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Balance musculaire frontale et toxine botulique Frontal muscular balance and botulinum toxin L. Belhaouari *, V. Gassia, F. Lauwers 3, allées Jules Guesde, 31000 Toulouse, France MOTS CLÉS Anatomie ; Rides ; Toxine botulique ; Muscles frontal ; Corrugator ; Procérus ; Depressor supercilli ; Orbiculaire des paupières KEYWORDS Anatomy; Wrinkles; Botulinum toxin; Frontal; Corrugator; Procérus; Depressor supercilli; Orbicular muscles Résumé Connaître l’anatomie des muscles du tiers supérieur du visage et leur fonction, comprendre la fameuse balance musculaire frontale, considérer les remaniements ana- tomiques et histologiques induits par le vieillissement au niveau de la surface cutanée et de la fonction musculaire des muscles peauciers sous-jacents, sont primordiaux pour mieux dominer l’apport thérapeutique remarquable procuré par la toxine botulique, car existe dans son utilisation un risque opérateur-dépendant non négligeable. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract A good knowledge of the anatomy of the muscles of upper third of the face and their function, a good understanding of the famous Frontal Muscular Balance, to consider the anatomic and histological modifications induced by ageing in the cutaneous layer and the muscular function of the underlying “peaucier muscles”, are essential for a better approach and for an easy and safe use of botulinum toxin, remarkable product, and for avoiding its operator-dependant risks. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Connaître l’anatomie des muscles du tiers supé- rieur du visage et leur fonction ; comprendre la fameuse balance musculaire frontale (Fig. 1); considérer les remaniements anatomiques et histologiques induits par le vieillissement au niveau de la surface cutanée et de la fonction musculaire des muscles peauciers sous-jacents, conduisent naturellement à savoir mieux obser- ver les signes du vieillissement qui amènent nos patients à venir consulter, c’est-à-dire « Savoir lire un visage », et à une meilleure approche de la conduite thérapeutique, c’est-à-dire « Savoir écrire un visage ». Le front Le muscle frontal (frontalis) C’est la partie antérieure du muscle occipitofron- tal (muscle digastrique : occipital en arrière inséré à l’os occipital et frontal en avant reliés par la Galéa aponévrotique). Il recouvre le front et la glabelle, il s’attache à la face profonde de la peau sur les deux tiers internes des sourcils et la région inter- * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Belhaouari). Annales de chirurgie plastique esthétique 49 (2004) 521–526 http://france.elsevier.com/direct/ANNPLA/ 0294-1260/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.anplas.2004.08.011

Balance musculaire frontale et toxine botulique

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Balance musculaire frontale et toxine botulique

Frontal muscular balance and botulinum toxinL. Belhaouari *, V. Gassia, F. Lauwers3, allées Jules Guesde, 31000 Toulouse, France

MOTS CLÉSAnatomie ;Rides ;Toxine botulique ;Muscles frontal ;Corrugator ;Procérus ;Depressor supercilli ;Orbiculaire despaupières

KEYWORDSAnatomy;Wrinkles;Botulinum toxin;Frontal;Corrugator;Procérus;Depressor supercilli;Orbicular muscles

Résumé Connaître l’anatomie des muscles du tiers supérieur du visage et leur fonction,comprendre la fameuse balance musculaire frontale, considérer les remaniements ana-tomiques et histologiques induits par le vieillissement au niveau de la surface cutanée etde la fonction musculaire des muscles peauciers sous-jacents, sont primordiaux pourmieux dominer l’apport thérapeutique remarquable procuré par la toxine botulique, carexiste dans son utilisation un risque opérateur-dépendant non négligeable.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Abstract A good knowledge of the anatomy of the muscles of upper third of the face andtheir function, a good understanding of the famous Frontal Muscular Balance, to considerthe anatomic and histological modifications induced by ageing in the cutaneous layer andthe muscular function of the underlying “peaucier muscles”, are essential for a betterapproach and for an easy and safe use of botulinum toxin, remarkable product, and foravoiding its operator-dependant risks.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

