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Conjoncture N° 920 - Novembre 2010 -

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DOSSIER

La démarche de recherche et d’ex-ploitation de l’information dans le but d’en retirer un avantage écono-mique est très ancienne - commer-çants vénitiens, explorateurs - mais le concept moderne de l’intelligence économique ne date que d’une quinzaine d’années.Apparue aux Etats-Unis, l’intelli-gence économique s’est imposée rapidement dans les plus grandes entreprises à travers le monde mais peine à trouver sa place dans les PME où le concept est souvent per-çu, à tort, comme abstrait et inac-cessible.L’acception anglo-saxonne du terme d’« intelligence » à comprendre dans le sens de connaissance appro-

fondie, l’apparition récente de la dé-marche, la confusion avec l’espion-nage économique, expliquent sans doute en partie la diffi culté d’ap-propriation par les plus petites or-ganisations. La prépondérance des PME dans notre tissu économique et l’internationalisation de la concur-rence à laquelle elles doivent faire face militent cependant en faveur d’une sensibilisation de l’ensemble des entreprises à la démarche d’in-telligence économique. Et malgré une première impulsion forte, la dé-marche a du mal à trouver sa place dans les entreprises.La veille, dans un premier temps, se défi nit comme la collecte d’infor-mations en vue de leur analyse et

L’intelligence économique suppose la mise en place d’un processus de gestion et de protection de l’information. La gestion de l’information - organisa-tion de la rareté de l’information, orientation du sens de l’information, travail d’infl uence - illustre le caractère offensif de la démarche d’intelligence économique.

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Les défi s de l’intelligence économique au Maroc

Dossier réalisé par Rachid [email protected]

La prépondérance des PME dans le tissu économique marocain et l’internationa-lisation de la concurrence à laquelle elles doivent faire face, militent en faveur d’une sensibilisation de l’ensemble des entreprises marocaines à la démarche d’intelligence économique.

Les défi s de l’intelligence économique au MarocInterview de Salaheddine Mezouar, ministre de l’Economie et des fi nancesLe rôle du Comité de veille stratégiqueEntretien avec Mohamed Benabid, administrateur à l’AMIE L’innovation stratégique, un défi pour l’entrepriseInterview avec Abdelmalek Alaoui, fondateur du cabinet Global Intelligence PartnersInterview avec Fathia Bennis, PDG de MaroclearLes entreprises marocaines face à la veille stratégique Un regard universitaire sur l’intelligence économique

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L’intelligence économique est l’en-semble des activités coordonnées de collecte, de traitement et de dif-fusion de l’information utile aux ac-teurs économiques auquel on peut ajouter les actions d’infl uence et de notoriété. Elle s’oppose à l’espion-nage économique et/ou industriel car elle se développe ouvertement et utilise uniquement des sources et moyens légaux. Elle se conçoit dans un esprit d’éthique et de déontolo-gie par rapport à des structures d’au-torité en premier lieu celles des Etats (souveraineté).

Intelligence économique

La veille stratégique peut-être défi nie comme la collecte et le traitement de l’information par une structure spé-cialisée au sein de l’entreprise. Ces informations concernent l’environ-nement informationnel et multisec-toriel qui impacte la décision straté-gique de l’entreprise.

Veille stratégique

L’espionnage économique vise le commerce, par opposition à celui, plus habituel, qui vise la sécurité na-tionale. Il peut être effectué par un gouvernement ou une entreprise pri-vée. C’est le complément de l’intelli-gence économique dont les moyens sont légaux. Les méthodes particu-lières ainsi qu’illégales de l’espion-nage économique incluent les pots-de-vin, le chantage, la surveillance électronique et parfois même la vio-lence.

Espionnage économique

de leur diffusion au sein de l’entre-prise. Il s’agit de recueillir de l’infor-mation « blanche » pour la mettre à disposition de l’ensemble des décideurs de l’organisation. L’in-formation dite blanche qualifi e une information publique et accessible, ne faisant l’objet d’aucune sécuri-sation particulière et se distingue de l’information « grise » qui ne fait pas l’objet de publicité et que l’on trouve de manière indirecte ou dé-tournée mais légale et de l’informa-tion « noire » qui fait l’objet, elle, d’une haute sécurisation et relève de l’espionnage industriel.

Nouvel ordre économique mondialMais l’intelligence économique va bien au-delà de ce premier savoir-faire analytique car elle suppose en outre la mise en place d’un proces-sus de gestion et de protection de l’information. La gestion de l’infor-mation - organisation de la rareté de l’information, orientation du sens de l’information, travail d’in-fl uence - illustre le caractère offen-sif de la démarche d’intelligence économique alors que la protection du patrimoine informationnel et le processus de sécurité économique constituent la face défensive de cette même démarche. C’est la complémentarité des démarches offensives et défensives qui permet à l’intelligence économique de sur-passer les possibilités de la veille et de devenir une arme effi cace de l’organisation pour faire face aux nouveaux défi s. Depuis la fi n de la

