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Pratique Neurologique - © 2010. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 35 Cas remarquable Correspondance A. Behin Centre de référence de patholo- gie neuromusculaire Paris-Est Bâtiment Babinski Institut de Myologie Groupe hospitalier la Pitié- Salpêtrière 47-83, boulevard de l’Hôpital [email protected] Conflit d’intérêt Aucun Mots-clés Myopathie distale Myopathie myofibrillaire Desminopathie Cardiomyopathie (1) Centre de référence de patho- logie neuromusculaire Paris-Est, Institut de myologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. (2) Service de neuropathologie, Laboratoire Raymond Escourolle, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. (3) Fédération de neurologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. (4) Unité fonctionnelle de cardiogé- nétique et myogénétique moléculaire et cellulaire, laboratoire de biochi- mie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris. A. Behin (1), O. Dubourg (1, 2), F. Salachas (3), P. Richard (4), B. Eymard (1) L es progrès accomplis au cours des dix dernières années ont permis de décou- vrir une douzaine de gènes responsables de myopathies à début distal et de préci- ser les caractéristiques phénotypiques de ces affections (Pénisson-Besnier, 2004). On peut aujourd’hui retenir pour chaque entité quelques points essentiels per- mettant dans les cas typiques d’arriver assez facilement au diagnostic molécu- laire. Parvenir à celui-ci exige toutefois une démarche diagnostique rigoureuse, visant d’abord à éliminer les affections musculaires les plus fréquentes (dystro- phie myotonique de type 1 et myopathie facio-scapulo-humérale peuvent en effet se présenter par un déficit distal), puis à préciser le phénotype de la myopathie afin de la rapporter à un cadre nosologi- que connu, une biopsie musculaire étant généralement requise. Compte tenu de l’hétérogénéité géné- tique de certains tableaux, cette étape est essentielle afin de guider le diagnostic molé- culaire. Cependant, la présence d’atypies cliniques ou paracliniques peut rendre la tâche difficile : la biopsie peut ainsi donner parfois deux orientations diagnostiques. De fait, il apparaît que les myopathies myofibrillaires peuvent partager avec les myopathies à inclusions familiales des ano- malies histopathologiques en microscopie optique. Seule l’analyse ultrastructurale d’un fragment biopsique permet alors de les différencier. Nous présentons dans cet article un cas de myopathie sévère à début distal, commentons les différentes hypothèses diagnostiques et démontrons les difficultés du diagnostic histologique. Observation Un homme, sans antécédent personnel significatif, consulta pour un déficit moteur progressif évoluant depuis l’âge de 37 ans. Les symptômes avaient débuté par une ten- dance au trébuchement secondaire à un déficit des muscles releveurs des pieds. Dans les deux ans qui suivirent, le patient développa un déficit proximal des membres inférieurs avec difficultés à monter les esca- liers ou à se lever d’un siège. Vers l’âge de 41 ans, apparurent des difficultés à lever les bras, puis vers l’âge de 45 ans survint une diminution de la force des fléchisseurs des doigts. Le patient utilisa un fauteuil rou- lant à partir de l’âge de 43 ans en raison de chutes répétées. Il avait dû stopper son activité de mécanicien automobile un peu avant la quarantaine. Lors de sa dernière évaluation, réalisée à l’âge de 61 ans, le patient présentait un déficit moteur pur des quatre membres, prédominant aux membres inférieurs, le confinant au fauteuil roulant. L’atteinte était proximale et distale, touchant surtout les psoas (cotés à 0/5 au score MRC), les adducteurs (1/5), les quadriceps (0/5), les tibiaux antérieurs et péroniers latéraux (0/5) ; les triceps suraux étaient moins touchés (2/5). Aux membres supérieurs, les mus- cles les plus touchés étaient les muscles distaux, en particulier les fléchisseurs et les extenseurs des doigts (2+/5), les palmaires (2/5) ; en proximal, était noté un déficit des deltoïdes (chef moyen à 2+/5), les biceps brachiaux, triceps et radiaux étant cotés à 3/5. Il existait un déficit axial obligeant à un passage latéral pour le relever du décubitus et limitant la force des muscles cervicaux. En Difficultés d’un diagnostic de myopathie distale vacuolaire

Difficultés d’un diagnostic de myopathie distale vacuolaire

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Page 1: Difficultés d’un diagnostic de myopathie distale vacuolaire

Pratique Neurologique - © 2010. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 35

