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Introduction Définition de l’objet de la matière : 2 exemples : 1 er exemple : vente conclue entre un acheteur allemand et un vendeur anglais. Des biens doivent être livrés en Italie dans la succursale de l’acheteur allemand. La vente est conclue en France (signature du contrat). Un litige survient 3 ans après la livraison car biens défectueux (vice caché). Plusieurs questions vont se poser (contexte international) : 1 ère question : quelle juridiction l’acheteur peut-il saisir ? 4 possibilités : juridiction allemande, juridiction anglaise, ou juridiction italienne, ou juridiction française. Et le demandeur peut être tenté d’agir devant un juge de l’Etat de New-York (car dommages et intérêts punitifs). Quel juge est compétent ? Le litige n’a pas forcément des liens étroits avec chacun de ces pays… 2 ème question : supposons que le juge français est compétent et peut être saisi par le demandeur. Les biens ont été livrés depuis 3 ans. Le défendeur peut invoquer la prescription de l’action. Pour le savoir, doit-on appliquer la loi française (contrat conclu en France + juge français) ? Le juge français pourra appliquer la loi anglaise (car c’est la loi du vendeur). Et pourquoi pas la loi allemande (acheteur lésé = Allemand) ? Et la loi italienne (loi de livraison des biens). 3 ème question : supposons qu’un tribunal italien a été saisi, et condamne le vendeur à payer des dommages et intérêts. L’acheteur cherche à faire exécuter le jugement italien en France ou au Royaume-Uni, mais le vendeur pourrait chercher à agir en France pour faire juger le contraire de ce qui fut jugé en Italie. L’acheteur chercherait à invoquer l’autorité négative de chose jugée du jugement italien. Est-ce que la partie victorieuse devant le juge italien va pouvoir invoquer ce jugement en France ? 2 ème exemple : deux époux de nationalités argentine et libanaise, domiciliés en France. L’épouse souhaite demander le 1

Droit International Prive 769 I

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Introduction

Dfinition de lobjet de la matire:

2 exemples:

1er exemple: vente conclue entre un acheteur allemand et un vendeur anglais. Des biens doivent tre livrs en Italie dans la succursale de lacheteur allemand. La vente est conclue en France (signature du contrat). Un litige survient 3 ans aprs la livraison car biens dfectueux (vice cach). Plusieurs questions vont se poser (contexte international): 1re question: quelle juridiction lacheteur peut-il saisir? 4 possibilits: juridiction allemande, juridiction anglaise, ou juridiction italienne, ou juridiction franaise. Et le demandeur peut tre tent dagir devant un juge de lEtat de New-York (car dommages et intrts punitifs). Quel juge est comptent? Le litige na pas forcment des liens troits avec chacun de ces pays2me question: supposons que le juge franais est comptent et peut tre saisi par le demandeur. Les biens ont t livrs depuis 3 ans. Le dfendeur peut invoquer la prescription de laction. Pour le savoir, doit-on appliquer la loi franaise(contrat conclu en France + juge franais)? Le juge franais pourra appliquer la loi anglaise (car cest la loi du vendeur). Et pourquoi pas la loi allemande(acheteur ls = Allemand)? Et la loi italienne (loi de livraison des biens). 3me question: supposons quun tribunal italien a t saisi, et condamne le vendeur payer des dommages et intrts. Lacheteur cherche faire excuter le jugement italien en France ou au Royaume-Uni, mais le vendeur pourrait chercher agir en France pour faire juger le contraire de ce qui fut jug en Italie. Lacheteur chercherait invoquer lautorit ngative de chose juge du jugement italien. Est-ce que la partie victorieuse devant le juge italien va pouvoir invoquer ce jugement en France?

2me exemple: deux poux de nationalits argentine et libanaise, domicilis en France. Lpouse souhaite demander le divorce pour un motif qui sapparenterait la notion de rupture de la vie commune, qui existe en droit franais. 3 questions:1requestion : devant quel juge la demande de divorce peut tre porte? Juge franais? Argentin? Libanais?2mequestion : quelle loi le juge saisi va-t-il appliquer pour statuer sur la demande de divorce? 3mequestion : si le jugement de divorce est rendu dans un pays, produira-t-il ses effets dans un autre pays?