guerre froide, en 1991, on assiste à une globalisation des marchés et à l’émergence d’une situation d’af-frontements économiques mon-diaux dont les protagonistes sont à la fois les blocs économiques supranationaux, les États et les entreprises. Il en résulte un dur-cissement de la concurrence alors même que la création de valeur des entreprises repose de plus en plus sur la conquête de marchés au-delà de leurs frontières. A une économie de production a succédé une écono-mie de marchés.Dans le même temps, les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Infor-mation et de la Communication), is-sues du mariage de l’informatique, de l’électronique, des télécommu-nications et de l’audiovisuel, ont révolutionné l’accès à l’informa-tion. Internet permet aujourd’hui

d’accéder à 10 milliards de données entraînant une baisse constante du coût de l’information primaire (brute et directement disponible).L’émergence de l’intelligence éco-nomique accompagne donc la convergence des situations nou-velles de guerre économique et d’explosion de l’information. L’in-formation devenue ressource stra-tégique pour les acteurs publics et privés, la diffi culté n’est plus de l’obtenir mais de la gérer et de la protéger car ce sont ces deux di-mensions qui en font un avantage compétitif et qui font de l’intelli-gence économique un outil straté-gique indispensable.

DOSSIER

Les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), issues du mariage de l’in-formatique, de l’électronique, des télécommunications et de l’audiovisuel, ont révolutionné l’accès à l’information.

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La DEPF compte une centaine de cadres qui animent ce département stra-tégique. Il faut savoir pour la petite histoire que c’est la direction dont le taux d’encadrement est parmi les plus élevés au sein du ministère. Cette direction colle à la réalité économique en permanence. Des notes de conjoncture sont rédigées mensuellement, des tableaux de bord ainsi que des documents de travail qui traitent des études et des réfl exions sur des aspects qui corroborent les préoccupations du ministère. La DEPF compte deux divisions support (division de l’Information avec une base de données « Manar » qui compte prés de 14 000 séries statistiques ouverte au grand public, et une division de la Modélisation avec des modèles macro-éco-nomiques et d’autres sectoriels) et quatre divisions métiers avec comme principales prérogatives l’accompagnement du projet de loi de Finances, le pilotage des prévisions fi nancières et le cadrage macroéconomique, l’éva-luation des politiques publiques, l’analyse économique ou encore le suivi permanant de l’environnement national et international. Parmi les réfl exions les plus récentes à la DEPF, une série d’études affé-rente au développement régional et la contribution des régions à la créa-tion des richesses.

Organisation de la DEPF

DOSSIER

Conjoncture : Qu’en est-il de l’intel-ligence économique et de la veille stratégique au sein de votre minis-tère ? Salaheddine Mezouar : L’attitude du ministère avec la mise en place d’un Comité de veille stratégique (CVS) démontre l’intérêt majeur ac-cordé à l’intelligence économique et à la veille stratégique au sein du ministère. L’objet du CVS est de mettre en place des mécanismes de concertation et de réactivité vis-à-vis de la crise écono-mique et fi nancière internationale et de constituer une force de proposition pour le gouvernement en pré-conisant des mesures de soutien né-cessaires aux secteurs vulnérables à la crise. Cet instrument a connu un réel succès et son bilan est très positif. Le ministère des Finances compte également dans son orga-nigramme la Direction des Etudes et des prévisions fi nancières (DEPF) qui a comme principale prérogative d’éclairer le ministère en matière de politique économique à travers des études, des réfl exions et des moyens de prévisions. Tout ceci pour dire que la culture de veille est ancrée dans le ministère.

Un mot sur l’environnement qui en-toure les préparatifs de la loi de Fi-nances. Intelligence économique et veille stratégique constituent-ils un levier décisionnel ? Dans le cadre d’un projet de loi de Finances (PLF), c’est la Direction du Budget qui est en charge de pilo-ter les discussions avec les autres départements ministériels, mais le contexte et les grandes lignes de la future loi de Finances émane d’une large concertation et contribution de l’ensemble des directions du minis-

tère, chacune selon ses attributions, pour convenir au cadre général qui sous-tend cette loi de fi nance et res-ter conforme aux grandes orienta-tions stratégiques qui fi gurent dans les discours de Sa Majesté et dans le plan d’action gouvernemental. Les préparatifs du PLF est un travail complémentaire et transversal qui

ne se prépare pas en un mois. C’est un pro-cessus continu. Au ministère, c’est en amont que l’intelli-gence économique et la veille stratégique se situent avec la mise en place du sys-tème d’information adéquat et la large concertation entre les différentes direc-

tions, des pré-requis majeurs pour un exercice d’intelligence écono-mique.

En clair, l’élaboration de la loi de Fi-nances a des pré-requis comme la mise en place de cellules de veille stratégique dynamique ?

Les préparatifs de la loi de Finances constituent, un moment fort pour le ministère qui développe de jour en jour son attitude d’intelligence économique. Le travail en groupe et la concertation sont les pivots de l’intelligence économique et de la veille stratégique. La philosophie et la devise au ministère de l’Economie et des fi nances est que la compé-tence est individuelle mais l’intelli-gence est collective.

‘‘ La compétence est individuelle mais l’intelligence est collective ‘‘Interview de Salaheddine Mezouar, ministre de l’Economie et des fi nances.

