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Rapport d’expert Décision de transfusion érythrocytaire en réanimation The decision to Red blood cell transfusion in the intensive care unit P.C. Hébert a , FRCPC, MHSc(Épid), intensive care unit, J. Lacroix b , MD, FRCPC a Programme d’épidémiologie clinique, institut de recherche en santé d’Ottawa, campus général, 501, chemin Smyth, casier 201, Ottawa ON K1H 8L6. Canada b Department of Pediatrics, Division of Pediatric Critical Care Medicine, Sainte-Justine Hospital, Room 3431, 3975 Cote Sainte-Catherine, Montreal QC, H3T1C5 Canada 1. Introduction La transfusion de concentrés érythrocytaires est unique à de nombreux égards. C’est un atout thérapeutique essentiel utilisé quotidiennement, malgré le fait que la transfusion de produits sanguins ait été en partie responsable dans les an- nées 1980 de cas de maladies virales, une transfusion ayant alors transmis le Sida ou l’hépatite C à un nombre important de malades. Aux États-Unis, il se serait donné 11,5 millions d’unités sanguines en 1997 [1]. La même année, il y aurait eu 2,62 millions de prélèvements homologues de sang en France [2]. Le nombre de transfusions erythrocytaires en France est de 3,5 millions [2]. On pense que 50 à 70 % de toutes les unités recueillies annuellement sont transfusées dans des établissement médicaux [3–7]. Une transfusion de globules rouges est souvent prescrite en réanimation afin de corriger une anémie et d’assurer aux organes vitaux un transport en oxygène qui soit adéquat [1]. Historiquement, les globules rouges étaient transfusés lors- que la concentration d’hémoglobine chutait sous une valeur arbitraire de 10 g/dL. Toutefois, les bénéfices théoriques de cette stratégie sont remis en question actuellement. C’est ainsi par exemple qu’on s’attendrait à ce que ce soit les patients les plus gravement malades qui tirent le meilleur profit d’une transfusion de concentré érythrocytaire ; ce sont eux toutefois qui semblent les plus susceptibles de contracter une complication immunosuppressive [3,4] infectieuse ou microcirculatoire [5,6] à la suite d’une transfusion. De plus, certaines données suggèrent que les globules rouges subis- sent, pendant la conservation, des changements qui réduisent leur capacité à porter l’oxygène jusque dans les tissus et à y libérer l’oxygène requis par les cellules environnantes [7]. Il serait donc primordial de déterminer quelle devrait être la pratique transfusionnelle optimale chez les patients hospita- lisés en réanimation et atteints d’anémie. 1.1. Conséquences de l’anémie Plusieurs études faites en laboratoire ont démontré qu’un animal sain pouvait tolérer une hémodilution marquée. Des animaux ont ainsi toléré une chute provoquée de leur concen- tration d’hémoglobine jusqu’à des taux aussi bas que 5 g/dL, alors que sont apparues des anomalies électrocardiographi- ques suggestives d’ischémie, puis une dysfonction myocar- dique à 3 g/dL [1]. Cependant, une telle chute de la concen- tration d’hémoglobine était moins bien tolérée lorsqu’on utilisait un modèle animal de sténose coronarienne, des ano- malies électrocardiographiques d’ischémie et une altération de la fonction myocardique apparaissant à des taux de 7 à 10 g/dL. Les données concernant la tolérance humaine à une ané- mie aiguë sont souvent inadéquates et discordantes. Leung et al. [5] ont décrit des anomalies électrocardiographiques sug- gérant une ischémie myocardique chez trois des 55 volontai- res conscients au repos qu’ils ont soumis à une hémodilution isovolémique aiguë visant un taux de 5 g/dL. Toutes ces données donnent un aperçu de la réponse phy- siologique à l’anémie de l’être humain, mais il est impossible d’en tirer des conclusions claires applicables aux patients soumis à une intervention chirurgicale alors qu’un grand nombre de facteurs sont susceptibles de jouer sur la consom- mation d’oxygène, comme l’activité musculaire, la tempéra- ture corporelle, la fréquence cardiaque, le tonus sympathique et le métabolisme corporel. En réalité, il faut que nous parve- nions à déterminer quel est le risque à ne pas administrer une transfusion de concentré érythrocytaire dans un contexte chirurgical. Dans le cadre d’une revue systématique, Hébert et al. [8] ont retrouvé plusieurs articles dans lesquels des patients chirurgicaux avaient fort bien toléré une anémie Adresses e-mail : [email protected] (FRCPC, MHSc(Épid), [email protected] (J. Lacroix). Réanimation 12 (2003) 615–622 www.elsevier.com/locate/reaurg © 2003 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2003.09.016

Décision de transfusion érythrocytaire en réanimationThe decision to Red blood cell transfusion in the intensive care unit