On retrouve 3 grands types de problmes. Ce sont les 3 principaux problmes qua pour objet de rsoudre le DIPriv: 1) comptence internationale des juridictions2) dtermination de la loi applicable aux rapports juridiques internationaux entre personnes prives (prcision: on parle classiquement de conflit de lois)3) leffet des jugements trangersLes 2 autres types de problmes (problmes 1 et 3)sont dits conflits de juridictionsATTENTION: le DIPriv nintervient pas que dans une perspective judiciaire. Il peut sappliquer si un juge ne va pas tre saisi ou na pas t saisi. 2 raisons: le DIPriv ne dtermine pas seulement la comptence internationale des juridictions: il dtermine aussi la comptence des organes non judiciaires qui peuvent intervenir dans le domaine du droit priv (par exemple: la comptence dun officier dtat civil auquel on demande de clbrer un mariage ou denregistrer un PACS: couple avec un Espagnol et une Italienne: il nest pas vident de pouvoir se marier en France ou denregistrer un PACS en France) le DIPriv ne dtermine pas seulement leffet des jugements trangers: il dtermine aussi leffet des dcisions administratives et des actes publics trangers qui peuvent affecter les situations de droit priv. Par exemple: une personne se prvalant en France dun dcret tranger qui change son nom de famille. Autre exemple: partenariat enregistr ltranger: quels effets a-t-il en France? Autre exemple: effets dun acte notari tranger en France? Ces deux volets sont regroups classiquement sous lexpression conflits dautorits. On peut regrouper les deux catgories et parler des conflits de juridictions et dautorits. Les conflits dautorits sont moins importants en pratique + ce qui sera dit des conflits de juridictions peut tre transpos moyennant adaptation aux conflits dautorits + ce serait un degr de complexit supplmentaire

Diffrents ensembles de problmes, MAIS des ensembles homognes. On peut ainsi dgager une dfinition du DIPriv: le DIPriv est lensemble des rgles spcialement dictes pour dterminer le rgime des relations juridiques internationales entre personnes prives. 3 remarques: 1re remarque: il sagit de rgles spcialement dictes: toutes les rgles qui sappliquent aux relations prives internationales ne sont pas des rgles de DIPriv: en effet, trs souvent, les rgles substantielles (= de fond) qui vont sappliquer lintrieur de la loi applicable (loi comptente) seront celles-l mmes qui, selon cette loi, sappliquent habituellement aux relations internes. Par exemple: contentieux relatif la validit dun mariage. Supposons que le mariage est conclu entre 2 Franais vivant dans un pays tranger: Brsil. Supposons que cest la loi franaise qui est applicable, comptente. A ce moment-l, on va appliquer les arts. 144 et suivants Cc, comme pour nimporte quel mariage relevant de la sphre du droit interne. A lintrieur de la loi comptente, on applique les dispositions qui sappliqueraient une situation interne, i.e. une situation dpourvue dlment dextranit (= en DIP, on entend par l un lment de fait par lequel la situation est en contact avec un pays tranger: par exemple: le domicile des poux). Donc: 2 types de rgles: rgles spcialement dictes pour rgler les questions spcifiques lies au caractre international de la situation rgles pas spcialement prvues pour les situations internationales: elles sont prvues pour les situations internes et applicables pour les situations internationales2me remarque: le DIPriv a pour objet les relations juridiques entre personnes prives. Il est question de droit priv, caractre international: cela relve du DIPriv. Par exemple: le DIPriv ne rgle par lapplicabilit internationale du droit fiscal international. Mme avec cette limitation au droit priv, lobjet du DIPriv reste trs vaste: il couvre les questions des droits des contrats, droit de la famille, droit des successions, etc.3me remarque: le DIPriv le DIPublic (sujets = Etats et O.I. pour lessentiel). La ligne de dmarcation entre les deux nest pas aussi claire quon pourrait le penser. Plusieurs raisons cela: Principale raison: de plus en plus, on considre que sous certaines conditions, des personnes prives peuvent tre sujets du DIPublic et donc sen prvaloir. Par ailleurs, le fait que DIPriv et DIPublic soient distincts nempche pas quil puisse exister entre eux certaines interfrences. En effet, la marge, le DIPublic peut avoir une certaine influence sur le DIPriv.

Section 1: Lindpendance des solutions donnes aux diffrents types de problmes du DIPriv

Section 2 : La relativit des solutions donnes aux problmes de DIPriv

Section 1: Lindpendance des solutions donnes aux diffrents types de problmes du DIPriv