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‘‘ Les préparatifs de la loi de Finances consti-tuent, un moment fort pour le ministère qui développe de jour en jour son attitude d’intelligence écono-mique’’.

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DOSSIER

Le Comité de veille stratégique est présidé par le ministre de l’Econo-mie et des Finances, Salaheddine Mezouar. Il compte dans ses rangs le wali de la Banque du Maroc, Ab-dellatif Jouhari, Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, Yassir Zenagui, ministre du Tourisme et de l’Ar-tisanat, Ahmed Reda Chami, mi-nistre du Commerce et de l’Indus-trie et des Nouvelles Technologies, Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques et générales, le Se-crétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Intérieur, ainsi que les repré-sentants des différents départe-ments ministériels. Pour le secteur privé y siège Oth-mane Benjelloun, président du GPBM et Pdg de la BMCE, Mo-hamed Horani, président de la CGEM ainsi que les présidents de l’AMITH, de l’AMICA et de la Fédé-ration du Tourisme.

Composition du Comité

donnant un contenu régional, en as-surant un partage et un suivi parte-narial et régulier de l’évaluation de la situation économique », indique-t-on au ministère de l’Economie et des fi -nances. Au ministère de tutelle, on ajoute que cela passe aussi par le dévelop-pement des capacités de proposition et de travail concerté sur les théma-tiques qui peuvent améliorer signifi -cativement la qualité des ressources humaines, la productivité et la com-pétitivité du tissu productif, dans le cadre de l’opérationnalisation active des politiques publiques dédiées aux différents secteurs et à travers une coordination soutenue des efforts à déployer.

Depuis sa mise en place, le Comité de veille stratégique a retenu un cer-tain nombre de mesures ayant pour principaux objectifs de préserver les postes d’emploi et de renforcer la compétitivité des secteurs touchés. Ces mesures s’ar-ticulent autour de quatre volets : volet social, volet fi nancier, volet commercial et vo-let formation. La présentation du dispositif de monitoring relatif à l’évolution des conjonctures sectorielles a confi rmé l’atténuation du rythme des baisses au niveau de l’ensemble des secteurs concernés (industrie, tourisme, OCP et transferts des MRE), toutefois, le maintien du cap sur les réformes structurelles en vue d’un meilleur position-nement post- crise de-meure la priorité. Des comités sectoriels composés de représen-tants du secteur public et privé, ont été égale-ment mis en place afi n de renforcer les capa-cités de proposition, d’opérationnalisation et de suivi, en coordi-nation avec le Comité de veille stratégique.

Une veille stratégique au service de l’économieEn faveur du secteur touristique ma-rocain, un plan d’action « CAP 2009 » a été mis en place, doté d’une enve-loppe de 100 millions de dirhams. En outre, en mai 2009, un montant sup-plémentaire de 300 millions de di-rhams a été alloué au renforcement de la promotion touristique, destiné

en particulier à la ville de Marrakech et à l’appui au tourisme intérieur. Les MRE ont pu également bénéfi -cier de mesures telles qu’une baisse de 50 % de la commission de change appliquée à l’ensemble des transac-

tions avec l’exté-rieur. Parallèlement au suivi des secteurs directement tou-chés par la crise, le Comité de veille stratégique a dé-cidé d’accorder de

l’importance aux secteurs porteurs de croissance pour optimiser les conditions de création de richesse et d’emploi dans ces secteurs. A ce titre, le Comité s’est intéressé aux secteurs de l’immobilier et de la pêche.

Aujourd’hui, le Comité de veille stratégique a décidé de s’orien-ter vers un meilleur ciblage des mesures et accorder un intérêt plus soutenu aux thé-matiques aussi bien sectorielles que trans-versales. « Le Comité restera mobilisé pour assurer la meilleure vigilance pour la sau-vegarde du potentiel de croissance du pays et de l’emploi et pour

tirer profi t des opportunités offertes par la période post-crise, en optimi-sant l’ancrage économique du pays à l’international, en boostant les moteurs de l’export et en favorisant la dynamique des secteurs liés à la demande intérieure. Ceci est réali-sable, moyennant un affi nement des systèmes d’information, de veille et d’évaluation notamment en leur

Le rôle du Comité de veille stratégiqueC’est le 4 février 2009, au lendemain de la crise fi nancière internationale, qu’un Comité de veille stratégique (CVS) a été mis en place par le gouvernement. Dans le cadre de ses prérogatives, il est chargé de suivre la situation économique et d’apporter des mesures de soutien, le cas échéant, aux secteurs les plus exposés à la crise économique mondiale comme le textile ou l’automobile.

Le comité de veille stratégique a décidé d’accorder de l’impor-tance aux secteurs porteurs de crois-sance afi n d’optimi-ser les conditions de création de richesse et d’emploi dans ces secteurs.

