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PI~DIATRIE GI~NI~RALE conduite b tenir devant une proteinurie A. MAY La plupart des affections renales s'ac- compagnent d'une proteinurie. La d~couverte d'une proteinurie doit conduire b une demarche minutieuse, parfois urgente, afin d'orienter le dia- gnostic etiologique et eventuellement engager une th~rapeutique. diagnostic positif ~ L existe une protSinurie physiologique chez l'en- fant. Elle peut atteindre des valeurs assez impor- tantes au cours des premiers jours de vie. Ainsi, chez le nouveau-n~ elle est estim~e ~ 500 rag~1 dont un tiers d'albumine, mais rapidement avant un mois de vie elle va atteindre 50 mg/1. Ensuite, cette protSinurie physiologique va augmenter tr~s progressivement avec l'~ge en valeur absolue pour A. MAY, Polyclinique, d~partement de p6diatrie, h6pital de Bic~tre, 94275 Le Kremlin-Bic~tre. atteindre en moyenne 80 mg/24 h vers l'adoles- cence. Cette protSinurie est plus importante en position debout que couchde (ce pourcentage ne dSpassant pas 50 %). Enfin, elle prSsente un carac- tSre non s61ectif avec une part importante de pro- t6ine d'origine r~nale, non retrouv~e darts le plasma. La d6tection de la protSinurie repose sur les papiers rSactifs au bleu de t~trabromoph6nol (Albustix| Ils doivent 8tre utilisSs sur des urines fra~ches, ils sont sensibles et fiables mais ils ont leurs limites. Ils ne dStectent les prot~inuries que pour des taux de 0,10 ~i 0,15 g/1. Dans une urine dilute, ce seuil de d~tection est augmentS. La cota- tion de la protSinurie par ces bandelettes n'est que tr~s approximative et ne suffit jamais pour apprScier une situation. Enfin, il existe aussi des faux positifs sur des urines trSs alcalines au pH supSrieur ou 6gal ~t 8,5, sur des urines vieillies ou infect&s. Si, en pra- tique courante, ces papiers r~actifs sont tr~s utiles, ils doivent 8tre syst6matiquement compl6tSs par le dosage quantitatif de la protSinurie sur 24 heures. De nombreuses mSthodes peuvent 8tre utilisSes pour le dosage de la protSinurie. Ceci permet d'ex- pliquer, pour les prot6inuries importantes supE- rieures ~ 3 g/l, la variation des taux parfois considS- Comite de lecture Article re(~u le 28/8/92. Accept~ le 9/9/92. Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n~8-1992 463

Conduite à tenir devant une protéinurie

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PI~DIATRIE GI~NI~RALE

c o n d u i t e b teni r d e v a n t une prote inur ie A. M A Y

La plupart des affections renales s'ac- compagnent d'une proteinurie. La d~couverte d'une proteinurie doit conduire b une demarche minutieuse, parfois urgente, afin d'orienter le dia- gnostic etiologique et eventuellement engager une th~rapeutique.

diagnostic positif

~ L existe une protSinurie physiologique chez l'en- fant. Elle peut atteindre des valeurs assez impor- tantes au cours des premiers jours de vie. Ainsi, chez le nouveau-n~ elle est estim~e ~ 500 rag~1

dont un tiers d 'a lbumine, mais rapidement avant un mois de vie elle va atteindre 50 mg/1. Ensuite, cette protSinurie physiologique va augmenter tr~s progressivement avec l'~ge en valeur absolue pour

A. MAY, Polyclinique, d~partement de p6diatrie, h6pital de Bic~tre, 94275 Le Kremlin-Bic~tre.

at te indre en moyenne 80 m g / 2 4 h vers l 'adoles- cence. Cet te protSinurie est plus impor tan te en posi t ion debout que couchde (ce pourcentage ne dSpassant pas 50 %). Enfin, elle prSsente un carac- tSre non s61ectif avec une part importante de pro- t6ine d'origine r~nale, non retrouv~e darts le plasma.

