5
Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 281–285 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Article original Chirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent : à propos de 65 cas M. Akkari a,, M. Makeieff a , C. Jeandel b , I. Raingeard c , C. Cartier a , R. Garrel a , B. Guerrier a , C. Blanchet a , M. Mondain a a Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU de Montpellier, université Montpellier 1, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France b Service d’endocrinologie pédiatrique, CHU de Montpellier, université Montpellier 1, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France c Service des maladies endocriniennes, CHU de Montpellier, université Montpellier 1, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France i n f o a r t i c l e Mots clés : Thyroïdectomie Enfant Lobo-isthmectomie Paralysie récurentielle Hypoparathyroïdie Goitre Médullaire Cancer différencié de la thyroïde r é s u m é Objectifs. Exposer les spécificités de la chirurgie thyroïdienne et ses complications chez l’enfant et l’adolescent. Matériel et méthodes. Étude rétrospective portant sur 64 patients de moins de 18 ans ayant bénéfi- cié d’une chirurgie thyroïdienne entre janvier 2004 et mars 2012, dont un à deux reprises. Les données suivantes ont été analysées : variations anatomiques du nerf laryngé inférieur, taux de paralysie récur- rentielle postopératoire, hypoparathyroïdie postopératoire, résultats anatomopathologiques. Résultats. Nous avons constaté 2 cas de nerf laryngé inférieur droit non récurrent (soit 2,2 % sur 93 nerfs récurrents disséqués). Un cas de paralysie récurrentielle gauche persistante a été constaté (1,1 %), chez un patient opéré sous monitoring récurrentiel. Huit cas d’hypocalcémie postopératoire immédiate ont été constatés (soit 23,5 % sur 34 thyroïdectomies totales). Cinq étaient persistantes (soit 14,7 %), avec une calcémie postopératoire immédiate significativement plus basse que pour les cas d’hypocalcémie transitoire (p = 0,035). Parmi les 11 patients opérés pour carcinome médullaire de la thyroïde familial (CMT), 36,3 % présentaient 1 ou plusieurs foyers de microcarcinome à cellule C. Parmi les 32 patients opérés pour nodule thyroïdien, 6,3 % présentaient un adénocarcinome papillaire. Les autres résultats histologiques étaient bénins. Conclusions. La chirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent s’inscrit dans une prise en charge globale pluridisciplinaire des troubles thyroïdiens de l’enfant. La paralysie récurrentielle est une compli- cation rare, possible malgré le recours à un monitoring récurrentiel. L’hypoparathyroïdie persistante est la complication la plus fréquente ; sa survenue est corrélée à la calcémie postopératoire immédiate. La thyroïdectomie totale prophylactique systématique chez les patients présentant une mutation du pro oncogène RET a permis un diagnostic précoce de CMT dans un tiers des cas. Au vu du faible taux de nodules malins dans notre série, la question se pose d’une surévaluation des chiffres malignité de la littérature face à un nodule de l’enfant. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.11.009. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸ aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Akkari). 1. Introduction La pathologie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent est dominée par quatre principales entités : le nodule, avec un taux de malignité supérieur par rapport à l’adulte retrouvé dans la lit- térature [1] ; le goitre multi-hétéro-nodulaire (GMHN) ; la maladie de Basedow, avec une efficacité inconstante du traitement médical [2] ; le carcinome médullaire familial (CMT) par mutation du pro oncogène RET [3]. La prise en charge de cette pathologie est multidisciplinaire, faisant appel à des endocrinologues pédiatriques, des généticiens, http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.05.013 1879-7261/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Chirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent : à propos de 65 cas

  • Upload
    m

  • View
    223

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

A

Cd

MBa

3b

3c

3

MTELPHGMC

lD

1

Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 281–285

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

rticle original

hirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent : à propose 65 cas�

. Akkaria,∗, M. Makeieff a, C. Jeandelb, I. Raingeardc, C. Cartiera, R. Garrela,. Guerriera, C. Blancheta, M. Mondaina

Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU de Montpellier, université Montpellier 1, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche,4295 Montpellier cedex 5, FranceService d’endocrinologie pédiatrique, CHU de Montpellier, université Montpellier 1, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche,4295 Montpellier cedex 5, FranceService des maladies endocriniennes, CHU de Montpellier, université Montpellier 1, hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche,4295 Montpellier cedex 5, France

i n f o a r t i c l e

ots clés :hyroïdectomienfantobo-isthmectomiearalysie récurentielleypoparathyroïdieoitreédullaire

ancer différencié de la thyroïde

r é s u m é

Objectifs. – Exposer les spécificités de la chirurgie thyroïdienne et ses complications chez l’enfant etl’adolescent.Matériel et méthodes. – Étude rétrospective portant sur 64 patients de moins de 18 ans ayant bénéfi-cié d’une chirurgie thyroïdienne entre janvier 2004 et mars 2012, dont un à deux reprises. Les donnéessuivantes ont été analysées : variations anatomiques du nerf laryngé inférieur, taux de paralysie récur-rentielle postopératoire, hypoparathyroïdie postopératoire, résultats anatomopathologiques.Résultats. – Nous avons constaté 2 cas de nerf laryngé inférieur droit non récurrent (soit 2,2 % sur 93 nerfsrécurrents disséqués). Un cas de paralysie récurrentielle gauche persistante a été constaté (1,1 %), chezun patient opéré sous monitoring récurrentiel. Huit cas d’hypocalcémie postopératoire immédiate ontété constatés (soit 23,5 % sur 34 thyroïdectomies totales). Cinq étaient persistantes (soit 14,7 %), avecune calcémie postopératoire immédiate significativement plus basse que pour les cas d’hypocalcémietransitoire (p = 0,035). Parmi les 11 patients opérés pour carcinome médullaire de la thyroïde familial(CMT), 36,3 % présentaient 1 ou plusieurs foyers de microcarcinome à cellule C. Parmi les 32 patientsopérés pour nodule thyroïdien, 6,3 % présentaient un adénocarcinome papillaire. Les autres résultatshistologiques étaient bénins.Conclusions. – La chirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent s’inscrit dans une prise en chargeglobale pluridisciplinaire des troubles thyroïdiens de l’enfant. La paralysie récurrentielle est une compli-cation rare, possible malgré le recours à un monitoring récurrentiel. L’hypoparathyroïdie persistante est

la complication la plus fréquente ; sa survenue est corrélée à la calcémie postopératoire immédiate. Lathyroïdectomie totale prophylactique systématique chez les patients présentant une mutation du prooncogène RET a permis un diagnostic précoce de CMT dans un tiers des cas. Au vu du faible taux denodules malins dans notre série, la question se pose d’une surévaluation des chiffres malignité de lalittérature face à un nodule de l’enfant.

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.11.009.� Ne pas utiliser pour citation la référence franc aise de cet article mais celle de’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neckiseases en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (M. Akkari).

http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.05.013879-7261/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction

La pathologie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent estdominée par quatre principales entités : le nodule, avec un tauxde malignité supérieur par rapport à l’adulte retrouvé dans la lit-térature [1] ; le goitre multi-hétéro-nodulaire (GMHN) ; la maladiede Basedow, avec une efficacité inconstante du traitement médical

[2] ; le carcinome médullaire familial (CMT) par mutation du prooncogène RET [3].