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Conjoncture : Peut-on parler de mo-dèles « standards » en matière de veille stratégique et / ou d’intelli-gence économique ?Mohamed Benabid : je commence-rai par démystifi er une idée reçue, à savoir que la veille ou l’IE seraient de la «génération spontanée». Toute en-treprise fait ou a fait quelque part de la veille ou de l’IE, probablement sans s’en rendre compte ou alors de ma-nière traditionnelle. Mais il y a des gi-sements d’amélioration en les forma-lisant ou en les greffant sur les best practices. Il y a incontestablement un cadre normatif, incontournable dans tout processus de veille ou d’IE. Pour autant, la manière avec laquelle l’entreprise marocaine, chinoise, ou américaine, évalue les forces et fai-blesses de la concurrence, aborde les marchés mondiaux n’est sans doute pas la même. Sans parler de modèle, il y a un savoir-faire marocain sur le-quel il faut capitaliser. Je dirais qu’il y a une facilité dans notre pays, et elle est historique, à réseauter, à créer des communautés d’affaires ou d’infor-mations. A se débrouiller tout court. Et s’il y a une alchimie à faire ressortir, elle n’est pas éloi-gnée de ce péri-mètre là. Cette alchimie prend appui sur l’élément humain. La plus grossière erreur, c’est de considérer que l’IE se résume à une affaire de logiciels ou à l’algorithme d’un moteur de recherche.

Qu’est-ce qui a « boosté » la mise en place de la veille stratégique et de l’IE ? Flux massif d’informations, me-naces économiques,...C’est un peu tout cela à la fois. La dimension information est sans conteste non négligeable. L’informa-tion reste le socle de tout dispositif de veille ou d’IE. Sa recherche, son

traitement et son analyse doivent rendre l’entreprise plus compéti-tive et rentable dans un marché en constante évolution. Dans l’environ-nement compétitif d’aujourd’hui, les entreprises ne sont plus en me-sure de s’appuyer sur le «bouche à oreille». Il est impératif d’organiser les ressources, de mettre en place des outils de pilotage pour prendre

les décisions stratégiques au bon mo-ment. Les i m p é r a t i f s de sécuri-

sation des données ont sans doute contribué aussi à cette efferves-cence. En particulier, dans les sec-teurs boulimiques en R&D et/ou en brevets. Enfi n, le troisième facteur, à savoir, les menaces économiques, ne doit pas non plus être écarté de la grille d’analyse. Il ne s’agit pas ici de cau-tionner le cliché d’un espionnage économique à la James Bond. Pour autant, il y a sans aucun doute des jeux d’interférence, des rapports de forces, qui mériteraient d’être exa-minés de près. Dans le cas marocain,

une certaine vigilance aurait pu nous éviter de voire nos propres marchés envahis de babouches chinoises !

Quel regard portez-vous sur l’intel-ligence économique et la veille stra-tégique en général et au Maroc, en particulier ?L’essentiel des initiatives reste pour l’instant privé. Les grands groupes, qu’il s’agisse de la RAM, de l’OCP, de Maroc Telecom, des banques et de quelques établissements publics ont bien compris ces enjeux et par conséquent ont mis en place des dispositifs de veille ou d’IE. S’ils l’ont fait, c’est qu’ils évoluent déjà dans des marchés internationaux qui les acculent à une réactivité continue. Nous manquons en revanche d’un portage institutionnel ainsi que d’une déclinaison territoriale de l’IE. Du temps du Premier ministre Driss Jettou, il y a bien eu une prise de conscience avec la mise en place d’une cellule rattachée à la direc-tion des investissements extérieurs. C’est d’ailleurs le cabinet français Spin-Partners qui a accompagné le dispositif. Aujourd’hui, il me semble que ce chantier manque de souffl e.

‘‘ Il y a un savoir-faire marocain sur lequel il faut capitaliser ‘‘Entretien avec Mohamed Benabid, administrateur à l’AMIE (Agence marocaine de l’intelligence économique, créée en 2006).

L’AMIE se fi xe comme objectif d’être un cercle de réfl exion et un levier d’impulsion à la disposition de toutes les organisations ( entreprises, administrations et associations professionnelles…) pour les informer, les accompagner et les assister en matière d’intelligence économique.

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envisagés par ces partenaires, tech-nicité, réservoirs stratégiques ou en-core en cas de litiges. La qualité à un prix, la quantité beaucoup moins », poursuit le Pr Christian Clairviel. Il ajoute « que l’on apprend avec 30 ans de retard que l’espionnage in-dustriel de l’URSS n’a jamais servi à grand-chose. A grands frais et forts

risques, les espions du KGB obtenaient des informations techno-logiques quant aux meilleurs savoir-faire occidentaux mais qui s’avéraient générale-ment inutilisables par manque de conver-gence stratégique ! Par exemple, le fa-meux avion sovié-tique Tupolev, mis en

service avant le Concorde auquel il ressemblait furieusement, fût un échec commercial plus coûteux en-core pour Moscou que pour le couple franco-britannique ! Copier est fa-cile, jouer est diffi cile ».

1 Christian Clairviel est expert comptable et docteur en droit fi scal comparé. Après 20 ans de directions bancaires, il est désormais admi-nistrateur de fonds d’investissements privés, professeur de fi nances et consultant auprès de grandes institutions internationales, au Maroc et au Québec notamment.

