26
112 LES MÉTAMORPHOSES DU PHÉNIX DANS LE CHRISTIANISME ANCIEN « Sous le consulat de Paulus Fabius et de Lucius Vitellius, après une longue période de siècles, arriva en Egypte l’oiseauphénix » 1 . En évoquant incidemment cette rumeur au livre VI de ses Annales, l’historien Tacite n’avait certainement pas l’intention d’ouvrir un débat sur les résonances symboliques ou théologiques du mythe de l’oiseau phénix. Tout au plus, après en avoir résumé les principales données légendaires, se permet-il quelque perplexité eu égard à la date de l’événement qui ne correspond à aucun décompte traditionnel, sans douter un seul instant que cet oiseau apparaisse parfois en Egypte. Et pourtant, l’arrivée d’un phénix à cette date est peut-être au point de départ d’une des relectures les plus spectaculaires d’unmythe antique dans la spiritualité chrétienne. Les deux consuls ont, en effet, exercé leur charge vers la fin du règne de Tibère, précisément durant l’année 34, ce qui situe le retour du phénix en Egypte peu de temps après la vie de Jésus et les événements qui ont marqué les débuts de l’Eglise, induisant ainsi unecoïncidencetroublanteentrela renaissance du phénix et le temps de la résurrection du Christ qui inaugure une nouvelle ère dans l’histoire du salut. Dès cet

Dep Roost Phenix

  • Upload
    derfgh

  • View
    233

  • Download
    4

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Dep Roost Phenix

Citation preview

  • 112

    LES MTAMORPHOSES DU PHNIXDANS LE CHRISTIANISME ANCIEN

    Sous le consulat de Paulus Fabius et de LuciusVitellius, aprs une longue priode de sicles, arriva en Egypteloiseau phnix1. En voquant incidemment cette rumeur aulivre VI de ses Annales, lhistorien Tacite navait certainement pas lintention douvrir un dbat sur les rsonances symboliques ou thologiques du mythe de loiseau phnix. Tout au plus, aprs en avoir rsum les principales donneslgendaires, se permet-il quelque perplexit eu gard la datede lvnement qui ne correspond aucun dcompte traditionnel, sans douter un seul instant que cet oiseauapparaisse parfois en Egypte. Et pourtant, larrive dun phnix cette date est peut-tre aupoint de dpart dune des relectures les plus spectaculaires dun mythe antique dans la spiritualit chrtienne. Les deux consuls ont, en effet, exerc leur chargevers la fin du rgne de Tibre, prcisment durant lanne 34, ce qui situe le retour du phnix en Egypte peu de temps aprs lavie de Jsus et les vnements qui ont marqu les dbuts delEglise, induisant ainsi une concidence troublante entre la renaissance du phnix et le temps de la rsurrection du Christqui inaugure une nouvelle re dans lhistoire du salut. Ds cet

  • 113

    instant, loiseau fabuleux se prte une rception chrtienne qui en renouvelle compltement linterprtation et, fait plus inattendu, qui enrichit aussi massivement la documentationrelative la tradition mythique dsormais intgre largumentaire apologtique chrtien.

    Sans compter les variations qui affectent la typologie deloiseau n de lui-mme dans les mythologies orientales, lephnix apparat pour la premire fois sous son nom grec dansun fragment du pote Hsiode o il occupe une placeintermdiaire entre le corbeau et les nymphes dans lordre de la longvit : La corneille babillarde vit neuf gnrationsdhommes florissants de jeunesse; le cerf vit quatre fois plusque la corneille ; le corbeau vieillit pendant trois ges de cerf ;le phnix vit neuf ges du corbeau et nous vivons dix ges dephnix, nous, Nymphes aux beaux cheveux, filles de Zeus, armde lgide2. Cette premire nigme chiffre met en vidence, linterface du monde animal et des divinits infrieures, un desthmes majeurs de la lgende : la longvit du phnix,comptabilise en termes de gnrations, qui semble induire unprocessus priodique et donc un temps cyclique, li lide dun ternel recommencement.

    Au VIe sicle avant Jsus-Christ, Hrodote localise lemythe en Egypte, lorsque loiseau revient tous les cinq cents ans dans la ville dHliopolis, faisant ainsi valoir ses affinits avec le culte et le symbolisme attachs lastre solaire qui marque le droulement des cycles du temps. Sans voquerencore le mystre de sa naissance et son unicit, Hrodoteraconte que, lorsque son pre est mort, le jeune oiseau quitteson pays dorigine, lArabie, pour rapporter dans le sanctuaire du Soleil la dpouille paternelle enferme dans un uf de myrrhe, soit une sorte dembaumement dans une enveloppe de parfums o lon reconnat les pratiques gyptiennes relatives aux funrailles de loiseau bennu3.

    Au terme dune volution dont il serait trop long dvoquer ici les dtails, le mythe antique reconnat finalementau phnix le privilge dtre un oiseau unique unicasemper auis ou una ales, disent Ovide et Lactance, ou mieux

  • 114

    encore un oiseau unique en son genre , un oiseau monogne selon lexpression de Clment de Rome qui, ence premier emploi chrtien du mythe la fin du premier sicle,le connote dj dun titre christologique attest ds lEvangile de Jean et appel connatre la diffusion que lon sait dans les controverses thologiques relatives la personne du Christ4. Lephnix est effectivement un oiseau dabord singulier , aupoint que, dans lpure du mythe quen dresse Isidore de Sville, ce trait serait mme lorigine de son nom, car lesArabes nomment phnixce qui est singulier 5. Puisquil ny a jamais quun seul phnix en vie, cet oiseau est, ds lors, capable de se reproduire sans aucun rapport sexuel, et, ce titre,il est un modle absolu de la saintet solitaire notammentencourage dans les traits sur la virginit, parmi lesquelsprcisment un De singularitate clericorum crit au IIIe ou auIVe sicle par un pseudo-Cyprien. Unique, immortel et engendrde lui-mme, le phnix est un tre qui devient ce quil est, qui est en mme temps son pre et son fils, perptuellement vierge,prt figurer la thologie chrtienne de la gnration divine, lafoi en la rsurrection et lidal asctique de la virginit consacre. Enfin, lorsquil entreprend son voyage vers Hliopolis pour y honorer la dpouille de son pre, le nouveauphnix est habituellement escort dune foule dautres oiseaux, joyeux et recueillis, dont Lactance dit quils ont perdu le souvenir de la chasse et quils nont plus peur, comme en un rite de consensus qui accompagne lavnement dun nouveau souverain ou comme en une figure eschatologique de la paixretrouve parmi les animaux6.

    Si les auteurs saccordent gnralement pour entourer le rituel palingnsique daromates rares, multiples et varis, les modalits de lopration hsitent entre la crmation de loiseau sur un nid parfum et sa renaissance partir dun ver n du corps putrfi de son pre. En citant le savant snateur romainManilius qui, au premier sicle avant Jsus-Christ, avaitconsacr une monographie au phnix, Pline lAncien rapporte que loiseau meurt effectivement sur un lit de parfums et quun ver nat de ses restes pour former un nouvel animal ; cettetradition est bientt relaye par Clment de Rome dans la

  • 115

    premire attestation chrtienne du mythe comme symbole de larsurrection7. En revanche, la tradition grco-latine natteste que tardivement lpisode de la combustion du phnix qui, nonobstant la croyance gyptienne dans lembrasement quotidien du bennu, semble tre un motif juif et chrtien. DanslApocalypse du Pseudo-Baruch, compose en grec au IIe siclede notre re et dont les chapitres 6 8 constituent la plus longuedescription en prose de loiseau merveilleux, le phnix porte le secret de sa naissance sur ses ailes : Ni la terre ne mengendre ni le ciel: ce sont les ailes du feu qui mengendrent8. Celatant, ce phnix juif ne meurt pas; cest un oiseau immense qui accompagne le soleil dans sa course pour en recevoir les rayonsenflamms et protger ainsi les hommes dun chauffement extrme lombre de ses ailes, comme en cho linvocationdu psaume 16 : Sub umbra alarum tuarum protege me9. Alextrme fin du IVe sicle, le phnix du pote Claudien, affaiblipar lge et la construction de son bcher, supplie le soleil de lui donner le feu qui lui rendra ses forces 10.