La d6tec t ion de la pro tSinur ie repose sur les pap ie r s rSactifs au b leu de t ~ t r a b r o m o p h 6 n o l (Albustix| Ils doivent 8tre utilisSs sur des urines fra~ches, ils sont sensibles et fiables mais ils ont leurs limites. Ils ne dStectent les prot~inuries que pour des taux de 0,10 ~i 0,15 g/1. Dans une urine dilute, ce seuil de d~tection est augmentS. La cota- tion de la protSinurie par ces bandelettes n'est que tr~s approximative et ne suffit jamais pour apprScier une situation. Enfin, il existe aussi des faux positifs sur des urines trSs alcalines au p H supSrieur ou 6gal ~t 8,5, sur des urines vieillies ou infect&s. Si, en pra- tique courante, ces papiers r~actifs sont tr~s utiles, ils doivent 8tre syst6matiquement compl6tSs par le dosage quanti tat i f de la protSinurie sur 24 heures.

De nombreuses mSthodes peuvent 8tre utilisSes pour le dosage de la protSinurie. Ceci permet d'ex- pliquer, pour les prot6inuries impor tantes supE- rieures ~ 3 g/l, la variation des taux parfois considS-

Comite de lecture Article re(~u le 28/8/92. Accept~ le 9/9/92.

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rable sur un mSme &hantillon d'urine suivant les laboratoires. Avec ces m&hodes, il existe aussi des faux positifs. En pratique courante, il s'agit essen- tiellement des situations d'h4maturies macrosco- piques d'origine non r~nale qui s'accompagnent de fausses protSinuries. Au cours des h~maturies d'ori- gine rdnale, l'estimation de la protdinurie peut par- fois &re difficile, eUe peut &re appr&i& indirecte- ment par le dosage de l'albumindmie. Au cours des h6maturies ob l'origine r6nale n'est pas ~vidente, on peut alors s'aider du dosage de la microalbuminutie d&el& par m&hode immunologique dont la pr& sence permet d'affirmer l'origine glom&ulaire de l'hSmaturie.

On peut identifier facilement la nature des pro- tdines urinaires par diff~rentes m&hodes d'dlectro- phor~se. La plus fiable est celle sur gel de polyacry- lamide suivie d'une coloration par l'amidoschwartz. Cette mSthode permet d'appr&ier le caract~re plus ou moins sdlectif d'une prot~inurie d'origine glo- m&ulaire. Une prot8inurie est s61ective si prSdomi- nent des prot4ines de pet i ts poids mol~culaires (albumine, transferrine) par rapport aux prot4ines plus volumineuses (IgG). Cette s41ectivit8 est esti- mde par l'index de Cameron (1). Pour une valeur inf&ieure ~i 0,1, la prot~inurie est dite s~lective avec

" a priori des ldsions glom&ulaires minimes ; pour des valeurs plus ~lev6es, les l&ions glom&ulaires sont plus marqu&s. L'81ectrophor~se des prot4ines urinaires permet aussi d'identifier certains compo- sants en particulier ceux d'origine tubulaire (or 2 et ~2 microglobuline...). En pratique, on prSf~re effec- tuer un dosage plus prScis de la ~2 microglobinurie par Kit Phod4bas | La concentration moyenne est de 0,28 mg/1 chez le nouveau-nd et 0,05 mg/l chez le grand enfant.

diagnostic etiologique

L'interrogatoire peut dSj~t orienter le diagnostic &iologique. I1 recherche tout particuliSrement des ~16ments orientant vers une ndphropathie familiale (protSinurie, hSmaturie, surditd, insuffisance r4nale voire dialyse). Dans les ant8cddents de l'enfant, il est toujours intdressant de retrouver la notion d'ab- sence de prot~inurie lots d'un examen systSmatique ant&ieur. I1 peut exister des an t&4dents uro- logiques ou d'infections urinaires parfois n~gligds. I1 faut aussi mettre en dvidence un facteur d&len- chant ayant prdcSdd la d~couverte de la prot4inurie : 6pisode infectieux, rappel de vaccination, prise m~dicamenteuse.

