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1 DE CHANDIGARH À BRASILIA Chandigarh, 1 re capitale surgie de nulle part : En 1947, avec la partition de l’Inde, l'état du Penjab est coupé en deux (Pakistan et Inde) Le Pakistan ayant gardé pour capitale Lahore, il faut trouver au pied de l'Himalaya une nouvelle capitale pour le Penjab indien. Nehru confie d'abord le projet de Chandigarh (village nommé Chandigarh, qui signifie « lieu-de-la déesse-du-pouvoir », adéquat pour une capitale), à des Américains : Albert Mayer, qui connaissait bien l'Inde, et Mathew Novicki. Le projet fut abandonné à la suite du décès de Nowicki. Le Corbusier prend la suite sans rien connaître de l'Inde : son projet de la Chandigarh est conforme à la Charte d'Athènes, signée au terme du IV e Congrès international d'architecture moderne (qui s’est tenu en 1933, sous son égide). Il reprend les règles d’une « ville fonctionnelle », celles de la « ville radieuse » (1925-35).

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DE CHANDIGARH À BRASILIA

Chandigarh, 1re capitale surgie de nulle part :

En 1947, avec la partition de l’Inde, l'état du Penjab est coupé en deux (Pakistan et Inde)

Le Pakistan ayant gardé pour capitale Lahore, il faut trouver au pied de l'Himalaya une

nouvelle capitale pour le Penjab indien.

Nehru confie d'abord le projet de Chandigarh (village nommé Chandigarh, qui signifie

« lieu-de-la déesse-du-pouvoir », adéquat pour une capitale), à des Américains : Albert

Mayer, qui connaissait bien l'Inde, et Mathew Novicki. Le projet fut abandonné à la suite

du décès de Nowicki.

Le Corbusier prend la suite sans rien connaître de l'Inde : son projet de la Chandigarh est conforme à la

Charte d'Athènes, signée au terme du IVe Congrès international d'architecture moderne (qui s’est tenu en

1933, sous son égide). Il reprend les règles d’une « ville fonctionnelle », celles de la « ville radieuse »

(1925-35).

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Le zonage : répartition des espaces urbains en zones indépendantes selon 4 fonctions :

(habitat/travail/loisir/circulation)

Dissociation par conséquent entre le bâti et la voirie

Voies hiérarchisées (voies rapides, dessertes locales et voies d’accès aux bâtiments ou

cheminements piétonniers)

Bien-être accessible à tous, relatif égalitarisme :

Privilégier les constructions en hauteur pour aérer l’espace urbain (cf. principe des cités radieuses)

sauvegarder les conditions d’ensoleillement et d’éclairage

implanter des équipements scolaires, sportifs et de loisirs à proximité des habita-tions

Zones industrielles pas trop éloignées des habitations pour limiter le temps de transport

mais séparées de la ville par des zones de verdure

Zonage de Chandigarh :

Au nord de la ville, le complexe du Capitole (centre du gouvernement) sur un terrain un

peu relevé avec trois structures, associées aux trois pouvoirs : le parlement, le siège du

gouvernement et la cour de justice en béton, tous trois conçus par Le Corbusier.

Le centre ville comprend aussi les édifices publics et culturels : postes, banques, cinémas,

restaurants.

Au N.O, l’L'Université du Penjab et au S.E., la zone industrielle

Le grand carré que forme la ville est divisé en carrés plus petits, les secteurs : maillage en

59 secteurs de 800m x 1200m, désignés par un numéro (plan damier). Une exception

étonnante pour un concepteur rationnel : pas de n° 13 !

Chaque secteur est conçu pour être autonome :

Chaque secteur est ceinturé de voies rapides auxquelles le bâti tourne le dos.

Chaque secteur est équipé pour répondre aux besoins quotidiens de ses habitants (entre 5000 et 25.000) : zones d'habitations (bourgeoise et sociale), centre com-mercial, zones de travail, équipements sportifs, lieux de culte et espaces verts.

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Dissociation entre bâti et voirie, et hiérarchisation des voies :

Réseau de voies de circulation différenciées (règle des 7V) : 7 voies de circulation qui hié-

rarchisent 7 niveaux de circulation dans la ville pour fluidifier le trafic et préserver les

zones d'habitation de ses nuisances. La circulation de transit est donc laissée à l'extérieur

du secteur pour ne laisser y entrer que le trafic utile

Voie très rapide : V1 = liaison avec l’extérieur

Voies rapides : V2 = routes principales et V3 = routes autour des secteurs

Voies plus lentes : V4 et V5 = routes au milieu des secteurs

Voies très lentes : V6 = routes menant au maisons et V7 = voies piétonnières.