    Mais ds le IIe sicle, le Physiologus grec, dinspiration chrtienne, mle les deux modes de reproduction dans unprocessus o le ver surgit des cendres de loiseau dfunt. Dans son pome Sur loiseau phnix,Lactance ajoute que la nature ahumidifi et condens cescendres avant dy insuffler un germe pour les fconder et engendrer un nouvel tre. La renaissance deloiseau illustre, de cette manire, une thorie ancienne de la cration que Lactance lui-mme a dveloppe au livre II de sesInstitutions divines, lorsquil explique, la suite dOvide, que les embryons tirent leur vie dun accord discordant entre lesprincipes fondamentaux de la chaleur et de lhumidit11. Alextrme fin du Ve sicle, pour dcrire le spectacle de lapremire couve dans le paradis terrestre, le pote africainDracontius sinspire de la mme thorie: Alors que ladiscorde rgne entre leau et le feu sils sont runis, ces lments saccordent pour faire clore de nouvelles vies; leau cre les oiseaux, le feu produit les oiseaux , o le poterconcilie linjonction divine Producant aquae uolatile etlexprience naturelle de lclosion des ufs sous leffet de la chaleur ; au passage, on notera que Dracontius dplace le verbe

  • 116

    biblique producere sur le sujet flamma , laissant peut-treentendre quil compte bien le phnix parmi les premiers oisillons du paradis12.

    Car cest bien le feu qui donne toute sa cohrence la naissance de loiseau: la fois li la chaleur de ladcomposition, qui ralise ce que Claude Levi-Straussappellerait le versant cru du phnomne, et la scheressedes aromates ou parfums brler, qui en ralise le versant cuit, la flamme simpose comme la mdiation capable dunifier les deux termes contradictoires dun mouvement unique: lhumide et le sec, la pourriture et le parfum, la mort etla vie lintrieur dun mme tre13. Cela dit, le Pseudo-Baruchassocie les deux versants indpendamment du feu rgnrateur,car loiseau produit lui-mme un excrment, qui nest autre que le ver de la tradition antique, et cet excrment produit son tourle cinnamome, un des aromates les plus souvent cits dans lemythe pour embraser le bcher du phnix, inversant ainsilordre des transformations de lhumide vers le sec14.

    Habituellement, ce schma est immdiat : les textes nesignalent aucun intervalle entre la combustion et la renaissancedu phnix. Tout au plus, chez Claudien, le feu spare-t-il uncourt instant les confins de cette double vie 15. Pour autant, largnration nexclut pas certaines tapes dans lachvement du processus. Les diffrentes versions du Physiologus lesrpartissent sur trois jours o le ver est successivementdcouvert par un prtre du Soleil, acquiert des ailes pour formerun oisillon et devient finalement loiseau quil tait auparavant. Inspir par la thorie juive selon laquelle tout retour la vie estimpossible pour un cadavre de trois jours, ce dlai permet aussi la tradition chrtienne de filigraner lexprience du phnix de sa foi dans le Christ ressuscit le troisime jour .

    Car, trs tt, le phnix a t reu dans le christianismecomme une figure minente de la rsurrection, celle de Jsus,mais aussi la rsurrection personnelle de chaque homme. Ds lafin du premier sicle, Clment de Rome voque le mythe en cesens dans sa premire Eptre aux Corinthiens ; il en ignoreencore le mode de reproduction par le feu, mais il connat

  • 117

    lunicit de loiseau, le ver du phnix, ses liens avec lArabie et la ville gyptienne dHliopolis, et le cycle des cinq cents ans16.Chez Tertullien, le mythe est tout entier centr sur le paradoxede son adynaton pour exprimer la merveille de larsurrection : Je veux parler de cet oiseau extraordinaire delorient, fameux par son unicit, merveilleux par sa postrit, qui, procdant spontanment ses funrailles, se renouvelle lui-mme, dans une fin qui est une naissance, dcdant et sesuccdant, de nouveau phnix l o il ny avait plus personne, de nouveau lui-mme, lui qui ntait plus, un autre, le mme. Quy a-t-il de plus expressif et de plus clatant en cette matireou pour quelle autre ralit une telle preuve ? Dieu, en effet, adit dans ses critures : Car tu fleuriras comme un phnix, cest--dire de la mort, du cadavre, pour que tu croies que du feuaussi peut surgir la substance du corps17 . L o les versionslatines du psaume 91 imposeront finalement la traduction palma dsignant ainsi le palmier, homonyme grec deloiseau fabuleux, Tertullien lit encore un texte qui latinise le phonix de la Septante, et qui lui permet dauthentifier le symbole mythique dans une citation biblique pour appuyer safoi dans la rsurrection.

    La dmonstration de Tertullien nest pas seulement un lieu rhtorique: elle radicalise lpisode central de la renaissance de loiseau dans un jeu dialectique du mme aumme, qui singularise la transformation du phnix parmi lesmythes de mtamorphose, fonds, au contraire, sur le passagede lautre lautre. La crature issue de ce processus est moins un autre ou un nouveau phnix que le mme phnix,qui, pour autant, nest pas non plus lancien. Il est certes lui-mme, mais non pas le mme ; il est le mme, mais non pas lui-mme , dit Lactance, avant de conclure son pome sur un versqui fixe cette dialectique sur celle de la vie et de la mort : Ilconquiert la vie ternelle par le bienfait de la mort. AprsquOvide eut soulign que le phnix tire de lui-mme leprincipe qui le fait renatre, lidentit personnelle de loiseau mort et de son successeur vivant est au cur du mythe, encourageant les chrtiens interprter le symbole fabuleuxcomme le prototype parfaitement unifi du Christ ressuscit18.

  • 118

    Loiseau monogne ne lest plus seulement parce quil est unique ni mme parce quil est issu dune gnrationparticulire qui le met en dehors de lordre des cratures; illest aussi parce que, parfaitement un, il a supprim en lui toute division et toute altrit au point deffacer la frontire entre la vie et la mort pour raliser lui-mme sa propre renaissance. Dureste, si le phnix figure le Christ dans sa rsurrection, il partagedj avec lui lengagement de sa passion volontaire, jusque dans cette audacieuse apptence qui prcde le plaisir de lasouffrance ou de la mort chez Tertullien et Lactance, jusquedans lacte, galement, de recommander son esprit , o lephnix de Lactance adresse aux parfums la dernire parole duChrist en croix son Pre19.

    Figure de la rsurrection du Christ, le phnix annonceaussi celle des saints la fin des temps. Son exemple nousmontre , dit le pote Commodien, quil est possible de se relever aprs la mort Le temps viendra, pour les dfunts, de vivre nouveau20 . Dans un dveloppement sur les preuves dela rsurrection, Dracontius prcise encore que Dieu renouvellepar le feu la jeunesse acheve du phnix dont la vieillesseconsume sort du tombeau dans la force de lge21. Le mytheest ici totalement christianis, puisque Dieu lui-mme en estlinitiateur; dautre part, il nest plus question dexcrment, devermisseau ni doisillon, mais dune renaissance lge adulte qui semble faire cho la thorie augustinienne de lge et de la perfection physique des corps ressuscits22. Liconographie chrtienne confirme, enfin, le symbole de la rsurrection quandelle reprsente notamment un phnix parmi dautres oiseaux au sommet dune frise qui entoure la croix place au centre dun ciel toil23.