3 grands problmes en DIP: comptence internationale des juridictions, loi applicable, et reconnaissance des dcisions trangres. Observation: normalement, les solutions qui sont donnes ces 3 types de problmes nentretiennent pas de rapport entre elles. Insistons sur lindpendance des problmes de conflits de lois et de comptence des organes. Double manifestation de cette indpendance du problme du conflit de lois et du problme de la comptence internationale des juridictions:1re manifestation: le simple fait que les juridictions franaises soient comptentes, et mme le fait quelles soient effectivement saisies, nimplique pas quelles appliqueront la loi franaise. Elles ne le feront que si la rgle de conflit du for dsigne la loi franaise. 3 prcisions terminologiques:Rgle de conflit: rgle qui donne la solution du problme de conflits de lois: cest la rgle qui nous donne la loi applicable. Par exemple: les conditions de validit au fond du mariage sont soumises la loi nationale des poux. Autre exemple: les conditions de forme du mariage sont soumises la loi du lieu de clbration du mariage. Autre exemple: en matire successorale: pour la partie mobilire de la succession on applique la loi du dernier domicile du decujus (= dfunt) et pour la partie immobilire, on applique la loi de situation des immeubles. Le for: le tribunal saisi, celui du point de vue duquel on raisonne. Le juge applique la loi du for = le juge appliquant sa loi. La lex fori = la loi du for. On parle aussi de lex causae = loi applicable la question sur laquelle on raisonne => lex causae pouvant tre la lex fori, ou non. => la rgle de conflit du for: la rgle de conflit du tribunal saisi. La raison: le lex forisme, sil tait gnral, serait porteur de lourds inconvnients: chaque juge que lon pourrait saisir appliquerait sa loi ( de celle quappliquerait un autre juge) et donc il y aurait un risque dun juge 1 disant que le mariage est valable en application de sa loi, et dun juge 2 disant que le mariage nest pas valable en application de sa loi. Pour empcher cela, on a invent les rgles de conflit de lois: sinon, on dit quil y aurait un manque dharmonie internationale des solutions. Lide sous-jacente = il vaut mieux que le juge du for napplique non pas forcment sa propre loi MAIS celle qui parat avoir, dans labsolu, le meilleur titre sappliquer, en raison de ses liens particulirement significatifs avec la situation.

2me manifestation: si au regard de la rgle de conflit de lois franaise, la loi franaise est comptente, cela ne signifie par forcment que la juridiction franaise est comptente. La rgle de conflit de lois ne renseigne pas sur la rgle de comptence juridictionnelle. Par exemple: contentieux relatif une vente. Vendeur tabli en France et acheteur en Allemagne. Biens livrs en Allemagne. Lacheteur ne paye pas le prix de la vente. Le vendeur veut intenter une action en justice. En principe, la rgle de conflit de lois franaise dsigne la loi franaise (en matire de vente, la loi applicable = normalement celle du pays dtablissement du vendeur, SAUF accord des parties pour soumettre leur contrat une autre loi), MAIS les tribunaux franais ne sont pas comptents, car selon les rgles de comptence (origine communautaire), seuls le tribunaux allemands sont comptents, car dans lespace judiciaire europen, la comptence pour ce type de litiges est dtermine par le Rglement Bruxelles I: pour un contentieux en matire de vente, il donne comptence deux juges: le domicile du dfendeur le lieu de livraison des marchandisesLes deux critres de comptence en lespce conduisent au juge allemand.

Section 2: La relativit des solutions donnes aux problmes de DIPriv

Les solutions donnes aux problmes de DIPriv sont relatives, variables dun Etat lautre. Pour dsigner cet tat des choses, on peut parler dabsence de coordination des solutions donnes dun pays lautre aux problmes de DIPriv. 2 temps:

Paragraphe 1: Causes et inconvnients de labsence de coordination

Paragraphe 2: Remdes et tempraments labsence de coordination

Paragraphe 1: Causes et inconvnients de labsence de coordination

A) La cause de labsence de coordination: le caractre premirement national des sources du DIPriv