• Connaître l’anatomie des muscles du tiers supé-rieur du visage et leur fonction ;

• comprendre la fameuse balance musculairefrontale (Fig. 1) ;

• considérer les remaniements anatomiques ethistologiques induits par le vieillissement auniveau de la surface cutanée et de la fonctionmusculaire des muscles peauciers sous-jacents,conduisent naturellement à savoir mieux obser-

ver les signes du vieillissement qui amènent nospatients à venir consulter, c’est-à-dire « Savoir lireun visage », et à une meilleure approche de la

conduite thérapeutique, c’est-à-dire « Savoirécrire un visage ».

Le front

Le muscle frontal (frontalis)

C’est la partie antérieure du muscle occipitofron-tal (muscle digastrique : occipital en arrière inséréà l’os occipital et frontal en avant reliés par laGaléa aponévrotique).Il recouvre le front et la glabelle,il s’attache à la face profonde de la peau sur les

deux tiers internes des sourcils et la région inter-* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Belhaouari).

Annales de chirurgie plastique esthétique 49 (2004) 521–526

http://france.elsevier.com/direct/ANNPLA/

0294-1260/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS.doi: 10.1016/j.anplas.2004.08.011

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sourcilière. Sa partie interne ou médiale présentedes interdigitations avec le muscle procerus, auniveau de la région intersourcilière. Sa partie laté-rale vient s’insérer à la face profonde de la peausur les deux tiers internes du sourcil où elle sur-croise la portion orbitaire du muscle orbiculaire etle muscle corrugator.À partir de ces attaches cutanées, ses fibres sont

verticales, au niveau du front avant de se prolon-ger par la Galéa aponévrotique de ce complexemusculoaponévrotique du muscle occipitofrontal.Sur la ligne médiane, existe le plus souvent un

diastasis aponévrotique en forme de V entre lesdeux muscles. Mais, parfois, les deux muscles sontunis en formant un plan musculaire continu quioccupe toute la largeur de la région frontale.Latéralement, sa limite externe est au niveau de

la crête osseuse temporale [1,3].Sa contraction plisse le front et soulève le sour-

cil : il est le seul muscle élévateur du sourcil.On peut aussi considérer que par sa contraction :

• la partie supérieure du frontal abaisse la lignechevelue ;

• la partie inférieure élève le sourcil.

Les rides frontales

Les rides frontales sont horizontales et perpendicu-laires à la direction des fibres musculaires du fron-tal, soit à prédominance latérale du fait du diasta-sis médian, soit continues car ce diastasis n’est pasconstant surtout dans sa répercussion clinique.L’injection de toxine botulinique se fera dans la

partie moyenne du front 2 cm minimum au-dessusdes sourcils (3 cm dans la partie externe) pourestomper les rides.L’injection de la partie inférieure du muscle

frontal, dans les 2 cm sus-jacents au sourcil, es-

tompe certes les rides horizontales inférieures,mais en abaissant les sourcils, ce qui entraîne uneffet esthétique négatif (air fatigué de chienbattu). Ainsi, seule une position haute du sourcilpeut être une indication à injecter à ce niveau pourdescendre le sourcil, ce qui est rare en pratique.Le respect de la zone sus-sourcilière externe

explique la persistance fréquente d’une ride sussourcilière externe [5–7] qu’il convient de traitersoit par la toxine botulique, soit par une autretechnique (comblement).L’injection de la partie médiane peut paraître

inutile du fait du diastasis médian. Mais en prati-que, peut-être du fait que ce diastasis ne soit pasconstant et du fait de la diffusion à au moins 1 cmdu produit injecté, l’injection de cette partie mé-diane est souvent utile.Le nombre de points tient compte du pouvoir de

diffusion du produit injecté. Il variera en fonctionde la hauteur du front (une rangée si front étroit,deux rangées si front haut) et de la présence d’uneéventuelle asymétrie.

