux-là n'ont rien appris ni rien compris du XXe siècle qui proposent un effondrement de rechange au libéralisme perclus.

  Dans le domaine de l'espace, forcément urbain, artificiel, la recherche de Lefebvre,  « ontologique », « méta philosophique » sur une « production de l'espace comme nouveau rapport de production » n'évite pas une certaine confusion, un mélange des catégories. Elle se répercutait à l'époque dans la chimère du mot d'ordre réformiste : changer la ville pour changer la vie, versus, dans la conclusion de la production de l'espace de HL : la révolution culturelle de Mao qui va changer la vie quotidienne ! L'espace est - comme le temps - le support inévitable des rapports de production, la ville ne peut être considérée pour autant comme un rapport social

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entre les hommes dans le but de produire. On ne peut pas commencer par casser la ville pour casser les rapports de production qui pèsent tant et sur la vie quotidienne et sur le développement urbain. L'utopie pouvant produire un nouvel espace de vie - espaces empathiques, proxémiques, piétons, architecturés,  reliés aux réseaux de transport et non leur résidu - doit être l'enveloppe en creux de nouveaux modes de vie, exprimant de nouveaux rapports de production. Sa concrétisation urbaine passe nécessairement par la conquête d'éléments de pouvoir étatique, même partiels, opposés à l'Etat bureaucratique. Elle ne peut pas ne pas s'adresser aux créateurs nietzschéens, à une sphère de la production architecturale, qui, par la synthèse sociologique, le travail artistique et l'intuition plastique, élaborerait une globalité s'opposant aux fragmentations et aux apories du système d'exploitation. Au sein même de la sphère de la conception, loin d'une amplification béate de la pensée technocratique dominante à laquelle elle est soumise, la tâche est de discriminer, de procéder à une critique fine et impitoyable du désastre intellectuel et concret provoqué par la financiarisation non seulement de la production de la ville mais aussi des esprits qui devraient y contribuer. On mesure ainsi l'ampleur himalayenne de la tâche. Pourtant, des acteurs révolutionnaires exceptionnels comme Henri Lefebvre et Jean Renaudie et quelques maîtres d'ouvrage communistes, surfant sur la lame de fond populaire en 1968, avaient su apporter, avec leurs limites et erreurs, des

éléments de solution. Et surtout, fait décisif, procéder à des expérimentations. Car pour atteindre la totalité heureuse des philosophes, la contemplation scientifique doit s'adjoindre la praxis, l'expérimentation. Celle de nouveaux rapports sociaux est indispensable, de nouvelles

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normes pour les structures de base de la vie quotidienne et, simultanément, des solutions d'architecture - plurielles - qui puissent les accueillir, les faciliter, les encourager et réconcilier ainsi  l'Homme (la Femme) avec son second corps, son corps social ! On en est en 2009 apparemment bien loin mais la taupe ne cesse de creuser et les échéances sont là, béantes. Les années post mai soixante huit avaient expérimenté des structures de décisions : la coopération à égalité entre trois acteurs dans une confrontation dialectique et équilibrée, l'habitant, l'architecte, le maçon (la politique, l'économique, la culture). Ce qui suppose pour se consolider une dynamique de fin du capitalisme (ce qui manqua cruellement au marcho-mitterrandisme). Un pouvoir démocratique réel des citoyens au travers du basisme, excluant mandarinat et bureaucratie municipale ou nationale. Des entreprises et banques autogérées. Leur rencontre avec une architecture où la collectivité saurait reconnaître et protéger la rare et  précieuse créativité anti-mercantile. Il suffit pour cela d'un peu d'imagination portée au pouvoir ! Pour les développements de cette pensée, fondée sur une pratique de trente ans, lire : Faut-il brûler les HLM, L’Harmattan)

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La Ville comme second corps, social, de l’homme

A l’automne 2005 toutes les ZUP de la charte d’Athènes ont connu plusieurs jours d’insurrections violentes, des milliers de voitures brûlées, des équipements dévastés, des batailles rangées contre les CRS. Slavoj Zizek, philosophe, note dans le monde du 3 juin l’absence totale de toute perspective utopiste positive chez les émeutiers. Déjà, en 1969, Guy Debord, dans la planète malade (Gallimard, 2004), évoquait dans les mêmes termes les révoltes américaines de Watts : 32 morts, 800 blessés, 3000 arrestations après l’intervention de l’armée : Ce n’est plus la crise du statut des noirs en Amérique, c’est la crise du statut de l’Amérique, posé d’abord parmi les noirs… La révolte de Los Angeles est une révolte contre la marchandise, contre le monde de la marchandise et du travailleur-consommateur hiérarchiquement soumis aux mesures de la marchandise… Derrière l’indignité à

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dépendre de la police, les Noirs rejettent l’indignité qu’il y a à dépendre des marchandises Slavoj Zizek constate notamment que le capitalisme triomphant partout – la fin de l’histoire selon Fukuyama – outre son dystopisme écologique, multiplie les nouveaux murs et bidonvilles, il produit en son sein des contradictions suffisantes pour empêcher sa reproduction perpétuelle… Ce n’est pas un accident malheureux mais un résultat inévitable de la logique intime du capitalisme global… La tâche essentielle du XXIème siècle sera de politiser – en les organisant et en les disciplinant – les masses destructurées des bidonvilles… D’accord avec l’analyse politique de fond de Zizek, il n’est sans doute pas inutile de la compléter par une réflexion sur l’édification de l’espace de ségrégation qui accompagne ce clivage de classe aggravé. Détour inattendu par la physique théorique… L’homme, réalisation ultime du cosmos, possède une double nature simultanément corpusculaire et ondulatoire qui rappelle la double structure intime de la matière, elle-même composée de particules élémentaires qui sont inséparablement des champs ondulatoires. Les champs collectifs qui agissent l’humanité sont eux-mêmes produits par l’activité d’individus singuliers, apparus au gré des distributions aléatoires des codes génétiques comme des mélodies biographiques, épigénétiques. Ces individus, aussi singuliers et doués fussent-ils, ne peuvent produire leur part de champ global qu’en assimilant et en échangeant avec les autres humains, y compris ceux des générations précédentes. Le caractère ondulatoire de l’homme est donc historiquement daté, d’environ six millénaires. Il s’appuie sur la possibilité d’une mémoire artificielle et transmissible de la collectivité. Il est lui-même un champ

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contradictoire, fondé dès l’origine sur la séparation en dominants et dominés engendré par la division du travail qui sous-tend la progression technologique vers un hédonisme chaotique. Ce qui permet d’envisager autrement la mort et le dévalement de l’être vers sa disparition : chaque individu revit dans son apport à la collectivité humaine, il ne meurt que partiellement. Cette dialectique contradictoire du un et du multiple exclut les simplifications symétriques d’une collectivisation écrasant, nivelant tous les individus dans une misère bureaucratique uniformément partagée. Comme du surhomme nietzschéen, sacralisant une hiérarchie darwiniste de valeurs humaines supposées à tort intangibles, héréditaires, siège de la volonté de puissance et du surhomme, concepts fixistes et non sans danger. Sur le plan de l’éthique, la défense du plaisir individuel est inséparable de celle du bien collectif. La plus grande valorisation morale personnelle est obtenue par l’engagement altruiste, au profit de la collectivité. Inversement l’exploitation d’autrui est un insurpassable déni moral.

La ville est le second corps, social, de l’homme. C’est le squelette minéral qui crée et protège la combinatoire des échanges économiques, politiques, scientifiques, artistiques, c’est l’enveloppe physique de l’édification des champs ondulatoires qui meuvent hommes et femmes. Sa langue architecturale invente ses propres rythmes, vocabulaires et grammaires spatiaux. Son apparition coïncide avec la division du travail, l’échange monétaire, la division en classes hostiles, la domination économique et politique, l’Etat. Le poète Hundertwasser a résumé les problèmes de l’édification de la ville dans une fable élégante :

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l’édification de la ville réussit lorsque l’habitant, le maçon et l’architecte coopèrent harmonieusement, sur un pied d’égalité. A l’origine des temps humains, les trois acteurs se résumaient en un seul, l’habitant, qui était son propre architecte et son propre maçon, dans l’habitat primitif dont des traces sont encore visitables et qui étaient harmonieusement adaptées au niveau faible atteint par les forces productives. Dans notre société industrielle hautement développée les trois acteurs sont toujours présents mais ils se sont largement complexifiés. Le développement des forces productives a entraîné la séparation inexorable du caractère des marchandises en valeur d’échange et valeur d’usage, entre la motivation économique spéculative et le souci hédoniste collectif.

Le maçon est aujourd’hui l’ensemble du secteur économique, entreprises, BET, banques, entités elles-mêmes contradictoires qui concourent à la construction et sans lesquelles rien ne se ferait mais dont la logique interne est mue par le seul intérêt économique immédiat, la recherche du profit, l’accumulation privée. Les soucis traditionnels de commodité et de solidité sont réels mais seconds par rapport au premier souci. L’architecte représente l’art de construire, la culture sensible, dans une discipline jadis éminemment reconnue, indissociable de la technicité constructive. Il doit partager désormais la maîtrise de la construction avec l’ingénieur. Sa dimension spécifique est donc – devrait être – l’esthétique, dans une conception élargie qui comprendrait de façon indissociable, avec les critères du beau, de la poésie, du support à l’imaginaire, la sociologie intime de la vie quotidienne, l’empathie urbaine, la kinesthésie, l’écologie...

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L’habitant est le destinataire. Il n’a dans les sociétés complexes aucune prise réelle sur ce qu’on lui construit. Même quand il édifie son propre pavillon, il ne fait qu’obéir aux normes en vigueur et reproduit les modèles diffusés par la publicité manipulatrice. L’urbain est un domaine privilégié de l’aliénation. L’habitant délègue ses pouvoirs, dans le meilleur des cas démocratique, à des représentants, qu’il ne connaît pas (en ville), désignés chaque 5 ans, qui échappent totalement à son contrôle en dehors de ces occasions périodiques. Les moyens modernes et spectaculaires sont alors utilisés pour lui vendre un produit préalablement formaté par les diverses bureaucraties politiques ou d’Etat. L’autoconstruction est donc une solution largement illusoire, il faut que l’habitant passe nécessairement par les deux autres intervenants. L’Etat a un triple rôle : censé représenter les habitants grâce aux élections, il est en premier lieu1/ l’outil de défense des intérêts économiques dominants. Inutile de développer, l’actualité nous donne suffisamment d’illustrations de la chose ;2/ il organise la société et son cadre pour faciliter l’exercice des rapports de production et la consommation, notamment dans l’organisation de l’espace ;3/ il joue un rôle d’organisation générale de la vie en société, faute duquel, en démocratie, il serait rapidement contesté voire éliminé (ex. : catastrophes naturelles, santé, éducation, etc.). Mais il tient ce rôle civique en fonction de sa nature politique, de son lien avec les intérêts de la classe dominante (CAC 40) qu’il ne cesse de servir. Enfin, particulièrement en France, agissant pour mener ces actions et soigner idéologiquement les défauts trop visibles du régime d’exploitation, l’Etat tend à développer des structures bureaucratiques (réglementation, péréquations sociales, etc.), à l’abri des contraintes du

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marché. La gauche réformiste a encouragé ce mouvement faute d’oser mettre en avant les seules solutions révolutionnaires qui soient : l’autogestion et le dépérissement de l’Etat capitaliste. Les structures bureaucratiques tendent à s’autonomiser et à peser, sans efficacité réelle, sur le fonctionnement général de la société, aggravant les aliénations multiples dont elle est le siège. Elles sévissent particulièrement dans le domaine de l’appareil idéologique (Université) pour produire le tissu des idées dominatrices. Enfin, des périodes historiques ont connu des gouvernements qui faisaient entrer partiellement les aspirations populaires dans les problématiques d’Etat. Demi-succès de la lutte des classes. Elles ont parfois laissé des traces en dépit de l’alternance de droite qui tend à les éliminer (retraites, sécu, 35 heures ou HLM, quartiers expérimentaux du 93). Habitant, maçon, architecte, nous avons affaire à une contradiction à trois termes. S’ils sont harmonieusement articulés la ville idéale devrait naître. Cependant la théorie du Chaos énonce qu’une contradiction ternaire ne peut avoir de solution linéaire. Ma thèse, fondée largement sur une pratique, c’est que la contradiction ternaire se résout dans la société de domination, à une contradiction binaire, voire à pas de contradiction du tout. Le secteur économique s’est soumis le domaine de l’architecture, lequel, sans le soutien des habitants, n’a aucun bataillon à opposer à l’horreur économique. L’institution architecturale est elle-même largement infestée par l’esprit de lucre.

L’Etat bureaucratique est pénétré depuis des lustres par les VRP des majors du bâtiment. Patrons et hauts fonctionnaires sortent souvent des mêmes écoles (Ponts et Chaussées). La direction de la construction a tenu

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longtemps le haut du pavé au Ministère parce qu’elle disposait des moyens financiers décisifs liés au logement social. Elle a toujours été une machine de guerre contre l’innovation architecturale, contre la ville sensible, proxémique, en dehors de courtes périodes où il fallait répondre aux aspirations post mai 68. Le secteur public de l’aménagement et de la construction que je connais assez bien pour avoir travaillé vingt ans dans une filiale aménagement de la Caisse des Dépôts, s’est toujours aligné sur le technocratisme privé le plus obtus. Un cadre s’occupait à la SCIC d’écarter les architectes imaginatifs. Parfait, PDG de la SCET affirmait aimer les architectes comme ses bretelles, pour leur souplesse… Les innombrables réglementations d’urbanisme n’ont jamais empêché l’horreur urbaine de s’édifier partout. Par exemple les prospects (H=L) qui doivent séparer les bâtiments n’ont jamais existé dans les quartiers médiévaux ou méditerranéens qui enchantent les touristes, leur qualité urbaine est pourtant liée à l’étroitesse des voies qui confèrent ce caractère protecteur aux ruelles de Ligurie, des Cyclades ou du M’Zab… Henri Lefebvre a le premier étendu les concepts d’un marxisme ouvert à la réalité urbaine, en sortant du schématisme hérité d’Engels qui ramenait la question du logement à celle des salaires…. Devant la prolifération des ZUP au cours des trente glorieuses, il a montré comment la vie quotidienne était la base de toute ambition politique transformatrice. Comment celle-ci était profondément aliénée par le cadre de vie que le capital lui construisait partout, dans les grands ensembles de la charte d’Athènes, cette bible schématique édictée par Le Corbusier sous Pétain. Henri Lefebvre dénonça comment la valeur d’usage de la ville était remplacée par la seule valeur d’échange et

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détruisait ainsi tout plaisir urbain, jusqu’à devenir un élément suicidaire pour l’espèce humaine. Les hors d’échelle, le zonage, la monofonctionalité, les quadrillages, les formes répétitives trop simples des cellules d’habitat ou de bureaux, les barres, les tours, l’urbanisme du chemin de grue, les no man’s land bituminés, la pauvreté affligeante de l’architecture produisaient ce qu’il résuma dans le concept fort d’antiville. Cette domination du champ économique s’est répercutée dans la théorie urbaine et architecturale. Le Monde s’est fait l’écho de deux débats, le premier concerne l’offensive idéologique en faveur des gratte-ciel, l’autre une polémique à propos de l’œuvre emblématique du Corbusier, l’église de Ronchamp. Le Corbusier est aussi, outre ses chefs d’oeuvre architecturaux, le théoricien implacable de la ligne droite contre la courbe qui serait « le chemin des ânes », de l’angle droit, du zonage, de l’hygiène, de l’ordre, de la taylorisation de la ville, des calamiteux plans Voisin et plan Obus pour Paris et Alger : les six premiers arrondissements de Paris rasés au profit d’une forêt de tours ! Ses théories simplistes sont nées après le cataclysme de 1914, en même temps que les totalitarismes hitlériens et staliniens à qui il n’a cessé de vouloir vendre ses funestes modèles urbains. La discrétion du projet (enterré) de Piano pour Ronchamp respectait la très belle œuvre du maître. Les ZUP qui deviennent des ghettos et qu’on brûle sont des répliques exactes d’un totalitarisme panoptique construit. On veut réhabiliter aujourd’hui la construction de gratte-ciel sans aucune autre justification que la spéculation induite par leurs multiples niveaux quand l’économie d’échelle est nulle, le seul motif est l’enrichissement sans cause par la spéculation foncière. La concentration des emplois de bureaux sur un même site

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perd sa raison d’être, avec les progrès des réseaux informatiques et le développement du travail chez soi. Le hors d’échelle génère l’uniformité et traumatise les habitants. Les plans du Corbusier pour Chandigarh en Inde offrent l’image d’un pouvoir absolu, celle d’objets architecturaux parfois frustes posés sur un immense no man’s land qui attendront en vain les foules domestiquées ! Niemeyer a repris les mêmes dispositions à Brasilia, aujourd’hui mitées par l’appétit inexorable des promoteurs qui construisent n’importe quoi dans les vides, tandis que le peuple croupit dans les favelas périphériques sous équipées. Ceci n’est pas un débat anachronique, daté de 1923. Les vingt écoles d’architecture, les vingt écoles d’urbanisme, à quelques exceptions près, n’enseignent que Le Corbusier, en ignorant à peu près le vrai personnage qui domine toute l’architecture du vingtième siècle, FL Wright, libertaire et écologique avant l’heure, auteur infatigable dans ses huit cent projets, d’innombrables inventions de formes organiques, humaines, intégrées à la nature. Nombre d’autres architectes modernes talentueux et soucieux du sort, du plaisir des habitants pour qui ils construisaient sont également ignorés. La statue du commandeur et ses simplicités formelles légitime les fausses vedettes du cénacle parisien où l’Institut Français d’Architecture a formaté les médiocres grands prix à la chaîne, la médiocrité de l’enseignement souvent bavard et sans grand projet, sans leaders qui soient de vrais innovateurs. Les rois médiatiques sont tout nus, ils inventent peu, souvent les mêmes barres et tours. Le hit parade de l’architecture française est biaisé. L’Olympe peuplé de fausse valeur. D’innombrables institutions s’occupent d’architecture et il ne s’en fait que très peu sur le terrain. Quelques bâtiments ici ou là présentent des

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façades orthogonales bien dessinées, comme en en faisait déjà avant la guerre de 1939.

