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Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 497-9 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 497 Séminaire FMC Conduite à tenir devant une suspicion de cas sporadique de grippe aviaire P. Bossi 1 , L.-J. Couderc 2 La réémergence du virus H5N1, en 2003, initialement décrit à Hong-Kong en 1997, son extension sous forme d’épi- zooties dans 64 pays, sa possible transmissibilité de l’oiseau à l’homme, et surtout son fort pouvoir pathogène humain (327 cas rapportés dans 12 pays fin août 2007 avec 199 décès (61 %)) ont alerté les pouvoirs publics, qui ont souhaité anti- ciper une éventuelle pandémie grippale [1-3]. En effet, la capacité de mutation de ce virus et son aptitude à se recombiner avec un virus saisonnier apparaissent importantes. Un tel virus muté, capable de s’adapter à l’homme dépourvu de toute immunité à son égard, serait capable de s’y répliquer. De ce fait, le risque de transmission interhumaine est impor- tant et pourrait être responsable d’une pandémie. Actuellement nous sommes en situation dite de veille « prépandémique » et jusqu’à preuve du contraire, tout patient présentant des signes cliniques évocateurs de grippe (fièvre, myalgies, arthralgies, toux, dyspnée…) depuis moins de sept jours et chez lequel on a la notion d’une exposition à une source de H5N1 doit être considéré comme cas possi- ble et être hospitalisé dans un service référent (fig. 1). La notion d’exposition repose principalement sur : 1) des contacts prolongés, répétés et à moins d’un mètre avec des oiseaux vivants ou morts ou leurs fientes, dans un pays ou une zone où le virus H5N1 a été identifié ou du moins dans lequel des décès massifs d’oiseaux ont été signalés ; 2) des contacts très proches et répétés avec un cas humain confirmé de grippe H5N1 ou fortement suspecté (détresse respiratoire aiguë sévère ou décès inexpliqués) dans des pays avec cas humains rapportés ; ou 3) une exposition professionnelle avec des prélèvements biologiques, d’origine animale ou humaine, infectés ou présumés infectés par le virus H5N1. De même, tout sujet présentant un critère qui au cours de toute pneumonie devrait faire proposer une admission en réanimation doit y être admis sans délai (signes de détresse respiratoire, troubles de la vigilance, état de choc…). La pré- sence d’une comorbidité (pulmonaire, cardiaque, rénale…) nécessite un renforcement de l’attention du médecin à la recherche de signes de gravité présents ou à venir. 1 Département de Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital Pitié- Salpêtrière, Paris, France. 2 Service de Pneumologie, Hôpital Foch, Suresnes, France. Correspondance : P. Bossi Département de Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, Cedex 13. [email protected]

Conduite à tenir devant une suspicion de cas sporadique de grippe aviaire

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Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 497-9 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

497

Séminaire FMC

Conduite à tenir devant une suspicion de cas sporadique de grippe aviaire

P. Bossi

1

, L.-J. Couderc

2

L

a réémergence du virus H5N1, en 2003, initialementdécrit à Hong-Kong en 1997, son extension sous forme d’épi-zooties dans 64 pays, sa possible transmissibilité de l’oiseau àl’homme, et surtout son fort pouvoir pathogène humain(327 cas rapportés dans 12 pays fin août 2007 avec 199 décès(61 %)) ont alerté les pouvoirs publics, qui ont souhaité anti-ciper une éventuelle pandémie grippale [1-3]. En effet, lacapacité de mutation de ce virus et son aptitude à serecombiner avec un virus saisonnier apparaissent importantes.Un tel virus muté, capable de s’adapter à l’homme dépourvude toute immunité à son égard, serait capable de s’y répliquer.De ce fait, le risque de transmission interhumaine est impor-tant et pourrait être responsable d’une pandémie.

Actuellement nous sommes en situation dite de veille« prépandémique » et jusqu’à preuve du contraire, toutpatient présentant des signes cliniques évocateurs de grippe(fièvre, myalgies, arthralgies, toux, dyspnée…) depuis moinsde sept jours et chez lequel on a la notion d’une expositionà une source de H5N1 doit être considéré comme cas possi-ble et être hospitalisé dans un service référent (

fig. 1

). Lanotion d’exposition repose principalement sur : 1) descontacts prolongés, répétés et à moins d’un mètre avec desoiseaux vivants ou morts ou leurs fientes, dans un pays ouune zone où le virus H5N1 a été identifié ou du moins danslequel des décès massifs d’oiseaux ont été signalés ; 2) descontacts très proches et répétés avec un cas humain confirméde grippe H5N1 ou fortement suspecté (détresse respiratoireaiguë sévère ou décès inexpliqués) dans des pays avec cashumains rapportés ; ou 3) une exposition professionnelleavec des prélèvements biologiques, d’origine animale ouhumaine, infectés ou présumés infectés par le virus H5N1.De même, tout sujet présentant un critère qui au cours detoute pneumonie devrait faire proposer une admission enréanimation doit y être admis sans délai (signes de détresserespiratoire, troubles de la vigilance, état de choc…). La pré-sence d’une comorbidité (pulmonaire, cardiaque, rénale…)nécessite un renforcement de l’attention du médecin à larecherche de signes de gravité présents ou à venir.