Constatation trs simple mais droutante: le DIPriv porte mal son nom, car les rgles du DIPriv sont (ou ont t) majoritairement de source nationale. Le DIPublic est un ordre juridique unique et distinct des Etats. Au contraire, en matire de DIPriv, chaque Etat a ses propres rgles de DIPriv. Sous rserve de lexistence de conventions internationales, ou dinstruments communautaires, chaque Etat dtermine de manire indpendante les solutions quil entend donner aux problmes de DIPriv. 3 propositions: 1re proposition: chaque Etat dtermine unilatralement la comptence de ses propres juridictions, et de ses organes non judiciaires galement. Chaque Etat se borne indiquer dans quels cas ses juridictions sont comptentes, sans se proccuper a priori de la comptence internationale des juridictions des autres Etats. Cette absence de coordination entraine des conflits de comptences: conflits positifs: trs frquemment, plusieurs juridictions sont simultanment comptentes, se reconnaissent comptentes. Il en rsulte un ventail de juridictions qui offrent un choix au demandeur. Le demandeur peut ainsi choisir lune ou lautre donc. Cela introduit la notion de forum shopping conflits ngatifs: aucun juge ne se reconnat comptent. Hypothse rare en pratique: les Etats conoivent largement la comptence internationale de leurs juridictions2me proposition: chaque Etat dtermine seul les conditions auxquelles il reconnat les jugements trangers. 3me proposition: chaque Etat dtermine seul les solutions quil donne aux problmes de conflits de lois. Il va de soi que le juge de chaque Etat va appliquer sa rgle de conflit de lois = la rgle de conflits du for. Sur ce plan l, beaucoup de problmes manifestes: il en rsulte une relativit, variabilit des solutions donnes aux problmes de conflit de lois: pour une mme situation, les rgles de conflit de lois dun Etat 1 peuvent dsigner une loi A et les rgles de conflit de lois dun Etat 2 une loi B. Une question du type quelle est la loi applicable telle situation juridique (contrat, dlit, rgime matrimonial)? na pas tellement de sens: la seule question ayant un sens est: quelle loi appliquerait le juge de tel ou tel Etat, sil venait tre saisi?. Les questions de conflits de lois nont vritablement de sens que si lon prcise quel Etat on envisage de la poser. Selon le professeur belge M. RIGAUX, on est dans un systme de relativit gnrale (Recueil des cours de lAcadmie de droit international de La Haye, 1989, 1re Partie, p. 9 et suivantes, Les situations juridiques individuelles dans un systme de relativit gnrale). Cette relativit ne pourrait qutre thorique, si dans tous les cas un seul tribunal se reconnaissait comptent. Dans ce cas en effet, on pourrait se fier au point de vue exprim par les rgles de conflit du seul Etat dont le juge pourrait tre saisi. Par exemple: un mariage et problme de validit: Italiens domicilis en Angleterre: selon la rgle de conflits de lois franaise, loi de nationalit des poux (Italienne donc). Pour la rgle de conflits de lois anglaise, loi du domicile (Anglaise donc). Mais si la juridiction anglaise est la seule pouvoir tre saisie, le point de vue de lordre juridique franais na aucune importance. Les conflits de comptence (positifs) sont cependant trs frquent => la relativit des solutions de conflits de loi pose dautant plus problme quil y a frquemment des conflits positifs de comptence.

B) Les inconvnients de labsence de coordination

La relativit des solutions de conflits de lois engendre une absence dharmonie internationale des solutions. Elle est gravement prjudiciable pour les sujets de droit. On le constate 2 niveaux:

1er niveau: raisonnons en dehors de tout contentieux= perspective non contentieuse: absence de point de repre fiable. Rappel: pas de solution unique qui vaudrait dans tous les ordres juridiques. Cela pose problme pour les personnes prives car elles pourraient tre exposes des conflits de devoirs juridiques. Il peut y avoir une situation de contradiction entre des normes que les diffrents Etats estiment applicables une mme situation juridique. Ceci peut poser problme particulirement parce que les individus risquent de ne pas savoir au regard de quelle norme ils doivent rgler leur comportement. En principe, en droit interne, on sait quelle rgle de droit se fier. Pour une question de droit, il y a une rponse juridique qui est en situation de monopole: cest la seule que donne le droit franais. Dans un contexte international, pour une mme question de droit souleve par une situation juridique, il peut y avoir autant de rponse que dordre juridique tatique dont les tribunaux peuvent tre saisis. Ces rponses aux questions de droit, en situation de concurrence les unes par rapport aux autres, sont toutes sur un pied dgalit => pas de rponses vraies et de rponses fausses. Pour un observateur extrieur, il ny a aucune raison de privilgier une rponse par rapport une autre. Il sagit donc de diffrents points de vue exprims par les ordres juridiques de diffrents Etats. Ils sont indpendants et souverains (libres), rien ne leur interdit davoir des points de vue diffrents. MAIS aucun point de repre compltement fiable pour les parties: pour les parties, tout ceci engendre une grande incertitude concernant leurs droits et leurs obligations, et situations juridiques. Par exemple: individu qui sinterroge sur les cranciers dun autre individu: si lon saisit des tribunaux, ils peuvent estimer que lon est crancier, dautres non. Les individus ne peuvent savoir lavance quel juge peut tre saisi => ils ne peuvent savoir par avance lequel des points de vue divergeant et concurrent lemportera dans les faits. Cest source dimprvisibilit, dinscurit juridique, et ce alors mme que prcisment la prvisibilit des solutions et la scurit juridique sont des objectifs essentiels du droit.

