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1S106 Ann Pathol 2006 ; 26 : 1S98-1S109 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. L’évolution se fait vers des récidives cutanées dont la to- pographie est de plus en plus proximale. Une dissémina- tion métastatique survient chez 50 % des patients. Des localisations cutanées d’autres sarcomes sont parfois rencontrées. Ce peut être des tumeurs primiti- ves, provenant souvent de l’hypoderme : liposarcomes de tous types, myxofibrosarcomes, sarcomes indifféren- ciés pléomorphes « type histiocytofibrome malin », tu- meur maligne des gaines nerveuses chez un patient porteur d’une neurofibromatose de type 1, sarcome d’Ewing, rhabdomyosarcomes… Les tableaux cliniques sont variés, et le pathologiste méfiant aura soin, avant de proposer un diagnostic d’exception, de demander au clinicien de pratiquer des explorations complémentai- res afin de ne pas méconnaître des métastases cutanées d’un sarcome profond. Références [1] LeBoit P, Burg G, Weedon D, Sarasain A (Eds). World Health Organization Classification of Tumours. Pathology and genetics of skin tumours. IARC Press : Lyon 2006. [2] Fletcher CDM, Unni KK, Mertens (Eds). World Health Organi- zation Classification of Tumours. Pathology and genetics of tu- mours of soft tissue and bone. IARC Press : Lyon 2002. [3] Mirza B, Weedon D. Atypical fibroxanthoma : a clinicopatholo- gical study of 89 cases. Australas J Dermatol 2005 ; 46 : 235-8. [4] Miettinen M, Fetsch JF. Evaluation of biological potential of smooth muscle tumours. Histopathology 2006 ; 48 : 97-105. [5] Billings SD, McKenney JK, Folpe AL, Hardacre MC, Weiss SW. Cutaneous angiosarcoma following breast-conserving surgery and radiation. An analysis of 27 cases. Am J Surg Pathol 2004 ; 28 : 781-8. [6] Brenn T, Fletcher CDM. Postradiation vascular proliferations : an increasing problem. Histopathology 2006 ; 48 : 106-14. Comment classer un sarcome des membres, de la paroi du tronc et de la tête et du cou COINDRE JM Département de pathologie, Institut Bergonié, Bordeaux. Les sarcomes développés en région sous-cutanée ou profonde des membres, de la paroi du tronc et de la tê- te et du cou représentent la majorité des sarcomes des tissus mous de l’adulte (environ les 2/3 des cas) [1]. Tous les types histologiques de sarcomes peuvent se rencontrer dans ces régions et il convient donc de res- ter très ouvert sur le plan des hypothèses en s’aidant principalement de la fréquence relative des types histo- logiques observés en fonction de l’âge et de la localisa- tion. Ainsi, au niveau du pied et de la main, le synovia- losarcome, le sarcome à cellules claires et le sarcome épithélioïde sont des types fréquemment observés. Dans l’ensemble, les types histologiques les plus fré- quemment observés sont ici les liposarcomes bien diffé- renciés ou de type myxoïde, les léiomyosarcomes, les sarcomes peu différenciés de type histiocytofibrome malin ou fibrosarcome et les synovialosarcomes. Au ni- veau de la tête et du cou, les liposarcomes sont rares et les rhabdomyosarcomes relativement fréquents, le plus souvent de type embryonnaire ou alvéolaire. L’aspect histologique constitue l’élément d’orienta- tion majeure pour le diagnostic en montrant parfois une ligne de différenciation évidente comme dans le li- posarcome bien différencié ou dans les léiomyosarco- mes bien ou moyennement différenciés. L’aspect des cellules, leur agencement et la nature du stroma, sont des éléments d’orientation majeure permettant de défi- nir les groupes de sarcomes à cellules fusiformes, sarco- mes myxoïdes, sarcomes à cellules pléomorphes, etc. Devant un sarcome constitué de cellules monomorphes, rondes ou fusiformes, il conviendra systématiquement d’envisager le diagnostic de sarcomes avec transloca- tion et d’évoquer un liposarcome myxoïde devant un sarcome à prédominance myxoïde, un synovialosar- come devant un sarcome à cellules fusiformes ou ron- des, etc. Les sarcomes constitués de cellules à noyau atypique, assez souvent pléomorphe, correspondent en règle à des sarcomes à génomique complexe ou plus rarement à des liposarcomes dédifférenciés dans ces ré- gions. Dans cette catégorie, les types les plus fréquents sont le léiomyosarcome, le sarcome peu différencié de type histiocytofibrome malin et le myxofibrosarcome. Les liposarcomes Ils constituent les sarcomes les plus fréquents des membres. Ils sont en règle générale profonds, sous- aponévrotiques, sont souvent de grande taille et s’ob- servent chez l’adulte après 40 ans. La forme bien diffé- renciée, le plus souvent de type lipoma-like, peut-être difficile à distinguer d’un lipome remanié. Ce type de tumeur récidive volontiers localement mais n’a pas de potentiel métastatique. Le liposarcome myxoïde est fréquent en particulier au niveau de la cuisse. Son as- pect histologique est caractéristique et permet en de manière générale facilement le diagnostic. La recher- che d’une composante à cellules rondes est primordiale car sa présence implique un potentiel métastatique important. Le léiomyosarcome Il est souvent ici moins bien différencié qu’au niveau du rétropéritoine et sa distinction d’avec un sarcome peu différencié de type histiocytofibrome malin est par- fois difficile voire subjective. On s’aidera bien entendu de l’aspect morphologique (aspect des cellules et archi- tecture générale) et de l’immunohistochimie avec les anti-actine musculaire lisse alpha, desmine et caldes- mone. L’actine musculaire lisse alpha est assez souvent positive mais peu spécifique, tandis que la caldesmone,

