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CLISSON ET SES MONUMENTS par le Comte Paul de BERTHOU ancien élève de l’Ecole des Chartes Illustrations par M. l’abbé Joseph BOUTIN - 1910 - (et supplément de 1913)

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CLISSON

ET SES

MONUMENTS

par

le Comte Paul de BERTHOU

ancien élève de l’Ecole des Chartes

Illustrations par M. l’abbé Joseph BOUTIN

- 1910 - (et supplément de 1913)

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En 1910, Paul de Berthou (1859-1933), ancien étudiant de l’École des Chartes, s’appuyant sur une connaissance quasi exhaustive des documents et archives historiques, publie "Clisson et ses monuments - étude historique et archéologique". En 1913, il complète cette étude d’un "supplément". Dans sa totalité, l’ouvrage est composé de trois parties :

- Route de Nantes à Clisson, - Clisson et ses monuments, - Histoire de Clisson,

auxquelles s’ajoutent des "Documents et pièces justificatives". Les pages qui suivent réunissent les premières pages de cet ouvrage. Elles se présentent

comme un guide touristico-historique pour le voyageur se rendant de Nantes à Clisson, soit en suivant la rive droite, soit en suivant la rive gauche de la Sèvre.

Route de NANTES à CLISSON

- Route de Nantes à Clisson, par la rive droite de la Sèvre ......................... 3

- Route de Nantes à Clisson, par la rive gauche de la Sèvre .................... 27

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Route de NANTES à CLISSON

On peut se rendre de Nantes à Clisson par deux chemins différents, dont l'un remonte la rive droite, l'autre la rive gauche de la Sèvre. Tous deux présentent aux voyageurs curieux du passé, divers sites et monuments dignes d'attention, et de nature à leur rappeler d'intéressants souvenirs. Par l'un comme par l'autre de ces deux chemins, le trajet est d'environ six lieues et demie ; mais celui qui remonte la rive gauche de la Sèvre est peut-être un peu plus long que le premier.

I. - Route de Nantes à Clisson par la rive droite de la Sèvre, en traversant le bourg du Pallet

Le voyageur sort de Nantes par la rue de la Poissonnerie, passe le canal Saint-Félix sur le pont de la Poissonnerie, et traverse la pointe de l'île Feydeau par la rue dite de Bon-Secours, du nom d'un sanctuaire très vénéré des Nantais. On sait que le bras de la Loire qui longe la ville de Nantes, a été, d'après une tradition que confirment des textes historiques, curé et approfondi par les soins de saint Félix, évêque de Nantes de 550 à 580 environ.

Pour l’île Feydeau, ce n'était, avant le premier quart du XVIIIe siècle, qu'un îlot rocheux, supportant quelques maisons et dit la Saulsaye ; en aval s'étendait une grève, couverte par les eaux pendant une partie de l'année. La Saulsaye fut fortifiée et entourée de murs par le duc François II, en 1464 et 1477, et munie d'une porte, à la sortie de la rue de Bon-Secours vers le Poitou.

Le projet de consolider la grève en aval de l’île, date de 1721 ; les travaux commencèrent en 1724, et pendant tout le XVIIIe siècle, les riches armateurs nantais y élevèrent les somptueuses habitations que nous y admirons encore. L'île, ainsi agrandie, fut nommée île Feydeau, en reconnaissance des bons offices de l'intendant de Bretagne. Feydeau de Brou. La chapelle Notre-Dame de Bon-Secours, reconstruite en 1778, n'est plus qu'un souvenir ; mais l'une de ses façades latérales existe encore, très reconnaissable, sur le quai Turenne dans l’île, parce qu'elle a été utilisée pour construire la maison qui fait le coin Ouest de ce quai et de la rue de Bon-Secours. Le culte de Notre-Dame de Bon-Secours a été transféré

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dans l'église Sainte-Croix, en 18021.

Sur la rive Sud de l’île Feydeau s'ouvre le pont de la Belle-Croix, qui doit son nom à une pyramide, surmontée d'une croix de pierre, élevée contre un de ses parapets en 1635, et démolie en 1744. Sous ses premières arches fut construit, en 1483, le moulin du Chapitre de Notre-Dame, démoli avant 1750 ; à côté duquel tournèrent, depuis 1605 jusqu'en 1725, les roues du moulin Grognard, appartenant à la Ville. D'ailleurs, plusieurs moulins sur bateau subsistèrent jusqu'en 1837 sous les arches de ce pont, entièrement reconstruit en 1862. Avant 1635, on l'appelait le pont de Nantes ou le pont de la Saulsaye. Il conduit à l'entrée de la chaussée de la Madeleine, qui traverse la prairie de ce nom. Au début de cette longue voie, nous ferons remarquer, sur la gauche, l'auberge de la Boule-d'Or ; en face et de l'autre côté de la rue, se trouvait le petit monument de Notre-Dame-de-Crée-Lait, élevé en mémoire du supplice de Gilles de Rais, qui eut lieu tout auprès, le 26 octobre 1440, dans un emplacement occupé aujourd'hui par les bâtiments de l'Hôtel-Dieu. Les débris de ce petit monument, simple niche grillée, garnie de trois statues, et tout le côté Ouest de la chaussée de la Madeleine, qui le précédait et le suivait, ont disparu ensemble vers 1866. Toutefois, plusieurs morceaux- de la niche ont été transportés au Musée Archéologique de Nantes2.

En amont de la chaussée, la prairie de la Madeleine, que l'on appelle aussi île Gloriette, était, au XVIIe siècle, le lieu de rendez-vous élégant des dames de Nantes, qui s'y promenaient en carrosse, pendant les beaux jours. Ce nom semble indiquer l'existence, en cet endroit, d'une gloriette, c'est-à-dire de quelque jardin et maison de plaisance de nos ducs. Le mot espagnol glorieta désigne encore un lieu du même genre, jardin ou promenade.

Un peu avant d'arriver au grand bras de la Loire, dit de la Madeleine, se trouvait, à gauche de la chaussée, la chapelle de la Madeleine, qui a donné son nom à toute l’île. Siège d'un prieuré fondé en 1119, par le duc Conan en faveur de l'abbaye de Toussaint d'Angers, ce n'était plus, à la fin du XVIIIe siècle, qu'une simple chapelle, dépendant de la paroisse Sainte-Croix de Nantes. Elle avait été rebâtie au XVe siècle. Ses restes furent démolis en 1865, pour la construction du quai voisin3.

Alors se présente le pont de la Madeleine, élargi et remis à neuf en 1840 ; il conduit à la prairie de Biesse, que l'on traverse sur la chaussée dite rue Grande-Biesse, séparée de la rue Petite-Biesse, son prolongement, par la boire4 de Toussaints, dont nous parlerons plus bas. Ces rues, bordées de maisons assez misérables, ont été élargies en 1850.

En aval de la rue Grande-Biesse, la prairie porte le nom de Prairie-au-Duc ; c'était là qu'était jadis le gibet à quatre piliers, dit la carrée de Blesse, élevé par ordre de Pierre

Landais, trésorier du duc François Il, et auquel il fut lui-méme pendu, le 19 juillet 1485. Ce gibet a subsisté jusqu'au XVIIIe siècle.

Quant à la Prairie-au-Duc, elle était séparée de la rue Grande-Biesse et de la prairie en amont de cette rue, dite Prairie de Biesse, par un canal ou boire, comblé en 1841. Un petit

canal, sortant du grand bras de la Madeleine, passait aussi sous l'arche de Grande-Biesse, au milieu de la rue de ce nom ; il a été comblé en 1849.

Près de l'extrémité Sud de la rue Grande-Biesse, sur la prairie en amont, était l'aumônerie

1 Voir "Manuel de la neuvaine de N.-D. de Bon-Secours", par M. l'abbé Lagrange ; Nantes,

Charpentier, 1853, 1 vol. in-16, avec gravures ; — "les Madones Nantaises" par M. l'abbé Ricordel ; Nantes, Biroché, 1904, 1 vol. in-12, pp. 269 et suivantes.

2 Voir "Histoire de Nantes" par Guépin, 1839, planche 12 ; — "Notre-Dame de Cree-

Lait", par M. l'abbé Lagrange (Revue de Bretagne et de Vendée, 1862, 2e semestre). —

"les Madones Nantaises" 3 Voir une lithographie représentant la chapelle de la Madeleine, dans les « Archives Curieuses » de

Verger, tom 1er

colonne 352 ; — un article descriptif, avec dimensions, par M. de la Nicollière, dans la Semaine Religieuse de Nantes, tome 1

er, 1865, page 2.

4 On appelle une boire, un petit bras ou un petit golfe, formé par la Loire dans l'une de ses îles ou l’un

de ses rivages

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de Toussaints, fondée par Charles de Blois en 1362, tant pour y soigner les malades que pour y héberger les pauvres voyageurs. Elle devint succursale de l'hôpital de Nantes vers 1568, et, après diverses transformations, ses derniers débris disparurent en 1824. La chapelle qui lui était annexée ne fut entièrement démolie qu'en 1846. Sur la dernière maison de la rue Grande-Biesse, avant le pont de Toussaints, au coin à gauche en sortant de Nantes; on a placé l'inscription suivante :

Passant, rappelle-toi l'aumônerie de Toussaints,

où pendant 300 ans, les pauvres et les malades

trouvèrent un abri. 1362 — 1656.

Le pont de Toussaints, jeté sur la boire du même nom, fait suite à la rue Grande-Biesse et conduit à la rue Petite-Biesse, fermée jadis, vers son extrémité Nord, par une porte dite porte Gellée, du nom d'un échevin de Nantes, qui la fit réparer vers 1720. Cette porte, destinée à interdire au besoin l'accès du pont de Toussaints aux gens venant Poitou, fut démolie peu avant 1752. Elle se trouvait à l'angle de la rue Beau-Séjour qui débouche dans la rue Petite-Biesse. Il est à croire qu'elle a servi de limite à la ville de Nantes, de ce côté, à une certaine époque.

A l'autre bout de la rue Petite-Biesse, sur la prairie en aval, était le couvent des Récollets, établis là en 1617. Leur église, convertie en magasin militaire, fut incendiée par accident en 1795, et les ruines de leurs bâtiments ont subsisté jusque dans les premières années du XIXe siècle ; les derniers débris n'en disparurent qu'en 1897.

L'on passe ensuite la boire des Récollets sur le pont du même nom, au bout duquel était jadis la croix séparant la paroisse Sainte-Croix de Nantes de la paroisse rurale de Saint-Sébastien-lez-Nantes, ou Saint-Sébastien-d'Aigne, en latin du moyen-âge, de Agniona, de Angnia. A l'extrémité Sud du pont des Récollets, était placée, avant 1792, la limite de l'octroi de Nantes, et ce lieu se nommait les arrêts de Vertais, à cause du faubourg de Vertais qui suit.

L'on entre donc alors dans ce faubourg qui a formé une seigneurie et juridiction féodale, dite du Pont-en-Vretais5, appartenant, au XVe siècle, à Pierre Landais. La rue de Vertais, assez sale et de triste aspect, comme toutes celles des ponts, conduit au grand bras de la Loire, sur lequel est jeté le pont de Piremil. Un peu avant d'arriver à ce pont, on trouvait, au XVe siècle, une petite chapelle dite de Perrot Drouet, son fondateur.

Le pont de Piremil, en bois dans le haut moyen-âge (car la ligne des ponts de Nantes est très ancienne), a été reconstruit au XVe siècle, et souvent réparé depuis, en tout ou en partie, jusqu'en 1812, puis entièrement refait à neuf entre 1860 et 1863, après de difficiles et dangereux travaux. Il donne accès au bourg de Piremil, dont le nom semble indiquer qu'une colonne milliaire, pila milliaria, fut élevée en ce lieu par les Romains.

La tête du pont était défendue par une grosse tour cylindrique, entourée d'une petite enceinte à machicoulis, et bâtie en 1365 par Nicolas Bouchard, amiral de Bretagne. Le château de Piremil fut démantelé en 1626, à la demande de la Ville de Nantes. Ses curieuses ruines, monument historique d'un grand intérêt et de l'aspect le plus pittoresque, furent malheureusement démolies en 1839, quand on élargit la place de Piremil, acte de ce vandalisme déplorable, dont il n'y a eu que trop d'exemples et qui a dépouillé notre province de tant de précieux débris des siècles passés. On remarque encore, près de la tête du pont de Piremil, deux piles, réunies par une arche, isolées dans le fleuve et supportant quelques

5 Le sceau des contats du Pont-en-Vretais, avec l'écusson d'Arthur L'Espervier, gendre de Pierre

Landais, fait aujourd'hui partie de la collection de M. Paul Soullard, de Nantes. Voir un article de M.Marionneau dans le Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, 1876, page 351.

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masures ; elles ont fait partie de l'ancien pont, et devaient se rattacher au château disparu6.

Le bourg de Piremil était jadis clos de trois portes, dites de Saint-Louis7, bâtie en 1684, attenant au château ; de Saint-Jacques, près le prieuré de Saint-Jacques (depuis 1832, l'hôpital général de Nantes) ; et de Lespau, au bout de la rue Dos-d'Ane qui mène à la Sèvre, vers l'Ouest. L'on entre alors dans la rue du faubourg Saint-Jacques, où se remarquent encore quelques vieilles maisons des XVIe et XVIIe siècles ; puis, on trouve, sur la gauche, l'hôpital général, construit de 1822 à 1835, sur l'emplacement du prieuré de Saint-Jacques, et pour remplacer le Sanitat, dont les bâtiments et les jardins couvraient les environs de l'église moderne de Notre-Dame-de-Bon-Port, au-dessus de la Fosse.

Le prieuré de Saint-Jacques de Piremil, de l'ordre de Saint-Benoit, se rattachait originairement au monastère de Saint-Martin de Vertou ; au XIIe siècle, il passa; avec cette abbaye, sous la dépendance de Saint-Jouin-de-Marnes. Les Bénédictins de Saint-Maur qui s'y installèrent en 1663, se qualifiaient curés primitifs de la paroisse Saint-Sébastien-lez-Nantes ou Saint-Sébastien-d'Aigne. Quoiqu'il en fût, Saint-Jacques, après avoir été succursale de Saint-Sébastien, devint paroisse en 17918. Saint-Sébastien était en grande vénération dans toute la contrée, et une bonne partie des paroisses des environs y allait en pèlerinage une fois l'an, notamment celles de Cugand et de la Madeleine de Clisson qui en sont cependant éloignées. Le fait est mentionné sur un des anciens registres paroissiaux de Cugand, de la main de M. Jacques Deschailles, docteur en théologie, recteur de Cugand de 1760 à 1788.

L'église paroissiale de Saint-Jacques, située tout contre l'enclos de l'hôpital, devra être visitée. C'est un beau monument du XIIe siècle, qui subit quelques remaniements en 1484, et, en 1850, une restauration aussi complète que malheureuse, au cours de laquelle sa belle façade romane fut remplacée par une façade moderne, sans intérêt. A l'extérieur, l'ornementation simple et élégante de son abside romane, accompagnée de deux absidioles9, et, à l'intérieur, sa disposition générale et la forme curieuse de ses voûtes, méritent d'attirer l'attention du voyageur. Les voûtes de Saint-Jacques nous paraissent appartenir au système dit des Plantagenets10 ; chaque travée est couverte d'une sorte de coupole, formée de quatre triangles sphériques, réunis par leurs sommets.

A quelques pas plus loin, sur la gauche, se trouve la chapelle, reconstruite de nos jours, dite Notre-Dame de Bonne-Garde, lieu de pèlerinage fréquenté par les Nantais11. Cette chapelle a été fondée en 1651, par une bonne religieuse, Sœur Marie de Bonne-Garde, et sa famille, avec le secours de plusieurs personnes charitables, notamment du maréchal de la Meilleraye.

L'on passe ensuite près du petit manoir de la Jaunaye, situé un peu à gauche de la route qui traverse le hameau du Frêne-Rond. La maison actuelle de la Jaunaye est moderne ; mais l'ancien manoir qu'elle a remplacé n'était guère plus important12. C'est là que, le 18 février 1795, furent signées par le général Charette et par le général Canclaux, les conditions d'une paix qui ne devait pas durer longtemps.

6 Voir "Archives curieuses". de Verger, tome 1

er, colonne 341, et tome III, colonne 390, avec gravure ;

"Histoire de Nantes", par Guépin, 1839, planche 12 ; — "la Forteresse de Piremil", par Ch. Bougouin (Société Académique de Nantes, 1866): — "les Capitaines de la forteresse de Piremil" par le même, avec très intéressante lithographie du château de Piremil, d'après un dessin de M. Louis Petit (Société Archéologique de Nantes, 1866).

7 La porte Saint-Louis était à l'entrée du pont de Piremil, par le bourg de Piremil. Voir Archives de

l'Hôtel-de-Ville de Nantes, DD 350. 8 Voir "Saint-Sébastien-d'Aigne", par l'abbé Radigois, ancien curé de cette paroisse (Revue historique

de l'Ouest, 1898 et 1899, tirage à part chez Lafolye, à Vannes, in-8. de 132 pages). 9 Voir la gravure de "Nantes et la Loire-Inférieure", Nantes, Charpentier, 1850, 1 vol, in-folio.

10 Très bien étudié par M. l'abbé Choyer, dans le Bulletin du Congrès Archéologique de France, 38

e

session tenue à Angers en 1871, pages 257-274. 11

Voir "Les Madones Nantaises" ; — "Saint-Sébastien d'Aigne". 12

Voir "Saint-Sébastien-d'Aigne" p. 110.

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Dans tout le cours de cette étude, nous donnerons le nom de manoir à toute maison noble, généralement centre d'une seigneurie, mais peu ou point fortifiée. Le château, au contraire, est une maison vraiment forte, garnie de tours et murs de défense, et ceinte de fossés. Toutefois, dès le XVIIe siècle, on appela souvent château une maison somptueuse, centre d'une grande seigneurie, quoique non fortifiée. Il est vrai que les maisons de ce genre remplaçaient souvent de véritables châteaux forts, abandonnés ou démolis. Aujourd'hui, on donne le nom de château à toute belle maison de campagne, d'une certaine importance. La maison seigneuriale d'une paroisse est celle dont dépend la seigneurie de la paroisse, dont le seigneur est prééminencier ou fondateur dans l'église paroissiale du lieu. Dans cette église, il a droit de banc, d'armoiries aux places les plus honorables, d'enfeu, d'encens à l'offertoire de la Grand-Messe, etc. La maison seigneuriale d'une paroisse est souvent un vrai château.

Au-delà de la Jaunaye, après avoir laissé sur la gauche l'embranchement de la route du Loroux-Bottereau, au lieu-dit le Tourne-Bride, le voyageur monte la longue côte de l’Alloué, qui passe près du hameau de ce nom13, ayant appartenu sans doute à un alloué de Nantes. L'on appelait alloué, surtout en Bretagne, le lieutenant-général du sénéchal d'un siège royal. Ce mot était emprunté au langage des artisans qui nommaient alloué le compagnon engagé pour un certain temps, par opposition avec celui travaillant à la journée. Le village de l'Alloué était le siège de la petite seigneurie et juridiction du Chesne-Cottereau qui appartenait, à la fin du XVIIIe siècle, à la famille De Monti.