Cas remarquable

Correspondance

A. BehinCentre de référence de patholo-gie neuromusculaire Paris-Est

Bâtiment Babinski

Institut de Myologie

Groupe hospitalier la Pitié-Salpêtrière

47-83, boulevard de l’Hôpital

[email protected]

Conflit d’intérêtAucun

Mots-clésMyopathie distale

Myopathie myofibrillaire

Desminopathie

Cardiomyopathie

(1) Centre de référence de patho-logie neuromusculaire Paris-Est, Institut de myologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.(2) Service de neuropathologie, Laboratoire Raymond Escourolle, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.(3) Fédération de neurologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.(4) Unité fonctionnelle de cardiogé-nétique et myogénétique moléculaire et cellulaire, laboratoire de biochi-mie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.

A. Behin (1), O. Dubourg (1, 2), F. Salachas (3), P. Richard (4), B. Eymard (1)

L es progrès accomplis au cours des dix dernières années ont permis de décou-vrir une douzaine de gènes responsables de myopathies à début distal et de préci-ser les caractéristiques phénotypiques de ces affections (Pénisson-Besnier, 2004). On peut aujourd’hui retenir pour chaque entité quelques points essentiels per-mettant dans les cas typiques d’arriver assez facilement au diagnostic molécu-laire. Parvenir à celui-ci exige toutefois une démarche diagnostique rigoureuse, visant d’abord à éliminer les affections musculaires les plus fréquentes (dystro-phie myotonique de type 1 et myopathie facio-scapulo-humérale peuvent en effet se présenter par un déficit distal), puis à préciser le phénotype de la myopathie afin de la rapporter à un cadre nosologi-que connu, une biopsie musculaire étant généralement requise.

Compte tenu de l’hétérogénéité géné-tique de certains tableaux, cette étape est essentielle afin de guider le diagnostic molé-culaire. Cependant, la présence d’atypies cliniques ou paracliniques peut rendre la tâche difficile : la biopsie peut ainsi donner parfois deux orientations diagnostiques. De fait, il apparaît que les myopathies myofibrillaires peuvent partager avec les myopathies à inclusions familiales des ano-malies histopathologiques en microscopie optique. Seule l’analyse ultrastructurale d’un fragment biopsique permet alors de les différencier.

Nous présentons dans cet article un cas de myopathie sévère à début distal, commentons les différentes hypothèses diagnostiques et démontrons les difficultés du diagnostic histologique.

Observation

Un homme, sans antécédent personnel significatif, consulta pour un déficit moteur progressif évoluant depuis l’âge de 37 ans. Les symptômes avaient débuté par une ten-dance au trébuchement secondaire à un déficit des muscles releveurs des pieds. Dans les deux ans qui suivirent, le patient développa un déficit proximal des membres inférieurs avec difficultés à monter les esca-liers ou à se lever d’un siège. Vers l’âge de 41 ans, apparurent des difficultés à lever les bras, puis vers l’âge de 45 ans survint une diminution de la force des fléchisseurs des doigts. Le patient utilisa un fauteuil rou-lant à partir de l’âge de 43 ans en raison de chutes répétées. Il avait dû stopper son activité de mécanicien automobile un peu avant la quarantaine.

Lors de sa dernière évaluation, réalisée à l’âge de 61 ans, le patient présentait un déficit moteur pur des quatre membres, prédominant aux membres inférieurs, le confinant au fauteuil roulant. L’atteinte était proximale et distale, touchant surtout les psoas (cotés à 0/5 au score MRC), les adducteurs (1/5), les quadriceps (0/5), les tibiaux antérieurs et péroniers latéraux (0/5) ; les triceps suraux étaient moins touchés (2/5). Aux membres supérieurs, les mus-cles les plus touchés étaient les muscles distaux, en particulier les fléchisseurs et les extenseurs des doigts (2+/5), les palmaires (2/5) ; en proximal, était noté un déficit des deltoïdes (chef moyen à 2+/5), les biceps brachiaux, triceps et radiaux étant cotés à 3/5. Il existait un déficit axial obligeant à un passage latéral pour le relever du décubitus et limitant la force des muscles cervicaux. En

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36 Pratique Neurologique

Difficultés d’un diagnostic de myopathie distale vacuolaire

de suppléance ventriculaire. Ces anomalies conduisirent à l’implantation rapide d’un pacemaker. L’échographie cardiaque mon-trait une performance systolique normale du ventricule gauche, une pression de rem-plissage intraventriculaire basse, une dila-tation bi-atriale modérée. La constatation d’une fibrillation auriculaire à l’âge de 61 ans motiva la prescription d’une anticoagulation efficace par anti-vitamine K.