Comment classer un sarcome des membres, de la paroi du tronc et de la tête et du cou

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1S106 A n n P a t h o l 2 0 0 6 ; 2 6 : 1 S 9 8 - 1 S 1 0 9

© 2 0 0 6 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

L’évolution se fait vers des récidives cutanées dont la to-pographie est de plus en plus proximale. Une dissémina-tion métastatique survient chez 50 % des patients.

Des localisations cutanées d’autres sarcomes sontparfois rencontrées. Ce peut être des tumeurs primiti-ves, provenant souvent de l’hypoderme : liposarcomesde tous types, myxofibrosarcomes, sarcomes indifféren-ciés pléomorphes « type histiocytofibrome malin », tu-meur maligne des gaines nerveuses chez un patientporteur d’une neurofibromatose de type 1, sarcomed’Ewing, rhabdomyosarcomes… Les tableaux cliniquessont variés, et le pathologiste méfiant aura soin, avantde proposer un diagnostic d’exception, de demander auclinicien de pratiquer des explorations complémentai-res afin de ne pas méconnaître des métastases cutanéesd’un sarcome profond.

Références

[1] LeBoit P, Burg G, Weedon D, Sarasain A (Eds). World HealthOrganization Classification of Tumours. Pathology and geneticsof skin tumours. IARC Press : Lyon 2006.

[2] Fletcher CDM, Unni KK, Mertens (Eds). World Health Organi-zation Classification of Tumours. Pathology and genetics of tu-mours of soft tissue and bone. IARC Press : Lyon 2002.

[3] Mirza B, Weedon D. Atypical fibroxanthoma : a clinicopatholo-gical study of 89 cases. Australas J Dermatol 2005 ; 46 : 235-8.

[4] Miettinen M, Fetsch JF. Evaluation of biological potential ofsmooth muscle tumours. Histopathology 2006 ; 48 : 97-105.

[5] Billings SD, McKenney JK, Folpe AL, Hardacre MC, Weiss SW.Cutaneous angiosarcoma following breast-conserving surgeryand radiation. An analysis of 27 cases. Am J Surg Pathol 2004 ;28 : 781-8.

[6] Brenn T, Fletcher CDM. Postradiation vascular proliferations :an increasing problem. Histopathology 2006 ; 48 : 106-14.

Comment classer un sarcome des membres, de la paroi du tronc et de la tête et du cou

COINDRE JM

Département de pathologie, Institut Bergonié, Bordeaux.