Plus loin, au lieu-dit la Désirée, on rencontre et on laisse à gauche l'embranchement de la route de la Chapelle-Heulin. Bientôt après, on côtoye, à droite, la muraille du parc du vaste château moderne du Hallay. Depuis 1700, le Hallay appartint à la famille Des Cazeaux14. Il a été reconstruit entièrement vers le milieu du XIXe siècle. Joachim des Cazeaux, seigneur du Hallay, fit avec succès le commerce des Indes et du Mexique, dans le commencement du XVIIe siècle, acquit une grande fortune et s'établit à Nantes, où il habita la maison dite des Tourelles, à l'entrée de la Fosse, précédemment à la riche famille espagnole des Buis. Les négociants de Nantes l'envoyèrent, en qualité de député, à Paris où il leur rendit de grands services. Il mourut à Paris, à la fin du XVIIe siècle. Le 18 avril 1714, un Joachim Des Cazeaux, peut-être fils du précédent, qualifié "écuyer, seigneur du Hallay", passait un

marché avec Georges Renaud, maître charpentier à Clisson, pour faire exécuter de grosses réparations au château et à divers bâtiments de cette ville, au nom de son fils, Pierre Des Cazeaux, à qui la terre et seigneurie de Clisson avait été, peu auparavant, afféagée par les d'Avaugour15.

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Alloué, de ad locatus, signifie lieutenant. Les alloués n'étaient pas spéciaux aux sièges royaux, et leur étaient bien antérieurs, en Bretagne.En mars 1793, les paysans royalistes soulevés firent une tranchée et un rempart de terre près de l'Alloué (Archives de Nantes, L 349 relation de Constantin, commissaire du district de Clisson). L'attaque de Nantes était projetée.

14 Outre le Hallay en Saint-Fiacre, il y a un autre Hallay, en la paroisse de Boufféré, non loin de

Montaigu en Bas-Poitou. Le Hallay en Boufféré a été possédé sans interruption, depuis 1560 jusqu'à 1747, par la famille Du Tréhant. Il passa alors aux Chabot, par le mariage (Contrat du 9 janvier 1747) de Charlotte-Augustine du Tréhant (fille de Claude-Augustin du Tréhant, S

gr du Hallay, et de Marie-Jeanne de

Gastinayre) avec Louis-Charles de Chabot, Sgr

de Thenies et des Bouchaux. Louis-Charles de Chabot décéda en 1775, et sa veuve fut décapitée à Angers, le 27 janvier 1794. Leur fils, Charles-Augustin de Chabot, à son retour de l'émigration, vendit le Hallay au C

te Guillaume-

Antoine de Rorthays (en Beaulieu-sous-la-Roche-sur-Yon), époux de Zoé-Marie-Augustine de Goyon. L'aînée des filles de ces derniers, Marie-Henriette-Zoé, épouse de Casimir-Gaston de Jousbert, baron de Landais, hérita du Hallay. Le fait que la famille Des Cazeaux possédait le Hallay en Saint-Fiacre en 1702, alors que le Hallay en Boufféré était à Claude-Philippe Du Tréhant (époux d'Anne-Madeleine du Chaffault), suffit pour faire distinguer nettement les deux seigneuries du Hallay.

15 La minute de ce marché fort curieux est conservée par M. Dagault, notaire à Clisson (voir. sur la

famille Des Cazeaux, anoblie en septembre 1702, le Lycée Armoricain, VIII, 1826, page 557; et "l’Armorial de Bretagne", par M. Guérin de la Grasserie.

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Après le parc du Hallay, on rencontre et on laisse encore sur la droite la route de la Haye-Fouacière, bourg situé à peu de distance. La Haye-Fouacière, que l'on peut visiter en passant, tire son nom de la fouace, gâteau assez lourd que l'on y fabrique, et qui, réduit à de petites proportions, porte à Nantes le nom de guillaré. Un peu avant d'arriver au bourg, on remarquait, il y a quelques années, le manoir de la Ferronnière, belle habitation de la fin du XVIIIe siècle, remplacée depuis peu par une élégante maison de style moderne16.

Sur la place du bourg, est une ancienne chapelle seigneuriale, rebâtie depuis la Révolution, mais renfermant une intéressante pierre tombale, portant, gravée en creux au milieu d'ornements divers, l'effigie de Guillaume de Rochefort, chevalier, et celle de dame Durable Gestin, sa femme1417, avec les dates 1415 et 1440. Cette pierre mérite d'être étudiée, comme, présentant un beau type de costume utilitaire d'homme, et de costume d'apparat de femme de cette époque. L'inscription gravée sur ses bords est ainsi conçue :

Ci gist Monssor Guillaume de Rochefort chevallier et dame Durable Destin sa fame et Jehans de Rochefort leur fils et trepassa le

chevalier le troisiesme jour de janvier lan mil CCCCXV et la dame trepassa le premier du moys davril lan mil CCCCXL. Priez a Dieu

que par sa grasse de leur pechieg; pardon leur fasse. Amen.

Rochefort ou Rochefort-sur-Sèvre, château situé tout près de là, sur le bord de la Sèvre, passa des Rochefort aux Montauban. Les seigneurs de Rochefort-sur-Sèvre semblent avoir été un rameau de l'illustre maison des sires de Rochefort, au pays vannetais. En effet. Guillaume de Rochefort-sur-Sèvre est représenté sur la pierre tombale de la Haye-Fouacière, avec une cotte d'armes vairée ; or, les sires de Rochefort portaient : vairé d'or et d'azur. L'un d'eux, établi près de la Haye, aura donné son nom un château possédé et peut-être bâti par lui.

L'église de la Haye-Fouacière est moderne ; mais dans le dossier de sa chaire a été encastré un joli bas-relief sur bois, du XVIe siècle, représentant Notre-Seigneur en croix, entre les deux larrons, scène à plusieurs personnages.

Après avoir coupé le chemin qui mène à droite à la Haye-Fouacière, et à gauche à Haute-Goulaine, le voyageur traversera le vieux et joli village de la Croix-Moriceau, remarquable par sa croix d'ancienne fondation, et par le terrible combat que les soldats de Canclaux, se repliant de Clisson sur Nantes après leur défaite de Torfou, eurent à y soutenir, le 22 septembre 1793, contre les divisions de Bonchamp, D'Elbée et Lyrot, qui les eussent complètement anéantis si, comme elles avaient lieu de l'espérer, le reste de l'armée royale était venu les seconder.

Puis, au sommet d'une côte, on rencontrera, sur la droite, l'avenue du manoir de la Mercredière, rebâti à la moderne, au commencement du XIXe siècle. A gauche de la route et

16

La Ferronnière appartint, au moins depuis le début du XVIIe siècle, à la famille Du Fouay. Maurice

Du Fouay, Sr de la Ferronnière, fut échevin de Nantes de 1607 à 1613. Antoine Du Fouay, S

r de

la Bastardière (en la Haye-Fouacière), fut conseiller au présidial de Nantes, et échevin de Nantes

de 1625 à 1628. Voir le "Livre Doré de l'Hôtel-de-Ville de Nantes", édit. La Nicollièrere-Teijeiro et

Perthuis. 17

Durable Gestin, fille de Jean Gestin, seigneur de la Senardière, en Gorges, était veuve de Thébaud du Chaffault lorsqu'elle épousa, en 1412, Guillaume de Rochefort ("Collection archéoleg. du canton de Vertou", par Ch. Marionneau, dans le Bulletin de la Soc. Archeolog. de Nantes, 1856. p. 349).

Pierre tombale de la chapelle de Rochefort, à la Haye-Fouacière

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dans la direction de l'Est, on apercevra le manoir de la Cassemichère, qui appartint anciennement à la famille Baye, puis, vers la fin du XVIe siècle, à la famille Pantin, et enfin la famille Giraud.

Près de la Cassemichère, se trouve le manoir de l'Hivernière, luxueusement rebâti vers 1860, et entouré de belles futaies, qui appartint d'abord aux Goheau, puis, après le milieu du XVIe siècle, aux De Compludo et aux Dastoudille, Espagnols établis à Nantes, et enfin passa par mariage aux De Bruc.

Continuant vers le Sud, on verra le gros village de la Cognardière, ancienne dépendance de Saint-Michel, trève de Monnières, supprimée en 1790 et unie à la paroisse du Pallet. La seigneurie de la Cognardière appartint, aux XVe et XVIe siècles, aux de La Lande puis passa aux De Compludo, et devint en 1644 membre de la vicomté de la Jannière, aux Barrin. Il ne reste plus rien aujourd'hui de l'ancien manoir de la Cognardière, mentionné dans une déclaration de 1557, que l'on trouvera dans nos Pièces Justificatives (article L'Hivernière).

Un peu après la croix de pierre, élevée à l'entrée du chemin de la Cognardière, s'ouvrent à droite la route qui conduit au bourg de Monnières, en traversant la Sèvre sur le pont dit de Monnières, et, quelques pas plus loin, à gauche, la route de la Chapelle-Heulin. L'on voit au loin s'étager sur le coteau qui domine la rive gauche de la Sèvre, les maisons du bourg de Monnières, et l'on se trouve au pied de vieilles murailles écroulées çà et là, longeant d'une part la route qui conduit au Pallet, et d'autre part celle de Monnières. C'est l'enclos du parc de la Galissonnière, qui ne conserve plus guère de son ancienne splendeur qu'un magnifique cèdre du Liban. Il renferme aujourd'hui des champs de labour et quelques taillis au-dessus desquels, dans un fond, à droite de la route du Pallet, surgissent aux yeux du voyageur les machicoulis et le chemin de ronde de la maîtresse tour du château de la Galissonnière. Ce château, appelé d'abord château de la Jannière, appartint, aux XIVe et XVe siècles, à la famille Goheau, puis à la famille Baye depuis 143418 jusqu'en 1608. Il fut alors acquis par Jacques Barrin, seigneur de la Galissonnière (en Saint-Jean-de-Béré, près Châteaubriant). Le fils de ce seigneur, aussi nommé Jacques, fit ériger la Jannière en vicomté, au mois de janvier 1644, après y avoir joint diverses terres et seigneuries. Il y réunit encore beaucoup d'autres fiefs importants, notamment la châtellenie du Pallet en 1652, et la seigneurie du Plessis-Guerry avec son annexe, la châtellenie du Pémion-et-Château-Thébaud, en 1659, et fit ériger le tout en marquisat, en 1658 et 1650, sous le nom de marquisat de la Galissonnière. Aussi, le château de la Jannière, centre de cette grande

18

Guillaume Goheau vendit la Jannière à Jean Baye, en 1434. En tout cas, Jean Baye tenait la Jannière au mois de décembre 1434, comme on le verra dans nos Pièces Justificatives Marquisat de la Galissonnière.

Bas-relief sur bois,

dans l’église de la Haye-Fouacière

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agglomération féodale, s'appela-t’il désormais château de la Galissonnière19.

Ce château, aujourd'hui en partie démoli et en partie transformé en bâtiments de ferme, était, avant 1793, une vaste enceinte rectangulaire, entourée de douves larges et profondes, et avec une tour à chaque angle : les deux tours qui flanquaient la façade d'entrée, regardant le Sud-Ouest, étaient de beaucoup les plus fortes. La grosse tour ronde qui s'élève encore à l'angle Ouest de l'entrée, avec galerie à machicoulis, constituait le donjon ou maitresse tour ; elle peut dater du XVe siècle, mais a subi divers remaniements au XVIIe, et c'est à cette dernière époque que remonte la jolie cage d'escalier, cylindrique, en pierre blanche, coiffée d'une petite coupole, qui conduit à l'étage supérieur. Cette tour contient une belle salle voûtée, dont la clef de voûte est ornée d'une plaque aux armes des Barrin, d'azur à trois papillons d'or. La tour ronde qui lui répond, à l'autre angle de la même façade, semble avoir été ruinée anciennement, et n’avoir jamais été restaurée ; car, sur un petit dessin à la plume, en tête d'un acte de 1730, elle n'offre guère, comme aujourd'hui, que la moitié ou les deux tiers de sa hauteur normale, et paraît couverte d'un toit provisoire.

Château de la Galissonnière en 1730

On entrait dans la cour intérieure par un porche couvert, auquel donnait accès un pont de pierre jeté sur le fossé, le tout sans doute du XVIIe siècle et remplaçant d'anciennes fortifications. Ce porche a été démoli depuis quelques années seulement.

Le dessin à la plume, de 1730, dont nous venons de parler, nous montre que le logis principal faisait face à l'entrée, au fond de la cour rectangulaire. Ce logis avait deux étages ; son rez-de-chaussée était orné d'un portique ou vert, composé d'arceaux cintrés ; au-dessus du toit s'élevait un petit beffroi ; une petite tour garnissait chacun de ses deux angles extérieurs, et le toit pointu de ces deux tours, flanquant la façade sur le jardin, est visible sur le dessin en question. Il ne reste plus rien aujourd'hui de ce logis principal, dans lequel les marquis de la Galissonnière avaient accumulé un riche mobilier ; on y admirait notamment une superbe tapisserie de cuir gaufré et doré20.

Les deux corps de logis latéraux, rejoignant ce corps du fond et touchant aux deux

19

C'est au château de la Jannière que fut soigné le seigneur de la Courbejollière (en Saint-Lumine), du nom de Perrin, blessé sous les yeux du roi de Navarre, entre Monnières et Vallet, pendant les guerres de la Ligue. Voir une gravure sur acier de ce château en ruines dans le "Guide pittoresque du voyageur en France", Paris, Firmin-Didot, 1837, 6 vol. in-8 ; 1

re route de Paris à

Nantes, 6e livraison: — et une belle lithographie dans le Lycée Armoricain, XI, 1828, page 116 ;

— "Grandes Seigneuries de Haute .Bretagne", par M. le chanoine Guillotin de Corson, 1898-99, tome III : "la Galissonnière, marquisat", (Société Archéologique de Nantes, 1895).

20 La vente des meubles du château de la Galissonnière, confisqués comme biens d'émigrés, fut faite

du 23 février au 9 mars 1793, veille du grand soulèvement de toute la contrée, par Constantin, commissaire du district de Clisson. Elle produisit 12 000 livres, somme très considérable, eu égard aux circonstances (Archives de Nantes, L 349: relation de Constantin).

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grosses tours d'entrée, ont été transformés en bâtiments de ferme ; on y a trouvé de grandes plaques de cheminée, aux armes des Barrin.

Nous savons qu'il y avait dans ce château une chapelle, sous le vocable de Sainte-Foi-et-Sainte-Marguerite ; mais nous ne pouvons indiquer avec certitude son emplacement, situé sans doute dans un des bâtiments latéraux. La chapellenie en avait été fondée en 1656, par Jacques Barrin, vicomte de la Jannière, et se desservit d'abord à la chapelle du château, puis à l'autel Sainte-Marguerite de l'église paroissiale de Monnières.

Si l'on en croit une note ajoutée à "l'Histoire de

la Ville et du Comté de Nantes" de l'abbé Travers,

par M. Savagner, son éditeur (1836-1841, 3 vol. in-4", tome 1er, page 491), la cour du château était ornée de deux canons, donnés par Louis XV, après 1756, aux héritiers de Roland-Michel Barrin, marquis de la Galissonnière, en récompense de la

grande bataille navale, gagnée par cet officier général sur la flotte anglaise, en vue du port de Mahon, et dont la conquête de l’île de Minorque fut l'heureuse suite.

Le château de la Galissonnière a été incendié au cours de la guerre qui ravagea la contrée, en 1793. Le 22 septembre 1793, après la bataille de Torfou, Canclaux se retirant de Clisson sur Nantes, fut attaqué près de ce château, par les divisions de Bonchamp et de d'Elbée, soutenues par le corps de Lyrot qui campait à la Croix-Moriceau21.

Devant la façade d'entrée, s'étend une belle esplanade, soutenue par un petit mur et dite la demi-lune, à cause de sa forme. Elle domine le parc qui couvrait la pente du coteau, jusqu'à la prairie du bord de la Sèvre, et qui n’est plus qu'un terrain rocailleux où poussent de maigres buissons ; cette partie du parc était appelée la Garenne. L'autre partie, située au-dessus du château, vers la route du Pallet, et transformée en taillis et terres de labour, renfermait probablement les jardins d'agrément et les potagers.

Le parc de la Galissonnière était en réputation vers le milieu du XVIIIe siècle. Roland-Michel Barrin, marquis de la Galissonnière, lieutenante-général des armées navales, passionné pour l'histoire naturelle et la botanique en particulier, et membre correspondant de l'Académie des Sciences, y avait apporté de ses lointains voyages et surtout du Canada dont il avait été gouverneur en 1747, un grand nombre d'arbres peu connus de son temps : magnolias, tulipiers, sassafras, pins et chênes de plusieurs sortes, etc. Aussi son parc était-il devenu une des curiosités du comté Nantais : on y remarquait un des premiers magnolias plantés en France. Plusieurs de ces arbres qui s'étaient parfaitement acclimatés dans notre pays et qui avaient échappé aux dévastations de 1793, subsistèrent à la Galissonnière jusqu'en 1848. Cette année même, un groupe d'amateurs d'horticulture, venus de Nantes en promenade, y constata l'existence de nombreux arbres rares ; mais pressés par l'heure, les botanistes durent remettre à un autre jour le plaisir de les étudier et de les identifier. Lorsqu'ils revinrent quelque temps après, tous ces arbres venaient d'être abattus et gisaient à terre, déjà préparés pour le charpentier ou le marchand de bois à brûler ! Ils racontèrent leur déconvenue dans le bulletin de la Société d'Horticulture de Nantes22. Toutefois, le beau cèdre du Liban, qui étend encore ses rameaux dans le haut du parc et près de la route du Pallet, nous semble un dernier survivant des précieux végétaux exotiques, réunis jadis en ce

21

Voir plus haut, "Histoire de la Vendée militaire", par Crétineau-Joly, édit. in-8 en 5 vol., I, pages 277, 280.

22 Voir le Bulletin de la Société Nantaise d'horticulture, travaux de 1818; Nantes, Camille 1819, pages

131-146, "Notice sur le magnolia de la Maillardière, 1731, et sur la culture du magnolia à

Nantes", par A. D. On y lit qu'un magnolia d'une espèce particulière fut planté à la Galissonnière,

entre 1741 et 1749.

Tour de la Galissonnière

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lieu.

Reprenons la route du Pallet où nous l'avons laissée, c'est-à-dire à l'angle des vieilles murailles du parc de la Galissonnière. Un peu avant de rencontrer, sur la droite, le chemin qui mène à la Sèvre, en passant par le village du Pé-de-Vignard23, nous trouvons, du même côté de la route, des champs plantés en vigne, et dits les Pierres-Levées, marque très probable qu'il a existé là un monument mégalithique, depuis longtemps disparu.

Quelques pas plus loin, l'on trouve une croix de bois, plantée depuis une trentaine d'années, en souvenir d'une mission, et l'on aperçoit, sur la gauche, au milieu d'une vigne, le vieux bâtiment de l'Hermitage, siège d'un ancien prieuré qui appartenait aux dames Carmélites des Coëts, près de Nantes.

