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CASABLANCA UN SIÈCLE APRÈS...Casablanca, un siècle plus tard Presque cent ans plus tard, Casablanca abrite des projets qui n’ont rien à envier aux capitales des pays riches

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ÉDITORIAL

Casablanca, un siècle plus tard

Presque cent ans plus tard, Casablanca abrite des projets qui n’ont rien à envier aux capitales des pays riches. Elle devient ainsi la métropole rêvée par Prost dès ses premiers plans en 1914. Elle a repoussé ses limites pour s’élargir et s’est coupée de l’océan. Aujourd’hui, elle renoue avec son littoral, transforme ses friches industrielles, aménage les espaces désaffectés. Ce faisant, le paysage urbain change radicalement. Que ce soit sur la côte, dans le nouveau quartier de l’ancien aéroport d’Anfa, au cœur du centre ville historique, dans l’ancienne zone industrielle de Sidi Bernoussi, des bâtiments prestigieux voient le jour.Casablanca est comme New-York, sans complexes, dotée d’une bonne énergie, entre-preneuse. On peut y réaliser les rêves les plus fous, les affaires les plus audacieuses, les immeubles les plus hauts, les mosquées les plus grandes…Ce qu’elle a de particulier, c’est cette parfaite adéquation entre sa transformation urbaine et la mentalité de sa population. Le dynamisme de la métropole est légendaire et son architecture est à l’image de ses habitants. Toujours en mouvement, toujours en devenir, adoptant les expériences d’ailleurs, dans une modernité profondément ancrée dans les esprits. Les Casablancais aiment leur ville sans y être nés, car c’est la ville de tous les possibles. Ouverte sur l’international, inclusive, la ville butine dans les genres, les styles, les maté-riaux, les couleurs…Son patrimoine bâti est défendu par des militants inconditionnels qui regrettent l'abandon des anciens centres. Les quartiers évoluent rapidement et deviennent accessibles grâce au tramway. Même la fameuse corniche a été radicalement transformée alors que son foncier est extrêmement problématique.Après le cinéma Mégarama, le centre commercial Morocco Mall et Anfa Place, de nouveaux projets comme la Marina et Sindibad Beach Resort, offriront des équipements de loisirs, de commerces, de bureaux qui amélioreront de manière spéctaculaire la fameuse Corniche. Ces nouvelles animations adapteront les richesses naturelles du littoral à leurs services. Car la dynamique économique ne s’arrêtera pas et continuera à attirer les investisseurs des quatre coins du monde.

Dans ce numéro, vous allez découvrir en exclusivité, la tour CFC, Casablanca Finance City, dessinée par des Prix Pritzker, ténors de l’architecture mondiale, invités à concourir. Vous admirerez les projets de la Marina et de Sindibad réalisés par des confrères nationaux. Vous apprécierez les détail des projets signés par des sommités de l’architecture comme Anfa Place ou le théâtre Cas’art…La Marina profite des 24 hectares gagnés sur la mer, face à la médina. Les tours qui y seront érigées atteindront 16 étages. Elles modifieront radicalement la sky line, mais déjà les Casablancais les ont adoptées. Avec le tramway, le mobilier urbain : bancs, arrêts de bus, barrières, conçus par des architectes designers, prend de l’allure. Si les institutions publiques tentent de faire respecter les règles d’urbanisme, la commission d’esthétique, elle, est en souffrance. Casablanca demeure la ville rebelle qui ne souffre d’aucune homogénéité et adopte tous les excès. Les architectes ne s’embarrassent pas d’intégration au site. Il y a autant de projets que d’expressions stylistiques. Peut-être que la petite maison blanche visible du large qui a donné son nom à Casablanca reste dans la mémoire collective. C’est pourquoi les Casablancais ont adopté cet éclectisme dans une gaie variété. Mais n’est-ce pas cela justement - l’éclectisme raisonné - la base du mouvement moderne ?

Selma Zerhouni

La tour de Casablanca Finance City sera réa-lisée sur l'ancien site de l'Aéroport d'Anfa par le cabinet Thom Mayne, Morphosis, lauréat du concours sur invitation, lancé par MF Board.

