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Article original Devenir à long terme de patients traités par angioplastie primaire à la phase aiguë dun infarctus du myocarde. Expérience dun centre hospitalier général alsacien Long-term outcome of acute myocardial infarction treated with primary angioplasty. Experience of a public center in Alsatia-France V. Schaller a , F. de Poli a, * , S. Buffler a , P. Couppie a , Y. Gottwalles b , J.-P. Monassier c , M. Hanssen a a Service de cardiologie, centre hospitalier général de Haguenau, 64, avenue du Professeur-Leriche, 67500 Haguenau, France b Service de cardiologie, GHPCA (groupe hospitalier privé du Centre-Alsace), 16, rue Roesselmann, 68000 Colmar, France c Service de cardiologie, centre hospitalier général E.-Muller, 20, avenue du Docteur-René-Laennec, 68100 Mulhouse, France Disponible sur internet le 12 septembre 2006 Résumé Objectif. Évaluer le devenir à long terme des patients traités à la phase aiguë dun infarctus du myocarde par angioplastie primaire, dans un centre hospitalier général du nord de lAlsace. Patients et méthodes. Deux cent quatre-vingt-dix-huit patients ayant bénéficié dune coronarographie en urgence à lhôpital de Haguenau, en vue dune angioplastie immédiate, entre le 1 er janvier 1999 et le 31 décembre 2001. Suivi hospitalier et à long terme, rétrospectifs. Résultats. Deux cent soixante-quatre patients (88,6 %) ont effectivement été traités par angioplastie en urgence, avec un taux de succès de 87,1 %. La mortalité hospitalière atteignait 7,7 %, sur une population hétérogène comprenant 16,4 % de patients âgés de plus de 75 ans, et 11,7 % de patients en classe Killip 3 ou 4 à ladmission. Au terme dun suivi moyen de 34 mois, le taux de patients perdus de vue était de 4,7 %, le taux de survie global de 78,9 %, et le taux de survie sans événement de 41,9 %. Conclusion. Ces résultats, comparables aux données de la littérature, confirment que langioplastie coronaire en urgence est une méthode de revascularisation efficace sur une population de la « vraie vie », avec des résultats qui se maintiennent dans le temps. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. Estimation of long-term outcome for patients suffering from acute myocardial infarction treated with primary angioplasty in an alsatian public center. Patients and methods. Two-hundred and ninety-eight patients who underwent an urgent coronarography in a non-university center, with a view to immediate angioplasty, between January 1999 and December 2001. Results. Two-hundred and sixty-four patients (88.6%) were actually treated with urgent angioplasty, which has been successful in 87.1% of cases. Hospital mortality was of 7.7%. The population was composed of 16.4% patients older than 75 and of 11.7% patients with Killip 3 or 4 at admission. Mean follow-up was 34 months, lost to follow-up rate was of 4.7%. The global survival rate was of 78.9% and eventless survival rate of 41.9%. Conclusion. Our results confirm the efficiency of angioplasty in real-life conditions as well at short-term as at long-term. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Infarctus du myocarde ; Angioplastie ; Mortalité ; Devenir Keywords: Acute myocardial infarction; Angioplasty; Mortality; Outcome http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/ Annales de Cardiologie et dAngéiologie 55 (2006) 346351 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. de Poli). 0003-3928/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2006.08.001

Devenir à long terme de patients traités par angioplastie primaire à la phase aiguë d'un infarctus du myocarde. Expérience d'un centre hospitalier général alsacien

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http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 55 (2006) 346–351

Article original

* Auteur corrAdresse e-m

0003-3928/$ -doi:10.1016/j.an

Devenir à long terme de patients traités par angioplastieprimaire à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde.

