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Tome V Numdro 1 Arthrite apr~s une h~fection d gonocoque 65 Arthrite r6actionnelle apr6s une infection gonocoque par A. CLEUZIOU', D. MOTHER*, Y. PENNEC*, J. JOUQUAN'" et G. BERGERET" Le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter constitue, parmi les arthfites r6actionnelles, le tableau le plus complet et le moins discutable. I1 r6sulte de la conjonction de facteurs g6n6tique et d'environne- merit. Le facteur g6n6tique, sou~onn6 par les 6tudes familiales, est conftrrn6 par la raise en 6vidence de l'antig~ne HLA B 27 chez 80 p. 100 des malades. Le facteur d'envkonnement est repr&ent6 essentielle- ment par les agents infectieux o/1 Chlamydia trachomatis occupe la premi6re place. Sont 6galement incrimin6s avec certitude: Shigella flexneri, Sahno- nella, Campylobacter jejuni, Yersinia enterocolitica. Par contre, Ureaplasma urealyticum, Klebsiella aerogenes, Klebsiella pneumoniae, Yersinia pseudotu- berculosis et enfm Neisseria gonorrhoeae ne sont que suspect~. Nous rapportons un syndrome de Fiessinger- Leroy-Reiter (FLR) singulier par son 6volution rechutes, le seul facteur infectieux pouvant ~tre incrimin6 lots de la deuxi6me pouss~e 6rant un gonocoque. OBSERVATION A l'examen, les articles atteints sont inflanunatoires mais sans gpanchement ponctionnable. Le rachis lombaire est raide, la mobilisation des sacro-iliaques douloureuse. I1 n'y a pas d'atteinte oculaire. La vitesse de s6dimentation est h 112 mm fi la premiere heure, la fibrin6mie ~ 8 g/l; la recherche de facteurs rhumatoides, d'anticorps antinucl6aires est n6gative; le phgnotype HLA associe les antig6nes A2, AI I, BW60 et surtout B27; les s6ro-diagnostics de Widal, Wright, Yershzia et Chlamydia sont n~gatifs, de m~me que les coprocultures. Ix pr616vement ur&hral met en 6vidence un gonocoque; par contre, la recherche de Chlamydia est n6gative, tant ~t l'examen direct qu'apr6s culture. I1 n'y a pas de cellule :~ inclusions sur le frottis ur6thral et le test de transformation lymphoblastique avec l'antig6ne chlamy- dien est nggatif. Les radiographies pulmonaires, des articulations p6riph6riques atteintes, des sacro-iliaques et du rachis sont normales. La scintigraphie osseuse avec 6tude semi-quantitative r6v61e une hyperfLxation nette au niveau des deux sacro-iliaques. Sous p6nicillinoth6rapie, I'urgthrite disparait en 48 heu- res; par contre, les atteintes articulaires persistent et ne r6gressent que progressivement en quelques semaines sons anti-inflammatoires non stgro'idiens. Un homme de 35 ans, pr6sente en 1977 un syndrome de FLR secondaire fi une ur6thrite ~ Chlamydia trachomatis (mise en 6vidence de cellules fi inclusions sur le frottis ur6thral). En d6cembre 1981, quinze jours aprb.s une ur6thrite, r6apparaissent des arthrites qui persistent deux mois et motivent l'hospitalisation du patient en f6vrier 1982. Le diagnostic est 6vident devant: une ur6thrite ; une atteinte muqueuse (balanite circin6e, 16sion du palais) ; une atteinte articulaire, ~ la fois p6riph6rique (arthrites de la cheville gauche, du poignet, et de la m6tacarpophalangienne du premier doigt de la main gauche) et axiale (lombalgie inflammatoire, douleur sur les sacro-iliaques). " Service PaulB~ne (Pr G. Bergeret), CHR Morvan, 29200 Brest. ** Clinique m(dicale Harrier (Pr G. Le Menn). CHR Morvan, 29200 Brest. COMMENTAIRES Si les arthrites purulentes dues au gonocoque sont bien connues (2) (mise en 6vidence possible du gonocoque dans le liquide synovial, P6nicilline tr6s rapidement efficace), le concept de rhumatisme postgonococcique est tr6s discut6. En effet, la distinction entre arthrite septique et aseptique n'est pas toujours nette, d'autant que la pr6sence de l'agent infectieux dans la cavit6 articulaire peut 6tre br6ve et passer inaper~ue. Olhagen (4) signale la possibilit6 de cas << fronti6res >> dans lesquels, grfice aux progr~s techniques actuels, des formes L de gonocoque ont pu 6tre raises en 6vidence dans le liquide synovial, alors que les techniques usuelles ne permettaient pas de retrouver de germe dans l'articulation. La Revue de Mddecine interne, tome V, n ~ 1, mars 1984, pp. 65-66. Re~u le: 8-6-1983. Renvoi pour o~rrection le : 16-9-1983. Acceptation d~l'mitive le : 4-11-1983.

