6
DIAGNOSTIC AU LABORATOIRE DES MYCOSES PROFONDES Sophie Brun a, Jean-Philippe Bouchara a, Dominique Chabasse a,* R6sum(~ La methode la plus rapide et la plus performante pour affirmer la presence d'un champignon dans un produit pathologique est I'examen direct. L'examen histologique le complete. II lui est meme prefere pour les tissus, et est souvent le seul utilise pour les mycoses profondes. La culture apporte le diagnostic d'espece. L'identification d'un champignon est basee sur des criteres morphologiques pour les champignons filamenteux, et sur 12confrontation des caracteres morphologiques et physiologiques pour les levures. Les methodes d'identification rapides (milieux chromogenes, agglutination de parti- cules de latex...) sent utiles pour le diagnostic des levuroses. Enfin, les techniques de recherche d'anticorps seriques ou d'antigenes circulants sent parfois contributives. Examen direct - histopathologie - cultures - s(~rologie - antig~nes circulants. Summary Direct examination of the clinical samples is the most simple and helpful procedure to determine the presence of fungi. Histological examination is required for deep-mycosis. Culture on appropriate media allows the identification of the causative agent at the spe- cies level Identification of filamentous fungi is based exclusively on morphological characters, whereas the identification of yeasts relies on both morphological and physiological characters. Chromogenic media and latex tests may be useful for the identifi- cation of yeasts. Serology and detection of circulating antigens may also contribute to the diagnosis. Direct examination - histopathology - cultures - serology - circulating antigens. 1. Introduction C omme les infections nosocomiales et les infections communautaires d'origine bacterienne ou virale, les mycoses profondes qu'on qua- lifie egalement de mycoses systemiques (tableau I) ont une symptoma- tologie clinique variee et non specifique [1,2]. Leur diagnostic repose sur un faisceau d'arguments epidemiologiques, cliniques, radiologiques, his- telogiques et biologiques qui placent le laboratoire de mycologie en pre- miere ligne dans la prise en charge du patient. Nous developperons prin- cipalement dans cette revue la demarche du diagnostic mycologique des mycoses profondes cosmopolites (tableau II). aLaboratoirede parasitologie-mycelogie Centre hospitalieruniversitaire 4, rue Larrey 49033 Angers cedex01 * Correspondance [email protected] article re(;u le 18 d(~cembre, accepte le 22 d6cembre 2003. © Elsevier SAS. 2. Le diagnostic direct Le rele du laboratoire est d'isoler le champignon en cause, de I'iden- tifier et d'affirmer son caractere pathogene. 2.1. Les prelevements Le diagnostic d'une mycose repose sur un prelevement de qualite (tableau III). II ne peut y avoir de ben diagnostic au laboratoire sur un produit pathologique inadapte & la recherche demandee, preleve en quantite insuffisante ou encore conserve dans des mauvaises condi- tions. La collaboration entre le clinicien et le biologiste mycologue est donc indispensable [5]. Les modalites du prelevement dependent de la lecalisation des lesions. En outre, les produits pathologiques (liquide cephalo-rachidien, liquide de drainage, liquide de lavage bronchiolo- alveolaire, biopsies...) devront 6tre achemines au laboratoire et y etre traites le plus rapidement possible. Le laboratoire indiquera donc aux services cliniques les protocoles de prelevement et les conditions de transport des prelevements conformement au Guide de bonne exe- cution des analyses (GBEA) [8]. 2.2. L'examen direct Premiere etape du diagnostic au laboratoire, I'examen direct permettra d'affirmer le caractere pathogene du champignon par sa mise en evi- dence dans les liquides biologiques et les tissus. Une revue de synthese lui a et6 consacree dans la Revue Franqaise des Laboratoires [3]. En outre, differents aspects morphologiques contributifs au diagnos- tic peuvent 6tre observes (tableau IV). L'examen direct reste d'ailleurs la seule methode diagnostique possible pour Pneumocystis carinii, rebaptise depuis peu Pneumocystis jirovecii, champignon qu'il est aujourd'hui encore impossible de cultiver. L'examen direct bene- ficie avantageusement des colorations par le May-Gr~Jnwald-Giemsa (MGG) et le Gomofi-Grocott. 2.3. Histopathologie et imrnunohistochimie Uexamen anatomopathologique occupe lui aussi une place importante dans le diagnostic mycologique [7]. II est indispensable pour I'etude des mycoses profondes. Les colorations habituellement utilisees sent : -I'hemateine-eosine-safran (HES), particulierement indiquee pour apprecier la reaction tissulaire de I'hete & la presence du parasite (infil- trat cellulaire, granulome, necrose ou fibrose) et pour visualiser la paroi pigmentee des agents de phaeohyphomyceses, -I'acide periodique-Schiff (PAS), bien adapte au diagnostic des levu- roses, - le mucicarmin et le bleu alcian pour mettre en evidence la capsule de Cryptococcus neoformans, - et I'impregnation argentique de Gomori-Grocott, qui colore inten- sement la paroi de tousles champignons, et constitue en consequence la coloration de reference. L'immunohistochimie peut aider & preciser la nature du champignon en cause dans les tissus. Elle fait appel & des techniques d'immuno- fluorescence ou d'imrnunoperoxydase utilisant des immunserums polyclonaux, ou mieux des anticorps monoclonaux (anti-Candida, anti-Cryptococcus, anti-Aspergillus). Toutefois, ces techniques ne per- mettent pas toujours de conclure formellement. 2.4. Cultures mycologiques Elles sent incontournables pour identifier le champignen en cause. Revue Frangaise des Laboratoires, janvier 2004, N ° 359 33