Les nouvelles exigences viennent « de l’absolue nécessité d’innovation, nécessaire depuis que les « grands ateliers du monde » (Inde, Chine et petits dragons) ont ridiculisé les prétentions salariales des 2/3 de l’humanité », explique le professeur Christian Clairviel, consultant(1). « Si l’innovation coûte cher en investis-sements, en exposition fi nancière et en risques stratégiques, elle permet des performances incomparables qui se traduisent en plus-value. Si je veux simplement savoir l’heure, une montre « made in Taiwan » suf-fi ra. Mais si cette montre doit faire aussi GPS, chronomètre, altimètre, et m’alerter d’un risque environne-mental, je devrais accepter un sur-coût sensible pour disposer de cette technologie de secours ». Comment parvenir à (bien) vendre ces innovations et ces positionne-ments ? « C’est en amont que se si-tue le pire des investissements : l’in-formation pertinente ! Ne sommes nous pas déjà surinformés ? », lance le Pr Clairviel. Mais n’être pas infor-mé de façon sûre et ciblée n’est il pas plus dangereux encore ? « Imaginez un sabotier du Moyen Age qui vient d’inventer la double semelle de bois, nécessitant une machine amortis-sable sur 10 ans quand, quelque part, un fabriquant s’apprête à diffuser

largement la chaussure en cuir, cou-verte, triple semelle pour moins cher ! Le pire des investissements est par-fois le plus nécessaire » réplique-t-il.

« Copier est facile, jouer est diffi cile »Selon des experts en IE et veille stra-tégique, il n’y aurait pas cinquante manières d’éviter l’erreur straté-gique. L’information critique et la veille (juridique, techno-logique, fi nancière) sont entrées par la petite porte du cœur de métier des entre-prises et institutions diverses. « J’infl ige à mes étudiants d’Ecoles de Commerce ou j’ai l’honneur de professer ces notions renouvelées que sont la rétrologis-tique ‘‘qui sont les fournisseurs de vos fournisseurs?’’ et l’extrême aval ‘‘qui sont les clients de vos clients et pourquoi achètent-ils ?’’. Des ques-tions simples, évidentes qui condui-sent pourtant à un diagnostic de positionnement et un nivellement de l’innovation plus diffi cile qu’on croit, contraignant à disposer d’une grande qualité d’informations per-tinentes : bilans réels des uns et des autres, axes de développements

L’innovation stratégique, un défi pour l’entrepriseObserver ses concurrents, se former une opinion sur la solvabilité de ses clients et apprécier le niveau de dépendances quant à ses fournisseurs sont des réfl exes naturels à tout chef d’entreprise, cela sans doute depuis l’Antiquité. Il n’en reste pas moins que s’est désormais insuffi sant.

Le Concorde et le Tupolev exposés ensemble au Musée automobile et technologique de Sinsheim (2008)

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L’information critique et la veille (juridique, technologique, fi nan-cière) sont entrées par la petite porte du cœur de métier des entre-prises et institutions diverses.

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Le marché du conseil en intelligence économique et veille stratégique est potentiellement de l’ordre de 30 mil-lions de dh par an, avec une marge de progression lui permettant d’at-teindre les 50 millions à l’horizon 2015. Il existe beaucoup de solutions techniques sur le marché, toutes étrangères malheureusement. Notre démarche est de conseiller nos clients afi n qu’ils ne deviennent pas esclaves de la technique ou de logiciels, mais qu’ils s’approprient les outils permettant de faire de la veille, même lorsque ces derniers sont gratuits ou peu coûteux. Il faut casser le mythe selon lequel la veille est chère. C’est d’abord une dé-marche, pas un CD à installer sur un ordinateur !

Conjoncture : Comment se présente l’environnement de l’intelligence économique et de la veille straté-gique au Maroc ?Abdelmalek Alaoui : C’est un chan-tier plus qu’un environnement, étant donné le nombre très restreint d’acteurs privés ayant de véritables com-pétences dans ce do-maine. La matière est relativement jeune, par rapport à la stra-tégie, ou le conseil en organisation. Parado-xalement, c’est l’Etat qui est le plus proac-tif, le secteur privé montrant de l’intérêt, mais tardant à lancer ses chantiers de veille. Il y a également une raison conjoncturelle à cela, la plu-part des entreprises privées ont pré-empté la crise mondiale et ont donc retardé leurs investissements en ce domaine.

Y a t-il un modèle spécifi que en la matière au Maroc ? Notre cabinet déroule un modèle inspiré de la doctrine que j’ai conçue et présentée dans mon livre « Intelli-gence économique et guerre secrète au Maroc ». J’y prône l’émergence du manager marocain hybride, qui sait surveiller comme les Chinois, analyser comme les Français et agir comme les Américains. Cette for-mule a fait fl orès mais elle ne doit pas cacher nos manques en la ma-tière. Nous sommes encore loin du compte, malgré l’urgence d’adopter cette pratique et de la généraliser, il y va de notre compétitivité dans une économie mondialisée de plus en plus exigeante, et où la concurrence prend un nouveau visage.