Arthrite réactionnelle après une infection à gonocoque

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Page 1: Arthrite réactionnelle après une infection à gonocoque

Tome V Numdro 1

Arthrite apr~s une h~fection d gonocoque 65

Arthrite r6actionnelle apr6s une infection gonocoque

par A. CLEUZIOU', D. MOTHER*, Y. PENNEC*, J. JOUQUAN'" et G. BERGERET"

Le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter constitue, parmi les arthfites r6actionnelles, le tableau le plus complet et le moins discutable. I1 r6sulte de la conjonction de facteurs g6n6tique et d 'environne- merit. Le facteur g6n6tique, s o u ~ o n n 6 par les 6tudes familiales, est conftrrn6 par la raise en 6vidence de l'antig~ne HLA B 27 chez 80 p. 100 des malades. Le facteur d 'envkonnement est repr&ent6 essentielle- ment par les agents infectieux o/1 Chlamydia trachomatis occupe la premi6re place. Sont 6galement incrimin6s avec certitude: Shigella flexneri, Sahno- nella, Campylobacter jejuni, Yersinia enterocolitica. Par contre, Ureaplasma urealyticum, Klebsiella aerogenes, Klebsiella pneumoniae, Yersinia pseudotu- berculosis et enfm Neisseria gonorrhoeae ne sont que suspect~.

Nous rapportons un syndrome de Fiessinger- Leroy-Reiter (FLR) singulier par son 6volution rechutes, le seul facteur infectieux pouvant ~tre incrimin6 lots de la deuxi6me pouss~e 6rant un gonocoque.

OBSERVATION

A l'examen, les articles atteints sont inflanunatoires mais sans gpanchement ponctionnable. Le rachis lombaire est raide, la mobilisation des sacro-iliaques douloureuse. I1 n'y a pas d'atteinte oculaire.

La vitesse de s6dimentation est h 112 mm fi la premiere heure, la fibrin6mie ~ 8 g / l ; la recherche de facteurs rhumatoides, d'anticorps antinucl6aires est n6gative; le phgnotype HLA associe les antig6nes A2, AI I, BW60 et surtout B27; les s6ro-diagnostics de Widal, Wright, Yershzia et Chlamydia sont n~gatifs, de m~me que les coprocultures. Ix pr616vement ur&hral met en 6vidence un gonocoque; par contre, la recherche de Chlamydia est n6gative, tant ~t l'examen direct qu'apr6s culture. I1 n'y a pas de cellule :~ inclusions sur le frottis ur6thral et le test de transformation lymphoblastique avec l'antig6ne chlamy- dien est nggatif. Les radiographies pulmonaires, des articulations p6riph6riques atteintes, des sacro-iliaques et du rachis sont normales. La scintigraphie osseuse avec 6tude semi-quantitative r6v61e une hyperfLxation nette au niveau des deux sacro-iliaques.

Sous p6nicillinoth6rapie, I'urgthrite disparait en 48 heu- res; par contre, les atteintes articulaires persistent et ne r6gressent que progressivement en quelques semaines sons anti-inflammatoires non stgro'idiens.

Un homme de 35 ans, pr6sente en 1977 un syndrome de FLR secondaire fi une ur6thrite ~ Chlamydia trachomatis (mise en 6vidence de cellules fi inclusions sur le frottis ur6thral). En d6cembre 1981, quinze jours aprb.s une ur6thrite, r6apparaissent des arthrites qui persistent deux mois et motivent l'hospitalisation du patient en f6vrier 1982. Le diagnostic est 6vident devant: une ur6thrite ; une atteinte muqueuse (balanite circin6e, 16sion du palais) ; une atteinte articulaire, ~ la fois p6riph6rique (arthrites de la cheville gauche, du poignet, et de la m6tacarpophalangienne du premier doigt de la main gauche) et axiale (lombalgie inflammatoire, douleur sur les sacro-iliaques).

