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Cours du GOLF 2008 Autres cancers thoraciques Comment optimiser la radiothérapie dans le traitement des carcinomes bronchiques à petites cellules ? P. van Houtte, M. Roelandts Service de Radiothérapie, Institut Bordet, 121, boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles, Belgique. Correspondance : Service de Radiothérapie Institut Bordet, 121, boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles, Belgique. [email protected] 3S167 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 3S167-3S172 Doi : 10.1019/200720309 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Résumé Les progrès les plus importants réalisés dans le traitement des carci- nomes bronchiques à petites cellules au cours des dix dernières années ont été liés à la reconnaissance du rôle de l’irradiation thora- cique pour les formes limitées et de l’irradiation cérébrale prophy- lactique pour les patients en rémission complète. Comment optimiser l’intégration de la chimiothérapie et de la radiothérapie est l’objet du présent article. Actuellement, l’irradiation thoracique est administrée pendant les premiers cycles d’une chimiothérapie à base de cispla- tine et étoposide. La dose totale d’irradiation reste à définir et fait l’objet d’études prospectives. Quant à l’irradiation cérébrale prophy- lactique, elle est délivrée à dose modérée à la fin de la chimiothérapie. Sa place dans les maladies disséminées reste l’objet de discussions, malgré le bénéfice en termes de qualité de vie. Mots-clés : Carcinome bronchique à petites cellules • Radiothéra- pie thoracique • Irradiation cérébrale prophylactique. Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 3S167-3S172

Comment optimiser la radiothérapie dans le traitement des carcinomes bronchiques à petites cellules ?

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Cours du GOLF 2008

Autres cancers thoraciques

Comment optimiser la radiothérapiedans le traitement des carcinomesbronchiques à petites cellules ?

P. van Houtte, M. Roelandts

Service de Radiothérapie, Institut Bordet,121, boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles,Belgique.

Correspondance : Service de RadiothérapieInstitut Bordet,121, boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles,[email protected]

3S167Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 3S167-3S172Doi : 10.1019/200720309 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Résumé

Les progrès les plus importants réalisés dans le traitement des carci-nomes bronchiques à petites cellules au cours des dix dernièresannées ont été liés à la reconnaissance du rôle de l’irradiation thora-cique pour les formes limitées et de l’irradiation cérébrale prophy-lactique pour les patients en rémission complète. Comment optimiserl’intégration de la chimiothérapie et de la radiothérapie est l’objet duprésent article. Actuellement, l’irradiation thoracique est administréependant les premiers cycles d’une chimiothérapie à base de cispla-tine et étoposide. La dose totale d’irradiation reste à définir et faitl’objet d’études prospectives. Quant à l’irradiation cérébrale prophy-lactique, elle est délivrée à dose modérée à la fin de la chimiothérapie.Sa place dans les maladies disséminées reste l’objet de discussions,malgré le bénéfice en termes de qualité de vie.

Mots-clés : Carcinome bronchique à petites cellules • Radiothéra-pie thoracique • Irradiation cérébrale prophylactique.

Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 3S167-3S172

Other thoracic cancersHow to optimize radiotherapy in the managementof small cell lung cancer?P. van Houtte, M. Roelandts

Summary

The most important progress made during the last years in the man-agement of small cell lung cancer is certainly the recognition of theimpact of chest radiotherapy for limited disease and prophylactic cra-nial irradiation (PCI) for patients in complete response. How to opti-mize chemotherapy and radiotherapy is the topic of this paper. Thecurrent trend is to deliver thoracic radiation concurrently with the firstcycles of chemotherapy (cisplatine and etoposide). The total dose isstill not defined and the subject of phase III trials. PCI is delivered atthe end of the chemotherapy with moderate doses. The place of PCIin extensive disease is still debate even if there is a clear benefit inquality of life.

Key-words: Small cell lung cancer • Chest radiotherapy • Prophy-lactic cranial irradiation.

Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 3S167-3S172

[email protected]

P. van Houtte, M. Roelandts

3S168 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 3S167-3S172

Les carcinomes bronchiques à petites cellules (CPC) ontla réputation d’être radio et chimiosensibles. L’utilisation de lachimiothérapie a été le premier progrès réalisé dans le traite-ment de cette maladie. Au cours des quinze dernières années,les nouveaux gains sont liés à la mise en évidence du rôle del’irradiation thoracique pour les formes limitées et de l’irradia-tion cérébrale prophylactique pour les patients en rémissioncomplète. Aussi, dans le présent article, nous verrons commentoptimiser la radiothérapie et la chimiothérapie.

L’irradiation thoracique

De nombreux essais randomisés ont posé la question de laplace d’une irradiation thoracique pour des tumeurs au stadelimité. Les résultats ont été parfois contradictoires : certainesétudes ont trouvé un bénéfice, tandis que d’autres étaient néga-tives. La question a été résolue par deux méta-analyses qui ontdémontré un bénéfice modéré, mais significatif tant en termesde survie qu’en termes de contrôle local. L’analyse de Warde et

de Payne est basée sur les données publiées : l’analyse a montréune diminution du taux des récidives locales de 65 à 40 % quis’est traduite par un gain en survie à 2 ans de 16 à 22 % enfaveur de la combinaison [1]. Par contre, l’analyse de Pignon etcoll. a repris les données individuelles des 2 140 patients inclusdans 13 essais randomisés [2]. Les données ont été réactuali-sées pour cette étude : la survie à 3 ans est passée de 8,9 ± 0,9%pour la chimiothérapie à 14,3 ± 1,1% pour l’association radio-chimiothérapie.

Si ces deux méta-analyses ont clairement démontré unbénéfice modeste, mais certain en faveur de la combinaison,elles présentent aussi de nombreuses limitations : la plupart desessais inclus dans ces deux méta-analyses ont été conduits avantl’utilisation du cisplatine et de l’étoposide, deux agents très effi-caces qui peuvent être administrés simultanément à une irra-diation thoracique. De plus, ces différents essais n’ont encommun qu’une irradiation thoracique. Les agents chimiothé-rapiques utilisés, les paramètres de l’irradiation thoracique(dose, fractionnement, volume), la séquence, l’évaluation ini-tiale... étaient quelques-unes des variables. Les études plusrécentes ont montré de meilleurs résultats liés tant au progrèsdes traitements que des techniques de mise au point. Enfin,ces deux méta-analyses ne permettent pas de répondre auxquestions suivantes : la dose, le fractionnement, le volumed’irradiation, son timing, les agents chimiothérapiques...

La dose de radiothérapie

Les CPC ont été considérés initialement comme destumeurs très radiosensibles répondant rapidement aux irradia-tions et par conséquent les doses initialement utilisées étaientproches de celles employées pour les lymphomes. Malheureu-sement, une réponse ne se traduit pas nécessairement par uncontrôle local. Les récidives après des doses de 40 à 45 Gy sonttrès fréquentes : dans la revue de Choi, le contrôle local à2,5 ans est passé de 16 % après 30 Gy à 51 % pour 40 Gy et63% pour 50 Gy [3].

Le CPC présente des caractéristiques radiobiologiquesparticulièrement intéressantes : en culture cellulaire, les cellulesont une très faible capacité de réparation des lésions subléthalesradio-induites. Par ailleurs, cette tumeur est aussi caractériséepar une prolifération rapide. Ces deux observations suggèrentqu’une irradiation utilisant deux séances par jour à des dosesplus faibles et un raccourcissement de la durée du traitementpourraient être bénéfique. Après différents essais de phase II,un essai randomisé conduit par l’Intergroupe américain a com-paré une irradiation classique à une irradiation délivrant deuxséances par jour mais en raccourcissant aussi la durée totale dutraitement : une irradiation de 45 Gy en 5 semaines à raison de1,8 Gy par jour a été comparée à 45 Gy en 3 semaines à l’aidede deux séances de 1,5 Gy [4]. La chimiothérapie (cisplatineet étoposide) a été identique dans les deux bras. La toxicitéœsophagienne a été plus importante dans le groupe recevant