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Team Ten et Montrouge à Chaillot,

Des choses commencent à changer très lentement. Team Ten est exposé. Ce sont des critiques de la charte d’Athènes et du style international qui datent de 1956. Ils mettent en cause le zonage, la massification, le hors d’échelle. Ils prônent les agrégats de dimensions modestes, la forte densité faible hauteur, l’échelle de la cime des arbres, la participation des habitants, la mixité des fonctions et des classes, la complexité des formes, la clarté labyrinthique. Une seconde exposition complète la première, elle montre l’atelier de Montrouge, haute phalange d’architectes qui dans les années soixante a porté plus loin les idées de Team Ten. Mais elle manque son but car il n’y figure aucun projet de son artisan majeur, Renaudie grand prix d’architecture. La raison en est simple, après 7 ans de travail en commun l’atelier explosera en 1967, sur le projet de la ville nouvelle du Vaudreuil. Splendide utopie,

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Renaudie construit une ville collinaire sur les falaises en gradins et lui fait franchir ensuite la Seine puis s’éparpiller dans les lacs, les ballastières creusées dans la vallée. Il expérimente le principe des terrasses plantées en pleine terre qu’il développera à Ivry cinq ans après. Le projet est refusé par les ingénieurs des Ponts, et l’entreprise déjà choisie. Un plan misérable sera établi par les autres membres de l’atelier, c’est celui qui est construit aujourd’hui, une ville informe, incohérente qui ne trouvera jamais sa vie urbaine. Renaudie condense et transfigure les idées de Team Ten. Son gradin jardin pyramidal prend le contre-pied de la charte d’Athènes. En opposition avec la cellule standardisée du Corbusier reprise par les ZUP, chaque logement collectif possède un dessin original qui échappe à la fatalité de l’orthogonal. Il dispose d’un petit jardin suspendu qui offre des occasions d’échange avec les voisins, qui élargit les visions, loin de la terrifiante verticalité des tours. La végétation couvre le bâtiment et dialogue avec le béton, l’adoucit, le colore. Dans le même bâtiment, d’autres fonctions que le logement, équipements, activités, services, commerces, etc., doivent s’intégrer, prétextes à traitements architecturaux inédits. Un travail considérable pour le concepteur, d’où sans doute la rareté des émules ! Pour oser être un peu plus théorique : les théories fractales offrent une justification supplémentaire à sa démarche : celle de l’autosimilarité. Comme dans les tapis de Sierpinski, si on fait varier l’échelle, du micro au macro, les mêmes formes calculables se reproduisent en urbanisation spontanée, des agglomérations géantes au quartier : l’ambition de Renaudie c’est de pousser jusqu’à son terme cette autosimilarité du complexe jusqu’à la forme déchiquetée du logement qui fuit les solutions quadrillées trop simples. Cela rejoint un des piliers de

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Team Ten, Aldo Van Eyck, disant « une maison est une ville, une ville est une maison », reprenant en cela l’organicité des formes, chère à FL Wright, un arbre est une feuille, une feuille est un arbre… Pour Wright les volumes partent du cœur de la maison pour s’épanouir et rencontrer l’extérieur, dialoguer avec la nature, le site. Renaudie s’inspire des recherches de Murard et Sylberman sur le prolétaire régénéré : la standardisation du logement, le goût exclusif pour le rectiligne et l’orthogonal qui sont présentés souvent comme une invention du génie corbusien ne sont en fait que la reprise des plans définis par de Wendel au début du 19ème pour ses corons destinés à dresser les petits travailleurs infatigables, dans le droit fil de Bentham et de son plan panoptique. Renaudie puise aux idées de Bachelard sur les relations entre l’imaginaire et la forme de la maison, des rôles dans la rêverie constructrice des personnalités, de la cave, du grenier, du nid, de la coquille d’escargot ou d’huître, douce à l’intérieur, rugueuse à l’extérieur, etc. A celles de Bruno Bettelheim sur l’impact des formes intérieures de l’habitat sur le mieux vivre, la sérénité des ses patients autistes… Il est passionné par les habitats primitifs, villes médiévales, dogons, Yéménites, Rajasthan, minorités chinoises, Anasazis, etc. Comme Wright avec son Broadacre city, il rêve d’une ville desservie par les autoroutes et le rail mais conçue en petites unités à l’échelle du piéton et non selon les principes de ces réseaux nécessaires à la desserte mais non pas à l’intérieur de sa ville empathique. C’est ce que défend aujourd’hui Mme Choay, la grande urbaniste, quand elle parle de la ville prothétique qu’il faut fuir et de la ville proxémique à laquelle il faut tendre. Renaudie est enfin l’architecte de l’autogestion : sa mairie de Villetaneuse n’était pas un monument monobloc du pouvoir mais un éparpillement parmi les logements de

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services publics de proximité, proche des citoyens ! Son ministère de la justice faisait également s’étager des terrasses plantées, à la manière d’un quartier d’habitat accueillant plutôt que d’une image répressive. Mai 68 a connu une forte contestation de la charte d’Athènes. Mais outre la tendance fructueuse de Team Ten, une autre s’est fait jour qui l’était moins. Celle d’un retour au passé, aux alignements haussmanniens où nombre de petits maîtres pouvaient à nouveau tracer des lignes droites et des plans de logement répétitifs avec de mornes façades, toutes pareilles : les historicistes, bientôt mués en post-modernes, accumulaient en façade plate des brins incohérents de décors chipés au mouvement moderne et collés sans grâce aucune, dans des immeubles inexpressifs et ternes. Cette voie facile et régressive, jointe à celle des incorrigibles corbusiens a défait les tenants créatifs de Team Ten. Postes, commandes, articles, livres et prix, ont été captés par ces deux écoles de pensée, dévastant la création architecturale française. L’essentiel est de capter la commande, d’emprunter aux banques, d’avoir des batteries d’ordinateurs, de sortir des images de synthèse sans inventions qui jettent la poudre aux yeux des clients médusés ! On en est toujours à peu près là ! Les ZUP ont fonctionné cinquante ans comme condensateur social : les pauvres, surtout les migrants ont remplacé les Gaulois un peu moins pauvres qui vont se saigner pour accéder à la propriété du pavillon Giscard, strictement anti-écologique quand il détruit allègrement ce qui reste de campagne à la lisière des villes horribles.

M. Borloo a eu la velléité de démolir les pires ZUP mais il n’avait aucune idée, ni personne d’autre dans un gouvernement d’une inculture crasse sur ce qu’on pouvait reconstruire à la place : une politique qui confine à

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l’absurde quand chacun crie à la crise du logement social ! Pis, son ANRU s’est efforcée, par attitude de classe, «pour effacer mai 68 », d’injecter des milliards pour démolir les quartiers exceptionnels que la mouvance de Renaudie avait construit en banlieue grâce à quelques maires communistes inspirés. Aujourd’hui, lamentablement, leurs successeurs, entre deux manifestations pour les mal-logés, se font acheter par la droite et veulent démolir Villetaneuse ou Pierrefitte pour reconstruire à la place des insanités de promoteurs : scandaleux. Ce sont les gestionnaires eux-mêmes qui vandalisent les logements libérés ! Quand les convictions du peuple furent ébranlées par le séisme de mai, si la conclusion politique a été piteusement la régression de l’époque Marchais - Mitterrand, la fuite vers une manière de soviétisation bureaucratique, l’idéologie n’a pu rapidement retomber dans son hébétude marchandisée, aliénée.

Dans les pouvoirs de base de la gauche municipale, une vingtaine de lieux privilégiés, à des niveaux divers de prise de conscience et d’ambition, ont saisi des opportunités pour pratiquer d’autres méthodes constructives, Grenoble, Alençon, Rennes, Nantes, Reims, Grande Synthe, Hérouville, Roubaix, Ivry, Givors, Aubervilliers, Saint Denis, Blanc-Mesnil, Stains, ont entrepris des démarches exemplaires.

Par quoi se caractérisaient-elles ?

Au hasard des rencontres avec des architectes plus ou radicaux et inspirés, le fond était le refus des anciens us et coutumes, la volonté de réaliser avec le peuple et pour lui,

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de faire du beau, quelque chose comme des palais pour les travailleurs, comme le souhaitait Brecht. Sans mésestimer d’autres expériences plus prudentes, c’est autour de l’œuvre de Renaudie que l’expérimentation a pris tout son sens d’un défrichage de l’avenir. Un maître d’ouvrage remarquable, Raymonde Laluque, après mai 68, prit ses distances avec la politique politicienne et fut nommée directrice de l’office de HLM d’Ivry. Avec une sensibilité et une énergie rares, elle décide de construire les propositions de Renaudie, ses logements triangulaires, pourvus de terrasses avec trente centimètres de terre. Elle y réussit, dans le cadre de normes et de la légalité en vigueur. La Sodédat 93 a repris cet exemple et multiplié pendant vingt ans les quartiers innovants, avec Renaudie, Gailhoustet, Buczkowska, Porro, Kroll, Team Zoo, puis une foule de jeunes, de valeureux étrangers, élargissant son effort à la construction de 35 collèges neufs pour le Département. Cet effort était marqué par une intransigeance sur la qualité de l’architecture, il rejetait les approximations, les pressions népotiques. Aux difficultés habituelles de la maîtrise d’ouvrage, coincée entre les élus somnolents et l’entreprise avide de profit, il ajoutait la volonté opiniâtre d’aider ces architectures exigeantes à voir le jour. Le débat avec les citoyens et les futurs habitants était investi chaque fois que les élus l’acceptaient. Plus de 2000 logements dérangeants virent le jour. La preuve était administrée que l’urbanisme, que l’image de la ville pouvaient être tenus totalement par les élus, dans les conditions normales du marché libéral (sans même de bouleversement violent des institutions). Bien entendu, il y eut de grandes inégalités d’une ville à l’autre, de fortes résistances s’exprimèrent chez les élus

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les plus retardataires ou pusillanimes, les anciens architectes mercantiles, écartés, s’ingénièrent à déstabiliser la jeune équipe, comme parfois aussi la Caisse des Dépôts qui participait à la gestion de la société. Le bilan de vingt ans est assez remarquable. Bien entendu, l’expérience prit fin, le directeur à 60 ans pile fut remercié et la même société sombra en 6 mois dans l’incurie bureaucratique habituelle. Des leçons peuvent cependant être tirées de ces essais de laboratoire. En premier lieu une critique des résultats obtenus bons ou moins bons, une sélection des solutions architecturales. Celle-ci par exemple, les urbanistes qui affirment pouvoir encadrer la mise en oeuvre de l’urbanisation par des règles écrites, sans se préoccuper d’architecture et de créativité se trompent, l’exemple du centre ville manqué de Drancy ou le traitement de l’espace des 4000 de la Courneuve le montrent.

Plus généralement ces résultats comme l’abandon sans phrase de la démarche montrent combien les institutions démocratiques traditionnelles sont largement viciées. Des élus potentats, des cadres bureaucratisés enlisent tout effort volontaire et créatif. Si la base populaire ne va pas inventer elle-même des techniques d’aménagement, des solutions sociologiques nouvelles ou une esthétique inspirée, toutes les tentatives d’association des gens ont montré la fécondité de telles pratiques et l’accord spontané aux initiatives les plus intéressantes, ainsi des collèges où l’élève invité au jury choisissait souvent le meilleur projet architectural. Il est urgent de réformer l’échelon de base de la démocratie, comme y invitait H Lefebvre dans son ouvrage de 68 sur les évènements de mai : urgent d’occuper le vide immense entre la famille et les structures d’Etat opaques, par l’activité de comités de quartier élus

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qui contrôlent et le maire et les hauts fonctionnaires, voire qui reprennent une partie des tâches municipales. A l’inverse, certaines propositions théoriques de Henri Lefebvre sont plus discutables, dans son livre « la production de l’espace ». Elles tendent à faire de l’espace un rapport de production (?) et débouchent sur le mot d’ordre post mai soixante huitard : changer la ville pour changer la vie quand il faut mener parallèlement l’un et l’autre.

Le quartier de Pierrefitte les Poètes, ou même celui de Villetaneuse montrent que fournir un quartier doté de toutes les qualités urbaines imaginables à l’époque et dans la limite des prix plafonds, n’implique en aucune manière le redressement spontané d’une vie sociale matraquée par l’inégalité et le sous emploi. Un beau quartier peut aussi se transformer en ghetto si la réforme démocratique et sociale n’est pas au rendez-vous. Il aide cependant ses habitants à tenir contre la dépression comme le montrent Blanc-Mesnil ou Aubervilliers. Rien ne peut remplacer le créneau politique, la lutte des intéressés. A l’autre pôle, la démocratie la plus large, la plus participative ne mène pas obligatoirement à la rencontre avec l’excellence architecturale, rien ne peut dispenser de l’investissement personnel dans la culture vivante, multiforme, souvent cachée, en premier lieu en matière de culture urbaine, si mal partagée, y compris chez ses soi-disant spécialistes !