Expérience d’un centre hospitalier général alsacien

Long-term outcome of acute myocardial infarction treated with

primary angioplasty. Experience of a public center in Alsatia-France

V. Schallera, F. de Polia,*, S. Bufflera, P. Couppiea, Y. Gottwallesb, J.-P. Monassierc, M. Hanssena

a Service de cardiologie, centre hospitalier général de Haguenau, 64, avenue du Professeur-Leriche, 67500 Haguenau, Franceb Service de cardiologie, GHPCA (groupe hospitalier privé du Centre-Alsace), 16, rue Roesselmann, 68000 Colmar, France

c Service de cardiologie, centre hospitalier général E.-Muller, 20, avenue du Docteur-René-Laennec, 68100 Mulhouse, France

Disponible sur internet le 12 septembre 2006

Résumé

Objectif. – Évaluer le devenir à long terme des patients traités à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde par angioplastie primaire, dans uncentre hospitalier général du nord de l’Alsace.

Patients et méthodes. – Deux cent quatre-vingt-dix-huit patients ayant bénéficié d’une coronarographie en urgence à l’hôpital de Haguenau,en vue d’une angioplastie immédiate, entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001. Suivi hospitalier et à long terme, rétrospectifs.

Résultats. – Deux cent soixante-quatre patients (88,6 %) ont effectivement été traités par angioplastie en urgence, avec un taux de succès de87,1 %. La mortalité hospitalière atteignait 7,7 %, sur une population hétérogène comprenant 16,4 % de patients âgés de plus de 75 ans, et11,7 % de patients en classe Killip 3 ou 4 à l’admission. Au terme d’un suivi moyen de 34 mois, le taux de patients perdus de vue était de4,7 %, le taux de survie global de 78,9 %, et le taux de survie sans événement de 41,9 %.

Conclusion. – Ces résultats, comparables aux données de la littérature, confirment que l’angioplastie coronaire en urgence est une méthode derevascularisation efficace sur une population de la « vraie vie », avec des résultats qui se maintiennent dans le temps.© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Objectives. – Estimation of long-term outcome for patients suffering from acute myocardial infarction treated with primary angioplasty in analsatian public center.

Patients and methods. – Two-hundred and ninety-eight patients who underwent an urgent coronarography in a non-university center, with aview to immediate angioplasty, between January 1999 and December 2001.

Results. – Two-hundred and sixty-four patients (88.6%) were actually treated with urgent angioplasty, which has been successful in 87.1% ofcases. Hospital mortality was of 7.7%. The population was composed of 16.4% patients older than 75 and of 11.7% patients with Killip 3 or 4 atadmission. Mean follow-up was 34 months, lost to follow-up rate was of 4.7%. The global survival rate was of 78.9% and eventless survival rateof 41.9%.

Conclusion. – Our results confirm the efficiency of angioplasty in real-life conditions as well at short-term as at long-term.© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Infarctus du myocarde ; Angioplastie ; Mortalité ; Devenir

Keywords: Acute myocardial infarction; Angioplasty; Mortality; Outcome

espondant.ail : [email protected] (F. de Poli).

see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.card.2006.08.001

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Tableau 1Caractéristiques générales de la population

Effectifs n = 298Sexe (Hommes/Femmes) 222 (74,5 %) / 76 (25,5 %)Âge moyen 61 ans ± 13,1 (minimum 33,

maximum 93)Facteurs de risqueHypertension artérielle 130 (43,6 %)Diabète 63 (21,1 %)Tabagisme 172 (57,7 %)Dyslipémie 211 (70,8 %)Obésité 130 (43,6 %)Hérédité 55 (18,5 %)

Antécédents coronariens 101 (33,9 %)Angor 95 (31,9 %)IDM 28 (9,4 %)Angioplastie 18 (6,0 %)Fibrinolyse 4 (1,3 %)Pontage aortocoronarien 5 (1,7 %)

Classe Killip1 205 (68,8 %)2 56 (18,8 %)3 15 (5,0 %)4 20 (6,7 %)

Fibrinolyse préalable 13 (4,4 %)Mort subite réanimée 15 (5,0 %)Délais Symptômes-Coro< 3 heures 84 (28,2 %)3–6 heures 113 (37,9 %)