le traitement bifractionné. Par contre, les deux courbes de sur-vie divergent après 18 mois : les taux de survie à 2, 3 et 5 anssont passés respectivement de 40,8 %, 26,7 % et 20 % pourune séance par jour à 46,6 %, 31 % et 28 % pour deux séancespar jour. Le taux de rechute locale est tombé de 52 % à 36%.Cet essai confirme ainsi les résultats très prometteurs observéspar les études de phase II, mais il pose des problèmes concep-tuels pour le radiothérapeute liés au choix des doses. Si lesdoses totales sont physiquement équivalentes, les doses biolo-giques sont fort différentes : en effet, 45 Gy en 5 semaines cor-respond à une dose biologique voisine de 40 Gy et 45 Gy en3 semaines à une dose biologique voisine de 52 Gy.

Au cours des dernières années, différents essais de phase Iet II ont été conduits recherchant à augmenter la dose phy-sique ou biologique. Dans une étude de phase I, la dose maxi-male qui pouvait être délivrée en utilisant deux séances par jourétait voisine de 45 Gy : des doses supérieures étaient associéesà un taux inacceptable d’œsophagite de grade 3, voire 4 [5].Par contre, quand une séance par jour est délivrée, la dose peutêtre augmentée de 45 à 70 Gy. Le CALGB a testé le schémasuivant : une chimiothérapie d’induction par paclitaxel et topo-tecan suivie d’une radio-chimiothérapie associant trois cyclesde carboplatine et étoposide et 70 Gy [6]. Soixante-quinzepatients ont été traités. Le taux d’œsophagite de grade 3 et 4était de 21 %, la survie à 2 ans est de 48 % et 10 patients ontprésenté une rechute locale. Le RTOG a évalué un schéma ori-ginal d’irradiation visant à contrer le risque de repopulation enfin d’irradiation : pendant les 4 premières semaines, une seuleséance de 1,8 Gy est délivrée et pendant la 5e semaine, deuxséances de 1,8 Gy sont administrées à 6 heures d’intervalle [7].Ceci est associé à une chimiothérapie par cisplatine et étopo-side. La dose maximale tolérée en termes d’œsophagite est de61,2 Gy et la survie à 2 ans est particulièrement impression-nante : voisine de 70 %. Ces deux schémas sont actuellementévalués aux USA dans un essai de phase III, le bras de référenceétant le schéma bifractionné de Turrisi. En Europe, l’essaiConvert compare le schéma bifractionné de Turrisi à une irra-

diation classique de 66 Gy. L’irradiation commence au jour 21et est toujours associée à une chimiothérapie par cisplatine etétoposide.

Le timing

Quels sont les avantages respectifs d’une irradiation pré-coce et d’une irradiation tardive ? Une irradiation précoce per-met d’éviter d’induire des résistances cellulaires et traite lenoyau tumoral, évitant ainsi les risques d’une disséminationmétastatique au prix d’une moins bonne tolérance à lachimiothérapie ultérieure et de plus grands volumes d’irradia-tion. Par contre, une irradiation tardive permet d’administrerdes doses complètes de chimiothérapie, de pouvoir évaluer sonefficacité et en cas de réponse autorise une réduction desvolumes d’irradiation ; mais elle permet aussi le développementde clones cellulaires résistants à la chimiothérapie, risquantd’entraîner une repopulation. Cette question a été posée parsix essais randomisés donnant lieu à des résultats contradic-toires. Si l’essai de Murray est clairement en faveur d’une irra-diation précoce, par contre, l’essai conduit par Spiro utilisant lemême schéma ne met pas de différence en évidence entre lesdeux approches [8, 9]. Cette question a aussi été approchée pardifférentes méta-analyses utilisant ces essais et d’autres où unedes variables était le temps. Si uniquement les essais utilisantle cisplatine sont analysés, il existe une tendance à unemeilleure survie lors d’une administration précoce de la radio-thérapie [10, 11]. Une observation intéressante a été faite parSpiro : si la compliance à la chimiothérapie est similaire dansles deux bras, les essais sont en faveur d’une radiothérapie pré-coce [9] (tableau I). Or, dans bon nombre d’essais, les doses dechimiothérapie étaient diminuées lors des cycles suivant laradiothérapie. Ceci explique en partie la différence observéeentre les essais de Spiro et de Murray.