Tout est accessible à pied en moins de 10 minutes : prévue pour 500 000 habitants, la ville en compte aujourd'hui près du double et est une des rares villes indiennes où il est encore facile de circuler.

Mais Le Corbusier s’adapte au climat de l’Inde, qu’il découvre :

Souci du vert :

Voies de circulations : arbres en rangées simples, doubles, multiples. Ses voies de circulation (dites V3) pour voitures à grande vitesse, reçoivent une arborisation qui doit éviter l’éblouissement des conducteurs : arbres à feuillage persistant, taillés en tunnels.

Espaces urbains avec ou sans éléments architecturaux : bosquets hétérogènes ou homogènes

Espaces libres et parcs : à feuillage caduque ou persistant

Souci de la mousson : murs en béton brut, sans parement ni même peinture, pour résister

aux pires déluges et tempêtes de mousson.

Souci de la chaleur :

Pas de fenêtres vitrées mais brise-soleil. Toits-terrasses avec pelouse, car les In-diens aiment dormir dans les jardins sur les pelouses.

Bâtiments orientés par rapports aux vents dominants, pour être toujours traver-sés par les courants d'air.

Il travaille aussi sur les courbes.

Le Corbusier et le Brésil :

Le Corbusier est une autorité internationale de l'architecture.

En juillet et août 1936, il réside à Rio de Janeiro au Brésil : en principe pour y faire des

conférences mais, en fait, Lucio Costa (ancien élève des Beaux-Arts de Paris) et Oscar

Niemeyer profitent de sa présence pour le consulter sur un projet de construction du mi-

nistère de l'éducation nationale et de la santé publique.

En 1959, il conçoit, avec Lucio Costa, la maison du Brésil (pavillon du Brésil ou pavillon

brésilien), qui est l'une des 23 maisons nationales de la Cité internationale universitaire

de Paris.

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BRASILIA

Implantation encore plus ex nihilo :

Paradoxe : construite au milieu de nulle part pour être la nouvelle capitale du Brésil

au centre-ouest du Brésil, à plus de 1 000 kilomètres à l’intérieur des terres, au milieu d’un

paysage désolé de savane (le cerrado)

en 1957, c’était un désert humain, où ne vivaient que des gardiens de troupeaux (élevage ex-

tensif).

Bâtie rapidement : en 1 310 jours (un peu plus de 3 ans : entre 1957 et 1960) et inaugurée le 21 avril 1960.

Pourquoi ?

Projet qui date du XIXe siècle :

La colonisation portugaise avait multiplié les ports : pour exporter les matières premières et pour importer des produits fabriqués.

D’où une zone littorale très urbanisée (Rio, Salvador, São Paulo, Recife…), qui s’opposait aux vastes étendues vides à l’intérieur du pays.

Dès l’indépendance, en 1822, les hommes d’État brésiliens ont pensé à déplacer la capitale

(Rio de Janeiro) vers le centre du pays :

pour éviter cet antagonisme et pour consolider l’espace conquis par les Portugais, idée constamment sous-jacente, reprise en 1970 par la dictature militaire : « mettre des hommes sans terre sur des terres sans hommes ».

En 1823, José Bonifácio présentait les plans d'une nouvelle capitale qui devait dé-jà porter le nom de Brasilia.

La Constitution de 1891 prévoyait l’établissement d’un district fédéral au cœur du pays : une mission prospecta le Planalto Central et délimita une superficie de 14 000 km² destinée à l’édification de la future capitale.

1922, centenaire de l’Indépendance : une pierre est érigée symboliquement sur ce territoire.

Le président Juscelino Kubitschek reprend l’idée :

En 1955 : il promet la réalisation de ce rêve brésilien s’il est élu président.

Il veut, comme ses prédécesseurs, redynamiser l'intérieur des terres en y attirant la popula-

tion et, par conséquent, l’activité économique.

Il entend ainsi assurer une meilleure répartition des richesses.

Et mettre aussi un terme à la rivalité des deux principales villes du pays, Rio de Janeiro et São

Paulo.

Il s’agit donc d’un défi,

d’un projet politique et social : Un projet de capitale qui reflète les choix géopoli-tiques de l’État.

Un projet de société qui doit permettre d’affranchir le Brésil des marques de la colonisation : un projet de ville qui affirme la culture du pays à travers l’architecture et l’urbanisme.