2d niveau: hypothse contentieuse : les inconvnients deviennent encore plus grands: on rencontre la pratique du forum shopping: Si lon raisonne sur une configuration contentieuse, les choses sont pires encore: loccasion dun contentieux, la divergence entre les points de vue des ordres juridiques tatiques peut tre exploite par lune ou lautre des parties. En effet, le demandeur va saisir le juge susceptible de rendre la dcision la plus favorable ses intrts, et en particulier, il va saisir le juge qui est susceptible dappliquer la loi la plus favorable ses intrts. Egalement, contentieux des droits de la personnalit: trs forte attractivit du for anglais car les dommages et intrts sont plus forts que dans dautres pays. La consquence de tout cela: rupture de lgalit des armes entre les parties: le dfendeur va subir le choix du demandeur. Autre consquence: cela encourage le dsordre et ce que lon appelle la course au jugement: si chacune des parties est susceptible de saisir un juge dune demande en justice, le risque existe que chaque partie aille saisir un juge diffrent. Si on ne fait rien, on risque de voir apparatre des conflits de procdure et terme, ils risquent daboutir des conflits de dcisions. Ces conflits sont la source dune dysharmonie, elle-mme source de trs graves dsordres.

Paragraphe 2: Remdes et tempraments labsence de coordination

Lorigine du mal = les rgles de DIPriv sont, au moins initialement, de source nationale. Le remde le plus vident = rendre les sources de DIPriv plus internationales. En droit positif, cette ide a-t-elle des chos? On na pas atteint le stade o les sources du DIPriv sont compltement internationalises. MAIS on ne peut pas dire quil ny a aucune internationalisation des sources.

A) Lexistence de sources internationales

3 sont distinguer, dimportances ingales:

1. Les conventions internationales

Lidal a priori est videmment dlaborer des rgles communes aux diffrents Etats. Par hypothse, il est exclu quun Etat labore seul de telles rgles. MAIS plusieurs Etats peuvent se mettre daccord pour adopter les mmes rgles. Cet accord prend alors la forme dune convention internationale. La convention internationale na deffet qu lgard des Etats contractants. Les modalits de cette harmonisation peuvent tre diverses:

1re possibilit: unification du droit substantiel: degr maximum dunification: unifier des rgles qui sappliquent au fond. On parle alors de droit matriel uniforme. Cela pose un corps de rgles destines tre appliques identiquement par les juridictions de plusieurs Etats. Ces conventions sont assez nombreuses, surtout dans le domaine du droit du commerce international. Par exemple: vente internationale de marchandises: il y a dabord eu deux conventions complmentaires conclues La Haye le 1er juillet 1964: dune part la convention portant loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers et corporels (la LUVI) et dautre part la convention portant loi uniforme sur la formation des contrats de vente internationale dobjets mobiliers corporels (la LUFVI). Ces 2 conditions sont remplaces trs largement par la Convention de Vienne sur les ventes internationales de marchandises du 11 avril 1980, (la CVIM). Elle est en vigueur dans un trs grand nombre dEtats. Quelle est lutilit de ces conventions? Elle est variableen fonction de leur succs: deux types de convention peuvent sopposer: les conventions consensuelles: elles font lobjet dun consensus: nombre lev dEtats les conventions non consensuelles: elles sont nombreuses: applicables dans un nombre dEtats trs rduit Si une convention de droit matriel uniforme tait parfaitement consensuelle, ce serait-l un trs grand progrs, et on pourrait pratiquement se passer de rgles de conflits de lois, une rserve prs: la difficult illustre par larrt HOCKE. MAIS ce nest quune hypothse dcole: luniformisation nest jamais totale: il y a tjrs des Etats qui ne sont pas partie aux conventions. Par consquent, il ne faut pas que ces rgles sappliquent du seul fait que le juge dun Etat partie la convention est saisi. Sinon, les rgles applicables au fond vont dpendre directement du tribunal quon saisit. On retombera dans un lex forisme nocif. Pourtant, cette mauvaise solution a t retenue par la LUVI. Elle se dclarait inconditionnellement applicable par le juge de tout Etat partie la convention. La Convention de Vienne de 1980 est revenue des solutions plus raisonnables. Il y a en effet des limites son champ dapplication spatial: le juge dun Etat contractant saisi napplique la Convention de Vienne que si le contrat de vente entre dans le champ dapplication spcial de la convention. 2 possibilits: 1re possibilit: la convention sapplique si le vendeur et lacheteur sont tous les deux tablis dans des Etats contractants.2me possibilit: la convention sapplique si la rgle de conflit du for conduit lapplication de la loi dun Etat contractant. Par exemple: vente conclue entre partie chinoise et autre anglaise. Le Royaume-Uni na pas ratifi la Convention de Vienne. La 1re rgle ne peut donc sappliquer. Juge saisi = juge franais. On applique la Convention de Vienne:la Convention de Vienne est composante de la loi franaise ou chinoise. En aucun cas la Convention de Vienne ne peut sappliquer si les parties sont dans le mme pays.