1 Département de Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France.2 Service de Pneumologie, Hôpital Foch, Suresnes, France.

Correspondance : P. BossiDépartement de Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital Pitié-Salpêtrière,47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, Cedex 13.

[email protected]

P. Bossi, L.-J. Couderc

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Ainsi, tout médecin consulté par un patient suspectdoit contacter sans délai le centre 15 (SAMU) qui, en fonc-tion des signes cliniques et de l’exposition du patient,décide si ce dernier répond ou non à la définition d’un caspossible, avec l’aide au besoin de l’Institut National deVeille Sanitaire. Lorsqu’un patient présente l’ensemble descritères, il est alors transporté par un véhicule du SAMUvers un centre référent. Dans les centres référents, toutpatient suspect d’être possiblement infecté doit être hospi-talisé en chambre seule en isolement respiratoire strict,porte et système d’aération fermé. Le personnel médicaldoit porter un masque de protection respiratoire de typeFFP2 et avoir une hygiène stricte des mains. Le port delunettes de protection et d’une surblouse est recommandéen cas d’exposition aux sécrétions respiratoires. Il apparaîtimportant de porter des gants à usage unique en cas d’expo-sition aux liquides biologiques et pour tout contact avec lepatient. Celui-ci doit porter un masque chirurgical lorsquele personnel entre dans la chambre ou lors de ses déplace-ments hors de la chambre (déplacements limités à des indi-cations médicales indispensables). Il doit avoir recourssystématiquement à des mouchoirs à usage unique et selaver fréquemment les mains au savon doux. Ses visites sontréduites au strict minimum.

Les prélèvements biologiques sanguins « standards »effectués avec les précautions habituelles, doivent être limi-tés au strict minimum. Les prélèvements naso-pharyngésréalisés par un médecin ou une infirmière ayant revêtuune tenue « infection émergente hautement contagieuse »(blouse, gants, coiffe, lunettes de protection et masqueFFP2), avec un kit de prélèvement viral spécifique, sonttransportés en triple emballage conforme aux normes pres-crites par l’ONU (IATA 6.2) vers le service de virologie ducentre référent (tests diagnostiques rapides, RT-PCR) ou leCNR pour confirmation diagnostique d’un virus H5N1.Les déchets sont conditionnés dans les emballages réservésaux risques infectieux et sont incinérés. En cas de décèsd’un patient dont le diagnostic a été confirmé, la mise enbière doit être immédiate en cercueil hermétique, le corpsétant placé dans une housse qui ne doit en aucun cas êtreouverte.

La décision de mise sous traitement antiviral (inhibi-teurs de la neuraminidase) à visée curative chez les casconfirmés est du ressort du clinicien référent. Ce traite-ment est à prescrire le plutôt possible. Pour les contactsde cas confirmés n’ayant pas partagé l’exposition, il n’y apas lieu, en l’absence de documentation actuelle de toutetransmission interhumaine, de recommander une chimio-

Fig. 1.

Éléments de prise en charge médicale d’un cas possible.

Patient en ville, ou service non

référent

Contact centre 15 qui organise

– transport vers hôpital référent

– APRES CONTACT médecin référent

Hospitalisation

Patient venant de sa propre initiative

aux urgences d’un hôpital référent

Service hospitalier référent

Mesures de protection des soignants (FFP2, lavage des mains,lunettes si exposition proche, gants…)

Examen clinique

Radiographie thorax

Examens biologiques standard

Prélèvements virologiques naso-pharyngés

CAS POSSIBLE

Masque chirurgical

Surveillance

Résultats virologiques

Prescription antiviraux

Résultat virologiquepositif = casCONFIRMÉ

Isolement chambre individuelleIsolement respiratoire avec masque chirurgical pour le patientDéplacements limités au maximumLavage des mainsMouchoirs jetables

Déclaration DDASS

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prophylaxie antivirale. Pour les sujets ayant partagé uneexposition avec un cas, la pertinence d’une prophylaxieantivirale, dépend essentiellement du délai écoulé depuisl’exposition (pas d’efficacité si délai supérieur à 48 heuresdepuis l’exposition).

En cas d’hospitalisation d’un sujet suspect d’être infectépar le virus H5N1, une déclaration aux différentes structuresde surveillance doit impérativement être faite.

Références

1 Site Organisation Mondiale de la Santé (OMS) grippe aviaire: http://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/en/index.html

2 Site Organisation Mondiale Santé Animale (OIE) grippe aviaire : http://www.oie.int/fr/fr_index.htm

3 Plan Nationale de Prévention et de Lutte « Pandémie grippale », du9 janvier 2007. http://www.sante.gouv.fr