    Accessoirement sans doute, le phnix pourrait avoiraussi inspir les potes chrtiens lorsquils paraphrasent certainsmiracles de rsurrection. En particulier, dans la premire moitidu Ve sicle, Sdulius termine ainsi le rcit de la rsurrection deLazare, non sans quelque prciosit dont il est coutumier :Alors que lme rampe travers ses propres moelles, lecadavre vivant apparat debout devant les yeux. Et, comme

  • 119

    recr aprs les honneurs du tombeau, le mort lui-mme sedresse, la fois posthume et hritier de soi24. Aprs unetransparente allusion un phnomne de renaissance, le derniervers semble recouper ici la fois le mouvement potique et levocabulaire dun des derniers vers du pome de Lactance sur le phnix : Lui-mme son propre rejeton, il est son pre et sonhritier25. Les deux potes soulignent la fois lidentit de celui qui renat, dans la rencontre des mmes pronoms en ttede vers, et sa qualit paradoxale dhritier de lui-mme, danslheres du dernier pied, que Claudien reconnat aussi, du reste, son phnix26. Quant lnigmatique postumus qui se trouve aucentre du vers de Sdulius, il faut peut-tre le comprendre dansson sens technique et juridique n aprs la mort du pre , quiserait une manire crypte de calquer la rsurrection de Lazaresur le mode de la parent paradoxale du phnix, en mme tempspre et fils de lui-mme. On a pu, enfin, observer que le retourde la vie dans les moelles de Lazare sinspirait formellement dune scne de ncromancie pratique par la sorcire Erictho dans la Pharsale de Lucain ; mais, pour notre propos, on seraitaussi tent dy voir une allusion la croyance ancienne en larenaissance spontane des corps putrfis, dont Ovide expliquequelle se produit prcisment par le biais des moelles, avant dvoquer le mythe du phnix27. Cela tant, il faudrait bien srtablir un inventaire plus complet et plus prcis de cesparaphrases potiques de rsurrections pour conclure untransfert typologique de lexprience du phnix sur les corps ressuscits dans le Nouveau Testament.

    Ds lantiquit, les traditions sont loin de saccorder sur la priodicit des renaissances du phnix. Le Pseudo-Baruchvoque un affaiblissement quotidien de loiseau: aprs avoirretenu, tout le jour, les rayons du soleil, il se repose, la nuit,sans quil soit cependant lobjet dune renouatio ; mais avantcela, le voyant avait entendu, au levant, les anges ouvrir les troiscent soixante-cinq portes du ciel pour laisser passer le quadrigede lastre, liant ainsi le phnix la mesure quotidienne et annuelle des cycles solaires. Les scholies dAristide disent quele phnix brle chaque anne en Egypte le cadavre de sonpre28. Les cinq sicles dHrodote sont la version la plus

  • 120

    gnralement admise29. Manilius, cit par Pline, accorde loiseau une longvit de 540 ans, en lien avec la rvolution sidrale de la Grande Anne30. Tout en ne se prononant suraucune hypothse, Tacite retient les cinq cents ans de la vulgatedu mythe et un intervalle de mille quatre cent soixante et uneannes, qui correspond une priode bien connue du calendriergyptien31.

    Un autre cycle nous intresse plus directement ici.Ailleurs dans son Histoire naturelle, Pline connat, en effet, latradition dun oiseau millnaire, laquelle il naccorde, du reste, aucun crdit32. Cette version est confirme plus tardnotamment par Lactance ; et Claudien associe mme cettelongvit au cycle saisonnier : Quand le long t a mille foisfait tourner son cours et que les hivers ont, autant de fois,prcipit le leur, quand mille fois le printemps, revenu sontour, a rendu aux paysans lombre que lautomne leur a ravie, alors, sous le poids de multiples annes, il succombe enfin,puis par le nombre de lustres33. Cette croyance est, bien sr,lie lapocalyptique millnariste des premiers sicles chrtiens, notamment professe par Lactance au livre VII de sesInstitutions divines. Le cycle vital du phnix est limage des mille ans de bonheur qui doivent runir sur terre le Christ etles fidles ressuscits avant lultime sursaut de limpit et la sparation dfinitive du Jugement dernier. Le phnix sinscrit ds lors rsolument dans lre messianique o les justes vivront de nouveau mille ans en un nouveau paradisterrestre qui doit anticiper le paradis eschatologique, loiseau incarnant dans le monde les mille ans qui sont dans leparadis, selon la formule dun texte gnostique copte tudi par Michel Tardieu34.

    Non sans quelque emphase amuse, Ovide a djpressenti les attaches du phnix avec le monde de lau-dellorsquil linclut dans le paradis des oiseaux pieux quiaccueille le perroquet dfunt de Corinne35. Lactance estcependant le premier auteur qui dcrit un peu longuement lelieu o habite le phnix quand il nest pas occup luvre de sa renaissance. Et il sagit bien dun lieu de dlices, dun monde

  • 121

    inaccessible, install sur un haut-plateau au-del de touthorizon, au-del de toute hauteur, tranger au mal, auxintempries, au dchanement des lments, un monde sacrdont loiseau est le prtre et le gardien dans le bosquet vivace et ombrag du Soleil. Ce sjour est en Orient dans un lieufortun, dont Jacques Fontaine a montr quil synthtise, en prliminaire de possibles allusions bibliques, les tats delme des grands potes classiques confronts au mystre delau-del et de ses lieux dternit36.

    Est locus in primo felix oriente remotus. Lattaque pique et virgilienne du pome situe demble le paradis du phnix lendroit du premier orient , qui est aussi, dans lesGorgiques de Virgile, celui du soleil levant ; mais il est unespace de transcendance plus italique que biblique, car ilcombine lheureuse fertilit des sols virgiliens et la douceur, notamment cicronienne, des lieux de retraite, o lhomme se repose des agitations de la cit. La grande porte du ciel souvre ensuite sur ce paradis, en un remaniement direct delpitaphe compose par le vieux pote Ennius lintention de Scipion lAfricain, comme pour confirmer que la rsidence de loiseau fabuleux inclut bien les esprances dun au-delbienheureux. Le relief de ce lieu est celui des plainesdcouvertes qui, chez Virgile ou Ovide, ignorent les accidentsmontagneux ou les valles encaisses ; sa mtorologie, celledun ternel printemps dont jouissent tous les pays merveilleux depuis les jardins dAlcinoos dans lOdysse jusqu la Chine ou lInde dAmmien Marcellin. Lendroit est aussi labri des corruptions physiques et morales, de toutes les peurs, lessouffrances, tous les deuils et toutes les morts, en un centonagequi rorganise, pour en souligner labsence,la thorie deschimres postes lentre des enfers virgiliens; ici encore, lepoint de comparaison est un au-del antique rinvestipositivement dans le monde dlicieux du phnix. Du reste,quand il sent venir lheure de renatre, le phnix doit quitter ce paradis qui ne connat pas les turbulences de la gnration etde la mort, pour rejoindre notre monde o la mort tient sonroyaume ; selon Lactance, il sagit de la Syrie, qui reut deloiseau son nom de Phnicie, dans une fort qui cache en

  • 122

    ses ravins un bois plein de mystre , soit un lieu accident etsombre qui contraste avec le paysage ouvert et ensoleill duparadis dlaiss pour un temps37.

