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Céphalées de l’enfant et de l’adolescent Headaches in adolescents and children D. Parain Service de neurophysiologie, Centre hospitalier universitaire Charles Nicolle, 76031 Rouen cedex, France MOTS CLÉS Céphalée ; Migraine ; Migraine avec aura ; Céphalée de tension ; Médicaments antimigraineux KEYWORDS Headache; Migraine; Migraine with aura; Tension type headache; Antimigrainous drugs Résumé Les céphalées sont un des motifs de consultation les plus fréquents en neuropé- diatrie. La liste des différents types et des causes des céphalées est longue et le diagnostic parfois difficile à établir. Il faut distinguer les céphalées primaires (migraines et céphalées de tension) sans substratum lésionnel sous-jacent et les céphalées secon- daires moins fréquentes. La classification de l’International Headache Society est une aide au diagnostic, même si elle n’est pas complètement adaptée à l’enfant. D’après les études épidémiologiques récentes, les migraines sont les céphalées de loin les plus fréquentes (neuf patients sur dix). Dans 20 % des cas, il existe avant les céphalées une aura, surtout visuelle. Les migraines inhabituelles ou les équivalents migraineux sont plus fréquents chez l’enfant que chez l’adulte : migraine basilaire, abdominale, confusion- nelle, avec aura prolongée, vertiges paroxystiques bénins, aura visuelle sans céphalée. Les céphalées de tension sont moins fréquentes chez l’enfant. Ces différents types de céphalées, surtout s’il existe un abus d’antalgiques prolongé, peuvent se transformer en céphalées chroniques quotidiennes. La prise en charge des patients, exploration et traitements, doit donc être adaptée à l’hypothèse diagnostique qui sera établie sur les données de l’examen neurologique, mais surtout de l’interrogatoire qui permet d’analy- ser l’histoire, les caractéristiques et le contexte des céphalées. L’identification des structures anatomiques et des mécanismes responsables des différents types de cépha- lées a progressé ces dernières décennies, même s’il reste beaucoup d’incertitudes. La découverte de nouveaux médicaments (les triptans) ayant une action spécifique sur certains récepteurs sérotoninergiques, intervenant dans le processus migraineux, a permis des progrès dans le traitement. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Headache is one of the most frequent symptoms in neuropaediatrics. Numerous types and causes of headache exist, and precise diagnosis is sometimes difficult. The primary headache (migraine and tension headache), without brain lesion are the main types. Secondary headaches are less frequent. The classification of the International Headache Society (IHS) is a good tool for the diagnosis, although it is not fully adapted for children. According to the recent epidemiologic surveys, migraines represent 90% of headaches. About 20% of migraines begin by an aura, with visual symptoms in most cases. Non habitual migraines or migraine equivalents (basilar, abdominal, confusional migrai- nes, or migraines with prolonged aura, benign paroxystic vertigo, and visual aura without headache) are more frequent in children than in adults. Tension headaches are far less frequent in children than in adult. These different types of headache may turn to chronic daily headaches, especially in case of prolonged drug abuse. The management of patients with headache, in terms of investigations and therapy, must therefore be based on the Adresse e-mail : [email protected] (D. Parain). EMC-Pédiatrie 1 (2004) 386–396 www.elsevier.com/locate/emcped 1762-6013/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcped.2004.06.002

Céphalées de l'enfant et de l'adolescent

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Céphalées de l’enfant et de l’adolescent

Headaches in adolescents and childrenD. ParainService de neurophysiologie, Centre hospitalier universitaire Charles Nicolle, 76031 Rouen cedex, France

MOTS CLÉSCéphalée ;Migraine ;Migraine avec aura ;Céphalée de tension ;Médicamentsantimigraineux

KEYWORDSHeadache;Migraine;Migraine with aura;Tension typeheadache;Antimigrainous drugs

Résumé Les céphalées sont un des motifs de consultation les plus fréquents en neuropé-diatrie. La liste des différents types et des causes des céphalées est longue et lediagnostic parfois difficile à établir. Il faut distinguer les céphalées primaires (migraineset céphalées de tension) sans substratum lésionnel sous-jacent et les céphalées secon-daires moins fréquentes. La classification de l’International Headache Society est uneaide au diagnostic, même si elle n’est pas complètement adaptée à l’enfant. D’après lesétudes épidémiologiques récentes, les migraines sont les céphalées de loin les plusfréquentes (neuf patients sur dix). Dans 20 % des cas, il existe avant les céphalées uneaura, surtout visuelle. Les migraines inhabituelles ou les équivalents migraineux sont plusfréquents chez l’enfant que chez l’adulte : migraine basilaire, abdominale, confusion-nelle, avec aura prolongée, vertiges paroxystiques bénins, aura visuelle sans céphalée.Les céphalées de tension sont moins fréquentes chez l’enfant. Ces différents types decéphalées, surtout s’il existe un abus d’antalgiques prolongé, peuvent se transformer encéphalées chroniques quotidiennes. La prise en charge des patients, exploration ettraitements, doit donc être adaptée à l’hypothèse diagnostique qui sera établie sur lesdonnées de l’examen neurologique, mais surtout de l’interrogatoire qui permet d’analy-ser l’histoire, les caractéristiques et le contexte des céphalées. L’identification desstructures anatomiques et des mécanismes responsables des différents types de cépha-lées a progressé ces dernières décennies, même s’il reste beaucoup d’incertitudes. Ladécouverte de nouveaux médicaments (les triptans) ayant une action spécifique surcertains récepteurs sérotoninergiques, intervenant dans le processus migraineux, apermis des progrès dans le traitement.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Headache is one of the most frequent symptoms in neuropaediatrics. Numeroustypes and causes of headache exist, and precise diagnosis is sometimes difficult. Theprimary headache (migraine and tension headache), without brain lesion are the maintypes. Secondary headaches are less frequent. The classification of the InternationalHeadache Society (IHS) is a good tool for the diagnosis, although it is not fully adapted forchildren. According to the recent epidemiologic surveys, migraines represent 90% ofheadaches. About 20% of migraines begin by an aura, with visual symptoms in most cases.Non habitual migraines or migraine equivalents (basilar, abdominal, confusional migrai-nes, or migraines with prolonged aura, benign paroxystic vertigo, and visual aura withoutheadache) are more frequent in children than in adults. Tension headaches are far lessfrequent in children than in adult. These different types of headache may turn to chronicdaily headaches, especially in case of prolonged drug abuse. The management of patientswith headache, in terms of investigations and therapy, must therefore be based on the

Adresse e-mail : [email protected] (D. Parain).

