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NORMA ÉDITIONS 4 0 Les Décorateurs des années Bruno Foucart Jean-Louis Gaillemin A l’initiative et avec la participation de Yves Gastou Recherche bibliographique Christophe Parant Révision Françoise Viel Conception graphique maquette et mise en page Simine Célia Nattagh I.S.B.N. 2-909283-43-7 © 2015 Éditions NORMA 149 rue de Rennes 75006 Paris France

Décorateurs Les 40 - Exhibitions International · Raymond Subes 264 Louis Süe 274 Emilio Terry 284 Index 290 Orientation bibliographique 294 Annexes 301. ... Maquette Subes Finale

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N O R M AÉ D I T I O N S

40Les

Décorateursdes années

Bruno Foucart

Jean-Louis Gaillemin

A l’initiative et avec la participation de

Yves Gastou

Recherche bibliographiqueChristophe ParantRévisionFrançoise VielConception graphique maquette et mise en page Simine Célia Nattagh

I.S.B.N. 2-909283-43-7© 2015 Éditions NORMA149 rue de Rennes 75006 Paris France

S O M M A I R E

Le style 40. Un moment de grâce pour l’art français 10

B r u n o F o u c a r t

Vingt et un décorateurs des années 40 56

J e a n - L o u i s G a i l l e m i n

Jacques Adnet 60

André Arbus 74

Dolt 92

Dominique 98

René Drouet 104

Paul Dupré-Lafon 114

Maurice Jallot 126

Jules Leleu 132

Jean-Charles Moreux 140

Maxime Old 158

Jean Pascaud 168

Marc du Plantier 180

Gilbert Poillerat 194

René Prou 212

Jacques Quinet 220

Serge Roche 230

Lucien Rollin 242

Jean Royère 252

Raymond Subes 264

Louis Süe 274

Emilio Terry 284

Index 290

Orientation bibliographique 294

Annexes 301

Les Décorateurs des années 40 Le style 40. Un moment de grâce pour l’art français

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Vingt et un décorateurs des années 40J e a n - L o u i s G a i l l e m i n

Une vision télescopique de l’histoire de l’art a réduit notre compréhension de

la première moitié du XXe siècle à un certain nombre d’oppositions primaires qui

permettaient, il y a encore peu de temps, de conforter la vulgate moderne. Dans

le domaine de l’objet et du meuble, l’Art nouveau, décrié pour ses débauches

ornementales, l’Art déco, conspué pour ses dépenses somptuaires, auraient cédé

la voie à des entreprises plus franches, plus nettes qui auraient, via le Bauhaus

et l’UAM, ouvert la voie à un monde nouveau. D’un côté, les arts décoratifs, des

meubles de luxe aux matières précieuses (placage de bois exotiques, ivoire, nacre,

parchemin, galuchat, bronze doré), aux formes sophistiquées, aux ornements

superflus, réalisés par des décorateurs cramponnés au « beau métier » pour une

élite de nantis et, de l’autre, « l’équipement intérieur », tables, chaises et casiers

intégrés, réduits aux formes essentielles par des designers, dans des matières brutes

et pures – acier, verre, toile – et fabriqués en série pour le plus grand nombre.

Seul ce qui annonçait le design moderne était digne de l’attention des historiens et

le reste de la production, c’est-à-dire presque la totalité des meubles et objets des

années quarante, était impitoyablement rejetée des encyclopédies ou accompagnée

de commentaires ironiques ou méprisants.

Il aura fallu attendre les années quatre-vingt et la grande crise du postmodernisme

pour que se fissure et s’effondre cette vision puritaine et naïve qui assimilait

le capiton au vice et le tube à la vertu, la marqueterie au mensonge et la dalle de

verre à l’honnêteté, le bois à la réaction et le métal à la démocratie. Conception

battue en brèche par les barbares de tous poils et les designers en tous genres,

(Garouste et Bonetti, André Dubreuil, Philippe Starck, pour n’en citer que quelques-

uns) qui ont eu l’insolence de jouer avec les formes et les matières, de manier les

associations d’idées les plus saugrenues.

Revigoré par ces retrouvailles avec le plaisir et l’humour, le public s’est tourné avec

plus de curiosité vers les arts décoratifs récents découvrant avec surprise l’étonnante

diversité d’une création jusque-là méprisée. Prenant suite aux réévaluations de l’Art

déco et des années trente, les années quarante ont été redécouvertes en province

vers la fin des années soixante-dix comme à Toulouse où Arbus, un enfant du pays,

était remis à l’honneur par Yves Gastou. À Paris, aux puces de Clignancourt puis,

au début des années quatre-vingt, dans des galeries de la rive gauche et du quartier

Un mannequin dansun décor de Serge

Roche. Lampadaire en fer forgé patiné blancde Gilbert Poillerat et Serge Roche, 1937.