La conclusion, c’est que dans le conflit ternaire sans solution linéaire entre le maçon, l’architecte et l’habitant, l’urgence est à conclure une union solide entre la création de pointe et la démocratie de base. Ainsi seulement peut-on opposer à l’horreur économique une force qui l’équilibre enfin et qui permette (entre autre) l’édification

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d’une ville vivable, témoignage minéral de la réussite d’une bonne vie. Pousser la radicalité des deux extrêmes : la démocratie et la pertinence rationnelle jusqu’à leur terme. Solution rien moins qu’évidente que nous avons tenté de mettre en œuvre pendant quelques vingt ans non sans certains bonheurs ! Après ces nombreux détours par la technique, l’esthétique, la sociologie concrète, la politique, l’idéologie ou la théorie fractale ou du chaos, on ne peut que revenir à la question essentielle. Comme l’écrivait Guy Debord en 1967 et contrairement à toutes les sirènes réformistes qui foncent à la vitesse de la lumière vers le trou noir du libéralisme, la question est bien d’en finir avec le capitalisme. L’enseignement du cruel vingtième siècle indique que cette nécessité désormais vitale pour la survie de l’humanité ne s’obtiendra pas par quelque miracle de violence révolutionnaire, ou par le surgissement transcendantal d’une vérité platonicienne selon Alain Badiou, mais par la pratique politique quotidienne, l’ardeur démocratique, l’appétit insatiable de culture rationnelle et sensible. Faute de quoi, la planète fonce elle aussi vers la catastrophe écologique. Les gratte-ciel fussent-ils signés Nouvel sont les symboles de la croissance aveugle, de l’accumulation spéculatrice exponentielle, de l’inégalité creusée vers la tombe, la revendication du développement durable doit être participationniste.

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Grands Prix et Grands Ensembles. Sur une intéressante publication de la direction de l’architecture.

L’Anru, nouveau monstre ultra-centralisateur et bureaucratique, se propose de démolir 250 000 HLM dans 500 grands ensembles (700 connaissent des difficultés sociales, bas salaires, chômage, ghettoïsation, etc.) et d’en réhabiliter 400 000. Sa direction qui décide souverainement du remodelage de centaines de sites sinistrés n’a pas la moindre culture en urbanisme ou architecture. Technocrates au front de taureau. Les préfets, ces artistes, sont ses antennes directes, court-circuitant les autres services de l’Etat, notamment cela va de soi, la Culture. La stupidité aveugle du système économique préside à leur décision en dehors de toute considération esthétique ou plus largement humaine. Critère unique : pour la Finance ce foncier est sous-utilisé. Un problème immédiat est posé. Par quoi va-t-on remplacer ce qu’on démolit ? Aucune politique de la qualité urbaine n’est mise en place. Des architectes de réputation sont les auteurs de certains projets menacés par la rage de l’Anru. Aillaud, Candilis, Dubuisson, Zehrfuss, etc. La direction de l’Architecture siège à l’Anru mais sur

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un strapontin : elle ne participe pas aux décisions d’engagement des opérations, elle n’en est que la caution. Sa stratégie (?) est de convaincre peu à peu les horribles décideurs de réfléchir avant de casser (le loup doit méditer avant de dévorer les petits cochons). La DAPA a dressé une liste de cent vingt grands ensembles dont cinquante sont déjà dans la moulinette de l’Anru. Y est jointe une analyse énumérant leurs qualités (?), censée permettre de réfléchir à leur préservation éventuelle. Face à son impuissance grandiose, la DAPA glisse, selon le flux dépressif de l’intelligence sensible, vers la réhabilitation cette fois idéologique et globale des banlieues sinistres et, naturellement de la charte d’Athènes qui les avait inspirées. Mauvaise cause et méthode Coué : il faut convaincre que ce n’était pas si mal que ça ! Légitimer les ZUP de la honte permet aux gros cabinets médiocres de poursuivre leur pratique mercantile en ajoutant au chaos général leur apport ineffable, ce que justifient théoriquement les Rem Kolhaas et autres Fuksas. M. Chassel, grand chef patrimonial, ose même parler d’une épopée des grands ensembles, rien moins ! Epopée bureaucratique et mercantile à tout le moins : standardisation proliférante, plans-masses ultra-simplifiés suivant le chemin de grue pour accroître le profit d’entreprise (et d’agence), zonage et négation de la mixité des fonctions, entassement, stérilisation de toute diversité, de toute sensibilité formelle : c’est de l’antiville qui a été ainsi construite, le constat d’Henri Lefebvre ou de Françoise Choay s’est mué dans les salons de la rue Saint Honoré en « déni » des élus et de la population à l’égard d’une période faste de la création constructive qui avait enfin amené la salle de bains aux Français ! Il en résulte une publication Faut-il protéger les grands ensembles ? où sont interrogés les grands prix nationaux

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de l’architecture. Nouvel et Porzamparc, nos fuligineux Pritzker, n’ont pas daigné répondre. Le contenu même des questions tend à amener des interviewés souvent réticents à adopter les positions amnésiques de la DAPA. Les réponses des huit premiers grands prix, au contraire, avec certes bien des nuances selon leurs convictions et itinéraires, reprennent la contestation des barres et tours qui a marqué leur cursus, pré et post mai soixante-huitard. Il ne peut s’agir d’hypostasier en bloc cette génération diverse par le talent, de Chemetov, auteur de sept grands ensembles à Andreu qui a bâti son superbe opéra de Pékin sur l’éradication de merveilleux hectares de hudongs traditionnels ou à Vasconi dont la sensibilité des derniers projets est quelque peu évanescente, Androt-Parat qui ont industrialisé le gradin-jardin, etc.

La première question répète chaque fois avec insistance deux exemples récents, Renaudie à Villetaneuse et Aillaud à Pantin, tous deux menacés et sauvés. Une liste des talents de cette époque poursuit la confusion et mêle encore le grain et l’ivraie, Renaudie, contempteur déclaré de la charte d’Athènes, avec les faiseurs de ZUP : Zehrfuss, Tambuté, Dubuisson, Perret, Candilis, Pouillon, Labourdette, Boileau, Lods. Le guide de l’architecture française (1945-1983) , signé Marc Emery et Patrick Goulet, ne fait mention ni de Tambuté ni de Boileau Labourdette, Dubuisson n’est cité que deux fois, Zehrfuss davantage mais surtout pour le CNIT et l’UNESCO. Ces valeureux anciens n’étaient pas sans talent, Aillaud notamment qui a introduit des courbes, de la couleur, une certaine poésie dans ses ZUP, Candilis qui supportait Team Ten. Mais ils suivaient comme les autres la règle d’or corbusienne : une cellule d’habitat soigneusement rectangulaire et standardisée qui proliférait à des milliers

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d’exemplaires, des plans masses orthogonaux et monofonctionnels d’une effarante pauvreté d’invention. Dubuisson à Montparnasse a bien dessiné une cellule intéressante mais sa prolifération sur quinze étages et trois cent mètres au-dessus des nuisances de la gare en fait difficilement un humaniste de l’équerre. Le Mirail de Candilis, contrairement à ses agréables villages vacances à un seul niveau, introduit timidement les coursives et un vague zigzag dans sa barre mastoc mais tous les éléments de la surdensité, de la standardisation, de la pauvreté des formes à vivre y restent durement inscrits. L’effondrement social, s’il tient également à d’autres causes, n’en a pas moins été encouragé, amplifié, cristallisé dans ces défauts criants d’architecture et d’urbanité qui ont précipité la formation de ghettos, encouragée par l’accession au pavillonnaire. L’exclusion a trouvé son cadre idéal, conçu dans un même mépris des hommes. Il n’est pas étonnant que, sur la carte, les explosions sociales de 2005 recouvrent exactement les zones de la charte d’Athènes, comme l’a fait remarquer Lucien Kroll, artisan inlassable de leur remolition. La DAPA qui a perdu beaucoup de temps à cet inventaire, tend à diluer le scandale réel qui est de casser Renaudie ou ses émules (Pierrefitte). Ceux-ci, pointe avancée de la recherche architecturale de l’époque, s’efforçaient de donner une réponse antithétique à la réduction à un numéro matricule de chaque Français : convivialité et autonomie des imaginaires. Ce patrimoine infiniment précieux n’a jamais encore été dépassé, il mérite un examen critique qui permette à l’invention d’espaces de reprendre et d’aller au delà. Il aurait fallu s’interroger sur ce point : la comète architecturale de Team Ten, qu’on commence un peu à redécouvrir, a dès 1956, violemment contesté la charte d’Athènes, mère, par

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son hygiénisme et son zonage, de ces dérives tragiques, après les simplifications supplémentaires opérées par le Corps des Ponts. Mais après 68, Team Ten a été effacé du débat par la déferlante des post, historicistes de Huet, corbusiens de Ciriani et depuis par toute espèces de conceptualisations phlogistiques et capitulardes devant l’horreur économico-bureaucratique… Mais examinons les réponses de nos Grands Prix. Elles ne laissent pas d’être passionnantes : les huit anciens réfutent obstinément le révisionnisme de la DAPA. Rien ne peut remplacer bien entendu la lecture in extenso de leurs interviews.

Paul Andreu (1977)

Je partage le désamour de ces ensembles sans trouver forcément que c’est mieux après.… leur capacité à s’adapter avec le temps à un certain nombre de besoins différents me semble extrêmement faible… L’obsession des gens pendant les trente glorieuses était de dire : « on va faire des logements comme on fait des voitures »…Or on se débarrasse des voitures une fois amorties. En dehors de quelques rares modèles, un pour cent mille… le reste va à la casse…

Quand les gens pleurent sur les démolitions, ce n’est pas sur les barres qu’ils pleurent c’est sur eux, sur leurs souvenirs… Conserver des bâtiments présuppose des dépenses et engendre le risque que seuls les riches aient finalement les moyens de les habiter. Et s’il se trouve que c’est vraiment trop petit, trop mal foutu pour que les riches aient envie d’y aller, cela ne sert à rien de s’acharner…

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Je ne vois pas pourquoi on assassinerait aveuglément tout le passé, mais je ne vois pas pourquoi on garderait tout maladivement, même ce qui n’est pas bien… Quand on est face à une architecture fonctionnelle, la sanction est inévitable quand la fonction n’y est plus… Si les bâtiments ne possèdent aucune grâce en dehors des normes de l’époque, démolir est certainement la solution sur le plan économique… Est-ce vraiment bien d’habiter dans une réalisation d’Aillaud ? Je me pose sérieusement la question… ce côté esthétisant, le fait qu’il compare les ouvertures de ses bâtiments de Nanterre au Palais d’été, ce genre de choses ne m’apparaît pas toujours juste même si c’est drôle, intéressant… Je pense que Renaudie avec ses idées plus simplistes sur les vis-à-vis, les terrasses… rendait infiniment davantage service aux gens. Tout cela me paraissait plus près de la vie de tous les jours que le fait de savoir si on voyait le paysage à travers une feuille ou une larme… La cité radieuse de Le Corbusier : le bâtiment n’est pas comme les autres, il est plus fort, plus intéressant avec quelques restrictions : c’est petit parce que Le Corbusier était un hygiéniste doloriste un peu rabougri… Il ne méritait pas que Malraux parle le jour de sa mort ; il avait quand même son bureau à Vichy ! … mais Ronchamp est une œuvre de génie et ce qu’il a fait à Firminy est très bien. Commission d’aide à la décision des maires : il ne faut pas de fonctionnaires de la mairie ! Beaucoup de démolitions sont le prix d’une attitude irresponsable dans la construction à une certaine époque…Les gens voulaient après la guerre quitter la campagne… Mais après le rêve s’est incarné dans des endroits de mauvaise qualité, qu’on pourrait pour la plupart ficher en l’air…

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Ces bâtiments volontairement sans qualité ont fait leur temps : ils sont amortis et nous sommes aussi bons qu’étaient les autres.

Claude Parent (1979)

Mais tout cela était de l’ordre du discours théorique et rien n’avait été mis en pratique…

Le Corbusier avait voulu marier philosophiquement l’industrie et l’architecture… il expliquait qu’on pouvait construire des maisons comme des voitures, ce qui était une erreur majeure de l’industrialisation… Marcel Lods qui était considéré comme une grande vedette à l’époque, n’était pas du tout considéré par Prouvé. Quand il a présenté son projet de 100 logements pour Sotteville-les- Rouen, j’étais assis à côté de Prouvé qui n’arrêtait pas de me dire : « Ah mais quel con ! Quel con ! Il ne comprend rien à l’industrie ! » Il faut dire que Lods n’arrêtait pas de parler de boulons ce qui avait le don d’exaspérer Prouvé pour qui l’industrie ne se limitait pas au boulon mais à la pliure et la soudure de tôles d’acier nervurées…

Labourdette : un homme très intelligent qui s’est entendu avec l’entreprise, l’Etat et dès lors s’est mis en place une espèce de consortium Etat/Architecte/Entreprise/ Financement qui a fait depuis la preuve de son efficacité. Le chemin de grue et un peu plus tard, le coffrage tunnel sont nés de ce monopole logistique et financier … Ces architectes avaient inventé deux éléments essentiels : le plan-masse et leur capacité à la technocratie pour devenir quasiment les patrons technocratiques des chantiers. On peut dire que

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Labourdette a été le Speer de l’architecture sociale… Ce qui choquait c’était l’absence de langage architectural. Labourdette c’était de la pauvreté, de la sécheresse… ils appliquaient la confusion des idées, appauvrissaient le fameux concept santé/soleil de la charte d’Athènes, jetaient l’anathème sur les vis-à-vis, les cours, et rendaient les espaces vides, certes très articulés mais réellement désespérants… La SCIC, le bras armé de la CDC avait compris qu’il suffisait de dessiner un plan-masse avec de vagues réminiscences néo-plasticiennes et de dire « c’est du social ». C’était cela l’alibi suprême qu’on aurait pu graver sur le fronton de la CDC. Cités-dortoirs, HLM, Grands ensembles, banlieues qui mettaient tout sur le même plan, y compris les grands espaces, … en déclinant une architecture d’une indigence totale… Le Grand ensemble a ségrégué avec la meilleure volonté du monde… on a fait « des compressions » d’individus présentant les mêmes références, les mêmes handicaps et on les a parqués dans des cités impénétrables…

Paul Chemetov (1980)

Après démolition de 250 000, il restera 3,3 millions de logements collectifs. Tout ce qui a été construit durant ces vingt ans (1955-1975) va arriver à obsolescence. Rien n’est éternel sauf les bâtiments historiques…Tous ceux qui ne seront pas classés monuments historiques dans quarante, cinquante ans seront détruits par l’homme, en raison de l’écart trop grand entre la valeur foncière et la valeur d’usage puisque les Grands Ensembles ont une valeur foncière supérieure à leur valeur d’usage…

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Les grands ensembles ont popularisé le confort dit moderne. Mais leur problème est celui de la répétition. La répétition est un principe musical ; elle peut être un principe architectural à condition que s’y ajoutent des variations, des harmoniques que j’appellerai des câlineries… L’ANRU construit souvent des logements sans aucun intérêt architectural… Les grands ensembles ont été une tentative pour loger tout le monde, certes brutale, industrielle, répétitive, tout ce qu’on veut mais tout cela a abouti à une réponse concrète…

Claude Vasconi (1982)

Il faut classer ces bâtiments (de Renaudie et d’Aillaud) et non les démolir…mais le meilleur peut côtoyer le pire, les choses qui sont effectivement insupportables parce qu’elles sont incroyablement mal vécues et ne sont plus vivables et il n’y a pas lieu de garder les plaies infinies irréparables, on le sait bien…

L’idée (des villes nouvelles) était de créer cette mixité en bâtissant les équipements en même temps que les logements, et de ne pas reproduire l’erreur des grandes ZUP et de leurs cubes construits au milieu de nulle part… Mais Chalandon est arrivé et a vendu à l’encan les milliers d’hectares que l’Etat avait expropriés à grands frais… le pire est le moment où Giscard est arrivé en disant : « je veux que chaque Français est sa maison individuelle »… ce fut la ruée des promoteurs, un Far West où la France était à vendre… Il faut mettre un terme au mythe français de la maison individuelle…

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Les Solal-Balkany rapportaient des USA les shopping-centers en plaquant purement et simplement la recette américaine sur le territoire français… Ils ont ratiboisé les petits commerces et les artisans du pays, ils les ont acculé à la ruine à coups de centres commerciaux…Tout ceci est un système généralisé et organisé de prédation : la ville est tombée entre les mains de prédateurs : les politiques (l’Etat ou les collectivités territoriale) ou les acteurs privés… Aujourd’hui, la Sorbonne organise des cours du soir pour les vieux qui ne savent pas quoi faire et il n’y a plus un étudiant dans le quartier latin… Le Ministère de l’équipement est à démanteler, pour qu’on arrête enfin de faire des routes et des ronds-points, parce que la destruction du territoire français qui s’accélère au quotidien se fait non seulement par le bâti mais aussi par les infrastructures violentes, les ronds-points et les déviations qui prolifèrent, les platanes qu’on sacrifie alors qu’il leur faut trois cents ans pour atteindre une hauteur respectable !... Nous sommes minables et incultes !...