EMC-Pédiatrie 1 (2004) 386–396

www.elsevier.com/locate/emcped

1762-6013/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcped.2004.06.002

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diagnosis hypothesis that results from the neurological exam data and, above all, from thepatient’s questioning which allows to analyse headaches history, context and characte-ristics. The identification of anatomic structures and mechanisms responsible for heada-ches and migraines has improved these past decades, but many uncertainties remain. Theavailability of new drugs, such as the triptans, with a specific activity on those serotoni-nergic receptors which participate in the migraine process, has improved the therapeuticmanagement of the disease.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La céphalée est un symptôme fréquent chez l’en-fant et l’adolescent. Environ 10 % des enfants de 5 à15 ans font l’expérience d’au moins deux accès paran. La plupart des céphalées seront peu fréquentesou occasionnelles mais chez 5 % des enfants et 10 %des adolescents, elles seront récidivantes et parfoisinvalidantes.Le diagnostic différentiel des céphalées est un

des plus vastes de la médecine. Il est indispensable,mais parfois difficile d’en préciser le type exact. Latrès grande majorité des céphalées sont des cépha-lées primaires (migraines et céphalées de tension),non lésionnelles, de pronostic favorable mais par-fois invalidantes et dont l’origine et le mécanismesont incomplètement éclaircis. La possibilité deprescrire des médications à mode d’action spécifi-que impose, même dans ces cas, un diagnosticprécis. L’histoire clinique, l’examen neurologiqueet éventuellement certains examens complémen-taires, permettront d’exclure une céphalée secon-daire dont la cause peut nécessiter une prise encharge rapide.La classification des céphalées établie par l’In-

ternational Headache Society (IHS) en 1988,1 puisrevue en 2004,2 représente une avancée impor-tante, même si elle a été développée primitive-ment pour l’adulte. Elle comporte une longue listehiérarchisée regroupée en trois parties : céphaléesprimaires, céphalées secondaires et névralgies crâ-niennes. Chaque partie est divisée en groupes ma-jeurs de diagnostics, eux-mêmes subdivisés en plu-sieurs sous-types. Un même patient peut avoir deuxou plusieurs types de céphalées distincts. Il doitêtre diagnostiqué en fonction et codé pour chaquetype. Ces critères ont été revus pour l’enfant, etbien qu’incomplètement satisfaisants, ils sont unoutil de référence important pour la pratique clini-que, les essais thérapeutiques et les études épidé-miologiques.3,4

Épidémiologie

Les céphalées secondaires étant exceptionnelles,l’épidémiologie des céphalées se résume essentiel-

lement à la prévalence respective des migraines,des céphalées de tension ou des céphalées mixtes.Les différentes études de prévalence donnent desrésultats très différents selon les critères utilisés.En 1962 (avant l’IHS), l’étude de Bille5 portant sur9 000 enfants scandinaves rapportait une préva-lence variable selon l’âge : 1,7 % de migraineux àl’âge de 7 ans avec un rapport garçon/fille de 1 et2,5 % de céphalées de tension ; à l’âge de 15 ans,5,3 % de migraines avec une majorité de filles et15,7 % de céphalées de tension. Une étude plusrécente de Abu-Arafeh (1994)6 chez des enfants de5 à 15 ans, en utilisant des critères IHS élargis,donne une prévalence de migraine de 10,6 % et decéphalées de tension de 0,9 %. Ainsi, selon cesdernières données, les migraines représenteraientla cause de la très grande majorité des céphaléeschez l’enfant et l’adolescent.7

Structures qui peuvent être à l’originedes céphalées

Il existe un nombre limité de structures intra- etextracrâniennes cérébrales qui peuvent provoquerdes maux de tête. Paradoxalement, le parenchymecérébral, qui intègre la douleur, est insensible.L’arachnoïde et la dure-mère (excepté les portionsprès des vaisseaux) sont également insensibles. Lesstructures intracrâniennes sensibles sont : certainsnerfs crâniens (V, VII, IX, X) ; le polygone de Williset ses branches proximales, les artères méningées,les veines de gros calibre dans le cerveau et ladure-mère. Les structures extracrâniennes sensi-bles sont : les muscles du scalp et du cou, lesmuqueuses sinusiennes, les dents, les racines cer-vicales, la carotide externe et ses branches. Le plussouvent la cause et la localisation des céphaléessont identiques (exemple : une sinusite frontaleentraîne des céphalées frontales et une lésion de lafosse postérieure, qui est innervée par les racinesC2 et C3, entraîne bien une céphalée occipitale),mais il peut y avoir des discordances (exemple : unelésion occipitale qui est innervée par la brancheophtalmique du nerf trijumeau donne une céphaléefrontale).

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Approche diagnostique

L’élément clé de l’approche diagnostique est l’in-terrogatoire de l’enfant et de sa famille sur l’his-toire, les caractéristiques et le contexte des cépha-lées. C’est essentiellement sur ces données quesera caractérisé le type de céphalée. Un agenda descéphalées est parfois utile. L’examen neurologiqueet somatique reste essentiel, surtout en cas desuspicion de céphalées secondaires.

Histoire des céphalées

Une céphalée brutale, avec son maximum d’inten-sité en 1 minute, peut être évocatrice d’une hé-morragie sous-arachnoïdienne (très rare), surtouts’il existe une raideur méningée.Les céphalées sévères qui s’installent de façon

graduelle en plusieurs minutes évoquent en pre-mier lieu une migraine et plus rarement une ménin-gite virale.Les céphalées survenant par accès récurrents

sont caractéristiques des migraines et céphalées detension.Les céphalées continues non progressives peu-

vent apparaître après une transformation de mi-graines, céphalées de tension ou après abus deprises d’antalgiques.Les céphalées continues progressives doivent

faire suspecter un processus expansif, surtout s’ilexiste des signes neurologiques.