C’est un projet totalitaire :

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La ville est planifiée pour une seule fonction, être le siège du pouvoir politique.

La population ne devait pas excéder 500.000 habitants

Il fallait préserver la qualité de vie des habitants : il ne devait pas y avoir d’industries pol-

luantes autour de la ville.

Brasilia va de pair avec l’idée d’un nouveau modèle urbain : une ville qui permet à l’homme

de s’intégrer (dimensions humaines).

Comment ?

Choix de l’endroit :

Un morceau de plateau à 1000 m d’altitude, enserré par quatre rivières aux vallées larges et

peu encaissées et qui confluaient en aval dans une gorge assez étroite et profonde.

Agréable parce que très lumineux et tempéré par l’altitude, mais un trop sec pendant les

mois d’hiver, de mai à septembre.

La construction d’un barrage à la confluence des rivières permettait de la transformer en un

lac à quatre branches : le tout créait l’humidité nécessaire de mai à septembre.

Le Plano Piloto (plan directeur) :

Conçu par Lúcio Costa, urbaniste brésilien :

Lúcio Costa est né à Toulon en 1902 et mort à Rio de Janeiro en 1998

Scolarisé en Angleterre, puis en Suisse à Montreux jusqu'en 1916, Lucio Costa est ensuite étudiant à l'école des Beaux Arts de Rio de Janeiro

Il y obtient le diplôme d'architecte en 1924.

Au début, favorable à une architecture néoclassique de style néocolonial

Ensuite, il adopte les idées de Le Corbusier (mouvement du style international)

En 1930, il fait un cours d’architecture moderne à l’École Nationale des Beaux-arts et a pour élève Oscar Niemeyer.

En 1936, Costa décide Le Corbusier à venir au Brésil pour une série de confé-rences. En fait, Le Corbusier dessine avec Costa et d'autres architectes, dont Os-car Niemeyer le projet du ministère de l'Éducation et de la Santé de Rio de Janei-ro (1936-1943)

En 1952-59 - Maison du Brésil conçue par Le Corbusier et Lucio Costa à la Cité in-ternationale universitaire de Paris.

1957 : Lucio Costa remporte le concours pour Brasilia.

Le plan pilote est donc, logiquement, un plan « corbuséen » :

Zonage qui répartit rationnellement les activités urbaines.

Ville entourée d’une ceinture verte.

Toutes les classes sociales devaient vivre à proximité les unes des autres, avec une certaine organisation hiérarchique mais sans qu’il y ait de différences mar-quées.

Le plan Costa :

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Le plan :

naît, dit Costa, du geste dont on prend possession de l’espace sur une page : le tracé d’une

croix ; puis il s’adapte à la topographie 11 Vue aérienne de Brasilia : l'un des axes est incurvé

pour le faire rentrer dans le triangle équilatéral délimité par le plan d’eau et l’écoulement des

eaux.

Il a ensuite cherché à appliquer à son plan les principes stricts de la circulation routière, no-

tamment l'élimination des intersections. Il a ainsi conféré à l'axe courbe une fonction circula-

toire. D’où la forme d’un avion ou d’un oiseau géant volant vers le sud-est.

L’axe principal ou « eixo monumental » :

d’Est en Ouest, de 6 km de long et 350 m de large, rectiligne, réservé aux activités civiques,

administratives, culturelles, religieuses, commerciales et à l’industrie (avec gare).

L’axe monumental s'achève par l'esplanade des ministères et la place triangulaire (égalité des

pouvoirs) des trois pouvoirs : le congrès national (pouvoir législatif), le tribunal suprême

(pouvoir judiciaire) et le palais du Planalto (pouvoir exécutif). Cf. Chandigarh.

L’axe transversal ou « eixo rodoviário » :

du Nord au Sud, de 20 km, incurvé

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réservé aux quartiers commerciaux et résidentiels.

Les habitations sont constituées de carrés (quadras) sur pilotis et de 6 étages maximum.

Ces quadras sont alignées de chaque côté de la voie de circulation rapide et entourés par de

la verdure (arbres et pelouses).

Le trafic des véhicules et le transit des piétons sont indépendants.

Le regroupement des quadras :

Ces quadras sont regroupées par ensembles de quatre autour d’une église et d’une école :

superquadras.

Chaque bloc résidentiel ou superquadra est prévu pour 3 000 personnes. Chaque bloc est cons-

truit à l’écart du flux des voitures.