Comme souvent en ndphrologie p~diatrique, l'examen clinique est assez pauvre, il dolt &re nSan- moins soigneux et complet : reconstitution de la

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courbe de croissance et recherche d'une prise pond& rale rdcente, syndrome oedSmateux, prise de la ten- sion art&idle aux deux bras et palpation des pouls. Paral l~lement , un bi lan b io log ique ini t ial est demand4 : prot~inurie des 24 heures, 41ectrophor~se des prot~ines sanguines, ionogramme sanguin et urinaire, clearance de la cr&tinine, ECBU, compte d~Addis, NFS, CRP, fibrinog6ne, C3, C4, CHSO, ASLO et &hographie r~nale.

Au terme de ce bilan, plusieurs situations peu- vent se prSsenter. Tout le probl~me est de mettre en ~vidence les situations d'urgence, celles n&essitant un avis nSphrologique et un complSment d'explora- tion.

On opp6sera les prot4inuries labiles et celles qui sont permanentes.

Une prot6inurie labile dolt gtre systdmatiquement glirni- nge. Elle est tout particulRrement &oquge si la prot~inurie est isolge.

Protginurie orthostatique

Certains enfants ont une excr&ion urinaire pro- tSique anormale en position debout. I1 s'agit d'une prot6inurie inf6rieure ~ 1 g/24 heures, en g6n&al. Elle apparait le plus souvent pendant la p6riode pubertaire chez des sujets longilignes, ~ croissance rapide, ayant une tendance ~i l 'hypotension et ~i l 'acrocyanose. Elle dispara~t en g6n&al apr~s quelques ann&s (7). Le m&anisme de cette prot6i- nurie est probablement d'ordre h6modynamique avec augmentation de la pression veineuse r6nale et/ou lymphatique en orthostatisme. Le diagnostic repose sur les dosages urinaires effectu6s de fagon rigoureuse : urines recueillies en position couch6e la nuit apr~s avoir fait 6vacuer la vessie apr~s les deux premieres heures de d&ubitus ~i comparer ~ celles recueillies en position debout ~i diverses heures de la journ&.

Protginurie fonctionnelle

Elle correspond ~i une augmentation notable et transitoire de la protSinurie physiologique dans cer- taines circonstances comme Fhyperthermie, Feffort prolong~ mais aussi l'exposition au froid, le stress 8motionnel, l ' insuffisance cardiaque congestive, l 'hypertension ar t&idle ~i chiffres tr~s ~levds, au d&ours imm6diat de certaines levSes d'obstacle uri- naire. La frSquence de ce type de protSinurie est probablement sous-estimde puisque dans une &ude chez des adultes ~t leur admission ~i l'h6pital, 10 % pr&entaient une protdinurie transitoire se r&olvant dans les 10 jours (6).

La protdinurie est le plus souvent permanente.

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proteinurie d'origine glomerula i re

Plusieurs classifications des n@hropathies glo- m&ulaires peuvent &re propos&s. Celles-ci peu- vent ~tre clinico-biologiques et dvolutives, pathog& niques ou histopathologiques. Si tous ces crit~res sont valables, aucun n'est suffisant pour ddfinir ~t lui seul une n@hropathie glom&ulaire (3).

En pratique, une premiere classification sera faite en fonction de la clinique et de la biologic initiale. L'atteinte glom&ulaire se traduit par une prot~inu- rie, plus ou moins h6maturie. L'association, selon plusieurs variantes de ces signes, permet de ddfinir un certain nombre de syndromes qui permettront une premiere approche, en particulier th&apeu- tique. Chacun expose ~t des risques propres pouvant n&essiter pour certains une prise en charge en urgence.

Situations symptomat iques

Syndrome ndphrotique (SN)

I1 est dSfini par une hypoprotid~mie avec hypo- albumin~mie inf&ieure ~ 25 g/1 secondaire ~ une p ro t~ inu r i e i m p o r t a n t e d @ a s s a n t tou jours 50 mg/kg/24 h (sup&ieure 7t 250 mg/kg/24 h dans la moitid des cas). Cette diminution de la pression oncotique du plasma est responsable de la rStention hydrosod& qui accompagne le SN. Son diagnostic n&essite la raise en route immediate d'un traite- ment symptomatique reposant sur le rSgime sans sel. La restriction hydrique est rarement n&essaire moins d'oed~mes particuli~rement importants avec hyponatr$mie. La prevention des thromboses repose sur l'absence d'immobilisation et le maintien d'une vol6mie normale (l'utilisation des diurStiques dolt &re toujours prudente, car ils peuvent entra~ner des d@l&ions sod&s brutales avec collapsus favorisant les thromboses). En cas d'infection, l'antibiotMra- pie doit &re facile.