Dans quel cadre et comment inter-vient votre agence ? Nos interventions sont de quatre types. Il y a d’abord le conseil en stratégie d’IE et en veille, pour le-

quel nos clients nous demandent de leur proposer un modèle, et de mettre en place leur stratégie. En second lieu, pour les entités qui veu-lent faire de la veille mais ne sou-haitent pas créer de cellule dédiée,

nous prenons totale-ment en charge leur démarche d’intelli-gence économique et surveillons pour eux leur environnement, ce qui est de l’exter-nalisation pure. Nous faisons également des travaux avec des consultants en régie, ou bien le client nous confi e ses personnes ressources pour une période d’incubation. Enfi n, nous faisons un peu de formation.

Qui sont vos principaux clients et quelles sont leurs attentes et leurs besoins ? La stratégie a besoin de temps, le client a des besoins urgents. Récon-cilier ces deux extrêmes est notre mission en tant que consultants. Etre un secteur aussi particulier que l’intelligence économique, la veille et les stratégies d’infl uences sup-pose également que la liste de nos clients reste confi dentielle.

Qu’en est-il du «marché» de l’intel-ligence économique et de la veille stratégique ?

‘‘ Nous sommes encore loin du compte ‘‘Interview de Abdelmalek Alaoui, fondateur du cabinet Global Intelligence Partners.

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Le marché du conseil en intelligence éco-nomique et veille stra-tégique est potentiel-lement de l’ordre de 30 millions de dh par an, avec une marge de progression lui per-mettant d’atteindre les 50 millions à l’horizon 2015.

Global Intelligence Partners est le premier cabinet marocain offrant des services en Intelligence Économique, veille stratégique et communication d’infl uence. Créé en 2008, G.I.P s’est rapidement imposé au Maroc comme leader dans ce segment spécifi que. Son fondateur, Abdelmalek Alaoui, est l’auteur du livre de stratégie le plus vendu au Maroc en 2009 : « Intelligence Économique et Guerres Secrètes au Maroc » (Éditions Koutoubia, Paris). L’expertise du cabinet repose sur la conviction qu’avec la montée irrésis-tible de la mondialisation, les entreprises et les institutions marocaines auront besoin d’un savoir faire exceptionnel pour pouvoir continuer leur développement.

Global Intelligence Partners, en bref

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été aussi l’occasion d’un renforcement des moyens de sécurité et des réseaux d’interconnexions afi n d’assurer une meilleure continuité et une sécurité maximale à nos système.

Comment assurez-vous la sécurisation des données et leur circulation ?Compte tenu du rôle de Maroclear et de la nature des fl ux échangés, nous avons mis en place des stratégies de sécurisation complexes qui reposent sur des principes comme le cryptage systématique de tout échange entre Maroclear et ses affi liés. Il faut savoir qu’aucun fl ux n’est échangé en clair. Il y a également l’authentifi cation forte des utilisateurs, la mise en place de systèmes de juridiction complexe, per-mettant des fi ltrages d’accès par don-nées, et la mise en place de canaux de communication sécurisés via notam-ment des liaisons VPN avec l’ensemble de nos usagers.Il est à noter que Maroclear a lancé plusieurs projets visant notamment à améliorer les moyens de surveillance et de monitoring de ses réseaux et à mettre en place les moyens de réac-tions nécessaires pour contrer les éven-tuelles tentatives d’intrusions ou tout autre acte hostile.

Conjoncture : Quelle est la place ac-cordée à l’intelligence économique et à la veille stratégique au sein de Ma-roclear ?Fathia Bennis : Maroclear est un or-ganisme qui offre ses services à l’en-semble de la place fi nancière notam-ment des services de garde de titres et de règlement livraison des transac-tions, qu’elles concernent des actions cotées ou des bons du trésor ou tout autre type d’instrument. Chaque jour, des milliers de transactions sont dé-nouées via les systèmes de Maroclear, chacune d’entre elles porte des infor-mations sur le prix, le sens, la valeur concernée ou la nature de l’opération et par conséquent peut indiquer de manière plus ou moins claire les stra-tégies et les horizons de placement des investisseurs.En outre, compte tenu de la nature des services offerts par Maroclear, nos plate-formes sont ouvertes à l’en-semble des intervenants et sont utili-sées par des centaines d’usagers par jour. Tous ces éléments font qu’au-jourd’hui les questions liées à l’intelli-gence économique et à la protection des données sont au top des priorités de Maroclear.

Qui sont vos principaux partenaires et clients et quels sont leurs besoins ?Maroclear agit en tant que Dépositaire Central des valeurs mobilières et donc interagit tout naturel-lement avec les usa-gers de ces services que sont les banques, les sociétés de Bourse ou encore les émetteurs de valeurs admises. Maroclear interagit aussi avec d’autres organismes, que ce soit Bank Al Maghrib, la Bourse de Casablanca ou encore le Conseil déontologique des valeurs mo-bilières (CDVM). Maroclear est un organisme de place

dont la gouvernance est assurée par les acteurs de la place eux-mêmes. En outre Maroclear a recourt à des consul-tations actives de ses usagers afi n de s’assurer que le développement des services est en phase avec les besoins du marché.