Cette rupture (de la reconstruction) rude et traumatisante, cette urgence ont permis à certain de se faire du pognon à coups de chemin de grue. Mais je préfère encore ça à la maison du Far West, généralisé sur tout le paysage français… La moindre réunion pour décider du plus petit projet comme l’implantation d’un gymnase, représente une vingtaine de personnes issues des collectivités territoriales différentes, c’est du délir… En Allemagne les projets sont systématiquement exposés et débattus, de préférence en amont et une fois le projet choisi on le montre, ce qui ne se fait que rarement en France…

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Edmond Lay (1984)

… Pour ma part, j’ai toujours refusé de travailler sur les grands ensembles... Je n’étais pas d’accord pour travailler sur ces plans-masses que je trouvais simplistes, sur la multiplication des mêmes cellules sur tous les niveaux. Tout cela pour moi était inacceptable… les décideurs, souvent polytechniciens, avaient un rôle important, parfois même ils allaient jusqu’à dessiner les plans, puis décidaient de ce qui devait se faire… Mon admiration pour Le Corbusier, grand architecte, artiste, s’arrête à l’architecture : en ce qui concerne l’urbanisme, je ne partage pas ses vues… L’avis des habitants est très important et doit compter pour 50%. Certains bâtiments peuvent être démolis sans que cela pose problème quant à leur valeur. La vraie question, c’est « démolir pour quoi faire à la place » ? Dans la plupart des cas cela pourrait être tellement mieux avec des logements plus confortables, plus agréables à vivre. C’est à propos des constructions scolaires que je serais le plus virulent : là il faut démolir plus qu’ailleurs, pour renouveler les pratiques d’enseignement, apporter plus de libertés. N’oublions pas que c’est là que nous formons les jeunes qui y passent quinze ans de leur vie…

Michel Androt (1985)

Les grands ensembles ayant pour géométrie créatrice les « chemins de grue » peuvent faire l’objet d’intervention partielle…

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(Les cités jardins d’Henri Sellier) sont de bons exemples par la qualité de leur construction, leur situation à proximité d’un tissu urbain constitué, et d’une population stable où l’intégration d’une population étrangère se faisait au goutte à goutte sur une longue période… Des densités trop fortes de logements posent des problèmes que ni l’urbanisme ni l’architecture ne sauraient résoudre de même qu’un grand nombre de logements desservis par le même escalier pose des problèmes d’intégration… Parat et moi, jeunes architectes, réagissions contre « les barres de chemin de grue » et les « lotissements dévoreurs d’espace »... Nous avions mis au point un projet d’habitations superposées en « gradins-jardins ». Le ministre Sudreau nous reçoit, nous écoute et nous oriente vers ses services… Aujourd’hui de tels accommodements sont impensables devant la forteresse administrative. La rigidité des structures, le poids et le nombre des réglementations sont des entraves à la recherche et à la créativité : l’autocensure est aussi un phénomène aggravant… On sait aujourd’hui combien l’entassement de population hétérogène engendre des tensions humaines que l’on ne sait pas résoudre : l’architecte n’y peut rien… L’évolution des problèmes urbains et les tensions dramatiques étaient difficilement prévisibles par leur dramatique ampleur. Les graves erreurs que nous avons commises le prouvent suffisamment… Maintenant que l’on constate combien les trop fortes densités engendrent des problèmes sociaux, il est absurde de suivre des règlements d’urbanisme obsolètes qui autorisent de telles densités. La spéculation sur le

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coût des terrains contribue pour une large part à ce désordre…Chine : leurs équipes d’architectes et d’urbanistes, tout à fait compétentes, vont se heurter aux mêmes problèmes que nous avons rencontrés, trente ans auparavant. Notre mise en garde pèse bien peu auprès des contraintes auxquelles ils sont soumis…l’échec est prévisible…

Pierre Parat (1985)

Le vrai drame est l’absence d’architecture dans l’urbanisme.

La rupture des grands ensembles avec la ville constituée … est due à la facilité et l’effet Beaux Arts. La composition chère à l’Ecole a été dramatique quand elle a été traduite en grands ensembles tout simplement parce qu’elle n’était pas adaptée. C’était une réponse académique toute faite parce qu’il n’y avait pas de culture de grands ensembles…

Adrien Fainsilbert (1986)

La politique de démolition reconstruction a relancé la construction de logement social ? Oui mais il s’agit souvent, à ma connaissance, de lotissements pavillonnaire sans urbanité… Il faudrait redonner à l’architecte coordonnateur le pouvoir et l’autorité qu’il avait à l’origine et éviter de dissocier la conception du plan d’urbanisme de la réalisation.

La deuxième génération des grands prix formatés par l’IFA

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Pendant les années Mitterrand, les grands prix deviennent plus fréquents, ils changent de génération et de discours. Le talent est parfois indécelable. Le critère tient davantage à l’arpentage des cuisines de l’IFA. Cuits, archi cuit , ironisait Claude Parent à propos de la génération des petits hommes en noir ! Ils sont plus cléments dans leur dénonciation de la période funeste des ZUP, plus proches de l’interviewer de la DAPA qui aimerait fuir dans l’abstraction d’un impératif catégorique : maintien des grands ensembles et surtout, pour l’avenir, de leurs méthodes simplistes d’élaboration, ce qui allègerait les humiliants rapports avec l’ANRU et le BTP. Le déni des habitants n’aurait pas visé les horrifiques casernes où on les a stockés mais tiendrait d’une erreur de vision due à leur sous-culture ! Le critère c’est tout le monde il est beau. La méthode Coué pour se convaincre qu’il y a du talent là où il n’y en a pas. Les Diaffoirus de la DAPA allaient leur montrer qu’un sophisme peut soigner une allergie. Le poumon vous dis-je ! Quand l’éthique architecturale des prix de Rome se limitait aux tintements des gros sous. Peut-être la génération Mitterrand n’a-t-elle pas vécu l’horreur urbaine des trente glorieuses et la contestation anté-mai 68 ? Peut-être est-elle à son tour trop immergée dans les affres de la commande ? Où plongée avec ravissement dans l’insignifiance de l’ère post-moderne à l’éclectisme, au déconstructivisme sans visage ? Le mur tombé il n’ y a plus d’utopie, qu’une agitation brownienne de flux interchangeables.

Francis Soler (1990)

Il faut s’appuyer sur l’idée que la banlieue est à conserver comme entité indétricotable. Il faut démolir quand ça touche à la dignité, faire disparaître ce qui nourrit les cauchemars, apprendre à regarder autrement ce qui, au contraire va bien… oublier la prétendue vulgarité dont on les accable depuis les années 1960 et concerner les populations en les aidant à fabriquer réellement une « France des propriétaires » (vive

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Giscard !) en les attachant à un patrimoine qu’elles reconnaîtront alors comme le leur, entièrement et culturellement… Si des choses sont à effacer, ce sont notamment toutes les expériences ridicules de relooking qui ont contribué à plonger les bâtiments de banlieue dans le fond… Sarcelles : il faut classer parce que personne ne voudra récupérer les terrains démolis pour investir sur le territoire de Sarcelles (!!!) On invente de fausses idéologies. On ne sait plus vraiment pourquoi on agit. On se fait opportuniste et éclectique par circonstance ou manque d’idées. On favorise l’architecture de communication qui satisfait les commanditaires : coups de projecteurs pour publicité municipale au moindre coût…(début d’autocritique ?)Peut-on laisser les villes aux mains des seuls élus ?

Christian Hauvette (1991)

J’ai travaillé dans ma jeunesse chez des architectes de grands ensembles : on y dessinait alors 500 logements en deux semaines… L’urbanisme est le vrai fiasco de la société pour la deuxième moitié du XXe siècle. Pourquoi a-t-elle toléré un tel désastre ? Il aura fallu un consensus inédit entre la population et ses élites pour laisser s’installer un tel déni d’organisation, qu’il faudra plusieurs siècles pour rectifier… Le territoire s’est laissé dévorer par un patchwork urbain informe mais résidentialisé. Le degré zéro de l’organisation formelle est atteint… je suis exaspéré par le discours de ces urbanistes qui feignent d’organiser les évènements qui les dépassent, tout en se rassurant avec des histoires anciennes… …Pas seulement préserver les valeurs patrimoniales mais aussi construire en cohérence et beauté notre logis planétaire…… Surtout laisser les architectes continuer à travailler, les mettre en condition de créer de nouvelles œuvres, d’inventer.

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Dominique Perrault (1993)

Les grands ensembles : peut-être n’ont-ils pas été construits avec tout l’amour nécessaire mais il y avait tout de même une forme de générosité qui s’inscrivait dans un engagement national pour loger à bas prix le plus grand nombre possible… (en ramassant au passage le plus d’honoraires possible…) Ils représentent de nouveaux morceaux de tissu urbain que l’on n’a pas intégré à la ville : les populations y ont été assigné à résidence malgré elles… Personne ne s’oppose jamais. Du coup on ne fait que des produits formatés qui marchent bien, qui suivent les règles, et on ne se pose pas de questions (début d’autocritique ?) La Défense, plus on a construit et plus c’est devenu intéressant (!!!) S’il y a de la population, de la densité, l’architecture devient beaucoup plus digeste… (et les honoraires plus nourrissants !!!)

Bernard Tshumi (1996)

Grands ensembles : il ne faut pas jeter la pierre à l’architecture, ce n’est pas là que ça se passe ! Question : - le plus bel exemple est celui de Clichy-Montfermeil, un magnifique projet de Zehrfuss, indiscutable quant à la qualité de l’architecture et condamné à cause de l’absence de transports (faut oser !!!) Les lois passées dans la première moitié du XXe siècle vont aujourd’hui à l’encontre de la densification ...La réglementation est obsolète…

Maximiliano Fuksas

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La banlieue française est la mieux aménagée du monde, mieux encore que le centre historique de notre ville et mieux que ce qu’on peut trouver à l’étranger…Cela fonctionne pour la population qui est multiethnique… (mieux, comme en 2005, ça fulmine ! Fuck the Fuksas’s context !) En France la densité est minimum ! Les problèmes sont internationaux et insolubles au niveau local ! Quand l’humanité touche au désespoir, même les plus grands architectes sont impuissants ! Il ne faut pas démolir pour reconstruire… les Minguettes : on a cru venir à bout de la ségrégation en s’attaquant au bâtiment. On s’est trompé ! Lors de la démolition les gens pleuraient…(Faux : ils ont applaudi !) …C’est un désastre, il ne pense qu’à gagner de l’argent (non pas Fuksas mais l’artiste Damien Hirst !) …Je ne m’exclus pas de ce système, j’y participe moi aussi… (aveu ?)…En France, le système est bloqué à cause de sa conception : c’est un système graphique, tiré au cordeau, comme d’ailleurs l’art de ces années 1960… Il est impossible d’intervenir sur un système malade.

Avec des différences, chez ces lauréats des nonantes, se déploie une pensée post-moderne où certes fleurissent encore quelques surgeons critiques mais elle est marquée au sceau de l’obséquiosité devant le marché et la bureaucratie, du pessimisme, de l’impuissance, de la cécité devant l’inhumanité des tours et barres, des plans au cordeau, de l’intégration au n’importe quoi, au chaos urbain de l’horreur économique. Au temps de Team Ten (ultime congrès des CIAM, Dubrownik1956), une phalange de talents héroïques a contesté l’esprit Beaux-Arts, ses ZUP, les prix de Rome comme la charte d’Athènes, elle a tiré dans son sillage une intelligentsia diversifiée. L’acharnement du milieu économique et de la bureaucratie (Mercadal, IPC,

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directeur de la construction sous Giscard puis Mitterrand) et d’une frange d’architectes aussi affamés que faciles, a détruit la tête de comète, la pointe avancée de la recherche dans les années 70, en la bannissant de la publication, de la commande, des écoles et du débat, en lui accrochant l’étoile jaune de « proliférant », sans le moindre argument. Les vrais proliférants sont ceux qui reproduisent et empilent ad libitum toujours la même cellule orthogonale. Il n’est resté, après cette extermination, qu’une poussière d’étoile assez impalpable, avec parfois, quelque rares talents : la création architecturale s’est effondrée. En témoigne la différence des réponses (et de stature) entre les anciens, les huit premiers grands prix, inégaux mais intéressants, et les cinq suivants, talents virtuels, usinés à l’IFA, et dont on cherche en vain l’apport à l’histoire des formes architecturales, à la recherche, à l’invention. Les anciens ont vécu l’horrible époque des ZUP, celle où Parfait, DG de la SCET, aménageur de la CDC, disait : j’aime les architectes comme mes bretelles, pour leur souplesse ! Un éloignement relatif de la commande leur permet sans doute aujourd’hui de prendre une distance salutaire : ils refusent peu ou prou d’entrer dans le jeu nihiliste de la DAPA et de trouver un quelconque intérêt à la sinistre « épopée » des ZUP. En vérité une Croisade, une entreprise de brigandage qu’on peut difficilement travestir en passion spirituelle !

Comme ces anciens grands prix, concluons sereinement qu’il faut examiner cas par cas, faire faire par des bons architectes des projets pré-opérationnels, opposables à la loi d’airain du profit facile, que la ville s’est toujours construite sur la ville et qu’il peut être opportun dans certain cas de garder des petits morceaux, témoins de ce qui pouvait être partiellement intéressant dans cette première débâcle de l’intelligence construite. Nous

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assistons aujourd’hui à l’éternel retour d’une régression vers l’insignifiance, en dépit des moyens considérables mis dans la formation des architectes, vite liquidés par le formalisme mandarin et la jungle profiteuse. Ionel Schein disait que dans tous les concours de la SCIC des années soixante, bras armé de la CDC, il y avait toujours eu au moins un bon concepteur mais qu’il avait chaque fois perdu et qu’on pourrait contempler une France transfigurée si leur projet avait gagné plutôt que ceux des « chemins-de-grutiers ». Le vrai problème, posé par nos anciens grands prix, c’est : démolir soit mais que construire à la place ? Si c’est pour imiter ce qui se bâtit partout actuellement (ZAC Austerlitz), c’est une catastrophe, une aberration financière et humaine. L’ANRU, peuplée d’Ubus, a dépassé ce problème, elle travaille dans l’opacité et la sauvagerie technocratique la plus totale. Nul n’examine la stupide vacuité de ses projets. Dans la ligne présidentielle, elle veut éradiquer les avancées de mai 68, de Team Ten, forte densité, faible hauteur, piétonisation, gradin-jardin, mixités sociales et fonctionnelles, création architecturale partout. Ainsi des Poètes à Pierrefitte ! De tels exemples d’utopie construite pourraient agiter l’œil et l’esprit : danger ! L’institution ne sait plus concevoir des quartiers vivables, écologiques, cultivés et cultivant, comme les prémisses en avaient été lancées dans l’épopée, la vraie, celle des années 1970 / 8O en banlieue. Plutôt que de collectionner les horreurs bétonnées des trente glorieuses, la DAPA ferait mieux de s’intéresser à l’examen critique des ces expériences et aux rares artisans capables d’en promouvoir d’inédites pour passer le flambeau aux plus jeunes. Etudier la Pièce Pointue de Blanc Mesnil plutôt que les 4000 ou les Hautes Formes, l’organicité de Wright

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plutôt la courbe est le chemin des ânes, la ligne droite celui des hommes, du Corbusier ! Par quoi remplacer les grands ensembles ? Il faut en premier lieur réformer de fond en comble l’institution architecturale anémiée, annihilée, inerte. Rechercher dans chaque école les vrais créateurs (il en existe encore mais privés de commande !) et les placer à la direction, comme Malraux voulait le faire en 1967. La démolition nécessite des réponses au cas par cas. Mais les solutions doivent s’inspirer des cités jardins Sellier si la densité est de 0,5 ; des cités gradins jardins si elle de l’ordre de 1 ; des mixités de fonctions superposées comme à Saint Denis Basilique, si elle est de l’ordre de 2. Au delà, nos docteurs en urbanisme ne parlent plus d’urbanisme mais de cash, de plans d’étages courants démultipliés et la bave leur coule aux commissures ! Les quartiers nouveaux de dimension maximum de dix hectares doivent être piétons, écologiques, mixtes, socialement et fonctionnellement, bien desservis par le maillage des transports en commun Les projets vantés par la DAPA et D’A, aux Muraux, offrent des petits bouts de barre d’une indigence rédhibitoire, même dans ce cas, à quoi bon casser ? Donnez plutôt des emplois aux habitants: classez en zone franche, créez des centres de formation professionnelle accélérée, des pépinières d’entreprise, des locaux professionnels gratuits pendant cinq ans, des micro-crédits, des aides à l’autogestion, une politique volontariste d’implantation de la DATAR, etc. toutes les solutions sont bonnes, y compris surtout la hausse générale des bas salaires, aux dépens de la part des actionnaires et l’institution d’un RMA, revenu maximum autorisée ! Octobre 2009.