La glabelle

Le muscle corrugator

Il s’insère en dedans, sur l’éminence osseuse gla-bellaire (partie basse de l’arcus superciliaris dontl’importance du relief dépend en partie de la forcede contraction du corrugator). Cette insertion sesitue, environ, à 7 mm de la ligne médiane et11 mm au-dessus du rebord orbitaire.Le muscle s’oriente transversalement en dehors

et légèrement en haut, recouvert par le frontal etla portion orbitaire de l’orbiculaire, pour rejoin-dre, au milieu du sourcil, la face profonde dumuscle orbiculaire des paupières.Cette insertion sous-cutanée mêle ainsi, dans la

partie médiane du sourcil, de la profondeur vers lasurface, les fibres des muscles corrugator, orbicu-laire et frontal.Ils froncent les sourcils en les ramenant en bas et

en dedans. En effet, de part son orientation, lecorrugator est certes un peu abaisseur de la tête dusourcil, mais il est surtout adducteur du sourcil etdonnera les rides glabellaires verticales.

Le muscle procerus

On peut le considérer comme une expansion mé-diale du muscle frontal.Il s’insère sur les os propres du nez et les cartila-

ges triangulaires du nez, remonte en triangle, enpyramide inversée (muscle pyramidal) en recou-

Figure 1 Muscles peauciers de la balance musculaire frontale(d’après Sobotta, [2]) F : frontal, P : Procerus, C : corrugator, O :orbiculaire : portion orbitaire et palpébrale.

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vrant le corrugator dans sa partie médiale et vas’insérer sous la peau intersourcilière en se fon-dant aux fibres du muscle frontal.Il est abaisseur de la tête du sourcil et donnera

les rides glabellaires horizontales.

Le muscle depressor supercilli(abaisseur du sourcil)

Existe-t-il où n’est ce en fait qu’un faisceau in-terne du frontal ou plutôt un faisceau divergent del’orbiculaire ? Peu importe.Il s’insère sur la région intercanthale à quelques

mm au-dessus du ligament canthal interne, puisremonte derrière le muscle orbiculaire pour s’insé-rer sous la peau au niveau de la tête du sourcil enrejoignant les faisceaux internes du frontal à ceniveau.Il est abaisseur de la tête du sourcil.Son injection délicate présente un risque de

diffusion vers le muscle releveur de la paupièresupérieure et les muscles oculomoteurs et doit sefaire en haute concentration [4].

Les rides intersourcilières

Les rides verticales intersourcilières ou rides du lionsont secondaires à la contraction des corrugators.La toxine botulique aura pour effet d’estomper

ces rides intersourcilières, d’écarter et de remon-ter légèrement la moitié interne du sourcil.L’injection du corrugator se fera au niveau de

son insertion osseuse (soit à 11 mm au dessus durebord orbitaire et à 7 mm de la ligne médiane) etau niveau de son corps musculaire (soit environ à1 cm plus externe et plus haut que le point précé-dent, tout en restant à 11 mm au dessus du rebordorbitaire et sans jamais dépasser le milieu du sour-cil). L’injection doit être profonde perpendiculaireafin d’éviter les fibres superficielles de l’orbicu-laire et du frontal qui sont plus superficielles).Un risque de diffusion existe lors :

• d’injection trop basse (minimum : 11 mm au-dessus du rebord orbitaire, aiguille orientée versle haut) ou trop externe (en regard de la pupilleet du releveur de la paupière supérieure) ;

• de volume injecté trop important (concentrer) ;• de saignement induit dont la diffusion entraînela toxine avec lui (pression digitale) ;

• d’orientation de l’aiguille inadéquate (aiguilleet biseau orientées vers l’axe désiré) ;