Syndrome ngphritique aigu

I1 est caract&isd par l'apparition brutale d'une prot4inurie plus ou moins abondante, d'une hdma- turie micro- ou macroscopique (urine bouillon sale), d'oed~mes qui pr6dominent dans les premiers jours au visage et aux membres sup&ieurs, d'une hyper- tension art~rielle pr~sente dans la moiti~ des cas et d'une insuffisance rdnale dans les deux tiers des cas avec diminution de la diur~se voire anurie. Le dia- gnostic est dvident si le tableau classique est present au complet ; toutefois, ces diff&ents sympt6mes surviennent volontiers de mani~re isol~e : une pro- t~inurie ou une hSmaturie, des oed~mes ou des dou- leurs abdominales. C'est ~i la phase initiale que cer- taines manifestat ions peuvent met t re en jeu le

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pronostic immSdiat et n~cessitent une prise en charge th&apeutique adaptde. Dans une situation d'oligoanurie, il faut pr4venir la surcharge hydro- sod~e, l'hyperkali6mie, et l'acidose. D'autres com- plications secondaires fi la surcharge hydrosod~e peuvent &re r~vdlatrices du syndrome n@hritique aigu n&essitant un traitement en urgence : &at de mal convulsif, HTA, oed~me aigu du poumon. Ces complications sont des indications fi la dialyse p~ri- ton~ale.

Syndrome de glomgrulongphrite rapidement progressive

H e u r e u s e m e n t rare, c 'es t une des grandes urgences n@hrologiques. I1 associe une prot~inurie plus ou moins abondante mais souvent mod&&, une h~maturie micro- ou macroscopique et une insuffisance r~nale d'installation rdcente, d'aggrava- tion rapide. La tension art&idle est normale ou peu ~levSe. I1 existe souvent une altSration de l'dtat g4n4ral. Ce syndrome est, dans la majorit~ des cas, le tSmoin d'une microangdite rSnale qui peut abou- tir, en quelques jours ou semaines, ~i une insuffi- sance r6nale terminale irreversible. La suspicion d'un tel diagnostic doit conduire ~i l'hospitalisation en urgence en n@hrologie p~diatrique. En effet, la mise en route d'un traitement rapide peut enrayer bien souvent l'~volution.

Syndrome de protginurie isolge (+ hgmaturie)

Mais ~ chaque syndrome ne correspond pas un diagnos- tic histopathologique, encore moins Etiologique.

Atteintes primitives

Ngphrose

C'est une des maladies rSnales les plus frSquentes de l'enfant. Elle repr&ente environ 80 % des SN. La symptomatologie se r~sume ~t l'existence d'un SN avec un ensemble de sympt6mes secondaires cette importante fuite protidique. Dans 70 % des cas, rile dSbute entre 1 S 6 ans. Si le SN ne s'accom- pagne le plus souvent ni d*Mmaturie, ni d'HTA, ni d'insuffisance r~nale, c'est en fait par rapport ~ la r@onse au traitement cortico~'de qu'il va ~tre d~fini. La disparition de la prot$inurie apr~s corticoth&a- pie confirme le diagnostic de n@hrose. I1 n'est pas alors n&essaire de pratiquer de ponction biopsie r6nale (PBR). Si celle-ci &ait pratiqu6e, elle mon- trerait, le plus souvent, des l$sions glom&ulaires minimes (LGM). Plus rarement, peuvent &re asso- ciSes ?t ses LGM une proliferation m&angiale dif- fuse ou des lSsions glomSrulaires segmentaires et focales. Les indications de la PBR sont : un ~ge inhabituel au dSbut de la maladie (avant un an ou pendant l'adolescence), une corticor~sistance, c'est-