Lésion réseauIVA/diagonale 136 (45,6 %)Extension des lésionsMonotronculaires 159 (53,4 %)Bitronculaires 89 (29,9 %)Tritronculaires 50 (16,8 %)

Flux TIMI dans l'artère coupable0–1 230 (77,2 %)2 18 (6,0 %)3 50 (16,8 %)

Angioplastie en urgence 264 (88,6 %)Avec pose de stent 240 (90,9 %)Avec anti-GP IIB/IIIA 132 (50,0 %)

Pic du taux de CPK 2662 ± 2432 (minimum < 200,maximum 18651)

FEVG ≤ 40 % 50 (20,5 %)

1. Introduction

L’angioplastie coronaire en urgence a montré dans une suc-cession d’études randomisées récentes groupées en une vasteméta-analyse [1] sa supériorité sur la fibrinolyse dans le traite-ment de l’infarctus du myocarde (IDM) : meilleur taux dereperfusion — de l’ordre de 90 % — et diminution des effetsindésirables graves, en particulier hémorragiques. Ces résultatssemblent se confirmer à long terme [2].

Elle est la technique de revascularisation recommandée enpremière intention par les sociétés savantes de cardiologie,lorsque le patient se trouve à moins de 90 minutes d’un centrede cardiologie interventionnelle expérimenté, mais aussi en casde choc cardiogénique ou de symptômes évoluant depuis plusde trois heures [3,4].

Pour confronter ces données à la pratique quotidienne, nousnous sommes intéressés au devenir des patients admis dansnotre salle de coronarographie à la phase aiguë d’un IDM,durant la phase hospitalière, puis à plus long terme.

2. Patients et méthodes

2.1. « Thalos »

C’est un registre prospectif, mis en place à partir du 1er jan-vier 1999 dans trois centres hospitaliers non universitaires de larégion Alsace. Sont inscrits à ce registre tous les patients pré-sentant un tableau d’IDM aigu, bénéficiant d’une coronarogra-phie en urgence, et le plus souvent d’une angioplastie.

2.2. Critères d’inclusion

Les 298 patients de notre étude sont ceux inclus dans « Tha-los » au centre hospitalier général de Haguenau, entre le 1er

janvier 1999 et le 31 décembre 2001.

2.3. Critères d’exclusion

Patients initialement inscrits au registre dont le diagnosticfinal était différent d’un infarctus du myocarde (myocardite,angor instable sans élévation enzymatique significative).

L’étude a été menée rétrospectivement, en deux phases. Lapremière, concernant l’évolution à court terme, a été réalisée àpartir des dossiers d’hospitalisation. La seconde phase, s’inté-ressant au devenir à long terme, est fondée sur un questionnaireadressé aux médecins traitants, généralistes et/ou cardiologues.

Les calculs et tests statistiques ont été effectués à l’aide deslogiciels informatiques Excel et SPSS.

3. Résultats

3.1. Présentation générale de la population étudiée

Ces données sont résumées dans le Tableau 1.

3.1.1. Données épidémiologiques

L’âge moyen était de 61 ± 13,1 ans (minimum 33, maxi-mum 93) ; 16,4 % des patients avaient plus de 75 ans.

Les hommes étaient largement majoritaires (74,5 %).

Les facteurs de risque cardiovasculaires classiques ont étéretrouvés dans les proportions suivantes : hypertension arté-rielle chez 130 patients (43,6 %), diabète chez 63 patients(21,1 %), tabagisme actif ou sevré chez 172 patients(57,7 %), dyslipémie, définie par les critères de préventionsecondaire, chez 211 patients (70,8 %), surcharge pondérale/obésité chez 130 patients (43,6 %), hérédité chez 55 patients(18,5 %).

Antécédents coronariens : 18 de nos patients (6,0 %)avaient déjà bénéficié d’une angioplastie coronaire au préalableet 28 (9,4 %) avaient présenté un infarctus du myocarde.