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A Madame Choay

«  Certains jours anodins perdus dans la grisaille peuvent s’éclairer d’une joie soudaine. Ce fut le cas mercredi avec cette enveloppe et votre lettre. Je ne saurai trop vous remercier de la peine que vous avez prise à lire mon brûlot. Votre soutien récompense de longues heures d’assiduité. Je vous sais gré de l’avoir défendu auprès de l’Académie. L’essentiel est cependant votre avis, il est pour moi la meilleure des consécrations. Je sais mieux désormais pourquoi je travaille. Naturellement, Renaudie. Je ne le soutiens pas inconditionnellement. Je ne pouvais pas dans cet ouvrage ne pas tenir compte de l’incroyable sort qui lui a été réservé par l’institution. C’est un immense gâchis intellectuel qui a contribué à fausser complètement l’Olympe esthétique de l’hexagone. Cet ostracisme a frappé la rare phalange de ceux qui voulaient poursuivre dans sa voie créative et non mercantile. Cette mouvance n’est aujourd’hui nulle part enseignée et ses agences ont presque toutes disparu ! Walter Benjamin évoquait la grande utilité d’écrire l’histoire des vaincus ! Cela a sans

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doute poussé mon propos à redresser le bâton coudé dans l’autre sens. J’aimerais, en toute immodestie, en parler avec vous, lire vos remarques. Renaudie n’est pas la panacée. Quel que soit son message libérateur, il porte aussi les poids idéologiques de son époque. Monod, Althusser, le structuralisme. Son ébranlement fécond a eu tendance à se figer quelque peu en système. Son hostilité intransigeante aux « monuments », pour intéressante qu’elle soit, notamment dans le domaine politique de l’autogestion, achoppe sur le problème de la forme : faut-il absolument qu’un palais de justice reproduise la physionomie d’un quartier de logements, fût-il mixte ? Il y a naturellement d’autres écritures constructives que la diagonale, l’angle aigu et les « étoiles », aussi socialement et plastiquement réussies soient-elles. Toutes ces questions sont réelles. Elles ne peuvent à mon sens effacer sa praxis copernicienne contre les dogmes corbusiens, qui reste à mes yeux essentielle. D’autres concepteurs plus jeunes, je pense notamment à Buczkowska, ont relevé le plus intéressant de sa démarche et l’ont porté au delà, en se nourrissant aux meilleures créations contemporaines (Parent, Wright, Piet Blom, Sharoun, etc.), dans une démarche peut-être moins enfermée dans des certitudes. Mais il me semble que pour aborder la critique nécessaire de Renaudie, il faudrait auparavant le sortir du ghetto où les mandarins l’ont coincé. L’Atelier de Montrouge a eu une exposition à Chaillot, où son apport essentiel n’apparaissait guère quand l’exposition Renaudie fut chichement cantonnée à Ivry ! Difficile de parler de tout cela sans passion quand le sarkozysme tente de détruire les témoignages construits de ce moment d’audace (Villetaneuse, Pierrefitte, Grande Synthe, etc.).

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Je vous remercie de vos voeux et vous souhaite à mon tour une excellente année de création, la lecture de vos écrits me sera toujours aussi précieuse ! JPL »

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Pionniers de la désespérance.

Dans le numéro six d’Archivari, éphémère et valeureuse publication des architectes et maîtres d’ouvrage travaillant avec la Sodédat, en 1986, un écho est consacré à Rem Koolhas, alors à peu près inconnu sauf de l’IFA et qui avait très peu construit. Dans les jurys de collège de la Sodédat 93, Patrick Goulet de l’IFA cotoyait d’autre valeureux critiques d’architecture comme le regretté Ionel Schein, ancien associé de Claude Parent. Ce dernier m’avait narré comment il avait été scandalisé par le jugement du concours du port d’Amsterdam où il était membre du jury. Malgré son opposition véhémente - et dieu sait de quelle force de conviction il savait user au profit de nos meilleurs projets de collège ! - le jury batave avait couronné Rem Koolhas, pour trois méchantes petites barres de trois niveaux, répétitives. Sans la moindre accentuation, le moindre trait affectif ni conceptuel, la moindre invention

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de formes, elles étaient posées devant un ancien bassin du port : un dépouillement qui confinait à l’indigence. Des barres comme on en faisait au début de la reconstruction des années cinquante. Pourtant l’équipe de Van Eyck, l’âme de Team Ten, concourrait pour ses réalisations remarquables dans le quartier du Newmarkt, insertions d’immeubles résolument modernes dans le tissu ancien, petites merveilles de délicatesse, de modernité complexe et gracieuse, aux couleurs vives, rappelant avec force l’épopée mai soixante huitarde qui avait déferlé sur le quartier des provos quelques années auparavant. J’avais visité le quartier et était enthousiasmé par ces projets. Un billet fut donc inséré dans Archivari sur une Interview de Koolhas, dans AMC réalisée par Jacques Lucan, décembre 1984. Dans son interview, Rem Koolhas avoue ne pas pouvoir définir personnellement l’espace architectural qu’il engendre. « Je n’ai jamais compris ce que tout le monde voulait dire avec le mot espace… en fin de compte je n’y crois pas »… Effectivement, à la lueur de ses réalisations récentes d’Amsterdam au bord de l’eau, face à la ville ancienne (logement social), on comprend qu’il y ait une carence. C’est ce qui le rapproche des modernistes des années cinquante, auteurs des ZAC et des ZUP sinistrées de Vénissieux à La Courneuve Mais pourquoi les revues professionnelles s’acharnent-elles à présenter tout le temps des clapiers et des boîtes à chaussures, foutues n’importe comment et n’importe où ? A quand les critiques conscients et visionnaires ? Le billet, lapidaire, ne se trompait pas de cible. A la même époque du mitterrandisme béni, le bon Le Dantec publiait un livre au titre ronflant : Enfin l’architecture !, apostrophe adressée à cette photocopie pincée des HBM d’avant guerre, construite par De Porzamparc aux Hautes formes ! Fuksas, Steidel, Alsop proposaient à Saint Martin d’Hérouville une tour où chacun des trois empilait trois

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morceaux hétérogènes pour épater le gogo. La tour ne fut jamais construite, cela va de soi mais les trois compères avaient réalisé une opération promotionnelle énorme qui valut à notre campionissimo post moderne rien moins que le Grand prix français d’architecture ! Dans le même temps, les grands projets du Président accumulaient leurs vulgarités dans le ciel de paris. Koolhas se voyait éditer par l’IFA un volumineux bouquin relié toile de 500 pages sur ses projets - sans aucune photo du moindre objet construit ! - où le maître exposait ses concepts et petits crobards appliqués, minutieux et sans grâce, à défaut d’espaces architecturaux expressifs et proportionnés. Concours du Parc de la Villette. Sur ce vaste espace libre à l’intérieur de Paris mais en limite de l’austère Seine-Saint Denis, la tradition d’Alphand pouvait inspirer l’évidence : réaliser un joli morceau de nature artificielle à l’image de Montsouris, des Buttes Chaumont ou du Bois de Boulogne où les citadins recrus pourraient vagabonder dans des allées ombragées et courbes ou se perdre aux labyrinthes, en un mot réparer quelque peu les injures faites au peuple par l’urbanisation sauvage du mercantilisme débridé sur son support simpliste, le quadrillage. Le maître est obnubilé par le miracle de Manhattan, cette mégalopole tellement hirsute que la violence de la spéculation capitaliste inscrite dans le béton peut la rendre, par son excès aléatoire, belle. Ne s’intéresserait-il pas surtout à l’absence totale de limitation du nombre de niveaux des immeubles et à la pluie d’honoraires qui en émanerait ? Il transpose donc le principe directeur de son parc d’une projection de gratte-ciel sur un plan horizontal où des bandes parallèles de cinquante mètres figureraient les étages. Quel génie ! ! Traduit en langage koolhasien la prédation hyperlibérale devient pudiquement l’instabilité de la métropole,

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incompatible avec l’architecture même frivole. Elle devient un jouet et n’est tolérée qu’en tant que décor fugace de l’histoire et de la mémoire. Cette capitulation assumée, on passe bravement à autre chose, au cynisme sans vergogne. Manhattan résout ce paradoxe avec éclat : une architecture mutante réunit l’aura de la monumentalité à la réalité de l’instabilité… Le génie de Manhattan réside dans la simplicité avec laquelle l’apparence se sépare de la réalisation, l’illusion architecturale demeure intacte tout en s’abandonnant totalement aux exigences de la métropole. Lisez du grand capital. Il va plus loin dans son rôle du traître de comédie en attaquant ses confrères plus courageux qui se battaient pour une cohérence sensible de la ville : dans les années 70 les architectes se sont, au contraire, vautrés dans les fantaisies du contrôle… chaque concours représentait le début d’une éventuelle marche triomphale vers un nouveau type de cité, une nouvelle urbanité. Koolhas sonne la fin de la récréation : adieu l’utopie d’une ville agréable à l’homme, il ne reste que la délicieuse soumission à la métropole, le Big Brother des marchés financiers. La Villette : Exploitation pure de la condition métropolitaine : densité sans architecture, culture de la congestion invisible. Un parc qui mime la spéculation ! Les bandes rectilignes vont fortement suggérer que la forêt soit un spectaculaire jardin à la française surélevé, avec arbres référents modernes des parterres classiques. Ce parti quelque peu sévère est cependant amendé d’îlots de forêt vierge disséminés entre les bandes qui constituent un archipel de fragments éclatés du parc romantique traditionnel. Il faut faire plaisir à tout le monde et à son client ! La conclusion use d’un hermétisme propre à camoufler le vide formel : nous n’avons à aucun moment la prétention de produire un paysage-design. Nous nous sommes bornés

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à fournir une trame susceptibles de fournir à l’infini d’autres signifiés, d’autres extensions ou intentions. On aura compris que notre stratégie visait à conférer au simple la dimension de l’aventure… L’utile coïncidant avec le poétique, le réalisé ne peut que coller au conceptuel. Où gît la pensée de composition dans ce charabia ? L’image finale, page 81 évoque l’intense poésie d’un schéma industriel ou d’un planning des tâches dans une chaîne automatisée. Un collage appliqué de zipatons dans la dichotomie des bandes répétitives selon une métrique desséchée, diversifiée par un aléatoire déshumanisé, sans le moindre choc d’images productrices de sens ou d’émotion.

Le centre de Melun-Sénart. Le concept se résume au titre : Imaginer le néant ! Une référence pieuse à l’intelligentsia : le site est trop beau pour qu’on y conçoive une ville nouvelle avec innocence et impunité…mais pour aussitôt y bloquer la réflexion critique sur la seule démarche possible : la déshérence, encore une fois la capitulation : un deuxième type d’innocence consisterait à croire qu’en cette fin de siècle, le développement urbain et le bâti puissent être envisagés puis contrôlés d’une façon raisonnable. Trop de visions d’architectes ont mordu la poussière pour rêver à de nouvelles additions. Le bâti, le plein est désormais incontrôlable, livré tous azimuts à des forces politiques, financières, culturelles qui le plongent dans une transformation perpétuelle. On ne peut pas en dire de même du vide. Il est peut-être le dernier sujet où les certitudes sont encore plausibles. Un constat lucide sur la prédation de l’environnement par les forces marchandes, puis, sur le fond opportuniste d’un pessimisme historique total, volte face du rationalisme vers la célébration nihiliste du vide, ça c’est du concept !

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Les honoraires, eux, ne seront pas néantisés ! Coucou revoilà les bandes, l’imagination formelle est sans limite ! Si ce système des bandes est retenu, les qualités de beauté, de sérénité, d’accès, de service urbain recherchées pour la ville de Melun-Sénart seront garanties, quelles que soient les architectures à venir ! Le miracle des bandes ! Le maître ajoute cependant au plan-masse un caractère chinois pour distraire de l’ennuyeuse répétitivité. On est passé des conceptions urbanistiques de Team Ten à la ville élaborée à partir d’une structure orthogonale…Le temps d’usure d’un modèle étant de cinq ans il ne peut prétendre à la maîtrise du projet dans son ensemble : pirouette, mais entre ces deux conceptions, peut-être l’une d’elle était progressive et l’autre régressive ? Le connaisseur ne se prononce pas ! A quoi sert-il ? Ce patchwork urbain est indissociable d’une approche non idéaliste de la ville contemporaine. Jusqu’à tomber dans le matérialisme sordide de la croissance aveugle ?

