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124 Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2005; 106, 2, 124-125 © Masson, Paris, 2005. REVUE DE PRESSE Ciment osseux résorbable en chirurgie maxillo- faciale : indications et expérience clinique chez 27 patients Traduction et résumé de G. Alessi et C. Chossegros, CHU Timone, Marseille. K.D. WOLFF, S. SWAID, D. NOLTE, R.-A. BOCKMANN, F. HOLZLE, et al. J Craniomaxillofac Surg 2004;32:71-9. Tirés à part : C. Chossegros, Service de Chirurgie maxillo-faciale et Stomatologie du Pr J.-L. Blanc, CHU Timone, 13385 Marseille Cedex 5. Il s’agit d’une étude rétrospective con- cernant l’utilisation d’un nouveau matériau de comblement biocompati- ble à base d’apatite carbonée, le Norian SRS ® , chez 27 patients de chi- rurgie maxillo-faciale. Les matériaux alloplastiques tels que le PMMA (polyméthylmetacrylate) évi- tent la morbidité liée à un site donneur. Ils peuvent se modeler facilement pour épouser les contours du déficit à com- bler et durcissent rapidement. Néan- moins, leur température de polymérisation élevée et leur faible ostéointégration font de ces matériaux alloplastiques une indication de second choix. Aussi, d’autres matériaux plus biocompatibles ont été développés, tels que l’hydroxyapatite (HA) et le trical- cium phosphate (sous forme de céra- mique). Mais ces matériaux étant rigides, ils ne peuvent se modeler facile- ment pour s’adapter aux contours du déficit à combler. Le substitut idéal devrait donc être plastique comme le PMMA et biocompatible comme les apatites ; cette biocompatibilité abou- tissant in fine au remplacement du matériau de comblement par de l’os néoformé. Dans ce but, un ciment carbone- apatite (Norian SRS ® ) a été développé ; sa formule stoichiométri- que est Ca8.8 (HP04)0. Une fois cris- tallisé, le ciment calcium phosphate est similaire au carbone apatite (dahllite) humain en terme de compo- sition et de taille de cristal. Ceci expli- que ainsi sa haute biocompatibilité et son remplacement par de l’os après résorption ostéoclastique. Cette étude porte sur ce matériau qui a été mis en place pour des pertes de substance osseuse du crâne et de la face allant jusqu’à 12 ml. Dans cer- tains cas, le Norian SRS ® a été associé à des implants endo-osseux. MATÉRIEL ET MÉTHODES Depuis 1998, le Norian SRS ® a été implanté chez 27 patients (18 hom- mes et 9 femmes, avec une moyenne d’âge de 56 ans). Les pertes de subs- tance étaient de petite ou moyenne taille : — perte osseuse post traumatique dans les régions orbitaires, péri orbi- taire et malaire chez 9 patients ; — déformation post traumatique sur l’os frontal chez 6 patients ; — déficit osseux après tumeur de la voûte crânienne chez 2 patients ; — déficit osseux post traumatique ou kystique de la mandibule chez 5 patients ; — comblement osseux associé à la mise en place d’implant chez 5 autres patients, tous non fumeurs et atteints d’une résorption de l’os alvéolaire. Chez ces derniers, une ostéotomie horizontale entre les trous mentonniers a été faite ; le fragment situé au-dessus du trait d’ostéotomie était surélevé puis maintenu en place par une mini- plaque afin de visser ensuite les quatre implants. L’espace ainsi crée par la surélévation du fragment osseux était comblé par du ciment. Après durcisse- ment du ciment, la plaque était enle- vée. Les implants avaient une bonne stabilité initiale et ils ont tous été mis en charge après 4 mois. Tous les patients ont reçu une anti- biothérapie systémique péri-opéra- toire. L’évaluation a été échelonnée sur une période allant de 6 à 40 mois. Elle tenait compte de : — l’infection, la douleur, le déplace- ment du matériel ; — la qualité du comblement et l’ostéoin- tégration des implants dentaires (l’évalua- tion était radiologique) ; — l’histologie après prélèvement au tré- pan des zones substituées, en région malaire et péri-orbitaire chez deux patients. RÉSULTATS Aucun signe d’infection n’a été retrouvé. Un seul défaut de couver- ture avec exposition du matériel a été recensé. Il a été résolu par simple suture, sans qu’il n’y ait perte du subs- titut. Le matériau, une fois durci a pu être fraisé. À la palpation le matériel apparaissait intègre et stable. Les radiographies montraient entre 12 et 30 mois, que le matériau était partiellement remplacé par du tissu osseux et totalement remplacé chez

Ciment osseux résorbable en chirurgie maxillo-faciale : indications et expérience clinique chez 27 patients

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Page 1: Ciment osseux résorbable en chirurgie maxillo-faciale : indications et expérience clinique chez 27 patients

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Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2005; 106, 2, 124-125© Masson, Paris, 2005.