L'on traverse alors le gros village de Saint-Michel, jadis trève de Monnières, avec vicaire résidant, mais réunie depuis 1790 à la paroisse du Pallet. La chapelle Saint-Michel, incendiée pendant la guerre de 1793, a été restaurée au commencement du XIXe siècle, et considérablement agrandie en 1811. Le Bulletin de la Société Archéologique de Nantes,

tome 1er, page 38, rendant compte de la séance du 19 novembre 1815, porte "On a démoli la

chapelle Saint-Michel, paroisse du Pallet, et on en a retiré une statue de la Sainte-Trinité, du XVIe siècle, sans intérêt".

Dans cette chapelle qui n'offre rien de remarquable, le clergé du Pallet, il y a une cinquantaine d'années, célébrait une Messe chaque dimanche. Depuis lors, on n'y célèbre plus que des Messes de mariage et d'enterrement, pour les habitants du territoire de cette ancienne trève, qui sont encore fort attachés à leur chapelle, et ont énergiquement protesté lorsque, vers 1850, il a été question de la fermer. D'ailleurs, le cimetière dans lequel ils font toujours inhumer leurs défunts, et qui touche à cette chapelle, y rend nécessaire la continuation du culte. A la fin du XVIIIe siècle, la "trève de Saint-Michel, près la ville du Palet" avait pour vicaire desservant l'un des deux vicaires de Monnières ; dans l'église, entourée du cimetière, on célébrait, sauf les quatre grandes fêtes de l'année, le service paroissial, des mariages et des enterrements. Les dames des Coëts en étaient les fondatrices24.

Un demi-quart de lieue environ au-delà de Saint-Michel, le voyageur, après avoir traversé un hameau de deux ou trois maisons, dit le Ruisseau, entre dans le bourg du Pallet. L'orthographe actuelle de ce nom est moderne ; car sur les anciens aveux jusqu'au XVIIe siècle, on lit toujours Pallez, Palez, quelquefois Paletz ; depuis le XVIIIe siècle, Palet. La forme Pallet est seulement du XIXe siècle.

Le groupe de maisons qui se présente tout d'abord, jusqu'à la place de l'église paroissiale, s'appelle le Petit-Pallet ; c'est un village à part, réuni depuis 1856 au bourg du Pallet, mais qui, jusqu'alors en était nettement séparé. Il appartenait même, avant 1790, à la trève de Saint-Michel, et dépendait ainsi de la paroisse de Monnières.

Ogée, dans son "Dictionnaire de Bretagne", trop souvent cité, nous dit que le Pallet était

23

Le mot pé entre dans le nom de plusieurs villages du Poitou et du comté Nantais. Dans la paroisse du Pallet, on trouve le Pé-de-Vignard, le Pé-de-Saivre ; dans celle de Saint-Viau, près de Paimbœuf, le manoir du Pé-au-Midi ; en Poitou, le Pé, etc. On écrit quelquefois à tort : pay ; mais la forme pé est constante dans les anciens textes. Ce mot qui désigne toujours une hauteur, un sommet, un coteau, semble appartenir au dialecte poitevin, et provenir du latin podium. Nous lisons, en effet, dans le Glossaire de Du Cange, que podium a donné pec, dans I'lle-de-France et le Vexin ; pou, peu, dans la Normandie ; poy, puy, puey, puyeo, puech, dans les provinces du centre et du midi. Dans un aveu de la Mercredière (en la Haie-Fouacière), de 1397, le village du Pé-de-Saivre est appelé, par exception, le Pui-de-Saivre. Nous devons ajouter, pour être complet, que le mot latin palus, pieu, a donné dans certains dialectes : peh peu, p.i Ces formes nous sont fournies par des textes antérieurs au XIVe siècle. Voir le "Dict. de l’anc. langue franç.", par M. Godefroi, et le "Dict de la langue franç. ", par Littré, au mot pieu

24 Voir "l'Etat du diocèse de Nantes en 1790", par M. l'abbé Grégoire ; Nantes. V. Forest et E.

Grimaud, 1882, 1 vol. in-8 de 272 pages, plus 88 pages et 1 carte pour le "Monasticon Nantais" (Extrait du Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, 1881).

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jadis une petite ville murée. Il cite une pièce des archives, aujourd'hui détruites, du marquisat de Fromenteau (en Vallet) dont la châtellenie du Pallet faisait partie au XVIIIe siècle, et d'après laquelle la ville et le château du Pallet auraient été saccagés et ruinés en 1420, par l'armée des seigneurs Bretons, se dirigeant sur Châteauceaux. Le but de cette expédition était de rendre à la liberté le duc Jean traitreusement surpris par les Penthièvre, près du Loroux, et traîné de prison en prison, avec d'indignes traitements. Cette assertion d'Ogée a été souvent répétée : nous ne pouvons en contrôler l'exactitude ; mais nous avouons qu'elle n'offre rien d'invraisemblable. Les archives de la Chambre des Comptes de Bretagne nous fournissent, en effet, un aveu de la châtellenie du Pallet, de 1533, où nous lisons "…le

chasteau et emplacement d'icelui lieu du Paletz, qui aultrefois fut abattu par le temps des

guerres qui ont esté audit pais et duché de Bretagne…"

Le Pallet, dans le haut moyen-âge, était un lieu d'une grande importance, par sa situation à l'entrée de la Bretagne, et la garde dut en être confiée par les ducs, aux Xe et XIe siècles, à des seigneurs d’une fidélité et d'une valeur éprouvées. Outre son château, cette petite ville, si l'on en croit d'anciennes traditions dont le "Dictionnaire" d'Ogée se fait l'écho, comprenait

un hôpital, des halles et un monastère de religieux, sans doute le prieuré bénédictin de Saint-Etienne dont nous parlerons plus loin. Et, en effet, des aveux du Pallet, de 1468 et 1551, mentionnent la "halle du Paletz", très probablement le même bâtiment appelé "la

cohue du Palet" dans un aveu de 1743. Quant à l'hôpital, c'était la maladrerie des chevaliers

de Saint-Jean, logis près de la chapelle Saint-Jean dont nous parlerons aussi plus loin, nommé la Maladrie25.

Le Pallet vint à tomber dans une telle décadence, peut-être â partir de 1420 ou depuis quelque évènement sinistre peu connu, que l'on disait par dérision, au XVIIIe siècle : la treizaine du Pallet, comme si le bourg n'eût plus compté que treize maisons. Il ne se

25

Voir "l'Assistance publique dans le Comté Nantais avant 1789", par M. Léon Maitre, Nantes, 1880, p. 159 ; — "les Templiers et les Hospitaliers en Bretagne", par M. le chanoine Guillotin de Corson (Nantes, Durance, 1902, 1 vol. in-8°), p. 183.

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composait plus alors, en effet, que d'un petit groupe de masures, au pied de l'ancien château, lui-même situé sur le coteau dominant la rivière de Saint-Guaise, dite aujourd'hui la Sanguèze.

Pour désigner ce cours d'eau, affluent de le Sèvre, les anciens aveux présentent constamment les formes Saint-Guaise et Saint-Guèzé : les gens du pays disent toujours Sainguèze. Quant à la forme Sanguèze qui a prévalu, nous l'avons rencontrée dans un aveu

de 174326.

La "ville et paroisse" du Pallet n'était formée que de ce misérable bourg : la paroisse de

Monnières l'enserrait de toutes parts, et ne lui laissait qu'un territoire fort restreint27. Cet ancien état de choses semble bien indiquer que le Pallet a été, dans le moyen-âge, une ville, c'est-à-dire une agglomération entourée de murs, n'ayant pour circonscription paroissiale que celle comprise dans son enceinte. Nous trouvons d'ailleurs, en Bretagne, plusieurs autres petites villes, anciennement murées et ne formant aussi que de très petites paroisses pour ne pas sortir de notre région, nous citerons seulement Paimbœuf, Châteaubriant, la Roche-Bernard, Rochefort et Clisson28. Les habitants du Pallet gardent précieusement la tradition de l'antique puissance de leur bourg, qu'ils ne manquent jamais d'appeler, avec un certaine emphase la ville du Pallet. L'expression d'ailleurs est ancienne et se trouve dans tous les aveux de cette châtellenie, au moins depuis celui de 1533 ; et un aveu d'avril 1648, rendu à Jacques Barrin, vicomte de la Jannière, est passé devant les notaires du marquisat de Goulaine, "en la ville du Palletz".

On lit dans le "Dictionnaire" d'Ogée qu'en 1066, Americus, abbé de Vertou, obtint du duc

Conan II que les terres de la seigneurie du Pallet qui venaient d'être plantées en vigne, payassent la dîme du vin à son monastère, comme elles lui payaient déjà celle du grain. Ogée doit toujours être contrôlé. Or, cette charte de Conan II à l'abbé de Vertou, qui se trouve à l'état de copie dans la collection des Blancs-Manteaux29 (cod. 41, pag. 959), a été citée par l'abbé Tresvaux, dans son "Eglise de Bretagne" (Paris, 1839), et par M. Hauréau,

au tome XIV du "Gallia Christiania" » (colonne 845) ; mais ni D. Lobineau, ni D. Morice, ni

l'abbé Travers n'en disent rien30.

26

Saint Vaise ou Saint Guaise décéda à Saintes vers l'an 500 ; on le fête le 16 avril. Comme il est assez étrange de voir un cours d'eau porter un nom de saint, il est possible que la forme Saint-Guaise, Saint-Guèze, ne soit que la corruption populaire d'un nom plus ancien et aujourd'hui inconnu.

27 "La ville si paroisse du Pallet, environnée de toutes parts de la paroisse de Monnières" lisons-nous

dans l’aveu de Marc-Achille Barrin, seigneur du Pallet, 1743, aux Archives de Nantes. 28

Voir le registre de la réformation des feux des neuf évêchés de Bretagne, 1426-1429, aux Archives de Nantes, série B, folio V recto : "Palez ou avoit X feux. Ilz ont voulu demourer a celui numbre. Elle a dempuix esté enquise par Jehan Couppegorge et Guillaume Chaussé, et selon leur rapport y a I sergent, III pouvres et XVII contribuans, ramenez par provision plaines a deux ans prouchains avenir a VI feux. Expédié le X

e jour de mars lan mil IIIIcXXVIII (1429 nouveau style).

En marge : Provisions à deux ans". 29

Bibliothèque de la rue Richelieu, à Paris : département des manuscrits. 30

Le texte de cette charte, provenant des Titres de Saint-Martin de Vertou et copié par les Bénédictins, au XVII

e siècle, fait partie de la collection dite des Blancs-Manteaux, tome 41, page

959. M. de la Borderie l'attribue au duc Conan III, 1112-1148, et l'a publié dans son « Recueil d'actes inédits des ducs et princes de Bretagne, XI

e XII

e et XIII

e siècles » (Rennes, Catel, 1888,

page 85, n°XLI) : "Jugement de la cour du duc Conan III, pour le maintien des droits du

monastère de Saint-Martin de Vertou". Il en résulte que la "castellania Palatii" dut payer à Saint-

Martin de Vertou la dîme de ses vignes nouvellement plantées, comme elle lui payait déjà la

dîme des autres récoltes, "antequam vinea in eadem terra fierent. Vineis autem in eadem terra

factis". Dans le territoire sur lequel s'étendait la châtellenie du Pallet, c'est-à-dire sur les

paroisses du Pallet, Monnières, Vallet et Mouzillon, la culture de la vigne n'est donc pas antérieure au début du XIIe siècle. Ailleurs en Bretagne, à la même époque, il y avait déjà des vignes, et dans des endroits où l'on n'en trouve plus depuis longtemps aujourd'hui. L'abbé de Vertou, mentionné dans cette charte, s'appelait Aimericus Augerius.

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L'abbé Travers, dans son "Histoire de Nantes" (I, pp. 244-245), fait allusion à des lettres

du roi Louis VI le Gros à l'évêque de Nantes, Brice, confirmant, en 1123, l'église de Nantes dans ses possessions, parmi lesquelles le Pallet est mentionné.

Il estime que ces lettres de Louis VI sont fausses et apocryphes, parce que ce prince n'avait aucun droit sur les églises de Bretagne, pays dont le souverain était alors le duc Conan Ill. Cependant, elles sont authentiques31, l'évêque de Nantes ayant maladroitement fourni au roi de France un prétexte, saisi avec empressement, de s'immiscer indûment dans les affaires de Bretagne32.

L'abbé de Saint-Jouin-de-Marnes (dans le Mirebalais, en Poitou), présentait la cure du Pallet et le prieuré de Saint-Etienne, mais les remit, en 1774, à l'évêque diocésain.

Dans un pouillé manuscrit de 167733, la paroisse est dite : "Saint-Vincent-les-Paletz",

c'est-à-dire, à côté du Pallet, comme pour signifier que l'église, sous le vocable de Saint Vincent, était à côté de l'ancienne petite ville ; et, en effet, cette église était placée dans le vieux château, sur la limite du bourg. M. Léon Maitre, dans sa "Géographie historique du

comté Nantais" (tome II, page XLVI), nous dit que cette paroisse parait avoir d'abord compris

tout le territoire de celle de Vallet, et que le prieuré de Saint-Etienne, sur la route de Vallet, en fut sans doute la première église ; car le vocable de Saint Etienne remonte aux origines, et celui de Saint Vincent indique en général l'époque mérovingienne.

A la fin du XVIIIe siècle34, la population du Pallet n'était que de 194 communiants ; le revenu de la cure se montait à 350 livres, plus les dîmes, consistant en 3 barriques de vin et 24 boisseaux de grain. Le recteur titulaire était, depuis 1789, un certain Jules Le Prestre qui prêta le serment schismatique. Il y avait un chapelain, Guillaume Thomas, ancien recteur du lieu. On y trouvait deux chapelles celle de Sainte-Anne, appuyée contre l'église, et celle de Saint-Jean dont le chapelain confessait ; enfin, une chapelle prieurale, Saint-Etienne, "dans

la ville" ; et, en outre, plusieurs chapellenies. L'église était réputée "bizarre et très antique" ; le chœur et une chapelle, sans doute celle de Sainte-Anne, passaient pour remonter "au XIe

ou XIIe siècle" ; la nef était d'époque postérieure. Le cimetière était près de l'église, sur les

ruines du château.

En 1790, le Pallet fut considérablement agrandi, en tant que paroisse, par l'adjonction de tout le territoire de Saint-Michel, trève de Monnières ; mais jusque vers 1850, le bourg ne prit pas beaucoup d'extension. Il était toujours réduit à un groupe de maisons, près de la rivière de Saint-Guaise, et séparé par plusieurs champs, du village du Petit-Pallet.

La vieille église paroissiale était située tout à l'extrémité du bourg, et la chapelle romane, dite de Sainte-Anne, certainement ancienne chapelle du château, y était jointe, à l'Est, et lui servait de dépendance. Elle avait été, comme presque toutes les églises du pays, incendiée en 1793 et restaurée ensuite tant bien que mal. En 1852, elle menaçait ruine et fut démolie, sauf la chapelle romane de Sainte-Anne qui subsiste toujours ; et, au lieu de la reconstruire au même endroit, on décida de placer le nouvel édifice dans un champ, entre le bourg du Pallet et le village du Petit-Pallet qui se trouvèrent bientôt unis. En effet, les alentours d'une église de paroisse ont, à la campagne, une grande importance commerciale, grâce à l'affluence des fidèles se rendant aux offices, et ne manquent jamais d'étre rapidement garnis de bâtiments, auberges et boutiques.

C'est ainsi que le Pallet est devenu, depuis 1852, un assez gros bourg. Il est constitué par la route de Nantes à Clisson, bordée de maisons depuis le Petit-Pallet jusqu'un peu au-dessus du passage de la rivière de Saint-Guaise. L'ancien bourg, débris de la ville du

31

L'on en trouvera le texte dans D. Lobineau, "Hist. de Bret.", II, col. 277-278 ; et dans D. Morice,

"Hist. de Bret.", Preuves, I, col. 547-548. 32

D. Lobineau, I, p. 129. 33

Ce pouillé ou liste générale des bénéfices, du diocèse de Nantes, rédigé sous l'épiscopat de Mgr

Gilles de Beauvau, a fait partie de la bibliothèque de M. Armand Guéraud, l'éditeur de la Revue des provinces de l’Ouest.

34 "Etat du diocèse en 1790".

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moyen-âge et amas de quelques vieilles maisons, se trouve placé vers l'extrémité Sud-Est du nouveau, sur la gauche, et non loin de la même rivière ; il commence à l'embranchement du chemin de Vallet.

A la sortie du Pallet, on remarque, à gauche, la vieille chapelle romane de Sainte-Anne ; c'est certainement, comme nous l'avons dit, l'ancienne chapelle du château, et aussi un reste de l'ancienne église du Pallet, rebâtie depuis au même endroit, dans le cours du moyen-âge, et au chevet de laquelle la chapelle était jointe. La situation de l'ancienne église du Pallet, à l'écart du bourg et tout près des ruines du donjon, porte bien à croire, en effet, qu'elle fut, à l'origine, une dépendance du château. C'est cette église qui, démolie en 1852, a été reconstruite ailleurs.

Vue de la chapelle Sainte-Anne, au Pallet

La chapelle Sainte-Anne, orientée au N.-E., se compose d'une petite travée et d'une abside voûtée en cul-de-four. Elle est éclairée par une étroite fenêtre, amortie en plein cintre et fortement ébrasée. Contre les murs de son abside sont appliqués deux contreforts, en forme de bandeaux plats, terminés par le haut en talus. Elle peut être attribuée au XIIe siècle ; mais il n'y reste aucune moulure ni sculpture qui nous permette d'en préciser la date. Deux gros contreforts triangulaires soutiennent encore l'abside ils sont modernes. Cette chapelle mesure, hors œuvre et dans son ensemble, 8 m 80 de Iong. Près de la porte d'entrée, le pavage intérieur est formé par une pierre tombale d'un chapelain de Saint-Jean-des-Goheaux (dont nous allons parler plus bas), avec la date 168. ; mais dont la légende, usée par le frottement des pieds, ne peut plus guère se lire. La chapelle Sainte-Anne nous paraît, en somme, avoir été l'abside d'une chapelle romane, dépendance du château, transformée ensuite et remplacée par l'église qui a disparu de ce lieu en 1852.

Cette dernière se composait d'une nef et d'un bas-côté, séparés par un mur percé de quatre baies en arc brisé. Il paraît que l'ensemble de la nef était de style roman, et que tout l'édifice présentait des traces de reprises et de changements postérieurs. La chapelle Sainte-Anne faisait saillie sur le chevet plat, au bout du bas-côté. La nef mesurait, dans œuvre, 21 mètres de longueur, du portail au grand autel ; nef et bas-côté avaient 14 mètres de largeur.

A quelques pas derrière la chapelle Sainte-Anne, se voient les murs du donjon du Pallet, carré légèrement irrégulier assez bien conservé, mais sur une faible partie de son élévation. La hauteur actuelle de ses murs atteint 6,20 m sur le côté Ouest, partie la mieux conservée, regardant un petit jardin ; 2, 75 m seulement vers la place de l'ancienne église. Il mesure, hors œuvre, 17 et 18 mètres de longueur sur chaque face ; dans œuvre, 12, 40 m de l'Est à l'Ouest, et 13,20 m du Nord au Sud. Les murs ont, à hauteur d'homme, 3 mètres environ d'épaisseur, avec léger renforcement aux angles, au moins aux angles qui regardent la route. Leur parement est fort soigné et fait de pierres de schiste de

Plan de l’ancienne église du Pallet

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petit modèle ; ils sont composés intérieurement d'un blocage noyé dans un mortier d'une dureté extraordinaire. Il n'y a pas de traces de contreforts les petites dimensions de l'édifice ne les rendaient pas nécessaires.