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Rapport d’expert

Décision de transfusion érythrocytaire en réanimation

The decision to Red blood cell transfusion in the intensive care unit

P.C. Hébert a, FRCPC, MHSc(Épid), intensive care unit, J. Lacroix b, MD, FRCPCa Programme d’épidémiologie clinique, institut de recherche en santé d’Ottawa, campus général,

501, chemin Smyth, casier 201, Ottawa ON K1H 8L6. Canadab Department of Pediatrics, Division of Pediatric Critical Care Medicine, Sainte-Justine Hospital, Room 3431, 3975 Cote Sainte-Catherine,

Montreal QC, H3T1C5 Canada

1. Introduction

La transfusion de concentrés érythrocytaires est unique àde nombreux égards. C’est un atout thérapeutique essentielutilisé quotidiennement, malgré le fait que la transfusion deproduits sanguins ait été en partie responsable dans les an-nées 1980 de cas de maladies virales, une transfusion ayantalors transmis le Sida ou l’hépatite C à un nombre importantde malades. Aux États-Unis, il se serait donné 11,5 millionsd’unités sanguines en 1997 [1]. La même année, il y aurait eu2,62 millions de prélèvements homologues de sang enFrance [2]. Le nombre de transfusions erythrocytaires enFrance est de 3,5 millions [2]. On pense que 50 à 70 % detoutes les unités recueillies annuellement sont transfuséesdans des établissement médicaux [3–7].

Une transfusion de globules rouges est souvent prescriteen réanimation afin de corriger une anémie et d’assurer auxorganes vitaux un transport en oxygène qui soit adéquat [1].Historiquement, les globules rouges étaient transfusés lors-que la concentration d’hémoglobine chutait sous une valeurarbitraire de 10 g/dL. Toutefois, les bénéfices théoriques decette stratégie sont remis en question actuellement. C’estainsi par exemple qu’on s’attendrait à ce que ce soit lespatients les plus gravement malades qui tirent le meilleurprofit d’une transfusion de concentré érythrocytaire ; ce sonteux toutefois qui semblent les plus susceptibles de contracterune complication immunosuppressive [3,4] infectieuse oumicrocirculatoire [5,6] à la suite d’une transfusion. De plus,certaines données suggèrent que les globules rouges subis-sent, pendant la conservation, des changements qui réduisentleur capacité à porter l’oxygène jusque dans les tissus et à ylibérer l’oxygène requis par les cellules environnantes [7]. Ilserait donc primordial de déterminer quelle devrait être la

pratique transfusionnelle optimale chez les patients hospita-lisés en réanimation et atteints d’anémie.

1.1. Conséquences de l’anémie

Plusieurs études faites en laboratoire ont démontré qu’unanimal sain pouvait tolérer une hémodilution marquée. Desanimaux ont ainsi toléré une chute provoquée de leur concen-tration d’hémoglobine jusqu’à des taux aussi bas que 5 g/dL,alors que sont apparues des anomalies électrocardiographi-ques suggestives d’ischémie, puis une dysfonction myocar-dique à 3 g/dL [1]. Cependant, une telle chute de la concen-tration d’hémoglobine était moins bien tolérée lorsqu’onutilisait un modèle animal de sténose coronarienne, des ano-malies électrocardiographiques d’ischémie et une altérationde la fonction myocardique apparaissant à des taux de 7 à10 g/dL.

Les données concernant la tolérance humaine à une ané-mie aiguë sont souvent inadéquates et discordantes. Leung etal. [5] ont décrit des anomalies électrocardiographiques sug-gérant une ischémie myocardique chez trois des 55 volontai-res conscients au repos qu’ils ont soumis à une hémodilutionisovolémique aiguë visant un taux de 5 g/dL.

Toutes ces données donnent un aperçu de la réponse phy-siologique à l’anémie de l’être humain, mais il est impossibled’en tirer des conclusions claires applicables aux patientssoumis à une intervention chirurgicale alors qu’un grandnombre de facteurs sont susceptibles de jouer sur la consom-mation d’oxygène, comme l’activité musculaire, la tempéra-ture corporelle, la fréquence cardiaque, le tonus sympathiqueet le métabolisme corporel. En réalité, il faut que nous parve-nions à déterminer quel est le risque à ne pas administrer unetransfusion de concentré érythrocytaire dans un contextechirurgical. Dans le cadre d’une revue systématique, Hébertet al. [8] ont retrouvé plusieurs articles dans lesquels despatients chirurgicaux avaient fort bien toléré une anémie

Adresses e-mail : [email protected] (FRCPC, MHSc(Épid),[email protected] (J. Lacroix).