Caractéristiques des céphalées

L’intensité des céphalées est habituellement gra-duée en trois niveaux : forte, modérée et faible.Elles peuvent être continues, avec des renforce-ments paroxystiques, pulsatiles, en casque et àtype de serrement. Elles peuvent être aggravéespar l’activité physique ou au contraire calmées parle sommeil. La durée peut être brève, de quelquesminutes à plusieurs jours, voire continue.

Contexte

Certaines céphalées peuvent être favorisées pardifférents facteurs comme l’activité physique in-tense, le stress, la fatigue scolaire, certains ali-ments, le jeûne.Il peut exister des prodromes à type de fatigue,

bâillements, troubles du comportement, vertigesou des signes associés à type de photo- et/ou pho-nophobie, de pâleur, nausées ou vomissements.Tous ces éléments sont évocateurs de migraine.

Pratique d’examens complémentaires

Devant toute suspicion de céphalées secondaires,une imagerie cérébrale est indispensable pour re-

chercher un processus expansif, un abcès ou unemalformation vasculaire. La ponction lombaire (PL)doit être faite devant la possibilité d’une méningiteou une encéphalite.Il n’y a pas d′indication à faire des examens

complémentaires devant des céphalées primaires.L’électroencéphalogramme (EEG) n’a pas d’inté-rêt, excepté pendant les rares cas d’accès de mi-graines basilaires, confusionnelles ou avec aura,prolongés, durant lesquels il existe des altérationslentes transitoires qui sont l’expression de la com-posante neuronale de l’aura. La difficulté est deposer l’indication d’une imagerie cérébrale devantune céphalée atypique. Cela dépend de l’expé-rience du praticien. Devant toute situation dedoute, surtout devant un premier accès et si lepatient est jeune (< 6 ans), au moins un scannercérébral sans injection doit être pratiqué.

Migraines et équivalents

Pathogénie

Une évolution importante des connaissancesconcernant les mécanismes de la migraine s’estproduite durant les 2 dernières décennies. Les tra-vaux pionniers de Wolff (1953)8 avaient élaboré une« théorie vasculaire ». Ils postulaient qu’une vaso-constriction des vaisseaux intracrâniens provoquaitune hypoxie cérébrale à l’origine des signes neuro-logiques déficitaires de l’aura. Puis une hyperémieréactive provoquait une vasodilatation avec étire-ment des parois et stimulation des terminaisonssensitives à l’origine de la douleur. Mais il a étémontré que l’hypoxie persistait après l’aura et queles céphalées apparaissaient avant l’hyperémie.Les nouvelles technologies de mesure de débits

sanguins cérébraux régionaux ont permis d’élabo-rer une « théorie neuronale primitive », qui estdominante actuellement et qui considère la mi-graine comme une hypersensibilité héréditaire dusystème trijéminovasculaire. Une variété de phé-nomènes corticaux, thalamiques ou hypothalami-ques stimulent le locus coeruleus et les noyaux duraphé dorsal dans le tronc cérébral qui projettenten retour sur le cortex par des voies noradrénergi-ques ou sérotoninergiques. Cette rétrostimulationcorticale provoque une vague de dépolarisationneuronale (spreading depression of Leao)9 qui sepropage le plus souvent à partir du cortex occipitalet entraîne les symptômes de l’aura et libère dessubstances qui vont activer les terminaisons trigé-minales. Ces terminaisons contiennent de la sub-stance P, du calcitonin gene-related peptide(CGRP) et d’autres polypeptides qui vont provoquer

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une inflammation neurogénique périvasculaire, quiaurait un rôle dans la persistance de la céphalée. Ily aurait également un dysfonctionnement initial decertaines structures du tronc cérébral comme lasubstance grise périaqueducale qui ne filtreraitplus les influx sensitifs et sensoriels. Ainsi seraientexpliquées la photophobie, la phonophobie : uninflux visuel ou auditif usuel devient alors désa-gréable. On peut, au cours d’une migraine, sentirses artères céphaliques battre, donnant à la cépha-lée un caractère pulsatile. Les prodromes à type demodifications comportementales, de bâillements,de vertiges témoignent également d’une perturba-tion du tronc cérébral. La migraine serait unecéphalée « plus » associée à d’autres symptômes.

Migraine sans aura

C’est la forme la plus fréquente (85 %) de toutes lesmigraines. Il existe fréquemment des prodromes àtype d’irritabilité, bâillement, faim ou soif. Lesprincipaux aspects cliniques sont reportés dans leTableau 1 (critères IHS). Ces critères ont une bonnespécificité (90 %), mais une mauvaise sensibilité(30 %). La durée peut être plus courte, les cépha-lées sont parfois occipitales. Enfin d’autres signesévocateurs de migraines sont souvent retrouvés,surtout chez le plus jeune enfant comme la pâleur,les douleurs abdominales, l’arrêt d’activité, lesnausées ou vomissements, le sommeil réparateur.Ces signes cliniques importants ne sont pas inclusdans les critères IHS. Les antécédents familiaux,retrouvés au moins dans 50 % des cas, sont impor-tants à prendre en compte.

Migraine avec aura

Environ 20 % des enfants signalent des symptômesvisuels progressifs, avant ou au début des cépha-

lées. Il s’agit de points, de taches ou de lignesbrisées lumineux qui apparaissent le plus souventdans un hémichamp visuel, suivis d’un scotomecentral. Il peut y avoir une distorsion de la vision(micro- ou macropsie) réalisant le « syndromed’Alice au pays des merveilles ». La durée dessignes de l’aura est d’au mois 5 minutes et nedépasse habituellement pas 60 minutes (critèreIHS). L’enfant, de façon relativement spécifique,peut faire des migraines prolongées, qui vont durerplusieurs heures, avec hémiparésie, hémiparesthé-sie et parfois aphasie et qui va disparaître avec lesommeil nocturne. La céphalée, qui est le plussouvent de type migraineux, vont se surperposer ousuivre les symptômes de l′aura, mais il peut existerdes auras non suivies de céphalées.