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DébatLe SDAU, une vision nouvelle pour le développement de Casablanca

Le SDAU, une vision nouvelle pour le développement de CasablancaDans une interview exclusive accordée à AM, VIctor Saîd, chef du projet de SDAU, dévoile les grands principes qui ont guidé son élaboration. Celui-ci n'intéresse pas seulement le Grand Casablanca mais aussi son environnement immédiat. La réflexion qui sous-tend ce projet débouche aujourd'hui sur un véritable programme de gouvernement englobant tous les aspects du développement de la Ville : urbanistique, économique, écologique et culturel. Un rêve de cité idéale en somme.

Architecture du Maroc Quelle est l'implication de l'IAU-IDF dans l’élaboration du SDAU de Casablanca? Depuis quand? Comment? Quels sont vos parte-naires marocains ? Victor Said

Fin 2003, à la demande de l’Agence Urbaine de Casablanca, l’Institut d’Amé-nagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France (IAURIF, devenu depuis 2008 IAU-ÎdF), a été sollicité dans le cadre de la coopération franco-maro-

caine dans les domaines de l’aména-gement et de l’urbanisme, pour effec-tuer début 2004 une première mission d’identification des problématiques de l’aménagement et du développement de Casablanca et de sa Région.La demande d’expertise consistait à proposer des démarches innovantes en termes de planification stratégique et de développement durable pour répondre à la fois aux attentes et aspi-rations de la population, des élus et des décideurs, mais aussi pour évaluer les défis et les enjeux de Casablanca dans l’objectif de construire, d’une façon collégiale, une vision prospective du développement afin de hisser la capi-tale économique du Royaume au rang des grandes métropoles mondiales.L’appel à l’IAURIF était motivé par le fait que cette institution est une fondation d’utilité publique maîtrisant la planifi-cation et le développement stratégique à toutes les échelles de l’aménagement grâce à des équipes pluridisciplinaires expérimentées au niveau international depuis plus de quarante ans. En plus, le contexte et la culture urbanistique du Maroc sont bien connus par l’Institut.En 2005 nous avons entamé avec l’Agence Urbaine de Casablanca (AUC) deux grands chantiers : l’élaboration du Schéma de Références Stratégique du littoral de Casablanca et le Plan de Développement Stratégique de la

Victor SaidChef du projet du SDAU de la Région du Grand CasablancaInstitut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France

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Région du Grand Casablanca et sa traduction spatiale et réglementaire par le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (SDAU).La démarche qui a été proposée et adoptée pour réaliser le SDAU s’ap-puyait, notamment, sur trois approches : - L’intégration dans la méthodolo-gie d’une démarche participative en ouvrant un large espace de concertation et de construction partagée, favorisant une approche croisée. Ceci, en amont de l’étude et tout au long du déroule-ment du processus de l’élaboration. Ce processus était ponctué par des étapes d’arbitrage et de validation. Les services techniques extérieurs à l’AUC étaient associés à des ateliers thématiques, les élus et les associations représentatives étaient également associés, en plus, à des ateliers territoriaux dont l’approche était plus transversale et intégrée.- Le transfert des bonnes pratiques et du savoir-faire par la mise en place d’une équipe composée des cadres de l’AUC placée en miroir de l’équipe des spécialistes de l’IAURIF. Chaque expert thématique travaillait en étroite colla-boration avec son homologue de l’AUC dans l’élaboration des documents, les enquêtes et entretiens ainsi que dans les visites du terrain.- Le traitement immédiat des grands pro-jets d’investissement par une approche pragmatique en engageant un dialogue

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DébatLe SDAU, une vision nouvelle pour le développement de Casablanca

avec les promoteurs de ces projets afin de les adapter à la vision stratégique d’aménagement en cours d’élaboration tout en maintenant l’intérêt et la fiabili-té économiques de ces investissements.Concernant les partenaires marocains, en plus de l’AUC avec laquelle une convention de coopération est signée depuis 2004, nous avons fait appel à une large contribution des experts locaux dans le cadre des ateliers thé-matiques et territoriaux, et par des entretiens et des enquêtes spécifiques.

AM : A partir de quels constats avez-vous démarré? V.S.