Délais d’admission (temps écoulé entre le début des symp-tômes et l’admission en salle de coronarographie) : inférieur à

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trois heures pour 84 patients (28,2 %), de trois à six heurespour 113 patients (37,9 %), de 6 à 12 heures pour 57 patients(19,1 %), supérieur à 12 heures pour 39 patients (13,1 %).Donnée non renseignée pour cinq patients (1,7 %).

Signes de gravité à l’admission : 15 patients (5,0 %) avaientprésenté une mort subite récupérée en préhospitalier (le plussouvent troubles du rythme ventriculaire ayant nécessité auminimum un choc électrique externe), la classe Killip àl’admission était cotée respectivement 3 et 4 pour 15 et 20patients (5,0 et 6,7 % de la population) et 50 patients(20,5 %) avaient une fraction d’éjection inférieure à 40 %. Cedernier critère était cependant inconstamment renseigné (54non renseignés).

Taux moyen du pic de CPK totales : 2662 ± 2432(minimum < 200, maximum 18651).

3.1.2. Données angiographiques

L’artère coupable était : le tronc commun pour un patient(0,3 %), l’artère interventriculaire antérieure ou la diagonalepour 136 patients (45,6 %), l’artère circonflexe ou la marginalegauche pour 53 patients (17,8 %), l’artère coronaire droite,l’artère rétroventriculaire ou la marginale droite pour 108patients (36,2 %).

Le flux TIMI dans l’artère coupable était nul dans la majoritédes cas (204 patients, 68,5 %). Il était de 1 dans 26 cas (8,7 %),2 dans 18 cas (6,0 %) et 3 dans 50 cas (16,8 %).

Diffusion des lésions : 159 patients présentaient une atteintemonotronculaire (53,4 %), 89 une atteinte bitronculaire(29,9 %) et 50 des lésions tritronculaires (16,8 %).

Tableau 2Résultats hospitaliers

Effectifs n = 298 (population globale)Taux de succès de l'angioplastie 230/264 (87,1 %)Mortalité hospitalièreGlobale 23 (7,7 %)Chocs cardiogéniques exclus 9 (3,2 %) n = 274Facteurs prédictifs de décès

3.1.3. Décision thérapeutique

Les 298 patients de la cohorte sont arrivés en salle de coro-narographie dans l’optique initiale d’une angioplastie enurgence. Notons que 13 d’entre eux (4,4 %) avaient bénéficiéd’une fibrinolyse préhospitalière. En pratique, seuls 264patients (88,6 %) ont effectivement bénéficié de cette approchethérapeutique après les résultats de la coronarographie. Unstent a été posé en complément dans 90,9 % des cas et untraitement par anti-GP IIb/IIIa administré dans 50 % des cas.

Lorsqu’il était décidé de ne pas pratiquer d’angioplastie enurgence, l’attitude était la suivante :

Analyse univariée Âge, diabète, délaid'admission, mort subiterécupérée, classe Killipd'admission 3 et 4, échecd'angioplastie, FEVG ≤ 40 %

Analyse multivariée ÂgeClasse Killip d'admission 3et 4

Réocclusions précoces du stent 12 (4,0 %)Hématomes au point de ponction (traitementchirurgical)

5 (1,7 %)

Hémorragie digestive 1 (0,3 %)Accident vasculaire cérébral hémorragique 1 (0,3 %)Troubles du rythme ventriculaire 35 (11,7 %)Troubles du rythme supraventriculaire 12 (4,0 %)

● angioplastie différée dans 13 cas (4,4 % des patients), quandl’artère était spontanément reperfusée ou lorsque les patientsétaient arrivés hors délais ;

● revascularisation chirurgicale dans cinq cas (1,7 %) lorsqu’ils’agissait de lésions complexes, pluritronculaires, ou d’unesténose serrée du tronc commun ;

● traitement médical conventionnel pour 16 patients (5,4 %)qui présentaient un infarctus de petite taille, en rapport avecl’occlusion d’une artère grêle, ou dont l’état global ne lais-sait attendre que peu de bénéfices d’une attitude interven-tionniste.