La tendance actuelle est de proposer une radiothérapieprécoce, c’est-à-dire pendant les deux premiers cycles dechimiothérapie. En cas de volume trop important, d’atélecta-

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Comment optimiser la radiothérapie dans le traitement des CBPC ?

3S169© 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Études Chimiothérapie compliance Survie à 3 ans

RT précoce RT tardive RT précoce RT tardive

Murray 83 % 84 % 23,7 % 21,5 %

Takada 86 % 88 % 23,7 % 18,3 %

Gregor 81 % 91 % 12 % 15 %

Work 52 % 72 % 13 % 13 %

Skarios 71 % 90 % 22 % 13 %

Spiro 69 % 80 % 22 % 31 %

Tableau I.

Compliance à la chimiothérapie et survie selon le moment de l’irradiation thoracique (adapté de la publication de Spiro et coll. [9]).

P. van Houtte, M. Roelandts

sie, de pneumopathie obstructive ou d’un patient fragile, il estparfois intéressant de ne la débuter qu’après deux cycles pourévaluer la réponse et la tolérance à la chimiothérapie, et adap-ter aussi les volumes d’irradiation.

Schémas de combinaison

de radio-chimiothérapie

Différentes combinaisons sont possibles : le schémaconcomitant, séquentiel ou alterné. L’avantage principal duschéma séquentiel est d’éviter toute interférence entre les deuxmodalités, mais la durée totale du traitement est nettementplus longue. Par contre, le schéma concomitant impliquel’administration simultanée de la chimiothérapie et de la radio-thérapie permettant de profiter des propriétés de radiosensibi-lisation de nombreuses drogues, mais le prix à payer est uneaugmentation de la toxicité aiguë, particulièrement de l’œso-phagite et de la myélosuppression. Le schéma alterné a été pro-posé pour garder une grande proximité temporelle entre lesdeux modalités et l’intervalle d’une semaine devrait permettrede réduire la toxicité. : dans ce schéma, la radiothérapie est déli-vrée en plusieurs séries interdigitées entre les cycles de chimio-thérapie. Ce schéma a été comparé à un schéma concomitantet séquentiel sans apporter de bénéfice (tableau II) [4, 12-15].

Le schéma concomitant a été évalué dans un essai rando-misé conduit au Japon : les patients étaient traités par une irra-diation précoce de 45 Gy en 3 semaines combinée à unechimiothérapie par cisplatine et étoposide ou par 4 cycles desmêmes agents suivis de l’irradiation thoracique : 231 patientsont été inclus dans l’étude. La survie à 5 ans était de 18 % pourle schéma séquentiel et de 24 % pour le schéma concomitant[15]. Actuellement, cette approche est préférée, car elle permetd’obtenir les meilleurs résultats en termes de survie.

Quelle chimiothérapie utiliser ?

Actuellement, le schéma classique combine une chimio-thérapie par cisplatine et étoposide à une irradiation. Ces deuxagents chimiothérapiques ont des propriétés de radiosensibili-sation sans augmenter les risques de complications pulmo-naires. Le seul problème est l’œsophagite. De plus, ils ont étédémontrés supérieurs à une chimiothérapie par épirubicine,cytoxan et vincristine dans l’essai norvégien [16]. Par ailleurs,tous les essais de phase II ajoutant une troisième drogue n’ontpas amélioré les résultats, mais augmenté la toxicité. Un essaide phase III de l’ECLWP a étudié le mode d’administration ducisplatine : une dose unique de cisplatine (90 mg/m2) ou uneadministration journalière de 6 mg/m2 avant chaque séanced’irradiation par analogie avec l’essai de l’EORTC conduitpour les carcinomes bronchiques non à petites cellules. Dansles deux bras, les patients recevaient aussi de l’étoposide et5 cycles de chimiothérapie après la radiothérapie. Aucune dif-férence n’a été observée entre les deux bras en termes de survieou de contrôle local [17, ASCO 2008]. Actuellement, les inhi-biteurs de la topoisomérase (topotécan et irinotécan) sont aussiétudiés.

