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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gastroenterol Clin Biol 2007;31:1032-1035 1032 Diagnostic rétrospectif de tumeur stromale d’un diverticule de Meckel révélée par une hémorragie devant une récidive péritonéale métastatique survenant 8 ans après la résection initiale TUMEURS STROMALES ET FAUSSES TUMEURS STROMALES CAS CLINIQUE Gilles MACAIGNE (1), Jean-François BOIVIN (2), Annie BELLAÏCHE (3), Marie Luce AURIAULT (2), Renaud DEPLUS (1) (1) Service d’hépatogastroentérologie ; (2) Service d’anatomopathologie ; (3) Service d’oncologie, Hôpital de Lagny-Marne-la-Vallée, Lagny-sur-Marne. RÉSUMÉ Le diverticule de Meckel (DM) est l’anomalie congénitale la plus fré- quente du tube digestif, son incidence dans la population générale variant de 0,3 à 4 %. Les tumeurs stromales gastro-intestinales ou GIST (gastrointestinal stromal tumor) sont des tumeurs rares. Seules quelques observations de GIST développées à partir d’un DM ont été publiées. Nous rapportons l’observation d’une femme chez qui le diagnostic de tumeur stromale du DM a été porté rétrospective- ment plusieurs années après la résection d’un DM révélé par une hémorragie, devant l’existence d’une volumineuse tumeur intra- abdominale avec métastases hépatiques et ganglionnaires. SUMMARY Gilles MACAIGNE, Jean-François BOIVIN, Annie BELLAÏCHE, Marie Luce AURIAULT, Renaud DEPLUS Meckel’s diverticulum is the most prevalent congenital abnormality of the gastrointestinal tract (0.3-4%). The gastrointestinal stromal tumours (GIST) are rare tumours. Only few cases of GIST developed in Meckel’s diverticulum have been published in the literature. We reported a case of a woman with a diagnosis of GIST of Meckel’s diverticulum retrospectively made 8 years after the resection of an haemorrhagic Meckel’s diverticulum, whom she developed a large size intra-abdominal tumour with liver and nodes metastasis. e diverticule de Meckel (DM) est l’anomalie congénitale la plus fréquente du tube digestif, sa prévalence dans la population générale variant de 0,3 à 4% [1]. La préva- lence des tumeurs développées au dépend de DM varie entre 0,5 et 3,2%. Les tumeurs stromales gastro-intestinales ou GIST (gastroin- testinal stromal tumor) sont des tumeurs rares dont les localisa- tions les plus fréquentes sont l’estomac (50 à 70 % des cas) et l’intestin grêle (20 à 30 % des cas) [2]. La protéine c-kit (CD 117), récepteur du facteur de croissance SCF (stem cell fac- tor), a été identifiée comme étant un marqueur des GIST, expri- mée de façon spécifique par les cellules interstitielles de Cajal, cellules pace-maker de la paroi digestive, probablement à l’ori- gine des tumeurs stromales [3]. Dans la littérature anglo- saxonne, seuls de rares cas de GIST exprimant la protéine c-kit développée à partir d’un DM ont été publiés [4, 5]. Nous rapportons l’observation d’une femme chez qui le diagnostic de tumeur stromale du DM a été porté plusieurs années après la résection d’un DM hémorragique devant l’appa- rition d’une volumineuse tumeur intra-abdominale avec métasta- ses hépatiques. Observation Une femme de 75 ans était hospitalisée en septembre 2004 pour la prise en charge d’une volumineuse tumeur intra-abdominale pauci symptomatique. La malade n’avait aucune plainte digestive ni extradi- gestive en dehors d’une anorexie, d’une augmentation progressive de l’abdomen avec une prise de poids de 10 kilos en un an et d’une douleur thoracique pariétale et axillaire droite. L’examen clinique retrouvait une volumineuse masse abdominale étendue du flanc droit à l’ombilic, ferme et indolore, associée à des œdèmes bilatéraux des membres inférieurs. Les aires ganglionnaires étaient libres et le reste de l’examen sans parti- cularité, la malade ne présentant pas de signe évocateur de neurofibro- matose. Le scanner abdominopelvien montrait une volumineuse tumeur polylobée hétérogène d’allure tissulaire, mesurant 120 x 100 x 75 mm, s’incarcérant entre les anses digestives et s’étendant dans la région sous- cutanée. Il s’y associait des adénopathies et des nodules intrahépatiques bilobaires d’allure métastatique. Le scanner thoracique mettait en évidence une masse tissulaire pariétale axillaire droite mesurant 45 x 44 x 64 mm s’étendant aux parties molles et une lyse costale d’allure tumorale. L’étude histologique de la biopsie chirurgicale de la tumeur retrou- vait une prolifération très dense de cellules épithélioïdes avec un index mitotique très élevé (26 mitoses pour 10 champs consécutifs à fort gros- sissement, x 40) (figures 1 et 2). L’étude immunohistochimique montrait une positivité diffuse des cellules tumorales pour le CD 117 (figure 3), une positivité de seulement 50 % pour l’anti-CD34, de moins de 10 % pour l’antiactine muscle lisse et l’absence de marquage par l’anti-PS100. Il n’a été réalisé d’étude ultrastructurale de la tumeur. La malade avait comme principal antécédent une hémorragie diges- tive basse en 1996 en rapport avec un diverticule de Meckel. L’évolution avait été favorable après résection chirurgicale segmentaire iléale emportant le DM, réalisée par laparotomie. Le DM était le siège d’une Retrospective diagnosis of stromal tumour in a haemorrhagic Meckel’s diverticulum before a peritoneal recidive with metastasis appeared 8 years after the first resection (Gastroenterol Clin Biol 2007;31:1032-1035) Tirés à part : G. MACAIGNE, Service d’hépatogastroentérologie, Hôpital de Lagny-Marne-la-Vallée, 34, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny-sur-Marne Cedex. E-mail : [email protected] L