Casablanca était depuis le début du XXe siècle, et demeure encore aujourd’hui, victime de son succès et de son attrac-tivité économique et culturelle. La der-nière longue période de sécheresse a également aggravé le poids de l’exode rural. Face à des besoins toujours gran-dissant d’une offre urbaine adaptée aux besoins et aux moyens des nouveaux arrivants, les pouvoirs publics, malgré les efforts déployés, ont été dépassés par l’ampleur de ce phénomène. Le décou-page de l’agglomération de Casablanca en plusieurs communes, avant la loi sur la réunification de la ville, a contribué notablement à la dégradation de la ges-tion et du développement des services urbains publics (assainissement, déchets, transport, équipements, espace public… etc.) et au retard constaté dans la mise à niveau de ses services.Sont apparues des tendances préoc-cupantes : persistance de poches de bidonvilles, même dans les quartiers centraux, dégradation du tissu urbain patrimonial ancien, processus de déve-loppement urbain par des opérations de lotissements successives sans une vision d’ensemble indispensable pour assurer

une urbanité et organiser des centralités nouvelles, notamment, dans les quartiers périphériques Aujourd’hui, dans un contexte de mon-dialisation et de concurrence interna-tionale pour attirer les investissements et occuper une place prépondérante sur l’échiquier des grandes métropoles, Casablanca, locomotive du Royaume, devrait relever deux grands défis : le

rattrapage du retard cumulé et la dota-tion en équipements métropolitains afin d’améliorer son image et son attractivité internationale d’une part, et d’autre part, répondre aux besoins de ses habitants en termes d’offre de logements dignes, d’emplois, d’équipements de proximité, de mobilité adaptée et d’un cadre de vie à la hauteur des grandes villes développées.Le schéma directeur approuvé en 1985 avait atteint en 2004 ses limites, l’éta-lement urbain «en tache d’huile» dans

les zones préservées n’étant pas maî-trisé, pendant qu’une partie des urba-nisations prévues à Zenata sous forme d’une véritable «ville nouvelle» dans le prolongement Est de l’agglomération ne trouvait pas de réel début de réalisa-tion. De plus, en l’absence de maîtrise du foncier, les plans d’aménagement ne pouvaient garantir la préservation des emplacements nécessaires à la réa-

lisation des équipements publics, qu’il s’agisse d’équipements de proximité ou des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement des quartiers.De ce fait, le marché immobilier a créé des disparités importantes entre centre et périphérie, et entre quartiers, dans un contexte de très forte pression urbaine ouvrant la voie à un système de fonc-tionnement dérogatoire sans visibilité d’ensemble. De nombreux programmes dits «d’investissement» concernant cha-

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cun un nombre significatif de logements réputés «sociaux» ont ainsi vu le jour en frange de la zone agglomérée, sans équipement d’infra ou de superstructure.Les autorités et les pouvoirs publics, conscients de l’importance des besoins et de l’urgence à mettre un cadre cohérent pour assurer une gestion et un déve-loppement urbains adaptés ont lancé plusieurs démarches prospectives, mais sectorielles. La Région s’apprêtait à lancer son plan de développement stratégique, le Centre d’Investissement Régional (CRI) élaborait sa vision pour le développement économique, celui du Tourisme (CRT), sa vision pour Casablanca à l’horizon 2020, mais uniquement sur le volet du dévelop-pement touristique, la Wilaya et la Ville, un plan de déplacement urbain… etc. Dans ce contexte, l’AUC souhaitait égale-ment posséder des documents réglemen-taires de gestion urbaine afin de pouvoir maîtriser le développement et la gestion des autorisations de construire.A partir de ce constat, la méthodo-logie qui a été adoptée pour démar-rer le chantier du SDAU a réuni toutes ces démarches sectorielles en synergie dans une approche fédératrice, globale, transversale et intégrée pour définir une vision de développement stratégique et durable partagée par tous les acteurs et partenaires. Dans cette approche, chaque secteur a retrouvé son intérêt propre dans une vision cohérente et respectueuse des équilibres nécessaires pour un développe-ment soutenable.