    Enfin jaillit au milieu du jardin une source deau vive qui dborde chaque mois pour irriguer le bosquet etquentourent des arbres au ft lev, chargs de fruits douxqui ne tombent jamais . Ce dernier mdaillon a souvent tcompris comme une double signature biblique du paradis duphnix. Mme si on ne peut lexclure, eu gard au fleuve,auxarbres et aux fruits merveilleux de la Gense, la visiondEzchiel sur la source du Temple, la spiritualit johannique des eaux vives et aux douze rcoltes de larbre de vie dans lApocalypse, il faut aussi admettre que ce dcor rappelledabord un ge dor romain qui consonne avec les sources mythologiques des Mtamorphoses dOvide ou les mitiapoma de la premire Bucolique de Virgile.

    Vers lanne 497, le pote Avit de Vienne reprend cette phrasologie pour dcrire, cette fois sans aucune ambigut, lepremier paradis de la Gense, au premier chant De initio mundide sa geste biblique. Est locus eoo mundi , galement : Ilest un lieu lorient du monde38. Cette description rassembletous les lieux communs du locus amoenus et du paysage idalsitu dans une contre lointaine et inaccessible par del lesIndes, l o se rejoignent les confins de la terre et du ciel :absence dhiver, t tempr, printemps fleuri et automne fruitier, abondance de vgtation, fleurs et parfums, verdurepermanente, brise rafrachissante et transparente source deau vive. Parmi cette luxuriance, le pote observe la prsence ducinnamome, dont loiseau la longue vie rassemble les branches lorsquil prit dune mort qui le fait renatre. Avit nenomme pas le phnix, mais il sagit bien de lui, car consumen son nid, il se survit lui-mme et ressuscite dune mort volontaire ; non content de natre une seule fois selon son ordre,son corps alangui par le grand ge se renouvelle et desnaissances rptes soulagent sa vieillesse incendie . Aprsque Sidoine Apollinaire eut situ lorigine du cinnamome dans le pays de lAurore, un lieu de lOcan, tout proche de lInde

  • 123

    lointaine et quil eut peu prs limit cette plante le combustible du bcher du phnix, Avit, qui tait, du reste, unparent de Sidoine, nhsite plus faire pousser dans le paradis biblique cet aromate qu tort la tradition attribue auxhabitants de Saba . Avit conteste peut-tre ici les vers deLactance qui faisait pousser le cinnamome prcisment en terre sabenne, mais surtout il inclut loiseau mythique parmi les rsidents du paradis de la Gense, ou, tout le moins,il ly fait entrer priodiquement pour y chercher la plante qui lui permet dallumer le feu de sa rgnration39. Habitant rgulierdu paradis des confins, le phnix est appel loiseau des Indes par des auteurs de la seconde sophistique comme AeliusAristide, Lucien et Philostrate, avant quAusone ne le surnomme loiseau du Gange, prcisment issu de lun des quatre fleuves dniques40.

    A lautre bout du temps, parmi la vgtation du paradis eschatologique, liconographie chrtienne atteste largement la prsence de larbre homonyme du phnix: le palmier, qui orneen particulier les scnes de traditio legis pour signifier lerenouveau de lalliance. Ainsi, par exemple, sur une mosaque du baptistre napolitain de Soter, le Christ, debout sur le cerclede lunivers, donne la loi de la nouvelle Alliance Pierre, le nouveau Mose, au milieu des palmiers clestes qui abritentloiseau fabuleux. Le motif se retrouve sur de nombreux sarcophages, attestant ainsi les prolongements eschatologiquesde la scne, la diffrence que le Christ y est habituellementdebout sur une montagne qui est en mme temps celle dunouveau Sina et celle du paradis, parfois plante sous le pinaclede la Cit cleste. A Ravenne, sur la mosaque de la coupole duBaptistre des Ariens, onze palmiers ponctuent le cortgemessianique des douze aptres qui entourent le trne crucifre ;sur les parois de la nef centrale de la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf, ils cadencent les clbres frises-processions des saints et des saintes, non sans rappeler que lesrameaux de palmier sont un attribut des lus triomphants dansla fameuse vision dApocalypse, 7, 9. Plus significative encoreest liconographie du Christ qui reoit lhommage de ses saints sur la montagne du paradis, au centre dune composition

  • 124

    entoure de deux palmiers; au sommet de lun deux est perch le phnix, tendu et surmont dun nimbe radi, comme loiseau dress sur la mme montagne dans la clbre mosaquedAntioche conserve au muse du Louvre; pour complter lascne, une frise de douze brebis converge de la gauche et de ladroite vers lAgneau de Dieu reprsent sur une petite minencedo scoulent les quatre fleuves du paradis41.

    Il ne convient pas de dtailler ici tous lesdveloppements mythiques, gographiques ou historiques de cerapprochement oblig entre le phnix et son arbre favori, ausommet duquel loiseau de Lactance construit, du reste, le nidde sa renaissance42. Tout au plus rappellerai-je que, pour lesanciens, le palmier est un symbole de souplesse et de longvitet, dautre part, que Pline lAncien semble implicitement reconnatre un lien entre cet arbre et la haute valeur morale despeuples qui en sont les compagnons 43. Par ailleurs, quand laBible grecque voque le phonix, elle le fait notamment pour luicomparer la longvit de Job et la floraison de lhomme juste, la croissance de la Sagesse et la stature de lpouse du Cantique,toutes qualits qui impliquent peu ou prou des formes dedroiture morale ou de rectitude physique et qui autorisent uneconfusion entre le phnix et son homonyme vgtal44. Si lon trouve encore le dcalque phoenix dans certains tmoins vieux-latins de la Bible, la Vulgate a systmatiquement retenu latraduction palma, mais la confusion a laiss des traces dans lesreprsentations du paradis des lus, o les justes apparaissentdans un univers composite, souvent pourvu des deux symboles.

    Isol jusque l dans un paradis mythologique etinaccessible dont il tait le seul habitant, le phnix devientdsormais un oiseau des paradis bibliques. Prsent dans lepremier paradis, il en perptue la mmoire, sinon la survie, parses renaissances priodiques, jusquau millenium delApocalypse. Oiseau dorigine, il est aussi oiseau de chaque jour, tmoin de tous les cycles solaires, et oiseau de parousiequi assure le lien entre la cosmogonie primitive et le lieueschatologique du rassemblement des lus autour du Christressuscit. Cette longvit exceptionnelle et sans cesse

  • 125

    renouvele donne au phnix davoir connu les grands vnements qui ont ponctu lhistoire des hommes et du salut. Chez Lactance et Claudien, il sort indemne des deuxcataclysmes primordiaux : le dluge de Deucalion etlembrasement du monde caus par Phaton. Dans un sermon copte sahidique sur la Vierge Marie, dat du VIe sicle, il esttmoin du sacrifice dAbel, dans le feu duquel il brle pour la premire fois, soit 500 ans aprs la cration du monde ; il yapparat galement aux Hbreux lors de leur sortie dEgypte, peut-tre dans loasis dElim o, au dbut du IIe sicle avantJsus-Christ, la tragdie grecque dEzchiel sur lExode avaitdj attest sa prsence; lanne de la naissance du Christ, il brle, pour la dixime fois, sur le pinacle du Temple deJrusalem, soit en lan 5500 ab initio mundi, selon un computattest par ailleurs dans lancienne tradition chrtienne. Dans la logique de ce comput, la prochaine apparition du phnix devraitse situer en lan 6000, cest--dire la fin du temps selon ladivision traditionnelle des six ges du monde. La longvit deloiseau rcapitule ainsi, depuis lorigine, les trois priodes de lhistoire ante legem, sub lege, sub gratia, respectivementponctues par les figures dAbel, de Mose et de Jsus45. Tu asvu tout ce qui a t , chante Claudien ; tu fus le tmoin detous les sicles rvolus 46. Et au milieu du VIIe sicle, Eugnede Tolde lui assigne lternit : Unique, je suis le phnix,oiseau du temps sans mesure47. Dot dun tel privilge, le phnix perptue, en quelque sorte, la mmoire du monde dans letemps chrtien, en prenant le relais des Egyptiens avec lesquelsil a partie lie et que les mythes anciens avaient aussi prservsdes dluges et incendies mythiques grce laction bienfaisante du Nil et du soleil.