2me possibilit: unification des rgles de DIPriv: moins ambitieux MAIS cest plus facile de parvenir des accords sur des rgles de DIPriv que sur des rgles substantielles. Il faut souligner lapport de la confrence de La Haye: depuis 1893, La Haye tient des sessions pour laborer des conventions internationales. Certaines de ces conventions sont restes lettre morte car pas de succs suffisant auprs des Etats: pas assez dEtat parties (refus de ratification). Une 20aine de conventions sont en vigueur. Les conventions de La Haye portent sur des matires diverses. Par exemple: la Convention du 14 mars 1970 sur la loi applicable aux rgimes matrimoniaux; la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de lenlvement international denfants (principe= ramener lenfant dans le pays et discuter ensuite); deux conventions importantes, remplaces depuis, labores entre pays membres de lU.E.: Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui porte sur les conflits de juridictions dans lespace judiciaire europen; Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles => remplacement par des Rglements communautaires aujourdhui. Egalement, un certain nombre de conventions bilatrales dans le domaine des conflits de juridictions: conventions dentraide judiciaire. Cas particulier des conventions relatives aux droits fondamentaux, et particulirement la CEDH: cette dernire ne pose pas directement des rgles de DIPriv, MAIS aujourdhui, la CEDH a une influence dterminante sur le rglement de certaines questions de DIPriv.

2. Le droit de lUnion europen

Le droit de lU.E. occupe une place de plus en plus importante au sein des sources du DIPriv. A vraie dire, cest un phnomne relativement rcent: jusquau dbut des annes 2000, le droit de lU.E. ne jouait quun rle relativement marginal en DIPriv. Raison cela = les autorits communautaires navaient pas une comptence gnrale pour dicter des rgles de DIPriv. Les rares rgles taient limites des secteurs particuliers dans lesquels les autorits communautaires avaient une comptence. Par exemple: le dtachement des salaris, les contrats de consommation, les contrats dassurance. Dans cette premire priode, un aspect notable tait que les quelques rgles de conflit de lois qui existaient avaient t introduites par des directives. Inconvnient majeur: marge de manuvre des Etats dans la transposition => on ne parvenait pas une harmonisation vritable des rgles de conflit de lois. Toutes ces dispositions, de plus, taient de facture trs mdiocre et dune complexit effarante. Aujourdhui, deux facteurs ont fait jouer lU.E. un rle diffrent: premier facteur: lmergence de lide selon laquelle les liberts du droit communautaire (circulation, tablissement, sjour, etc.) pourraient avoir une incidence sur les solutions du conflit de lois: dans certains cas, le jeu normal des rgles de conflits de lois pourrait entrainer des entraves illicites lexercice dune libert communautaire. Donc, dans certains cas, pour faire respecter les liberts communautaires, la loi normalement comptente selon la rgle de conflits devrait tre carte. Par exemple: arrt Grunkin-Paul. Cette ide est implante dans la JP de la CJUE: de plus en plus darrts vont dans cette direction, et lon constate une volution: dans les premiers arrts, les liberts communautaires avaient une incidence en DIPriv dans des domaines qui avait directement partie lie avec lconomie. Par exemple: lun des bouleversements majeurs du droit communautaire = reconfigurer en profondeur le DIPriv des socits en Europe. De mme, la JP de la CJUE a conduit bouleverser assez nettement les solutions du conflit de lois dans lhypothse du dtachement de salari. Les liberts rsultant des traits europens ont une influence en DIPriv dans dautres domaines: droit des personnes et droit de la famille deuxime facteur: depuis les annes 2000, phnomne de communautarisation des sources du DIPriv par ldiction de rglements. Evolution intervenue la faveur du Trait dAmsterdam surtout, qui a largi les pouvoirs des autorits communautaires dans le domaine de la coopration judiciaireAujourdhui, bcp de rglements ayant une influence en DIPriv. Les principaux: le Rglement Bruxelles I du 22 dcembre 2000 (Rglement 44/2001) concernant la comptence judiciaire, la reconnaissance et lexcution des dcisions en matire civile et commerciale. Il sest substitu la Convention de Bruxelles de 1968. Il est en rvision actuellement le Rglement 1346/2000 du 29 mai 2000, relatif aux procdures dinsolvabilit: cest le droit europen de la faillite internationale le Rglement dit Bruxelles II bis du 27 novembre 2003 sur la comptence, la reconnaissance et lexcution des dcisions en matire matrimoniale et de responsabilit parentale: contentieux de la dsunion du couple le Rglement dit ROME II du 11 juillet 2007: ce Rglement porte sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (ce qui correspond aux dlits et quasi-contrats en France) et qui a pour pendant le Rglement ROME I du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles le Rglement du 18 dcembre 2008 fixant les rgles relatives la comptence, la loi applicable, la reconnaissance et lexcution des dcisions et la coopration en matire dobligations alimentaires le Rglement dit ROME III du 20 dcembre 2010 relatif aux conflits de lois en matire de divorce. Il est entr en vigueur le 21 juin 2012, et pas dans tous les Etats membres des Rglements venir en matire de droit matrimonial et des successionsIl y a donc une codification des solutions en Europe.