Ce donjon, dont l'angle S.-E. n'est éloigné que de 5,80 m de la chapelle Sainte-Anne, peut fort bien avoir été élevé par Daniel, seigneur du Pallet vers 1080 : il a l'apparence d'une construction du XIe siècle, autant que l’on peut se prononcer aujourd'hui. Son enceinte a servi de cimetière avant 1789 et jusqu'aux environs de 1840, à en juger par la date de plusieurs des sépultures qui s'y trouvent abandonnées au milieu de buissons épais. Quant au cimetière actuel du Pallet, il occupe le penchant du coteau, au-dessous de la chapelle Sainte-Anne qui fait partie de son enclos.

Les restes du donjon se trouvent à mi-côte d'une butte assez élevée, naturelle en grande partie, dont l'autre pente, abrupte et couverte de vignes et de taillis, domine la rivière de Saint-Guaise, coupée, en cet endroit, par la chaussée d'un vieux moulin. Sur cette butte, au sommet de laquelle a été planté un beau calvaire de bois, dans le milieu du XIXe siècle, devaient se trouver les divers bâtiments composant le château du Pallet. Il n'en reste plus rien aujourd'hui, et ils ont dû être ruinés très anciennement, peut-être en 1420 ; seule, la base du donjon a subsisté, grâce au mortier indestructible de ses murailles. Dans l'un des gradins inférieurs du socle du calvaire, on a encastré une pierre tombale provenant sans doute de l'ancienne église, et sur laquelle on lit, au-dessous d'une petite croix, l'inscription suivante, gravée en lettres capitales :

Cy gist le corps de Missire Jan Rouz, prestre chapelain de Saint Jan,

décédé au Palet le 7 de mai 1733. Priés Dieu pour le r. de son ame.

Chacun des mots est séparé par un losange. Nous allons parler de la chapelle que desservait ce prêtre.

L'emplacement du château, c'est-à-dire la butte, les restes du donjon et l'esplanade qui devant, a toujours continué d'être le centre et le siège de la châtellenie du Pallet et le domaine propre des seigneurs du lieu, ainsi qu'il est formellement marqué dans tous les aveux de cette châtellenie qui nous ont été conservés.

Après avoir examiné la chapelle romane, dite de Sainte-Anne, et les ruines du donjon du Pallet ; après avoir gravi la butte du calvaire, d'où la vue s'étend de tous côtés sur un pays couvert de bocages et de vignes, et traversé par les sinuosités de la Sèvre et de la rivière de Saint-Guaise; le voyageur devra entrer dans le vieux bourg du Pallet, par un petit chemin s'ouvrant au Nord de l'esplanade du château et à l'angle du donjon. Il y remarquera de pittoresques maisons dont plusieurs ombragées de vieux figuiers, et rencontrera bientôt un autre chemin descendant à la Saint-Guaise et contournant la butte du calvaire. Au côté gauche de ce chemin, se trouve la chapelle Saint-Jean, ou Saint-Jean-des-Goheaux, du nom d'une famille de la chevalerie nantaise, qui y possédait un enfeu au XIVe siècle.

Dans l’Etat du diocèse de Nantes en 1790, par M. l'abbé

Grégoire, nous lisons que cette chapelle était réputée "de style

ogival du XIVe siècle" ; le chœur s'appelait Notre-Dame-des-

Goheaux ; la nef était sous le vocable de Saint-Jean. Il y avait deux autels dans cette nef : Saint-Jean et Sainte-Catherine.

D'abord bénéfice de l’ordre du Temple, puis de Saint-Jean de Jérusalem, la chapelle Saint-Jean comprend deux corps de bâtiment. Le plus ancien est un rectangle à chevet plat (le "chœur"), qui parait non du XIVe siècle, mais de la fin du XVe,

couvert d'une belle charpente naviculaire en carène renversée, de la fin du XVIe siècle, supportant un toit d'ardoises. Le maître-autel s'appuie contre le chevet, et dans la muraille voisine, à droite, se remarque une crédence en arc brisé, de la fin du XVe siècle. Au-

Bénitier de la chapelle Saint-Jean, au Pallet

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dessus de l'autel, s'ouvre une large et haute fenêtre en arc brisé, mais dont la moulure a été refaite de nos jours. Dans l'épaisseur du mur latéral de gauche, a été pratiqué un enfeu, surmonté d'un arceau : ce genre d'enfeu est appelé lape ou labe, en Basse-Bretagne, surtout dans la région de Saint-Brieuc et de Tréguer.

Sur la façade de ce bâtiment dont l'entrée est formée par une large et haute baie en arc brisé, a été appuyé un avant-corps sans style, couvert en tuiles, reconstruit tout au moins à

une époque peu ancienne ; c'est la "nef" de l'Etat du diocèse en 1790. Contre chacun des

murs latéraux de l'avant-corps est placé un autel (les autels Saint-Jean et Sainte-Catherine), au-dessous d'une petite fenêtre cintrée. Un petit campanile carré, dépouillé aujourd'hui de sa cloche, s'élève au-dessus de la porte d'entrée, et couronne le pignon de la façade. Le bénitier, en forme de coupe arrondie, munie d'anses, encastré dans la muraille, à droite de la porte, a été reconnu par M. Léon Maître, archiviste de Nantes, pour un ancien vase de pierre, probablement gallo-romain et qui a pu servir de mesure.

La chapelle Saint-Jean renferme trois pierres tombales de Templiers, en granit. La première et la plus intéressante présente une gravure en creux, reproduisant l’abacus, bâton garni d'un piédouche et surmonté d'une croix ancrée, inscrite dans un cercle, insigne de l'ordre du Temple ; et, à côté, un petit bouclier triangulaire et une épée, la pointe en bas, du modèle du XIIIe siècle. La seconde offre une croix ancrée, sans cercle, sur un support à piédouche massif et rectangulaire, et, à côté, une épée du même style, également la pointe en bas. La troisième porte aussi la croix ancrée dans un cercle et sur un long support ; mais elle a servi à couvrir la sépulture d'un chapelain, probablement du XIIIe siècle, Missire Jan Claterau, chaplain d'icy, d'après l'inscription sans date, qui y a été sculptée en relief, à l'endroit où se trouvait l'épée du chevalier du Temple.

Pierres tombales de la chapelle Saint-Jean, au Pallet

De plus, la table d'un des deux autels latéraux de l'avant-corps, est faite d'une pierre tombale de Templier, dont l’abacus est très reconnaissable.

L'objet le plus précieux de cette chapelle et qui mérite surtout l'attention du voyageur, est une superbe pierre tombale du XIVe siècle, monument d'un grand intérêt pour l'étude du costume, à cette époque. C'est une grande dalle de pierre calcaire, assez tendre, sur laquelle on a gravé en creux deux effigies : d'abord celle d'un chevalier nommé Guillaume Guoheau qui, comme nous l'avons dit plus haut, devait être un seigneur de la Jannière, en Monnières. Guillaume Guoheau ou Goheau est représenté couvert de son haubert de mailles, avec pièces de fer aux avant-bras et aux coudes seulement ; les jambes et les pieds

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dans de simples chausses de mailles. Par-dessus le haubert, il est revêtu d'une cotte sans manches descendant jusqu'aux genoux, la cotte d'armes, brodée à ses armes. Il est tête

nue, les mains jointes, un petit chien à ses pieds, à son côté une épée longue et étroite. Son ceinturon est placé au-dessous des hanches ; ses éperons sont pointus, sans molettes. Près de lui, sa femme, en costume de cérémonie. Aux deux coins supérieurs de la tombe, deux anges, au milieu des ornements gothiques de l'encadrement, agitent des encensoirs.

Deux petits écus triangulaires armoriés accompagnent les effigies, savoir : pour le chevalier, une fasce accompagnée de trois trèfles, deux en haut et un en bas ; et pour sa femme, une bande bordée. L'écu de cette dernière qui, sur l'inscription, est simplement nommée Isabeau, n'a pas été identifié ; on a dit qu'il appartenait aux Quatrebarbe, maison

d'Anjou bien connue ; mais nous n'en sommes nullement assuré, surtout ne connaissant pas les émaux de ces deux écussons.

L'inscription gravée, en grande capitale gothique, sur les bords de la pierre, avec les dates 1310 et 1336, est ainsi conçue :

Ci giest Guillaume Guoheau feu qui trepassa le mercredi en p[uy]s la mekareme lan mil treys cens et dy …………………………. ux et Hisabea sa fame qui trepassa lan mil tray cens et trente et se.

Priez pour lerme deux. Pater noster. Ave Maria.

Nous ferons remarquer, dans ce texte, la forme giest pour gist, la forme poitevine Hisabea pour Hisabeau ; et lerme, au lieu de la forme plus usitée l'arme (de anima, âme). Nous voyons aussi que les Goheau, comme beaucoup d'autres maisons, ont changé d'armes : au XIVe siècle, ils portent une fasce et trois trèfles ; et au XVIe, de gueules aux trois casques de profil d'argent (Réformation de la noblesse ; arrêt de 1670).

L'on pourra consulter sur les Goheau la

"Bio-Bibliographie bretonne" de M. de Kerviler.

Cette maison a possédé non seulement l'importante seigneurie de la Jannière jusqu'en 1434, mais aussi, vers la même époque, les seigneuries de la Sebinière, près du Pallet, de l’Hivernière (jusqu'au XVe siècle), de la Maillardière, en Vertou, et d'autres domaines dans la région. Les "Lettres de Jean V" publiées par M. René Blanchard, sous les auspices de la Société des Bibliophiles Bretons, nous apprennent que, le 27 mai 1418, Thébaud Goheau reçut du duc la terre de Bois-Benoist, en Bouaye ; et que, le 15 avril 1419, Guillaume Goheau, écuyer, maître d'hôtel de la duchesse, fut gratifié par cette princesse d'une robe fourrée. Pierre Goheau, lisons-nous dans les Preuves de D. Morice (III,

colonne 120), fut l'un des gentilshommes commis à la garde du château de Clisson, en 1464, sous le commandement d'Eonnet Sauvage, seigneur du Plessis-Guerry. Dans un aveu du 29 avril 1648, rendu à Jacques Barrin, vicomte de la Jannière, à cause de sa seigneurie de la Lussonnière, en la Chapelle-Heulin, il est question du "Sr de la Brouardiere Pierre tombale de la chapelle Saint-Jean

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Gohueau35". Or, la Brouardière est un village sur le chemin de Saint- Michel à Vallet, non loin

du Pallet. De nos jours encore, une petite prairie, assez voisine du Pallet, se nomme le pré Goheau, et le chemin qui y conduit, descendant de Saint-Michel à la Sèvre, s'appelle le chemin des Goheaux.

Cette belle pierre, jadis couchée à terre, à l'entrée du bâtiment d'avant-corps, a été, vers 1870, relevée contre la muraille qui la touchait. On s'aperçut alors que le sol qu'elle couvrait avait été fouillé et, en tout cas, ne contenait plus de restes humains ni de débris d'aucune sorte. Si elle était alors dans sa place primitive, ce que nous ignorons, il faut en conclure que la chapelle est divisée en deux corps depuis une époque reculée et bien antérieure à la construction de la partie principale d'aujourd'hui, qui ne remonte qu'à la fin du XVe siècle. D'ailleurs, deux des pierres tombales de Templiers, que nous avons décrites, se trouvaient aussi couchées dans l'avant-corps, lorsqu'elles furent relevées contre la muraille voisine. Peut-être la chapelle ne comprenait-elle, jusqu'à la fin du XVe siècle, qu'un unique bâtiment dont faisait partie cet avant-corps qui, par les remaniements qu'il a subis, parait aujourd'hui assez peu ancien.

En 1884, des tranchées furent pratiquées dans la chapelle Saint-Jean, et montrèrent que tout le sol en avait été fouillé et remué, sans doute vers 1797 et par des chercheurs de trésors. Parmi quantité d'ossements humains dispersés et de débris de poteries funéraires, ayant contenu des charbons, selon l'ancien usage, on rencontra deux lampes en terre cuite, fort grossières et du haut moyen-âge, et, devant le maître-autel, un cercueil de plomb, peu ancien, dont le couvercle avait été enfoncé.

Dans un coin de cette chapelle, a été déposé, il y a quelques années, un cercueil mérovingien monolithe, trouvé sur la place de la nouvelle église de Saint-Père-en-Retz ; et dans une niche, sur une console, près d'un des autels latéraux, on a placé un morceau de statue, qui provient de l'ancienne chapelle de Bon-Secours, dans l’île Feydeau, à Nantes.

Le Rôle des taxes payées par les ecclésiastiques en 1789 (Archives de Nantes) nous

apprend que, le 22 décembre 1666, le service de la chapelle Saint-Jean-des-Goheaux a été transféré, on ne dit point pour quelle cause, dans la chapelle du manoir de l'Hivernière. Cependant, en 1790, la chapelle Saint-Jean n'était point abandonnée : elle avait même un chapelain approuvé pour les confessions. Peut-être donc n'y eut-il de transféré, en 1666, qu'une partie de son service, celui dont les Goheau étaient les fondateurs (Nous avons dit que les Goheau ont été seigneurs de l'Hivernière jusque dans le XVIe siècle) ; mais le service de Saint-Jean dut toujours y être continué.

La chapelle Saint-Jean touche à l'enclos d'une vieille habitation, dite la Grange du Pallet, située près de la partie ancienne du bourg, et dont le portail s'ouvre sur la route de Vallet, un peu avant sa rencontre avec celle de Clisson, qui traverse le Pallet moderne. La Grange du Pallet se compose de plusieurs vieux corps de logis, bâtis à des époques différentes, mais dont les fondations doivent étre fort anciennes ; nous ne serions pas étonné qu'ils indiquassent le tracé de la vieille enceinte de la ville du Pallet, vers son point de jonction avec celle du château, près de la Saint-Guaise. Une petite métairie, des jardins et des prairies descendant jusqu'à cette rivière, ainsi qu'un vieux moulin à eau dont la pittoresque chaussée en interrompt le cours, forment les dépendances de cette maison. Dans les aveux de la châtellenie du Pallet, la Grange est clairement désignée, prés de l'enceinte du vieux château.

Elle a fait partie du domaine propre des seigneurs du Pallet, et en 1489 appartenait à l'un d'eux, nommé Jacques Amenart, qui la mentionne dans un aveu ; mais plus tard, elle passa dans d'autres mains et, depuis un aveu de 1551, reproduit par un autre aveu de 1554, on ne la voit plus figurer dans le domaine propre de la châtellenie. D'ailleurs, vers le milieu du XVIe

35

Dans les aveux de la châtellenie du Pallet, de 1533 et 1550, il est question de Guillaume Goheau, "pour des vignes du Possonnet", et d'Olivier Goheau. "par raison de Chantefain que tint la dame de la Parenlière, dempuis Jehan de Beloczac, seigneur de Ia Senardière, et tient à presant damoiselle Pregente d'Appelroisin, tutrice de son fils et veuve de Richard de Beloczac, seigneur de la Senardière (en Gorges) et de la Parentière" (en Vallet).

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siècle, la Grange était en ruines. Un aveu de 1468 la décrit ainsi "Une meson nommée la

Grange, avecques ses jardrins… garannes.. entre le bourg du Palet el la rivière de Saint-

Guèze". Au contraire, les aveux de 1533 et 1550 la mentionnent en ces termes : "Joignant

ledit chasteau du Palletz, l'emplacement d'une vieille grange, où n'y a, à présent, que les

murailles qui aultresfoiz avoient esté construites et édifiées pour ledit chasteau36"

La Grange nous semble avoir été, à l'origine, la grange de dîmerie des religieux Bénédictins de Saint-Etienne, prieuré dont il ne reste plus trace aujourd'hui, et dont la

chapelle et les bâtiments se trouvaient à quelques pas de là, "dans la ville", entre la route de

Vallet et le village de la Bouhiére, derrière la nouvelle église paroissiale du Pallet. La chapelle Saint-Etienne a subsisté jusque dans le siècle. D'après l’Etat du diocèse en 1790, c'était alors une chapelle prieurale, de l'ordre de Saint-Benoit, avec ornements et calice, dont le patron était le Pape, le collateur l'évêque, et dont le revenu se montait à 440 livres.

Les origines du Pallet sont fort obscures. Son nom latin, Palatium, indique qu'il y eut en cet endroit une habitation gallo-romaine assez somptueuse.

L'on a reconnu les débris d'une voie romaine au-dessous du gué de la Saint-Guaise, près de la chaussée du moulin dépendant de la Grange du Pallet, au pied de la butte du château. Il y a une quarantaine d'années, on s'efforçait d'en apercevoir encore quelques vagues indices. Elle aurait traversé la Saint-Guaise en ce point où la petite rivière est presque toujours guéable. La proximité du château, ancienne villa romaine sans aucun doute, rend vraisemblable l'existence de cette voie, d'ailleurs reconnue en d'autres lieux, pendant le XIXe siècle, mais à des traces aujourd'hui pour la plupart disparues. On pourra consulter sur ce sujet "La conquête de la Basse-Loire par le réseau des voies romaines", mémoire de M.

Léon Maitre, avec carte, paru dans le Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, 1908, 1, semestre ; et "Andecombo, Juliomagus et Andecavi..." par M. de Matty de Latour, t vol. in-

8 de 216 pp., avec 2 cartes (Angers, Lachèse et Dolbeau, et Paris, Didron, 1876). Dans l'une des cartes de ce dernier ouvrage, l'on remarquera le tracé d'une voie venant de Mortagne, côtoyant la Sèvre, passant près de Clisson, traversant la Saint-Guaise, précisément au-dessous du château du Pallet, et, avant de parvenir à Nantes, s'embranchant dans la grande voie de la Table de Peutinger, de Poitiers à Nantes. La même voie est marquée sur la carte

accompagnant "l’Emplacement de la mansion Segora", du même auteur (Poitiers, Dupré,

1878).

Le territoire du Pallet, situé dans le pagus Teofalgicus, fit d'abord partie du Poitou, comme tout le pays s'étendant jusqu'à la Loire ; en 843, le comte Lambert adjoignit cette région au comté Nantais, et, en 850, Nominoé, s'emparant de ce comté avec ses annexes, fruit des conquêtes de Lambert, l'unit pour toujours à la Bretagne. On a souvent répété après Travers (I; page 61) qu'antérieurement à 843, les évêques de Poitiers37 avaient au Pallet une résidence, parce que l'un d'eux semble en avoir pris le nom, en souscrivant Petrus episcopus de Palatio les canons du concile d'Agde, en 506. Nous rejetons absolument cette supposition, comme invraisemblable et dénuée de preuves. Il n'est pas croyable que les évêques de Poitiers aient eu, en 506, une résidence dans un pays si éloigné de leur siège, et d'ailleurs encore presqu'entièrement païen, puisqu'il ne fut évangélisé, et avec grand peine, que par saint Martin de Vertou, disciple de saint Félix, évêque de Nantes, à la fin du VIe

36

D'après un aveu du Pallet, du 20 avril 1725, la Grange appartenait alors "au Sr Jean Marion", neveu

de Claude Marion, seigneur de Procé, qui fut échevin de Nantes en 1670 et 1672. Jean Marion, fils de Pierre et de Catherine de Plumaugat, tenait la Grange de sa mère, fille de Jean de Plumaugat, greffier du marquisat de Goulaine. Il l'a transmise à ses descendants qui l'ont gardée jusque dans le XIX

e siècle.