Hôtel de ville de La Haye. L’édifice se compose de trois barres parallèles, massives pour les six étages inférieurs… Il n’y a pas grand-chose de plus à en dire sinon que RK témoigne une fois de plus d’une incompétence notoire en matière de composition volumique, non seulement l’enfermement dans une formule de barres et tours ne témoigne guère d’une grande audace conceptuelle, mais au pourrait s’attendre au moins à ce que cette orthogonalité soit maîtrisée dans ses proportions : il n’en est rien. Il suffisait de copier attentivement les maîtres du genre, le Corbusier ou Mies Van der Rohe mais il expose un balbutiement qui serait rejeté chez un élève de première année à Belleville où on adore pourtant les barres ! La supercherie éclate, RK n’a aucune dimension de l‘architecte, il ignore la forme, la composition en volumes

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ou en espace, c’est le M. Jourdain de la conception. Il ne peut que théoriser l’impossibilité de s’opposer à l’horreur économique de l’urbanisation moderne pour surfer sur son chaos et signer des « œuvres » que l’entreprise ignare pourrait édifier seule et sans faillir. Un véritable tour de force médiatique ! Nombre des vedettes contemporaines sont à son image, à peu près la dizaine de Grands Prix français depuis Mitterrand, quoique en général plus cultivés. Le Pritzker, longtemps d’une plus grande exigence, commence à fléchir lui aussi. Qu’ont à nous dire Morphosis, Siza, Porzamparc ? Mais RK va le plus loin dans l’inacceptable. Il donne l’impression de ne savoir même copier correctement, sans doute parce qu’il ne comprend pas de quoi il s’agit, le jeu magnifique des volumes dans la lumière… Henri Meschonnik a écrit : une œuvre d’art a pour effet, où le sens n’intervient pas, de provoquer du mouvement dans le corps et dans l’âme. Le mouvement n’est dégagé que par le mouvement. C’est pourquoi l’essence de toute œuvre est dans son rythme. Cherchez le rythme …

Concours de la Grande bibliothèque. La seule connexion entre les espaces principaux de la Bibliothèque est un groupe de neuf ascenseurs qui traversent le bloc de mémoire à intervalles réguliers… Cet abandon de l’organisation de l’espace se nourrit de théorie fumeuse : l’ambition du projet est de débarrasser l’architecture des devoirs qu’elle ne peut plus remplir et d’explorer agressivement cette nouvelle liberté (celle de la révolution électronique qui semble dissoudre tout ce qui est solide). On peut tout aussi bien évoquer l’abandon par l’architecte de ce qui fait sa spécificité, l’art, la réponse aux désirs des gens, l’expression sensible du collectif. Une

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même démarche occupe les cerveaux financiers de la planète : les échanges monétaires informatisés instantanés délivrent les banquiers de leur devoir de vérifier les bilans, les engagements, les risques, les fonds propres, essence de leur métier qui est ainsi dissoute! Jusqu’à l’explosion finale de la bulle. Concept : C’était toujours le potentiel révolutionnaire de l’ascenseur que d’introduire - par sa capacité à établir des relations mécaniques plutôt qu’architecturales - une ère nouvelle de relations libérées et aléatoires entre les composantes diverses d’un bâtiment. En fait de concept on sent surtout passer le divin frisson du sophisme. L’abandon du rôle social de l’architecture est revendiqué, à contre courant des espoirs de libération humaine. Renaudie, sur la base de ses notations sociologiques personnelles, envisageait l’ascenseur comme un enfermement dans une boîte, comme la cellule corbusienne d’habitat standardisé ou l’automobile qui, pour Yvan Illitch et André Gorz, a miné le développement solidaire de l’humanité en hypertrophiant l’isolement individualiste et ses comportements agressifs, en détruisant les paysages et en multipliant une pollution évitable par le développement de transports en commun desservant des quartiers piétons et proxémiques. Dans l’ascenseur, me disait Renaudie, les voisins gênés ne regardent que le bout des chaussures de l’autre, ils ne savent quelle contenance prendre pendant ces secondes d’autisme d’une lenteur effrayante. Il multipliait dans ses projets résistants les occasions d’architecture qui favorisent la rencontre en même temps que le plaisir visuel : ruelles étroites et courbes comme au Maghreb, rampes et escaliers à l’air libre, accès direct de l’extérieur, coursives agréablement dessinées, terrasses d’où converser … RK met en scène l’enfermement dans l’ascenseur, cette

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révolution ! La forme globale, folle imagination, un gros cube en verre !

Zeebruge, Karlruhe Le terminal maritime de Zeebruge de Koolhas a enfin une forme, en cloche, qui a été depuis construite, une tour de Babel renversée, le « concept » pour une fois a échappé aux bandes, aux étages de gratte ciel ! Au centre d’art et de technologie de Karlsruhe, retour des bandes parallèles qui organisent les départements de recherche dans le but de créer une surface de frottement entre territoires intellectuels. Pourquoi pas ? Le thème général : une machine devient bâtiment ! La forme générale de la première version : une barre, une tour ! De la deuxième version : une tour ! Le paradigme de la production koolhasienne, c’est Euralille, gros centre directionnel hyper tardif, obstinément construit vingt ans trop tard par les politiques qui voulaient absolument redonner du dynamisme à leur capitale nordique, sans le moindre regard sur les échecs patents des précédents exemples des verrues que sont forteresses commerciales séparées du tissu urbain (Bordeaux Mériadec, Lyon la Part Dieu, Rouen Saint-Sever, etc.). Le modèle était breveté par la SCET, organisme aménageur hyperbureaucratisé des SEM de base, auteur de centaines de ZUP ségréguées pour le compte de sa maison mère, la CDC, et vivement critiquée par les élus de gauche et au-delà. Mon ami l’excellent et regretté Baïetto a longtemps dirigé une des meilleures sociétés d’économie mixte d’aménagement, la SADI, lors de l’ascension urbaine des années post mai 68, dans la banlieue grenobloise. La gauche, animée par Dubedout, un des rares politiques à avoir une vision urbaine novatrice, réalisa nombre d’opérations exemplaires dont, dans la ville

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communiste de Saint Martin d’Hères, un grand quartier de Renaudie ne fut pas la moindre réussite. 1981 a appelé Baïetto à la direction de la SCET, juste aboutissement du jacobinisme contestataire des directeurs de SEM de base, très critiques de leurs patrons, généraux mexicains sclérosés, les Parfait, Lemoine, Lagrange, Noël, etc. Mais Jean-Paul était étroitement marqué à la culotte et il ne put ni changer l’orientation de fond du paquebot, ni assainir sa gestion et la nouvelle race des mandarins mitterrandiens lui fit vite la peau. Il se retrouva sans emploi et dut à Maurois son salut, hélas pour lancer cette opération catastrophique d’Euralille. Dans un premier temps sur mes conseils, Jean Paul invita Ricardo Porro et ses élèves de l’école de Lille, à concevoir un quartier mixte, sensible et intelligent, ouvert sur des rues de la ville ancienne toute proche. La pression des « réalistes » lui fit vite oublier cet excellent départ pour inviter les creuses vedettes du moment, bien en cours au ministère, encensées par les médias. Sans même un mot d’excuse à Porro, Rem Koolhas fut choisi pour diriger cette opération, périlleuse à bien des égards. Le maître batave ne fit qu’enrober dans un discours mode les programmes quantitatifs des promoteurs divers, des tours, des boîtes, juxtaposés sur une dalle, avec une ou deux vedettes mêmement usurpées, Porzamparc gratifiant la dalle d’une godasse de ski. Il en résulte une catastrophe urbaine de plus, sans même l’excuse de l’innocence des années soixante. Jean-Paul, usé, disparut prématurément. Tragédie méconnue du mitterrandisme de capitulation.

Tout se passe comme si Kolhaas s’arrêtait à la démarche préalable par laquelle tout concepteur est obligé de passer, la mise en volume préalable, brute et schématique, dans de grosses boîtes, des éléments quantitatifs du programme pour figurer les contraintes arithmétiques de contenance

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globale et les relations entre les divers éléments. Cette étape franchie, tout créateur authentique commence alors à méditer intuitivement, comme un sculpteur, la forme de l’œuvre, sa complexité tenue, ses volumes extérieurs, ses espaces intérieurs, ses détails et l’idée d’ensemble, son rythme, la spécificité de l’œuvre sociale artistique. RK en reste à la trame fonctionnelle, sans jamais songer à la contredire par une création sensible, subjective, résistante à la fétichisation sociétale. Sans doute parce qu’il n’en jamais eu les moyens intellectuels. Son effort, comme chez beaucoup de nos vedettes consacrées, se borne à la maîtrise médiatique, aux coups provocateurs, au jeu des réseaux d’influence d’où vont surgir grands prix, publications et commandes, lourdes en fifrelins. Il est intéressant de ce point de vue d’entendre ce qu’écrit Henri Meschonnic, linguiste, poète et philosophe, traitant du domaine voisin de la poésie, de la langue (Critique du rythme, Verdier poche, 2009). La métrique (qu’on peut assimiler approximativement en architecture à la technologie constructive, à la standardisation industrielle moderne, à la norme) n’a pas de sens…. Dans le discours, chaque vers a sa configuration particulière, rythmique, prosodique…Où est la métrique ? Elle définit un objet abstrait, hors histoire, hors sens, et cette désémantisation même est une opération culturelle qui a son historicité… Le mètre doit être déduit du texte existant, non le texte amendé pour correspondre au mètre supposé…La métrique pure est la loi d’une société ordonnée, hiérarchisée, relativement fixe… la libération du vers (le vers libre !) est un indice de la transformation du monde. L’historicité des rythmes est culturelle…La métrique est une prise du social et du culturel sur l’individu sujet. Une métrique est aussi une attitude collective. L’alexandrin est une mise au pas. On défile en chantant… HM cite Maïakovski : les ïambes retiennent les mouvements de la

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poésie en avant… Transposez dans l’espace! La métrique se dispose dans un temps schématisé et pauvre… Remplacez métrique par trame et temps par espace, vous parvenez à l’architecture… la métrique appartient à l’automatisation qui, dans le poème, menace le poème…

Iwona Buczkowska à Darnétal Il peut être utile de comparer ces projets du ténor Rem Koolhas à la dernière œuvre de cette quasi inconnue des salons, Iwona Buczkowska, la maison des enfants et de la forêt à Darnétal dont la riche invention formelle et la complexité maîtrisée s’opposent en tout points aux simplicités, à l’absence de contenu de vérité, critiquées plus haut. Le bois peut être un matériau magique en ce qu’il échappe au dictat de la grande entreprise de béton et aux présupposés de sa métrique répétitive, mimétisme au sein de l’architecture du standard programmatique (cellule d’habitat, module des bureaux, classes des collèges, etc.), ajouté au standard constructif dicté certes par la nécessaires solidité et stabilité de l’ouvrage (trame, murs porteurs, préfabrication, etc.), mais tout entier vicié par le dictat de la marge à 15 % des promoteurs, des banques, des entreprises géantes ! Les difficultés du bois sont d’un autre ordre, celles de la coordination du chantier mené par des entreprises artisanales moyennes qui échappe malheureusement souvent à l’architecte, dans les normes françaises. Quand ce rôle est tenu par des structures bureaucratiques, le chantier peut vite dériver vers le laxisme. La conception d’ensemble de la maison de la forêt qui traduit le programme manifeste une forte volonté subjective. Résolument horizontale, elle s’appuie sur trois cylindres sécants, déjà une révolution en soi dans ce

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créneau de prix plafond, ordinairement frappé par l’obsession orthogonale. Le parti courbe exprime la sérénité du séjour en forêt et l’empathie toute maternelle qui enveloppe affectivement les enfants. En l’absence de parkings souterrains qui imposent leur logique aux étages supérieurs, la trame n’est issue que de la solidité de l’ouvrage, assise sur des poteaux avec une reprise des charges qui évite les surcoûts habituels des projets circulaires. Un premier rythme unificateur est conféré à l’ensemble de l’œuvre par la trame des clins de bois des façades, partout présente, à la fois répétitive par la dimension identique de planches et variée grâce aux micro différences d’un clin l’autre, dues au caractère organique du bois, aux aléas de surface, à ses « timbres ». L’orientation contrariée des clins crée elle aussi une dissonance, judicieusement maîtrisée. L’organisation intérieure est facilitée comme les percements des façades circulaires. Là se déploie la virtuosité de l’architecte qui joue d’un riche vocabulaire d’ouvertures, repris de la Pièce Pointue du Blanc Mesnil. Scandées au sein d’une séquence, elles alternent de grandes fenêtres carrées au niveau bas qui font entrer la forêt à l’intérieur du bâti selon la leçon de Wright, avec, au niveau haut, en ras de toiture, des petites fenêtres répétées, tantôt rectangulaires, tantôt carrées, leur combinaison offrant aux intérieurs une pluralité des prises de lumière qui enrichiront la jouissance des espaces internes. Les petites fenêtres soulignent de leur encadrement peint en rouge vif le contraste joyeux avec les clins de bois dorés. Elles créent un ordre raffiné, souligné par l’élégant débord de toiture, qui dialogue avec les larges fenêtres carrées du niveau inférieur par où entrent généreusement lumière et forêt dans les salles de classe et la grande salle polyvalente, selon la leçon de Wright où la villa s’ouvre à la nature quand la nature

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pénètre la villa dans une symbiose qui élimine les répressions contemporaines des délimitations strictes du privé propriétaire avec le public solidaire. La poétique du rythme ici à l’œuvre me semble rejoindre l’analyse linguistique d’Henri Meschonnic sur la poésie, l’éthique et la politique, dans leur acception philosophique où il opère la distinction fondamentale entre la sémantique chargée de subjectivité et de sens, avec la sémiotique des structuralistes réduisant le langage à une affaire de signifiés normés et mathématisables. La métrique du nombre, répétition desséchée, s’oppose au rythme, à la prosodie, au discours, porteurs de l’empirique et de l’élan vital, comme de la part d’aléatoire au sein de l’historique. La métrique est le représentant de l’ordre quand le rythme libère les subjectivités créatives, historiquement actives. Osons le mot, celles qui inventeront la capacité des sociétés humaines à s’auto-administrer de la base au sommet en mettant fin à toute domination, cet attracteur étrange de l’hominisation qu’on peut nommer autogestion rationnelle. Quelle que soit la prudence nécessaire quand on veut résumer la subtilité des longues analyses de Meschonnic, il est cependant tentant de les extrapoler à cet autre langage, certes spécifique, celui de l’architecture. La métrique constructive c’est la norme, le standard des technocrates, ces scribes du profit maximum et de l’administration d’humains normés. Elle est exclusivement orthogonale et son rythme se dessèche à la simplicité du report des charges, du chantier, de la préfabrication. Elle est imposée par la plus élémentaire, la plus réductrice, la plus mauvaise économie. Le structuralisme - le fonctionnalisme en architecture - d’hier a rejoint la débilité marchande en faisant entrer de force l’invention architecturale, tenue déjà par ses inévitables contraintes de solidité et de confort, dans le carcan de la classification

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étroite : avec la typologie et la morphologie (cette sémiotique de l’espace), tout était réglé et la poétique disparaissait. Pour n’importe quel programme, vous empruntiez la forme de bâtiment la plus élémentaire fournie par l’entreprise, la boîte et, outre quelques détails insignifiants, vous aviez le droit de puiser au catalogue commercial autorisé des ouvertures, des zipatons répertoriés pas trop chers, dénués de poésie, insignifiants, sans cohérence organique avec l’œuvre, sans vie, sans rythme, pour effectuer un collage inexpressif, dépourvu de contenu de vérité. Un rythme qui n’est pas à base de passion, de tension intérieure n’est plus qu’un assemblage symétrique, au sens moderne du mot, de motifs sonores (ici spatiaux), qui peut avoir le charme statique d’une tapisserie à dessins régulièrement disposés, d’une configuration cristalline (Matila Ghyka, le nombre d’or, cité par HM)… Les nombres restent les vicaires du cosmos, le cosmos c’est-à-dire le bon ordre…Et l’opposition entre mètre et rythme, reporte l’opposition entre la forme dont on peut parler, dont il y a une science, et le sens, dont on ne peut rien dire… Le scientisme métricien est, paradoxalement, du côté de l’archaïsme fondamental qu’est le sacré cosmique, contre le désordre de l’histoire… L’imposition mathématique de l’ordre, et des contraintes formelles, est un maintien de l’ordre, une censure et une dénégation du désordre, c’est pourquoi le rythmicien mathématicien refuse le sujet et l’inconscient. Le primat des proportions sur le chaos, la possession du continu par delà le discontinu maintiennent le théologique : l’unité… En architecture urbaine, l’ordre est massivement et vulgairement présent dans son obscénité marchande, c’est le ratio infini résultant de l’annulation au dénominateur de toute de la charge d’humanité du bâtiment au profit de la

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seule rentabilité du numérateur, celle qui élimine le moindre affaiblissement de la marge spéculative espérée. Mais les valeurs se sont déplacées. Elles ont interprété la dissonance, l’arythmie, dans la pluralité des rythmes, et du rythme… La combinatoire sait trop bien ce qu’elle fait. L’expérimentation remplace le risque par le truc… La combinatoire qui prétend mener elle aussi, est poussée par une contradiction qu’elle ne peut dominer. Elle est prétendument une disparition du sujet, et elle est volontariste… C’est l’aspect le plus récent de l’ambition du nombre. Ordonner la poésie, sinon ordonner la vie… Le primat du mètre est réactionnaire parce que toute transcendance écrase l’histoire, la langue, les sujets… (H. Meschonnic)… et en architecture ? Dans la maison de la forêt d’Iwona Buczkowska, d’autres ouvertures circulaires ou triangulaires, reprenant le rouge vif des encadrements contrastent avec le bois naturel et syncopent ces motifs en créant d’autres dissonances. Tout comme le jeu des débords, des auvents et des préaux, tantôt levant le nez, tantôt le baissant, rompent la répétitivité dans le déroulement des façades en offrant une image des tensions sociétales, du chaos tenu par les régularités où il s’insère. Tant le rythme est la reproduction du presque identique mais jamais identique. Cette danse contrastée des auvents, des préaux, qui ne sont pas sans rappeler la véhémence des toitures chinoises, brise légèrement l’horizontalité générale en introduisant le risque et l’inquiétude, le questionnement d’un écho ouaté du chaos qui empêche l’assoupissement habituel aux formes sans esprit du vide marchand. Cette magie du volume extérieur qui contraste violemment de sa rationalité bien tempérée avec la nudité fruste et charmante des jeunes chênes de la forêt mais en la dépassant, s’ajuste exactement avec la mise en scène