Diagnostic au laboratoire des mycoses profondes

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Diagnostic au laboratoire des mycoses profondes

DIAGNOSTIC AU LABORATOIRE DES MYCOSES PROFONDES Sophie Brun a, Jean-Philippe Bouchara a, Dominique Chabasse a,*

R 6 s u m ( ~

La methode la plus rapide et la plus performante pour affirmer la presence d'un champignon dans un produit pathologique est I'examen direct. L'examen histologique le complete. II lui est meme prefere pour les tissus, et est souvent le seul utilise pour les mycoses profondes. La culture apporte le diagnostic d'espece. L'identification d'un champignon est basee sur des criteres morphologiques pour les champignons filamenteux, et sur 12 confrontation des caracteres morphologiques et physiologiques pour les levures. Les methodes d'identification rapides (milieux chromogenes, agglutination de parti- cules de latex...) sent utiles pour le diagnostic des levuroses. Enfin, les techniques de recherche d'anticorps seriques ou d'antigenes circulants sent parfois contributives.

E x a m e n d i rec t - h i s t o p a t h o l o g i e - c u l t u r e s - s (~ro logie -

a n t i g ~ n e s c i rcu lan ts .

S u m m a r y

Direct examination of the clinical samples is the most simple and helpful procedure to determine the presence of fungi. Histological examination is required for deep-mycosis. Culture on appropriate media allows the identification of the causative agent at the spe- cies level Identification of filamentous fungi is based exclusively on morphological characters, whereas the identification of yeasts relies on both morphological and physiological characters. Chromogenic media and latex tests may be useful for the identifi- cation of yeasts. Serology and detection of circulating antigens may also contribute to the diagnosis.

D i r e c t e x a m i n a t i o n - h i s t o p a t h o l o g y - c u l t u r e s - s e r o l o g y -

c i rcu la t ing a n t i g e n s .

1. Introduction

C omme les infections nosocomiales et les infections communautaires d'origine bacterienne ou virale, les mycoses profondes qu'on qua-

lifie egalement de mycoses systemiques (tableau I) ont une symptoma- tologie clinique variee et non specifique [1,2]. Leur diagnostic repose sur un faisceau d'arguments epidemiologiques, cliniques, radiologiques, his- telogiques et biologiques qui placent le laboratoire de mycologie en pre- miere ligne dans la prise en charge du patient. Nous developperons prin- cipalement dans cette revue la demarche du diagnostic mycologique des mycoses profondes cosmopolites (tableau II).

a Laboratoire de parasitologie-mycelogie Centre hospitalier universitaire 4, rue Larrey 49033 Angers cedex 01

* Correspondance [email protected]

article re(;u le 18 d(~cembre, accepte le 22 d6cembre 2003.

© Elsevier SAS.

2. Le diagnostic direct

Le rele du laboratoire est d'isoler le champignon en cause, de I'iden- tifier et d'affirmer son caractere pathogene.