Quel patient devrait bénéficier d’une irradiationthoracique ?

Dans les différents essais, les patients inclus présen-taient une maladie limitée. Néanmoins, la définition demaladie limitée varie selon les études et les définitions uti-lisées : la première définition est celle du Veteran Adminis-tration et correspond à une tumeur pulmonaire limitée authorax et qui peut être incluse dans un champ d’irradiation(à l’époque, selon les machines, la taille maximale deschamps d’irradiation disponibles variait de 15 x 15 cm à

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Essai n Timing RT dose Gy/F/sem Échec loc. % Survie %

Gregor [12] 169 Alt J49 50/20f sp 50,5 14 (3 ans)Seq J105 50 /20/4 sem 45,5 14

Lebeau [13] 156 C J30 50/20/5 sem 6 (3 ans)A J36 50/20 sp 11

Blackstock [14] 114 C J1 50/25/5 sem 18 (5 ans)A J8 50/20 sp 17

Takada [15] 228 C J2 45/30/3 sem b.i.d. 24 (5 ans)S J102 45/30/3 sem b.i.d. 18

Turrisi [4] 381 C J1 45 Gy/30/3 sem b.i.d. 42 26 (5 ans)C J1 45 Gy/25/5 sem 75 16

C : concomitant ; S : séquentiel ; A : alterné ; J : jour ; Sc : split course ; b.i.d. : 2 séances par jour.

Tableau II.

Essais randomisés testant différents schémas de radiothérapie et de chimiothérapie.

20 x 20 cm. La définition de l’IASLC comprend toutetumeur limitée à un hémithorax s’accompagnant d’adéno-pathies médiastinales ou sus-claviculaires bilatérales ou d’unépanchement pleural ou péricardique quelle que soit sanature. La banque de données de l’IASLC a permis de mon-trer que les patients présentant un épanchement pleuralnéoplasique avaient une espérance de vie intermédiaireentre les maladies limitées et disséminées [18]. Par contre,elle n’a pas permis de répondre à la question des adénopa-thies hétérolatérales médiastinales ou supraclaviculaires. Ledeuxième point important est de tenir compte du volumeà irradier : par exemple, une tumeur d’un lobe inférieurs’accompagnant d’une adénopathie susclaviculaire contro-latérale est difficilement irradiable à des doses adéquatessans risque de complications majeures.

Une autre question concerne les patients présentantune maladie disséminée oligométastatique. L’exempletypique est celle d’un patient présentant une tumeur pul-monaire avec un seul site métastatique et une réponse com-plète après chimiothérapie au niveau du site métastatique.En absence de données précises, une irradiation thoraciquepeut être envisagée, mais en tenant compte de l’extension dela tumeur primitive, de l’état général du patient et du degréd’atteinte du site métastatique : le jugement clinique resteindispensable.