Diagnostic rétrospectif de tumeur stromale d’un diverticule de Meckel révélée par une hémorragie devant une récidive péritonéale métastatique survenant 8 ans après la résection

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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gastroenterol Clin Biol 2007;31:1032-1035

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Diagnostic rétrospectif de tumeur stromale d’un diverticule de Meckel révélée par une hémorragie

devant une récidive péritonéale métastatique survenant 8 ans après la résection initiale

TUMEURS STROMALES ET FAUSSES TUMEURS STROMALES

CASCLINIQUE

Gilles MACAIGNE (1), Jean-François BOIVIN (2), Annie BELLAÏCHE (3), Marie Luce AURIAULT (2), Renaud DEPLUS (1)

(1) Service d’hépatogastroentérologie ; (2) Service d’anatomopathologie ; (3) Service d’oncologie, Hôpital de Lagny-Marne-la-Vallée, Lagny-sur-Marne.

RÉSUMÉLe diverticule de Meckel (DM) est l’anomalie congénitale la plus fré-quente du tube digestif, son incidence dans la population généralevariant de 0,3 à 4 %. Les tumeurs stromales gastro-intestinales ouGIST (gastrointestinal stromal tumor) sont des tumeurs rares. Seulesquelques observations de GIST développées à partir d’un DM ontété publiées. Nous rapportons l’observation d’une femme chez quile diagnostic de tumeur stromale du DM a été porté rétrospective-ment plusieurs années après la résection d’un DM révélé par unehémorragie, devant l’existence d’une volumineuse tumeur intra-abdominale avec métastases hépatiques et ganglionnaires.

SUMMARY

Gilles MACAIGNE, Jean-François BOIVIN, Annie BELLAÏCHE, Marie Luce AURIAULT, Renaud DEPLUS

Meckel’s diverticulum is the most prevalent congenital abnormalityof the gastrointestinal tract (0.3-4%). The gastrointestinal stromaltumours (GIST) are rare tumours. Only few cases of GIST developedin Meckel’s diverticulum have been published in the literature. Wereported a case of a woman with a diagnosis of GIST of Meckel’sdiverticulum retrospectively made 8 years after the resection of anhaemorrhagic Meckel’s diverticulum, whom she developed a largesize intra-abdominal tumour with liver and nodes metastasis.

e diverticule de Meckel (DM) est l’anomalie congénitalela plus fréquente du tube digestif, sa prévalence dans lapopulation générale variant de 0,3 à 4% [1]. La préva-

lence des tumeurs développées au dépend de DM varie entre 0,5et 3,2%.

Les tumeurs stromales gastro-intestinales ou GIST (gastroin-testinal stromal tumor) sont des tumeurs rares dont les localisa-tions les plus fréquentes sont l’estomac (50 à 70 % des cas) etl’intestin grêle (20 à 30 % des cas) [2]. La protéine c-kit(CD 117), récepteur du facteur de croissance SCF (stem cell fac-tor), a été identifiée comme étant un marqueur des GIST, expri-mée de façon spécifique par les cellules interstitielles de Cajal,cellules pace-maker de la paroi digestive, probablement à l’ori-gine des tumeurs stromales [3]. Dans la littérature anglo-saxonne, seuls de rares cas de GIST exprimant la protéine c-kitdéveloppée à partir d’un DM ont été publiés [4, 5].