REVUE DE PRESSE

Ciment osseux résorbable en chirurgie maxillo-faciale : indications et expérience clinique chez 27 patientsTraduction et résumé de G. Alessi et C. Chossegros, CHU Timone, Marseille.

K.D. WOLFF, S. SWAID, D. NOLTE, R.-A. BOCKMANN, F. HOLZLE, et al.J Craniomaxillofac Surg 2004;32:71-9.

Tirés à part : C. Chossegros, Service de Chirurgie maxillo-faciale et Stomatologie du Pr J.-L. Blanc, CHU Timone, 13385 Marseille Cedex 5.

Il s’agit d’une étude rétrospective con-cernant l’utilisation d’un nouveaumatériau de comblement biocompati-ble à base d’apatite carbonée, leNorian SRS®, chez 27 patients de chi-rurgie maxillo-faciale.

Les matériaux alloplastiques tels quele PMMA (polyméthylmetacrylate) évi-tent la morbidité liée à un site donneur.Ils peuvent se modeler facilement pourépouser les contours du déficit à com-bler et durcissent rapidement. Néan-moins, leur température depolymérisation élevée et leur faibleostéointégration font de ces matériauxalloplastiques une indication de secondchoix. Aussi, d’autres matériaux plusbiocompatibles ont été développés, telsque l’hydroxyapatite (HA) et le trical-cium phosphate (sous forme de céra-mique). Mais ces matériaux étantrigides, ils ne peuvent se modeler facile-ment pour s’adapter aux contours dudéficit à combler. Le substitut idéaldevrait donc être plastique comme lePMMA et biocompatible comme lesapatites ; cette biocompatibilité abou-tissant in fine au remplacement dumatériau de comblement par de l’osnéoformé.

Dans ce but, un ciment carbone-apatite (Norian SRS®) a étédéveloppé ; sa formule stoichiométri-que est Ca8.8 (HP04)0. Une fois cris-tallisé, le ciment calcium phosphateest similaire au carbone apatite(dahllite) humain en terme de compo-sition et de taille de cristal. Ceci expli-

que ainsi sa haute biocompatibilité etson remplacement par de l’os aprèsrésorption ostéoclastique.

Cette étude porte sur ce matériauqui a été mis en place pour des pertesde substance osseuse du crâne et dela face allant jusqu’à 12 ml. Dans cer-tains cas, le Norian SRS® a été associéà des implants endo-osseux.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Depuis 1998, le Norian SRS® a étéimplanté chez 27 patients (18 hom-mes et 9 femmes, avec une moyenned’âge de 56 ans). Les pertes de subs-tance étaient de petite ou moyennetaille :

— perte osseuse post traumatiquedans les régions orbitaires, péri orbi-taire et malaire chez 9 patients ;

— déformation post traumatiquesur l’os frontal chez 6 patients ;

— déficit osseux après tumeur de lavoûte crânienne chez 2 patients ;

— déficit osseux post traumatiqueou kystique de la mandibule chez 5patients ;

— comblement osseux associé à lamise en place d’implant chez 5 autrespatients, tous non fumeurs et atteintsd’une résorption de l’os alvéolaire.Chez ces derniers, une ostéotomiehorizontale entre les trous mentonniersa été faite ; le fragment situé au-dessusdu trait d’ostéotomie était surélevépuis maintenu en place par une mini-

plaque afin de visser ensuite les quatreimplants. L’espace ainsi crée par lasurélévation du fragment osseux étaitcomblé par du ciment. Après durcisse-ment du ciment, la plaque était enle-vée. Les implants avaient une bonnestabilité initiale et ils ont tous été misen charge après 4 mois.

Tous les patients ont reçu une anti-biothérapie systémique péri-opéra-toire.

L’évaluation a été échelonnée surune période allant de 6 à 40 mois. Elletenait compte de :

— l’infection, la douleur, le déplace-ment du matériel ;

—la qualité du comblement et l’ostéoin-tégration des implants dentaires (l’évalua-tion était radiologique) ;

—l’histologie après prélèvement au tré-pan des zones substituées, en régionmalaire et péri-orbitaire chez deux patients.