L’irradiation cérébrale prophylactique (ICP)

Le concept de l’ICP a été introduit voici plus de trenteans par Heine Hansen dans le traitement des CPC par analo-gie avec la leucémie : le cerveau était considéré comme un sitesanctuaire, peu accessible aux agents chimiothérapiques. Denombreux essais randomisés ont été conduits et ont claire-ment montré que l’ICP réduisait les rechutes au niveau céré-bral, mais son impact en termes de survie a donné lieu à denombreuses controverses. La méta- analyse conduite parAupérin et coll. a repris les données individuelles des patientsinclus dans 7 essais randomisés totalisant plus de 900 patientset testant le rôle de l’ICP après une rémission complète [19].L’ICP diminuait de moitié les rechutes cérébrales et ceci se tra-duisait en un gain absolu en survie à 3 ans de 5,4 %. Cechiffre rappelle des données de D. Ball : dans une revue depatients qui n’ont pas eu d’ICP (1 202 patients), il observe untaux de 7 % de rechute isolée au niveau cérébral et de 9 % encas de rémission complète [20]. Les données actuelles suggè-rent que l’ICP diminue de moitié les rechutes cérébrales ; cecidevrait se traduire dès lors par un gain en survie voisin de 4à 5 %.

Compte tenu de ces données, l’ICP devrait être aujour-d’hui proposée à tous les patients en rémission complète, maisla méta-analyse n’a pas éliminé toutes les discussions. En fait,les sceptiques considèrent que ces études ont des biais de

méthodologie et que l’ICP expose les patients à des risquesneurologiques majeurs. Quels sont les biais méthodologiques ?Ces essais ont été conduits à une époque où l’évaluation céré-brale était réalisée à l’aide d’un scanner nettement moins sen-sible qu’une résonance magnétique, la définition d’uneréponse complète était fort variable d’une étude à l’autre etenfin, une surveillance par résonance magnétique permettraitde détecter précocement une récidive cérébrale. L’autre pro-blème est celui de la toxicité neurologique. Dans le passé, desétudes ont montré des complications neurologiques majeuresallant jusqu’à la démence. Ceci était lié certainement aux tech-niques de radiothérapie (doses importantes par séance), à lachimiothérapie (le méthotrexate), mais aussi à la maladie. Eneffet, de nombreuses études ont aussi montré que les patientsatteints de CPC présentaient des troubles neurologiques avanttout traitement. Les données récentes n’ont pas mis en évi-dence une augmentation significative des troubles neurolo-giques après ICP.

Les paramètres optimaux de l’ICP ne sont pas connus.Quelle est la dose ou le timing optimal ? Dans l’essai conduitpar A. Gregor, il semblait exister une relation entre la dosedélivrée et le taux de rechutes (les centres étaient autorisés àutiliser leurs propres schémas) [21]. Un large essai de phase IIIa été conduit comparant 25 Gy en 10 séances et 36 Gy en18 séances pour des patients en rémission complète. Les résul-tats viennent d’être présentés à l’ASCO et ne montrent aucunedifférence entre les deux doses d’irradiation [22]. Le timingoptimal n’est pas connu : probablement dès l’obtention d’uneréponse complète et sans chimiothérapie concomitante.

Un essai randomisé conduit par Slotman a testé le rôled’une ICP pour des patients atteints d’une maladie dissé-minée, mais non progressive sous chimiothérapie [23].L’ICP a diminué les métastases cérébrales de 41 à 17 % eta été associée à une amélioration de la survie à 1 an : de 13à 27 %. Les sceptiques considèrent que cet essai présentedes problèmes de méthodologie : aucune évaluation céré-brale n’a été réalisée avant l’ICP, les traitements en cas derechute étaient fort différents entre les deux bras : aprèsICP, 68 % des patients ont eu une chimiothérapie et seu-lement 45 % dans le bras contrôle en cas de progressionextracrânienne. De plus, en cas de rechute cérébrale dansle bras contrôle, seulement 35 des 59 patients ont eu uneirradiation cérébrale. Néanmoins, cet essai démontre quel’ICP apporte un bénéfice en termes de qualité de vie etune diminution des rechutes cérébrales avec leur cortège detroubles neurologiques.

En conclusion, l’irradiation thoracique pour les maladieslimitées et l’irradiation cérébrale prophylactique sont deuxcomposantes importantes du traitement des SCLC. Certainesquestions concernant les paramètres de la radiothérapie restenten suspens et font l’objet de nouvelles études pour essayerd’optimiser notre approche.

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P. van Houtte, M. Roelandts

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