Nous rapportons l’observation d’une femme chez qui lediagnostic de tumeur stromale du DM a été porté plusieursannées après la résection d’un DM hémorragique devant l’appa-rition d’une volumineuse tumeur intra-abdominale avec métasta-ses hépatiques.

Observation

Une femme de 75 ans était hospitalisée en septembre 2004 pour laprise en charge d’une volumineuse tumeur intra-abdominale paucisymptomatique. La malade n’avait aucune plainte digestive ni extradi-gestive en dehors d’une anorexie, d’une augmentation progressive del’abdomen avec une prise de poids de 10 kilos en un an et d’une douleurthoracique pariétale et axillaire droite. L’examen clinique retrouvait unevolumineuse masse abdominale étendue du flanc droit à l’ombilic, fermeet indolore, associée à des œdèmes bilatéraux des membres inférieurs.Les aires ganglionnaires étaient libres et le reste de l’examen sans parti-cularité, la malade ne présentant pas de signe évocateur de neurofibro-matose. Le scanner abdominopelvien montrait une volumineuse tumeurpolylobée hétérogène d’allure tissulaire, mesurant 120 x 100 x 75 mm,s’incarcérant entre les anses digestives et s’étendant dans la région sous-cutanée. Il s’y associait des adénopathies et des nodules intrahépatiquesbilobaires d’allure métastatique. Le scanner thoracique mettait enévidence une masse tissulaire pariétale axillaire droite mesurant45 x 44 x 64 mm s’étendant aux parties molles et une lyse costaled’allure tumorale.

L’étude histologique de la biopsie chirurgicale de la tumeur retrou-vait une prolifération très dense de cellules épithélioïdes avec un indexmitotique très élevé (26 mitoses pour 10 champs consécutifs à fort gros-sissement, x 40) (figures 1 et 2). L’étude immunohistochimique montraitune positivité diffuse des cellules tumorales pour le CD 117 (figure 3),une positivité de seulement 50 % pour l’anti-CD34, de moins de 10 %pour l’antiactine muscle lisse et l’absence de marquage par l’anti-PS100.Il n’a été réalisé d’étude ultrastructurale de la tumeur.

La malade avait comme principal antécédent une hémorragie diges-tive basse en 1996 en rapport avec un diverticule de Meckel. L’évolutionavait été favorable après résection chirurgicale segmentaire iléaleemportant le DM, réalisée par laparotomie. Le DM était le siège d’une

Retrospective diagnosis of stromal tumour in a haemorrhagic Meckel’s diverticulum before a peritoneal recidive with metastasis appeared 8 years after the first resection

(Gastroenterol Clin Biol 2007;31:1032-1035)

Tirés à part : G. MACAIGNE, Service d’hépatogastroentérologie, Hôpital de Lagny-Marne-la-Vallée, 34, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny-sur-Marne Cedex.E-mail : [email protected]

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Diagnostic rétrospectif de tumeur stromale d’un diverticule de Meckel révélé par une hémorragie devant une récidive péritonéale métastasique

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tumeur de 3 cm de diamètre ulcérée en surface, bombant dans lalumière intestinale. L’analyse histologique de la pièce opératoire retrou-vait une prolifération tumorale de cellules fusiformes agencées en fais-ceaux séparés les unes des autres par des tractus fibreux richementvascularisés (figure 4). Le nombre de mitoses était faible, inférieur à unemitose pour dix grands champs à grossissement 400. L’étude immunohis-tochimique montrait une forte positivité des cellules tumorales pourl’actine alpha et le CD34, la protéine S 100 (PS 100) étant négative.Le diagnostic retenu était celui de léiomyome exulcéré dont l’exérèse étaitcomplète, la marge de résection étant de 20 mm.

L’analyse histologique complémentaire rétrospective, réalisée 8 ansaprès l’exérèse chirurgicale du DM, montrait un index mitotique faible(moins de 1 mitose pour 50 champs à fort grossissement dans 90 % dela tumeur). L’étude immunohistochimique retrouvait une immunofixationdiffuse des cellules tumorales pour le CD 117.

Le diagnostic final est donc celui de récidive péritonéale de hautgrade de malignité avec métastases ganglionnaires abdominales et axil-laires, hépatiques et osseuses d’une tumeur stromale du DM révélé parune hémorragie digestive en 1996.