Autres types de migraine

Migraine basilaire

Les migraines dont les symptômes indiquent undysfonctionnement prédominant du tronc cérébralet éventuellement des lobes occipitaux sont dé-nommées migraines basilaires. Les troubles visuelssont inconstants, identiques à ceux de la migraineophtalmique, mais sont souvent bilatéraux. Les si-gnes les plus fréquemment retrouvés sont : la diplo-pie, les vertiges, l’ataxie, la dysarthrie, la somno-lence, les nausées ou vomissements. Les céphaléessont constantes. La durée de l’accès est de 24 à48 heures.10 L’EEG est constamment anormal du-rant l’accès avec des anomalies lentes occipitalesou des rythmes rapides diffus.11

Migraine confusionnelle

Dans ce type de migraine (non reconnue par laclassification IHS), le dysfonctionnement est bihé-misphérique avec à l’EEG des altérations lentesbilatérales diffuses. Les signes cliniques associentune confusion avec parfois une agitation ou unesomnolence. Il existe très souvent une pâleur, desvomissements et constamment des céphalées in-tenses. L’accès dure moins de 24 heures. Les for-mes mineures peuvent se limiter à un enfant quis’endort assez brutalement à l’école et qu’on a dumal à réveiller pendant quelques heures. Les for-mes les plus marquées sont parfois provoquées parun petit traumatisme crânien sans perte de cons-cience, ballon (migraine du footballeur) ou chute :après un intervalle libre de quelques minutes ouheures, l’enfant devient pâle, il vomit et a descéphalées.12 Il peut y avoir des troubles de cons-cience et un scanner cérébral est indispensablepour éliminer un hématome extradural.

Tableau 1 Critères diagnostiques de migraine sans aura del’International Headache Society (IHS).

A Au moins cinq crises répondant aux critères B – DB Crise d’une durée de 2 à 48 heuresC La céphalée présente au moins deux des caractéristiquessuivantes :localisation bilatérale ou unilatéralepulsatileintensité modérée ou sévèreaggravation par l’activité physique de routine

D Durant la céphalée, au moins une des caractéristiquessuivantes :nausées et/ou vomissementsphotophobie et/ou phonophobie

E Exclusion par l’anamnèse, l’examen clinique et neurolo-gique, et éventuellement par des examens complémen-taires, d’une maladie organique pouvant être la cause decéphalées

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Migraine abdominale (ou vomissementscycliques)Il s’agit d’enfants qui ont entre 5 et 9 ans et quiprésentent des accès de douleurs abdominales, leplus souvent localisées à la partie supérieure del’abdomen, avec pâleur et vomissements. Il n’y apas de céphalées au début de l’affection, mais ellesvont apparaître plus tard. On retrouve souvent desantécédents familiaux de migraines. Il s’agit d’undiagnostic d’élimination. L’évolution se fait versdes migraines typiques.13

Vertige paroxystique béninLes enfants, âgés d’environ 18 mois, présententbrutalement un trouble de l’équilibre durant quel-ques minutes. Il doit s’accrocher à une table ou unadulte pour ne pas tomber. Il existe parfois unnystagmus. Il exprime parfois la sensation de rota-tion. Les accès sont parfois regroupés sur quelquessemaines.14

Migraine ophtalmoplégiqueCes patients présentent des céphalées prolongéesde plusieurs jours, souvent unilatérales, suivies dediplopie en rapport essentiellement avec une para-lysie du III homolatéral avec ptosis et parfois at-teinte du IV et du VI. Il peut exister une mydriase.La récupération se fait en 4 à 6 semaines et peutêtre incomplète s’il y a plusieurs accès. Il est indis-pensable d’éliminer une lésion parasellaire ou uneinflammation granulomateuse de l’orbite (syn-drome de Tolosa-Hunt).

Migraine hémiplégique familialeIl s’agit d’une variante rare de migraine avec auraet accès d’hémiplégie accompagnés parfois deconfusion ou d’aphasie. La durée de l’accès variede 1 heure à plusieurs jours. Il peut exister, surtoutchez le jeune enfant, des épisodes confusionnelsavec agitation, à début brusque et qui peuventdurer plusieurs jours. L’EEG est très lent de façonbilatérale durant l’épisode. On retrouve toujoursune histoire familiale, avec une transmission auto-somique dominante. Il peut exister des signes neu-rologiques permanents à type de syndrome cérébel-leux modéré. Chez ces patients, on retrouve parfoisune mutation sur un gène codant pour une sous-unité d’un canal calcique, sur le chromosome 19.15

Association migraine et épilepsieLa migraine et l’épilepsie sont deux maladies neu-rologiques, fréquentes chez l’enfant et qui parta-gent certains points communs et beaucoup de dif-férences tant sur le plan clinique quephysiopathologique, génétique et thérapeutique.Ces deux affections entretiennent des relations

complexes.16,17 Elles surviennent par accès quipeuvent se dérouler selon des phases successives.Le diagnostic différentiel entre migraine et épilep-sie est, dans la grande majorité des cas, facile, ledéroulement des symptômes étant très différent.Nous allons aborder quelques situations qui peu-vent poser des problèmes.

Diagnostic des symptômes visuels de l’auramigraineuse ou de la crise occipitaleLes symptômes visuels de l’aura migraineuse sedéveloppent habituellement sur 5 à 20 minutes,alors que ceux de la crise occipitale durent quel-ques secondes à 2 minutes.18 Les symptômes visuelsde la crise occipitale évoluent plus rapidement, àtype essentiellement de petits cercles colorés dansles deux hémichamps temporaux qui peuvent sedéplacer rapidement. Ce déplacement rapide desphosphènes épileptiques n’est pas compatible avecla physiopathologie de l’aura migraineuse dont lapropagation est beaucoup plus lente. Enfin dansl’épilepsie, les symptômes visuels peuvent être sui-vis d’automatismes en cas de diffusion temporale,voire frontale. Une généralisation secondaire estpossible. L’EEG est toujours anormal durant la crise(rythmes rapides) et le plus souvent en intercriti-que (pointes ondes).