2.1. Les prelevements

Le diagnostic d'une mycose repose sur un prelevement de qualite (tableau III). II ne peut y avoir de ben diagnostic au laboratoire sur un produit pathologique inadapte & la recherche demandee, preleve en quantite insuffisante ou encore conserve dans des mauvaises condi- tions. La collaboration entre le clinicien et le biologiste mycologue est donc indispensable [5]. Les modalites du prelevement dependent de la lecalisation des lesions. En outre, les produits pathologiques (liquide cephalo-rachidien, liquide de drainage, liquide de lavage bronchiolo- alveolaire, biopsies...) devront 6tre achemines au laboratoire et y etre traites le plus rapidement possible. Le laboratoire indiquera donc aux services cliniques les protocoles de prelevement et les conditions de transport des prelevements conformement au Guide de bonne exe- cution des analyses (GBEA) [8].

2.2. L'examen direct

Premiere etape du diagnostic au laboratoire, I'examen direct permettra d'affirmer le caractere pathogene du champignon par sa mise en evi- dence dans les liquides biologiques et les tissus. Une revue de synthese lui a et6 consacree dans la Revue Franqaise des Laboratoires [3].

En outre, differents aspects morphologiques contributifs au diagnos- tic peuvent 6tre observes (tableau IV). L'examen direct reste d'ailleurs la seule methode diagnostique possible pour Pneumocystis carinii, rebaptise depuis peu Pneumocystis jirovecii, champignon qu'il est aujourd'hui encore impossible de cultiver. L'examen direct bene- ficie avantageusement des colorations par le May-Gr~Jnwald-Giemsa (MGG) et le Gomofi-Grocott.

2.3. His topathologie et imrnunohistochimie

Uexamen anatomopathologique occupe lui aussi une place importante dans le diagnostic mycologique [7]. II est indispensable pour I'etude des mycoses profondes. Les colorations habituellement utilisees sent : -I'hemateine-eosine-safran (HES), particulierement indiquee pour apprecier la reaction tissulaire de I'hete & la presence du parasite (infil- trat cellulaire, granulome, necrose ou fibrose) et pour visualiser la paroi pigmentee des agents de phaeohyphomyceses, - I ' ac ide periodique-Schiff (PAS), bien adapte au diagnostic des levu- roses, - le mucicarmin et le bleu alcian pour mettre en evidence la capsule de Cryptococcus neoformans, - et I'impregnation argentique de Gomori-Grocott, qui colore inten- sement la paroi de tousles champignons, et constitue en consequence la coloration de reference.

L'immunohistochimie peut aider & preciser la nature du champignon en cause dans les tissus. Elle fait appel & des techniques d'immuno- fluorescence ou d'imrnunoperoxydase utilisant des immunserums polyclonaux, ou mieux des anticorps monoclonaux (anti-Candida, anti-Cryptococcus, anti-Aspergillus). Toutefois, ces techniques ne per- mettent pas toujours de conclure formellement.

2.4. Cul tures mycolog iques

Elles sent incontournables pour identifier le champignen en cause.

Revue Frangaise des Laboratoires, janvier 2004, N ° 359 33

Page 2: Diagnostic au laboratoire des mycoses profondes

3 4 Revue Franq~aise des Laboratoires, janvier 2004, N ° 359

Page 3: Diagnostic au laboratoire des mycoses profondes

Cutanee ou sous-cutanee : I

- pustules, abces...

- nodules sous-cutan6s

Bronchopulmonaire

- Pleurale

- Articulaire

- P6ritoneate

C~r6brale

Sept icemie

- Lavage bronchiolo-alveolaire

- Aspirat ion bronchique,

crachats

- Ponction pleurale

- Liquide de ponct ion

- Liquide de dialyse

- Redons, drains

Tissu profond (foie...) I Biopsle

Recueil en f lacon sterile

24 h

2 h

( i i ̧ i ¸ L

i!~ ~i!~ ¸̧ i i~!!~i!!i !~i il ̧̧ ̧!i ̧ i ̧ii i! ~ii ~ L ii!~iiii!iiii~i~i ~ i ~ 7!i~! !i~ ~ i i i

Revue Fran?aise des Laboratoires, janvier 2004, N ° 359 3 5

Page 4: Diagnostic au laboratoire des mycoses profondes

Examen direct et cultures

Filaments myceliens irr~guliers (de 5 & 15 Rm de diametre)

peu ou pas septes

Filaments myceliens reguliers, diametre inferieur & 5 IJm

cloisonnes

Culture brun&tre ou gris&tre, croissance rapide, tres aerienne

mycelium I&che (envahissement du tube, de la boite)

Culture de couleur blanche ou foncee, parfois coloree

de texture duveteuse, poudreuse, cotonneuse ou veloutee

Mycelium large, peu (ou non) cloisonne Spores internes (3 & 9 pm de diametre), ~luites dans des sporocystes (ou sporanges)

Absidia, Rhizopus, Rhizomucor...