Un traitement par imatinib (Glivec®) à la dose quotidienne de400 mg était débuté en octobre 2004. La tolérance clinique et biologi-que était bonne. En janvier 2006, après 16 mois de traitement par

Glivec®, la malade restait en bon état général, asymptomatique. Lesexplorations morphologiques montraient une stabilité de la taille de latumeur péritonéale, des métastases hépatiques et ganglionnaires.

Discussion

Le diverticule de Meckel correspond à un vestige du canalomphalomésentérique et forme une ectasie sacculaire congéni-tale qui siège en général sur les derniers 100 cm de l’iléon.Le DM est l’anomalie congénitale la plus fréquente du tractusgastro-intestinal, sa prévalence dans la population généraleétant de 1 % à 3 %. L’hémorragie, complication la plus fré-quente, est causée par l’ulcération de la muqueuse iléale adja-cente à la muqueuse gastrique ectopique située à l’intérieur dudiverticule et s’observe principalement chez les enfants et les jeu-nes adultes. Dans notre observation, l’hémorragie du DM étaiten rapport avec une ulcération de la tumeur stromale et non avecla présence de muqueuse gastrique ectopique, pouvant ainsi

Fig. 1 – Modifications architecturales de la récidive avec disparition de l’aspect fusiforme de la prolifération : cellules ovoïdes avec anisocaryose modérée(HPS x 200).Architectural modifications of the tumoral recidive with disappearance of spindle cells substituted by pseudo-epithelioid cells with numerous nuclearatypies (HPS x 200).

Fig. 2 – Prolifération très dense de cellules épithélioïdes avec index mitotique très élevé (26 mitoses pour 10 champs, x 40), HPS x 400.Dense proliferation of epithelioid cells with high mitotic activity (26 mitoses for 10 fields, x 40), HPS x 400.

Fig. 3 – Immunohistochimie montrant une positivité diffuse des cellules tumorales pour le CD 117.Strong immunostaining of tumoral cells with anti-CD 117.

Fig. 4 – Prolifération à cellules fusiformes aux noyaux sans atypie avec très faible activité mitotique (HPS x 400).Proliferation of spindle cells without nuclear atypies and with low mitotic activity (HPS x 400).

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expliquer sa révélation tardive. Les tumeurs primitives dévelop-pées au dépend d’un DM sont rares, retrouvées dans environ1 % de la totalité des DM diagnostiqués. Parmi elles, seule uneminorité correspond à des tumeurs malignes, les tumeurs carci-noïdes étant les plus fréquentes, représentant 33 à 44 % del’ensemble des tumeurs du DM, les léiomyosarcomes et les adé-nocarcinomes étant moins fréquents, représentant respectivement18 à 25 % et 12 à 16 % des tumeurs du DM [6, 7]. Dans la litté-rature anglo-saxonne, une soixantaine de léiomyosarcomes oufibrosarcomes du DM a été rapportée mais seules 2 observationsde GIST confirmée par un immunomarquage positif avec le CD117 ont été publiées [4, 5].

Bien que les GIST soient des tumeurs rares, leur incidenceannuelle en France étant d’environ 900 nouveaux cas,elles demeurent les tumeurs conjonctives les plus fréquentes dutube digestif. Elles peuvent se développer sur l’ensemble du tubedigestif, les GIST siégeant préférentiellement au niveau de l’esto-mac (environ 60 % des cas) et de l’intestin grêle (20 à 30 %),plus rarement au niveau du côlon (10 %), du rectum et de larégion périanale (< 5 %) et exceptionnellement au niveau del’œsophage, du mésentère et de l’appendice (< 1 %). Commeprécisé antérieurement, le DM est un site très rare des tumeursmésenchymateuses en général et des GIST en particulier.

Le mode de révélation des GIST de l’intestin grêle peut êtredes douleurs abdominales dans 74 % des cas, une masse abdo-minale dans 72 % des cas, une hémorragie digestive dans 44 %des cas, une sténose dans 16 % des cas et une perforation dansenviron 8 % des cas [8].

Les modes de révélation des GIST du DM ont été l’hémorra-gie [4, 9], une perforation [5, 10], un syndrome appendiculaire[11] ou des douleurs abdominales en rapport avec un syndrometumoral pelvien [7]. Bien que la plupart des tumeurs du DMsoient diagnostiquées incidemment en peropératoire au cours del’exploration de l’iléon [12], la prévalence des GIST du DM dia-gnostiquée de cette façon n’est pas connue.