37 Travers parte même des évêques de Nantes mais devant l’impossibilité absolue d'admettre cette

hypothèse, puisque le diocèse de Nantes s'arrêtait alors à la Loire, les auteurs qui ont suivi, ont mis en cause les évêques de Poitiers (Voir le "Dictionnaire de Bretagne", d'Ogée, article Le Pallet).

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siècle38. En réalité, on ne connaît nullement le siège de l'évêque qui a signé au concile d'Agde, sous le nom de Petrus episcopus de Palatio.

Les auteurs du "Gallia Christiana" (II, p. 501) mentionnent parmi les évêques de Limoges

"Petrus episcopus Palatio", citant l'opinion d'Adrien de Valois, à savoir que divers évêques ont pris le nom d'une résidence voisine de leur siège, et qu'il a existé une maison épiscopale, dite Palatium, à côté de Limoges. Les savants Bénédictins finissent l'article en déclarant

qu'ils n'osent se prononcer, et qu'ils s'en rapportent à la critique du lecteur : "eruditus lector

judicet". M. de Mas-Lattrie, dans son "Trésor de Chronologie", déclare qu'il est très douteux,

"valde dubium", que cet episcopus de Palatio ait été évêque de Limoges. Aucun de ces

auteurs ne parle de Poitiers, ni ne formule de conclusion. Le concile d'Agde de 506 ayant réuni surtout des évêques du Midi de la Gaule39, nous croyons que le Petrus de Palatio a été

un évêque de cette région, dont le siège a changé de nom et ne peut plus être identifié aujourd'hui.

Depuis 850, le Pallet, situé à l'entrée de la Bretagne, devint donc une place frontière et prit de là son importance ; mais son illustration lui vient surtout d'Abélard qui y naquit en 107940.

Il appartint d'abord à des seigneurs qui en portèrent le nom, et dont le blason était d'argent à une croix de gueules, armes simples et d'aspect bien ancien, rappelées dans un aveu du Pallet, tombé en rachat en 1743 (Archives de Nantes, Chambre des Comptes de Bretagne).

Il est assez probable que ces premiers seigneurs furent de race bretonne, et qu'à leur suite, plusieurs familles de même nationalité s'établirent au Pallet. Le nom breton d'Abélard, Map-Elar, Ap-Elar, c'est-à-dire fils d'Elar, mérite d'être allégué dans ce sens. Il est vrai que son père s'appelait Bérenger, nom qui n'a rien de breton, mais qui peut avoir été un surnom : plusieurs des anciens comtes de Rennes portèrent le nom de Conan Bérenger, surnom roman accolé à un nom breton. Bérenger, père d'Abélard, est qualifié miles, chevalier, mais n'était point seigneur du Pallet, comme on l'a quelquefois prétendu à tort. Vers 1080, en effet, le seigneur du Pallet est fort connu et s'appelait Daniel, "Daniel de Palatio" ; il souscrit,

entre 1084 et 1103, une donation d'Alain IV "Cartulaire de Quimperlé", n° XXXV ; — D.

Morice, Preuves, I, col. 431), avec plusieurs seigneurs Nantais, expressément distingués des seigneurs du pays breton, signataires de la même charte ; et, en 1090, il fait une donation à Marmoutiers (Morice, Preuves, I, col. 474). Toutefois, comme ce nom de Daniel est très commun en pays bretonnant, à la même époque (et on peut s'en assurer en parcourant les

listes de témoins au bas des chartes du "Cartulaire de Quimperlé"), il est bien possible que

Daniel du Pallet ait été de race bretonne, tout en figurant au bas d'une charte, parmi les seigneurs du pays Nantais dans lequel était son domaine. Cette pénétration des familles bretonnes jusqu'aux extrêmes frontières des pays conquis par les Bretons au IXe siècle, a

été formellement constatée par M. de la Borderie dans sa "Géographie féodale de la

Bretagne" (pages 12-16) ; et, dans son "Histoire de Bretagne" (tome III, page 59), le savant

historien reconnaît que des places frontières furent souvent confiées à des familles de race bretonne.

Deux anciens sires de Rais se nomment Harscoët, Jestin ("Cartulaire de Rais", par M.

René Blanchard, dans les Archives historiques du Poitou, Poitiers, Oudin, 1898, tome

XXVIII ; — et "Cartulaire de Quimperlé") ; parmi les premiers seigneurs de Goulaine, on en

trouve, au XIe et XIIe siècle, nommés Urvoëd, Amalcud ("Cartulaire de Quimperlé") ; aux Xe

et XIe siècles, le seigneur de Bougon, près de Nantes, s'appelle Glevian princeps Begonis, et

38

Voir "Histoire de Saint Martin de Vertou", par M. l'abbé Auber (Poitiers, 1869, 1 vol. in 8°) ; — "Géographie historique du comté Nantais » par M. Léon Maitre, tome Il ; "Saint-Martin de Vertou".

39 Voir les "Concilia" du P. Labbe, tome IV, colonnes 1381-1395.

40 Voir "La vie de Pierre Abeillard, abbé de Saint-Gildas de Ruis, et celle d'Héloise, son épouse,

abbesse du Paraclet" [par Dom Gervaise] ; Paris, 2 vol. in-12, 1720 - "Véritables lettres d’Abeillard et Héloïse…, avec notes" [par le même]; Paris. 2 vol. in-12, 1723.

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son fils, possessionné à Pornic, s'appelle Gurmaëlon ("Cartulaires de Redon et de

Quimperlé") : tous ces noms sont bien bretons.

A la fin du XIIIe siècle, la vieille maison du Pallet devait être éteinte ; car la châtellenie de ce nom, après avoir été aux mains des ducs de Bretagne, appartenait alors à la famille Souvaing ; en 1416, elle passa, par mariage, aux Amenart, et, en 1407, également par mariage, à la maison de Goulaine.

En 1635, Jacques Barrin acheta d'abord le fief du Pallet-en-Monnières, c'est-à-dire la partie de la paroisse de Monnières appartenant aux seigneurs du Pallet et relevant d'eux, avec les droits de seigneur supérieur sur diverses seigneuries sises en cette paroisse. Le Pallet-en-Monnières contribua à former, en 1644, la vicomté de la Jannière. Enfin, en 1652, Jacques Barrin, vicomte de la Jannière, acquit le reste de la châtellenie du Pallet, sauf quelques terres en la Haye-Fouacière, et le tout entra dans le marquisat de la Galissonnière, en 1656. Ce marquisat ayant été partagé en 1700, entre trois frères Barrin, la châtellenie du Pallet en fut distraite pour l'un d'eux et contribua, en 1760, à former le marquisat de Fromenteau dont le siège était en Vallet. Nous donnerons, dans nos Pièces Justificatives,

des renseignements plus détaillés sur les seigneurs du Pallet.

Avant de quitter ce bourg, nous devons parler d'un manoir, siège d'une seigneurie qui eut jadis une réelle importance féodale, et qui n'est distant du château du Pallet que d'un petit quart de lieue : c'est le Plessis-Guerry. Il est placé sur la rive droite de la Sèvre, dans un beau site, au-dessus d'une chaussée garnie de ses deux moulins, et faisait partie, avant 1790, de la paroisse de Monnières dont la limite venait alors toucher le bourg du Pallet. Avant de se fondre, en 1659, dans le marquisat de la-Galissonnière, le Plessis-Guerry était la maison seigneuriale de Monnières, bien que séparé de ce bourg par la rivière de Sèvre ; il relevait de la châtellenie du Pallet41.

Nous devons faire observer ici que le nom de la Sèvre, dans sa forme actuelle, n'est que du XIXe siècle. Les anciens textes portent toujours Saivre, en latin Separa ou Separis. Ici, par extraordinaire, c'est la forme moderne qui est la plus étymologique.

Les seigneurs du Plessis-Guerry étaient donc fondateurs et prééminenciers de l'église paroissiale de Monnières. Plusieurs terres en Vallet relevaient de leur manoir, et on appelait ces fiefs le Plessis-Guerry-en-Vallet.

De temps immémorial, la châtellenie du Pémion-et-Château-Thébaud (en Château-Thébaud), ne relevant que des ducs, puis des rois, était dans les même mains que le Plessis-Guerry dont les seigneurs jouissaient du droit de pêche exclusif dans la Sèvre, depuis les environs de Vertou jusque près de Gorges, et dans une grande partie de la rivière de Moine ou de Maine qui passe à Château-Thébaud avant de se jeter dans la Sèvre.

Le Plessis-Guerry ou le Plessis-Guerrif (car on trouve les deux formes) peut bien avoir appartenu à un certain Gaudin Guerrif ou Guerry, seigneur de Tilliers en Anjou, connu par deux chartes, l'une de 1213, l'autre de 1199-1224, la première reproduite, la seconde mentionnée dans nos Pièces Justificatives42.

L'on sait que le mot plessis signifiait au moyen-âge, une enceinte de terre, couronnée de branches pliées ou entrelacées (Voir Du Cange, à l'article Plexilium). Quelquefois c'était le

41

Les maisons et villages de la BarilIère, la Chaintre, la Robinière, le Pontreau, les Gondrères, la Gaillotière, la Haute et la Basse Poultrière, la Grange, etc., en Mouzillon ; les maisons et métairies de la Parentière, la Mussière, du Pont-St-Guèze et du Moulin-Pichon, en Vallet, relevaient en fief lige, du Plessis-Guerry (Arch. de Nantes, Réformation du domaine royal, en 1678, tome 19, f° 174 v. et 177-184). Les droits féodaux du seigneur du Plessis-Guerry sur tous ces lieux, constituaient le fief du Plessis-Guerry-en-Vallet (Mouzillon et Vallet étant unis féodalement).

42 L'on trouve aussi un Guerricus dans une charte du X

e siècle, reproduite par D. Morice, Preuves, I.

col. 478-480. Ce Guerricus devait vivre au commencement du XIe siècle, car il est cité comme

père de deux des témoins de la charte en question, qui est de la fin de ce siècle. Parmi les témoins figure un "Gausfredus de Clizone".

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rempart extérieur d'une vraie forteresse, quelquefois la délimitation d'une réserve de chasse ou d'un domaine qu'un seigneur gardait pour lui, tandis qu'il donnait des terres voisines à titre de fief ou à simple charge de cens. Gaudin Guerry aurait donc laissé son nom au plessis qu'il possédait près du Pallet. Toutefois nous n'entendons présenter ici au lecteur qu'une hypothèse vraisemblable43.

Nous ne connaissons tes seigneurs du Plessis-Guerry que depuis le XIVe siècle. Il appartenait alors à la maison des Sauvage, très ancienne dans la contrée, et citée dans des chartes de 1147, 1189, 1213 et 1235, dont nous nous occuperons plus loin44. Si ces chartes ne nous disent rien qui prouve que les Sauvage aient dès lors possédé le Plessis-Guerry, nous pensons toutefois qu'ils en sont devenus seigneurs vers la fin du XIIIe siècle, peut-être par suite d'une alliance avec la famille de Gaudin Guerry, en admettant notre précédente hypothèse. Les deux familles habitaient la même contrée et se fréquentaient ; car on trouve le nom de "Raginaldus Le Sauvage" à côté de celui de Gaudin Guerry, dans la charte de

1213 que nous venons de citer.

Les Sauvage ou Le Sauvage, remontant aux origines de la féodalité, et alliés, dès le XVe siècle, à la maison de Laval, s'éteignirent vers le milieu du XVe siècle, et sont aujourd'hui tombés dans l'oubli, comme les Souvaing, les Amenart, les Goheau, dont nous avons parlé à propos du Pallet, et qui marchaient avec eux en tête de la chevalerie du comté de Nantes. Ils portaient de gueules â l'aigle éployée d'argent, becquée et membrée d'azur, et plusieurs d'entre eux se distinguèrent parmi la noblesse bretonne. Les Sauvage avaient, près de Clisson, un petit manoir dont nous aurons à parler plus tard, nommé le Pin-Sauvage, non loin duquel un autre petit manoir, au lieu-dit Beau-Vallon, présente encore aujourd'hui une porte de la fin du XVe siècle, avec l'écu de cette famille, sculpté sur pierre. Il y a aussi, en Château-Thébaud, deux villages appelés le Petit et le Grand Bar-Sauvage, du nom des Sauvage, seigneurs du Plessis-Guerry en Monnières, et châtelains du Pémionet-Château-Thébaud.

Eonnet Sauvage, seigneur du Plessis-Guerry, fut chambellan du duc François et nommé, en 1486, capitaine de la noblesse du comté Nantais, charge qui ne se donnait jamais qu'à un chevalier signalé. Il avait été capitaine de Clisson et de Touffou, places ducales de la frontière de Bretagne45.

A partir de 1530 environ, le Plessis-Guerry passa des Sauvage à divers seigneurs dont nous donnons les noms dans nos Pièces Justificatives, et, en 1659, fut acquis par Jacques Barrin qui l'incorpora à son marquisat de la Galissonnière. Dès lors, le château de la Galissonnière devint la maison seigneuriale de Monnières. A la fin du XVIIIe siècle, le Plessis-Guerry n'était plus qu'un vieux logis abandonné depuis longtemps et fort délabré. Il n'échappa point à l'incendie en 1793, puis fut réparé à la hâte, au début du XIXe siècle, et enfin reconstruit en 1844.

Il s'y trouve encore d'anciens et profonds caveaux voûtés, et, dans une salle basse, une belle cheminée de granit, à moulures du XVe siècle. Son parc est orné d'une fuie ou colombier à pied, en forme de grosse tour ronde voûtée en coupole ; on y voit aussi un petit dolmen, composé d'une grande pierre sur plusieurs supports, trouvé, vers 1887, dans une

43

Le nombre des localités, pour la plupart Seigneuries anciennes, dans le nom desquelles entre le mot Plessis, est très considérable. Au mot Plessis est presque toujours joint un nom d'homme, celui du seigneur fondateur de ce plessis. Le Plessis-Guerry se dit en latin Plexitium Werrici, le Plessis de Guerry. II y avait un autre Plessis-Guerry ou Guerrif en la paroisse de Piré (La Borderie, "Hist. de Bret." p. 243 ; — D. Morice. Preuves, II, col. 1252).

44 A propos du Pin-Sauvage, près de la Madeleine de Clisson.

45 D. Lobineau, "Hist. de Bretagne", I, pp. 407, 720, 751, 771 — D. Morice, Preuves, III, col. 120, 239 :

Eonnet Sauvage, capitaine de Clisson en octobre 1464 et juin 1472 ; col. 394, 662 : capitaine de Touffou en 1478. Voir les tables des trois volumes des Preuves, sur divers membres de cette famille, dont un écuyer dans une montre de Bertrand du Guesclin, en 1310 (Pr., I, col. 1645: — "Histoire de Nantes", par Travers. édit. Savagner, II, pp. 160, 170, 191; — notre description du Pin-Sauvage, près de la Madeleine de Clisson, et nos Pièces Justificatives sur le Plessis-Guerry.

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vigne, sur la butte de la Minière, en Monnières, et transporté en cet endroit.

Il y avait au Plessis-Guerry une chapelle, dite de Sainte-Foi-et-Sainte-Marguerite, dont les débris n'ont disparu que vers le milieu du XIXe siècle. A partir de 1659, elle fut abandonnée et tomba bientôt en ruines. La chapellenie de Sainte-Foi-et-Sainte-Marguerite du Plessis-Guerry se desservit alors dans la chapelle du château de la Galissonnière, puis à l'autel Sainte-Marguerite de l'église de Monnières. Les chapellenies du Plessis-Guerry et de la Galissonnière paraissent avoir été unies, au XVIIIe siècle, à la chapellenie de Sainte-Foi qui se desservait dans l'église de la Trinité de Clisson. En effet, dans l’Etat du diocèse de Nantes en 1790, on trouve mentionnées, parmi les chapellenies desservies à la Trinité, celles de Sainte-Marguerite et de Saint-Pierre-et-Sainte-Foi.

Mais continuons notre route dont nous nous sommes un peu écarté. Au sortir du Pallet et au-dessous du vieux donjon et de la chapelle romane de Sainte-Anne, elle traverse la rivière de Saint-Guaise sur un pont de pierre dont le parapet de gauche supporte une pyramide garnie d'une plaque de marbre blanc, d'ailleurs peu respectée des passants et portant la trace de nombreux coups. Sur cette plaque est gravée une inscription rappelant le souvenir du sénateur François Cacault qui fit construire le pont, en 1804.

François Cacault, diplomate, originaire de Nantes, s'était fixé à Clisson, attiré par la beauté du lieu, comme nous l'expliquerons en traitant de cette petite ville. Voici le texte de l'inscription du pont de la Saint-Guaise, près du Pallet :

L'an II — du règne de — Napoléon le Grand. — A la mémoire — de François Cacault — citoyen de Nantes, — ambassadeur de France — à Rome, à Florence, — député au corps législatif, — président du collège électoral, — de la légion d'honneur, — sénateur. — Pour les services qu'il a rendus — à l'état, — au département, — à la ville de Clisson. — De Champagny, ministre de l'intérieur, — Cretet, direct. gén. des Ponts-et-Chaussées, — Ches God. Redon de Belleville, préfet, — Mathn Juln Grosleau, ingénieur en chef. — 1806. Restauré en 1838. —Maurice Duval, pair de France, préfet.

Le "Voyage pittoresque dans le Bocage Vendéen", texte de M. Lemot, avec planches

dessinées par Thiénon, gravées à l'aqua-tinta par Piringer (Paris, Didot, 1817, in-4°), présente deux vues intéressantes de ce site, dans son état ancien 1° (Planche 2) Vue du pont Cacault et du bourg du Pallet – 2° (Planche 3) Vue du passage du torrent appelé la Sanguèze, de l'église et clos ruinée du château du Pallet, sur la roule de Nantes à Clisson.

Jusqu'en 1804, le passage à gué de la Saint-Guaise en cet endroit, était toujours fort difficile et même quelquefois dangereux, tant par la profondeur du ravin dont les pentes ont été adoucies depuis, que par l'affluence de l'eau dans la petite rivière, transformée quelquefois en torrent pendant l'hiver46. La circulation des voitures entre Nantes et Clisson était donc souvent interrompue, quand le sénateur Cacault s'occupa de faire construire le beau pont, massif et solide, sur lequel passe aujourd'hui le voyageur.