Zygomyc~tes

Pas d'organes protecteurs des spores

Hyphomyc~tes

Mycelium fin et cloisonne

Presence d'organes protecteurs des spores

Ascomyc~tes Coelomyc~tes

Fiamentshyains Iii I F a+entsf°nc+s I I Or+anessexu+s t + + devenant fences Organes asexues

(incolores) ou noirs restant clairs Mucedines Dematies ou

(Hyalohyphomycetes) (Phaeohyphomycetes) (ascocarpes) heirs (pycnides) contenant asques produisant des

Aspergillus, Fusarium, Alternaria, Exophiala, et ascopores spores ou conidies Scedosporium. . . Bipolaris. . .

Levures bourgeonnantes (blastospores) et filaments myceliens

(mycelium vrai, pseudo-mycelium)

Examen direct Levures bourgeonnantes (blastospores)

pas de filaments myceliens

Pas d'arthrospore__~

+ Candida non glabrata

Presence d'arthrospores

+ Genre Trichosporon

ii!i . . . . . . . . . . . . . . . . . . ~ ~ ~ ........... +~+<~ . . . . . . . . . . . . . ~i ............. ' ................. ~ ~":~~i ~ ~ ' ~ ' ~ '

i Tests rapides Identification directe de Candida albicans

t - Milieux chromogenes ou Auxacolor 2 + - Test de filamentation en serum

- Test d'agglutination de particules de latex i (Bichro-Latex Albicans et Krusei-Color)

- Tests biochimiques rapides (< 4h) + t< (Fungiscreen® 4h et Glabrata RTi- Fumouze ®)

Cultures

Colonies (numeration)

Pas de capsule

+ Candida glabrata

Presence d'une capsule

, Cryptococcus neoformans

Identification biochimique sur galeries standardisees

(24 ~ 72 h) - ID 32C - Auxacolor 2 ® - Fungichrom ® I

36 Revue Fran?aise des Laboratoires, janvier 2004, N ° 359

Page 5: Diagnostic au laboratoire des mycoses profondes

2.4.1. Les milieux d'isolement

)k I'exception du sang, tousles produits pathologiques seront ense- mences sur ptusieurs milieux geloses. Leur choix depend de I'origine du prelevement [2, 6]. Le milieu de culture le plus utilise reste le milieu gelose de Sabouraud additionne d'antibiotiques (chloramphenicol, gen- tamicine, ou une association chloramphenicol-gentamicine), mais depourvu de cycloheximide car cet antibiotique inhibe de nombreuses especes fongiques.

D'autres milieux de culture lui seront associes :

-des geloses chromogenes telles que AIbicans ID2 ® et Candida ID ® (bioMerieux), CandiSelect ® (Bio-Rad), CHROMagar ® Candida (Becton Dickinson) et Chromalbicans ® (Biolife), ou fluorogeniques comme Fluoroplate ® Candida (Merck), particulierement indiquees pour I'isolement des levures et la detection des associations, - la gelose au malt en cas de suspicion de champignons filamenteux, - la gelose 9. I'inositol, pour la recherche de cryptocoques dans des prelevements polymicrobiens, -ou des geloses au sang en cas de suspicion de champignons dimor- phiques (Histoplasma). Pour les hemocultures, realisees principalement en cas de suspicion de septicemie 9. levures, il est preferable d'utiliser un systeme de lec- ture automatisee, basee sur la mesure du CO 2 libere au cours de la croissance du champignon comme les systemes Bactec TM (Becton Dickinson). Cependant, la detection des levures dans le sang reste tr~s difficile : il existe un grand nombre de faux negatifs (environ 60 %). En cas de suspicion de mycoses profondes 9. champignons dimorphiques, le procede Isolator TM (Oxdid), qui repose sur un principe different de lyse-centrifugation, serait plus performant. Le risque de contamination du personnel de laboratoire rend cependant cette derniere technique difficilement utilisable en routine. Enfin, les hemocultures sont excep- tionnellement positives en cas d'aspergillose invasive.