A.M : Quelles sont les spécificités de Casablanca? V.S.

Depuis le lancement du développement de la ville il y a un siècle, autour de sa vieille médina et de son port, Casablanca représente le symbole de l’ouverture du Maroc sur le monde. Elle incarne la modernité et constitue un laboratoire de

l’évolution urbaine et de l’audace archi-tecturale.Porte d’entrée et façade du Maroc, Casablanca est une ville très dynamique qui possède un patrimoine bâti d’une richesse et d’une variété très importantes. Elle représente un musée à ciel ouvert, constitué à partir de la médina et son tissu traditionnel, en passant par les villas somptueuses de la colline d’Anfa, elle est ponctuée par des monuments et

des sites emblématiques, tels la Grande Mosquée Hassan II, le site du Marabout Sidi Abderrahman, les quartiers Art déco avec le parc de la Ligue Arabe et la place administrative entourée par des bâti-ments de grande valeur et qualité archi-tecturale, tels que la Wilaya, le Tribunal, la Banque du Maroc ou la Poste. D’autres entités architecturales sont spécifiques à Casablanca, comme le quartier Habous avec son architecture et ses silhouettes traditionnelles ou les quartiers du Maarif avec le Twin Center, symbole de moder-nité et de puissance.L’ambition de Casablanca d’être une ville internationale est inscrite dans ses gênes et traduite dans toutes les démarches de planification depuis le premier plan de Prost qui projette la destinée de la capitale économique du Royaume en pas-sant par celui d’Ecochard avec sa vision humaniste et son souci de l’équité sociale. Il apporte la première réponse face à la crise du logement par l’invention d’une cellule-type et de sa fameuse trame afin de produire « du logement pour le grand nombre ». Le SDAU de 1984 restructure la ville et son périphérique et enfin celui de 2010 projette les bases d’une métro-pole durable.

A.M : Quelles sont les grandes orientations du nouveau SDAU? V.S.

Le nouveau SDAU du Grand Casablanca modifie fortement l’orientation du déve-loppement urbain qui avait présidé jusqu’ici, à travers sept orientations stra-tégiques :- l’organisation de l’armature urbaine régionale par un système polycentrique de pôles périphériques renforcés autour de la capitale économique en assurant la mobilité par un réseau maillé, notamment en transports en commun ; - l’ouverture de nouvelles zones urba-nisables dans les pôles périphériques. ©

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Le report de la croissance urbaine vers les pôles périphériques permettra paral-lèlement de mettre à niveau la ville de Casablanca ;- le remplacement progressif de l’activité industrielle polluante de Casablanca par des activités non nuisantes. Les industries lourdes iront notamment dans les nou-veaux parcs du pôle industrialo-portuaire de Mohammedia et l’axe de développe-ment industriel Mohammedia-Nouaceur ;- le renforcement des fonctions tertiaires notamment sur l’axe vers l’aéroport et grâce à l’opération d’Anfa, tout en pré-servant le cœur tertiaire historique et la création de nouvelles centralités, notam-ment à Zenata ;- la mise en place d’une politique sociale de rééquilibrage à l’Est par la restructura-tion de l’habitat, la requalification de la façade maritime et le renouvellement du tissu d’activités et de l’environnement ;- la mise en place d’un réseau de trans-port urbain de masse constitué notam-ment d’un RER par dédoublement de la voie ferrée actuelle, et d’un réseau de tramways. Avec l’arrivée du TGV à Casablanca, la métropole bénéficiera d’un réseau très performant à vocation internationale, nationale, interrégionale, régionale et urbaine ;- la définition d’une trame régionale d’es-paces verts et ouverts non urbanisables.

A.M : Quels sont les grands axes de développement que vous préco-nisez? V.S.