3. Le droit international public, hors convention internationale (droit international gnral)

Le DIPublic ne rgle pas par lui-mme les conflits de lois ou de juridictions. MAIS on pourrait concevoir que le DIPublic fasse peser certaines contraintes sur les Etats dans llaboration de leurs propres solutions de DIPriv. Quen est-il? Rponse difficile: tous les avis ne convergent pas. Csure cet gard entre les internationalistes publicistes et les internationalistes privatistes: Pour les internationalistes publicistes, il y a assez souvent une tendance considrer que le DIPublic fait rellement peser des contraintes sur les Etats en matire de DIPriv. Remarque: ces auteurs-l sont loin de saccorder sur les contours exacts de ces contraintes. Ceci conduit douter de la ralit mme de ces limites. Chez les internationalistes privatistes, la prsentation est de fait assez diffrente: ils considrent peu prs unanimement que les Etats ont une marge de manuvre peu prs illimite. Et souvent, lappui de cette thse, on cite larrt Lotus rendu le 27 septembre 1927 par la Cour Permanente de Justice Internationale: loin de dfendre dune manire gnrale aux Etats dtendre leurs lois et leurs juridictions des personnes, des biens, et des actes hors du territoire, le droit international leur laisse cet gard une large libert qui nest limite que dans quelques cas par les rgles prohibitives. En suite, la CPJI poursuit: la limite primordiale quimpose le droit international lEtat est celle dexclure, sauf lexistence dune rgle permise contraire, tout exercice de sa puissance sur le territoire dun autre Etat. La limite principale aux pouvoirs des Etats dans le domaine du droit priv est linterdiction daccomplir des actes matriels de contrainte sur le territoire dun autre Etat sans son accord. Par exemple: il nest pas possible de procder des mesures dexcution sur le territoire tranger sans laccord de lEtat tranger. Cela devient crucial la question des jugements: jugement de condamnation rendu dans un pays n1 et les biens du dfendeur sont tous situs dans un Etat n2. Si lEtat n2 interdit lexcution force du jugement de lEtat n1, cela pose problme => il est crucial que lEtat n2 soit daccord avec lEtat n1, donc reconnaisse le jugement.Autre cas: les immunits: elles reposent sur lide quun Etat ne doit pas simmiscer dans le champ qui intresse la souverainet dun autre Etat. 2 manifestations:1re manifestation: limmunit de juridiction: en principe, un Etat ne peut pas se faire juge dun autre Etat. Par exemple: contentieux avec un autre Etat tranger: il nest pas possible de lassigner devant un tribunal franais.2me manifestation: limmunit dexcution: elle protge les biens de lEtat tranger contre les mesures dexcution qui pourraient tre exerces par les organes du for. Par exemple: si un Etat tranger a des biens en faire, on ne peut pas en principe faire saisir ses biens.Cela dit, ces immunits ne sont pas absolues: cas o elles peuvent tre cartes: Limmunit de juridiction ne joue que si le litige se rapporte des actes accomplis par lEtat tranger dans lexercice de sa souverainet. Si lEtat a agit comme une personne prive (phnomne de lEtat commerant), limmunit de juridiction pourra tre carte. Limmunit dexcution ne couvre pas tous les biens de lEtat: elle ne concerne que les biens qui sont ncessaires son fonctionnement. Par exemple: limmunit dexcution ne sapplique pas si lon veut saisir lavion diplomatique de tel dirigeant tranger elle sapplique si lon veut saisir lavion exploit par une compagnie arienne de lEtat. Les agences diplomatiques des Etats trangers bnficient aussi des immunits; idem pour les souverains trangers; et de la mme faon, un certain nombre dO.I. comme lO.N.U. bnficient de limmunit. Lincidence du DIPublic sur des questions traites par le DIPriv nest donc pas nulle. MAIS 2 points trs importants ne pas perdre de vue: les Etats peuvent donner comptence aussi largement quils le souhaitent leurs juridictions pour connatre des litiges de droit priv un Etat na jamais lobligation dappliquer une loi trangre ou mme de tenir compte dun jugement tranger (de le reconnatre)Linfluence du DIPublic sur les solutions de DIPriv est donc marginale.

Synthse: Dans une large mesure, les sources du DIPriv restent essentiellement nationales. Et cela ne changera pas de sitt. Quelques ilots dharmonisation: lU.E. est un ilot de taille importante: lharmonisation est de plus en plus aboutie dans lU.E., MAIS mme cette harmonisation europenne rvle ses limites lorsque lon est confront des situations juridiques dont la dimension internationale dpasse les frontires de lEurope. Par exemple: contrat conclu entre une entreprise franaise et une entreprise mexicaine: les solutions risquent dtre divergentes, non coordonnes, en France et au Mexique. Il y a donc une insuffisance des sources internationales des sources du DIPriv: ne pourrait-il pas exister au niveau national des remdes labsence de coordination?