Réanimation 12 (2003) 615–622

www.elsevier.com/locate/reaurg

© 2003 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.reaurg.2003.09.016

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grave [4,9–20]. La même constatation était faite dans plu-sieurs séries de cas [19,22–24] décrivant les suites opératoi-res de patients souffrant d’une anémie chronique secondaireà une insuffisance rénale. De plus, les résultats de plusieursétudes descriptives portant sur des patients refusant toutetransfusion de concentré érythrocytaire [10–12,18] ou surdes patients vivant dans des régions dépourvues de stock deproduits sanguins [13,21] montrent que des patients peuventfort bien supporter une intervention chirurgicale avec uneconcentration sanguine d’hémoglobine aussi basse que4,5 g/dL. Cependant, il ressort d’une lecture plus attentive deces articles qu’il pourrait exister une certaine relation entre letaux pré-opératoire d’hémoglobine, les pertes sanguines pe-ropératoires et la mortalité postopératoire [11,12]. En fait,aucun décès n’est survenu après 100 chirurgies électiveslorsque la concentration d’hémoglobine pré-opératoire dé-passait 8 g/dL et que le volume sanguin perdu pendantl’intervention était inférieur à 500 mL. La mortalité observéeparmis 542 Témoins de Jéhovah ayant subi une chirurgiecardiaque dans le même centre hospitalier était de 10,7 %,mais la mortalité attribuée à l’anémie était de 2,2 %. Dansune autre série, Viele et Weiskopf [4] décrivent l’évolution de134 Témoins de Jéhovah ayant présenté une concentrationd’hémoglobine inférieure à 8 g/dL ou un hématocrite infé-rieur à 24 % qui avaient été traités pour toutes sortes d’affec-tions médicales ou chirurgicales sans recourir à la transfusionde produits sanguins. Il y eu 50 décès parmi lesquels 23 fu-rent attribués à l’anémie, le taux d’hémoglobine étant infé-rieur à 5 g/dL. Plus de la moitié (60 %) des patients morts paranémie avaient plus de 50 ans, alors que 65 % des 27 patientsayant survécu malgré une concentration d’hémoglobine infé-rieure à 5 g/dL avaient moins de 50 ans. Ces données laissententendre que de jeunes patients qui étaient en bonne santépourraient tolérer assez bien une concentration d’hémoglo-bine de 5 g/dL au cours d’une intervention chirurgicale, maisun biais de publication est toujours possible. De plus, il fautreconnaître que les mêmes données démontrent qu’une ané-mie extrême augmente le risque de mortalité péri-opératoire.Il serait donc inapproprié de conclure à partir de ces donnéesqu’une politique de transfusion de concentré érythrocytairelibérale ou restrictive serait meilleure que l’autre. Une telleréserve est d’autant plus justifiée que la majorité des publi-cations ne s’intéressait pas à des patients qui étaient au départà risque de présenter des complications causées par uneanémie modérée ou grave.

1.2. L’anémie chez les patients à risque

Un certain nombre de facteurs de risque associés à l’ané-mie sont proposés dans des articles de revue générale[25–27] et quelques guides de pratique clinique [28–30].L’anémie serait moins bien tolérée par les sujets âgés, lespatients les plus graves, et ceux atteints de maladie corona-rienne, respiratoire ou cérébrovasculaire. Cependant, iln’existe pas de preuves définitives que ces facteurs augmen-tent le risque lié à l’anémie de façon indépendante.

Les résultats d’une petite étude cas–témoins laissent en-tendre que le nombre de complications cardiaques après unechirurgie à haut risque augmente avec la gravité de l’anémie[15]. Deux grandes études descriptives effectuées chez despatients traités en réanimation [31] ou ayant subi une chirur-gie [32] rapportent qu’une anémie plus grave est associée àune augmentation disproportionnée de la mortalité chez lespatients souffrant d’une affection cardiaque. Une étude faiteen 1958 chez des Témoins de Jéhovah souffrant d’une mala-die cardiaque démontre que le risque de mortalité, évalué parun rapport de cotes ajusté, augmente de 2,3 (IC95 % : 1,4–4,0)à 12,3 (IC95 % : 2,5–62,1) lorsque la concentration d’hémo-globine pré-opératoire baisse d’une valeur de 10–10,9 g/dL à6–6,9 g/dL (Fig. 1) [32]. En revanche, l’augmentation de lamortalité n’était pas statistiquement significative chez lespatients sans affection cardiaque. Une autre étude faite chezdes patients traités en réanimation et présentant une concen-tration d’hémoglobine inférieure à 9,5 g/dL rapporte un tauxde mortalité plus élevé chez des patients cardiaques (55 ver-sus 45 %, p = 0,09 [31]. Ces deux études étaient rétrospecti-ves et il était impossible de faire la distinction entre plusieursvariables confondantes importantes. Cependant, elles suggè-rent qu’une anémie augmente le risque de mortalité chez desadultes souffrant d’une affection cardiaque.