Les axes de développement sont préco-nisés par l’ensemble des acteurs, car ils ont partagé la même vision à travers la démarche et le processus d’élaboration précités.Sur la base des hypothèses de croissance, trois scénarios de développement ont été soumis au débat. Le premier, cap à l’Est, se fonde sur une

option industrielle. Il prévoit un dévelop-pement urbain linéaire, le long du littoral, en particulier en direction de l’Est. Cette option permet de minimiser les coûts des grandes infrastructures, et de confirmer le positionnement industriel de Casablanca (création d’un vaste complexe industrialo-portuaire dans le cadre de la réalisation de la ville nouvelle de Zénata).Le deuxième scénario, cap à l’Ouest, pri-vilégie un développement urbain marqué vers l’Ouest et le Sud-Ouest, appuyé sur la dynamique économique, en particulier tertiaire et technopolitaine. Le grand pro-jet prévu sur le site de l’ancien aérodrome d’Anfa pourrait être le fer de lance de ce développement. La réalisation de grands équipements structurants et des infras-tructures de transports renforceraient cette option.Le troisième scénario, cap vers les pôles extérieurs, propose de développer les pôles périphériques. C’est un scénario

de l’équilibre : entre les fonctions éco-nomiques industrielle et tertiaire, entre les territoires qui peuvent tous avoir des chances de se développer et dans la répartition des différentes fonctions. Ce schéma polycentrique exigeant en infrastructures nouvelles, et exigeant une réalisation plus rapide des grands équi-pements nécessaires au «décollage» des pôles périphériques, impose une politique volontariste des pouvoirs publics.Le choix des grands axes de développe-ment, à l’origine du plan de développe-ment stratégique et du nouveau SDAU, ont été définis après des arbitrages, au plus haut niveau, des options, des hypo-thèses et des scénarios présentés. Le choix s’est porté sur la synthèse de trois scénarios. À court et moyen terme, le développement industriel va continuer à se déployer ; à moyen et long terme, ce sera plutôt le développement tertiaire et des services qui prendra le relais. Enfin,

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pour permettre à Casablanca d’opérer une mise à niveau globale et limiter son expansion en tache d’huile, le choix de renforcer les pôles périphériques a été adopté. L’aménagement territorial sera ainsi équilibré par une structure polycen-trique.

A.M : Pensez vous que le nouveau SDAU réponde au défi d’une métro-polisation rapide de Casablanca? (exode rural, mobilité urbaine, loge-ments, inégalités sociales...) V.S.

L’objectif premier de la démarche de planification stratégique opéré pour Casablanca par le SDAU consistait à relever le défi de la métropolisation. La condition sine qua non pour la réus-site de la stratégie préconisée exige le déploiement simultané du projet métro-politain de Casablanca sur les trois axes du développement durable (écono-mique, social et environnemental).Cette stratégie s’appuie, en amont, sur une vision globale de ce qui est sou-haitable pour le Grand Casablanca à l’horizon 2030 en s’inscrivant dans les orientations fixées pour l’ensemble du Royaume. Elle se concrétise, en aval, par un plan d’actions immédiates s'inscri-vant dans une charte de développement dont la publication du nouveau SDAU est une des composantes essentielles. La stratégie de mise en œuvre passerait par des mesures de divers ordres, légales, fiscales, de formation, le tout prenant appui sur un effort d’équipement et de cohérence de l’aménagement de la métropole. La stratégie économique consiste à être en première ligne sur les objectifs nationaux ; faire valoir les atouts de Casablanca; améliorer l’offre urbaine (qualité du réseau routier et des trans-ports, des formations, des zones et

des services logistiques etc.) ; améliorer l’offre touristique (grands équipements culturels et de loisirs, patrimoine bâti et littoral mis en valeur, terminal croisières, offre de shopping, information et marke-ting) ; corriger les faiblesses, notamment la disponibilité du foncier, la perfor-mance de l’administration, le cadre de vie (congestion, pollution), l’environne-ment social (résorption des bidonvilles, élévation du niveau d’éducation, etc).La stratégie sociale doit apporter des réponses aux problèmes de qualité du cadre de vie, des inégalités sociales ainsi qu’à la condition des femmes au regard du travail et de l’éducation. Les objectifs sont : lutter contre le chômage et l’analphabétisme; géné-raliser l’enseignement primaire et élé-mentaire, améliorer substantiellement l’offre d’équipements scolaires ; tripler les effectifs de l’enseignement supérieur et professionnel ; résorber l’habitat som-maire et en bidonville; produire 800 000 logements en 25 ans ; assurer les services