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~i-dire persistance de la prot6inurie apr~s 4 ~ 5 semaines de prednisone ~i la dose de 60 mg/m 2 en deux prises quotidiennes renforc$ au d&ours par 3 shots de m&hylprednisolone de 1 g pour 1,73 m 2 (2). Une &ude histologique peut &re enfin discutde en situation de corticod~pendance avant mise en route d'un traitement immunosuppresseur. L'index de s~lectivitd de la prot~inurie est intdressant pour apprdcier le pronostic d'une ndphrose d~butante. Un index sup&ieur ~i 0,15 peut faire craindre une corticor~sistance et un moins bon pronostic.

Glomgrulongphrites aigugs infectieuses (GNA )

Si la GNA a ~t6 une des maladies glom~rulaires les plus frSquentes de l'enfant, son diagnostic est beaucoup plus rare en France, depuis la mise en route facile d~un traitement antibiotique chez Pen- fant f~brile. Elle se r&~le habituellement par un syn- drome n~phritique, une ~i trois semaines apr~s une infection, le plus souvent focale. Du point de vue histologique, il existe une prolif&ation des cellules endo-capillaires et des d~p6ts coniques sur le versant dpith~lial de la membrane basale glomSrulaire, d~p6ts fixant le sSrum anti C3. I1 s'agit, le plus sou- vent, d'une infection streptococcique mais d'autres germes peuvent ~tre responsables. L'abaissement du CH50 et du C3 sont d'excellents signes en faveur d'une GNA. Ces anomalies sont pr&entes dans 90 ~i 100 % des cas mais elles doivent &re recherch4es au d~but de la maladie car elles so*it transitoires.

Le pronostic est le plus souvent excellent et dans la forme typique de l 'enfant avec une 4volution rapidement favorable, l 'dtude his tologique est inutile. En revanche, elle devient imp&ative devant un tableau atypique, ou en l'absence de la gu~rison habituelle. En effet, il existe des formes sdv~res avec cliniquement une oligoanurie de plus d'une semaine ou une prot4inurie impor tan te avec syndrome n6phrotique. I1 faut alors ~voquer d'autres maladies glom&ulaires pouvant d4buter avec un tableau assez proche apparemment aigu : une GN membrano- prolif&ative, une maladie de Berger, un syndrome d'Alport voire une GN extramembraneuse. C'est alors l'histologie qui redressera le diagnostic.

Maladie de Berger et ngphropathie du purpura rhumato~de

C'est une maladie glom6rulaire fr~quente se caract~risant par des dSp6ts m&angiaux d'IgA. Elle repr~sente 10 % des n4phropathies glom&ulaires de l'enfant. Son diagnostic est habituellement ~voqu~ devant un tableau d'h4maturies macroscopiques r~cidivantes. La prot6inurie est le plus souvent minime. Les 414ments cliniques de gravit~ condui- sant ~ l'indication de la PBR et au traitement sont une prot6inurie permanente progressivement crois-

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sante, supSrieure ~ 1 ou 2 g/24 h, un syndrome n8phrotique et une insuffisance rSnale.

GN membrano-prolifgratives, GN ~ croissants diffus ou les GN ~ AC anti-membrane basale glomgrulaire

Ce sont des maladies glomdrulaires rares, s~v}res dont le diagnostic repose sur l 'histologie. Leurs expressions cliniques sont trSs variables. La prot~i- nurie est prat iquement constante plus ou moins importante, elles se pr~sentent le plus souvent avec un tableau de GN rapidement progressif n&essitant un transfert rapide en nSphrologie pSdiatrique afin de pratiquer une PBR qui affirme le diagnostic. Si la plupart de ces n6phropathies sont primitives, cer- taines surviennent dans un contexte de maladie g8n8rale. L*histologie peut orienter vers certaines &iologies.