Après des études classiques et une année de math spé. à Louis-le-Grand, Marc de

Nicolas du Plantier, né à Madagascar, entre à l’École des beaux-arts à Paris dans

l’atelier de l’architecte Héraud. Il poursuit parallèlement sa formation artistique

auprès de Paul-Albert Laurens, fils de Jean-Paul à l’académie Jullian et commence sa

carrière comme « dessinateur-modéliste » chez les couturiers Jenny puis Doucet.

Formation qui marque, d’emblée, le caractère de ses futures réalisations. Le sens très

strict des volumes et des proportions de l’architecte-mathématicien sera tempéré

par le goût et le savoir-faire du styliste, tandis que le peintre tentera de rappeler sa

présence sous forme de panneaux ou de reliefs décoratifs.

C’est par le théâtre qu’il découvre le décor. La Comédie-Française lui commande les

décors et les costumes d’un Horace de Corneille puis d’un Bolivar de Jules

Supervielle. À la scène comme à la ville, il devient architecte-décorateur pour une

clientèle qui partage son goût d’une modernité à la fois puriste et cultivée. Soucieux

d’élégance, cet homme de petite taille, tiré à quatre épingles, amateur de voitures

décapotables et de jolies femmes, devenu, après-guerre le « baron » du Plantier,

saura créer des intérieurs modernes en épargnant à ses clients les rigueurs du

modernisme. Des matières simples mais traitées luxueusement, un métier de bon

faiseur, quelques citations archaïsantes, une légère touche surréaliste plairont à une

élite soucieuse d’une certaine indépendance de ton. Rendant compte de la

« pendaison de crémaillère » de l’appartement du décorateur, André de Fouquières

s ’extasie sur

le voisinage des antiques placés sur leurs piédestaux et des grandes glaces

de Max Ingrand et loue « ce modernisme sage » aux antipodes du « modernisme

exaspéré » des nouveaux riches.

Cet appartement réalisé en 1932 reproduit, en raison précisément de sa modernité,

par la revue anglaise The Architectural Review nous donne une bonne idée de

ce classicisme moderne que du Plantier partage avec Jean-Michel Frank. Tous les

volumes sont nets, sans corniches ni lambris. Murs et plafonds sont peints de

la même peinture nuagée : rose-ocre pour le salon, bleu dans la salle à manger.

De simples encadrements en relief, dans les mêmes tons, soulignent portes, niches

ou fenêtres. Le hall avec ses deux colonnes rondes sacrifie à la tradition mais elles

n’ont ni bases ni chapiteaux. Le profil des meubles revêtus de laque ou de miroir

Marc du Plantier1901-1975

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Salle à manger de l’appartement de

Marc du Plantier à Boulogne-Billancourt.

Table en marbrearabescato, chaises

en chêne cérusérecouvertes de tissu

de laine blanc. Peinture murale de

Marc du Plantier, 1936.

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est géométrique. Les glaces peintes et constellées d’or par Max Ingrand abondent.

De grands drapés et plissés blancs, quelques tapis de laine à long poil viennent

adoucir cette sévérité, notamment dans la chambre à coucher où une chauffeuse

capitonnée de satin rose ajoute une note féminine devant la coiffeuse de glace

bleue. Seuls objets d’arts, quelques marbres antiques sur des gaines strictes et une

collection de vases noirs étrusques placés sur des étagères creusées dans la

maçonnerie. Emblématiques de cette union de l’archaïque et du moderne, les sièges

égyptisants en chêne frotté de blanc d’argent et recouverts de laine blanche écrue

« cloutée d’or ».

Nous retrouvons le même atticisme, voire le même archaïsme, dans son deuxième

domicile, sur deux étages, à Boulogne. Simple jeu de volumes, de couleurs et de

Coin salon dans le hall de

l’appartement de Marcdu Plantier

à Boulogne-Billancourt.Sièges en chêne cérusérecouverts de tissu de

laine blanc. Table en bronze doré,

plateau de marbre noir. Lampadaire en

marbre blanc, abat-jouren bronze vert, 1936.

6

Bougeoirs en bronzepatiné antique de

Zadkine pour Marc du Plantier, 1938.

Meuble d’appui en parchemin

et bronze doré, 1937.

9

Page de gaucheTable en bois laqué à

la feuille d’argent, 1936.

de cet appartement. Une niche et un paravent en velours rouge pompéien tranchent

sur les murs recouverts d’un stuc nuageux couleur terre cuite très claire. Le dallage

est en marbre de Paonazzo dont les veinures grises et blanches se retrouvent sur

le divan et les fauteuils recouverts de peau de cheval naturelle qui reposent sur des

ergots de fer doré. Hiératiques, les lampadaires en bronze et en pierre scandent

l’espace. Aux côtés des antiques, une grande porteuse de vase en bois de Zadkine,

artiste qui signera désormais tous les intérieurs de du Plantier.

Table en bronze patiné, plateau

en dalle de verre, 1936.

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matières, l’ensemble entrée-salon-escalier haut de six mètres cinquante est le pivot

Peinture murale dans la salle à manger

de l’appartement de Marc du Plantier à

Boulogne-Billancourt, à gauche,

autoportrait, 1936.