• d’injection trop appuyée (injecter doucementpour diminuer l’effet mécanique).En dehors de ces deux points d’injection du

corrugator (insertion osseuse médiane et corpsmusculaire), peut se faire l’injection au niveau de

son attache sous-cutanée externe, au milieu dusourcil, pour affaiblir davantage ce muscle lorsquec’est nécessaire. Là, ses fibres se mêlent aux fibresde l’orbiculaire et du frontal et on est à l’aplomb dureleveur de la paupière supérieure. Cela présenteun danger de diffusion vers le bas avec son risque deptôsis et l’inconvénient de cette intrication avecles autres muscles. Mais cela peut présenter l’avan-tage de cet inconvénient, car en affaiblissant l’or-biculaire on peut avoir un effet de relèvement dusourcil, ce qui est parfois souhaitable.Les rides horizontales, quant à elles, sont dues à

la contraction du procerus. L’injection se fera à laracine du nez, proche de l’os, au niveau de ladépression palpable qui signe la suture osseuseentre os propres du nez et os frontal, en pinçantentre pouce et index de part et d’autre, pour éviterle très faible risque de diffusion latérale vers lesmuscles intraorbitaires qui sont à distance du can-thus interne.L’injection du depressor supercilii est plus déli-

cate car elle présente un risque de diffusion vers lemuscle releveur de la paupière supérieure et lesmuscles oculomoteurs et doit se faire en hauteconcentration [4].Au total l’injection de la glabelle nécessite habi-

tuellement cinq points : deux points pour chaquecorrugator et un point pour le procerus.

La zone orbitaire

Le muscle orbiculaire des paupières(orbicularis oculi)

Véritable sphincter d’occlusion palpébrale etabaisseur des sourcils, il présente deux portions :

• portion palpébrale : recouvre tarse et septumet comprend, en fait, plusieurs faisceaux (pré-et rétrociliaire, prétarsale et préseptale).Responsable des mouvements involontaires, sonhypertonie réactionnelle due à la moindre re-laxation de ses fibres au repos lors du vieillisse-ment, diminue l’ouverture de la fente palpé-brale.

• portion orbitaire : forme un large anneau plat,étalé qui recouvre le rebord orbitaire, la partieantérieure de la fosse temporale, une partie dumalaire, l’apophyse frontale du maxillaire, lesmuscles faciaux (corrugator, petit zygomati-que, élévateur de la lèvre sup.).Responsable des mouvements volontaires, il estabaisseur des sourcils et donnera les rides de lapatte d’oie.

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Les pattes d’oie

Les rides de la patte d’oie se constituent perpendi-culairement aux fibres du muscle orbiculaire etsont donc radiaires.L’injection du muscle orbiculaire se fait à au

moins 1 cm à l’extérieur du rebord orbitaire osseuxafin d’éviter la diffusion intraorbitaire vers les mus-cles oculomoteurs, un point médian sur la ligne ducanthus externe, un point 1 cm au-dessus et unpoint 1 cm au-dessous, en restant à distance à 2 cmau moins du muscle grand zygomatique. Unedeuxième rangée de deux points peut être effec-tuée si l’orbiculaire est large.L’injection au niveau de la queue du sourcil

permet d’agrandir le regard en soulevant la queuedu sourcil (œil de biche).L’injection à 1 mm au dessus ou au-dessous du

canthus externe permet un agrandissement de lafente palpébrale, par relaxation de la portion pal-pébrale du muscle orbiculaire, avec la double pré-caution d’une faible quantité en haute concentra-tion pour éviter la diffusion aux musclesoculomoteurs.Les rides de la paupière inférieure peuvent être

traitées, par injection intradermique à 1 mm endessous du rebord ciliaire à l’aplomb de la pupilleet à la croisée, rides de la patte d’oie et ridespalpébrales inférieures avec cependant un risqued’œdème matinal (la diminution de la tonicité mus-culaire et donc des mouvements palpébraux entraî-nant un mauvais drainage lymphatique).

Le sourcil et la balance musculairefrontale (Fig. 2)

La balance musculaire frontale

Elle codifie l’antagonisme entre le seul muscleélévateur qu’est le frontal et les muscles abais-seurs de cette zone du tiers supérieur du visage.