Syndrome hCmolytique et urgmique ( S HU )

I1 est secondaire ~i des ldsions glomdrulaires de microangiopathie thrombotique. Au cours de son 6volution, une prot~inurie avec h~maturie est constante. Dans la forme habituelle anurique, elle est abondante au moment de la reprise de la diu- rSse. Dans certaines formes de SHU, oiigoanurique ou ?i diur~se conserv6e, la protdinurie et l'hSmaturie peuvent rdvSler la maladie donnant un tableau de GNA plus ou moins sdvSre. I1 est important dans ces situations trompeuses de rechercher les manifes- tations hSmatologiques ?i savoir, l'an~mie h4moly- tique avec ces schizocytes et la thrombopSnie.

N~phropathies secondaires

I1 serait natureliement fastidieux de faire ici une revue exhaustive de toutes les pathologies pouvant &re responsables d'une prot~inurie. Nous citerons donc les plus frdquentes.

LEAD

Ltat te inte r~nale est une des manifes ta t ions majeures du lupus &yth~mateux aigu diss~min~ (LEAD) en raison de sa frdquence et de son caract~re de gravitY. Des signes cliniques d~atteinte r~nale s'observent chez 40 ~ 75 % des malades. La biopsie r~nale montre des anomalies dans 95 % des cas. M~me si l'atteinte rSnale est rarement une des pre- mitres manifestations de la maladie, elle peut rapi- dement dominer ce tableau. C'est souligner l'impor- tance de la recherche d'anticorps antinucl~aires devant un SN atypique de l'enfant.

Vascularites

La plupart s'accompagnent d'une atteinte r~nale qui sera ~ rechercher. Bien souvent, c'est celle-ci qui

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domine le tableau. I1 faut y penser tout particuliSre- ment devant un tableau de G N rapidement pro- gressive. I1 impose la biopsie rdnale en rapide, per- met tan t , dans la majori t4 des cas, un diagnostic ddfinitif, indispensable avant la mise en route d 'un traitement en urgence.

Arthrite chronique juvenile

Une prot~inurie apparaissant au cours de son 6vo- l u t i o n do i t faire d i s cu t e r une amylose ou une atteinte rSnale mSdicamenteuse.

Au cours d'une affection hgpatique

Une prot~inurie peut compliquer de nombreuses m a l a d i e s h 6 p a t i q u e s . Une G N e x t r a m e m b r a - neuse(GNEM) peut compliquer un portage chro- nique du virus de l'h~patite B. C'est de loin le pre- mier d iagnos t i c ~i 4voquer devan t une G N E M . Certaines G N membrano-prolif~ratives sont aussi secondaires ~ ce virus. Au cours du syndrome d'Ala- gille, Fatteinte r6nale est fr~quente, une prot~inurie peut appara~tre t raduisant l 'existence de 16sions glom&ulaires.

Au cours d'une affection maligne

Un syndrome n6phrotique peut r6v61er ou com- pliquer une maladie de Hodgkin ou une leucSmie.

Le s y n d r o m e de Drash associe un nSphro- blastome, un pseudodermaphrodisme masculin et un syndrome n6phrotique 6voluant rapidement vers l ' insuf f i sance r~nale avec un aspect de scl&ose mdsangiale glom~rulaire diffuse.

Au cours d'une infection virale

Une at teinte r6nale a 6t6 d&rite, associ6e ?i de nombreux virus, mais leur frdquence est rare en dehors du virus de l 'hSpati te B, de I 'EBV et du HIV. Les mani fes ta t ions r6nales au cours d 'une pr imo- infec t ion ~t EBV sont estim6es entre 0 et 13 % selon les s&ies. Elles se traduisent le plus sou- vent par une prot~inurie et/ou hSmaturie minime transitoire mais de v&itables tableaux de G N A ou SN ont 8t8 dScrits (5). Au cours d 'une infection par le HIV, une prot~inurie doi t rSguliSrement &re recherchSe. II semble qu'il existe une atteinte glo- mSrulaire sp4cifique possible. Elle est un 818ment de mauvais pronostic au cours de cette maladie (8).

Au cours de certaines maladies hgrgditaires

Les principales sont les maladies de surcharge, le syndrome de Laurence Moon Biedl Bardet, le syn- drome dqmerslund.