3.2. Évolution hospitalière

3.2.1. Résultat de l’angioplastiePour les 264 patients angioplastiés en urgence, le taux de

succès était de 87,1 % (artère coupable en flux TIMI 3 en finde procédure et sténose résiduelle inférieure à 50 % exclusive-ment). Une réocclusion précoce du stent, perhospitalière, anécessité une nouvelle angioplastie chez 12 de nos patients(4,0 %) (Tableau 2).

3.2.2. Décès hospitaliersVingt-trois patients (7,7 %) sont décédés en phase hospita-

lière. En excluant de notre cohorte les patients s’étant présentésen choc cardiogénique (20 patients), ce taux n’est plus que de3,2 %. La majorité des décès sont survenus précocement, avantle dixième jour post-infarctus (19 cas) : décès en salle de coro-narographie (trois cas), choc cardiogénique et troubles durythme ventriculaire (14 cas), complications mécaniques(deux cas). Les décès plus tardifs étaient consécutifs à unedéfaillance polyviscérale.

3.2.3. Facteurs prédictifs de décès en analyse univariée(pour la série des 264 patients effectivement angioplastiésen urgence)

L’âge, le diabète, un délai d’admission supérieur à six heu-res, une mort subite récupérée en préhospitalier, une classe Kil-lip supérieure ou égale 3, l’échec d’angioplastie et une FEVGinférieure à 40 %.

3.2.4. Facteurs prédictifs de décès en analyse multivariéeL’âge et une classe Killip supérieure ou égale à 3.

3.2.5. Complications du traitementCinq patients ont présenté un hématome au point de ponc-

tion (1,7 %) ayant nécessité une prise en charge chirurgicale,un patient a été victime d’une hémorragie digestive avec néces-

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sité de transfusion (0,3 %), un autre a présenté un AVC hémor-ragique (patient traité initialement par fibrinolyse avec angio-plastie de sauvetage).

3.2.6. Complications mécaniques de l’IDMSeize patients (5,4 %) ont présenté un anévrisme ventricu-

laire, deux (0,7 %) une insuffisance mitrale, un (0,3 %) unshunt interventriculaire, un (0,3 %) une rupture de piliers,deux (0,7 %) une rupture myocardique et un (0,3 %) une tam-ponnade.

3.2.7. Complications rythmiquesDes troubles du rythme ventriculaire soutenus ont com-

pliqué l’IDM dans 35 cas (11,7 %) et des troubles du rythmesupraventriculaire dans 12 cas (4,0 %).

3.3. Suivi à long terme

La durée moyenne de suivi a été de 34,2 mois(± 15,4 mois).

Ce suivi a concerné 262 patients, chiffre obtenu en dédui-sant de notre cohorte initiale les 23 décès hospitaliers et les 13patients (4,6 %) perdus de vue.

3.3.1. DécèsLes décès enregistrés au cours du suivi étaient au nombre de

27 (10,3 % des patients vivants en fin d’hospitalisation), avecdes causes essentiellement cardiaques (16 cas) ou vasculaires(six cas). Le décès est survenu en moyenne 14,7 mois(± 12,6 mois) après l’infarctus initial (Tableau 3).

3.3.2. Événements cardiovasculaires non fatalsOnt été relevés au cours du suivi :

● 24 récidives d’IDM non fatals (9,2 % des patients vivantsen fin d’hospitalisation) ;

● 12 cas d’angor instable (4,6 % des patients) ;● 44 nouvelles angioplasties, ainsi que 22 pontages aortocoro-nariens.

Tableau 3Causes de décès au cours du suivi

Causes de décès Nombre de patientsCardiaques IDM 3

Mort subite 3Insuffisance cardiaque terminale 3Insuffisance cardiaque aiguë 2Non précisée 5

Vasculaires AVC ischémique et/ouhémorragique

3

Infarctus mésentérique 1Ischémie aiguë mb supérieur 1EP 1

Autres Cancer ORL 1Cancer rénal 1Cancer vésical 1Insuffisance rénale terminale 2

Cliniquement, les médecins traitants signalaient des signesd’insuffisance cardiaque chez 35 patients (13,4 %) et un angorrésiduel chez 30 patients (11,5 %) (Tableau 4).