Sur le plan respiratoire, le patient déve-loppa progressivement une insuffisance restrictive, cliniquement peu symptoma-tique, avec aux explorations fonction-nelles respiratoires une capacité vitale mesurée à 2,18 litres, soit 43 % de la valeur théorique.

L’électromyogramme réalisé à l’âge de 61 ans montra indiscutablement des tracés myogènes en détection aux quatre mem-bres. On notait de la fibrillation au repos ainsi que quelques salves pseudo- myotoniques. L’analyse en stimulo- détection ne révéla aucune anomalie, en dehors d’une dimi-nution très modérée des amplitudes sen-sitives aux membres inférieurs, imputable aux œdèmes. Il ne fut pas relevé d’argument en faveur d’une polyneuropathie telle que décrite occasionnellement en rapport avec certaines myopathies myofibrillaires.

Le scanner musculaire ne fut pas contri-butif dans la mesure où il montrait une invo-lution graisseuse diffuse des muscles de la jambe et de la cuisse, sans sélectivité. Sur le plan biologique, le taux de CPK était modérément élevé, à 354 U/l (N < 200).

En raison de l’association de la myopa-thie et de la cardiopathie dominée par les troubles du rythme, une laminopathie fut évoquée. Toutefois, le séquençage du gène LMNA ne révéla pas de mutation.

Une biopsie musculaire fut réalisée sur un muscle radial alors que le patient était âgé de 58 ans. Celle-ci révéla un muscle très remanié avec une grande variation de calibre des fibres, des fibres en nécrose et des fibres en régénération, des internali-sations nucléaires, de nombreuses fibres comportant des vacuoles bordées et des remaniements du réseau intermyofibrillaire. En dépit de l’absence d’histoire de maladie

revanche, on ne notait pas de déficit facial, de limitation de l’oculomotricité ni de trouble de déglutition. Enfin, l’examen mettait en évidence d’importants œdèmes des mem-bres inférieurs prenant le godet.

Sur le plan familial, le patient indiqua que son père était atteint de « polynévrite alcoo-lique » et qu’il était décédé d’un cancer pul-monaire à l’âge de 53 ans. Il est cependant très possible qu’il ait été atteint de la même affection que le patient, puisqu’il « marchait comme un canard » depuis l’âge de 40 ans (ce qui évoque une démarche myopathique), et qu’il présenta un déficit moteur des rele-veurs du pied et des extenseurs des doigts à peu près au même âge.

Une évaluation cardiologique réalisée à l’âge de 48 ans montra l’existence de troubles rythmiques. Le Holter ECG mit en évidence une bradycardie diurne (35 batte-ments/minute) et nocturne (jusqu’à 22 bat-tements/minutes), de nombreuses extra-systoles auriculaires parfois bloquées à tendance répétitive en doublets et courtes salves, de nombreuses extrasystoles ven-triculaires polymorphes, permanentes, des épisodes de bloc sino-auriculaire 2/1 sans pause pathologique, avec échappements ventriculaires et brefs lambeaux de rythme

Figure 1. Vue de microscopie électronique montrant des agrégats granulo-filamentaires

(flèches noires) et une inclusion tubulo-filamentaire (flèches blanches).

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Pratique Neurologique 37

A. Behin et al.

pseudo-neurogènes, fréquents dans les myo-pathies distales amyotrophiantes. Néanmoins, les données de l’électromyogramme le plus récent étaient indiscutablement en faveur

de Paget ou de démence chez le patient ou dans la famille, les signes histologiques de myopathie à inclusions motivèrent la recherche de mutation du gène VCP, qui s’avéra négative.

L’étude du prélèvement en microscopie électronique montra l’existence de vacuoles autophagiques correspondant aux vacuoles bordées observées en microscopie optique, avec en périphérie des inclusions tubulofi-lamentaires ; il existait aussi des zones de désorganisation myofibrillaire comportant des dépôts granulofilamentaires en situation sous-sarcolemmale ou intermyofibrillaire. Ces anomalies firent évoquer le diagnostic histologique de myopathie myofibrillaire (figure 1).