" Service PaulB~ne (Pr G. Bergeret), CHR Morvan, 29200 Brest.

** Clinique m(dicale Harrier (Pr G. Le Menn). CHR Morvan, 29200 Brest.

COMMENTAIRES

Si les arthrites purulentes dues au gonocoque sont bien connues (2) (mise en 6vidence possible du gonocoque dans le liquide synovial, P6nicilline tr6s rapidement efficace), le concept de rhumatisme postgonococcique est tr6s discut6. En effet, la distinction entre arthrite septique et aseptique n'est pas toujours nette, d 'autant que la pr6sence de l 'agent infectieux dans la cavit6 articulaire peut 6tre br6ve et passer inaper~ue. Olhagen (4) signale la possibilit6 de cas << fronti6res >> dans lesquels, grfice aux progr~s techniques actuels, des formes L de gonocoque ont pu 6tre raises en 6vidence dans le liquide synovial, alors que les techniques usuelles ne permettaient pas de retrouver de germe dans l 'articulation.

La Revue de Mddecine interne, tome V, n ~ 1, mars 1984, pp. 65-66. Re~u le: 8-6-1983. Renvoi pour o~rrection le : 16-9-1983. Acceptation d~l'mitive le : 4-11-1983.

Page 2: Arthrite réactionnelle après une infection à gonocoque

66 A. Cleuzion et coll.

N6anmoins, ce m~me auteur a soulign6 les particularit6s des arthrites aseptiques: apparit ion aprSs un intervalle libre de deux h trois semaines apr6s rinfection initiale, r~sistance h la p~nicilline.

Des observations d'arthrites r6actionnelles gonocoque paraissant authentiques ont 6t6 rapport6es par Olhagen(4) et Rosenthal(5). Ce dernier a compar6 16 patients ayant pr6sent6 une arthrite aseptique apr6s une infection ~ gonocoque (groupe I), et 14 patients ayant d6velopp6 une arthrite aprb.s une ur6thrite non gonococcique (groupe II). Le tableau clinique 6tait identique dans les deux groupes. Neuf des 16 patients du groupe I avaient des anticorps antigonococciques, absents chez les malades du groupe II. Enfin, les arthrites du groupe I n'6taient nullement ,am61ior6es par la p6nicilline et paraissaient bien de ce fait r6actionnelles h l 'infection gonococ- cique. L'antig+ne H L A B 2 7 6tait present chez 90 p. 100 des malades du groupe I. Dans notre observation, nous n 'avons pu mettre en 6vidence un autre agent infectieux que le gonocoque malgr6 les recherches r6p6t6es bact6riologiques et immunolo- giques. L'6volutiGn du syndrome de FLR de notre malade est 6galement particuli6re : rechutes ~t germes diff6rents (Ch lamydia puis gonocoque). Ce fait a d6j~ 6t6 soulign6 par d'autres auteurs : ainsi Friis (3) a

La Revue de M(decine bzterne Mars 1984

rapport6 chez un enfant un syndrome de FLR Sa lmone l la rechutant apr~s une infection h Yershlia.

Devant un tableau d'arthrite r6actionnelle, il nous parak donc licite de rechercher des ant~c&lents d'ur6thrite gonococcique, au m~me titre clue les autres infections habituellement incrimin~es.

BIBLIOGRAPHIE

I. AMOR B., LAOUSSADI S. : Physiopathologie du syndrome de Fiezsinger Leroy Reiter et affections apparent6es. 1. Facteurs d'environnement: les facteurs infectJeux. Req,. Rhum. MaL Osteoartic., 1982, 4g, 553-558.

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3. FValS J. : Reiter's disease in childhoof onset having a special reference to ttLA B27. Report of a case and review. Scand. J. RheumatoL. 1980, 9, 250-252.

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5. Rt36ENqIIAL L, OLIt.XGEN B. and EK S. : Aseptic arthritis after gonorrhoea. Ann. Rheum. Dis., 1980, 3g, 141-146.