La prise en charge de cette pathologie est multidisciplinaire,faisant appel à des endocrinologues pédiatriques, des généticiens,

282 M. Akkari et al. / Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 281–285

Fl

dptdtgt

crt

2

tr26

p3ldlshRd

lu(lp

pp±pgtB

die de Basedow. Le nerf avait été identifié, et ne présentait pas de

ig. 1. Répartition des patients selon l’âge et la pathologie. CMT : carcinome médul-aire de la thyroïde ; GMHN : goitre multi-hétéro-nodulaire.

es radiologues, des oto-rhino-laryngologistes, des anesthésistesédiatriques, des anatomopathologistes, des oncologues pédia-riques, des médecins nucléaires. Les indications chirurgicalesoivent être posées après discussion entre endocrinologue pédia-rique et chirurgien spécialisé dans la chirurgie thyroïdienne [4]. Leeste en lui même comporte des spécificités en termes de réalisa-ion technique et de complications postopératoires [5,6].

Le but de cette étude est de rapporter les spécificités de lahirurgie thyroïdienne de l’enfant selon trois axes : complicationsécurrentielles, complications parathyroïdiennes, et résultats ana-omopathologiques.

. Matériels et méthodes

Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective portant surous les patients de moins de 18 ans ayant bénéficié d’une chi-urgie thyroïdienne dans notre centre de janvier 2004 à mars012. Soixante-quatre patients ont été inclus, pour un total de5 procédures chirurgicales.

L’indication opératoire était posée, après avis endocrinologiqueédiatrique, devant la présence d’un nodule thyroïdien isolé dans2 cas (49,2 %) (dont un avec histoire familiale de carcinome papil-

aire de la thyroïde), d’un goitre multi-hétéro-nodulaire évolutifans 8 cas (12,3 %), d’une maladie de Basedow mal contrôlée par

e traitement médical dans 14 cas (21,5 %). Dans 11 cas (16,9 %), il’agissait d’une thyroïdectomie prophylactique dans le cadre d’uneistoire familiale de CMT avec mutation retrouvée du pro oncogèneET, dans des familles bénéficiant d’un suivi régulier par l’équipee génétique de notre centre.

Le geste chirurgical réalisé était une énucléation (9,2 %), uneobo-isthmectomie (38,5 %), une thyroïdectomie totale (44,6 %), oune thyroïdectomie totale associée à un évidemment ganglionnaire7,7 %). L’identification du nerf laryngé inférieur était réalisée à’aide de loupes binoculaires. Un monitoring récurrentiel a été utiliséour 61,5 % des patients.

L’âge moyen était de 12,5 ± 0,7 ans, avec une prédominance deatients de sexe féminin (75 %). La répartition selon l’âge et laathologie est présentée dans la Fig. 1. L’âge moyen était de 59,3

46,7 mois (min 13, max 164) dans le groupe des thyroïdectomiesrophylactiques pour CMT, 13 ± 2,3 ans (min 8, max 15) dans le

roupe GMHN, 14,3 ± 2,2 ans (min 7, max 17) dans le groupe nodulehyroïdien isolé, et 15,1 ± 2,1 ans (min 10, max 17) dans le groupeasedow.

Fig. 2. Monitoring récurrentiel par sonde spécifique avec électrodes intégrées.Flèche montrant les électrodes positionnées au niveau du plan glottique.

Les données suivantes ont été recueillies : constatation per-opératoire de variations anatomiques du nerf laryngé inférieur,présence d’une paralysie récurrentielle en postopératoire et évo-lution à long terme, présence d’une hypocalcémie postopératoireet évolution à long terme, résultats anatomopathologiques.

Tous les patients ont bénéficié d’un suivi endocrinologiquepédiatrique, pour supervision de l’hormonothérapie substitutive encas de thyroïdectomie totale, et traitement d’une éventuelle hypo-calcémie postopératoire. Les patients présentant une pathologiethyroïdienne maligne et nécessitant un traitement complémen-taire par iode radioactive ont été adressés à l’équipe de médecinenucléaire de notre centre.

Tous les tests statistiques ont été réalisés avec le logicielSAS Statview® pour Windows. En raison du faible échantillon depatients, nous avons réalisé une analyse statistique non para-métrique pour comparer les données quantitatives. Le test deMann-Whitney-Wilcoxon a été utilisé, avec un seuil de significa-tivité de 5 % (p < 0,05).