Qu’en est-il de la nouvelle plate-forme technique que vous venez de dé-ployer ?Le déploiement, avec succès, de la nouvelle plate-forme a permis à Ma-roclear de renforcer son offre de ser-vices notamment au travers de la mise en place d’un dénouement temps des instructions, d’interface écrans

et fi chier permettant une meilleur traçabilité des transactions et de rendre compte en temps réel des statuts des opé-rations et des soldes. La mise en place de la nouvelle plate-forme s’est accompagnée d’un rallongement de la pé-riode de prise en charge

des instructions et de la mise en place d’un module dédié à la gestion des Re-po’s offrant plusieurs avantages. Le projet de nouvelle plate-forme a

‘‘ L’intelligence économique et la protection des données sont au top de nos priorités ‘‘Interview avec Fathia Bennis, PDG de Maroclear

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Le projet de nouvelle plate-forme a été aus-si l’occasion d’un ren-forcement des moyens de sécurité et des réseaux d’intercon-nexions.

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Conjoncture N° 920 - Novembre 2010 - 31

DOSSIER

74 % des entreprises ne possèdent pas de services spécialisés dans la col-lecte et le traitement de l’information77 % des entreprises ne sont pas abonnées à des lettres d’informations spécialisées62 % des entreprises ne sont pas abonnées au Bulletin offi ciel (BO)66 % des entreprises n’utilisent pas les sites de l’Administration89 % des entreprises ne sont pas membres d’une association profes-sionnelle

L’étude en chiffres

« Notre enquête démontre que la veille stratégique est encore peu développée au Maroc et met en relief les carences des systèmes d’informations des en-treprises marocaines », indique Said Essoulami, Directeur général du CMF Mena (Centre dédié à la promotion de la liberté d’expression dans la région Mena). En matière de méthodologie, un questionnaire a été adressé à un panel de 300 entreprises marocaines, toutes tailles confondues, œuvrant dans différents secteurs d’activités. Dans le détail, on apprend que 74 % des entreprises interrogées ont déclaré ne pas posséder de services spécialisés dans la collecte et le traitement de l’in-formation. A la question, «Êtes-vous abonnés à des lettres d’informations spécialisées ? », 77 % des entreprises ont répondu négativement. Concer-nant le Bulletin offi ciel (BO) - orga-nisme en charge de diffuser la régle-mentation juridique du gouvernement – il ressort de l’enquête que seulement 38 % des entreprises y sont abonnées.

2/3 des entreprises sondées n’utilisent pas les sites de l’AdministrationAprès le support « papier », qu’en est-il de l’usage des sites Web des adminis-trations publiques par les entrepre-neurs sondés ? « Le gouvernement électronique (e-gov) a été conçu, entre

autres, comme le moyen de réorgani-ser les pratiques gouvernementales via de nouveaux instruments desti-nés à intégrer des informations et de les rendre accessibles grâce à l’outil Internet. Les sites web des ministères et des administrations publiques doivent fournir des informations ac-tualisées, utiles et exploitables par et pour les entreprises marocaines. Ces dernières doivent considérer ces sites comme des sources importantes en matière d’informations», précise Said Essoulami. Reste que, selon les résul-tats de l’enquête, 2/3 des entreprises (66 %) ont indiqué ne pas utiliser les sites des administrations. Concer-nant l’utilité de ces sites, 157 entre-prises pensent « qu’ils ne sont pas utiles pour la collecte de leurs infor-mations ». 76 entreprises expliquent «que les sites web doivent contenir plus de contenu en informations, être mis à jour et rendre l’accès à l’infor-mation plus facile».

Etre membre d’une association profes-sionnelle peut également permettre à l’entreprise de recueillir de l’informa-tion, de la partager voire de la croiser, et de bénéfi cier de services non né-gligeables pour défi nir sa stratégie et infl uer sur une décision…stratégique. Pourtant, l’enquête a révélé que 89 % des entreprises ne sont pas membres d’une association professionnelle. Qu’est-ce qui explique le peu d’inté-rêt des entreprises sondées ? «Nous avons posé la question aux entre-prises. Sur les 265 entreprises ayant déclaré ne pas être membres, cer-taines ont indiqué n’être simplement pas intéressées. Les autres pensent que l’accès à une association est trop diffi cile, contraignant et nécessite trop de formalisme. Quant aux en-treprises membres d’une association professionnelle, la majorité d’entre elles ont déclaré être intéressé par les statistiques, les rapports et autres do-cumentations.

Les entreprises marocaines face à la veille stratégique«L’entreprise et la veille stratégique» est le thème d’une étude réalisée au Maroc en 2009 par le CMF Mena.

L’Agence de l’Oriental et la wilaya, en collaboration avec les partenaires ins-titutionnels nationaux et régionaux (Conseil Régional, Fédération Natio-nale des Chambres de Commerce, d’Industrie et des Services, Université, Centre Régional d’Investissement) et de la société civile comme l’Associa-tion Marocaine d’IE (AMIE), posent actuellement les jalons d’une dé-marche d’IE régionale pour la région de l’Oriental. En 2009, un évènement d’envergure était organisé avec pour thème « L’Intelligence économique régionale ». Dans une économie mon-dialisée et plus concurrentielle, les territoires sont désormais considé-rés comme des acteurs du dévelop-pement. Les régions sont devenues de véritables systèmes produisant eux-mêmes du développement, avec ses multiples effets induits, qui les identifi ent de plus en plus à des en-treprises d’un nouveau genre, dotées de nouvelles formes de gouvernance, ouvrant sur de nouvelles stratégies innovantes. L’IE consiste à en prendre conscience, à valoriser ces systèmes, et organiser en conséquence les ré-seaux d’informations et leur traite-ment pertinent.