La gravité de l’état des patients traités en réanimationconstituerait un autre facteur de risque lié à l’anémie [11,31].Deux études rétrospectives ont démontré un lien entre l’im-portance des pertes sanguines et la mortalité péri-opératoire[11,31]. Cependant, aucune étude n’a démontré que l’âge,une maladie respiratoire ou une affection cérébrovasculairesont des facteurs de risque indépendants de mortalité chez lespatients anémiques. Faire cette démonstration pourrait s’avé-rer difficile étant donné que la maladie coronarienne estsouvent associée à ces facteurs potentiels. Pour le moment,on peut simplement indiquer qu’il s’agit probablement defacteurs aggravants chez des patients anémiques.

Deux études pédiatriques pourraient apporter un peu plusde lumière sur la question du seuil à choisir pour transfuserun patient. Une étude prospective descriptive de 1269 enfantskényans hospitalisés pour un paludisme a démontré quetransfuser ces patients diminuait leur risque de mortalité s’ils

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6 7 8 9 10 11 12+Preoperative Hgb (g/dl)

Od

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No Cardiac disease

Cardiac disease

Fig. 1. Probabilité de décès chez les patients postopératoires avec et sansmaladie cardiovasculaire.

616 P.C. Hébert et al. / Réanimation 12 (2003) 615–622

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présentaient une concentration d’hémoglobine inférieure à4 g/dL ou s’ils présentaient simultanément une dyspnée et untaux inférieur à 5 g/dL [33]. Une autre étude prospectivedescriptive s’est intéressée au sort de 2433 enfants kényansâgés de moins de 12 ans et hospitalisés avec une anémieaiguë ou chronique. Moins de 20 % d’entre eux avaient reçuune transfusion. Les données suggéraient que les enfantsprésentant en même temps une concentration d’hémoglobineinférieure à 4,7 g/dL et des symptômes respiratoires tiraientbénéfice d’une transfusion de concentré globulaire [34]. Cesdeux études soutiennent le point de vue qu’un patient assezmalade pour justifier une hospitalisation tolère mal uneconcentration d’hémoglobine inférieure à environ 5 g/dL.

D’autres facteurs pourraient augmenter le risque de cer-tains patients, comme certaines affections (drépanocytose)[35,36], cardiopathie cyanogène congénitale [37], etc.) etcertaines conditions diverses (exemple : altitude). On man-que de données solides pour étudier correctement de telsfacteurs de risque potentiels et pour évaluer le rapport entreles risques et les bénéfices de la transfusion de concentrésérythrocytaires à un patient hospitalisé en réanimation.

1.3. Bénéfices de la transfusion de concentrésérythrocytaires

Quatre études descriptives de grande envergure ont étéconçues pour comparer l’évolution de patients transfusés ounon à des taux variables d’hémoglobine. La première publiéeen 1993 par Hébert et al. [31] comportait un volet rétrospectifet un volet prospectif. Elle portait sur une cohorte de4470 patients recrutés dans six services de réanimation cana-diens de niveau trois. Le taux de mortalité avait tendance àêtre plus élevé si un patient cardiaque (maladie cardiaqueischémique, trouble du rythme, arrêt cardiaque, chirurgiecardiaque ou vasculaire) présentait un taux d’hémoglobineinférieur à 9,5 g/dL. L’analyse d’un sous-groupe de 202 pa-tients cardiaques anémiques, avec un score Apache II (AcutePhysiology and Chronic Health Evaluation) supérieur à20 montrait que la transfusion de concentrés globulairesdiminuait le risque de mortalité (55 % chez les non transfu-sés, 35 % chez ceux ayant reçu 1 à 3 unités, 32 % chez ceuxayant reçu 4 à 6 unités, p = 0,01). Les auteurs de cetterecherche ont tenté de tenir compte dans leur analyse devariables confondantes, mais il faut reconnaître que la naturerétrospective de cette étude n’a pas permis d’évaluer avectoute la rigueur souhaitée l’influence respective et l’interac-tion de facteurs comme la gravité, le nombre de transfusionset le degré d’anémie.

L’étude rétrospective de Wu et al. [38] portait sur78 974 patients âgés d’au moins 65 ans hospitalisés pour uninfarctus du myocarde. On considérait qu’il y avait anémie sil’hématocrite était inférieur à 39 %. Près de 50 % des patientsde l’étude ont présenté une anémie, mais seulement 3680 ontreçu une transfusion. Un hématocrite plus bas était associé àun taux de mortalité à 30 jours plus élevé, celui-ci approchantles 50 % chez les patients n’ayant pas reçu de transfusion

malgré un hématocrite égal ou inférieur à 27 %. Malheureu-sement, la relation entre le taux le plus bas d’hémoglobine etla mortalité n’est pas rapporté dans cette étude. Fait intéres-sant, la transfusion de concentrés érythrocytaires diminuaitla mortalité à 30 jours des patients ayant présenté un héma-tocrite inférieur à 33 % à l’admission alors que la transfusionaugmentait la mortalité si l’hématocrite de l’admission dé-passait 36 %. Ces tendances restaient les mêmes après ajus-tement pour le score Apache II, le site de l’infarctus dumyocarde, la présence d’une insuffisance cardiaque conges-tive et divers traitements, comme une thérapie de reperfusionet l’administration d’aspirine ou d’un bêta-bloqueur.