3. Résultats

3.1. Complications récurrentielles

Au total, 93 nerfs laryngés inférieurs ont été disséqués,dont 63 sous électromyographie peropératoire du muscle thyro-aryténoïdien. Nous avons constaté 2 cas de nerf laryngé inférieurnon récurrent (2,2 %), naissant du nerf vague à hauteur du pôlesupérieur de la thyroïde, du coté droit.

Chez les enfants de plus de 8 ans, une sonde d’intubationspécifique avec électrodes intégrées était utilisée (Xomed NIMmonitoring system, Medtronic Xomed Instrumentation, Saint-Aubin-le-Monial, France) (Fig. 2). Chez les enfants de moins de8 ans, 3 techniques de monitoring ont été utilisées :

• mise en place d’électrodes plantées dans chaque corde vocale enlaryngoscopie directe après intubation (Fig. 3) ;

• mise en place d’électrodes en regard des cordes vocales à traversle cartilage thyroïde après dissection de sa face antérieure ;

• monitoring visuel par nasofibroscope introduit à travers unmasque laryngé (Fig. 4).

Un seul cas de paralysie récurrentielle gauche définitive aété constaté (1,1 %), chez une patiente de 13 ans ayant bénéficiéd’un monitoring récurrentiel par électrodes intégrées sur la sonded’intubation. Il s’agissait d’une thyroïdectomie totale pour mala-

variation anatomique particulière. Il répondait à une stimulationde 0,40 mA en début d’intervention, mais ne répondait plus à lastimulation en fin d’intervention.

M. Akkari et al. / Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie

Fv

3

ltil

Tm11aW(te

[7–10]. D’après Burke et al. [8], le risque de complications post-

ig. 3. Monitoring récurrentiel par électrodes mises en place dans chaque cordeocale en laryngoscopie directe.

.2. Complications parathyroïdiennes

La calcémie était systématiquement dosée le lendemain de’intervention. Sur 34 patients ayant bénéficié d’une thyroïdec-omie totale, 8 ont présenté une hypocalcémie postopératoiremmédiate (23,5 %), dont 5 étaient persistantes 6 mois ou plus après’intervention (14,7 %).

Les caractéristiques de ces patients sont résumées dans leableau 1. Il s’agissait dans 50 % des cas d’une chirurgie pouraladie de Basedow. La moyenne de calcémie à j1 était de

,98 mmol/L dans le groupe hypocalcémies transitoires, contre,63 mmol/L dans le groupe hypocalcémies persistantes. La comp-raison statistique entre ces deux groupes par le test de Mann-hitney-Wilcoxon mettait en évidence une différence significative

p = 0,035). Ces patients ont tous bénéficié d’un traitement substi-utif comprenant calcium et vitamine D ; le suivi était assuré par unndocrinologue pédiatrique.

Fig. 4. Monitoring récurrentiel visuel par nasofi

et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 281–285 283

3.3. Résultats anatomopathologiques

Dans le groupe des thyroïdectomies prophylactiques pour CMT,9 patients étaient porteurs d’une mutation sur l’exon 11 codon 634(NEM 2A), et 2 de la mutation exon 13 codon 790 (forme fami-liale isolée). L’analyse anatomopathologique a révélé la présenced’ 1 ou plusieurs foyers de microcarcinome à cellule C (36,3 %) chez4 d’entre eux, dont le plus jeune était âgé de 28 mois. Trois présen-taient une hyperplasie à cellules C (27,2 %), et 4 présentaient unethyroïde normale.

Dans le groupe des patients présentant un nodule thyroïdienisolé, 2 présentaient un adénocarcinome papillaire (6,3 %), dont1 avec un antécédent familial similaire. Les autres résultats histo-logiques étaient bénins (hyperplasie, adénome, thyroïdite).

Dans les groupes GMHN et Basedow, aucune pathologie malignen’a été retrouvée.

