3
41 pratique ordonnance commentée Actualités pharmaceutiques n° 503 Février 2011 Les tumeurs stromales gastro-intestinales sont des pathologies rares mais graves, à 90 % d’origine génétique, plutôt masculines, et à 60 % gastriques. En moins de 20 ans, des gènes majeurs prédisposant à des cancers ont été identifiés permettant à l’oncogénétique de se développer. Ainsi, pharmaciens et médecins peuvent respectivement mieux informer et dépister les patients à risque. L’ éducation du patient au comptoir est une priorité tant sur le plan nutritionnel, médicamenteux, fonctionnel que génétique. Profil du patient Le patient est un homme de 46 ans, direc- teur commercial, mesurant 1,88 m pour 72 kg, divorcé et père de deux enfants. Son père et son grand-père sont sans doute décédés à la cinquantaine d’une tumeur stromale gastrique. Antécédents pathologiques M. Diodon soufre depuis son divorce – il y a 7 ans – de brûlures d’estomac, de remontées acides, parfois de violen- tes douleurs gastriques accompagnées de sang dans les selles et affiche une perte de poids importante depuis 3 ou 4 ans (20 kg). Il ne se soignait que par automédication (Stomedine ® , Pantozol ® , Rennie ® , Gaviscon ® …) sans jamais avoir pris le temps de consulter, avant qu’un ami médecin ne l’informe de risque génétique de cancers au niveau gastro-intestinal. Historique médicamenteux Une tumeur stromale gastrique a été diagnostiquée chez M. Diodon il y a 2 mois. Un traitement à base de Glivec ® lui a été rapidement prescrit, mais il y a 15 jours, le patient a fait un rash cutané et un important œdème des paupières vraisemblablement dus à l’usage d’imati- nib (Glivec ® ). Ce dernier vient donc d’être remplacé par Sutent ® . Recevabilité de l’ordonnance L’ordonnance de M. Diodon émane d’un spécialiste hospitalier en onco- logie comme l’impose la prescription de Sutent ® (prescription initiale et renou- vellement uniquement par un oncologue hospitalier ; médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement). Elle est datée, signée, sécurisée, etc. Elle est donc recevable (figure 1). Nous disposons aussi d’une ordon- nance de médicament d’exception pour Néorecormon ® , avec prescription initiale hospitalière valable 1 an. Le 4 e  volet de l’ordonnance d’exception pour ce médica- ment doit être conservé. En cas de renou- vellement de l’exécution de l’ordonnance, une copie doit être conservée après exécution et apposition des mentions (une copie est également adressée à l’Assurance maladie). Questions indispensables à poser avant d’aller chercher les médicaments « Prenez-vous d’autres traitements (même en automédication) ? » Réponse : « Non, mon spécialiste m’a recom- mandé de ne plus rien prendre sans lui en parler. » « Y a-t-il eu des changements dans votre traitement ? » Réponse : « Oui, j’ai un nou- veau médicament prescrit sur cette ordon- nance suite à mon allergie au Glivec ® . » Dispensation d’ordonnance dans le cadre d’une tumeur stromale gastrique Figure 1. Figure 1.

Dispensation d’ordonnance dans le cadre d’une tumeur stromale gastrique

Embed Size (px)

Citation preview

41 pratique

ordonnance commentée

Actualités pharmaceutiques n° 503 Février 2011

Les tumeurs stromales

gastro-intestinales sont des

pathologies rares mais graves,

à 90 % d’origine génétique,

plutôt masculines, et à 60 %

gastriques. En moins de 20 ans,

des gènes majeurs prédisposant

à des cancers ont été identifiés

permettant à l’oncogénétique

de se développer. Ainsi,

pharmaciens et médecins peuvent

respectivement mieux informer

et dépister les patients à risque.

L’éducation du patient au comptoir est une priorité tant sur le plan nutritionnel, médicamenteux,

fonctionnel que génétique.

Profil du patientLe patient est un homme de 46 ans, direc-teur commercial, mesurant 1,88 m pour 72 kg, divorcé et père de deux enfants. Son père et son grand-père sont sans doute décédés à la cinquantaine d’une tumeur stromale gastrique.

Antécédents pathologiquesM. Diodon soufre depuis son divorce – il y a 7 ans – de brûlures d’estomac, de remontées acides, parfois de violen-tes douleurs gastriques accompagnées de sang dans les selles et affiche une perte de poids importante depuis 3 ou 4 ans (20 kg). Il ne se soignait que par auto médication (Stomedine®, Pantozol®, Rennie®, Gaviscon®…) sans jamais avoir pris le temps de consulter, avant qu’un ami médecin ne l’informe de risque génétique de cancers au niveau gastro-intestinal.

Historique médicamenteuxUne tumeur stromale gastrique a été diagnos ti quée chez M. Diodon il y a 2 mois. Un traitement à base de Glivec®

lui a été rapidement prescrit, mais il y a 15 jours, le patient a fait un rash cutané et un important œdème des paupières vraisemblablement dus à l’usage d’imati-nib (Glivec®). Ce dernier vient donc d’être remplacé par Sutent®.