    Tmoin de mondes inaccessibles lexprience ordinaire des mortels, le phnix lest aussi par sa nourriture impalpable, qui le distingue des cratures communes. Dj chezOvide, loiseau merveilleux ne vit ni de graines ni dherbes, mais des larmes dencens et du suc de lamome48. Maniliusavait observ que personne navait jamais vu le phnix se nourrir, et, selon Lactance, il ny a pour lui aucun aliment dans notre monde , car il gote, du nectar cleste, les roses

  • 126

    dambroisie qui tombent en fines gouttes du ciel toil49. Lephnix de Claudien se nourrit, pour sa part, de la plus purechaleur du soleil et il boit le vent nourricier de Thtys, encueillant les sucs dune vapeur lgre50. Cette abstinenceexemplaire prend un tour rsolument biblique quand loiseau du pseudo-Baruch dclare au voyant se nourrir de la manne du cielet de la rose de la terre51. Car lorsque les Hbreux ontdcouvert pour la premire fois cet aliment qui les a nourrispendant la traverse du dsert, il tait effectivement cach sousune couche de rose ; par ailleurs, la tradition scripturaire asouvent interprt ces produits comme des nourritureseschatologiques, en ce compris la rose de lumire dIsae qui annonce la rsurrection, sans compter que, depuis lediscours de Jsus sur le pain de vie, la manne est devenue pourles chrtiens un symbole eucharistique52. La nourriture duphnix lassocie donc lhistoire du peuple lu, depuis les tribulations de lExode jusqu la gloire des derniers temps, mais, si lon en croit une lgende juive, labstinence du phnix remonte mme au premier paradis : parmi les animaux delEden, le phnix aurait t le seul refuser du fruit de larbre de la connaissance distribu par Eve, ce qui lui aurait valu lesmille ans dternit quil obtint en rcompense53. Du reste, lepote Avit de Vienne rapporte quavant la faute, Adam et Eve cherchent manger sans quaucune faim les pousse,recoupant ainsi le propos de Lactance sur labsence de la faim dans le sjour du phnix54. Selon le Physiologus byzantin, lephnix ne mange ni ne boit, mais il est nourri par lEsprit-Saint,sans doute au mme titre que les lus du paradis, dont Ephremdit quils se nourrissent de ses vents et de ses parfums raffins55.Mieux que ne pouvait encore limaginer Ovide, le phnix chrtien possde dcidment un bec pur de toute souillure 56.

    Lunicit du phnix lui mrite, enfin, une dernirequalit hautement valorise dans le christianisme primitif : lavirginit. Mle ou femelle, ou bien ni lun ni lautre ou bien lun et lautre, comme le dit Lactance, loiseau unique est un tre tout la fois bisexu, qui rappelle landrogynie de lhomme primitif limage et la ressemblance de Dieu, dans lesexgses juives du premier rcit de la cration, et asexu, qui

  • 127

    profile lidal paulinien de la vie dans le Christ et ltat des ressuscits, car, selon Jsus lui-mme, la rsurrection, on neprend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans leciel 57.

    Au dbut et la fin des temps, le phnix illustre ainsilunit primordiale et dfinitive du genre humain, perdue par le pch puis reconquise dans luvre du Christ et de larsurrection. On remarquera que Lactance ne se prononce passur ltat sexuel exact du phnix, refusant ainsi dentrer dans les spculations qui animaient alors le dbat chrtien sur la place dela sexualit dans le paradis originel. Car, le phnix est, enloccurrence, moins un modle anthropologique quun modle moral: ltat particulier de loiseau lui vaut dtre au-dessus desexigences et des remous de la sexualit, et de connatre ainsi lachastet qui tait celle du premier couple et qui sera celle deslus, indpendamment de toute distinction sexuelle, les deuxcontinences tant notamment associes dans le pome dAvit de Vienne pour expliquer la vie dAdam et Eve58. Ce trait autorise,du reste, une autre confusion entre le phnix et le palmier. PlinelAncien atteste, en effet, lexistence dune espce asexue de palmiers eunuques ou spadones, qui auraient orn certainsjardins babyloniens, et la fconde chastet de la communautdes Essniens, qui vivent dans la socit des palmiers 59.

    Heureux est-il qui nhonore pas les alliances de Vnus ; sa Vnus est la mort, dans la mort est son seul plaisir ,poursuit aussitt Lactance60. Le pote inaugure ainsi une longuetradition chrtienne qui considre le phnix comme un symbolede la virginit, entendue moins comme un dni que comme unetranscendance du plaisir et de lamour: le phnix continue deles connatre et de les rechercher, mais en ignorant les lienscharnels quils supposent. Le clibat absolu de loiseau a mme servi certain intgrisme moral hostile au mariage et lunion sexuelle, comme, par exemple, lerreur encratite du IIe sicle. Persuade que la rsurrection du Christ a ouvert le temps delhumanit runifie, cette doctrine interdit le mariage, en prtextant quil a introduit la division dans lhomme primitif par le pch originel de la sexualit ; au contraire, les temps

  • 128

    eschatologiques consacrent le modle de lasctisme solitaire, que lEptre apocryphe de Tite illustre prcisment parlexemple du phnix: homme qui ne comprends pas lesfruits de la justice : pourquoi le Seigneur a-t-il cr le divinphnix ? Pourquoi ne lui a-t-il pas associ une femelle gale,mais lui a-t-il ordonn de rester unique (singularem) ? Il estpartout et ouvertement avr que cest pour montrer lajeunesse ltat de virginit, savoir que les saints ne sallient pas une femme61. La chastet radicale de loiseau de Lactance, qui ne trouve son plaisir que dans la mort et quirevendique firement son unicit, concorde avec ce rigorismeconvaincu que la saintet ne peut tre que solitaire et quelle doit bannir le plaisir depuis que le Christ ressuscit a vaincu lamort. Liconographie confirme ce symbolisme de loiseau vierge, lorsque la mosaque de labside de Sainte-Agns-hors-les-Murs Rome reprsente un phnix dans le vtement de celleque la tradition a impose comme le modle de la viergemartyre.

    A limage de loiseau quil reprsente, le mythe du phnix est un de ceux dont lacte de naissance disparat dans la nuit des temps, mais dont la lgende resurgit sans cesse dans lescivilisations ou les spiritualits les plus diverses, pour se nourrirdnergies et dimages nouvelles qui contribuent construire la vulgate de son imaginaire. En loccurrence, et ce nest pas le moindre des paradoxes, loiseau fabuleux a trouv dans le christianisme le terreau idal pour dvelopper toutes sesvirtualits symboliques, mais aussi pour en crer de nouvellesau dpart dlments qui taient peine suggrs dans les tats antrieurs de la lgende. En particulier, la rception chrtiennedu phnix a intgr les incertitudes antiques sur la longvit deloiseau et les modalits de ses renaissances dans une dmonstration beaucoup plus large et systmatique qui prenddsormais en compte tout le temps humain de son dbut sonterme, en passant par les spculations sur les ges du monde etle chiffre dune typologie christique gnralise. La longvit

  • 129

    de loiseau, sa nourriture et sa sexualit confirment, par ailleurs, son appartenance commune au premier et au dernier paradis.