Dans ce contexte de myopathie de début distal ayant débuté avant l’âge de 40 ans et associée à une cardiopathie sévère, le diagnostic de desminopathie apparut comme le plus probable. Une analyse moléculaire du gène DES par PCR-séquençage direct fut proposée et permit de mettre en évidence une mutation présente à l’état hétérozygote, touchant le nucléotide c.1024a > g et conduisant à la variation faux-sens p.Asn342Asp, située sur un acide aminé très conservé.

Commentaires

Ce patient présente une myopathie myofibrillaire consécutive à une mutation du gène de la desmine, de transmission très probablement autosomique dominante compte tenu des antécédents familiaux.

En raison du déficit moteur pur de début distal, plusieurs hypothèses diagnostiques ont été évoquées (figure 2). Parmi les affec-tions les plus fréquentes, la dystrophie myo-tonique de type 1 a pu être éliminée d’em-blée en l’absence de myotonie clinique ou électrique, d’atteinte faciale, de dysarthrie ou de manifestations systémiques. De même, la myopathie facio-scapulo- humérale a été rejetée en l’absence d’asymétrie, de décol-lement des omoplates et d’atteinte faciale. Une neuropathie héréditaire de type maladie de Charcot-Marie-Tooth dans sa forme spi-nale pouvait être évoquée devant des tracés

Début à 37 ans, déficit initial distal (MI), troubles du rythme cardiaque, mode de transmission incertain,

imagerie musculaire non contributive

Dosage de CPK : 1,75 x N

Tracé neurogènes, VCN normales

CMT spinal ?

Progression du déficit, atypies

Salves myotoniques ?

Rétractions, atteinte proximale prédominante ?

DM-1 ? Laminopathie ?

Biopsiemusculaire

MO : Myopathie vacuolaire, pas de signe

évident de MMF

ME : Arguments pour une MMF

Paget, démence frontale ?

Myopathie liée à une mutation

de VCP ?

Myopathie liée à une mutation

de DES ?

Si pas de mutation, considérer une autre MMF

(en particulier liée à CRYAB ou MYOT)

Tracés myogènes

EMG

Figure 2. Orientation diagnostique illustrant les principales étiologies considérées au cours

du bilan proposé au patient. EMG : électromyogramme, CMT : maladie de Charcot-Marie-Tooth, DM : dystrophie myotonique, MO : microscopie optique, ME : microscopie élec-tronique, MMF : myopathie myofibrillaire.

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38 Pratique Neurologique

Difficultés d’un diagnostic de myopathie distale vacuolaire

mier lieu vers une myopathie à inclusions familiale et à rechercher une mutation du gène VCP, responsable d’un phénotype variable, comportant une atteinte distale dans un cas sur cinq environ. L’atteinte cardiaque est rare et tardive dans cette affection de transmission autosomique dominante, et si elles peuvent manquer, une maladie de Paget osseuse et/ou d’une démence frontale sont cependant fréquemment associées à la maladie, chez le patient lui-même ou dans sa famille (Stojkovic et al., 2009). Une autre cause de myopathie vacuolaire à début distal pouvait être une mutation du gène GNE, responsable de la myopathie dite de Nonaka, affection de transmission auto-somique récessive. Cependant, l’atteinte quadricipitale et la présence d’une car-diopathie plaidaient contre ce diagnostic (Béhin et al., 2008). On aurait également pu évoquer une titinopathie, rare en France mais fréquente en Finlande, responsable d’une atteinte initialement très sélective du tibial antérieur, d’évolution très pro-gressive, ce qui ne correspondait pas à l’atteinte rapidement évolutive observée chez le patient chez qui les deux loges de jambes étaient touchées.

L’étude ultrastructurale a confirmé l’intérêt majeur de la microscopie élec-tronique pratiquée sur les biopsies mus-culaires de patients présentant une myo-pathie distale. Plusieurs cas récents, non encore publiés, montrent notamment que les caractéristiques habituelles des myo-pathies myofribillaires peuvent manquer en microscopie optique. Même dans les formes typiques, les vacuoles (bordées ou non) sont par ailleurs fréquentes, par exemple dans les zaspopathies. L’étude du prélèvement en microscopie électro-nique est donc essentielle, permettant de mettre en évidence les accumulations de matériel granulofilamentaire évocatrices (Claeys et al., 2008).