Recevabilité de l’ordonnanceL’ordonnance de M. Diodon émane d’un spécialiste hospitalier en onco-logie comme l’impose la prescription de Sutent® (prescription initiale et renou-

vellement uniquement par un oncologue hospitalier  ; médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement). Elle est datée, signée, sécurisée, etc. Elle est donc recevable (figure 1).Nous disposons aussi d’une ordon-nance de médicament d’exception pour Néorecormon®, avec prescription initiale hospitalière valable 1 an. Le 4e volet de l’ordonnance d’exception pour ce médica-ment doit être conservé. En cas de renou-vellement de l’exécution de l’ordon nan ce, une copie doit être conservée après exécu tion et apposition des mentions (une copie est également adressée à l’Assurance maladie).

Questions indispensables à poser avant d’aller chercher les médicaments «  Prenez-vous d’autres traitements

(même en automédication) ? » Réponse : «  Non, mon spécialiste m’a recom-mandé de ne plus rien prendre sans lui en parler. » « Y a-t-il eu des changements dans votre

traitement ? » Réponse : « Oui, j’ai un nou-veau médicament prescrit sur cette ordon-nance suite à mon allergie au Glivec®. »

Dispensation d’ordonnance dans le cadre d’une tumeur stromale gastrique

Figure 1.Figure 1.

42pratique

ordonnance commentée

Actualités pharmaceutiques n° 503 Février 2011

« Dans les semaines à venir une anes-thésie, une intervention chirurgicale ou un examen radiologique sont-ils prévus ? » Réponse : « Non, pas à ma connaissance. »

Analyse du traitement Sutent® : le sunitinib est un inhibiteur de

protéines-kinases présentant un double mécanisme d’action ; un effet antitumoral direct bloquant la prolifération cellulaire et un effet antitumoral associé à une action anti-angiogenèse. Néorecormon® : érythropoïétine.

Effets indésirables Sutent® : épistaxis (pour plus de 50 %

des patients), fatigue, diarrhée, nausées, stomatite, douleurs et irritations buc cales, dyspepsie, vomissements, modification de la couleur de la peau due à celle du prin-cipe actif (jaune) chez 30 % des patients, dysgueusie, anorexie, alopécie (33 %), hypertension, neutro- et thrombopénie… Néorecormon® : maux de tête, hyper-

tension artérielle, œdème, douleurs articu-laires, thrombose et douleur au point d’injection. De rares réactions allergiques.

Suivi du traitement Surveillance par prise de sang très

régulière de toutes lignées sangui nes et immunitaires (Sutent®, Néorecormon®).

Une numération formu le sanguine (NFS) est obligatoire au début de chaque nou-veau cycle de traitement (4 semaines de prise de Sutent® + 2 semaines de repos). Fer, ferritine (Néorecormon®). Protéinurie, créatinémie et calcul de

la clairance de la créatinine (Sutent®, Néorecormon®). Suivi très régulier des fonctions hépa-

tiques, pancréatiques (notamment de la lipase) et rénales (Sutent®).

Surveillance cardiaque et de la thyroïde par prises de sang mensuelles ou bimensuelles et examens auprès des spécialistes concernés. Surveillance de la tension artérielle

quotidienne de la part du patient.

Interactions médicamenteuses à surveillerSutent® ne doit pas être administré conco-mitamment avec :– des inducteurs puissants du CYP3A4 comme rifampicine, dexaméthasone, phénytoïne, carbamazépine, phéno-barbital ou millepertuis ;– des inhibiteurs puissants du CYP3A4 comme kétoconazole, ritonavir, itra-conazole, érythromycine, clarithromycine, ou le jus de pamplemousse.

Médicaments d’automédication à proscrire avec ce traitementDe manière générale, il est préféra-ble de n’effectuer aucune automédi-cation en présence de ce genre de médicaments.Par exemple, la prise d’antipyrétiques doit être déconseillée fortement avant d’avoir vu le médecin. Le patient ne doit pas abu-ser de médicaments à base de paracéta-mol qui pourrait masquer la fièvre qui est un élément de surveillance de l’éventuelle survenue d’infections.Plus spécifiquement, il doit lui être conseillé d’éviter :– les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, ibuprofène) et l’aspirine, ainsi que tout produit conseil à base d’anticoagu-lants coumariniques, particulièrement le mélilot, mais aussi la vigne rouge, le marron d’Inde, le petit houx, ainsi que

toutes les huiles essentielles d’agrumes à forte dose, d’angélique ou de khella (Sutent®) ;– d’autres plantes circulatoires comme le Gingko biloba, certaines pommades (Baume Aroma®, Inongan® crème…) ou huiles essentielles (Gaulthéries) contenant du salicylate de méthyle pouvant avoir un effet fluidifiant sanguin non négligeable (Sutent®) ;– tout traitement (même homéopathique au-delà de 4 CH) à base de millepertuis, le jus de pamplemousse et l’extrait de pépin de pamplemousse sous toutes leurs formes , inducteurs enzymatiques qui vont réduire, au bout d’une dizaine de jours, l’efficacité de l’ensemble des traitements du patient.