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lyrique des déplacements intérieurs qu’accompagnent les luminosités changeantes dues à la multiplicité des ouvertures et puits de lumière. Le sol des circulations monte légèrement, s’ouvre sur des patios ou vers des puits de lumière dans la toiture où passent les nuages blancs de la Normandie. Dans le cas d’une forte averse le bâtiment se vêt tout entier d’un rideau de ruissellement qui cascade des avant-toits Sans cesse le regard est sollicité pour découvrir en hauteur l’attache vigoureuse et rassurante des poutres, la chaleur des plafonds artisanaux en triply, la bibliothèque en ellipse au travers de ses vitres. De multiples transitions invitent le regard à droite à gauche ramenant à la forêt toute proche par un balayage architectural chargé de sens où la transparence mêle l’intérieur et l’extérieur dans des panoramiques de l’œil qui ouvrent à la quatrième dimension de l’architecture moderne selon Zevi, celle du mouvement, de la dynamique qui s’oppose en tous points à la façade plombée, inerte et percée de trous, aussi poétique qu’une carte perforée de mécanographie ! La métrique exprime l’ordre dominant, la poétique, au contraire, dans la langue écrite comme en architecture, l’expression du sujet, l’introduction de l’éthique dans le politique ! A rapprocher de la phrase de Renaudie, inspirée elle aussi par une passion de modernité mais marquée par le structuralisme qui déferlait à l’époque où elle fut pensée : La ville est une combinatoire où, à tous les échelons d’organisation, s’établissent sur une structure complexe des phénomènes de communication. A la fois approche réfléchie d’un pan de la réalité urbaine et concession à l’excessive mathématisation des systématismes structuralistes de son époque. Cette transposition un peu rapide de la complexité organique du niveau cellulaire à celui de la ville a été le prétexte des

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furieuses attaques de la médiocrité architecturale contre les « proliférants » qui s’inspiraient peu ou prou de Renaudie dans les années soixante et dix. Moins un débat artistique utile qu’une exécution en règle pour les écarter de la commande et de l’enseignement. Renaudie disparu à cinquante ans, épuisé, comme trois autres brillants porteurs du message. Trois agences ont fermé. D’autres se sont reconvertis dans l’apiculture ou ont quitté Paris pour l’Angoumois ou les Canaries. Seules deux ou trois agences survivent et enseignent dans la difficulté. Gâchis ! Mission obscurantiste accomplie ! L’axe essentiel rappelons-le aujourd’hui quand l’institution architecturale semble l’oublier, était à l’époque la réfutation vigoureuse des principes simplificateurs - totalitaires - de la charte d’Athènes qui avaient conduit par le zonage et la standardisation à la monstruosité in-urbaine des grands ensembles puis des villes nouvelles. Renaudie met l’accent sur la pluralité fonctionnelle des quartiers et sur la satisfaction des besoins autres qu’élémentaires, parfois inconnus, des humains, à l’accueil de leur imaginaire. Refusant le simplisme du centre ville prédéfini auxquels se rattacheraient des quartiers périphériques sans qualité, il portait sa réflexion sur le moyen de remplacer par une pluridisciplinarité des études et une irremplaçable création architecturale, l’ancienne sélection des centres par des longues maturations historiques, en condamnant le pastiche servile des villes du passé qui conduit à l’échec. Il insiste sur la dimension de l’aléatoire, en contrepoint du caractère affirmé de l’attachement à une démarche rationnelle, abstraite de l’étude urbaine, l’architecture ne pouvant être assimilée à une science. Un quartier peut aussi acquérir de la centralité par la qualité formelle de l’architecture qui s’y implante (Splitz et le palais de Dioclétien, Bilbao et le centre Guggenheim, le vieux port

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de Gênes revivifié par les installations de Piano). Il serait intéressant de procéder à l’analyse fine de la démarche renaudienne à l’aune des contenus idéologiques de son époque et de la possibilité que certains de ceux qui ont assimilé son génie aient pu dépasser ces contradictions datées. De la même façon, chez Ricardo Porro, à l’étude du rythme dont est imprégné son organicité expressionniste, dans ses derniers projets, casernes de Vélizy, commissariat de Plaisir, hôpital et collèges de Cergy, centre culturel du Puy. Avis aux jeunes thésards en mal de sujets ! Il ne s’agit jamais d’une métrique morne parce qu’exactement répétitive mais d’un jeu permanent avec la répétition qui s’appuie sur sa rassurante rationalité pour aussitôt contredire son message de similarité aliénante par un rythme incluant des dissonances où chacun des « vers libres» prend sa propre consistance historique, culturelle, créant le mouvement qui fait bouger le corps et l’âme du spectateur. Non pas une décoration rajoutée mais un constituant interne de la langue, résolument moderne, rationnelle, excluant tout anachronisme, tout kitsch, parce qu’elle invente dans le siècle dominé par l’avancée irrépressible de la science et de ses applications à la transformation de la vie sociale et subjective, le langage authentique de l’auto-invention historique, sensible, proprement humaine. Le langage des mots et des formes, des rythmes, des oppositions symétriques ou asymétriques de fréquence ou d’intensité est le domaine de la liberté humaine ; il est lié aux fondations biologiques et repose sur une signification pragmatique, sociale, puisque parole et figuration sont le ciment qui lie les éléments de la cellule éthique. Mais à l’inverse à l’inverse et de manière exclusivement humaine il assure, individuellement, l’échappée libératrice, celle de l’artiste ou celle du consommateur, dans le confort d’une

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parfaite insertion dans la pensée collective ou dans la contradiction et le rêve. (Leroy-Gourhan, cité par HM, o.c.)

L’art contemporain : même insignifiance spéculative et obscène.

Ce vide conceptuel sous le masque du concept n’est pas l’apanage de l’architecture contemporaine. La spéculation boursière frappe aussi les arts plastiques contemporains. En témoigne le cri de Jean Clair, conservateur général des patrimoines, dans le Monde du 4/10/10 : Contre l’art des traders ! Du culte à la culture, de la culture au culturel, du culturel au culte de l’argent, c’est tout naturellement qu’on est tombé au niveau des latrines…Le prototype est Jeff Koons, l’artiste le plus cher du monde qui ne se présente plus échevelé comme les romantiques mais comme un trader, attaché-case à la main, rasé de frais, fondu dans son nouveau public comme si à défaut de faire œuvre, l’involution en avait fait un Homo mimeticus. Leur travail c’est beaucoup plus que la table rase de l’avant-garde qui prétendait desservir la table dressée pour le festin des siècles. C’est le recours au scatologique, au compagnon accoutumé de l’excrément, son double sans odeur : l’or, la spéculation, les foires de l’art… les musées anciens changés en show-rooms clinquants…Avec la crise de 2008, on prit conscience que des objets sans valeur étaient susceptibles d’être… propres à la circulation et à la spéculation financière la plus extravagante… Les ventes d’art contemporain s’apparentent à celles de l’immobilier, elles permettent de vendre n’import quoi et parfois même rien… Comment à partir d’une valeur nulle lui assigner un prix et le vendre à plusieurs millions d’Euros l’exemplaire ? Jean Clair délivre les recettes qui

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ressemblent à s’y méprendre à celles utilisées par le noyau d’initiés de l’institution architecturale qui est au marché de l’art ce que l’agence de notation est au marché financier. Expositions où on rajoute au candidat nul une ou deux valeurs sures, articles de presse commandités, expositions dans un musée prestigieux avec son luxueux catalogue bien en vue dans les librairies spécialisées, équerre, grand prix ou Pritzker, poste d’enseignant inébranlable d’où diffuser sa médiocrité, interviews chic et choc à la télévision, etc. Les commandes à cinq mille Euros du mètre carré vont affluer. L’IFA s’est longtemps spécialisée dans cette production en série de rois tout nus. Dans la litanie des grands prix depuis les années 80, vous chercherez en vain le moindre talent, Perrault, Soler, Hauvette, Hondelatte, Fuksas, Lacaton-Vassal, etc. Conscient de l’imposture, Gaudin a refusé le grand prix, ce qui l’honore. Les galeries nationales sont la clé de voûte de l’édifice marketing, fonctionnant comme les réserves de la Banque de France pour garantir la spéculation du marché privé, assumant tous les frais de la promotion des baudruches. Ce n’est pas la valeur de l’œuvre, c’est son prix (au mètre carré) qui est pris en compte, tel qu’on le fait monter dans les ventes (ou dans la folle bulle des grands projets). A la bourse, le délit d’initiés est puni. En art c’est une vertu…Les gens fortunés en ont marre des marchés financiers et portent plus d’attention à l’art… (Harry Bellet et Marc Roche sur la FIAC, le Monde du 22/10/10)… En architecture, les spéculateurs ne prennent aucun risque, ils sont le plus souvent fonctionnaires ou quasi… Damien Hirst qui expose des animaux disséqués dans du formol, un des plus chers des artistes modernes, a organisé une vente de ses propres œuvres en empochant 89 millions d’Euros !

Il subsiste de vrais grands maîtres. Renzo Piano en est.

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Laissons-le conclure (interview de Yorgos Archimandritis, Le Monde mensuel, novembre 2010) : En 1962, je travaillais le jour et j’occupais l’université la nuit, en signe de rébellion contre les professeurs, le pouvoir, l’autorité… C’était le rêve utopiste d’un monde meilleur, dans lequel l’architecte tient le rôle essentiel, car l’architecte n’est pas un esthète, il travaille sur la communauté, sur les lieux publics, les musées, les universités, les lieux où les gens se rencontrent… Etre architecte c’est la plus belle aventure du monde… Vous devez répondre aux besoins mais aussi aux désirs. C’est ça qui rend l’architecture noble. Si vous ne répondiez qu’à des besoins, ça ne serait que du bâtiment… La beauté est quelque chose qui vous échappe et dont il est délicat de parler… Il faut apprendre aux gens à voir la beauté, à la chercher, à la désirer. Tout le monde apprend à chercher l’argent, le pouvoir ou la victoire. Or, la beauté, l’art, la poésie, sont plus important, parce qu’ils peuvent changer le monde… Le serment des élus aux citoyens de la vile d’Athènes au Ve siècle av. JC était : « Je vous promets de restituer la ville plus belle que vous me l’avez donnée ! » Hauts dignitaires du PS et d’ailleurs, à méditer !

Un scoop : le PS esquisse la ville du XXIe siècle !

Titre follement racoleur du Monde de M. Bergé. Il pourrait nous faire rêver à nouveau. Si DSK restait dans son placard doré du FMI, si Ségolène s’occupait de sa voiture électrique et son Hollande d’ex de la cueillette des

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cèpes dans sa Corrèze d’emprunt, si, si, si… Le PS pourrait diriger quatre ans l’urbanisation française. De cette page, gardons-nous de tout rejeter au prétexte d’opportunisme congénital et jugeons sur pièce. La personnalité sympathique et résistante de Claude Dilain, le maire de Clichy sous Bois, force le respect. A Clichy même, le maire se souvient-il de l’excellente étude-action menée par Lucien Kroll et la Sodédat en 1983 qui aurait pu produire aujourd’hui des résultats féconds, notamment par l’amorce d’un vrai centre-ville, si elle n’avait été brutalement interrompue par les élus de l’époque. Les politiques urbaines de Toulouse, Reims et surtout Paris conduisent à plus de circonspection. Yves Dauge, sénateur, hier directeur de l’urbanisme bataillant au ministère contre la technocratie bouyguesque de la direction de la construction, n’est pas cité quand il est un des ultimes élus PS à connaître la question, en ayant une rare culture architecturale. Il symbolise, avec feu Dubedout, le temps - avant 1981 - où les expérimentations brillantes, libérées du carcan marchand, fleurissaient dans nombre de villes de gauche dans la foulée de la vague soixante huitarde. Examinons la liste des experts du « comité scientifique » (bigre !). Le patron est monsieur Gilli de science po. Je l’ai croisé à la SCET (CDC) dans ces années-là. Nous n’étions pas dans le même camp, il normalisait les velléités de politique architecturale des SEM de base et le comité pour la reconquête urbaine et architecturale des grands ensembles dont j’étais un des animateurs, avec l’Union des HLM, la SCIC, la fédération des agences d’urbanisme, les directions de l’architecture et de l’urbanisme du Ministère, Fortin de Banlieue 89, le comité Dubedout pour les grands ensembles, toutes des personnes de qualité essayant de faire accoucher cette époque régressive d’une politique de progrès. Il privilégiait le blabla sociologique qui devait endormir les

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cités de l’exclusion pour les résultats qu’on sait. Quels sont les architectes conseils du PS ? On touche au scandale ! L’incroyable Dominique Perrault, navigateur à voile, promu star par la commande insolite par Mitterrand d’une monstrueuse TGB, infantile, brutale et mercantile qui ne marche toujours pas mais dégrade toujours le ciel de Paris, archétype de la fausse vedette en papier crépon. Il a inauguré la série des grands prix usurpés ! Panerai, vieil apôtre de la régression passéiste, du plagiat haussmannien, sans une ombre de créativité. Une grande politique architecturale et urbaine devrait en premier lieu écouter les quelques grandes voix indépendantes de l’horreur économique et dont les écrits ou les œuvres témoignent. Citons dans le désordre et la non exhaustivité Françoise Choay, Renée Gailhoustet, Françoise Jourda, Iwona Buczkowska, Yann Brunel, Henri Gaudin, Lucien Kroll, Renzo Piano, Ricardo Porro, Iona Friedman, Borel, Pouchain, Fortin, Rogers, etc. … leurs avis seront sans doute contrastés et tant mieux si on peut ainsi éviter la grisaille et l’éternel retour de ceux qui ont mille fois échoué au port mort de la quête d’honoraires. Le PS s’exprime sur les grands ensembles qui restent la priorité urbaine et sur la suite à donner à la politique de Borloo. Notons que celui-ci a eu le courage de rompre avec le cosmétique sur les barres et le bavardage sociologique pour consacrer d’importants moyens financiers à la reconquête urbaine des ZUP de la charte d’Athènes, ainsi que les nomme Lucien Kroll. Le problème c’est qu’il n’avait rien dans la tête à propos de la ville qu’il fallait faire et qu’il a créé un monstre froid et bureaucratique de plus, totalement opaque puisqu’il ne rend de comptes qu’au Premier Ministre, l’ANRU, machine à pousser les migrants plus loin, dirigée par des technocrates impavides qui jouent au casino aménageur avec les milliards publics. Au cabinet, le chargé de