    Rapparu en force dans les pomes de Lactance et deClaudien, la distance dun sicle qui fut celui de tous les renouveaux, le phnix est un figuratif mythique qui runit tousles hommes de ce temps autour dune esprance commune dansles valeurs de limmortalit. Immortalit personnelle et individuelle, dans le cadre dune nouvelle religiosit qui considre lau-del non plus comme une survie crpusculaire,incertaine et vague dans des mondes souterrains, mais commeun accs au salut ternel dans un lieu cleste et solaire, lombre de la lux perpetua. Immortalit politique, o, ds ladeuxime moiti du IIIe sicle, certaines lgendes montairesdiffusent largement limage de loiseau ren comme vecteur idologique de lternit de Rome place sous la protection dun empereur qui organise dabord le culte du Sol Inuictusavant de se revendiquer du Sol iustitiae62. Lpoque est rsolument la foi dans une autre vie, vers laquelle on tend detout son tre et de tout son regard. Mieux que tout autre mythe,le phnix traduit cette tension, notamment atteste dans lesprogrammes iconographiques chrtiens. Oiseau ancien etprimordial, il concentre lexprience immmoriale de la naissance, de la vie et de la mort, tout en louvrant sur laperspective divine et merveilleuse dune immortalit dynamique. Car, dans aucune des versions de la lgende,loiseau napparat sous laspect dun tre immuable et statique. Mme sil nest pas toujours appel mourir, inlassablement, il parcourt les cycles de la vie, il exprimente luvre du temps, il est tendu vers un voyage priodique qui est le prix de sanaissance et sa raison dtre.

    Totalement en phase avec cette spiritualit delesprance, le chrtien dcouvre dans le mythe du phnixuneconvenance intime avec le mystre central de la rsurrection,dont loiseau est un symbole, sinon une preuve et un modle. La rsurrection du Christ, dabord, associe lexprience des cycles solaires auxquels est lie la vie du phnix ; larsurrection de chaque homme, ensuite, qui, la fin des temps,

  • 130

    triomphera de toutes les corruptions pour renatre la gloiredes enfants de Dieu . Selon la belle formule qui conclut lepome de Lactance, le phnix obtient la vie ternelle par lebienfait de la mort 63. On est loin du chtiment promis Adamlorsquil fut chass du paradis originel: Tu es terre et turetourneras la terre . Sans doute la mort continue-t-elle dtre le lot commun de la fragilit humaine, mais elle nest plus maudite, carla terre dAdam est devenue la cendre du phnix de laquelle surgit la vie. Comme le phnix qui se plonge douze foisdans leau avant de brler, qui quitte son vieux corps et qui brle au milieu des aromates, le chrtien sait quil doit tre baptis dans la mort du Christ pour vivre dune vie nouvelle, quil doit se dpouiller du vieil homme pour revtir lhomme nouveau, quil est la bonne odeur du Christ parmi les hommes64.

    Oiseau flamboyant, le phnix bat des ailes pour attirerla flamme, comme le souffletqui attise ltincelle65. Sur ce fonddincendie, il sest prt toutes les thologies de la lumire, dont celle qui a fait du souffle et du feu une des trois personnesdu Dieu unique. Au dbut du monde, lEsprit de Dieu planait sur les flots, avant que la lumire ft. On aimerait croire que ce

    premier vol tait port par les ailes de loiseau dont le destin serait de brler en regardant le soleil ; surgi du Nil, et donc du rien latin, pour allumer le monde, le phnix serait alors, travers le cycle de toutes ses renaissances, de la premire ladernire aurores, lincandescent messager du Ressuscit qui proclame la fin de lApocalypse : Je suis ltoile brillante du matin .

    Paul-Augustin DEPROOST

    Universit catholique de Louvain

    Louvain-la-Neuve

  • 131

    1 TAC., ann. VI, 34 : Paulo Fabio, L. Vitellio consulibus, post longumsaeculorum ambitum, auis phoenix in Aegyptum uenit. Tout au long decette communication, qui ne prtend ni lexhaustivit ni lindit, jai tir le meilleur profit des deux ouvrages les plus essentiels sur la question duphnix : HUBAUX, J.LEROY, M., Le mythe du phnix dans les littraturesgrecque et latine, Lige-Paris, Facult de philosophie et lettres-Librairie E.Droz, 1939 (Coll. Bibliothque de la Facult de Philosophie et Lettres delUniversit de Lige,fasc. 82) ; et VAN DEN BROEK, R., The myth of thephoenix according to classical and early christian traditions, Leiden, Brill,1972 (Coll. tudes prliminaires aux religions orientales dans lempire romain, t. 24). Voir aussi les belles pages de FONTAINE, J., Lactance et lamue de loiseau phnix au sicle de Constantin, dans Naissance de la posiedans loccident chrtien. Esquisse dune histoire de la posie latine chrtienne du IIee au VIee sicle, Paris, tudes Augustiniennes, 1981, pp.53-66.2 HES., frg. 304 (d. R. Merkelbach M.L. West, Fragmenta Hesiodea,Oxford, 1967, pp.158-159), cit par PLUTARQUE, De defectu oraculorum,XI (cf. PLIN., HN VII, 153 ; AVSON., eclog. IV).3 Voir HDT., II, 73. Cette pratique funbre est relaye par CLAVD., carm.min. XXVII, 75 : Portans gramineo clausum uelamine funus. 4 Cf. I Clement, 25 ; Jn 1, 14.18 ; 3, 16.18 ; OV., am. II, 6, 54 ; met. XV, 392 ;LACT., Phoen., 31-32. JANSSENS, H.F. Deux textes syriaques inditsrelatifs au phnix, dans Le Muson, t. 47, 1934, pp.61-71, dite et traduitnotamment une notice de la lgende qui dresse une typologie labore duChrist-Phnix, dans son incarnation, sa passion et sa mort, sa rsurrection etson ascension (surtout pp.66-70).5 ISID., orig. XII, 7, 22 : Phoenix Arabiae auis, dicta quod coloremphoeniceum habeat uel quod sit in toto orbe singularis et unica. A notreconnaissance, seuls les HieroglyphicadHorapollon (II, 57), crits lpoque de Thodose, voquent la prsence simultane de deux phnix, le pre et lefils voyageant, en effet, ensemble vers Hliopolis o le phnix g meurt aulever du soleil.6 LACT., Phoen., 155-158 : Contrahit in coetum sese genus omneuolantum/ nec praedae memor est ulla nec ulla metus./ Alituum stipata chorouolat illa per altum/ turbaque prosequitur munere laeta pio. Cf. CORR., inlaudem Iustini, I, 356-358 : Domini sic uulgus amore/ undique conueniens