Carson et al. [39] ont tenté de déterminer par une étuderétrospective l’effet d’une transfusion péri-opératoire sur lamortalité 30 et 90 jours après une intervention chirurgicale dela hanche chez 8787 patients opérés de 1983 à 1993 dans20 hôpitaux américains. Il s’agissait d’une cohorte de pa-tients à risques, âgés en moyenne de 80 ans, avec un grandnombre d’affections associées et chez qui le taux de mortalitéglobale à 30 jours était de 4,6 %. Au total, 3699 patients(42 %) ont reçu une transfusion moins de 7 jours avant ouaprès l’opération. L’analyse des résultats, faite après avoircontrôlé les groupes pour le taux d’hémoglobine, la présencede maladie cardiovasculaire et quelques autres facteurs derisque de mortalité, démontrait que les patients ayant uneconcentration d’hémoglobine aussi basse que 8 g/dLn’avaient pas un risque de mortalité supérieur à celui despatients avec un taux d’hémoglobine comparable, même s’ilsn’avaient pas reçu de transfusion. Aucune conclusion nepouvait être tirée de cette étude pour les patients ayant pré-senté une concentration d’hémoglobine inférieure à 8 g/dLpuiqu’ils avaient presque tous reçu une transfusion. Lesauteurs de cet article ont bien sûr reconnu que l’absence dedifférence pouvait être liée à la trop faible puissance del’étude, mais ils ont signalé qu’il faudrait une étude incluantau moins 10 fois plus de patients pour détecter une différencede la mortalité à 30 jours de 10 % avec une puissance de 80 %et une erreur alpha à 5 %.

Plus récemment, Vincent et al. [40] ont réalisé une étudeprospective descriptive transversale incluant 3534 patientsadmis dans 146 services de réanimation européens pendantune période de deux semaines en novembre 1999. La propor-tion de patients ayant reçu au moins une transfusion deconcentré érythrocytaire était de 37 %, cette proportion aug-mentant à 41,6 % sur une période de 28 jours. La concentra-tion d’hémoglobine était en moyenne de 8,4 ± 1,3 g/dL chezces patients juste avant la transfusion. Dans le but de vérifiersi une transfusion augmentait le risque de mortalité, leschercheurs ont apparié 516 patients transfusés avec 516 pa-tients non transfusés dont la maladie était de même gravité etqui présentaient les mêmes variables susceptibles de lesprédisposer à recevoir une transfusion. Le risque de décèsattribuable à une transfusion était de 33 % selon cette ana-lyse. Cependant, cette partie de l’étude n’était pas sans dé-fauts, comme cela est souligné dans l’éditorial qui accompa-gne l’article [41]. En effet, il aurait fallu chercher les

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déterminants de transfusion de façon indépendante à l’inté-rieur de groupes de patients appariés au préalable pour uneconcentration d’hémoglobine évaluée avant la transfusion(exemple: < 8, 8–10 et > 10 g/dL) plutôt qu’une concentra-tion mesurée à l’admission dans le service de réanimation.Une telle approche aurait permis de mieux tenir compte dufait qu’on s’attend à ce que la transfusion de concentréérythrocytaire soit bénéfique pour une concentration d’hé-moglobine très basse (exemple : < 6 g/dL) alors qu’ellepourrait avoir un effet contraire si le taux est plus élevé.

Malheureusement, il existe peu de preuves solides surl’efficacité d’une politique de transfusion restrictive plutôtque libérale, comme le démontre une revue systématiquerésente. Carson et al. [42] ont pu trouver 10 essais cliniquesrandomisés de bonne qualité sur le plan scientifique quicomparaient différents seuils de transfusion. L’ensemble desétudes comprenaient 1780 cas de chirurgie, de polytrauma-tisme ou de réanimation recueillis sur une période de 40 ans.La concentration d’hémoglobine ayant servi dans ces étudesde seuil pour transfuser variait de 7 à 10 g/dL. Des donnéessur la mortalité étaient disponibles dans six études. Un seuilbas et conservateur n’était pas associé à une surmortalité. Enfait, le risque de décès était réduit d’environ 20 % enmoyenne avec une stratégie conservatrice (risque relatif de0,80 ; IC95 % : 0,63–1,02). La morbidité cardiaque et la duréed’hospitalisation n’étaient pas non plus modifiées par l’uneou l’autre approche. Il n’y avait pas suffisamment de donnéespour conclure dans le sous groupe de patients avec accidentcérébrovasculaire, thrombose ou embolie, de défaillancemultiviscérale, de délire, d’infection ou de retard de cicatri-sation. Carson et al. [42] affirment que les données sontinsuffisantes pour évaluer correctement les risques et bénéfi-ces de différents seuils de transfusion, en particulier chez lespatients présentant une maladie sous-jacente. Ils soulignenten outre que l’ensemble des études rassemblées sur le sujetétait dominé par un essai clinique multicentrique de grandeenvergure comprenant 838 patients, le Transfusion Require-ments in Critical Care (TRICC) Trial (43) qui était en réalitéla seule étude assez puissante pour détecter l’impact de seuilstransfusionnels différents sur la morbidité et la mortalité.