Au cours de la p remie re ann4e de vie

La d&ouver te pr&oce au cours de la premiere

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PI~DIATRIE GI~NI~RALE

annie de vie d 'une prot~inurie ou d 'un syndrome n~phrotique n'est pas fr6quente (4).

La PBR est bien souvent indispensable pour affir- mer un diagnostic 6tiologique :

- le syndrome n~phrotique de type finlandais est une maladie familiale ~i d6but antenatal. En dehors de son d~but pr&oce, il est caract&istique par son intensit~ et par la s~v&it~ de ses complications ;

- la scl~rose mdsangiale qui doit faire rechercher un syndrome de Drash ;

- la ndphrose, souvent familiale, parfois ~i d~but antdnatal. Elle est le plus souvent corticor&istante. Son diagnostic est toujours histologique ;

- une GNEM doit faire rechercher une syphilis cong4nitale ou une h~patite ~i virus B ;

- une toxoplasmose cong6nitale.

proteinurie d'origine tubulaire

Une prot6inurie tubulaire est g~n&alement peu importante , ne d~passant pas 1 g voire 2 g/24 h. Elle est consti tute de ~2-microglobuline, de lyso- zyme de cha~ne l~g~re d ' immunoglobuline. L'albu - mine ne d6passe pas 20 % du total. Elle est li& un d~faut de r~absorption tubulaire des prot~ines plasmatiques de faible poids mol&ulaire qui, apr~s avoir ~t6 filtr~es par le g lom&ule , sont normale- ment r~absorb~es par le tube contourn~ proximal.

Le diagnostic de prot6inurie tubulaire ~voqu6, il faut rechercher syst~matiquement une atteinte des autres fonctions tubulaires, tout part iculi~rement celle du tube contourn~ proximal. Au maximum, il peut s'agir d 'un syndrome de Toni-Debr6-Fanconi. On recherche une fuite potassique et sod6e, une gly- cosurie avec glyc6mie normale, une acidose m&abo- l ique par trouble de la r6absorption des bicarbo- nates, une calciurie sup&ieure ~ 4 mg/kg/24 h, un trouble de la r~absorption des phosphates avec un taux de r~absorption des phosphates effondrd, enfin une augmentation de la clearance de Facide urique.

Les causes des prot~inuries tubulaires sont mul- tiples et nous en ~num~rons les principales :

- les maladies m&aboliques avec la cystinose, t ab leau le plus t y p i q u e de s y n d r o m e de Toni- Debr&Franconi mais aussi lqntol&ance au fructose, la glycog~nose h~pator~nale, la tyros in~mie , la maladie de Wilson et la galactos6mie ;

- le rachitisme peut daccompagner d 'une hyper- aminoacidurie et d 'une fuite de bicarbonates ainsi que Fhyperparathyro~'die ;

- une n~phropathie tubulo-interstitielle aigu~ ; - une souffrance r~nale anoxique off la prot~inu-

rie est le plus souvent transitoire et isol& ; - une py~londphr i te ob la d~couver te d 'une

microglobinurie confirme l 'at teinte infectieuse du parenchyme ;

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PF:DIATRIE GI~NI~RALE

- certaines intoxications par les m~taux ou les m~dicaments ;

- ddficit possible de l 'oxydation du pyruvate (recherche d'une acidose tissulaire associ4e).

conclus ion

Poser le diagnostic de prot~inurie correspond bien souvent ~i aborder l'ensemble de la ndphrologie p~diatrique.

Si le diagnostic &iologique est parfois ~vident, s'int~grant dans un contexte ~vocateur, il est parfois plus difficile, m~me avec l'aide des examens biolo- giques orientant simplement vers une prot~inurie glom&ulaire ou tubulaire.

Dans ces si tuations difficiles, il est toujours important d'41iminer avec certitude une pathologie familiale apr~s avoir demand~ une recherche de pro- t4inurie h Pentourage du malade. La persistance d'une prot~inurie glom6rulaire au-del~i de 6 mois- i an doit conduire ~ la PBR avec ~tude du fragment biopsique en microscopie optique, ~lectronique et immunofluorescence. �9

B i b l i o g r a p h i e

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468 Journal de PEDIATRIE et de PUERICULTURE n ~ 8-1992