3.3.3. Survie sans événementRetenons qu’au terme de ce suivi, 125 de nos patients

(47,7 % des patients vivants en fin d’hospitalisation, ou41,9 % du groupe initial), n’avaient présenté aucun nouvel évé-nement cardiovasculaire.

4. Discussion

4.1. Limites de l’étude

Ce sont celles inhérentes à une étude monocentrique, rétro-spective, avec en particulier un recueil incomplet pour un cer-tain nombre de données.

4.2. Mortalité hospitalière et facteurs prédictifs de décèshospitaliers

Le taux de mortalité hospitalière retrouvé dans notre sérieest comparable aux chiffres issus de registres nationaux telsqu’USIC 2000 [5], où il atteignait 6,7 % dans le groupe desIDM avec élévation du segment ST traités par angioplastie, etinternationaux tels que GRACE (mortalité hospitalière de 7 %dans le groupe IDM avec élévation du segment ST) [6]. Laproportion de patients en classe Killip 3 ou 4 dans ces deuxséries était cependant moindre (7 %).

Les facteurs prédictifs de mortalité hospitalière retrouvés enanalyse multivariés sont classiques :

4.2.1. L’âgeReste un facteur de surmortalité constamment retrouvé dans

les travaux sur l’IDM [7]. Dans le groupe des plus de 75 ans(16,4 % de notre cohorte), aux comorbidités fréquentes et à laprésentation clinique initiale sévère (près de 50 % en classeKillip 3 ou 4), le taux de mortalité hospitalière était quasidoublé (14,3 %, ou 6,6 % en excluant les chocs cardiogéni-ques). Un échec d’angioplastie plus fréquent (les lésions sontsouvent pluritronculaires et plus complexes), et une prise encharge plus tardive (coronarographie dans les six heures pourseulement 57,2 % des patients) sont deux des éléments quipermettent d’expliquer ces différences. Comparée à la fibrino-lyse, l’angioplastie primaire apparaît néanmoins de plus en pluscomme la technique de choix dans la revascularisation de cespatients âgés [8,9], de par ses moindres complications etcontre-indications.

4.2.2. La classe Killip 3 ou 4Le pronostic hospitalier de ces patients reste sévère malgré

les progrès de la revascularisation. La reperfusion par angio-plastie des IDM compliqués de choc cardiogénique fait partiedes recommandations européennes de 2003 [4]. La mortalité

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Tableau 4Devenir au terme de 34 mois de suivi

Effectifs n = 262 (27 décès perhospitaliers,13 perdus de vus)

Moyenne de suivi (en mois) 34,2 ± 15,4Perdus de vue 13 (4,7 %)Décès 27 (10,3 %)Dont cause cardiaque 16 (59,3 %)Dont cause vasculaire 6 (22,2 %)Evénements non FatalsIDM 24 (9,2 %)Angor Instable 12 (4,6 %)Nouvelle Angioplastie 44 (16,8 %)Pontage Aorto-Coronarien 22 (8,4 %)Transplantation cardiaque 2 (0,7 %)Hospitalisation pour insuffisanceCardiaque 7 (2,7 %)Signes FonctionnelsAngor résiduel 30 (11,4 %)Insuffisance cardiaque 35 (13,4 %)Taux de survie 235 (89,7 %)

soit 78,9 % du groupe initial¤Taux de survie sans événement 125 (47,7 %)

soit 41,9 % du groupe initial

Courbe de survie.

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hospitalière atteignait 20 % pour les patients en classe Killip 3et 70 % pour ceux en classe Killip 4.

4.3. Taux de succès de l’angioplastie

Dans les essais randomisés, ce taux avoisine et souventdépasse les 90 % [10,11]. Dans notre secteur géographique,l’angioplastie est devenue la technique privilégiée de revascu-larisation et est appliquée largement. En Alsace, peu de sites sesituent à plus d’une heure d’un centre de cardiologie interven-tionnelle capable de prendre en charge les urgences.