Les sarcomes développés en région sous-cutanée ouprofonde des membres, de la paroi du tronc et de la tê-te et du cou représentent la majorité des sarcomes destissus mous de l’adulte (environ les 2/3 des cas) [1].Tous les types histologiques de sarcomes peuvent serencontrer dans ces régions et il convient donc de res-ter très ouvert sur le plan des hypothèses en s’aidantprincipalement de la fréquence relative des types histo-logiques observés en fonction de l’âge et de la localisa-tion. Ainsi, au niveau du pied et de la main, le synovia-losarcome, le sarcome à cellules claires et le sarcomeépithélioïde sont des types fréquemment observés.Dans l’ensemble, les types histologiques les plus fré-quemment observés sont ici les liposarcomes bien diffé-renciés ou de type myxoïde, les léiomyosarcomes, lessarcomes peu différenciés de type histiocytofibromemalin ou fibrosarcome et les synovialosarcomes. Au ni-veau de la tête et du cou, les liposarcomes sont rares etles rhabdomyosarcomes relativement fréquents, le plussouvent de type embryonnaire ou alvéolaire.

L’aspect histologique constitue l’élément d’orienta-tion majeure pour le diagnostic en montrant parfoisune ligne de différenciation évidente comme dans le li-posarcome bien différencié ou dans les léiomyosarco-mes bien ou moyennement différenciés. L’aspect descellules, leur agencement et la nature du stroma, sontdes éléments d’orientation majeure permettant de défi-nir les groupes de sarcomes à cellules fusiformes, sarco-mes myxoïdes, sarcomes à cellules pléomorphes, etc.Devant un sarcome constitué de cellules monomorphes,rondes ou fusiformes, il conviendra systématiquementd’envisager le diagnostic de sarcomes avec transloca-tion et d’évoquer un liposarcome myxoïde devant unsarcome à prédominance myxoïde, un synovialosar-come devant un sarcome à cellules fusiformes ou ron-des, etc. Les sarcomes constitués de cellules à noyauatypique, assez souvent pléomorphe, correspondent en

règle à des sarcomes à génomique complexe ou plusrarement à des liposarcomes dédifférenciés dans ces ré-gions. Dans cette catégorie, les types les plus fréquentssont le léiomyosarcome, le sarcome peu différencié detype histiocytofibrome malin et le myxofibrosarcome.

Les liposarcomes

Ils constituent les sarcomes les plus fréquents desmembres. Ils sont en règle générale profonds, sous-aponévrotiques, sont souvent de grande taille et s’ob-servent chez l’adulte après 40 ans. La forme bien diffé-renciée, le plus souvent de type lipoma-like, peut-êtredifficile à distinguer d’un lipome remanié. Ce type detumeur récidive volontiers localement mais n’a pas depotentiel métastatique. Le liposarcome myxoïde estfréquent en particulier au niveau de la cuisse. Son as-pect histologique est caractéristique et permet en demanière générale facilement le diagnostic. La recher-che d’une composante à cellules rondes est primordialecar sa présence implique un potentiel métastatiqueimportant.

Le léiomyosarcome

Il est souvent ici moins bien différencié qu’au niveaudu rétropéritoine et sa distinction d’avec un sarcomepeu différencié de type histiocytofibrome malin est par-fois difficile voire subjective. On s’aidera bien entendude l’aspect morphologique (aspect des cellules et archi-tecture générale) et de l’immunohistochimie avec lesanti-actine musculaire lisse alpha, desmine et caldes-mone. L’actine musculaire lisse alpha est assez souventpositive mais peu spécifique, tandis que la caldesmone,

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© 2 0 0 6 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

A n n P a t h o l 2 0 0 6 ; 2 6 : 1 S 9 8 - 1 S 1 0 9

considérée comme spécifique d’une différenciationmusculaire lisse est modérément spécifique.

Le myxofibrosarcome

Il survient en règle en région sous-cutanée, le plussouvent au niveau de la jambe chez un sujet âgé. Sonaspect histologique est caractérisé par un fond myxoïdeavec une vascularisation riche constituée de capillairesarciformes à paroi épaissie et de cellules tumoralespléomorphes. Cet aspect morphologique n’est paspathognomonique et peut en fait s’observer dans dessarcomes musculaires ou des liposarcomes pléomor-phes. Le myxofibrosarcome a surtout un potentiel derécidive locale avec un potentiel métastatique relative-ment modéré.