4. Discussion

La pathologie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent doit êtreprise en charge dans des centres bénéficiant à la fois d’un plateautechnique adéquat (bloc opératoire pédiatrique, service de méde-cine nucléaire), mais également de ressources médicales adaptées(service d’endocrinologie pédiatrique, de génétique). La réalisationde la chirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent par despraticiens spécialisés dans ce type de chirurgie permet d’améliorerles résultats et de diminuer les complications [4]. Les difficultés chi-rurgicales sont essentiellement en rapport avec l’identification dunerf laryngé inférieur, plus fin que chez l’adulte. L’utilisation d’undispositif grossissant (loupes binoculaires ou microscope chirurgi-cal) permet une meilleure identification du nerf [7].

Peu de publications s’intéressent spécifiquement à la iatro-génie de la chirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent

opératoires est le même que dans une population adulte. Laparalysie récurrentielle est une complication rare ; les séries pédia-triques présentent des taux allant de 1 % [2] à 18,8 % [5], avec une

broscopie à travers un masque laryngé.

284 M. Akkari et al. / Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 281–285

Tableau 1Caractéristiques des patients ayant présenté une hypoparathyroïdie postopératoire.

Patient Pathologie Âge au moment de lachirurgie (en années)

Typed’intervention

Calcémiepostopératoireimmédiate (en mmol/L)

Évolution Recul (en mois)

1 Nodule malin 7 TT + gesteganglionnaire

1,85 Permanente 6

2 GMHN 14 TT 1,64 Permanente 903 GMHN 8 TT 1,29 Permanente 1034 Basedow 17 TT 1,56 Permanente 825 Basedow 17 TT 1,95 Transitoire 476 Basedow 16 TT 2,07 Transitoire 387 TT prophylactique

pour CMT familial1 TT 1,84 Permanente 92

G TT : th

htrci1(ndstdrgpfllbdeCdvlàt(teuOmddCdq

cpanup(ddmc

8 Basedow 17 TT

MHN : goitre multi hétéro nodulaire ; CMT : carcinome médullaire de la thyroïde ;

étérogénéité des résultats en fonction de la composition des effec-ifs (cancer thyroïdien, maladie de Basedow). Chez l’adulte, lesisques de blessure du nerf laryngé inférieur sont augmentés enas de variation anatomique, et notamment en cas de nerf laryngénférieur non récurrent. Du coté droit, cette anomalie concerne 0,5 à

% de la population ; du coté gauche, elle est beaucoup plus rare0,04 %) [11]. Il n’existe pas de données dans la littérature concer-ant cette variante anatomique chez l’enfant. Dans notre série, 2,2 %es nerfs récurrents disséqués étaient concernés, mais le repérageystématique du nerf aux loupes binoculaires a permis d’éviteroute blessure pour ces patients. Les autres facteurs de risqueécrits sont les antécédents chirurgicaux au niveau de la loge thy-oïdienne, une chirurgie pour maladie de Basedow, ou pour largeoitre plongeant, et les antécédents d’irradiation ou de traitementar iode radioactif [12]. L’utilisation du monitoring récurrentiel aait la preuve de son utilité dans la chirurgie thyroïdienne chez’adulte ; plusieurs études portant sur une population pédiatriqueui trouvent également un intérêt [12,13]. White et al. [12] lui attri-uent un triple rôle : aide au repérage du nerf laryngé inférieur, à saissection notamment dans des conditions chirurgicales difficiles,t rôle pronostique sur la fonction récurrentielle postopératoire.oncernant le cas de paralysie que nous rapportons, l’utilisationu monitoring n’a pas permis de prévenir cette complication. Saaleur pronostique a toutefois été vérifiée, la non réponse du nerf àa stimulation en fin d’intervention étant effectivement corrélée

sa paralysie en postopératoire. Concernant sa réalisation pra-ique, on rappelle qu’il existe sur le marché des sondes spécifiquesXomed NIM monitoring system, Medtronic Xomed Instrumenta-ion, Saint-Aubin-le-Monial, France), dont le diamètre minimumst de 6 mm (diamètre interne) /8,8 mm (diamètre externe). Leurtilisation est donc impossible chez l’enfant de moins de 8 ans.utre les 3 techniques que nous avons utilisées, il existe sur learché 2 autres dispositifs : un premier constitué par une plaque