En remontant le coteau opposé au Pallet, on rencontre, sur la droite, l'avenue de l'ancien manoir de la Sebinière, jadis en Monnières, qui appartenait en 1464 à François Goheau, et depuis le XVIIe siècle passa aux familles Rabeau, Le Coutelier et de Trévélec : il est rebâti à la moderne et ombragé de beaux arbres. Tout à côté, s'élève une croix de pierre, marquant le débouché d'un bas-chemin venant de Clisson, en suivant les sinuosités de la Sèvre. Ce

46

Archives de Nantes, L 404 : 29 juillet 1790. Délibération du directoire du district de Clisson. "Nécessité d'un pont au Pallet. Le passage est fréquemment intercepté pendant l'hiver, par les grandes eaux. Il est toujours dangereux, et, en tout temps, les voituriers sont obligés de laisser partie de leurs charges, pour franchir la montée difficile qui, des deux côtés, rejoint le grand chemin. On a si bien senti la nécessité d'un pont sur la Sanguèze, que le grand chemin qui doit y conduire est tracé et ferré (empierré) depuis plusieurs années". L 42, registre, folio 80: assemblée administrative du département, séance du 31 juillet 1790. On y recensait la nécessité d'un pont au Pallet. L 990 le district de Clisson, dans sa séance du 2 novembre 1791, insiste sur la nécessité de l'arche du Pallet

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chemin traverse plusieurs villages pittoresques, et son parcours présente des sites agrestes et variés. A gauche, sur le bord de la route, au-dessus de la croix, se trouve le village du Landais.

La route de Clisson touche ensuite, à gauche, à l'entrée de l'avenue de la Morandière (en Mouzillon), belle maison reconstruite de nos jours et centre d'un riche vignoble. La Morandière appartenait en 1724 et 1754, d'après plusieurs actes passés dans ces années, à Antoine-François de Bruc qui y demeurait, et à qui la seigneurie de Clisson a été sous-inféodée ou afféagée47.

Après avoir laissé, toujours à gauche, la route de Montfaucon, et traversé des vignes et des bouquets de bois, on voit à droite un chemin traversant la Sèvre, pour gagner le bourg de Gorges. Dans ce chemin qui s'ouvre en face d'un petit village, nommé le Magasin, débouchent les avenues de deux manoirs anciens, Loiselinière et la Bourdonnière, tous deux rebâtis depuis le commencement du XIXe siècle, et situés dans la paroisse de Gorges.

Loiselinière est une vaste habitation dont les corps de logis entourent une cour carrée, encore environnée, sur plusieurs points, de ses vieilles douves ; les belles futaies qui l'avoisinent s'aperçoivent de la route de Clisson, qui n'en est éloignée que de moins d'un quart de lieue. C'était le centre d'une seigneurie relevant, pour la plus grande partie, de la châtellenie de Clisson, et, pour une petite partie, de la châtellenie du Pallet, comme nous l'apprend un aveu de 1381, transcrit dans nos Pièces Justificatives.

Cette seigneurie appartenait, au XIVe siècle, à la famille Le Maignan, et passa par mariage aux familles Prezeau, Goulet et de la Bourdonnaye, puis, par vente et héritage, en d'autres mains. Nous donnons, à la fin de ce volume, la liste de ses seigneurs.

Au-dessous de Loiselinière, près du moulin du Liveau (anciennement Oliveau), rive droite de la Sèvre, on voyait, il y a une trentaine d'années, les débris d'un pavé qui pouvait avoir appartenu à une voie romaine, la même qui traversait le gué de la Saint-Guaise, au pied de la butte du château du Pallet. D'autres traces d'anciennes voies ont été reconnues en Mouzillon et en Vallet.

Quant à la Bourdonnière, si elle n'eut jamais, croyons-nous, d'importance féodale, elle est cependant mentionnée dans l'aveu de 1381 dont nous avons parlé48.

A partir du village dit le Magasin, la route de Clisson passe, sur un petit pont de pierre, le ruisseau de Chaintreau (anciennement Chientreau), affluent de la Sèvre, après avoir laissé à gauche le débouché d'une route conduisant à Mouzillon et à Vallet. Elle remonte et longe la rive droite de la Sèvre, qui domine la chaussée et le moulin de Gervaud ou Jarvaud et le pont moderne de Nidois ; aussitôt après, elle entre dans la Trinité, faubourg de Clisson. Le trajet du Pallet à Clisson est d'environ une lieue et demie.

47

Il est qualifié seigneur de Clisson sur des actes de 1727, 1731, 1754, 1760 ; celui de 1754 conservé par M. Dagault, notaire à Clisson. Nous voyons également l'un de ses parents, Henri de Bruc, né à Nantes en 1642, qualifié seigneur de Clisson sur son arrêt de maintenue de noblesse, du 28 juillet 1670. Nous ne sommes pas en état, faute de documents, de concilier ces deux afféagements de Clisson, avec celui consenti à Pierre des Cazeaux peu avant 1714. Dans nos Pièces justificatives, l'on trouvera les textes qui mentionnent Pierre des Cazeaux et Antoine-François de Bruc, avec la qualification de seigneur de Clisson.

48 La Bourdonnière appartint en 1496 et 1507 à la famille Du Planty ; en 1515 à Pierre Prezeau, S

gr de

Loiselinière ; puis à la famille Le Lou du Breil. Louis Garreau en était seigneur en 1675. L'on y

trouve enfin, jusqu'après la révolution, la famille Le Roux de la Durandrie. Voir "Histoire de la

paroisse de Gorges", par M. l'abbé P. Grégoire ; Angers, Siraudeau, 1913, pp. 61-62.

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II. - Route de Nantes à Clisson par la rive droite de la Sèvre, en traversant les bourgs de Vertou, Saint-Fiacre, Monnières et Gorges

Le voyageur sort de Nantes en suivant la ligne des ponts, comme pour la première route. Arrivé sur la place de Piremil, il tourne à droite et remonte la rue Dos-d'Ane qui forme un quartier assez misérable. Dans cette rue, une pieuse dame, Madame Bontant, éleva, vers 1763, une chapelle dite Notre-Dame de Patience49, à laquelle elle joignit, en 1770, une école charitable, tenue par les Sœurs de la Sagesse250. L'école a disparu depuis 1793 ; mais la chapelle existe toujours.

Au bout de la rue Dos-d'Ane, on rencontre le Pont-Rousseau, jeté sur la Sèvre, un peu au-dessus de l'embouchure de cette rivière dans la Loire. Ce beau pont de pierre, commencé en 1838 et terminé en 1842, remplace celui en bois sur piles de pierre, construit en 1579 et restauré ou repris à nouveau en 1658 et 1778. Il donne son nom au gros village qui le suit et qui est une des principales entrées de Nantes.

Après avoir traversé ce village du Pont-Rousseau, on se trouve en présence de trois chemins. A l'angle de ceux qui mènent l'un à la Rochelle, l'autre à Machecoul, s'élevait la chapelle Saint-Eutrope, démolie peu après 1769, pour l'élargissement du chemin de la Rochelle. Le voyageur les laissera tous deux à sa droite, et prendra celui qui s'ouvre le plus à gauche et remonte aussi la rive gauche de la Sèvre, en la suivant de près jusqu'à Vertou51.

Ce chemin traverse de jolis villages et côtoie les murs de clôture de plusieurs maisons de campagne, résidences d'été fréquentées, surtout depuis deux siècles, par de vieilles familles Nantaises. Leurs jardins, pour la plupart, bordent la rivière. Nous citerons la Planche, lieu de naissance de M. Paul Proust de la Gironnière qui fonda vers 1824, dans l’île de Luçon, près du lac Pasig, la belle habitation de Jala-Jala, admirée par tous les voyageurs qui visitèrent de son temps les Philippines. M. de la Gironnière a laissé des mémoires d'un grand intérêt, sous le titre d’Aventures d'un gentilhomme Breton aux îles Philippines (Paris, Lacroix-Comon, 1855, I vol. in-8° illustré). En tête de l'ouvrage est une gravure représentant la maison de la Planche.

A hauteur du village du Rocher et à quelque distance de la route, sur la droite, se trouve le manoir de la Maillardière qui appartenait, au XVIe siècle, à la famille Goheau. Un des premiers, sinon le premier des magnolias acclimatés en France, y fut planté en 1731. L'on pourra lire sur ce sujet la "Notice sur le magnolia de la Maillardière", par A. D. (Sociélé

Nantaise d'horticulture, année 1848 ; Nantes, Camille Mellinet, 1849, pages 131-146) ; et "Le

magnolia de la Maillardière", par M. de Rostaing de Rivas (Société Académique de Nantes,

1862, pages 58-93).

Arrivé à Vertou, siège d'un célèbre monastère, fondé la fin du VIe siècle par Saint Martin dit de Vertou, le voyageur ne trouve plus qu'un joli site : tout vestige d'un passé illustre y a malheureusement disparu. L'ancienne église romane, si curieuse et si riche en souvenirs, a été démolie et a fait place, vers le milieu du XIXe siècle, à une vaste église neuve, sans intérêt pour l'archéologue.

Vertou, en latin Vertavum, doit sa réputation à Saint Martin, clerc de l'église de Nantes, envoyé par Saint Félix notre grand évêque, pour évangéliser la partie du Poitou qui avoisine la Sèvre. Saint Martin forma aussi un monastère d'hommes et un autre de femmes, à Durinum, aujourd'hui Saint-Georges-de-Montaigu. Raoul, abbé Bénédictin de Saint-Martin-de-Vertou, transporta sa résidence à Saint-Jouin-de-Marnes, vers 1105 (Travers, I, page 232), et c’est depuis lors que Vertou changea son titre d'abbaye contre celui, plus

49

Voir "les Madones Nantaises", ouvrage déjà cité. 50

Fondées par le Bienheureux Grignon de Montfort, à Saint-Laurent-sur-Sèvre. 51

L'on peut aussi se rendre à Vertou par la rive droite de la Sèvre, en prenant un bas chemin qui débouche dans la route de Clisson, à droite, au bout du faubourg Saint-Jacques, Fondées par le Bienheureux Grignon de Montfort, à Saint-Laurent-sur-Sèvre.

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modeste, de prévôté qui lui fut toujours conservé. Les Bénédictins réformés s'y installèrent en 1604. Le départ de l'abbé Raoul pour Saint-Jouin-de-Marnes, explique comment cette abbaye poitevine a joui du droit de présentation en diverses paroisses, relevant originairement de Vertou, et fondées pour la plupart par Saint Martin de Vertou, vers la fin du VIe siècle52. En 1790, le droit de présentation dans la plupart de ces paroisses, notamment à Vertou, était aux mains de l'évêque de Nantes.

Aux personnes curieuses du passé, nous recommandons la lecture des ouvrages suivants que nous ne pourrions que résumer, en traitant de Vertou : 1er Saint Martin de

Vertou, dans la "Vie des Saints de Bretagne", par Albert le Grand ; — 2e même sujet dans la

"Vie des Saints de Bretagne", par D. Lobineau ; — 3e "Histoire de Saint Martin de Vertou", par. M. l'abbé Auber, 1re édition, Poitiers, 1869, 1 vol. in 8°, avec deux lithographies d'un grand intérêt, représentant l'ancienne église de Vertou, aujourd'hui disparue ; 2°édition, Nantes, 1869, in-12 sans gravure ; — 4° "Géographie historique du comté Nantais", par M.

Léon Maitre, tome II : "le Lac de Grandlieu, Herbadilla, Déas, etc." ; "Vertou avant et après le

christianisme, Saint Martin de Vertou, ses contemporains et ses biographes" ; — 5°

"Collection archéologique du canton de Vertou" , par M. Charles. Marionneau (Société

Archéologique de Nantes, Bulletin de 1876).

Notre voyageur passera au milieu du bourg de Vertou dont les maisons couvrent la pente du coteau dominant la Sèvre, et, continuant son chemin, arrivera bientôt au pont de la Ramée (du nom d'une propriété voisine) qui le reconduira sur la rive gauche de la rivière, un instant abandonnée pour traverser Vertou, situé sur la rive droite. Aussitôt après le pont, débouche, sur la droite, un chemin ombragé de grands arbres et conduisant au manoir du Coin, en Saint-Fiacre. La seigneurie du Coin donna son nom à une famille qui la posséda jusqu'au XVIe siècle, et la fit passer alors à la famille Pantin à laquelle succéda, au XVIIIe siècle, la famille Gallon. Le manoir est placé dans un lieu très remarquable, près du confluent de la Sèvre et de la petite rivière de Maine ou Moine, et c'est de la que lui vient sans doute son nom de Coin.

La Maine passe près de Remouillé, d'Aigrefeuille, de Château-Thébaud et de Saint-Fiacre, et son parcours, surtout entre Château-Thébaud et le Coin, présente des coteaux boisés très abrupts et des paysages sauvages et charmants.

Sur sa rive droite, en Saint-Fiacre et à peu de distance du Coin, s'élève la belle tour polygonale du château de la Chasseloire, construction du XVIe siècle, gardant l'aspect d'une tour de défense avec de très jolis ornements de la Renaissance, sculptés à l'intérieur : elle mérite d'être visitée. La Chasseloire, au XVe siècle, appartint à la famille de Viesque et passa depuis aux familles Cailleteau et Le Loup.

Mais revenons au pont de la Ramée. Après l'avoir passé, le voyageur montera une longue côte aboutissant au petit bourg de Saint-Fiacre qui, jusqu'en 1659 environ, porta toujours le nom de Saint-Hilaire-du-Coin, et dont l'église a été récemment rebâtie avec goût, dans le

52

L'abbé de Saint-Jouin-de-Marnes présentait, au XVIe siècle, à la prévôté de Saint-Martin-de-Vertou ;

aux prieurés couventuels de Vertou, de Piremil et de la Trinité de Clisson ; — aux prieurés simples de Saint-Jacques de Clisson, Saint-Etienne du Pallet, Saint-Pierre-sur-Sèvre de Vertou, Saint-Thomas de Château-Thebaud, Saint-Nicolas de Prigné, Saint-Laurent du Loroux-Bottereau, Saint-Lazare ou la Guerche de Machecoul, Saint-Crespin, Saint-Jacques de Montfaucon ; — aux cures de Gétigné, Gorges, Saint-Hilaire-du-Bois, Saint-Vincent du Pallet, Haute-Goulaine, la Chapelle-Heulin, Monnières, Château-Thébaud, le Bignon, le Pont-Saint-Martin, Rezé, Notre-Dame de Montfaucon, Saint-Jean de Montfaucon, Saint-Germain-sous-Montfaucon, la Renaudière, la Haye. Saint-Pierre de Bouguenais, Vue, Maisdon, Bouin, Aigrefeuille, — aux vicairies perpétuelles de la Trinité de Clisson, Saint-Jacques de Clisson, Boussay, Vertou, Saint-Fiacre, Saint-Sébastien, le Loroux-Bottereau, Saint-Crépin, Saint-Jacques de Montfaucon, Saint-Nicolas de Prigné. Cette liste nous donne une idée assez exacte des lieux évangélisés, à la fin du VI

e siècle, par Saint Martin de Vertou, au moins de ceux qui ont fait partie ensuite du comté

Nantais. Elle a subi, depuis le XVIe siècle, diverses modifications, provenant d’un concordat en

1673, d'un accord avec l'évêque de Nantes en 1774, etc

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style roman périgourdin, avec un clocher couvert d'une coupole allongée d'un bel effet. L'ancienne église, restaurée après l'incendie de 1793, présentait peu d'intérêt ; on y voyait toutefois, à droite de sa grande porte, un bénitier de granit rectangulaire sur console, s'ouvrant à l'extérieur de l'édifice, et dont les moulures indiquaient le XVe siècle. Ce bénitier est aujourd'hui conservé au presbytère.

La route qui mène de Saint-Fiacre à Monnières traverse plusieurs jolis bouquets de bois et plusieurs villages, parmi lesquels nous citerons la Garnière dont les maisons se dispersent sur une fraîche pelouse, et où l'on voit une ancienne chapelle. Puis elle passe près de la Bidière, habitation moderne qui a remplacé un ancien manoir dont les terres s'étendaient sur les paroisses de Monnières et de Maisdon. La Bidière tire son nom d'une famille Bidy que l'on y trouve au IVe siècle. Une pièce du 5 janvier 1378, analysée dans l'Inventaire manuscrit des archives du château de la Galissonnière, mentionne en effet Maurice Bidy. Il y a encore près du pont .de Monnières, un pré sur le bord de la Sèvre, nommé le pré Bidy. L'on ne doit pas confondre cette vieille famille Bidy avec une famille Bide, fort connue à Nantes au XVIIe siècle. La Bidière était aux Sévigné dans le milieu du XVIe siècle, et passa aux Barrin, à la fin du XVIIe. De là, après avoir traversé un petit ruisseau, affluent de la Sèvre et qui coule dans un profond vallon, on arrive bientôt à Monnières.

Dans tous les anciens documents et jusqu'au début du XIXe siècle, on lit toujours Monnière, sans s ; la forme Monnières est donc moderne. Nous admettrions volontiers Molinaria, comme thème étymologique du mot53.

Le bourg de Monnières, placé sur la pente d'un coteau, à un quart de lieue environ au-dessus de la Sèvre, est très rapproché à vol d'oiseau du bourg du Pallet, situé près de la rive opposée du même cours d'eau. Mais pour se rendre de Monnières au Pallet, soit que l'on prenne les routes ou les bas-chemins, soit que l'on coupe à travers les vignes, pour franchir la Sèvre sur la chaussée des moulins du Plessis-Guerry, ou sur celle du moulin de Gervaud au-dessous du Pé-de-Vignard, de toutes façons le trajet est assez long et pénible.

Sur le bord de la Sèvre, au-dessous de Monnières, près d'un gué souvent à sec pendant l'été, est un village appelé le Pont-de-Monnières depuis un temps immémorial. Il a donc existé en ce lieu dans le moyen-âge, un pont, probablement de bois54. Ce pont, après avoir été fort éprouvé par la guerre de 1793, avait disparu vers le milieu du XIXe siècle ; à cette époque, croyons-nous, on ne traversait plus la rivière au-dessous du village du Pont-de-Monnières, qu'en bac ou à gué. Il parait qu'en 1829, on voyait encore là les débris d'un pont de bois, construit par un marquis de la Galissonnière, et sans doute par le vainqueur de l'amiral Byng. Un petit ouvrage en vers, fort rare et très curieux, racontant les péripéties comiques d'un voyage de Nantes à Clisson, sur la Sèvre, opéré on 1829 par quinze jeunes gens de Nantes, décrit en ces termes le pont de Monnières d'alors :

Les canots en volant effleurent la rivière Et sont bientôt poussés vers le pont de Monnière. Deux ais pourris, placés sur quatre pieds flottants, Gardent ce nom pompeux depuis plus de cent ans. Par égard pour les mains qui jadis l'élevèrent, Les pieux riverains toujours le respectèrent, Et sur son dos tremblant ils passent tous les jours, Sans lui offrir jamais un généreux secours »

("Essais poétiques de M. G. R. de Nantes : les quinze ou les

Argonautes Nantais" ; Nantes, Hérault, 1829, in-8., page 166).

53

Dans des documents des XIVe et XV

e siècles, on trouve Moulnières. Le thème étymologique du mot

est donc bien Molinarias. 54

Archives de Nantes, L 404. Directoire du district de Clisson, séance du 23 février 1791. La municipalité de Monnières est autorisée à faire un emprunt, pour achever les travaux d'un abordage, au passage du Pont-de-Monnières. Cette municipalité avait entrepris ces travaux sans autorisation, et en négligeant les formalités nécessaires. Il lui restait payer 490 livres. L'utilité d'un "abordage solide des deux côtés de la rivière, et la nécessité du passage", sont reconnues.