Le sourcil

Il se divise en trois zones (interne, médiane, ex-terne) et présente deux oppositions musculairesissues de l’antagonisme entre muscles abaisseurset élévateurs :

• zone interne (tête) : avec une opposition entrele frontal (élévateur du sourcil) et les musclesabaisseurs (procerus, corrugator, et depressorsupercilli) ;

• zone médiane (corps) : opposition entre frontal(élévateur du sourcil) et orbiculaire (abais-seur) ;

• zone externe (queue) : seul existe l’orbiculairequi est abaisseur. Il n’y a pas d’opposition élé-

vatrice car le muscle frontal (élévateur) s’ar-rête au tiers externe du sourcil au niveau de lacrête osseuse frontotemporale et n’est donc pasprésent dans cette zone externe.

Avant tout

Il faut comprendre le vieillissement sur le couplepeau-muscle.Le vieillissement entraîne un relâchement de

tous les tissus et donc, théoriquement, un allonge-ment musculaire.Cependant, le muscle est un tissu réactif : il

répond à cet allongement théorique en le combat-tant par une hypertonie musculaire pour essayer dele repositionner. Cette contraction réactionnelleentraîne un raccourcissement du muscle.Par ailleurs, le pouvoir physiologique musculaire

avec sa mécanique contraction–détente est affaibliavec l’âge, essentiellement par une modification,une altération des propriétés viscoélastiques desfibres musculaires. Ainsi, le relâchement muscu-laire est moindre au repos, ce qui donne un rac-courcissement au repos par rapport au muscle plusjeune.Au contraire, la peau est un tissu aréactif et se

relâche naturellement avec le vieillissement sansavoir ce pouvoir de rétraction réactionnelle du tissumusculaire.Cette différence de réaction au vieillissement du

couple cutanéomusculaire va expliquer la ride pro-

Figure 2 Dissection anatomique de la balance musculaire fron-tale.

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fonde d’expression : l’hypertonie musculaire tiresur la surface cutanée (car ce sont des musclespeauciers) et plie le derme profond. Ceci entraîneune plicature cutanée qui reste figée dans la posi-tion où elle se plie et reste pérenne du fait de laperte de la plasticité cutané.C’est l’image d’un drap cutané devenu trop am-

ple par le relâchement du vieillissement par rap-port au matelas musculaire sous-jacent.En fait, la ride profonde d’expression est le

témoin d’un problème profond qui est l’hypertoniemusculaire et du pouvoir réactif différent de cesdeux tissus qui composent le couple peau–muscle,vis-à-vis du vieillissement.

La balance musculaire frontale

Elle explique ainsi le positionnement du sourcilavec l’âge :

• la partie externe sans opposition musculaire, oùseul existe le muscle abaisseur orbiculaire, va septôser ;

• la partie médiane se relève car, à la ptôsecutanéomusculaire due au vieillissement, lemuscle frontal réagira et combattra son allonge-ment par une hypertonie musculaire, qui lecontractera et relèvera cette partie médiane.Parfois, en revanche, cette hypertonie réaction-nelle du muscle frontal est plus faible que l’hy-pertonie réactionnelle du sphincter orbiculaire.La résultante en sera un abaissement, c’est-à-dire une ptôse sourcilière ;

• la partie interne, avec les muscles abaisseurspuissants que sont procerus (Fig. 3), depressorsupercilii et corrugator (qui est aussi adducteur)comparés au seul muscle élévateur frontal, va septôser.

Comment l’injection de toxine botuliniquepeut-elle modifier la position du sourcil ?

• L’injection isolée de la glabelle libère l’actionélévatrice du muscle frontal qui relève parfoisexagérément la partie médiane du sourcil en-traînant l’effet « Méphisto ». Cet effet peut êtrecorrigé par l’injection des fibres latérales dumuscle frontal. Elle peut être prévenue par unexamen minutieux préalable de la tonicité fron-tale et l’injection concomitante du front et de laglabelle.

• L’injection isolée du muscle frontal abaisse laligne sourcilière et devra être évitée en pré-sence de sourcils naturellement bas. Parailleurs, lorsque la fonction élévatrice du mus-cle frontal est complètement bloquée, on as-siste parfois à une compensation de la mimiquepar les muscles abaisseurs non traités commel’orbiculaire.