L’imagerie musculaire, décevante chez ce patient, aurait pu être utile à un stade moins avancé de la maladie, en montrant une sélectivité qui dépend du type de myo-pathie causale ; les patients atteints de des-

d’un syndrome myogène chez ce patient. L’association de troubles du rythme sévères à une atteinte musculaire comportant une atteinte des ceintures a incité à vérifier l’ab-sence de mutation du gène de la lamine A/C. L’atteinte distale initiale était cependant peu évocatrice. L’absence de rétractions n’allait pas non plus dans le sens d’une lamino-pathie, tout au moins dans un phénotype Emery-Dreifuss.

L’étape essentielle de notre démarche diagnostique a été la biopsie musculaire. Celle-ci n’a toutefois pas donné d’emblée la solution, puisque les résultats de la micros-copie optique conduisaient à formuler deux hypothèses :

soit une myopathie à inclusions, en raison de la présence de plusieurs fibres avec vacuoles bordées,soit une myopathie myofibrillaire, à la fois sur les arguments cliniques compatibles et sur la présence de remaniements du réseau intermyofibrillaire.La négativité de l’immunomarquage de

la myotiline a conduit à s’orienter en pre-

Points essentiels

L’association d’un déficit moteur pur à début distal à une cardiopathie et/ou à une atteinte respiratoire ayant débuté avant l’âge de 40 ans doit faire évoquer systématiquement une desminopathie.L’imagerie (scanner X ou imagerie par résonance magnétique) doit être proposée à la recherche d’une sélectivité des lésions musculaires. Dans les desminopathies, l’atteinte prédominante des muscles psoas, gracilis, sartorius et semi-tendineux est classique.Les myopathies à inclusions familiales et les myopathies myofibrillaires peuvent présenter des anomalies histologiques communes en microscopie optique, qui doivent conduire à réaliser de façon systématique une étude ultrastructurale afin de les différencier, ce d’autant que les lésions évocatrices de myopathies myofibrillaires (accumulation de matériel marqué entre autres par la desmine ou la myotiline, fibres effacées) peuvent manquer.

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A. Behin et al.

minopathies présentent ainsi souvent au niveau des cuisses une atteinte prédomi-nante des muscles psoas, semi-tendineux, gracilis et sartorius (figure 3), différente de celle observée dans d’autres myopathies myofibrillaires. Chez ce patient, l’atteinte musculaire était trop avancée pour pouvoir observer cette sélectivité qui constitue un critère utile au diagnostic étiologique.

Les desminopathies restent des affec-tions rares. Dans la cohorte suivie à l’hôpital de La Salpêtrière, on compte à peine une vingtaine de patients ; elles restent toutefois les plus fréquentes des myopathies myo-fibrillaires diagnostiquées en France. Elles apparaissent généralement chez l’adulte jeune, parfois dès l’adolescence, excep-tionnellement après l’âge de 50 ans, avec une variabilité phénotypique inter- et intra-familiale considérable (Olivé et al., 2004). Elles débutent de manière variable par des symptômes cardiaques ou un déficit moteur, parfois par une association des deux (Goldfarb et al., 2004 ; Schröder et al., 2007 ; Béhin et al., 2008). L’atteinte muscu-laire squelettique classique est dominée par l’atteinte des membres inférieurs, compor-tant souvent un début distal, et par l’atteinte axiale. Des phénotypes plus rares (déficit scapulo-péronier de type Stark-Kaeser, formes avec rétractions des doigts) sont toutefois possibles. Des troubles de déglu-tition sont observés dans 20 % des cas environ. L’atteinte cardiaque est extrême-ment polymorphe, pouvant comporter une cardiomyopathie dilatée, hypertrophique ou restrictive, des troubles du rythme et/ou de conduction. L’insuffisance respiratoire restrictive est également classique.

Compte tenu du début de la maladie avant 40 ans, les autres formes de myo-pathies myofibrillaires à évoquer chez ce patient étaient une alpha-B crystalli-nopathie et une myotilinopathie. Dans le premier cas, la présence d’une cataracte aurait pu constituer un indice précieux. Dans le second, la présence d’anomalies particulières en microscopie électronique (corps en « fagots ») et l’existence d’une neuropathie sensitive discrète auraient été évocatrices.

Figure 3. (a) et (b) Imagerie par résonance magnétique en séquences pondérées en T1

d’une patiente atteinte d’une desminopathie, illustrant la sélectivité de l’atteinte musculaire

proximale : atrophie évidente des muscles semi-tendineux et gracilis (flèches), ainsi que des

muscles des deux loges de la jambe.

a

b

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Difficultés d’un diagnostic de myopathie distale vacuolaire

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