Les sarcomes de type histiocytofibromes malins

Le plus souvent pléomorphe, ils doivent rester undiagnostic d’élimination et correspondent en fait dessarcomes indifférenciés après examen histologique at-tentif avec un échantillonnage suffisant, immunohisto-chimique permettant d’éliminer les principales lignesde différenciation, en particulier musculaire lisse, mus-culaire striée et adipeuse (liposarcome dédifférencié etliposarcome pléomorphe).

Les autres sarcomes à cellules pléomorphes sontplus rares, mais doivent être identifiés de manière ri-goureuse : rhabdomyosarcome pléomorphe identifiéprincipalement par la positivité pour la myogénine,liposarcome pléomorphe identifié par la présence delipoblastes en histologie conventionnelle.

Parmi les sarcomes à cellules pléomorphes et à géno-mique complexe (leiomyosarcomes, rhabdomyosarco-mes pléomorphes, liposarcomes pléomorphes et sarco-mes peu différenciés de type histiocytofibrome malin), ilest important d’identifier formellement ceux qui ont unedifférenciation musculaire lisse ou striée étant donné lamauvaise influence de ce caractère sur le pronostic [2].

Le synovialosarcome

Il s’observe classiquement chez l’adulte jeune, prèsdes grosses articulations des membres. En fait, ce typede sarcome peu s’observer dans des régions variées

comme la paroi du tronc , la tête, en région intra-thora-cique et dans différents viscères. Les formes monopha-siques fusocellulaires et peu différenciées à cellulesrondes sont les plus fréquentes et de diagnostic parfoisdifficile. L’immunohistochimie et surtout la biologiemoléculaire sont importants pour ce diagnostic.

D’autres sarcomes

Plus rares, ils méritent d’être soulignés du fait de leuraspect trompeur et de leur pronostic particulier. Le sar-come fibromyxoïde de bas grade est souvent pris pourune lésion bénigne. Il se caractérise par un fond fibro-myxoïde avec une composante fusocellulaire peu atypi-que mais disposée en faisceaux courts avec fréquentphénomène d’enroulement. Il existe une translocationspécifique qui aide au diagnostic. L’exérèse complèted’emblée permet d’assurer la guérison, tandis qu’untraitement local inapproprié conduit à des récidiveslocales itératives puis à des métastases. Le sarcome fi-broblastique myxoinflammatoire siège au niveau desportions distales des membres avec infiltration fré-quente des tendons et articulations. L’aspect histologi-que inflammatoire chronique est trompeur. Ce type detumeur récidive volontiers localement.

Le grade histopronostique constitue parmi ces sarco-mes une information importante pour évaluer le poten-tiel métastatique et donc décider d’un traitement adju-vant ou non [3].

Ce grade repose sur la différenciation, l’index mitoti-que et l’importance de la nécrose tumorale. Il ne doitêtre effectué qu’après la caractérisation histologiqueprécise du sarcome. En effet, ces deux paramètres secomplètent mutuellement.

Références

[1] Fletcher CDM, Unni KK, Mertens F. World Health Organisa-tion classification of tumours. Pathology and genetics of tumoursof soft tissue and bone. Lyon, IARC Press 2002.

[2] Fletcher CDM, Gustafson P, Rydholm A, Willen H, Akerman M.Clinicopathologic re-evaluation of 100 malignant fibrous histio-cytomas: prognostic relevance of subclassification. J Clin Oncol2001 ; 19 : 3045-50.

[3] Coindre JM, Terrier P, Guillou L, Le Doussal V, Collin F, Ran-chère D et al. Predictive value of grade for metastasis develop-ment in the main histologic types of adult soft tissue sarcomas. Astudy of 1240 patients from the French Federation of CancerCenter Sarcoma Group. Cancer 2001 ; 91 : 1-14.

Vers une classification moléculaire des sarcomes des tissus mous ?

COINDRE JM

Département de Pathologie, Institut Bergonié, Bordeaux

La classification histogénétique actuelle des sarco-mes des tissus mous est complexe [1] et peu reproduc-tible. Elle repose sur la mise en évidence d’une ligne de

différenciation (adipeuse, musculaire lisse, musculairestriée, …) identifiée sur des arguments histologiques et/ou immunohistochimiques.