CéphaléesLes crises d’épilepsie associées à des céphalées nesont pas rares. Une série récente évalue le taux à34 %. Il s’agit essentiellement de céphalées postcri-tiques dont 60 % ont un aspect migraineux. Lespatients qui ont des céphalées de type migraineuxaprès leurs crises sont significativement plus fré-quemment migraineux que les autres épileptiques.Les céphalées critiques sont moins fréquentes, sanscaractère topographique précis. Si certaines crisesd’épilepsie peuvent déclencher des migraines,quelques cas plus rares de migraines avec aurapeuvent induire des crises d’épilepsie. On peutquelquefois observer la succession d’une aura mi-graineuse cliniquement bien identifiée, suivied’une crise d’épilepsie et enfin une céphalée in-tense.

Plusieurs syndromes épileptiques, la plupartidiopathiques, sont associés particulièrement àdes migraines19,20

Épilepsie occipitale bénigne. Il existe deux typesd’épilepsie occipitale bénigne de l’enfant :

• la forme à début précoce (4-8 ans) décrite parPanayiotopoulos.21 Les crises consistent en uneassociation de vomissements, déviation desyeux, troubles de conscience. Les crises durentparfois plusieurs heures et sont le plus souvent

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nocturnes. Les mouvements convulsifs apparais-sent tardivement, de façon unilatérale. La récu-pération est complète. Il n’y a jamais de séquel-les, les crises sont peu fréquentes. Lescéphalées sont rarement observées ;

• la forme plus tardive (> 8 ans) avec crises visuel-les, brèves, fréquentes et dans 40 % des cas,suivies de céphalées migraineuses. L’EEG, aumoment des crises visuelles, montre une acti-vité constituée de rythmes rapides sur le lobeoccipital controlatéral et en intercritique ilexiste des pointes-ondes occipitales, parfoiscontinues, disparaissant à l’ouverture des yeux.Le caractère idiopathique de cette épilepsie nepeut être affirmé sur les seules données de laclinique et de l’EEG. Des formes cryptogéniquesou symptomatiques (calcifications occipitalesparfois associées à une maladie coeliaque) peu-vent avoir la même présentation. Camfield adécrit un syndrome associant des migraines ba-silaires à des crises et des pointes-ondes occipi-tales continues.11 Les crises sont soit partiellessoit généralisées faisant suite souvent à uneaura migraineuse. Certains enfants ont despointes-ondes occipitales continues avec desmigraines basilaires mais sans crises.Épilepsie bénigne à pointes rolandiques

(EBPR)22. Cette épilepsie est caractérisée par descrises essentiellement liées au sommeil, partiellessimples avec arrêt de la parole, salivation, cloniesd’une hémiface et du membre supérieur associé. Àl’EEG, il existe des pointes-ondes périsylviennes,parfois pseudorythmiques, majorées durant le som-meil. L’imagerie est toujours normale et l’évolu-tion est systématiquement favorable avec ou sanstraitement. Giroud23 a étudié la prévalence de lamigraine dans ce type d’épilepsie comparée à celledans l’épilepsie-absence et dans l’épilepsie par-tielle en générale. Environ 60 % des patients avecEBPR ont une migraine contre 34 % des patientsavec épilepsie-absence et 8 % des patients avec uneautre épilepsie partielle. Il existe donc une associa-tion forte entre EBPR et migraines.Encéphalopathie mitochondriale avec acidose

lactique et épisodes ressemblant à des accidentsvasculaires (MELAS). Pour faire le diagnostic clini-que, plusieurs symptômes doivent être présents :des épisodes d’accidents vasculaires (pas un terri-toire vasculaire précis) avant 40 ans ; uneencéphalopathie caractérisée par des crises et/oude la démence ; la mise en évidence d’une myopa-thie mitochondriale avec acidose lactique avec fi-bres en « haillons ». En plus, deux au moins dessignes suivants doivent être présents : développe-ment psychomoteur initial normal ; épisodes decéphalées et/ou de vomissements, ressemblant à

des migraines et souvent associés aux accidentsvasculaires. D’autres signes peuvent être associéscomme l’intolérance à l’exercice, la faiblesse desmembres inférieurs, la petite taille, la surdité,l’hyperprotéinorachie. On peut observer plus rare-ment une atrophie optique, une rétinite pigmen-taire, une ophtalmoplégie, une hypomobilité diges-tive, un bloc de conduction cardiaque, un diabèteou une néphropathie. À l’imagerie par résonancemagnétique (IRM), on note, surtout au décours desaccidents vasculaires cérébraux, un hypersignal T2à prédominance corticale et occipitale et parfoisdes calcifications des noyaux gris. Presque tous lescas rapportés ont une mutation ponctuelle del’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial.Dans 80 % des cas, il s’agit d’une mutation A-G surle nucléotide 3243. Onze autres mutations de l’ADNmitochondrial ont été identifiées en associationavec cette maladie.

Céphalées de tension

Dans leur forme épisodique, elles étaient considé-rées comme les formes les plus fréquentes descéphalées primaires dans les études épidémiologi-ques les plus anciennes. Les patients présententdes accès de 30 minutes à plusieurs jours de cépha-lées à type de tension ou de pression sur le scalp,d’intensité faible à modérée, qui ne s’aggrave pas àl’effort physique. Il n’y a jamais de nausées, mais ilpeut exister une photo- ou phonophobie (Ta-bleau 2). Elles peuvent être associées particulière-ment à un état anxieux ou dépressif.La pathogénie de ces céphalées est encore incer-

taine. Le modèle le plus fréquemment admis consi-dère qu’une augmentation de la tension des mus-cles péricrâniens prolongée, parfois objectivée par

Tableau 2 Critères diagnostiques de céphalée de tension del’International Headache Society (IHS).