Le groupement de quatre superquadras constitue une unité de voisinage : à la jonction sont

implantés les équipements collectifs (cinéma, centre commercial local, établissement d'en-

seignement secondaire).

La réalisation a été confiée à différents architectes, Sérgio Bernades, Hélio Uchoa, Oscar Nie-

meyer : donc, on évite l'uniformité.

Voies centrales de circulation rapide et voies latérales réservées au trafic local, pour entrer

dans le secteur résidentiel.

Numérotation des maisons : on donne d’abord la direction (N ou S), les quadras sont ensuite

signalées par des chiffres, les bâtiments d'habitation par des lettres, et enfin les apparte-

ments de la manière habituelle.

Au bout de l’axe :

Costa avait prévu la construction éventuelle de maisons isolées mais espacées d’au moins un

kilomètre, pour accentuer leur caractère exceptionnel.

Cimetières aux deux extrémités de l'axe routier résidentiel pour que les cortèges funèbres ne

traversent pas le centre urbain (cf. XVIIIe siècle) : cimetières avec pelouses et arbres, et de

simples pierres tombales.

Les deux axes ne se croisent pas :

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Les deux voies se superposent en vue d’un écoulement plus rapide de la circulation. Costa ne

veut pas de feux de circulation

À l'intersection des deux axes, au niveau supérieur : secteur bancaire et commercial, bureaux

des entreprises et des professions libérales, et commerce de détail.

À l'intersection de l’axe monumental, au niveau inférieur, large plate-forme libérée du trafic :

le secteur des loisirs avec les cinémas, théâtres, restaurants.

Au bord du lac :

Pas de résidences mais des clubs de sports, restaurants, lieux de divertissement et sociétés de

pêche

Construction en 4 temps :

Entre 1957-1960 :

Afflux de population :

immigration spontanée de travailleurs manuels venus du Nordeste brésilien en raison d’une grave sécheresse en 1958 : recherche de perspectives de vie et d’emploi nouvelles.

immigration organisée à partir des régions les plus pauvres du pays par les socié-

tés de construction qui disposent ainsi d’un plus vaste volant de main-d’œuvre de

moins en moins exigeante en raison de la montée de la demande d’emploi.

Brasilia = immense chantier en activité de jour comme de nuit.

On commença par les infrastructures : rues, égouts, électricité, adduction

d’eau, terrassements.

On construit ensuite les édifices gouvernementaux de l’axe monumental

et quelques unités résidentielles de l’aile sud.

Immense chantier situé loin de tout : sans moyens de communication,

sans main-d’œuvre, sans matières premières : les premiers transports de

matériaux se firent par avion !

On ouvrit ensuite des routes pour relier Brasília à la côte : étoile de routes

qui sillonnent tout le Brésil à partir de la nouvelle capitale fédérale et

symbolisent l’unité du pays. Certaines étaient déjà achevées en 1960,

d’autres en voie d’achèvement, en particulier la plus célèbre qui, de

Brasília à Belém, coupe plus de 2 000 kilomètres de forêt dense.

Les ouvriers sont logés dans des campements de chantier provisoires édifiés par

les compagnies de construction.

Les migrants en attente d’un emploi s’installent dans des bidonvilles proches de

ces campements dans lesquels s’organise un secteur commercial parallèle (ser-

vices de première nécessité et matériaux de construction) : le campement de Ci-

dade Livre (« ville libre ») qui deviendra Nucleo Bandeirante, compte, en 1958,

2 600 commerces et 7 agences bancaires.

En 1958, sous la pression de 5 000 ouvriers qui menacent de cesser le travail, le

gouvernement crée la première ville satellite, Taguatinga, située à 30 km du Plan

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et un système de transport collectif gratuit entre le lotissement et les lieux de

travail.

Sobradinho (à 22 km) et Gama (à 35 km) seront également, créées pour résorber

des bidonvilles en 1958 et 1959, mais officialisées après l’inauguration de Brasilia

Entre 1961-1969 : croissance lente

Surtout en raison du coup d’état militaire de 1964 : réduction des dépenses

Ralentissement de la construction résidentielle dans le centre

Maintien des campements provisoires abritant ingénieurs et techniciens en at-

tente

Expansion des villes satellites

Prolifération des bidonvilles : en 1971, environ 22 400 baraques pour 70 128 per-

sonnes, soit 11,5 O/” de la population du District Fédéral (610 000 habitants)

Entre 1970-1975 : embellissement de la ville

Essor économique du Brésil

Transfert des ambassades étrangères ainsi que des secteurs du gouvernement fédéral encore

installés à Rio de Janeiro.