RÉSULTATS

Aucun signe d’infection n’a étéretrouvé. Un seul défaut de couver-ture avec exposition du matériel a étérecensé. Il a été résolu par simplesuture, sans qu’il n’y ait perte du subs-titut. Le matériau, une fois durci a puêtre fraisé. À la palpation le matérielapparaissait intègre et stable.

Les radiographies montraient entre12 et 30 mois, que le matériau étaitpartiellement remplacé par du tissuosseux et totalement remplacé chez

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Vol. 000, no 2, 2005 Ciment osseux résorbable en chirurgie maxillo-faciale : indications et expérience clinique chez 27 patients

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les 4 patients suivis au-delà de30 mois.

Histologiquement, il était parfaite-ment adapté au défect osseux et nemontrait pas de capsule fibreusepériphérique. Les zones d’interfaceétaient constituées de simples appo-sitions osseuses. Au contact des tis-sus mous, quelques agglomérats dematériels ont été retrouvés. Endehors de quelques macrophages, iln’y avait pas de signes d’inflamma-tion.

Chez les patients traités pour atro-phie de l’os alvéolaire mandibulaire etqui ont reçu des implants, le cimentaméliorait la stabilité implantaire.Chez ces patients le ciment a permisune élévation de 5 à 8 mm aprèsostéotomie horizontale non interrup-trice en laissant le fragment supérieurrelié aux attaches musculaires etmuqueuses. Aucune douleur ou infec-tion n’est survenue. La mise en placedes prothèses sur les vis implantairess’est faite à 4 mois. Les signes derésorption et de remplacement osseuxont été observés radiologiquement aubout de 12 mois.

DISCUSSION

Ces dernières années, beaucoupd’efforts ont été faits pour développerun substitut osseux minéral biocompati-

ble et remplacé à terme par du tissuosseux. Les substituts classiques(hydroxyapatite) ne permettent pas, leplus souvent, de reconstruction satisfai-sante. Les céramiques tri-calcium-phos-phates, quand à elles, ne sont quepartiellement résorbées et difficiles, ellesaussi, à adapter à la forme de la pertede substance.

Le ciment calcium phosphate(Norian SRS®) étudié ici tente de con-cilier plasticité, biocompatibilité etrésorption complète. Après applica-tion, il peut se modeler pendant 2 à5 minutes, durcit en 10 minutes etpeut ensuite être fraisé. Ce matériau aété employé dès 1995 en chirurgieorthopédique pour faciliter l’ostéosyn-thèse des fractures instables. Aprèsavoir suivi 27 patients sur 29 mois, cematériau nous semble donc adaptéaux reconstructions de calvaria, enparticulier au niveau frontal, lorsque levolume de la perte de substancen’excède pas 25 à 30 cm3. Dans cescas, sa haute biocompatibilité, et sacapacité à se modeler facilementavant durcissement, autorise son utili-sation sur la dure-mère.

Une attention particulière doit êtreapportée au niveau du sinus frontalpour que le matériau soit toujoursisolé de la cavité sinusienne par dupérioste ou d’autres tissus. Dans cesconditions, aucune infection n’est sur-venue.

Ces résultats concordent avec ceuxde Baker [1] qui a utilisé le NorianSRS® pour des reconstructions cranio-faciales de l’adulte et de l’enfant.

Ce matériau permet également,associé à la mise en place d’implants,d’obtenir une augmentation de lahauteur d’os mandibulaire symphy-saire avec une bonne stabilité pri-maire. C’est ce que nous avonsobservé sur 19 des 20 implants mis enplace dans notre étude.

La facilité d’application, la haute bio-compatibilité, les caractéristiques bio-mécaniques et la substitution par de l’osnéoformé font du Norian un matériauadapté au comblement des pertes desubstance en chirurgie maxillo-faciale.

Cependant, deux points doiventêtre soulignés. Premièrement leNorian SRS® ne peut pas être utilisa-ble pour des pertes de substanceétendues calvariales ou mandibulaires.Deuxièmement, le risque infectieux liéà la mise en place du Norian SRS®

semble plus élevé lorsque ce matériauest au contact direct des cavités(cavité buccale notamment).

RÉFÉRENCE1. Baker SB, Weinzweig J, Kirschner RE,

Bartlett SP. Application of a new carbo-nated calcium phosphate base cement:early experience in pediatric and adultcraniofacial reconstruction. PlastReconstr Surg, 2002;109:1789-96.