  • 132

    laetarum more uolucrum/ Tu uincas, Iustine! canunt ; et la visionmessianique des animaux rconcilis en Is 11, 6-8.7 Cf. PLIN., HN X, 3-5 ; I Clement, 25.8 III Baruch, 6-8 (d. J.-C. Picard, Apocalypsis Baruchi Graecae, Leiden,Brill, 1967, p. 61-96, en particulier p. 87-90). Pour une introduction au phnixdans la littrature intertestamentaire, voir plusieurs rfrences dans DENIS,A.-M.,Introduction aux pseudpigraphes grecs dAncien Testament,Leiden,Brill, 1970 (Coll. Studia in Veteris Testamenti pseudepigrapha, t. 1).9 Ps 16, 8.10 Voir CLAVD., carm. min. XXVII, 45-47 : Hic sedet et Solem blandoclangore salutat/ debilior miscetque preces ac supplice cantu/ praestaturanouas uires incendia poscit. 11 Cf. LACT., Phoen., 99 sq ; inst. II, 9, 15-27 ; OV., met. I, 430-433 ;Physiologus graecus, 7 (d. F. Sbordone, 1936, pp.25-28).12 Cf. DRAC., laud. Dei I, 267-269 : Sed cum discordent inter se elementacoacta,/ fetibus eductis concordant unda uel ignis :/ unda creat uolucres,producit flamma uolucres ; Gn 1, 20.13 Sur cette question, voir aussi DETIENNE, M., Les jardins dAdonis. La mythologie des aromates en Grce, Paris, 1972, pp.57-68.14 III Baruch (n.8), 6.15 CLAVD., carm. min. XXVII, 70-71 : Geminae confinia uitae/ exiguomedius discrimine separat ignis. 16 I Clement, 25.17 TERT., resurr. XIII, 2-3 : Illum dico alitem orientis peculiarem, desingularitate famosum, de posteritate monstruosum, qui semetipsum libenterfunerans renouat, natali fine decedens atque succedens, iterum phoenix ubinemo iam, iterum ipse qui non iam, alius idem. Quid expressius atquesignatius in hanc causam aut cui alii rei tale documentum ? Deus etiam inscripturis suis posuit : Et florebis enim, inquit, uelut phoenix (Ps 91, 13), idest de morte, de funere, uti credas de ignibus quoque substantiam corporisexigi posse.18 LACT., Phoen., 169-170 : Ipsa quidem, sed non eadem est, eademquenec ipsa est/ aeternam uitam mortis adepta bono. Ovide a dj soulign lasingularit de la naissance du phnix, en situant le mythe la fin dune srie de lgendes qui dcrivent diffrents types de naissances danimaux partir dlments en dcomposition: alors que ces naissances sont des

  • 133

    mtamorphoses dun tre en un autre, la renaissance duphnix induit uneproblmatique de lunit et de lidentit: voir OV., met. XV, 391-392 : Haectamen ex aliis generis primordia ducunt ;/ una est, quae reparet seque ipsareseminet, ales. 19 Cf. LACT., Phoen., 93-94 : Tunc inter uarios animam commendatodores/ depositi tanti nec timet illa fidem ; et Lc 23, 46 : Pater, in manustuas commendo spiritum meum , cit en LACT., inst. IV, 26, 32 sous laforme depono spiritum meum . Pour le plaisir de la souffrance et de lamort, cf. TERT., patient. III, 9 : Sed saginari patientiae uoluptatediscessurus uolebat , et LACT., Phoen., 165-166 : Mors illi Venus est, solaest in morte uoluptas :/ ut possit nasci, appetit ante mori.20 Voir COMM., apol., 138-142 : Ad illa tendamus cupidi, tota mentedeuoti./ Sicut auis Phoenix meditatur a morte renasci,/ dat nobis exemplumpost funera surgere posse ;/ hoc Deus omnipotens uel maxime credere suadet,/quod ueniet tempus defunctorum uiuere rursum. .21 Voir DRAC., laud. Dei I, 653 : Fenicis exactam renouat Deus igneiuuentam/ exustusque senex tumulo procedit adultus :/ consumens datmembra rogus sine sorte sepulcri. 22 Voir notamment AVG., ciu. XXII, 12 sq, et la note complmentaire 59LEnchiridion et la rsurrection de la chair, dans ldition du De ciuitateDei de la Bibliothque augustinienne, t. 37, pp.836-838.23 Comme, par exemple, la mosaque de la coupole du baptistre de Soter,dans la basilique napolitaine de Sainte-Restitute.24 SEDVL., carm. pasch. IV, 287-290 : anima proprias repente medullas/cernitur ante oculos uiuens adstare cadauer./ Postque sepulchralem tamquamrecreatus honorem/ ipse sibi moriens et postumus extat et heres. Cerapprochement avec le phnix a t voqu rcemment dans un article deHOFFMANN, M., Lazarus als wiedererstandener Phnix : Sedulius,Carmen Paschale 4, 290, dans Philologus, t. 147, 2003, pp.364-366.25 LACT., Phoen., 167 : Ipsa sibi proles, suus est pater et suus heres. 26 CLAVD., carm. min. XXVII, 101 : O felix heresque tui ! . SelonSPRINGER, C.P.E., The Gospel as epic in late antiquity. The PaschaleCarmen of Sedulius, Leiden, Brill, 1988, p.58, lhritier de Sdulius a putransiter par une paraphrase de la mme pricope vanglique dans le pomeDe Iesu Christo Deo et homine attribu Marius Victorinus (voir aussi e.g.AMBR., in psalm. 118 XIX, 13, 2).

  • 134

    27 OV., met. XV, 389-390 : Sunt qui, cum clauso putrefacta est spinasepulcro,/ mutari credant humanas angue medullas. PLIN., HN X, 4rapporte explicitement que le ver du nouveau phnix surgit des os et desmoelles de lancien VAN DER LAAN, . P.W.A.Th., Imitation crative dansle Carmen Paschale de Sdulius, dans J. den Boeft A. Hilhorst (d.), Earlychristian poetry. A collection of essays, Leiden, Brill, 1993, pp.135-166(surtout p.146), a fait valoir les contacts entre le rcit de la rsurrection deLazare chez Sdulius et les pratiques dErictho au chant VI de la Pharsale.28 Voir III Baruch (n.8), 6 et 8 ; schol. AEL. ARISTID. XLV, 107 (d.Dindorf, t. 3, p.429).29 Voir HDT., II, 73, notamment confirm par OV., met. XV, 395, et biendautres auteurs. 30 Voir PLIN., HN X, 4-5.31 Voir TAC., ann. VI, 34, 4 : Maxime uulgatum quingentorum spatium ;sunt qui adseuerent mille quadringentos sexaginta unum interici , quicorrespond la priode sothiaque du calendrier gyptien.32 Voir PLIN., HN XXIX, 29 (cf. MART., V, 7, 1-2).33 CLAVD., carm. min. XXVII, 27-31 : Namque ubi mille uias longinquaretorserit aestas,/ tot ruerint hiemes, totiens uer cursibus actum,/ quas tulitautumnus, dederit cultoribus umbras,/ tum multis grauior tandem subiungiturannis/ lustrorum numero uictus. Cf. LACT., Phoen., 59.34 Voir TARDIEU, M., Pour un phnix gnostique, dans Revue de lhistoire des religions, t. 183, 1973, pp.117-142 (surtout p.121).35 Voir OV., am. II, 6, 49-58.36 Pour une description du paradis du phnix, voir LACT., Phoen., 1-30,et lanalyse de FONTAINE, J., Un paradis encore bien classique : leprlude du pome De aue Phoenice (v. 1-29), dans J. Granarolo (d.), Autourde Tertullien. Hommage Ren Braun, t. 2, Nice, 1990 (Coll. Publications dela Facult des Lettres et Sciences Humaines de Nice, t. 56), pp.177-192.37 Voir LACT., Phoen., 63-68 : Cumque renascendi studio loca sanctareliquit,/ tunc petit hunc orbem, mors ubi regna tenet./ Dirigit in Syriamceleres longaeua uolatus,/ Phoenicis nomen cui dedit ipsa uetus,/ secretosquepetit deserta per auia lucos,/ sicubi per saltus silua remota latet. 38 ALC. AVIT., carm. I, 193.39 Voir ALC. AVIT., carm. I, 238-244 : Hic, quae donari mentitur famaSabaeis,/ cinnama nascuntur, uiuax quae colligit ales,/ natali cum fine perit