2.4,2. Ensemencement, incubation

Les milieux de cultures coules en boites de Petri de 9 centimetres de diametre seront preferes aux geloses en tubes. Uensemencement y est plus aise, on peut ainsi bien individualiser les points d'ensemencement. I'examen des colonies est egalement plus facile, de meme que leur numeration. Le risque de contamination Iors de I'ensemencement est cependant plus important que pour les geloses en tubes. En outre, ils se dessechent plus rapidement. I'utilisation de geloses en tubes est donc recommandee devant une suspicion de moisissures ou de levures 9. developpement lent (cryptocoque), mais egalement devant une sus- picion d'infection 9. champignon dimorphique en raison du risque de contamination du personnel de laboratoire 9. partir des cultures.

Les urines seront ensemencees awes homogeneisation et le resultat sera exprime en unites formant colonie (UFC) par mL Le liquide cephalo-rachidien sera lui centrifuge et le culot de centrifugation sera ensemence sur les geloses. Enfin, les biopsies seront decoupees au bistouri ou broyees en eau distillee sterile 9. I'aide d'un potter.

La temperature d'incubation est de 37 °C pour les prelevements pro- fonds, de 20-25 °C pour les prelevements superficiels. La plupart des levures d'interet medical poussent en 24-48 h. Neanmoins, les prele- vements seront conserves au moins cinq jours, voire deux semaines pour les hemocultures Bactec TM, ou meme quatre semaines pour les biop- sies, le liquide cephalo-rachidien et le liquide de lavage bronchiolo-alveo- taire compte tenu de la lenteur de croissance de certains agents de mycose profonde [4, 5].

2.4,3. Inoculation ~ I'animal

Dans certains cas (suspicion de champignon dimorphique), U peut etre utile d'inoculer le produit pathologique 9. un animal receptif (souris, hamster) par vole intra-peritoneale. Deux & trois semaines awes, ranimal sera sacri- fie et tes organes profonds seront examines (examen direct et culture).

2.4.4. Identification

Uidentification des champignons filamenteux repose sur des criteres culturaux, temperature de croissance et vitesse de pousse, mais sur- tout sur des criteres morphologiques associant I'aspect macroscopique des cultures etla morphologie microscopique (figure 1) [4]. It convient de se reporter aux manuels de morphologie mycologique pour le diagnostic des especes concernees.

En revanche, pour les levures, se surajoutent aux criteres culturaux (tem- perature et vitesse de pousse), des criteres physiologiques (figure 2) : I'etude de l'assimilation des sucres comme sources de carbone et d'energie, la reduction du tetrazolium, I'hydrolyse de I'uree, le test de filamentation en serum (ou test de blastese) et la recherche de la chlamydosporulation sur milieu RAT (creme de riz-agar-Tween) ou PCB (pomme de terres-carottes-bile).

Des galeries miniaturisees et standardisees sont actuellement com- mercialisees pour I'etude de I'assimilation des hydrates de carbone (Api Candida, Api 20C Aux et ID 32C, bioMerieux ; Auxacoler ®, Bio-Rad ; Candifast ®, Fungifast ® Twin et Fungichrom ® I, International Microbio). Pour certaines especes, des tests rapides d'identification sent egale- ment disponibles, bases sur ragglutination par les levures de particules de latex sensibilisees par des anticorps monoclonaux comme le Bichro- Latex ® Albicans (Fumouze) pour I'identification directe de Candida a/bi- cans & partir des colonies de levures ou le Krusei-Color ® (Fumouze) pour Candida krusei, ou sur la recherche d'activites enzymatiques specifiques comme le kit Glabrata R'l-r Fumouze ® (Fumouze) pour ridentification de Candida glabrata ou le kit Fungiscreen ® 4 h (Bio-Rad) qui permet I'iden- tification des quatre principales especes (Candida albicans, C. glabrata, C. tropicalis et Cryptococcus neoformans).

2.4.5. Les techniques de biologie mol~culaire

La PeR (polymerase chain reaction), largement utilisee pour le dia- gnostic bacteriologique et virologique, n'est pas encore applicable & visee diagnostique en routine. Aucun test n'est actuellement eom- mercialise, ni meme valid& En revanche, le typage moleculaire des iso- lats cliniques, notamment de Candida ou d'Aspergillus peut se reve- ler tres utile dans I'etude des infections fongiques nosocomiales. Par ailleurs, des automates d'extraction des acides nucleiques et de PCR sont en cours de developpement.