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En 1850, nous pensons qu'il ne restait plus rien de ce mauvais pont de bois, à moins cependant qu'on ne l'eut remplacé par une petite passerelle pour les piétons seulement ; car certainement alors il n'y avait plus là de pont pour les voitures. Peu après 1850, fut construit le beau pont de pierre que nous admirons aujourd'hui et qui est dit le pont de Monnières. II fut à péage, à raison d'un liard par personne et d'un sou par cheval, jusque vers 1870. Ce pont donne accès à une route longeant le vieux mur du parc de la Galissonnière, en passant un peu à l'Ouest du château de ce nom ; elle débouche sur la grande route de Nantes à Clisson, rive droite, un quart de lieue avant le village de Saint-Michel.

L'Etat du diocèse de Nantes en 1790 mentionne une "chapelle rurale de Sainte-

Marguerite, au pont de la Sèvre".

Un peu en amont et à l'écart du village du Pont-de-Monnières, près de la rive gauche de la Sèvre, s'élève un vaste et sombre logis, ancien grenier à sel, nommé la Moinerie ; et de ce village descend à la rivière, en amont du pont, une sorte de ruelle, bordée de quelques grandes maisons à étage et à balcons de fer forgé, soutenus par des consoles semblables. Ces anciens édifices qui ne peuvent guère remonter au-delà du XVIIIe siècle, montrent que le village du Pont, point extrême (avec le Port-Domineau dont nous allons parler) de la partie navigable de la Sèvre, eut jadis une certaine importance commerciale.

Après avoir passé le pont, en venant de Monnières, on trouve, à gauche, un chemin conduisant au Port-Domineau, petit village situé un peu en aval du Pont-de-Monnières et sur la rive opposée. Un petit port, le dernier de la partie navigable de la Sèvre, qui finit en cet endroit, lui a, donné naissance. Tout près de là, en amont, commence la série des chaussées garnies de moulins, qui interrompent le cours de la rivière. Ce chemin mène aussi au village du Pé-de-Sèvre ou Pé-de-Saivre, amas fort pittoresque de maisons d'un joli goût rustique, à la mode du pays, c’est-à-dire peu élevées, couvertes en tuiles, et généralement accompagnées d'un petit escalier extérieur, conduisant au grenier et couvert d'un auvent supporté par deux piliers.

Nous avons dit que le Pont-de-Monnières est situé presqu'en face du parc de la Galissonnière, ou plutôt du coteau rocheux qui en tient lieu aujourd'hui, et la rivière entre deux. De l'autre côté de ce parc, à l'Est et sur la même rive, est le village du Pé-de-Vignard, au-dessous duquel la chaussée du moulin de Gervaud55 barre le cours de la Sèvre. Ce village et l'ancien parc font donc face à Monnières, sur le bord opposé.

Au bourg de Monnières, le voyageur trouvera une vieille église, souvent restaurée au cours des siècles et surtout après l'incendie de 1793. Elle figure un rectangle et se compose d'une nef couverte d'un lambris, séparée par plusieurs grandes arcades cintrées, d'un unique bas-côté regardant la place du bourg. La première de ces arcades, en partant du chevet, est garnie d'une jolie moulure compliquée, dans le goût du XVe siècle ; les autres arcades ne présentent qu'une coupe polygonale fort simple.

L'église n'a que deux autels dont l'un répond à la grande nef, l'autre au bas-côté ; et leurs retables offrent chacun un tabernacle et divers ornements en bois sculpté et doré, des XVIIe et XVIIIe siècles. Le grand autel se fait remarquer par deux belles colonnes torses avec chapiteaux, le tout de bois

sculpté et doré, et par un tableau d'ailleurs médiocre, représentant l'Annonciation de la

55

II y a un autre moulin de Gervaud ou Jarvaud, tout près et en aval de Clisson. Entre le parc de la Galissonnière et le moulin de Gervaud, le chemin qui longe la rive droite de la Sèvre, passe près d'un ancien pressoir, destiné jadis aux vignerons de la dépendance du Plessis-Guerry, et nommé le pressoir du Caribot. Une jolie maison a été construite de nos jours, un peu au-dessus.

Moulure d’une arcade de l’église de Monnières

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Sainte Vierge, peint et offert à l'église vers la fin du XVIIIe siècle, par Marie-Madeleine Barrin, marquise de la Galissonnière.

Les anciens registres de baptêmes, mariages et décès de la paroisse de Monnières, nous ont été conservés. Ils remontent à l'an 1555, et l'on y trouve divers renseignements curieux, consignés à la fin de chaque année, par les recteurs, désireux de perpétuer le souvenir de certains faits. On y voit la copie des lettres du roi, nommant le marquis de la Galissonnière,

gouverneur du Canada, l'an 1747, en remplacement du marquis de la Jonquière, fait prisonnier sur mer par les Anglais : des détails sur les cérémonies religieuses, missions, processions à Monnières, récoltes, vendanges, prix et qualité du vin, etc. Sur l'un d'eux on lit que le tabernacle de Monnieres était orné, les jours de fête, d'un pavillon anglais pris en mer par un marquis de la Galissonnière, et offert par ce seigneur à l'église de sa paroisse. L'on pourra consulter l’Inventaire des Archives paroissiales du comté Nantais, par M. Léon Maître, archiviste de Nantes, qui y a reproduit les mentions curieuses et intéressantes de ces registres.

Le chevet de l'église est plat, et percé d'une belle fenêtre à meneaux gothiques, du style dit flamboyant ; la sacristie, fort étroite, est éclairée par cette belle fenêtre, et se trouve placée entre le chevet plat et le grand autel.

Église de Monnières

Dans le pavage sont encastrées trois pierres tombales du XVIIIe siècle, avec légendes taillées, dont l'une, devant l'autel du bas-côté, l'emplacement de l'enfeu des recteurs. On y lit : Cy gist le corps de Missire François de Ruillé recteur de cette paroisse décédé le 17 aoust 1717. Priez Dieu pour luy. Chaque mot est séparé par un losange. Ce recteur devait être de la famille Barrin dont la branche aînée possédait le château des Ruillers, en Bourbonnais, et en portait le nom.

Près du mur qui regarde la place, est une autre pierre tombale, très effacée, qui recouvre la sépulture d'une dame de la même branche de la famille Barrin. Elle porte : Cy gist le corps de dame Augustine Agnes de Ruiller veve decuier François du Bois de la Motte décédée… 1714. Chaque mot est aussi séparé par un losange.

Sur la troisième pierre, presque entièrement usée, on ne distingue plus que ces mots : Cy gist le corps de demoiselle…décédée...5....doctobre 1706. Cette pierre est assez voisine de la précédente.

Vers le bas de l'église, se trouvent aussi divers fragments de pierres funéraires beaucoup plus anciennes, présentant des épées à côté d'abacs de l'ordre du Temple, à croix ancrée, et

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de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, à croix pattée, sans cercle ; ils indiquent des sépultures de chevaliers de ces ordres. Il est donc possible que Monnières ait compris un bénéfice du Temple. Nous verrons plus loin que des pierres tombales de Templiers et d'Hospitaliers sont encore conservées dans le presbytère de Gorges, et semblent montrer que la paroisse de Gorges a aussi contenu quelque bénéfice du Temple, peut-être dépendant, ainsi que celui de Monnières, de la Templerie de Clisson. Nous devons rappeler à ce sujet, ce que nous avons dit de la chapelle Saint-Jean, au Pallet, et de ses belles pierres tombales de Templiers.

Dans l'église de Monnières, au pied des degrés du grand autel, se trouve l'enfeu des seigneurs de la paroisse, crypte qui a été explorée le 27 novembre 1862, et dans laquelle on a reconnu plusieurs cercueils des Barrin. Depuis lors, l'escalier en a été obstrué, et rien dans le pavage de briques, n'en indique plus la place aujourd'hui. La crypte de Monnières est longue de 6 mètres, large de 3, haute de 2,25 m ; bien conservée, voûtée en tuffeau, avec assises de granit. Un escalier de sept marches y conduit. Il s'y trouve, entre autres tombes, une chasse de plomb, posée sur deux pierres de granit, avec inscription qui indique la sépulture de Gabriel Barrin, décédé à Nantes le 4 juillet 1597; et la tombe de Marie-Madeleine Barrin, marquise de la Galissonnière, décédée le 18 mars 1780.

Pierres tombales dans l’église de Monnières

La partie la plus ancienne de l'église, pouvant même être attribuée à l'époque romane, est son grand portail et son clocher à contreforts, terminé en campanile carré, avec cloches apparentes- Cette forme de clocher distingue souvent les églises fondées par les Templiers.

Dans le bas-côté, s'ouvre une petite porte cintrée, donnant sur la place du bourg, au-dessus de laquelle on reconnait encore la trace de l'écu des Barrin, gratté depuis 1793.

En somme, cette église souvent remaniée ne présente aucun caractère général bien déterminé ; mais c'est un vieux monument sur lequel ont passé les siècles, en y laissant chacun quelques traces curieuses, et qui a traversé la tourmente de 1793. Il reste aujourd'hui si peu d'églises anciennes dans notre contrée, qu'à ce titre seul elle mérite une pieuse visite.

Monnières est sous le vocable de Sainte Radegonde dont la fête y est célébrée, chaque année, par une procession et une petite foire. On lit dans un document conservé au presbytère que, vers le milieu du XVIe siècle, plusieurs notables de Monnières, accompagnés de leur recteur, se rendirent à Poitiers, "montés sur des chevaux blancs", et

en rapportèrent un os du bras de Sainte Radegonde. Cette relique insigne disparut pendant les guerres de 1793 et années suivantes ; on la chercha vainement depuis, surtout en 1862, dans l'enfeu des seigneurs, profond caveau voûté où l'on supposait qu'elle pouvait avoir été cachée. Le procès-verbal de visite de cet enfeu se trouve dans un des registres de paroisse gardés au presbytère, rédigé par M. l'abbé Martin, alors recteur ou curé du lieu.

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Nous avons déjà dit, en décrivant la route de Nantes à Clisson par la rive droite de la Sèvre, que les seigneurs du Plessis-Guerry, manoir situé sur cette rive, étaient prééminenciers et fondateurs de la paroisse de Monnières. Le Plessis-Guerry s'étant fondu en 1659 dans le marquisat de la Galissonnière, y porta ses droits féodaux.

Dans l'Etat du diocèse de Nantes en 1790, nous lisons que Monnières eut pour patron, d'abord l'abbé de Saint-Jouin-de-Marnes, puis, au XVIIIe siècle, l'évêque de Nantes56. A la fin de ce siècle, sa population était de 2200 communiants57 ; son revenu total, de 4425 livres ; ses charges se montaient à 3477 livres. L'église avait un "cintre en fer-à-cheval" pour la

grande porte que l'on réputait "du XIe ou XIIe siècle". Les autels étaient dédiés à Sainte Marie

et à Sainte Marguerite. L'on pourra consulter les "Recherches historiques sur Monnières", par M. Bouger (Nantes, Cier, 1900, in-12 de 122 pages). Cet ouvrage, orné de vues ancienne et moderne du château de la Galissonnière, d'une vue de l'église de Monnières, et de deux planches de pierres tombales, contient d'intéressants détails sur la paroisse au cours du moyen âge, pendant la guerre de 1793 et la période si troublée qui suivit.

En sortant de Monnières par la route de Clisson, le voyageur rencontre bientôt, à sa gauche, les murs du parc du Plessis-Brezot, petite seigneurie dont le manoir, restauré dans le milieu du XIXe siècle, peut remonter au XVIe. Il présente un escalier extérieur dont la cage forme une tourelle polygonale ; dans sa cour, fermée par un vieux portail, on voit une chapelle et une fuie ou colombier carré. Le Plessis-Brezot était, dès le début du XVIe siècle, à la famille Macé, et passa par vente, en 1660, des héritiers d'Honorat Macé, seigneur du Bordage, à Charles Le Coq. La famille de Jacquelot du Boisrouvray le reçut ensuite par héritage et le transmit de même à M. le vicomte Charles du Couëdic de Kergoualer, petit-fils du héros de la Surveillante, dont les descendants le possèdent encore. Nous donnons des renseignements plus détaillés sur cotte seigneurie, dans nos Pièces Justificatives.

En face du Plessis-Brezot et de l'autre côté de la route, s'étend la butte de la Minière, connue par ses vins blancs de muscadet, qui sont classés parmi les meilleurs des coteaux de la Sèvre. Près de la limite sud des vignes de la Minière, non loin de la croisée des routes directes de Saint-Fiacre à Gorges et de Monnières à Maisdon, a été trouvé, en 1887, un dolmen formé d'une grande pierre portée sur quatre autres pierres plus petites. Ce monument avait été renversé par les vignerons, et ses pierres avaient été traînées sur le bord de la route de Saint-Fiacre à Gorges elles n'étaient pas de la nature des roches que l'on trouve généralement dans le pays, et leur aspect était très particulier. Le dolmen de la Minière a été transporté et remonté dans le parc du Plessis-Guerry, près du Pallet. Les mégalithes sont très rares dans cette région, et il est bon de noter ceux qui subsistent.

Un peu après le Plessis-Brezot, sur le môme côté gauche de la route, est le beau vignoble des Guerches, auquel attenait un ancien pressoir, rebâti de nos jours et joint à une jolie maison de campagne. Il faisait partie de ces terres de Monnières, relevant du Pallet et formant le fief du Pallet-en-Monnières, que Jacques Barrin acquit en 1635 de Christophe de Goulaine, et qui contribua à former d'abord la vicomté de la Jannière en 1644, puis, avec le reste de la châtellenie du Pallet, le marquisat de la Galissonnière en 1658.

Non loin des Guerches et tout près de la Sèvre, se trouve le village de la Fleurancière ; dans une des maisons qui le composent, on voit une large cheminée de granit, à moulures du XVe siècle, et divers débris d'architecture qui dénotent une ancienne maison noble.

A partir du Plessis-Brezot, la route traverse des vignobles et quelques bouquets de bois, et passe à côté de plusieurs jolis villages : le Mortray, le Boucher, le Boutin, la Huperie (ce dernier entouré de vieux bocages appelés les ouches de la Huperie), les Coteaux, la Haute et la Basse-Gravelle, et gagne le village de la Motte, dominant la Sèvre, et dont le nom

56

Voir aux Archives de Nantes, série B, le registre de la réformation des feux des neuf évêchés de Bretagne, 1426-1429, folio V recto : "Moulnieres ou avoit XXIII feux. Ilz ont semblablement voulu demourer a celui numbre. Pour ce XXIII f".

57 1500 en 1683. Dans sa Visite de 1683, l'archidiacre Binet donne de nombreux renseignements sur

Monnieres, son église et ses chapelles (Archives de Nantes, G 52, pp. 252-263).

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rappelle probablement le souvenir de quelque construction féodale fort ancienne.

Ces villages et quelques autres, à partir des Guerches , tant en Monnières qu'en Gorges, relevaient féodalement du marquisat de la Galissonnière dont le seigneur en faisait lui-même hommage à la châtellenie de Clisson.

En 1723, la Motte n'était plus qu'une maison modeste, avec ses dépendances, appartenant à Timothée Babin de Bourneuil, originaire des environs d'Angers, fermier des revenus de la commanderie du Temple de Clisson, dont le descendant, Firmin-Zacharie Babin de Bourneuil, mourut en 1822. Dès lors, la Motte qui était restée jusque-là dans la même famille, fut partagée et vendue, et devint peu à peu un petit village.

A peu de distance de la Motte, le voyageur rencontrera, toujours sur la gauche, la manoir ancien de la Gohardière, long corps de logis, garni d'une petite tour à chacune de ses extrémités, avec pavillon au centre. Il domine la Sèvre dans une belle situation, et nous ne serions pas surpris que ses tours remontassent au XVe ou au moins au XVIe siècle. La Gohardière était en 1492 à Pierre de Kersy dont la fille, Louise, avait épousé Pierre Le Comte, maitre des Comptes et alloué de Nantes. En 1515, Françoise Pastourel, femme de Michel Scliczon, seigneur de Keralio, était dame de la Gohardière. La Gohardière appartint ensuite à la famille Dugué qui la vendit aux Baye ; puis passa par mariage, le 31 janvier 1702, à la famille de La Tribouille, qui la tenait encore à la fin du XVIIIe siècle (voir "Hist. de la par. de Gorges", pp. 37, 62, 66, 68)58.

La route passe ensuite près d'une statue de la Sainte Vierge, élevée au sommet d'une belle prairie qui descend jusqu'à la rivière, en souvenir d'un pèlerinage eucharistique que firent en ce lieu les paroisses environnantes, l'an 1884 ; puis elle descend une pente et traverse, sur un pont de pierre, le petit ruisseau dit de la Margerie, qui sort d'un frais et profond vallon et, un peu au-dessous du pont, se joint à la Sèvre.

Après avoir franchi ce ruisseau, on voit, à gauche, le pont jeté sur la Sèvre, qui fait communiquer le bourg de Gorges avec la grande route de Nantes à Clisson, rive droite, que nous avons décrite. Il donne accès à un chemin passant entre les terres de la Bourdonnière et celles de Loiselinière, dont nous avons aussi parlé. Ce pont dit pont de Gorges, en bois sur piles de pierre, date de 1845 environ, et a été refait il y a une quarantaine d'années.

Un triste accident qui eut beaucoup de retentissement dans le pays, donna lieu à sa première construction. En 1814, on passait la Sèvre en cet endroit, sur des chalands ou bateaux plats : une vingtaine de personnes revenant d'un enterrement, pendant l'hiver de cette année, alors que la rivière était grosse et rapide, s'entassèrent sur un de ces chalands, le firent chavirer et se noyèrent pour la plupart.

De l'autre côté du pont de Gorges se voient le hameau appelé Beau-Soleil, du nom d'une auberge, et, en remontant un peu la rivière, au pied du coteau de la rive droite, le charmant village nommé le Liveau (au moyen-âge Oliveau). Devant ce village, une chaussée avec deux moulins interrompt le cours de l'eau ; elle est précédée d'une petite île verdoyante. Avec les vieilles maisons du Liveau, parmi lesquelles se remarque une dépendance de moulin, construite en brique au début du XIXe siècle, dans le style italien que nous allons bientôt admirer à Clisson ; avec le pont de Gorges, les belles prairies et les coteaux boisés de la Sèvre, cette chaussée forme un paysage très agréable qui doit captiver quelques instants les regards du voyageur.

Revenons au pont du ruisseau de la Margerie. Après l'avoir passé, on prend à droite la route qui gagne le bourg de Gorges par une longue pente, autrefois raide et difficile, mais bien adoucie depuis une cinquantaine d'années.