  • 135

    nidoque perusta/ succedens sibimet quaesita morte resurgit:/ nec contenta suotantum semel ordine nasci,/ longa ueternosi renouatur corporis aetas/incensamque leuant exordia crebra senectam. Lactance cite le cinname etlamome parmi dautres aromates poussant notamment dans la Sabe, en LACT., Phoen., 79 s.40 La tradition mythique identifie effectivement au Gange le Physon, qui estun des quatre fleuves dEden (Gn 2, 11): voir e.g. AMBR., parad. III, 14 ;AVG., gen. ad litt. VIII, 7, 13 ; MAR. VICTOR., aleth. I, 275-278 ; ALC.AVIT., carm. I, 290. Pour la localisation du phnix dans lInde merveilleuse, voir e.g. AVSON., griph., 16 : Gangeticus ales ; SIDON., carm. IX, 326situe en Inde le bcher du phnix ; AEL. ARISTID., XLV, 107 (d. Dindorf,t. 2, p. 144), LVC., nau., 44, HILOSTR., Apoll. III, 49 appellent le phnixloiseau des Indes; CLAVD., carm. min. XXVII, 98 dit quun Indus odormonte du sanctuaire gyptien dans lequel brle la dpouille du vieux phnix.41 Cette composition est notamment atteste sur la mosaque absidiale de labasilique romaine des saints Cme et Damien. Pour un abondant dossiericonographique sur le phnix chrtien, voir VAN DEN BROEK (n.1), pp.423-464.42 Voir LACT., Phoen., 69-72 : Tum legit aerio sublimem uertice palmam,/quae Graium phoenix ex aue nomen habet,/ in quam nulla nocens animansprorepere possit,/ lubricus aut serpens aut auis ulla rapax. La hauteur delarbre le protge contre les animaux dangereux, serpents ou rapaces, qui sont autant de symboles des contagions du monde.43 Ainsi, la communaut juive des Essniens, qui vit loin des turbulences delamour et de largent, et jouit, malgr une stricte continence, dune existence exceptionnellement longue dans la compagnie des palmiers : voir PLIN.,HN V, 73. Pour la longvit du palmier, voir e.g. PLUTARQUE, Propos detable VIII, 4, 2.44 Voir Jb 29, 18 ; Ps 91, 13 ; Si 24, 18 ; Ct 7, 7.45 Ce sermon a t dit, traduit et prsent dans VAN DEN BROEK (n.1), pp.33-47. Pour les apparitions bibliques du phnix, voir VAN DEN BROEK (n.1),pp.119-131. La description dEzchiel le Tragique nous est connue dans un fragment cit par EUSEBE, Prparation vanglique IX, 29, 15-16. Pour lesdeux cataclysmes primordiaux, voir LACT., Phoen., 11-14 ; CLAVD., carm.min. XXVII, 105-107.

  • 136

    46 CLAVD., carm. min. XXVII, 104-105 : Vidisti quodcumque fuit. Tesaecula teste/ cuncta reuoluuntur. 47 EVG. TOLET., carm. XLIV, 1 (MGH AA, t. 14, p. 258) : Vnica sumPhoenix immensi temporis ales .48 OV., met. XV, 393-394 : Non fruge neque herbis,/ sed turis lacrimis etsuco uiuit amomi. Sur la nourriture du phnix, voir VAN DEN BROEK (n.1),pp.335-356.49 Voir LACT., Phoen., 109-112 : Non illi cibus est nostro concessus inorbe/ nec cuiquam inplumem pascere cura subest./ Ambrosios libat caelestinectare rores,/ stellifero tenues qui cecidere polo. Pour le tmoignage deManilius, voir PLIN., HN, X, 4.50 Voir CLAVD., carm. min. XXVII,14-16 : Sed purior illum/ solis feruoralit uentosaque pabula potat/ Tethyos, innocui carpens alimenta uaporis. 51 Voir III Baruch (n.8), 6.52 Voir Ex 16, 13-15. La manne est une nourriture eschatologique en Apc, 2,17 ; elle est une figure eucharistique en Jn 6, 31.49.58. Pour la rose delumire , voir Is 26, 19.53 Voir GINZBERG, L., The Legends of the Jews, Philadelphia, t. 1, 1961, p.32, et t. 5, 1955, p.51 n. 151.54 Cf. AVIT., carm. II, 14-15 : Sic epulas tamen hi capiunt escamquerequirunt,/ compellit quod nulla fames ; et LACT., Phoen., 19-20 : Luctusacerbus abest et egestas obsita pannis/ et curae insomnes et uiolenta fames. 55 Cf. Physiologus byzantinus, 10 (d. F. Sbordone, 1936, pp.199-204, surtoutp.200), et EPHREM, Hymnes sur le paradis IX, 7-17.56 OV., met. XV, 397 : Et puro nidum sibi construit ore. 57 Voir Mt 22, 30 ; Ga 3, 28 ; LACT., Phoen., 163 : Femina seu mas sit seuneutrum seu sit utrumque : tel quil est dit par Hubaux-Leroy (n.1), p.XV, ce vers est une conjecture inspire de la description ovidienne delhermaphrodite (OV., met. IV, 378-9) ; cependant, Znon de Vroneconfirme bien que loiseau possde les deux sexes en mme temps (ZENO, I.,2, 9, 20 [CC, t. 22, p.20]), et WEYMANN, C. Zum Phoenix des Lactantius,dans RhMPh, t. 47, 1892, p.640 pense quil dpend, sur ce point, du texte de Lactance. Pour la bissexualit du premier homme, voir e.g. PHILO, deopificio mundi, 134.152 ; legum allegoriae, II, 13. Pour un expos completsur la sexualit du phnix, voir VAN DEN BROEK (n.1), pp.357-389.58 Voir ALC. AVIT., carm. II, 25-30.

  • 137

    59 Voir PLIN., HN XIII, 41 (pour les palmae spadones) ; V, 73 (pour lachastet des Essniens).60 LACT., Phoen., 164-165 : Felix, quae Veneris foedera nulla colit./ Morsilli Venus est, sola est in morte uoluptas. 61 Voir Epistula Titi, 336-340 (d. D. de Bruyne, dans Revue Bndictine, t.37, 1925, pp.47-72, et plus particulirement p. 56, o je propose de corrigeriuuentutis par le datif iuuentuti). Tout au long de cette lettre, les exhortations la chastet soulignent lenvi lidal de la vie solitaire dans les expressions unicus status, singularis status, unico corpore manere, singularis manere,singularis conuersari, o lon reconnat les adjectifs qui expriment aussi lunicit du phnix. Pour le phnix comme symbole de virginit, voir e.g.AMBR., in psalm. 118 XIX, 13, 2.62 Cela dit, le symbole idologique du phnix est dj attest la fin dupremier sicle, dans les pigrammes de Martial, en MART., V, 7.63 LACT., Phoen., 170 : Aeternam uitam mortis adepta bono. 64. Cf. LACT., Phoen., 35-38 et Rm 6, 1-11 (baptme) ; CLAVD., carm. min.XXVII, 53-54 et Eph 4, 22-24 (homme nouveau) ; pour le chrtien, bonneodeur du Christ , voir 2Co 2, 15.65. Voir DRAC., Romul. X (= Medea), 107-108 : Verberat alas/ ut flammasasciscat auis.