• Le relèvement du sourcil peut être obtenu parinjection au niveau de la partie supérieure del’anneau orbiculaire orbitaire. Le danger de dif-fusion est important et l’injection se fera, avecla double précaution d’une faible quantité enhaute concentration pour éviter la diffusion auxmuscles oculomoteurs et au muscle releveur dela paupière supérieure, tout proches.

• Dans le cas d’une asymétrie sourcilière, l’injec-tion unilatérale du muscle frontal (pour abais-ser) ou du muscle orbiculaire orbitaire (pourremonter) permettra de rétablir l’équilibre.

Les autres muscles qu’il faut connaître

Ce sont les muscles pouvant être atteints par ladiffusion malencontreuse de toxine botulique.

Muscle releveur de la paupière supérieure(Fig. 4)

Il s’insère au sommet de l’orbite au-dessus du trouoptique. Son corps musculaire aplati chemine im-médiatement au-dessous de la voûte orbitaire,avant de s’épanouir en avant en un large éventailtendineux triangulaire dont la base s’insère enpartie sur toute la largeur de la face antérieure dutarse et en partie sur toute la largeur de la faceprofonde de la peau de la paupière supérieure à1 cm du bord ciliaire.Son action est de relever la portion tarsale de la

paupière supérieure.Le danger de diffusion à partir du haut existe lors

de l’injection du corrugator (soit trop basse et tropFigure 3 Dissection anatomique du corrugator (procerus réclinéen dedans, frontal vers le haut et orbiculaire vers le bas).

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proche du rebord orbitaire, soit trop externe). Laconséquence en est la paralysie du muscle releveurde la paupière supérieure, avec ptôsis, certes ré-versible en trois ou quatre semaines, mais gênante.Il est donc conseillé de respecter les bonnes règlesd’injection, que le biseau de l’aiguille « tourne ledos » à ce muscle lors de l’injection, et de respec-ter la distance minimum de 11 mm au-dessus durebord orbitaire pour le corrugator et 2 cm enregard de l’axe pupillaire pour le muscle frontal.

Muscles oculomoteurs

Au nombre de quatre, les muscles droits (supé-rieur, inférieur, interne et externe) s’étendent dusommet de l’orbite à l’hémisphère antérieur duglobe oculaire.Le grand et le petit oblique complètent cette

panoplie musculaire oculomotrice.La paralysie d’un de ces muscles entraînera une

diplopie très gênante.Le risque de diffusion existe lors du traitement

de la patte d’oie (le respect d’une marge de 1 cmdu rebord orbitaire est primordial) et lors du trai-tement du depressor supercilii.

Muscle grand zygomatique

Il s’insère sur l’os malaire et descend obliquementen bas et en dedans vers la commissure des lèvres.Il relève et écarte la commissure labiale.Son atteinte par la diffusion de produit à partir

d’une injection trop basse de la patte d’oie entraî-nera une gêne de l’expression du sourire et uneaccentuation du sillon nasogénien.

Conclusion

Ainsi, la bonne connaissance de l’anatomie et labonne compréhension anatomoclinique de la ba-lance musculaire frontale et des remaniements in-duits par le vieillissement sont primordiales pourmieux dominer l’apport thérapeutique remarqua-ble procuré par la toxine botulique, car existe dansson utilisation un risque opérateur-dépendant nonnégligeable, tout en sachant qu’il faut aussi savoircombiner les techniques (topiques locaux, toxinebotulique, injections, laser et Peeling, chirurgie [8]et non les opposer : Combination and No Opposi-tion.

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1984.p. 151–374.[2] Sobotta. In: Ferner et Staubesand, editor. Atlas

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concentration. Aesth Plast Sur 2001;25:73–84.[5] Ascher B, Klap P, Marion MH, Chanteloub B. La toxine

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[7] Kestemont, Santini. Bases d’anatomie des musclespeauciers de la moitié supérieure du visage. Réalitésthérapeutiques 2004;137:17–22.

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Figure 4 Dissection anatomique du releveur de la paupièresupérieure.

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