L’Oriental mise sur l’intelligence économique

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Conjoncture N° 920 - Novembre 2010 - 32

DOSSIER DOSSIER

Au cœur de la stratégie Emer-gence, l’offshoring fait partie des 8 métiers mondiaux du Maroc qui visent à générer 75 % de la crois-sance industrielle à l’horizon 2015. Centres d’appels, externalisation de services liés aux systèmes d’in-formation ou aux processus, le sec-teur recouvre des domaines variés et jeunes, tous issus de la délocali-sation d’une activité de leur struc-ture-mère pour un nom complexe qui fi nalement évoque davantage les plate-formes pétrolières que la réalité qu’il recouvre.

Ambitieux, l’offshoring entend em-ployer plus de 100.000 personnes à moyen terme. Entre défi s, grince-ments et ajustements, avec 30.000 emplois aujourd’hui, les call cen-ters fi gurent en tête de pont. Un leitmotiv : l’exigence qualité. Au-delà, le secteur comprend égale-ment des métiers plus discrets et moins connus dits à forte valeur ajoutée. Quels moyens et quels ap-puis pour accompagner la stratégie marocaine ? Quels défi s à relever ? C’est ce que nous verrons dans le prochain numéro de Conjoncture.

A lire le mois prochainVoyage au cœur de l’offshoring

«L’intelligence économique devrait offrir les éléments pour la transfor-mation des incertitudes en risques sé-quentiels tout en donnant les moyens et solutions pour la réduction de leurs conséquences sur le pays, la région, l’entreprise ou les ménages. Les contri-butions de l’intelligence économique peuvent être ponctuelles mais elles sont souvent étalées et continues dans le temps», explique le Pr Ahmed Driouchi. Les activités d’intelligence économique se sont intensifi ées avec le développement de la compétitivité et de l’ouverture des économies. La complexifi cation de la réalité écono-mique, technologique et sociale aux ni-vaux de pays, de régions, d’entreprises et des individus a aussi contribué à l’épanouissement de l’intelligence éco-nomique.

«Les étudiants sont impliqués dans les projets de recherche»Selon le Doyen de l’université Al Akhawayn d’Ifrane, l’intelligence économique exige une veille straté-

gique via le recours à l’information pertinente en mesure d’être détermi-nante dans les décisions. Ceci veut dire que la veille est une composante de l’intelligence économique. Cette dernière inclut l’analyse et la produc-tion de synthèses. «En étant en veille stratégique en ce qui concerne l’écou-lement de votre produit, il est néces-saire de connaître ce qui se passe au niveau du marché. Les signaux de prix, de qualité ainsi que le niveau d’offre peut changer vos décisions de vente. Mais vous voulez savoir ce qui est le plus pertinent. C’est peut être le niveau des prix. Vos décisions et votre veille se traduira par la prise en compte du prix comme critère pertinent. L’intel-ligence économique va donc collecter les informations nécessaires, analy-ser et offrir des synthèses utiles pour améliorer vos processus de prise de décisions relatives à votre politique de vente. Les veilles stratégiques peuvent avoir ainsi des spécifi cités sectorielles et donnent lieu à des intelligences économiques spécifi ques», dit-il.

Sur la dimension de l’IE et de la veille stratégique au sein de l’université Al Akhawayn, les étudiants ont la possi-bilité de mobiliser des connaissances disciplinaires pour aborder des ques-tions réelles et pratiques. Parmi les op-portunités offertes par les différentes écoles, la mobilisation des outils de l’intelligence économique est prévue. Certains programmes prédisposent plus que d’autres à cet exercice. Il s’agit notamment de l’ingénierie informa-tique, ingénierie et management ainsi que des formations en fi nance. Les ou-tils de gestion des risques sont offerts aussi bien au niveau du tronc commun que d’enseignements spécifi ques. Mais l’exercice qui va de la collecte des bases de données, à l’analyse de ces données avec le développement de solutions à partir des résultats, est largement introduit au niveau de plu-sieurs enseignements. «Cet exercice est souvent affi né avec l’implication de certains étudiants au niveau de projets de recherche. Enfi n les mé-moires de fi n d’études ainsi que les projets entrepris par les étudiants tout le long et à la fi n du cursus donnent de larges possibilités aux étudiants dési-rant s’embarquer dans le domaine de l’intelligence économique», conclut le Pr Ahmed Driouchi.

Un regard universitairesur l’intelligence économiqueRencontre avec Ahmed Driouchi, Professeur d’Economie appliquée et Doyen de l’IAEEP (Institut d’analyse économique et des études prospectives) à l’université Al Akhawayn d’Ifrane.

Campus de l’université Al Akhawayn d’Ifrane

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