urbains ; permettre une mobilité accrue des personnes par le développement des transports collectifs ; assurer l’accès aux soins de santé, aux loisirs, aux sports et à la culture pour tous.Les objectifs de la stratégie environne-mentale consistent à réduire la pollution de l’air par des règlements applicables à l’industrie, un contrôle du parc automo-bile, et le développement des transports collectifs ; prévenir les risques sanitaires et réduire la pollution des sols, des nappes phréatiques, des milieux marins et des plages par le traitement préalable des eaux usées domestiques et indus-trielles et un traitement plus efficient des déchets ; pallier les risques naturels et industriels par des mesures relevant de l’urbanisme et par la réglementation des risques industriels ; démultiplier les espaces verts à disposition des habitants et préserver les milieux naturels, notam-ment la forêt, le littoral, les oueds, dans le cadre d’un projet global de la trame verte régionale.

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Le dôme du parc de la ligue arabe

DébatLe SDAU, une vision nouvelle pour le développement de Casablanca

La combinaison des trois amène à faire progresser la qualité urbaine dans son ensemble.

A.M : Quel regard portez-vous sur le plan «Ville sans bidonville» (création de cités dortoirs, villes nouvelles...) ? V.S.

Cette question mérite sûrement un long développement, car le sujet est difficile et délicat. La politique de « villes sans bidonvilles » est plus que nécessaire et elle est audacieuse. Nous entendons ici et là plusieurs com-mentaires sur l’application de cette politique ainsi que sur la création des villes nouvelles. Bien évidemment, dans chaque démarche, il risque d’y avoir des points négatifs et des points positifs. Faire le bilan aujourd’hui est un peu prématuré, car nous n’avons pas le recul temporel nécessaire pour effectuer une évaluation objective.Cependant, comme vous le savez, sou-vent les bidonvilles s’installent à proxi-mité immédiate des bassins d’emplois. Ceci implique de privilégier le reloge-ment sur place ou à distance raison-nable et de doter ces localités nouvelles de transports en commun dont le coût soit en adéquation avec le pouvoir d’achat modeste des habitants.Par ailleurs, dans toute démarche d’amé-nagement, il ne faut pas perdre de vue les fondamentaux de l’urbanisme : la question de l’urbanité et de la centra-lité face à des cités dortoirs composées de lotissements juxtaposés, l’approche intégrée, notamment, en termes de mixité sociale et fonctionnelle (emploi, équipements, commerces, loisirs, mobi-lité, etc.), la vision d’ensemble à une échelle plus large, en terme d’armature urbaine hiérarchisée, fonctionnelle et maillée, notamment, par les transports

en commun. Il faudrait aussi préparer, en amont de la démarche, la mise en place des outils et des structures d’une gou-vernance adaptée à des villes nouvelles ou de sites dits de «recasement».Enfin, il serait nécessaire que les éta-blissements publics en charge de ces grandes opérations d’aménagement et de développement agissent en garan-tissant l’intérêt public et non pas au même niveau que les promoteurs pri-vés. Autrement dit, les investissements de ces établissements seront à amortir sur le long terme et leur offre urbaine devrait être adaptée aux besoins et aux moyens du plus grand nombre en adé-quation et en application des politiques publiques en la matière.

A.M : Sur le plan du marketing des villes, comment Casablanca peut elle se démarquer? Comment ren-forcer les attraits de la ville? V.S.

La capitale économique du Royaume est déjà démarquée par sa renommée économique, culturelle et sa réputation cosmopolite comme foyer du moder-nisme et de l’ouverture au monde. Siège des grandes entreprises et établisse-ments financiers du pays, place forte des services délocalisés pour les entreprises (offshoring), elle peut s’acheminer vers une métropolisation rapide grâce au développement de ses atouts : tourisme d’affaires, de santé et de shopping avec Morocco Mall, le plus récent complexe commercial d’Afrique, le grand théâtre en cours de réalisation et le palais de congrès projeté dans le programme de la Marina, etc.La mise en service du tramway et par la même occasion la mise en valeur des bâtiments du tissu urbain colonial contribuent à la valorisation de son riche patrimoine architectural, à l’amé-