Chronobiologie du traitement (sauf indication médicale contraire) Sutent® : 1 gélule par jour avec un verre

d’eau à heure fixe décidée par le patient.En cas d’oubli d’une prise, il ne faut pas prendre la dose oubliée, appeler le médecin et attendre le moment de la prise suivante (le lendemain) pour poursuivre le traitement à sa dose habituelle (ne pas la doubler).La conservation doit se faire à tempéra-ture ambiante (inférieure à 30 °C), hors de portée des enfants ou de tout autre membre de la famille, l’idéal étant de conserver le médicament sous clé. Néorecormon®  : l’injection est en

général faite par un spécialiste (infirmier ou médecin) par voie sous-cutanée (bras, jambe ou abdomen) à raison d’une par semaine. En l’absence d’études, ce médi-cament ne doit pas être mélangé avec d’autres produits dans la même injection. Si le patient réalise son injection lui-même, il doit se référer strictement à la notice explicative fournie.La seringue préremplie doit être conser-vée au réfrigérateur entre + 2 et + 8 °C dans son emballage d’origine, donc à l’abri de la lumière, et ne pas être congelée.Si nécessaire, le patient peut conserver le produit en dehors du réfrigérateur et à température ambiante (ne dépassant pas + 25 °C) durant une période unique pouvant aller jusqu’à 3 jours.

Des complications gastro-intestinales

graves, parfois mortelles, incluant

une perforation gastro-intestinale,

sont survenues dans de rares cas

chez des patients présentant des tumeurs

malignes intra-abdominales.

Une alerte de l’Agence française

de sécurité sanitaire des produits de santé

(Afssaps) du 30/12/2010 signale des

cas d’ostéonécrose de la mâchoire chez

des patients traités par sunitinib (Sutent®).

La majorité d’entre eux est apparue chez

des personnes ayant reçu précédemment

ou de façon concomitante un traitement

par des biphosphonates par voie

intraveineuse.

À noter à propos du sinitinib

43 pratique

ordonnance commentée

Actualités pharmaceutiques n° 503 Février 2011

À préciser au patient Les médicaments contre la fièvre

ou les douleurs ne doivent pas être pris par le patient avant qu’il ait consulté son médecin. L’apparition de signes évoquant une

éventuelle infection (fièvre > 38 °C, fris-son, toux, maux de gorge…) doit amener le patient à consulter rapidement son méde-cin comme lors de l’observation de tout symptôme nouveau anormal (œdèmes des extrémités, douleur dans la poitrine, tachy-cardie, tout problème au niveau des pieds et des mains, plus d’un vomissement par jour, ulcérations buccales…). Le traitement doit être strictement

respecté et ne doit jamais être interrompu sans avis du médecin. Les contrôles sanguins et les visites

chez les spécialistes doivent être effec-tués régulièrement. La prudence est de mise lors de la

conduite de véhicules et de l’utilisation de machines, ces produits pouvant entraî-ner des vertiges, ou des somnolences.

L’alcool (toutes formes) et les aliments très gras et épicés, pourvoyeurs de nausées , sont à proscrire. Les compétitions sportives doivent

être évitées car le Néorecormon® peut induire une réaction positive lors d’un contrôle antidopage. Cette donnée est importante puisque M. Diodon

fait partie , en tant que remplaçant, de l’équipe régionale des Alpes-Maritimes de curling. �

Françoise Couic Marinier

Docteur en pharmacie, Nancy (54)

[email protected]

Conseils associés La possible diminution du taux de globules blancs augmente la sensibilité aux infections. Il est

donc nécessaire de surveiller les signes cliniques d’une éventuelle infection : fièvre, frisson, toux,

maux de gorge. Cependant, les médicaments contre la fièvre ne doivent pas être pris sans avis

médical.

Une hygiène buccale stricte avec brossage des dents trois fois par jour, à l’aide d’une brosse

à dents à poils souples, est importante.

La nourriture (notamment les viandes et les poissons) doit être bien cuite et la consommation de

crustacés, lait cru, œufs, pâtisseries à la crème, légumes ou fruits crus non épluchés doit être évitée.

Il est primordial de manger équilibré et de boire du thé vert.

En cas de symptômes digestifs, il faut manger léger en évitant les repas gras, les aliments au goût

trop fort, acide ou épicé, faire des petits repas fractionnés et de préférence froids, allégés en gluten

et en protéines d’origine animale, éviter de boire pendant le repas mais beaucoup avant et après,

de préférence des boissons gazeuses et fraîches.

Retrouvez Actualités pharmaceutiques sur internet :➥ www.em-consulte.com/produit/actpha

Vous êtes abonné(e) ? votre compte.

gratuitement*votre revue.

Vous n’êtes pas abonné(e) ? les sommaires

et résumés d’articles. à l’unité

les articles qui vous intéressent grâce au pay per view.

* L’accès à la revue en ligne est compris dans l’abonnement individuel (particulier, étudiant...), sans surcoût, pendant toute la durée de l’abonnement. Pour les institutions, nous contacter.