’électrodes qui se place après intubation en position rétro cricoï-ienne par laryngoscopie directe (Neurovision Medical, Ventura,alifornia), un deuxième constitué par une plaque autocollante’électrodes de surface qui se colle sur la sonde d’intubation quelleue soit son diamètre (Neurovision Medical).

Une des complications les plus fréquemment rapportées de lahirurgie thyroïdienne est l’hypocalcémie par atteinte des glandesarathyroïdes. Les étiologies avancées dans la littérature sont unebsence d’identification de la glande avec ablation non intention-elle [14], une dévascularisation de la glande lors de la dissection,ne hémodilution transitoire, un relargage de calcitonine sur mani-ulation de la glande thyroïde, et le syndrome des os affamésHungry Bone Syndrome) [9]. La possibilité de ré-implantation

es glandes parathyroïdes a été décrite pour limiter le risque’hypocalcémie [6]. Cette dernière peut être transitoire, ou per-anente, définie par une persistance au-delà de 6 mois après la

hirurgie. L’hypoparathyroïdie persistante est directement corrélée

1,91 Transitoire 89

yroïdectomie totale.

au nombre de glandes parathyroïdes préservées lors de la chirur-gie [6]. Dans les séries pédiatriques, les taux d’hypoparathyroïdiedéfinitive varient de 5,5 % à 25 % [5]. D’après Sugino et al. [15],cette complication est aussi fréquente chez l’enfant que chezl’adulte. Nous avons constaté un taux de 14,7 %, ce qui est enaccord avec les données de la littérature. Les facteurs de risquesmis en évidence par McHenry et al. [16] sont la chirurgie pourmaladie de Basedow et la réalisation d’un curage ganglionnairemédiastino récurrentiel, ce qui concorde avec notre étude, 50 % deshypocalcémies postopératoires immédiates concernant une chi-rurgie pour maladie de Basedow. Les autres facteurs de risquedécrits sont les lésions malignes de la thyroïde et les anté-cédents de chirurgie de la loge thyroïdienne [17]. Nous avonspu constater que les cas d’hypoparathyroïdie transitoire étaientcorrélés aux taux d’hypocalcémie postopératoire immédiate lesmoins sévères, avec une différence significative par rapport auxcas d’hypoparathyroïdie persistante (p = 0,035). Cependant, cesrésultats sont critiquables, la comparaison d’effectifs limités nousexposant à des risques de fluctuation d’échantillonnage. Toute-fois, dans une série portant sur une population adulte, Aluffi et al.[18] ont démontré qu’une calcémie dans les 24 premières heuresinférieure à 7,5 mg/dL (1,88 mmol/L) était un facteur pronostiquefiable d’hypoparathyroïdie définitive, que notre étude a tendance àretrouver chez l’enfant.

L’association des formes familiales de CMT à la mutation du prooncogène RET a été mise en évidence dès 1993 [19]. L’intérêt del’analyse génétique chez tous les membres de la famille a été clai-rement démontré [3]. Il existe un débat concernant l’âge auquelproposer une chirurgie prophylactique en fonction du type demutation. Dans notre série, les 11 patients présentant des anté-cédents familiaux de CMT avaient bénéficié d’une analyse du gèneRET. Ils présentaient une mutation au niveau de l’exon 13 codon790 pour 2 d’entre eux, et de l’exon 11 codon 634 pour les autres.La détection d’un CMT chez 4 patients sur 11 (36,3 %) est en accordavec les données de la littérature. De même, la découverte de foyersde CMT au sein de la pièce opératoire chez un enfant de 28 mois estun argument en faveur de l’absence de limite d’âge inférieure pourproposer ce geste.