Construction d’appartements de haut standing (en accord avec le plan) dans l’aile nord :

donc, développement des quartiers très résidentiels dans les péninsules nord et sud du lac.

Aménagement d’espaces verts prévus par le Plan Pilote.

Construction d’un pont reliant le Lac Sud au centre.

Destruction des bidonvilles du centre ou de la périphérie immédiate : d’où une nouvelle ville

satellite, Ceilãndia, sans eau, sans électricité, sans rues asphaltées, sans égouts.

Depuis 1976 : l’expansion de la ville

« Protection » du plan pilote : gel de l’espace résidentiel et de l’offre d’habitat public. De

1974 à 1976, 9 705 habitations publiques créées pour 51 449 familles sur liste d’attente.

Augmentation du prix des terrains, même dans les villes satellites : d’où déplacement des plus

pauvres encore plus loin du centre et de plus en plus de campements.

Tout à fait à l’inverse du souhait de mixité sociale de Costa.

L’architecture de Niemeyer :

Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares, né le 15 décembre 1907 à Rio de Janeiro, a 104 ans :

1930 : commence sa formation d’architecte à l’École Nationale des Beaux Arts de Rio de Ja-

neiro (enseignement marqué par le classicisme français) : « l’enseignement de l’École Natio-

nale des Beaux Arts était plein de lacunes, à tel point que nous étions contraints de chercher

notre voie en autodidactes, en dehors du cadre scolaire. » (Jean Petit, Niemeyer, poète d'ar-

chitecture, Bibliothèque des Arts, coll. « Architecture », 2001)

Attiré par l'architecture moderne de Le Corbusier, véhiculée au Brésil, entre autres, par l'ar-

chitecte Lucio Costa, Oscar Niemeyer devient ensuite stagiaire dans l'agence de Costa :

« Malgré mes difficultés financières j’ai préféré travailler, gratuitement, dans l’agence

d’architecture de Lucio Costa et de Carlos Leão, où j’espérais trouver les réponses à mes

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doutes d’étudiant en architecture. C’étaient une faveur qu’ils me faisaient. Et ma décision

prouve que je n’avais pas un esprit léger et terre à terre, mais, qu’au contraire, j’avais comme

objectif d’être un bon architecte. » (Oscar Niemeyer, Les courbes du temps - Mémoires, Galli-

mard, 1999)

1952 : il réalise avec Le Corbusier le siège de l'ONU à New York.

1956 : Lucio Costa ayant gagné le concours public du plan d'urbanisme de la nouvelle capitale,

le président Juscelino Kubitschek fait appel à Niemeyer pour concevoir les principaux équi-

pements publics de la ville, dont la cathédrale, le Congrès National du Brésil, les ministères,

etc.

1964 : dictature militaire au Brésil. Communiste, Oscar Niemeyer s’exile en France. Il conçoit

le siège du Parti communiste français, place du Colonel Fabien à Paris (1965-1980), le siège du

journal L'Humanité à Saint-Denis (1989), ou encore la Bourse du travail à Bobigny.

Toujours très vert, il épouse en décembre 2006, en secondes noces, sa secrétaire Vera Lucia

Cabrera, âgée de 60 ans.

Sa conception de l’architecture :

Dans la lignée de Le Corbusier : valoriser le bâtiment par son volume, la pureté de ses formes

et la régularité de ses lignes, sans le surcharger par la décoration.

D’où le choix du béton : « Quand je dessine, seul le béton me permettra de maitriser une

courbe d'une portée aussi ample. Le béton suggère des formes souples, des contrastes de

formes, par une modulation continue de l'espace qui s'oppose à l'uniformisation des systèmes

répétitifs du fonctionnalisme international. »

Jouer sur les volumes :

Le parallélépipède, souvent sur pilotis, comme chez Le Corbusier :

Mais plus long et plus mince que chez Le Corbusier :

le Catetinho, construction en bois, résidence provisoire du président

J.Kubitschek en 1956 (dans le quartier de Brasilia-Gama) puis musée.

Le Brasilia palace hôtel (1958)

Pilotis le plus souvent cylindriques et minces (palais du Planalto) et, pour donner

plus de légèreté, peu nombreux.

Plus d'ouvertures ou des ouvertures plus grandes pour favoriser la circulation de

la lumière.