Les GIST se développent à partir des cellules interstitielles deCajal, hypothèse récemment renforcée par l’identification de laprotéine c-kit (CD 117) correspondant au récepteur d’un facteurde croissance, le SCF (stem cell factor), exprimée de façon spéci-fique par les cellules interstitielles de Cajal [3]. Avant l’avène-ment de l’immunohistochimie, les tumeurs conjonctives de laparoi du tube digestif étaient difficiles à classer, ces tumeurs étantconsidérées comme étant d’origine musculaire (léiomyomes) ounerveuse (schwanomes).

Tout comme dans notre observation, la relecture des cas detumeurs conjonctives digestives diagnostiquées avant 2001 peutpermettre grâce aux avancées en immunohistochimie de reclas-ser comme GIST une partie de ces tumeurs. Ainsi, Scoazec et al.[13], en effectuant une relecture des documents histologiques etla recherche d’un immunomarquage de la protéine c-kit, ont per-mis d’identifier et de reclasser comme GIST environ 50 % destumeurs initialement classées dans d’autres catégories, respecti-vement 56 % et 61 % des tumeurs classées comme léiomyomes etléiomyosarcomes ayant été reclassées comme GIST.

Le pronostic de ces tumeurs reste mal connu et la distinctionentre tumeur maligne et bénigne est difficile en raison del’absence de frontière pathologique nette, seule l’existence d’unenvahissement locorégional ou de métastases constituant unepreuve formelle de malignité. Dans les autres cas, le comptemitotique et la taille de la tumeur sont les deux facteurs prédictifsindépendants de l’évolution. Les tumeurs sont considéréescomme bénignes lorsque le compte mitotique est inférieur ouégal à 5 mitoses pour 50 champs à fort grossissement, commemalignes quand ce dernier est supérieur à 20 mitoses pour50 champs, le pronostic restant indéterminé pour les tumeursdont le compte mitotique est compris entre ces 2 valeurs. En ce

qui concerne la taille tumorale, un diamètre supérieur ou égal à5 centimètres doit faire considérer la tumeur comme suspecte demalignité. Les autres facteurs de risque de récidive des GIST sontle siège de la tumeur, les tumeurs du grêle ayant un potentiel derécidive plus important que les tumeurs gastriques, et l’existenced’une perforation tumorale pré ou peropératoire. Plus récem-ment, il a été montré que l’existence de mutations du gène c-kit àl’origine d’une activation constitutionnelle de la protéine corres-pondante, serait également un facteur de mauvais pronostic[14].

La chirurgie est le seul traitement à visée curatrice des GIST.Une résection complète de la tumeur est nécessaire, le curageganglionnaire n’étant pas systématique, pour obtenir des surviesglobales à 5 ans de l’ordre de 40 %, une chirurgie incomplètefaisant chuter ce taux à moins de 10 % [8]. Même en cas derésection macroscopiquement complète, le taux de récidive estde l’ordre de 40 %, cette récidive survenant dans un délaimédian de 2 ans [15] bien que des récidives tardives, plus de10 ans après la résection initiale, aient été rapportées. Ce risqueest principalement corrélé à la taille de la tumeur et à son indexmitotique [16]. Dans notre observation, il n’y avait pas en 1996de facteur de risque de récidive (tumeur de petite taille avec unfaible index mitotique, résection complète) en dehors du site dela tumeur. L’analyse histologique réalisée 10 ans plus tard auniveau de la tumeur primitive intra-abdominale retrouvait unemodification architecturale, les cellules épithélioïdes remplaçantles cellules fusiformes agencées en faisceaux et un fort potentielde malignité par rapport à la tumeur primitive avec un indexmitotique très élevé (26 mitoses pour 10 champs consécutifs àfort grossissement, x 40).

Conclusion

Cette observation illustre les avancées dans la prise encharge des GIST au cours de ces dernières années, l’immuno-marquage des cellules tumorales avec la protéine c-kit permettantune reclassification rétrospective en GIST des tumeurs conjoncti-ves digestives diagnostiquées il y a une dizaine d’années.Par ailleurs, ce cas souligne les difficultés à classer histologique-ment les GIST en tumeur maligne ou bénigne, certaines tumeursn’ayant initialement, tout comme notre observation, aucun fac-teur péjoratif et pouvant, certes rarement, récidiver sans ou avecdes métastases et ce malgré une exérèse tumorale initiale consi-dérée comme complète. Dans un avenir proche, des profils demutation du gène c-kit pourraient avoir un intérêt pronostic pourdéterminer les GIST à faible et à haut risque de récidive.

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