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mission qui suivait le dossier, ancien juge aux affaires de corruption en 93, m’a expliqué son obsession : faire disparaître l’urbanisme « stalinien », incarné par l’Îlot Basilique à Saint Denis qu’il n’avait jamais visité, m’avoua-t-il. Je dus lui rappeler que chacun des treize architectes avait été choisi en accord avec le ministère de l’Equipement, de droite, à l’époque ! Le bilan ANRU est aujourd’hui que 58 000 HLM ont été détruits pour n’en reconstruire que la moitié quand la crise du logement sévit comme jamais pour les déshérités. La politique Borloo est totalement aveugle, aucune idée sur la ville qu’il faudrait reconstruire sinon de remplacer des HLM par de l’accession à la propriété quand on sait que ce secteur dominé par le privé, ignore furieusement toute espèce d’architecture urbaine. Ils enferment le prolo dans les certitudes féodales du propriétaire, dévastent les campagnes proches de la ville par du pavillonnaire anti-écologique, etc. Ce plan régressif était complété, avec la loi Boutin, par une offensive radicale contre la seule solution pouvant amener progressivement, par frottement social, une intégration des couches défavorisées, la mixité sociale qui acceptait quelques cadres dans de beaux HLM avec un surloyer modéré. A la Pièce Pointue du Blanc Mesnil, les derniers cadres, un médecin, un ingénieur, résidents depuis quinze ans, sont partis car l’office (PS) plutôt que résister à la loi inique, leur a quintuplé le loyer ! L’Etat nourrit une Direction de l’Architecture, encore plus inefficace qu’en 1981, maintenant que les lobbies du béton lui ont fait quitter le lieu où les choses se passent, le Ministère de l’Equipement et du Logement (où elle était déjà le pot de terre face à la toute puissante direction de la construction des ingénieurs des Ponts). Elle est désormais à la Culture, soumise au Patrimoine, chasse gardée des ABF, cette secte (où il y a peu les orléanistes étaient considérés comme de dangereux sans-culottes) qui

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engloutit des milliards pour rafistoler à grands frais de vieux murs dont l’intérêt n’est pas toujours vérifié. La DAPA avait un strapontin à l’ANRU, sans aucun pouvoir, avant qu’on le lui supprime pour la clarté du dispositif visant à magouiller dans l’obscurité la plus totale ! Le résultat est un imbroglio mercantilo-bureaucratique, la centaine de projets de l’ANRU destinés à pousser les exclus ethniquement catalogués un peu plus loin pour reconstruire à la place des barres des bouts de barres, selon une manière de Disneyland résidentiel sans esprit et sans grâce où c’est le secteur bancaire qui tient le crayon ! A la sauvette, pour sauver la face, un concours a été lancé en 2003 où la locomotive Nouvel tirait quelques comparses dans des lotissements exsangues qui devaient préfigurer la Jérusalem céleste à moitié prix des HLM ordinaires. A Mulhouse, au Havre Caucriauville, trop chaud l’été, trop froid l’hiver, les gens se barrent. Un fiasco de plus ! Le sordide ne pouvait s’arrêter en si bon chemin. La fougue anticommuniste des Attila de la médiocrité se sont proposés d’éradiquer jusqu’aux traces construites de l’excellence conceptuelle post mai soixante-huitarde dans les banlieue rouges qui rappelaient avec trop d’insistance le fait qu’une telle politique urbaine était réaliste ! Villetaneuse, Aubervilliers, Grande Synthe, L’Isle Saint Denis, les renaudiens étaient menacés pis que Sodome et Gomorrhe. A Pierrefitte, l’ANRU a réussi à casser 220 HLM de toute beauté. La seule justification d’une direction de l’architecture serait de se considérer comme un pépiniériste, de déceler les rares talents de l’hexagone, de les greffer, bouturer, soigner, sarcler, les protéger des vermines et des intempéries marchandes, jusqu’à recueillir les précieuses espèces d’où essaimer vers l’enseignement pour le tirer de son apathie stérile et promouvoir à la place des grands

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ensembles des expériences urbaines remarquables grâce à l’utilisation exclusive des financements HLM pour un label HQA, haute qualité architecturale, ce que nous avons préfiguré concrètement pendant les vingt années de la Sodédat (1974-1994). Avant de dessiner la ville du XXIe siècle le PS serait avisé de tenir les promesses de Jospin sur l’inventaire du mitterrandisme, notamment sur sa politique urbaine catastrophique où gisent les germes du pourrissement ultérieur. Il y faudrait du courage. Par exemple rompre avec la pratique funeste de Bartolone, inoubliable ministre de la ville conseillé par son voisin de palier, qui fait casser les 440 magnifiques Poètes, quand, juste à côté à Villetaneuse un promoteur inspiré a vendu 74 logements Renaudie réhabilités et légèrement adaptés en accession à la propriété, comme le conte François Chaslin sur France Culture. Bartolone prend le contre-pied de la politique architecturale de la Sodédat, cet honneur historique du neuf trois, qu’il a dissoute, en recourant désormais aux scandaleux concours « PPP », participation public privé, où c’est Bouygues et Eiffage qui décident de l’architecture des collèges, de la chaleur spéculative de l’environnement qu’ils vont créer pour les enfants du Neuf Trois ! Que le PS rompe enfin à Paris avec les habitudes de Tibéri. Vive le Vélib, le viaduc de Bastille ou le futur aménagement piéton des berges ou des halles mais le tramway infiniment coûteux prête à plus d’incertitude. Plutôt que ce gadget, ne pouvait-on se contenter d’accroître le nombre des bus sur les extérieurs voire d’utiliser les voies du chemin de fer de ceinture ? La vraie réforme était celle proposée timidement par les Verts : piétonniser les six premiers arrondissements et quelques autres quartiers intéressants comme Montmartre et la Butte aux Cailles. Enfin un geste réel contre la pollution et

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pour le bonheur de vivre en ville ! Nombre de métropoles historiques européennes l’ont fait heureusement. La politique d’utilisation des friches aurait dû être exclusivement orientée vers la création de nouveaux parcs, comme Alphand le fit avec bonheur au dix neuvième siècle. Le logement social semble surtout un prétexte pour urbaniser et densifier avec la folie furieuse des nouvelles tours dont la seule justification est la pluie de profits qu’elles génèrent et que tant d’ « experts » appellent en ne songeant qu’aux fastueuses intempéries. Pour mériter le XXIe siècle, Paris devrait se doter d’une politique architecturale originale, anticipatrice du tournant écologique, il faudrait pour cela visiter en banlieue « rouge » les avancées civilisatrices avant qu’elles ne soient détruites par les philistins, appeler les jeunes architectes à assimiler et développer, renouveler ces recherches, en un mot prendre quelques risques, comme de hauts fonctionnaires de gauche (Robert Lion) l’encourageaient dans les années 70. Cela passe par la rupture avec les « zaképoképur » plutôt que les prolonger à Austerlitz et ailleurs, dans les mêmes boîtes vitrées et tristes, la même absence d’invention, médiocrité planplan, ronron de promoteur. Ils défigurent Paris sans relâche avec la bénédiction du Maire. Frilosité, régression, capitulation sont les axes de la gauche bobo parisienne. En ressassant l’illusion réformiste qu’en transformant la ville, on transforme la société, on n’aboutit qu’aux phrases creuses recouvrant les épousailles concrètes avec le lobby spéculateur. L’ersatz de révolution urbaine pour cacher l’inappétence à changer les rapports sociaux…. Et en fin de compte, la ville. Nos villes sont le reflet d’un modèle qui tend à exclure, séparer, différencier et spécialiser les personnes comme les lieux. Fortes paroles du PS auxquelles on ne demanderait qu’à souscrire. Mais on peine à saisir les

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moyens propres à sortir de cette déshérence. Sans doute lutter contre la spéculation foncière, multiplier par cinq les amendes pour les villes qui refusent le logement social, affecter aux HLM le tiers des logements construits, ne sont pas des mesures négligeables. Mais l’urgence porte sur les ghettos de la charte d’Athènes. Redisons les priorités : traiter en premier lieu les causes générales, augmenter les bas salaires, partager le travail, assurer la sécurité, mener une politique anti-drogue réaliste, améliorer le recours aux méthodes actives d’éducation à l’école, recréer patiemment la mixité, etc. Il conviendrait ensuite de remettre la politique de Borloo sur les pieds, garder ses moyens mais supprimer l’ANRU, décider d’engager (voir plus haut) une grande politique d’architecture urbaine avec des outils pluriels, sélectionner les acteurs pour des plans d’aménagement libérés de la tutelle promoteurienne et bancaire. Balayer les billevesées de la pensée officielle de la DAPA : les grands ensembles de la charte d’Athènes sont bien une calamité irréparable qu’il faut patiemment résorber comme on le fit jadis pour les îlots insalubres où seulement trois personnes brillantes dirigeaient l’effort au Ministère. A l’opposé de leur réhabilitation esthétique et idéologique, cette mission impossible de penseurs qui n’ont que de la bouillie dans la tête ! Team Ten et les mai soixante huitards, les écrivains, cinéastes, poètes, chanteurs populaires avaient raison, la sarcellite est une maladie infectieuse, le zonage hygiéniste un totalitarisme, les plans masse qui suivaient le chemin de grue, les « trois mille », les « quatre mille » cellules dupliquées, un immense scandale financier et humain. Les barres, les tours, alignées ou non sur rues sont le cadre idéal pour la ghettoïsation. Une DAPA défonctionnarisée doit réintégrer un grand ministère de la ville, du logement et de l’aménagement du territoire dont elle serait non le parent pauvre mais le fer

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de lance. Pour replacer l’humain avant le profit, empêcher la catastrophe écologique annoncée, préparer la niche écologique empathique à la future société réconciliée, il convient de faire réétudier la période faste de l’architecture française, celle des années 70, outre le Sellier des cités jardins d’avant guerre, les banlieues grenobloises de la SADI, Saint Martin d’Hérouville, les réhabilitations de Besançon, de Saint Brieux, Roubaix, Grande Synthe, les expérimentation urbaines d’Ivry, Givors, Saint Denis Basilique, Aubervilliers la Maladrerie, Pierrefitte les Poètes, Blanc-Mesnil la Pièce Pointue, La Courneuve de l’Orme Seul et de Rateau, l’Isle Saint Denis du Bocage, etc. Sortir de l’obsession corbusienne et étudier les vrais grands créateurs du XXe siècle, Wright, Sharoun, Saarinen, Piétila, Van Eyck, Frei Otto, Gian Carlo di Carlo, etc., avant la débâcle de l’art contemporain ! Proximité, moyenne densité, faible hauteur, bâti continu, combinatoire complexe, mixité, parcours labyrinthiques, sculpture des volumes et des espaces intérieurs, piétonisation, végétalisation, terrasses plantées, transparences, dissymétries, plans libres, pluralité des formes du logement et du quartier, autosimilarité, évolutivité du bâti, ouverture des quartiers plutôt qu’enfermement digicodé, consultation des poètes sur les plans plutôt que des commissaires de police ! Invention, invention, invention. Novembre 2010

Table des matières

I

Nostalgie romantique ou constat de déshérence ? 7

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II

L’assassinat des Poètes 51

Tous les habitants contre la démolition des 440 HLM 64 Deux cents architectes : Non à la démolition 66 France-Culture 73

A M. Borloo 77

Au Président Chirac 79

Evaluation sommaire de la réhabilitation et de la démolition 83

Un rapport du Préfet de Seine-Saint Denis 91

Premier succès démocratique 103

Juin 2009 : permis de démolir ! 115

Délégation à la Direction de l’Architecture 119

Référé au tribunal administratif de Montreuil 125

Droit de réponse à Edwy Plenel, Médiapart 133

Trois mois plus tard, le tribunal se déjuge 138

Opérations de la Sodédat 93 classables à l’inventaire des Monuments historiques 143

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III

Sur le Grand Paris de Nicolas Sarkozy 155

L’avis de Paul Chémétov 186

Jacques Attali : un Grand Paris d’austérité ? 191

Grand Paris : suite et fin ? 201

IV

Vie quotidienne et production de l’espace 203

La ville comme corps social de l’homme 211

Team Ten et Montrouge à Chaillot 221

Grands Prix et grands ensembles 231

A Mme Choay 253

Pionniers de la désespérance 257

Du même auteur Essais

Banlieue de banlieue ! Ramsay, 1986 (sous le pseudonyme de Raymond Passant)

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Banlieue 93, Messidor, 1989Requiem pour la ville, Riposati, 1993Sodedat 93, un laboratoire urbain, numéro spécial d’Architecture d’aujourd’hui, 1994L’art de faire la ville, le quartier basilique à Saint Denis, Riposati, 1994Faim d’utopie, Bertout, 1999La mauvaise graisse, Bertout, 1999Une expérience d’écologie urbaine, Le Linteau, 1999Quel altermonde ? L’Harmattan, 2004, Socialistes : l’autogestion ou le sarkophage ? 2007Faut-il brûler les HLM ? L’Harmattan, 2008Pour une sortie de crise positive, L’Harmattan 2010

Romans

Caux Caux blues, Riposati, 1993Bousélégie, conte, Bertout, 1999Caro mio, Amalthée, 2005Le bois au coq, Thélès, 2007Pousse de chiendent, L’Harmattan, 2010

Poésie

Cahier treize, Europe, (Raymond Passant), 1971Ika, Messidor, 1989La quarantaine, Carte Segrete, 1994Bilan prévisionnel, 2007

Vidéos

4 VHS de 26 minutes, monographies de quatre architectes de la Sodédat 93, producteur Périphérie, 1996 :Renée Gailhoustet (en collaboration avec C. Merlhiot)

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Iwona Buczkowska, (en collaboration avec Olivier Guéneau)Ricardo Porro (id.)Yves et Luc Euvremer

80 Vidéos numériques de 50 minutes, de 1988 à 2010 :

France (Normandie, Provence…), Architectures : la Pièce pointue de Buckzowska au Blanc- Mesnil, l’INRA à Orléans, le quartier des Poètes à Pierrefitte, etc., Pologne (Gdansk, Sopot, Cracovie), Grèce, Cyclades, Santorin, Hambourg, Berlin, Munich, Vienne, Graz, Rome, Venise, Naples, Florence, Ferrare, Mantoue, Padoue, Vérone, Lucca, Ravennes, trois vallées de la Ligurie, Turin, Gênes, Capri, Barcelone, Dali catalan, Moscou, Chypre, Sud Maroc, Mali des Dogons, Tanzanie, Kenya, Madagascar, îles Marquises, Syrie, Pétra, Turquie (Lycie et Lydie, Istanbul), Brésil (Ignaçu, Porto Alegre, Rio, Brasilia, Manaus, Bahia), Guatemala, Mayas de Tikal, Copan et musée de Mexico, Martinique, Guadeloupe, USA (FL Wright à Chicago, San Francisco, Racine, Los Angeles, Phénix, Arizona, etc.…), Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Chine : minorités Miaos et Dong, Pékin, Shanghai, Canton, Suzhou, Datong, Xian, six films sur la route de la soie (Kirghizistan, Xinjiang, Gansu, l’opéra de Pékin …), Inde : Rajasthan, Ahmedabad (le Corbusier, Kahn, Doshi, …), Chandigarh, Fatehpur Sikri, Tamul Nadi, Kadjurao, Kerala, Orchha, Hydérabad, Orissa.

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L’auteur a vécu 40 ans en Normandie où il fut successivement ingénieur chimiste, secrétaire du maire du Havre puis de Dieppe. Après l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’URSS, il se reconvertit dans

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l’urbanisme en construisant en Seine-Saint Denis des dizaines de quartiers et de collèges de haute qualité architecturale. Depuis, il écrit et réalise des vidéos.

Cet essai est un complément de Faut-il brûler les HLM ?, paru en 2008 chez L’Harmattan. Il prolonge la réflexion théorique et pratique sur la ville et l’esthétique, sur la situation sinistrée de l’architecture et sa digestion par le profit. Il relate l’affaire accablante du quartier des Poètes à Pierrefitte où, après avoir frôlé le succès, la lutte des habitants et des architectes n’a pu empêcher le pire obscurantisme : la démolition par la classe politique toute entière d’un quartier de 440 HLM récents et exemplaires sur les plans écologique, social et esthétique dont le seul défaut était d’abriter 90 % de gens du Sud. Ce déni démocratique et culturel, ignoré par les médias, alarme quant aux destins possibles d’une France bloquée entre l’incandescence spéculative et l’indécence bureaucratique. Le point est fait sur les politiques de la ville, sur le Grand Paris, l’irruption des techniques numériques dans la conception, la dégradation des Prix, les aberrantes orientations de la direction de l’architecture qui veut réhabiliter idéologiquement - plutôt que physiquement - les grands ensembles de ségrégation de la charte d’Athènes.

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En couverture : image de la maison de la forêt à Darnétal, chef d’œuvre d’Iwona Buckowska

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