2.5. I~tude de la sensib i l i te aux an t i f ong iques

Elle sera realisee sur toute levure (ou champignon filamenteux) prove- nant d'un patient immunodeprim& En dehors de ce contexte, I'etude de la sensibilite aux antifongiques ne sera realisee de maniere systematique que sur les isolats obtenus d'un site profond normalement sterile.

,/k cete des techniques classiques par diffusion en gelose (disques d'an- tifongiques, Bio-Rad ; tablettes Neosensitabs ®, Rosco) qui ne sont plus guere utilisees aujourd'hui, de nombreux tests ont ete developpes au cours de ces dernieres annees pour la realisation de I'antifongigramme tels que les galeries ATB Fungus 2 ® (bioMerieux), Fungitest ® (Bio-Rad), Fungitotal ® (International Microbio) et Fungifast ® ES Twin (International Microbio). Toutefois, la determination des concentrations minimales inhi- bitrices & I'aide des bandelettes E-test ® (AB Biodisk), applicable aux levures comme aux filamenteux, est la technique qui se rapproche le plus de la methode de reference elaboree par le National comittee for clinical laboratory standards (NCCLS) aux I~tats-Unis.

2.6. In terpreta t ion

La question que se pose frequemment le biologiste, en presence d'un champignon, concerne la necessite de tout identifier: il apparaft aujour- d'hui que tout champignon isole dolt etre identifi& La question qui se pose reellement concerne alors I'interpretation des resultats : le cham- pignon isole est-il implique dans un processus pathologique ? La reponse depend essentiellement du contexte [1,4, 5].

Revue Fran£:aise des Laboratoires, janvier 2004, N ° 359 37

Page 6: Diagnostic au laboratoire des mycoses profondes

2.6.1. Patients fortement immunod~prim~s

Ces patients, issus essentiellement de services d'onco-hematologie ou de reanimation, sont soumis & des therapeutiques fortement immu- nosuppressives et presentent donc un risque important de mycose pro- fonde. Dans un tel contexte, tout agent fongique (moisissure ou levure) sera pris en consideration quel que soit le prelevement d'origine.

2.6.2. Patients peu ou non immunod~prim~s

Pour ces patients, rimportance sera donnee aux champignons isol~s de sites ou liquides habituellement st6riles (sang, liquide cephalo-rachi- dien, liquides de drainage, liquide de dialyse peritoneale, biopsies...).

Pour les levures ou moisissures issues des autres sites (produits d'ex- pectoration, lavage bronchiolo-alveolaire, urines...), I'interp6tation sera plus delicate. On tiendra compte du contexte epidemiologique et cli- nique, des resultats de I'examen direct et du nombre de colonies (inte- ret de la numeration des levures), mais aussi de I'espece en cause.

3. Le diagnostic indirect

3.1. La de tec t ion des an t igenes c i rculants

Chez les patients suspects de mycose profonde, I'isolement du cham- pignon responsable n'est pas toujours ais& De plus, le diagnostic mycologique, par son caractere trop souvent tardif, peut compromettre les chances de guerison qui sont d'autant plus grandes que le trai- tement est instaure plus precocement. Enfin, la s6rologie specifique est souvent mise en defaut chez le sujet immunod6prim&

La detection des antigenes circulants ou de metabolites (mannitol, ~-glucanes...) dans le sang, mais aussi dans d'autres liquides biolo- giques (liquide cephalo-rachidien, liquide de lavage bronchiolo-alveo- laire, urine...), peut pallier ces inconvenients. En pratique, cette recherche est applicable au diagnostic des mycoses profondes & Candida, Aspergillus et & Cryptoccocus.