A Au moins dix épisodes répondant aux critères B – DB Céphalée d’une durée variant entre 30 minutes et 7 joursC La céphalée présente au moins deux des caractéristiquessuivantes :localisation bilatéralesensation de pression (non pulsatile)intensité légère ou modéréeaucune aggravation par l’activité physique

D Absence des deux caractéristiques suivantes :nausée ou vomissementphotophobie et phonophobie

E Exclusion par l’anamnèse, l’examen clinique et neurolo-gique, et éventuellement par des examens complémen-taires, d’une maladie organique pouvant être la cause decéphalées

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la palpation, va entraîner une sensibilisation decertaines structures cérébrales, notamment au ni-veau de la substance grise périaqueducale. Cettesensibilisation se fait par le biais de neurotransmet-teurs ou neuromodulateurs comme l’oxyde nitrique(NO), le CGRP, la substance P, le neuropeptide Y, levasoactive intestinal polypeptide (VIP). Certainesde ces substances interviennent dans la pathogéniede la migraine. Il existe un chevauchement auniveau des structures et molécules impliquées dansces deux types de céphalées.

Céphalées chroniques quotidiennes (nonprogressives)24,25

Les céphalées peuvent être quotidiennes d’embléeou après des accès épisodiques. On parle de cépha-lées chroniques quotidiennes lorsque les accès du-rent au moins 4 heures, et surviennent plus de15 jours par mois pendant au moins 3 mois. Il peuts’agir soit d’un état migraineux prolongé de novo,de migraines transformées, d’abord épisodiquespuis chroniques ou de céphalées de tension. Lescéphalées induites par les médicaments peuventprendre cet aspect lorsque les antalgiques ou trip-tans sont utilisés plusieurs jours par semaine defaçon régulière et elles peuvent s’aggraver transi-toirement à l’arrêt des médicaments.

Céphalées de durée brève

Sous ce terme, on regroupe différents types decéphalées très peu fréquents chez l’enfant.

Algies vasculaires de la face

La douleur est très intense, strictement unilaté-rale, dans la région orbitale, associée à un larmoie-ment, une injection conjonctivale et parfois unerhinorrée. Elle dure de 30 à 60 minutes et peut serépéter plusieurs fois par jour, pendant plusieurssemaines aux mêmes heures, suivie de périoded’accalmie parfois prolongée. Les accès prolongéspeuvent être suivis d’un syndrome de ClaudeBernard-Horner transitoire. Ces algies sont habi-tuellement idiopathiques, mais il faut rechercherune lésion hypothalamique ou du tronc cérébral.

Névralgie du trijumeau

Elle se manifeste par une douleur brutale, fulgu-rante, en éclair, unilatérale, dans le territoire dunerf trijumeau, souvent déclenchée par un simple

stimulus sur une trigger zone. La douleur est sou-vent pluriquotidienne. Chez l’adulte, la cause enest souvent une irritation externe du ganglion deGasser. Chez l’enfant, il faut rechercher un proces-sus expansif du tronc cérébral ou de la fosse posté-rieure.

“Short-lasting unilateral neuralgiform painwith conjunctival injection and tearing”(SCUNT)

La douleur est très brève (moins de 1 min) et peutse répéter plusieurs centaines de fois par jour dansle territoire de la branche ophtalmique supérieure.Les signes dysautonomiques sont prépondérants.

Céphalées secondaires

Céphalées d’installation aiguë ou subaiguë

FièvreLa fièvre peut en elle-même donner mal à la tête,probablement par augmentation du débit cérébralet distention des vaisseaux. Mais une PL devra êtreeffectuée devant toute suspicion de méningite ouencéphalite. Un accès de migraine peut parfoisentraîner une poussée fébrile.

Hémorragie sous-arachnoïdienneC’est la céphalée d’installation la plus brutale, leplus souvent instantanée ou en quelques secondes.L’intensité est habituellement très sévère, maispeut être modérée. La nuque est presque constam-ment raide. Il peut exister des troubles de cons-cience et des signes neurologiques de localisation.Cette étiologie est très exceptionnelle chez l’en-fant. Le diagnostic est obtenu par un scanner sansinjection pour objectiver l’hémorragie, puis parune angio-IRM pour détecter la malformation vas-culaire.

Abcès cérébralLe pic d’incidence des abcès cérébraux est entre4 et 7 ans. Ils peuvent être secondaires à unemalformation cardiaque avec shunt droite-gaucheou une sinusite frontale ou occipitale. La fièvren’est pas toujours présente. L’association decéphalées avec des signes neurologiques de locali-sation (souvent subtils comme un syndrome frontal)doit le faire évoquer.

SinusitesLes sinusites aiguës sont associées à des signesotorhinolaryngologiques (ORL) habituellement typi-

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ques. Elles peuvent entraîner des céphalées, soitpar sensibilisation des structures sensitives locales,soit plus rarement par le biais d’une thrombophlé-bite cérébrale secondaire.

Céphalées d’installation progressive

Chez l’enfant, les tumeurs de la fosse postérieuresont au centre des préoccupations devant unecéphalée qui s’installe sur plusieurs semaines oumois, surtout s’il existe des vomissements mati-naux. Mais d’autres étiologies sont possiblescomme l’hydrocéphalie, certaines malformationsde la charnière craniocervicale ou l’hypertensionintracrânienne bénigne.

MédulloblastomeCette tumeur qui apparaît surtout entre 3 et 10 ansest habituellement développée aux dépens du ver-mis cérébelleux et entraîne rapidement une obs-truction du IVe ventricule avec hydrocéphalie. Lessymptômes associent donc une ataxie et des cépha-lées avec somnolence, vomissements matinaux etœdème au fond d′œil.

Astrocytome cérébelleuxLes symptômes cérébelleux unilatéraux précèdentsouvent les signes d’atteinte du tronc cérébral.

Gliome du tronc cérébralLes signes d’atteinte des paires crâniennes et desvoies longues peuvent précéder de plusieurs moisles céphalées et vomissements

ÉpendymomeLes deux tiers sont localisés dans le IVe ventricule,entraînant rapidement des signes d’hydrocéphalie.