lioration notable de l’espace public, du mobilier urbain, de la mobilité et au développement durable par l’exploita-tion de transport de masse non polluant.Le renforcement des attraits de la ville passe donc, en premier lieu par la valorisation de ses atouts (littoral, équi-pements majeurs, patrimoine) et la mise à niveau en termes d’offre urbaine et métropolitaine de qualité, mais aussi par la création de l’évènementiel culturel, économique et scientifique. Des projets d’envergure internationale tels que le grand projet d’aménagement sur le site de l’ancien aérodrome d’Anfa ou celui de Zenata contribueront d’une façon remarquable à ces deux aspects et éga-lement à l’amélioration de son image.

A.M : Face aux défis du développe-ment durable, qu'apporte le SDAU? (espaces verts, pollution, inonda-tions, tsunami...) V.S.

On identifie souvent le développement durable à des problématiques purement environnementales. En réalité, il résulte de la vision intégrée du développement basée sur le croisement des trois volets du développement durable, à savoir l’économique, le social et l’environne-mental. En plus, il faut ajouter le volet

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rels et technologiques majeurs et tient compte des éventuelles conséquences du changement climatique. Elle assure par ses coulées et sa ceinture vertes des continuités écologiques indispensables pour assurer la vie de la biodiversité de la faune et de la flore ainsi que l’équi-libre entre les espaces bâtis et les espaces naturels.Enfin, la stratégie environnementale développée plus haut décrit les mesures que le SDAU apporte en matière de lutte contre les différentes formes de pollution, de problématique des déchets et de préservation des milieux naturels.

A.M : Quelles sont selon vous les principales mesures à prendre pour faire de Casablanca une ville où la qualité de vie serait un modèle? V.S.

Le processus de mise à niveau de Casablanca est un travail de longue haleine… La ville souffre, comme nous

processus d‘élaboration et de mise en œuvre dans une démarche participative comme quatrième dimension transver-sale aux trois aspects thématiques.Concernant votre question qui aborde plus particulièrement le volet environ-nemental du développement durable, les orientations et les préconisations du SDAU, comme nous l’avons développé plus haut, se sont fondées en premier lieu sur une toile de fond intangible qui est la trame des espaces verts et ouvert à l’échelle régionale. Cette trame est composée principalement des éléments suivants: parcs urbains, forêts, lits des oueds, espaces naturels côtiers (plages, dunes, rochers), zones inondables, meil-leures terres agricoles, gisements de matériaux, ainsi que les coupures et coulées vertes, tampons entre zones industrielles et résidentielles. Par ses composantes et par sa conception, cette trame incontournable intègre toutes les mesures de prévention des risques natu-

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Axe central du parc de la Ligue arabe

DébatLe SDAU, une vision nouvelle pour le développement de Casablanca

l’avons signalé plus haut, de sa crois-sance démographique et de ses activités économiques sans pouvoir répondre aux besoins grandissants de ses habitants et encore moins rattraper le retard cumulé en terme de standard international de qualité de vie des grandes métropoles mondiales.L’offre suffisante et variée de loge-ments et la résorption des poches de bidonvilles, la réduction des différentes formes de pollution, l’amélioration des services urbains, l’organisation de la circulation et des transports publics, le développement humain par la réa-lisation des équipements publics de proximité, notamment les espaces verts, la préservation du patrimoine urbain et naturel, la protection et la mise en valeur du littoral et de la façade mari-time sont autant de mesures à prendre en urgence. Pour relever ces défis, des moyens glo-baux sont nécessaires: les investisse-ments publics (mieux planifier, mieux programmer), l’action foncière (acquisi-tion de terrains publics et lutte contre la spéculation foncière), l’ingénierie publique (notamment dans les trans-ports, le développement urbain et l’ob-servation urbaine), l’efficience adminis-trative (délais de réponse aux usagers), et la réglementation (notamment sur le foncier, l’environnement et le patri-moine).Enfin, il faut mener des actions de sen-sibilisation auprès de la population sur les problématiques de la pollution, de la propreté et plus généralement sur les principes du développement durable.

Propos recueillis par Selma Zerhouni