Le nodule thyroïdien isolé chez l’enfant et l’adolescent a faitl’objet de plusieurs études, qui ont démontré d’une part sa faibleincidence : environ 20 pour 1000 [20], contre 5 pour 100 chezl’adulte, d’autre part, un taux de malignité plus élevé, aux alen-tours de 20 % [1], et jusqu’à 43 % pour le Canadian Pediatric ThyroidNodule Study Group (CaPTN Study Group) [21]. La principale his-tologie retrouvée est le carcinome papillaire [22]. Dans notresérie, le taux de malignité est de 6,3 %, ce qui est bien inférieur

à toutes les données de la littérature. Une première explicationest l’hétérogénéité des séries, certaines incluant dans leurs chiffresles CMT. Une deuxième explication est un possible biais de sélec-tion, admis par certains auteurs [21,23]. En effet, les séries publiées

ologie

ép[msrpp1pdddlps[sad

5

dttpnrpdtt

D

t

R

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

M. Akkari et al. / Annales françaises d’oto-rhino-laryng

tant chirurgicales, elles ne prennent pas en compte les enfantsrésentant un nodule thyroïdien non opéré. Le CaPTN Study Group21] émet ainsi l’hypothèse d’une surévaluation de ses taux de

alignité. À la lumière de ces résultats se pose la question de laurveillance de certains nodules qui auraient été autrefois opé-és. Roy et al. [23], dans une étude rétrospective portant sur uneopulation pédiatrique de 207 cas, ont mis en évidence 3 facteursrédictifs significatifs de malignité (sur une sélection initiale de6) : l’existence d’antécédents familiaux de cancer de la thyroïde, laalpation d’adénopathies cervicales, et le caractère hypo-échogèneu nodule. Le rapport de la Société franc aise d’ORL et de chirurgiee la face et du cou [24] adjoint à ces critères cliniques une notione taille, proposant, en l’absence de facteurs de risque, de surveiller

es nodules de moins d’1 cm. La cytoponction à l’aiguille fine peutermettre de guider la décision thérapeutique, mais ses résultatsont moins fiables que chez l’adulte [23]. Ses limites chez l’enfant21] sont un acte technique rendu plus difficile par une anatomiepécifique au jeune âge, le recours à une sédation, et une lecturenatomopathologique par une équipe expérimentée, en raison deifférences morphologiques pouvant mener à de faux négatifs [25].

. Conclusion

La chirurgie thyroïdienne chez l’enfant et l’adolescent s’inscritans une prise en charge globale pluridisciplinaire. Ses complica-ions sont essentiellement l’hypocalcémie postopératoire en cas dehyroïdectomie totale (23,5 %), qui peut être définitive (14,7 %), etlus rarement la paralysie récurrentielle (1,1 %) dont la survenue’est pas forcément évitée par l’utilisation du monitoring récur-entiel. Par ailleurs, cette étude confirme l’intérêt de la chirurgierophylactique en cas de mutation du gène RET sans limitation’âge, et révèle un taux peu élevé de malignité dans le cas de nodulehyroïdien isolé de l’enfant par rapport aux données de la littéra-ure.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

[1] Hung W. Solitary thyroid nodules in 93 children and adolescents. A 35-yearsexperience. Horm Res 1999;52:15–8.

[

et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 281–285 285

[2] Sherman J, Thompson GB, Lteif A, et al. Surgical management of Gravesdisease in childhood and adolescence: an institutional experience. Surgery2006;140:1056–61 [discussion 61–2].

[3] Skinner MA, DeBenedetti MK, Moley JF, et al. Medullary thyroid carcinoma inchildren with multiple endocrine neoplasia types 2A and 2B. J Pediatr Surg1996;31:177–81 [discussion 81–2].

[4] Tuggle CT, Roman SA, Wang TS, et al. Pediatric endocrine surgery: who is ope-rating on our children? Surgery 2008;144:869–77 [discussion 77].