Dans notre série, les échecs de reperfusion correspondaientsoit à des difficultés techniques, en particulier de franchisse-ment de la sténose, soit à des décisions d’arrêt prématuré de

la procédure par l’opérateur, en l’absence de bénéfice supplé-mentaire attendu en poursuivant les manœuvres de dilatation(infarctus peu étendus, ou alors patients en situation hémody-namique critique).

4.4. Suivi à long terme

Le taux de survie à près de trois ans est de 78,9 % pour lapopulation globale, de 61,2 % pour les sujets âgés de plus de75 ans, et de 53,3 % et 25,0 % pour les patients arrivés enclasse Killip 3 et 4 respectivement.

Les décès lors du suivi sont survenus en moyenne 14,7 moisaprès l’infarctus initial, dont plus de la moitié (54,2 %) au-delàde la première année de suivi. Cela met en avant l’intérêt d’unsuivi prolongé pour une bonne évaluation du devenir despatients.

À titre de comparaison, la mortalité globale était de 12 % àsix mois dans GRACE [6] et de 11 % à un an dans USIC 2000[5].

Notons encore qu’au terme de ce suivi, 47,7 % des patientsvivants en fin d’hospitalisation (41,9 % de la population glo-bale) n’avaient présenté aucun événement coronarien et étaientindemnes d’angor ou de signes cliniques d’insuffisance car-diaque. On peut présumer que ce sous-groupe de patients n’aeu que peu ou pas de répercussions de l’IDM au plan socio-professionnel et en termes de qualité de vie. Ce sont cependantdes données qui n’ont pas été recherchées spécifiquement dansnotre travail.

4.5. Comment améliorer ces résultats ?

Le premier objectif fondamental doit être de continuer àréduire les délais de reperfusion, et donc de permettre à davan-tage de patients d’être pris en charge dans les toutes premièresheures par les équipes de cardiologie interventionnelle. L’infor-mation du grand public et la formation entretenue des acteursde santé en sont les moyens. Le centre 15 reste trop souventcontourné ou contacté tardivement. Par ailleurs, pour permettredans les meilleurs délais une décision de revascularisation, ilfaut optimiser le travail en réseau avec une transmission rapidedes informations entre Smur, Usic et équipe de cardiologieinterventionnelle, en utilisant lorsque c’est possible la télétrans-mission des électrocardiogrammes.

Un deuxième élément de réponse est l’amélioration de laqualité de la revascularisation, soit par l’adjonction de théra-peutiques médicamenteuses, soit par l’utilisation de techniquescomplémentaires permettant la thromboaspiration ou la protec-tion distale du réseau coronarien. L’objectif de ces techniquesest de réduire les dégâts causés par les microemboles, écueilprincipal d’une revascularisation bien conduite par angioplastieconventionnelle avec mise en place de stent : le « no reflow ».Cependant, ces méthodes sont encore en cours d’évaluation etdes techniques aussi prometteuses que la thrombectomie sem-blent actuellement remises en cause [12].

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V. Schaller et al. / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 55 (2006) 346–351 351

5. Conclusion

La « stratégie d’angioplastie systématique » adoptée dansnotre secteur géographique semble cohérente. Malgré une pro-portion importante de patients à profil initial sévère (classe Kil-lip 3 et 4, présentation tardive, âge avancé), les résultats obte-nus en phase hospitalière et à long terme sont satisfaisants etdoivent nous encourager à poursuivre et parfaire cette attitudeinterventionniste. Les bénéfices d’une telle stratégie en termesde morbimortalité, y compris pour les patients à risque, sontcertains et doivent lever les hésitations résiduelles pour limiterles retards thérapeutiques en particulier chez les sujets âgés.Des études complémentaires seraient intéressantes, pourmieux connaître les répercussions en termes de qualité de vie.

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