CraniopharyngiomeIl s’agit d’une tumeur bénigne de la région para-sellaire, se traduisant le plus souvent par un ralen-tissement de la croissance. Les troubles visuels paratteinte du chiasma sont fréquents. Environ 50 %des patients se plaindront de céphalées intenses.

HydrocéphalieLes causes sont multiples et réparties en deuxgroupes selon le lieu de blocage du liquidecéphalorachidien (LCR), avant ou après les fora-mens de Magendie et Luschka : communicantes,dues à une atteinte des citernes de la base ou desespaces arachnoïdiens (méningites, malformationde Chiari ou hydrocéphalie externe) ou non commu-nicantes (tumeurs, sténose de l’aqueduc de Sylvius,malformation de Dandy-Walker).Les symptômes, à type de céphalées, vomisse-

ments, somnolence et œdème au fond d′œil se

manifestent soit à l’occasion d’une hydrocéphalieaiguë, soit à l’occasion d’une décompensationd’une hydrocéphalie ancienne.

Kyste colloïde du IIIe ventriculeIl peut provoquer des blocages intermittents du LCRau niveau des trous de Monro et provoquer desaccès de céphalées qui peuvent être confondusavec des migraines.26

Malformation de Dandy-WalkerElle associe une agénésie du vermis cérébelleux etune dilatation du IVe ventricule. Le diagnostic estfait le plus souvent dans la première année devantl’association d’une hydrocéphalie, ataxie, signesd′atteinte du tronc cérébral et dans 50 % des cas unretard du développement psychomoteur. Lescéphalées ne sont présentes que dans les formes àrévélation plus tardive.

Malformation de ChiariLa malformation de Chiari I consiste en une des-cente des amygdales cérébelleuses au-dessous duniveau du foramen magnum. Tous les patients quiont une herniation de plus de 12 mm et 50 % despatients qui ont une herniation entre 5 et 12 mmont des signes cliniques. Il s’agit essentiellement decéphalées et de douleurs de la nuque avec parfoisdes troubles de la marche, sensitifs, des pairescrâniennes. Cette malformation est associée à unesyringomyélie cervicale dans 40 % des cas.

Hypertension intracrânienne bénigne (HTICB)Les patients présentent des signes évocateursd’une HTIC, avec, au devant du tableau, des cépha-lées intenses (75 %), un œdème papillaire (90 %),une paralysie du VI (25 %), des troubles visuelstransitoires (70 %) ou une baisse visuelle (20 %) ;90 % des patients sont des jeunes femmes obèses.L’IRM cérébrale ne montre ni tumeur, ni hy-drocéphalie mais souvent une selle turcique vide ouune augmentation de l’espace sous-arachnoïdienautour des nerfs optiques. Le LCR est normal maissa pression est augmentée. Le mécanisme des for-mes idiopathiques associe une hyperproduction deLCR, une diminution de la résorption, une augmen-tation de la pression veineuse et de la quantité deLCR interstitiel.L’HTICB est habituellement idiopathique, mais

une cause est parfois retrouvée : médicamenteuse,arrêt d’une corticothérapie, mais surtout ménin-gite ou thrombose veineuse cérébrale.

Hypotension de LCRLes céphalées après ponction lombaire, favoriséespar l’orthostatisme, sont dues à une fuite de LCR à

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travers la dure-mère. Elles peuvent être très inten-ses, avec parfois atteinte oculomotrice. Elles appa-raissent soit immédiatement après la PL, soit lesjours qui suivent et s’observent surtout chez lesenfants plus grands. Les céphalées par hypotensionde LCR peuvent être dues à un drainage excessifd’un shunt ventriculopéritonéal. On peut observerà l’IRM une prise de contraste au niveau des ménin-ges par le gadolinium, en rapport avec une vasodi-latation des artérioles du tissu interstitiel de ladure-mère. Il peut exister une pléiocytose et unedescente transitoire des amygdales cérébelleuses.

Sinusites chroniques et causes oculairesLes céphalées par accès ou chroniques sont souventattribuées à de telles causes et presque toujours defaçon abusive.27 Environ 60 % des patients migrai-neux suspectent à tort la responsabilité d’une sinu-site. Le tableau clinique de la sinusite aiguë estévident, alors que celui de la sinusite chronique(plus de 12 semaines) est plus subtil. Il existepresque toujours une congestion nasale.Les troubles de réfraction ou les dysphories peu-

vent entraîner des céphalées de tension. Les névri-tes optiques sont souvent associées à des douleursrétro-orbitaires, avant la baisse de l’acuité vi-suelle. Les inflammations périorbitaires sont rareschez l’enfant.

Traitements non médicamenteuxdes céphalées primaires

Rassurer la famille et l’enfant sur l’absence delésion sous-jacente est une phase essentielle. Lapratique d′un scanner cérébral sans injection peutêtre nécessaire en cas de doute persistant.Durant l’accès de migraine, il est souhaitable de

mettre l’enfant au repos, voire de le faire dormirquand c’est possible.Entre les accès, il faut conseiller, lors des pério-

des de céphalées fréquentes, une vie régulière(exercices physiques pas trop importants, repas,travail, temps de repos etc), et d’éviter les fac-teurs déclenchants parfois individualisés.

Les psychothérapies ou la relaxation peuventêtre indiquées chez des patients particulièrementanxieux ou déprimés.28 L’acupuncture, la chiro-praxie ou la mésothérapie n’ont pas prouvé leurefficacité.

Traitements médicamenteuxdes céphalées primaires

Le traitement donné en aigu a pour but d’arrêterl’accès céphalalgique. Il faut éviter de l’utiliserplus de 2 à 3 jours par semaine sur le long terme. Letraitement préventif est destiné à réduire la fré-quence, la durée et la sévérité des accès. Il estnécessaire parfois d’utiliser les deux approcheschez un même patient surtout lorsque les accèssont fréquents, pour éviter les prises trop répétéesd’antalgiques.29 La plupart des recommandationssous-jacentes sont anecdotiques, car il existe peud’études fiables sur l’efficacité de ces médica-ments chez l’enfant.