[5] Karnak I, Ardicli B, Ekinci S, et al. Papillary thyroid carcinoma does not havestandard course in children. Pediatr Surg Int 2011;27:931–6.

[6] Kim YS. Impact of preserving the parathyroid glands on hypocalcemia aftertotal thyroidectomy with neck dissection. J Korean Surg Soc 2012;83:75–82.

[7] Astl J, Dvorakova M, Vlcek P, et al. Thyroid surgery in children and adolescents.Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2004;68:1273–8.

[8] Burke JF, Sippel RS, Chen H. Evolution of pediatric thyroid surgery at a tertiarymedical center. J Surg Res 2012;177:268–74.

[9] Raval MV, Browne M, Chin AC, et al. Total thyroidectomy for benigndisease in the pediatric patient – feasible and safe. J Pediatr Surg 2009;44:1529–33.

10] Wood JH, Partrick DA, Barham HP, et al. Pediatric thyroidectomy: a collabora-tive surgical approach. J Pediatr Surg 2011;46:823–8.

11] Henry JF, Audiffret J, Denizot A, et al. The nonrecurrent inferior laryngealnerve: review of 33 cases, including two on the left side. Surgery 1988;104:977–84.

12] White WM, Randolph GW, Hartnick CJ, et al. Recurrent laryngeal nerve moni-toring during thyroidectomy and related cervical procedures in the pediatricpopulation. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2009;135:88–94.

13] Meyer T, Hocht B. Recurrent laryngeal nerve monitoring during thyroid surgeryin childhood. Eur J Pediatr Surg 2006;16:149–54.

14] Lee NJ, Blakey JD, Bhuta S, et al. Unintentional parathyroidectomy during thy-roidectomy. Laryngoscope 1999;109:1238–40.

15] Sugino K, Kure Y, Iwasaki H, et al. Does total thyroidectomy induce metabolicbone disturbance? Int Surg 1992;77:178–80.

16] McHenry CR, Speroff T, Wentworth D, et al. Risk factors for post-thyroidectomyhypocalcemia. Surgery 1994;116:641–7 [discussion 7-8].

17] Gulluoglu BM, Manukyan MN, Cingi A, et al. Early prediction of normocalcemiaafter thyroid surgery. World J Surg 2005;29:1288–93.

18] Aluffi P, Aina E, Bagnati T, et al. Prognostic factors for definitive hypopara-thyroidism following total thyroidectomy. Acta Otorrinolaringol Esp 2008;59:321–4.

19] Mulligan LM, Kwok JB, Healey CS, et al. Germ-line mutations of the RET proto-oncogene in multiple endocrine neoplasia type 2A. Nature 1993;363:458–60.

20] Rallison ML, Dobyns BM, Keating Jr FR, et al. Thyroid nodularity in children.JAMA 1975;233:1069–72.

21] The Canadian Pediatric Thyroid Nodule Study: an evaluation of current mana-gement, practices. J Pediatr Surg 2008;43:826–30.

22] Gow KW, Lensing S, Hill DA, et al. Thyroid carcinoma presenting in childhoodor after treatment of childhood malignancies: an institutional experience andreview of the literature. J Pediatr Surg 2003;38:1574–80.

23] Roy R, Kouniavsky G, Schneider E, et al. Predictive factors of malignancy inpediatric thyroid nodules. Surgery 2011;150:1228–33.

24] Périé S, Garrel R. Rapport officiel de la Société franc aise d’ ORL et de chirur-

gie de la face et du cou. Pathologies chirurgicales de la glande thyroide. Paris:L’Européenne d’éditions; 2012. p. 645–52.

25] Saavedra J, Deladoey J, Saint-Vil D, et al. Is ultrasonography useful in predic-ting thyroid cancer in children with thyroid nodules and apparently benigncytopathologic features? Horm Res Paediatr 2011;75:269–75.