L'église de Gorges est toute moderne, et date de quelque trente-cinq ans ; celle qu'elle a remplacée devait offrir plusieurs détails intéressants, à en juger par les faibles débris qui en ont été transportés au presbytère voisin, beau logis des XVIIe et XVIIIe siècles, et vrai type d'ancien manoir curial d'une riche paroisse. Placé entre une vaste cour bordée de bâtiments,

58

Arch. de Nantes, L 299. Lettre de Constantin, du 15 mai 1796 : "Des individus, formant un comité royaliste, s'assemblent à la Gohardiese, chez La Tribouille".

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et un beau jardin clos de murs, il contient deux grandes salles, dont l'une est remarquable par sa cheminée à caisson saillant, du XVIIe siècle, et par les énormes poutres supportant le plancher qui la surmonte, et l'autre par les fort beaux lambris de bois sculpté qui en couvrent les murs, et peuvent remonter au milieu du XVIIIe siècle. Les portes du large vestibule qui partage le logis, sont maintenues par des valets de fer, portant la date 1724, et se ferment par de vieux loquets de la même époque ; ça et là quelques restes d'ancienne ferronnerie garnissent les impostes.

Mais nous attirerons surtout l'attention de l'archéologue sur quatre pierres tombales, provenant soit de l'ancienne église, soit du cimetière qui la touchait, suivant le vieil usage. L'une est jointe extérieurement au seuil du vestibule du presbytère, sur la cour ; elle est très usée par le frottement des pieds, et l'on n'y voit plus guère qu'une poignée d'épée à pommeau circulaire et plat, du style du XIIIe siècle. La seconde sert de marche à un petit escalier qui descend du même vestibule dans le jardin ; elle est mieux conservée et porte gravé un abac, c'est-à-dire une croix ancrée, au bout d'un support garni de deux ressauts, et

à côté une épée, la pointe en bas, le tout aussi du XIIIe siècle. La troisième forme le parapet du puits qui s'ouvre au fond du jardin ; elle est moins ancienne et présente gravé un abat à croix pattée ou croix de Malte, dans un cercle, au bout d'un support muni d'un piédouche. Les deux premières nous paraissent avoir recouvert des sépultures de Templiers, la troisième la tombe d'un Hospitalier. La quatrième, dans la cour, est, comme la troisième, marquée d'un abac à croix de Malte.

Pierres tombales au presbytère de Gorges

Le Temple a donc possédé de nombreux bénéfices dans ce pays outre la chapelle Saint-Jean du Pallet, et la Madeleine de Clisson dont nous parlerons plus loin, les pierres tombales de Monnières et de Gorges nous donnent lieu de le supposer.

Gorges, nous dit M. Léon Maître, dans sa "Géographie historique du comté Nantais" (tome II, pages XL, XLI), sous le vocable de Saint Martin de Vertou, est de fondation fort ancienne, comme toutes les paroisses qui ont adopté ce patron. Avant le Xe siècle, cette paroisse embrassait le territoire de Clisson ; en 1179, elle est désignée par "Ecclesia de

Gorgio", sur une bulle du "Cartulaire de Saint-Jouin-de-Marnes"59. La cure, d'abord à la

présentation de l'abbé de Saint-Jouin-de-Marnes, était aux mains de l'évêques de Nantes, en 1790, Au XVIIe siècle, la paroisse ne contenait que 1400 communiants (Visite des 51 paroisses du climat60 de Clisson, par Antoine Binet, grand archidiacre de Nantes et abbé de

59

Edité par M. Grandmaison, dans le Bulletin de la Société de statistique de Niort, XVII, 1854 (page 40).

60L'on appelle climat une subdivision de l’archidiaconé. Le diocèse de Nantes comprenait deux

archidiaconés : le grand archidiaconé et l'archidiaconé de la Mée. Le grand archidiaconé se composait des climats d'outre-Loire, savoir le climat de Clisson, le climat de Retz, (avec Machecoul pour chef-lieu), et la partie du climat de la Chrétienté (Ancenis et Châteaubriant),

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Melleray, en 1683, aux Archives de Nantes, G 54).

D'après l'Etat du diocèse de Nantes en 1790, Gorges comptait alors 2300 communiants ;

les dîmes rapportaient au recteur 3900 livres, et le pourpris du presbytère 65 livres. L'église était du XVe siècle. Une confrérie du Saint-Sacrement y avait été fondée au XVIIe. Les fondations de messes ou chapellenies étaient celles de Saint-Julien-du-Lac ou de Saint-Louis, du Pauvet, de la Ganolière, de Saint-Nicolas-de-la-Pauvreté, des Brives. Dans le

territoire de Gorges, on voyait la chapelle Saint-Thomas (dont nous parlerons plus loin), "très

grande", entourée par le "cimetière des pestiférés"; la chapelle domestique de Saint-Julien-

du-Lac, près de Loiselinière, mais en ruines dès le XVIIe siècle, et remplacée par celle de Saint-Louis, au même lieu ; et la chapelle de la Ganolière61, desservie en 1790 par M. F. Babin de Bourneuil.

Le clergé de Gorges montra devant la persécution de 1793 la plus admirable fermeté. M. Augustin Dugast, recteur depuis 1765, fut emprisonné et noyé à Nantes. Ses deux vicaires imitèrent son exemple : le premier, M. Charles Paquereau, fut aussi emprisonné et déporté en Espagne, pour avoir refusé le serment schismatique ; après la Révolution, il revint en Bretagne et mourut recteur du Pallet. Le second, M. Mathurin-Louis Durand, né à Gétigné le 16 mars 1755, ordonné prêtre le 14 juin 1783, homme d'un grand courage, resta caché dans le pays pendant toute la persécution, administrant les sacrements aux fidèles, au péril de sa vie. On pourra lire le récit de ses aventures et des dangers auxquels il n'échappa que par

miracle, dans "les Confesseurs de la foi du diocèse de Nantes pendant la Révolution", par

M. l'abbé Briand (Nantes, Lanoë-Mazeau, 2 vol. in-8°, 1903 ; tome 18, pages 551-562).

C'est dans la paroisse de Gorges, au village des Beillards ou dans celui de la Heurnière, que naquit René Lévesque, prêtre vénérable qui fonda vers 1672, la communauté des prêtres de Saint-Clément-lez-Nantes, et mourut en 1707. Cette communauté, dite de Notre-Dame de Lorette, avait pour but l'instruction religieuse des campagnes au moyens de missions, et l'avancement spirituel du clergé au moyen de retraites ecclésiastiques. On choisissait toujours parmi ses membres le curé de Saint-Clément. Malheureusement, elle devint un foyer de jansénisme si ardent et si dangereux que l'on fut obligé, vers le milieu du XVIIIe siècle, de la dissoudre et de la remplacer par des Sulpiciens.

M. Lévesque fit encore l'établissement des Filles Pénitentes de Sainte-Madeleine, en la paroisse Saint-Léonard de Nantes. Il avait été nommé par le Bureau de Ville, le 5 mars 1651, principal du collège Saint-Jean ; mais ce collège fut fermé en 1652 et démoli en 165562.

située sur la rive gauche de l'Erdre. L'archidiaconé de la Mée se composait du climat Nantais (Guérande) et de la partie du climat de la Chrétienté, située sur la rive droite de l’Erdre. Les climats étaient formés de doyennés, avec lesquels ils se confondaient quelquefois. Le diocèse de Nantes contenait cinq doyennés : la ville de Nantes, la Trinité de Machecoul, Clisson (dont le siège tut transféré, vers la fin du XVII

e siècle, à Saint-Sébastien-d'Aigne, près de Nantes), la

Roche-Bernard, Châteaubriant. Les paroisses Saint-Nicolas et Saint-Similien de Nantes étaient dans l’archidiaconé de la Mée qui était limité par la Loire, l'Erdre, la Vilaine et la mer.

61 La chapelle de la Ganolière ou Gaignolière, en Gorges, était, en 1790, nouvellement reconstruite, et

à la présentation de M. Firmin de Vieux, Sgr

du Pin-Sauvage en Cugand, près de la Madeleine de

Clisson "Hist. de la par. de Gorges", p. 78. Antérieurement, la chapelle .de la Ganolière avait été

à la présentation de la famille Prévost, de laquelle les De Vieux tenaient le Pin-Sauvage et la Ganolière, par alliance et héritage. Le manoir de la Ganolière est aujourd'hui un village. Sa chapelle, transformée en grange, existe encore, et au-dessus de la porte, on remarque un écusson chargé d'un lion, sans doute celui des De Vieux. Dans le village, un logis présente des fenêtres à moulures du XV

e siècle et à meneaux trèfles. L'aveu de Clisson, du 7 février 1580

(Arch. de Nantes, série B) porte : "le Sgr

de la Gaignolière, à présent à René Prévost et damelle

Françoise Marrin, sa femme". 62

Travers, III, p. 345. Voir de très intéressants détails biographiques sur Claude de Fiesque, recteur de Gorges de 1610 à 1670, chanoine de N.-D. de Clisson en 1621 et 1644 (fils de Paul-Ernile de Fiesque, gentilhomme originaire de Gênes, et de Prégente de Beloczac, dame de la Sénardière en Gorges), dans "Un homme d’œuvres nantais au siècle de Louis XIV : Claude de Fiesque,

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Vieux logis de la Senardière, en Gorges : extérieur

Non loin de Gorges, on voit les restes de l'ancien manoir de la Senardière, centre d'une seigneurie importante63, qui se composent d'un vieux corps de logis à un seul étage ; le second étage menaçant ruines, dut être rasé pendant le XIXe siècle. Le rez-de-chaussée est en partie occupé par un large couloir ou passage charretier non voûté, ouvrant à l'Est sur la campagne, et à l'Ouest sur une cour intérieure, par deux grandes baies en arc brisé. Au-dessus, est une jolie petite fenêtre géminée, dont chaque moitié s'amortit en trèfle, et qui éclaire une salle haute. Au rez-de-chaussée, à droite du portail, en entrant, est percée une petite fenêtre rectangulaire grillée. La face Ouest du logis présente une fenêtre carrée à hauteur de l'étage, et, au Nord du couloir, une porte cintrée donnant sur la cour et dont le battant était fermé par un verrou extérieur. Sur cette face ressortent quatre corbeaux de pierre. A côté du grand couloir, il y avait un autre petit couloir pour les piétons, mais qui a été muré et dont la porte d'entrée, sur la façade Est, n'a plus qu'un jambage. La salle haute, éclairée par la fenêtre géminée, est chauffée par une vaste cheminée dont le manteau est orné, sur le bord, d'une série de huit rosaces polygonales à dessins géométriques, au milieu desquelles (et au centre du manteau) on distingue une fleur de lis. De chaque côté du manteau, dans le mur, est pratiquée une niche rectangulaire. La coupe polygonale de plusieurs des moulures garnissant les baies de ce bâtiment, indique le milieu du XVe siècle.

Au-dessous du vieux logis, coule un ruisseau qui formait un étang aujourd'hui desséché. Dans la maison moderne qui n'en est pas éloignée, on conserve un beau chartrier, contenant de nombreuses pièces des XIVe, XVe et XVIe siècles. A côté de cette maison, est un ancien colombier ou fuie en forme de tour ronde, et à une centaine de pas de là, au-dessus du ruisseau, se trouvent les restes d'une construction carrée, enduite intérieurement d'un ciment très dur, qu'on nomme la citerne et qui a probablement servi à loger provisoirement le quart de la vendange récoltée sur le domaine, portion due au propriétaire, en vertu du bail à devoir de quart en usage dans le pays.

Sur les confins de Gorges et de Monnières (mais dans cette dernière paroisse), s'élève encore le manoir des Mortiers qui, au XVe siècle, appartint à Jean Meschinot, dit le Banni de

liesse, auteur des "Lunettes des princes", à la fois poète et homme d'armes de la garde

ducale (Voir .Jean Meschinot, seigneur des Mortiers en Monnieres, sa vie et ses œuvres, par M. A. de la Borderie, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, n° de janvier-avril et de

recteur de Gorges", par M. l'abbé A. Bourdeaut, docteur en théologie, prêtre du diocèse de Nantes

63 La Sénardière passa des Beloczac aux de Fiesque, comme on l'a dit dans la note précédente. En

septembre 1649, Claude de Fiesque, recteur de Gorges, et son frère Julien, curé de Saint-Sulpice à Paris, vendirent la Sénardière et la Parentière à un de leurs cousins, Samuel d'Appelvoisin, vicomte de Fercé, huguenot, qui transmit la Sénardière à sa fille Marie, épouse de Charles Goyon, baron de Marcé, aussi huguenot. Ce dernier vivait en 1683, lors de la visite de l'archidiacre Binet (Cf. M. l'abbé Bourdeaut, op. cit.).

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mai-août 1895).

Vieux logis de la Senardière : salle du premier étage

Assez près des Mortiers, au village de la Brie, en Gorges, on a trouvé vers 1896 une vingtaine de statères d'or gaulois, du type poitevin, ayant au droit une tête, et au revers un cheval androcéphale, avec une main ouverte placée entre ses jambes. L'on sait que les monnaies dites des Namnètes, présentent entre les jambes du cheval androcéphale, un buste d'homme, les bras étendus.

Vue cavalière du château de la Courbejollière

Nous signalerons enfin au voyageur le très curieux château fortifié, entouré d'eaux vives, qui se trouve près du bourg de Saint-Lumine-de-Clisson, et que l'on peut visiter en faisant un petit détour avant de se rendre à Clisson. Nous voulons parler du château de la Courbejollière qui appartenait, au XVIe siècle, à la famille Perrin. Ce château fut pris vers le 26 septembre 1591 par les troupes du duc de Mercœur, et démantelé peu après (Travers, III, page 61). Il a été l'objet d'un bon mémoire avec gravures, publié par M. le M is de l'Estourbeillon dans le Bulletin du Congrès Archéologique de France, session de 1886, tenue

à Nantes.

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De Gorges à Clisson le trajet est fort court, une demi-lieue environ. En sortant de Gorges, à gauche de la route, on pourra visiter les restes du manoir de la Bastardière-sur-Sèvre, qui dominent la rive gauche de la Sèvre, en face des futaies et du parc de Loiselinière, situés sur l'autre rive. Le manoir de la Bastardière, aujourd'hui transformé en bâtiments de ferme, a dû être reconstruit entièrement tant au XVe qu'au XVIe siècle. L'on y voit encore, dans de vieux logis dont quelques parties sont abandonnées, trois belles cheminées de granit à moulures gothiques, et dans les dépendances, les débris d'un portique à colonnes, de la Renaissance, et une très jolie fuie circulaire, encore garnie, à l'intérieur, de ses boulins

ou trous carrés pour faire nicher les pigeons.

Cette seigneurie64, citée dès le XIe siècle, tire son nom de l'ancienne et puissante maison de Bastard65. Elle était encore à Jean Bastard en 1450, et resta aux descendants de ce seigneur jusqu'au XVIIe siècle ; elle passa alors successivement dans diverses mains66. La

"Généalogie de la maison de Bastard", par le vicomte Henri de Bastard d'Estang (Paris,

imprimerie Schneider, 1857, 2 vol. tirés. 100 exemplaires), est d'une extrême rareté ; mais tout ce qui a été écrit sur ce sujet est parfaitement résumé dans la "Bio-Bibliographie

bretonne" de M. de Kerviler.

Le château de la Bastardière perdit peu à peu, dans le cours des siècles, beaucoup de son importance, et devint un simple manoir, mais dont les vieilles murailles, vues de l'autre rive de la Sèvre, présentent un bel aspect.

la Bastardière, en Gorges : vue extérieure

Continuant son chemin, le voyageur trouvera bientôt, à sa droite, une croix de pierre, dite de Saint-Thomas, rappelant l'ancienne chapelle de Saint-Thomas, à laquelle nous avons déjà fait allusion, qui s'élevait jadis en ce lieu et dont les débris n'ont disparu qu'au début du

64

Il a existé une mesure agricole, dit arpent de la Bastardière, preuve de l'importance de la seigneurie 65

En 1040, Richer seigneur de la Bastardière, contribua avec Gui et Gaudin de Clisson, à la fondation du prieuré de Châteauceaux. Cette maison dont un membre accompagna Guillaume le Conquérant en Angleterre, et dont une branche est devenue anglaise depuis lors, a figuré au premier rang de la noblesse bretonne, du XI

e au XIV

e siècle, et s'est alliée au XIe siècle, avec la

maison de Clisson. Elle a possédé, aussi la seigneurie du Pellerin-sur-Loire. 66

"Dictionnaire des terres du comté Nantais", par M. E. de Cornulier.

Cour de la Bastardière, en Gorges

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siècle. A côté était, comme nous l'avons dit, le cimetière des pestiférés de Clisson.

Dans sa Visite de 1683 l'archidiacre Antoine Binet constata tristement que les revenus de

la chapelle Saint-Thomas avaient été usurpés par les seigneurs de la Senardière en Gorges, ce qui n'était pas surprenant, puisqu'en 1683 le seigneur de la Senardière était un certain baron de Marcé, huguenot67. L'on disait jadis dans le pays que le Grand-Logis près de Saint-Thomas, avait été anciennement occupé par des moines, et que cette chapelle était la première église paroissiale de Gorges. A côté, on voyait une inscription, gravée sur un rocher. Quoi qu'il en fût, Saint-Thomas était une chapelle très vénérée : un des chanoines de Notre-Dame de Clisson y allait célébrer la Messe le dimanche ; le clergé de Gorges y chantait les Vêpres de temps en temps, spécialement le jour de la première communion des enfants. Les habitants de quelques villages voisins avaient aussi le droit de se faire inhumer dans son cimetière68.

Peu après la croix de Saint-Thomas, la route traverse le village dit le Grand-Logis, souvenir du grand logis attenant jadis à la chapelle ; puis, laissant à gauche un coteau rocheux ainsi que le village et le pont moderne de Nidois69 jeté sur la Sèvre, passe devant l'auberge du Bœuf-Couronné, et enfin entre dans Clisson par le Bourg-Cornu70, agglomération de maisons qui fait partie du faubourg Saint-Jacques.

67

Charles Goyon, baron de Marcé, tenait la Sénardière de sa femme, Marie d'Appelvoisin. 68

Renseignements recueillis de la bouche des anciens du pays, vers 1850, par M. Perraud, de Clisson. Il y avait un prieuré de Saint-Thomas en Château-Thébaud.

69 Nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer ce nom dans de très anciens textes. On a quelquefois

écrit Nid-d'Ois, par un jeu de mots sur la forme Nidois ou Nidoy dont l'étymologie nous est

inconnue. Les aveux de Clisson, rendus en 1522 et 1544, portent "Nytdoaie", pour Nid-d'Oie. 70

Cette agglomération de maisons, à l'entrée du faubourg Saint-Jacques de Clisson, semble porter-le

nom d'un sénéchal de Clisson au XVIe siècle : Olivier Cornu, cité dans un mandement du roi Henri IV, du 29 mars 1594 (Archives de Nantes, registre B 64, folio 292 verso). La famille Cornu était fort ancienne dans le pays ; car en 1381, il y avait un lieu-dit la Croix-Cornu, en Gorges, vers

Loiselinière (Voir "Clisson et ses monuments" », page 433). Cette famille paraît avoir subsisté

jusqu'à la fin du XVIIIe siècle tout au moins, puisque dans une pétition de 1771 ("Clisson…", page

449), Mtre

Jacques-Louis Cornu des Guignardières est mentionné comme "ancien séneschal de

Clisson".