Dans l’étude TRICC [43], les patients du groupe conser-vateur (seuil de 7 g/dL) ont reçu beaucoup moins de transfu-sion (différence de 54 %). La mortalité à 30 jours étaitdiminuée chez ces patients (18,7 versus 23,3 %, p = 0,11),mais la différence était statistiquement significative seule-ment chez les patients de gravité modérée (score ApacheII < 20 ; 8,7 versus 16,1 %, p = 0,03) (Fig. 2a, 2b). Lamortalité était aussi réduite chez les patients plus jeunes(< 55 ans ; Tableau 1).

L’étude TRICC a permis d’étudier plusieurs autres ques-tions. Les auteurs étaient particulièrement intéressés parl’étude de l’impact d’une anémie plus ou moins marquée etdes deux stratégies de transfusion sur le sort des patientssouffrant d’une maladie cardiaque et sur la vitesse de sevrageau respirateur. Ils ont donc évalué un sous-groupe de 357 pa-tients (43 %) inclus dans l’étude et qui présentaient une

maladie cardiaque [44] (Tableau 2) ; 160 d’entre eux avaientété randomisés dans le groupe conservateur et 197, dans legroupe libéral. Les deux groupes étaient semblables à l’ad-mission, à deux exceptions près : les diurétiques étaientemployés moins souvent dans le groupe conservateur(43 versus 58 %, p = 0,01) alors qu’un plus grand nombre depatients avaient subi une analgésie épidurale dans le mêmegroupe (8 versus 2 %, p = 0,01). La mortalité était la mêmedans les deux sous-groupes (Figure 3a). Cependant, la mor-talité était un peu plus élevée (p = 0,3) dans le groupeconservateur pour les patients souffrant d’une maladie car-diaque ischémique confirmée, d’une maladie vasculaire péri-phérique grave ou d’une affection cardiaque grave (Fig. 3b).

Le sous-groupe de patients soumis à une ventilation méca-nique comprenait 713 des 838 patients de l’étude TRICC(85 %) [45]. Après randomisation, 357 se sont retrouvés dansle groupe conservateur et 356 dans le groupe libéral. La duréemoyenne de ventilation mécanique était de 8,3 ± 8,1 jourspour le groupe conservateur, 8,8 ± 8,7 jours pour le groupe

0 5 10 15 20 25 30

Time (Days)

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Surv

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)

Restrictive strategy

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p=0.10

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Liberal strategy

Restrictive strategy

p =0.020

APACHE II =< 20

B

Fig. 2. a et b: Survie 30 jours après l’admission à l’USI des patients inclusdans l’étude, et répartis en deux groupes : stratégie conservatrice ou libéralede transfusion de globules rouges. Le graphique A illustre les courbes desurvie (méthode de Kaplan-Meier) pour tous les patients des deux groupesétudiés. On constate une tendance à la baisse de la mortalité chez les patientsdu groupe conservateur (ligne pointillée) comparativement au groupe libéral(ligne continue) (p = 0,10). Dans le sous-groupe ayant un score ApacheII < 20 (graphique B), moins de patients sont décédés dans le groupeconservateur que dans le groupe libéral (p = 0,02).

618 P.C. Hébert et al. / Réanimation 12 (2003) 615–622

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libéral (p = 0,48) (Tableau 3). Le nombre de jours sansventilation (ventilator-free days) était respectivement de17,5 ± 10,9 et de 16,1 ± 11,4 (p = 0,09). La proportion depatients qui furent sevrés et extubés avec succès pendant aumoins 24 heures était de 82 % dans le groupe conservateur etde 78 % dans le groupe libéral (p = 0,19). Le délai de sevrageétait identique chez les 219 patients qui ont nécessité uneassistance respiratoire pendant plus de sept jours (Fig. 4).