3.1.1. Les candidoses

Actuellement trois tests sont commercialises :

- le CanD-Tec ® (Ramco) : ce test d'agglutination de particules de latex sensibilisees par un anticorps polyclonal dirige contre une glycopro- teine thermolabile, permet une reponse immediate. II manque cepen- dant de specificite et n'est plus gu6re utilise ; - le Pastorex ® Candida (Bio-Rad) : ce test, base sur I'agglutination sur lame de particules de latex sensibilis6es par un anticorps monoclonal anti-mannanes, presente une excellente specificite (proche de 100 o/0), mais sa sensibilite est mediocre (de I'ordre de 30 %) ; - et le Platelia ® Candida Ag (Bio-Rad). II s'agit I& d'une technique immu- noenzymatique double sandwich utilisant un anticorps monoclonal anti-c((1-5) oligomannanes. Plus sensible que les pr6cedents, ce.test presente par ailleurs une excellente specificit& Toutefois, sa sensibi- lite ne depasse pas 50 % chez des patients atteints de candidose inva- sive prouvee. La detection des antigenes Candida couplee & la recherche d'anticorps seriques et ceci de fa(~on iterative permet n6an- moins d'anticiper la survenue d'une candidose invasive [5, 6].

3.1.2. Les aspergilloses

Premier test commercialise pour la surveillance du risque aspergillaire chez les patients immunodeprimes, le Pastorex ® Aspergillus (Bio-Rad) est base sur ]'agglutination de particules de latex sensibilisees par un anticorps monoclonal anti-galactomannanes. Ce test & reponse immediate presente une bonne specificite, mais sa sensibilite est mediocre, et il n'est plus guere utilise aujourd'hui.

Plus recemment a ete developpee une technique immunoenzymatique double sandwich utilisant ce m~me anticorps monoclonal, le Platelia ® Aspergillus (Bio-Rad). La sensibilite de ce test est bonne, mais il manque de specificit& En effet, la frequence des resultats faussement positifs oblige ~ r6aliser un contrSle sur un second prelevement.

38

Neanmoins, la detection des antigenes aspergillaires par cette methode est plus precoce que I'apparition des signes cliniques et anticipe donc le diagnostic d'aspergillose invasive [4].

3.1.3. La cryptococcose

Cinq tests sont aujourd'hui commercialises. Quatre d'entre eux reposent sur des techniques d'agglutination de particules de latex sensibilisees par des anticorps polyclonaux comme dans les Idts Crypto-LA ® test (Fumouze), Cryptococcal Antigen Latex Agglutination-System ® CALAS TM (Meridian Bioscience) et Latex-Crypto Antigen Detection System ® (Immy), ou par des anticorps monoclonaux (Pastorex ® Cryptococcus Plus, Bio-Rad). La specificite et ta sensibilite de ces tests sont excellentes. Les pr61evements (serum, liquide cephalo-rachidien) seront prealablement traites par la pro- nase & 56 °C, ou prechauffes pendant 10 min & 100 °C, pour dissocier les complexes immuns. Une technique Elisa en microplaques (Premier Cryptococcal ® antigen ; Meridian Bioscience) utilisant un anticorps mono- clonal dirige contre les polysaccharides capsulaires du cryptocoque est egalement disponible.

3.2. La se ro log ie

Les reactions serologiques mettent en evidence la presence d'anticorps sp6ficiques. Elles sont cependant difficilement interpretables en cas d'im- munodepression profonde. De m~me, la presence d'anticorps meme & titre 61eve ne permet pas non plus de distinguer les infections vraies des colonisations. Cependant, dans une strategie de surveillance des patients dans les services & risque, les seroconversions et les ascensions signi- ficatives du taux d'anticorps sur deux serums successifs constituent un argument en faveur d'une mycose profonde.

Particulierement interessante dans le depistage d'une candidose sys- temique Iorsqu'elle est couplee & la recherche d'antigenes circulants, la serologie a moins d'inter6t en matiere d'aspergillose invasive et elle est inefficace dans la cryptococcose.

4. Conclusion

L e d6veloppement de m6thodes standardisees d'identification des levures, d'etude de leur sensibilite aux antifongiques ou de recherche

d'antigenes circulants, ainsi que I'amelioration des connaissances des biologistes, ont permis des progres considerables dans le diagnostic des mycoses profondes et la prise en charge des patients.

Neanmoins, le manque de sensibilite ou de specificite de certaines methodes, le caractere habituellement commensal de certains cham- pignons ou leur abondance dans Penvironnement pour d'autres especes, rendent rinterpretation des resultats parfois delicate. Le dia- logue entre le biologiste et le clinicien est donc indispensable, tant pour le diagnostic que pour le suivi th~rapeutique des mycoses profondes.

Revue Fran?aise des Laboratoires, janvier 2004, N ° 359