Utilisation de l’arcade qui crée une impression de légèreté (bâtiment comme sus-

pendu

Façades parfois inclinées (vers l’avant ou l’arrière)

Deux exemples :

Inauguré en juin 1958, le palais de l’Aurore – Palácio da Alvorada – est la rési-

dence du président de la République

Appelé ainsi parce que Kubitschek a dit : « Brasília est la nouvelle aurore

dans l'histoire du Brésil. »

Au bord du lac Paranoá, à deux kilomètres du Parlement, au milieu d’un

immense jardin

Façades en marbre, baies vitrées et colonnes blanches qui s’ouvrent en

demi-cercles : symbole de la République brésilienne.

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Le Planalto est le bureau officiel du président de la république. Il accueille les

chefs d'États étrangers et abrite la salle de conférence internationale, le « Salon

rond ».

Voir aussi le Tribunal Suprême Fédéral

Niemeyer va jouer aussi des dômes, des coupoles et des cylindres pour renouveler le style in-

ternational : le cercle évoque à la fois le rassemblement et la force centrifuge par rapport à

l’extérieur.

1958-1960 : Le Congrès national, sur la place des trois pouvoirs

La coupole du Sénat : réflexion

La soucoupe de la Chambre des députés : ouverture

Les gratte-ciel jumeaux, pour les services administratifs du Congrès, repré-

sentent le H d’Humanité.

Il joue enfin des paraboles et des hyperboles :

1959-1970 - Cathédrale métropolitaine de Nossa Senhora Aparecida :

Structure hyperboloïde d'un diamètre de 70 m :16 colonnes de 90 tonnes.

Deux mains se rejoignant en direction du ciel.

Son entrée souterraine est encadrée de 4 statues géantes représentant les

évangélistes

Obtint le prix Pritzker pour cette réalisation.

Autres artistes :

Si Costa et Niemeyer donnent une touche corbuséenne tout en affirment leur créativité, d’autres artistes

travaillent en symbiose.

Os Candangos (Os Guerreiros) de Bruno Giorgi est comme un écho aux lignes du Palácio da Alvorada (prési-

dentiel).

La justice aveugle de Ceschiatti devant le Tribunal suprême.

Le « Météore », en marbre de Carrare, de Bruno Giorgi, devant le ministère des affaires étrangères.

Les anges de Ceschiatti dans la cathédrale.

Vitraux de la cathédrale par Marianne Peretti : qui rappellent l’histoire de Brasilia.

Une capitale porteuse de symboles

Une capitale à quatre dimensions :

Capitale monument, grâce à l’axe monumental : disposition disciplinée de masses construites,

références verticales de la tour des congrès et de la tour de télévision et allée verte centrale

libre de toute construction qui traverse la ville.

Ville résidentielle, qui offre une façon de vivre innovante avec la superquadra : uniformité de

la taille des bâtiments et par l’accessibilité pour tous au sol, via l’utilisation généralisée de pi-

lotis et par la prédominance d’espaces verts. Taille humaine par la distribution de chaque

quadra, marquée par une bande verte continue qui lui donne un aspect de patio urbain in-

terne.

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Ville de rencontres, avec le centre de la ville, à l’intersection des deux axes : espaces à haute

densité urbaine qui favorisent les rencontres.

Ville bucolique : importance de la verdure, aménagée par Roberto Burle. Elle se trouve à

l’intersection, sans interruption, entre l’espace habité et les espaces libres. Volonté aussi de

ne prendre que la flore locale.

Une unité entre l’urbanisation, l’architecture et la décoration pour signifier l’envol vers le futur.

Les limites du plan pilote :

La ville était supposée avoir 500 000 habitants : elle en a plus de 2, 5 millions. Beaucoup d’entre eux habitent

les villes satellites mais travaillent à Brasilia : difficile d’aller d’est en ouest, donc voitures et feux rouges

Le zonage gomme un peu les lieux de rencontres hétérogènes :

Secteur banques, administration en journée : relations de travail

Secteurs équipements sportifs, cinémas, parcs, lac : relations de loisir

Rues commerçantes, hôtels : relations commerciales

Même les secteurs commerçants sont spécialisés : rue des restaurants, rue des pharmacies …

Le modèle du quadra limite aussi les rencontres.

La zone résidentielle est chère :

Exclusion des plus pauvres à la périphérie

Avec vie sociale plus intense

Mais problèmes de sécurité

Deux points de vue écoutés :

Celui d’un architecte : Yannis Tsiomis

Le reportage à Brasilia trois ans après son inauguration