L’effet du degré d’anémie, évalué par la concentation d’hé-moglobine, et l’effet de la transfusion de concentré érythro-cytaire ont été analysés de façon indépendante. Après ajuste-ment pour l’âge, le score Apache II et la présenced’affections sous-jacentes, on a constaté que chaque transfu-sion était associée à un allongement de la durée de la venti-lation mécanique (risque relatif de 1,10 ; IC95 %: 1,06–1,14,p < 0,01). En revanche, le degré d’anémie était sans effet

Tableau 1Résultats de tous les patients inclus dans l’étude « TRICC » (d’après [43])

Caractéristiques Groupeconservateur(n = 418)

Groupe libéral(n = 420)

Différenceabsolue entreles groupes‡(%)

IC à95 % pour ladifférence

Valeurs deprobabilité

plusbas

plus haut

Taux de mortalité, Nbre ( %)À 30 jours 78 (18,7) 98 (23,3) 4,7 –0,8 10,2 0,11À 60 jours† 95 (22,8) 111(26,5) 3,7 –2,1 9,3 0,23Au cours du séjour en réanimation 56 (13,9) 68 (16,2) 2,3 –

2,07,6 0,29

En cours d’hospitalisation 93(22,3) 118(28,1) 5,8 –0,3 11,7 0,05Dysfonction organique (moyenne ± SD)Score MOD 8,3 ± 4,6 8,8 ± 4,4 0,5 –0.1 1,1 0,10Score MOD* 10,7 ± 7,5 11,8 ± 7,7 1,1 0,8 2,2 0,03D Score MOD§ 3,2 ± 7,0 4,2 ± 7,4 1 0,1 2 0,04Défaillance organique0 défaillance 100 (23,9) 81 (19,3)1 défaillance 136 (32,5) 149 (35,6)2 défaillances 109 (26,1) 108 (26,0)3 défaillances 51 (12,2) 63 (15,0)> 3 défaillances 22 (5,3) 18 (4,3) 1,8 -3,4 7,1 0,36Durée du séjour (moyenne ± SD)En réanimation (jours) 11,0 ± 10,7 11,5 ± 11,3 0,5 j -1,0 2,0 0,53À l’hôpital (jours) 34,8 ± 19,5 35,5 ± 19,4 0,7 j -1,9 3,4 0,58

¶ Comparaison de > 3 défaillances d’organes (MSOF) par rapport à 3* Les non-survivants sont considérés comme ayant tous des dysfonctions d’organe à la date du décès.† Trois patients perdus lors du suivi pour le taux de mortalité à 60 jours, donc n = 835.‡ Différence calculée par la soustraction des valeurs moyennes du groupe conservateur à celles du groupe libéral.§ Les changements dans les scores MOD à partir des valeurs de base en tenant compte de l’ajustement du rapport de cotes en fonction de la mortalité.

Tableau 2Étude TRICC : résultats chez les 357 patients souffrant de maladies cardiovasculaires (d’après [44])

Caractéristiques Groupeconservateur

Groupelibéral

Différence IC à 95 % pour ladifférence

Valeur deprobabilité

n = 160 n = 197 plus bas plus hautTaux de mortalité, Nbre ( %)À 30 jours 36 (23) 45 (23) 0,3 % –8,4 % 9,1 % 1À 60 jours (n = 356) 42 (26) 53 (27) 0,8 % –8,4 % 10,0 % 0,9Au cours du séjour en réanimation 31 (19) 32 (16) –3,1 % –4,8 % 11,1 % 0,49En cours d’hospitalisation 43 (27) 56 (28) 1,9 % –6,9 % 10,9 % 0,81Défaillance et dysfonction organiqueMODS (n = 351) 8,6 ± 4,9 9,0 ± 4,4 0,4 -0,6 1,4 0,4D MODS (n = 351) 0,23 ± 4,2 1,28 ± 4,4 1,1 0,1 2 0,023MODS* (n = 357) 11,1 ±7,6 11,9 ± 7,9 0,7 -0,8 2,4 0,39D MODS* (n = 357) 2,7 ± 6,9 4,0 ± 7,3 1,3 -0,2 2,8 0,081Durée du séjour (moyenne ± SD)En réanimation (jours) 9,2 ± 9,1 11,3 ±11,6 2 -0,2 4,3 0,11À l’hôpital (jours) 33,0 ±19,6 35,1 ±19,5 2,2 -2 6,2 0,27

IC, intervalle de confiance ; MODS, score de défaillance multiviscérale ; D MODS, changement dans le score de défaillance multiviscérale à partir des valeursde base.

* Les non-survivants sont considérés comme ayant toutes des dysfonctions d’organe à la date du décès.

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(risque relatif de 0,99 ; IC95 % : 0,98–1,01, p < 0,45). Lafréquence d’œdème pulmonaire et de syndrome de détresserespiratoire aiguë était plus élevée parmi les patients dugroupe libéral.