Traitement d’accès

Une intervention précoce peut éviter l’escalade etaccroître l’efficacité du traitement. Le choix de lamolécule va dépendre de l’intensité et de la fré-quence des accès, des symptômes associés (vomis-sements), de la réponse aux traitements anté-rieurs.Il faut éviter l’acide acétylsalicylique avant l’âge

de 15 ans du fait du risque potentiel de syndromede Reye. Le paracétamol (15 mg/kg) est la molé-cule la plus utilisée mais l’ibuprofène (10 mg/kg)est considérée comme plus efficace30 (Tableau 3).En cas de nausées et vomissements, on peut asso-cier du métoclopramide ou plus facilement utiliserla voie rectale avec du diclofénac. En cas d’échec,on peut proposer des triptans, notamment sousforme de spray nasal d’Imigrane®31,32,33 dont l’effi-cacité et la tolérance ont été bien étudiées chezl’adolescent. Les triptans sont une classe de molé-cules qui ont une activité spécifique sur la migrainepar leur action agoniste sur les récepteurs centraux

Tableau 3 Traitement de la crise.

Agent Voie Posologie/prise Posologie maximale 24 hIbuprofène sirop p.o. 10 mg/kg 3 à 4 prises

25-50 mg/kgAcide acétylsalicylique p.o. 10-15 mg/kg 60 mg/kgParacétamol p.o. 15 mg/kg 60 mg/kg

Rectale 30 mg/kgDiclofénac Rectale 1 mg/kg 3 mg/kgSumatriptan Nasale un spray deux spray

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et périphériques 5-HT1. Le spray de dihydroergota-mine est moins bien supporté. Il faut éviter deprendre des antalgiques ou des triptans plus de3 jours par semaine pendant plusieurs mois pouréviter l’apparition de céphalées chroniques liées àl’abus de ces médicaments.En cas d’accès persistants de migraines ou

céphalées de tension pendant plusieurs jours, onpeut proposer, au cours d’une hospitalisation, uneperfusion quotidienne pendant 4 heures, 3 à 5 jourssuccessifs, de 20 à 50 mg d’amitriptyline.

Traitement de fond

Ce traitement est indiqué lorsque, malgré les trai-tements d’accès, la migraine reste invalidante,avec plus d’un accès suffisamment intense par se-maine.Les principaux médicaments de traitement de

fond sont la dihydroergotamine, le pizotifène, lesb-bloqueurs (surtout le propranolol), l’oxétorone,la flunarizine, l’amitriptyline et certains antiépi-leptiques. Le choix est fonction de son efficacité,de la tolérance et d’une éventuelle comorbidité.Les doses doivent être augmentées progressive-ment jusqu’à l’effet thérapeutique (Tableau 4) etla durée des cures doit être d’au moins 3 mois. Cescures seront prolongées ou répétées en fonction del’évolution. L’intérêt de l’association de plusieursantimigraineux de fond n’est pas reconnu. Tous cesmédicaments ne rentrent pas actuellement dans lecadre de l’autorisation de mise sur le marché (AMM)pour la migraine de l’enfant.Les b-bloqueurs : le propranolol est la molécule

la plus utilisée. Son mécanisme d’action est com-plexe, à la fois lié à une activité antisérotoninergi-que et une diminution de la libération de la nora-drénaline. Les effets secondaires principaux sont lafatigue, l’insomnie, les cauchemars, la tendancedépressive, la diminution de la tolérance à l’exer-cice pour les sportifs. Les contre-indications sontl’asthme, l’insuffisance cardiaque, le phénomènede Raynaud et le diabète insulinodépendant.Le pizotifène : c’est un dérivé tricyclique possé-

dant une activité antisérotoninergique, antihista-

minique, calcium-inhibitrice. Il peut entraîner de lasomnolence et une prise de poids.L’amitriptyline : il s’agit d’un antidépresseur

tricyclique qui a en outre une activité antimigrai-neuse à des doses plus faibles que celles employéespour la dépression. Il peut entraîner de la fatigue,de la prise de poids et une sécheresse de la bouche.La dihydroergotamine en traitement de fond agit

probablement par le biais d’une activité complexesur les récepteurs sérotoninergiques. La galéniqueest adaptée aux différents âges et deux prises parjour sont le plus souvent suffisantes. Cette molé-cule peut être proposée en première intention carelle a la tolérance la meilleure et peut être utiliséede façon très prolongée. Elle sera moins efficacesur des migraines qui ont déjà résisté à d’autrestraitements de fond. Elle ne provoque pas d’ergo-tisme lorsqu’elle est prescrite seule. L’associationavec les macrolides et les triptans est contre-indiquée.La flunarizine est une molécule antagoniste des

récepteurs calciques. Elle a montré son efficacitédans plusieurs études contrôlées en double aveu-gle. L’effet secondaire principal est la somnolence.L’oxétorone est une molécule antisérotoninergi-

que qui entraîne de la somnolence en début detraitement. Elle est donnée en une prise le soir.Le topiramate est une molécule antiépileptique

dont le mécanisme d’action n’est pas déterminé.Elle peut être proposée chez les patients résistants,à des doses inférieures à celles proposées pourl’épilepsie. L’introduction doit être très progres-sive. On peut observer une somnolence, une apa-thie, une perte de poids. Cette molécule estcontre-indiquée en cas de lithiase rénale.Dans les céphalées de tension ou mixtes (asso-

ciant des migraines et des céphalées de tension),l’amitriptyline peut avoir une bonne efficacité dufait de l’association d’un effet antalgique et anti-dépresseur.

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Tableau 4 Traitement de fond.

Agent Voie Posologie 24 hDihydroergotamine p.o. 0,2 mg/kgPropranolol p.o. 1-2 mg/kgPizotifène p.o. 5 à 10 mgOxétorone p.o. 30 à 60 mgFlunarizine p.o. 5 mgAmitriptyline p.o. 10-50 mgTopiramate p.o. 1 à 2 mg/kg

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