Un grand nombre de questions reste sans réponses malgréles informations fournies par l’étude TRICC. La question laplus importante est peut-être de savoir pourquoi une stratégie

plus libérale de transfusion n’a pas amélioré la mortalité à30 jours et diminué le nombre de dysfonctions d’organe chezdes adultes traités en réanimation. À l’époque de l’étudeTRICC, les concentrés érythrocytaires n’étaient pas déleuco-cytés avant stockage et les banques de sang ne prêtaient pasvraiment attention à la durée de conservation dans la mesureoù elle ne dépassait pas les limites acceptées. Ce sont là deuxfacteurs qui ont pu jouer et on peut supposer que les transfu-sions supplémentaires reçues par les patients du groupe libé-ral ont pu interférer avec la réponse immunitaire des rece-veurs [46,47] ou qu’ils ont nui au flux sanguin dans lamicrocirculation [48]. Il se pourrait en effet que les transfu-sions n’aient pas permis d’augmenter l’apport d’oxygènecomme prévu. Des changements dans la fonction des globu-les rouges pendant la conservation [49–51] ou des change-ments provoqués par des pathologies comme le sepsis[52,53] peuvent contribuer à réduire l’apport d’oxygène auxtissus. De plus, une transfusion peut par elle-même êtredélétère. Nous avons répertorié un plus grand nombre d’in-

Fig. 3. a et b Survie 30 jours après l’admission chez les patients cardiaques,répartis dans les groupes conservateur et libéral. Le graphique A illustre lescourbes de survie (méthode de Kaplan-Meier) pour les 357 (43 %) patientsavec un diagnostic cardiovasculaire parmi les deux groupes étudiés. Il n’y apas de différence du taux de mortalité des patients du groupe conservateur(ligne pointillée) comparativement à ceux du groupe libéral (ligne continue)(p = 0,95). Le graphique B illustre les courbes de Kaplan-Meier pour les257 patients souffrant de cardiopathie ischémique. Il n’y a pas de différencedans le taux de mortalité des patients du groupe conservateur (ligne poin-tillée) comparativement à ceux du groupe libéral (ligne continue) (p = 0,30).

Tableau 3Étude TRICC : Résultats chez les 219 patients ayant nécessité une ventilation mécanique pendant plus d’une semaine (d’après [45])

Résultats Groupe conservateur(n = 116)

Groupe libéral(n = 103)

Valeur deprobabilité

Jours de VM (Nbre de jours)(1)

Durée de la ventilation 16,4 ± 7,9 16,9 ± 8,5 0,7Jours sans assistance ventilatoire(2) 13,6 ± 7,9 13,1 ± 8,5 0,64Sans VM pendant au moins 24 heuresSevrés de VM, Nbre (%) 101 (87) 87 (84) 0,7Délai pour réaliser le sevrage (jours) 14,1 ± 6,7 13,3 ± 7,3 0,44Sans VM pendant au moins 30 joursSevrés de VM, Nbre (%) 97 (84) 82 (80) 0,49Délai pour réaliser le sevrage (jours) 15,8 ± 6,5 15,5 ± 6,7 0,78

N.B. : L’analyse a été réalisée en « intention de traiter »(1) VM : ventilation mécanique(2) Les patients décédés se sont vu attribuer « 0 » jour sans assistance ventilatoire.

Fig. 4. Les courbes de Kaplan-Meier illustrent la durée de ventilationmécanique chez 283 patients nécessitant une assistance respiratoire pendantplus d’une semaine. Les courbes de survie n’étaient pas statistiquementdifférentes lorsqu’on les comparait au moyen d’un test logarithmique. (testde Mantel-Haenzel) (p = 0,08).

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farctus du myocarde et d’épisodes d’œdème pulmonaire dansle groupe de stratégie libérale, ce qui a pu entraîner uneaugmentation de la mortalité. Le nombre accru de concentrésglobulaires transfusés dans ce groupe peut également avoirabaissé de façon importante la réponse du système immuni-taire des receveurs [47,46] augmentant ainsi la mortalitéassociée aux infections nosocomiales et aux cas de dé-faillance multiviscérale. Toutefois, nous n’avons pas pu ana-lyser ces questions dans l’étude TRICC parce qu’environ26 % des patients avaient déjà une infection à l’inclusion.

2. Recommandation

En nous fondant sur les résultats de l’étude TRICC et surles données de la littérature, nous recommandons que lespatients stables traités en réanimation ne reçoivent une trans-fusion de globules rouges que si la concentration d’hémoglo-bine est infèrieure à 7 g/dL, l’objectif étant alors de maintenirle taux d’hémoglobine entre 7 et 9 g/dL. L’hétérogénéité despatients participant à l’étude TRICC et la cohérence desrésultats portent à croire que ces conclusions peuvent s’appli-quer à la plupart des patients stables traités en réanimation, àl’exception peut-être des cas de syndrome ischémique coro-narien aigu et de certains cas de cardiopathie congénitalecyanogène. Une telle conclusion est également étayée par lesanalyses de sous-groupes de patients atteints par une patho-logie cardiovasculaire ou sous ventilation mécanique quenous avons faites. D’autres études doivent être entreprisesauprès de patients atteints de coronaropathie et auprès dedifférents groupes de patients tels que les enfants traités enréanimation, les patients souffrant de polytraumatisme et lespatients traités en réanimation chirurgicale.

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