B) Lexistence de remdes lchelle nationale

Est-il possible de remdier aussi aux inconvnients de la relativit des solutions lchelle nationale? Lide que des remdes puissent tre envisags au niveau national peut paratre paradoxal: en effet, la source de tous les problmes lis labsence dharmonisation est justement le caractre initialement national des sources: chaque Etat ses rgles de DIPriv. Cependant, on peut envisager quelques pistes: 2 rgles dor en DIPriv:1rergle dor : elle concerne la comptence internationale2dergle dor : elle concerne principalement les effets des jugements, MAIS aussi tout de mme le terrain du conflit de lois

1rergles dor : constatation trs simple: si un ordre juridique ne donne pas comptence ses juridictions pour un litige donn, le point de vue quexprime ses propres rgles de conflit de lois compte trs peu: le point de vue reste compltement virtuel. En effet, si lEtat ne donne pas comptence ses juridictions, la solution donne par sa rgle de conflit de lois naura jamais loccasion dtre concrtise par un jugement. Donc ce point de vue ne pourra jamais simposer dans les faits. Par exemple: contentieux relatif au mariage dun Brsilien et dune Argentine, domicilis en Bolivie. Conditions de fond du mariage soumises la nationalit des poux. Le point de vue franais cependant na aucune importance Ce qui rend problmatique la divergence des rgles de conflit de lois, cest les conflits positifs de comptence juridictionnelle. Par exemple: si juge franais comptent, et aussi argentin, problme de forum shopping car chacun appliquera sa rgle de conflit de lois.Le problme est donc la comptence concurrente des juridictions tatiques: il faut donc jouer sur cette variable. Comment faire?On ne peut pas interdire une juridiction trangre dtre comptente (le DIPublic sy opposerait car il rserve chaque Etat le pouvoir de commander ses organes et notamment ses juridictions).On peut cependant ne pas concevoir trop largement la comptence des juridictions du for: il faut dlimiter de manire raisonnable la comptence internationale des juridictions du for: si tous les Etats sengagent dans cette voie, les conflits positifs de comptence seront moins frquents, et moins graves. Malheureusement, cette ide ninspire quassez faiblement certaines rgles de comptence. Par exemple: Rglement Bruxelles II bis: sur la comptence, la reconnaissance et lexcution des dcisions en matire matrimoniale et de responsabilit parentale: contentieux de la dsunion du couple: le Rglement donne comptence bcp de juridictions, sur des critres souples => le demandeur a une option de comptence: il peut choisir le juge => cela a linconvnient de favoriser le forum shopping. En dfinitive, cela fragilise le lien matrimonial: en cas de conflit entre les poux, chacun peut craindre que lautre aille saisir le juge qui lui conviendra le mieux. Chaque poux voudra prendre de vitesse lautre en engageant une procdure contentieuse, plutt que de chercher rapprocher leur point de vue. Dans une moindre mesure, le Rglement Bruxelles I du 22 dcembre 2000 (Rglement 44/2001) concernant la comptence judiciaire, la reconnaissance et lexcution des dcisions en matire civile et commerciale connat aussi frquemment des options de comptence (sans doute trop). Les instruments europens ne sont pas les idaux de ce point de vue-l.

2me rgle dor: ide fondamentale recevant un cho de plus en plus grand en droit compar: il faut sefforcer de respecter les situations acquises. Il faut en quelque sorte sincliner devant le fait accompli. Si une situation est constitue dans un Etat tranger, sous lempire dun ordre juridique tranger, souvent cette situation juridique a entrain des consquences dans les faits. Les parties ont form des prvisions, et donc dans la mesure du possible il ne faut pas remettre tout cela en cause. Lapplication la plus classique de cette ide est quil faut reconnatre le plus largement possible les jugements trangers. Par exemple: couple franco-australien qui divorce en Australie (devant un juge australien donc). De toute vidence, il semble prfrable de reconnatre ce jugement en France, parce que les poux ont par exemple liquid leur rgime matrimonial, peut-tre se sont-ils remaris, etc. Sauf raisons trs srieuses, il vaut mieux ne pas remettre ce divorce en cause: ce serait sinon dinscurit juridique et de graves divorces. Cas o les poux se sont remaris: en toute logique, le nouveau mariage devrait tre annul pour bigamie si lon ne reconnat pas le divorce. La reconnaissance des solutions acquises existe depuis tjrs, MAIS elle est aujourdhui de plus en plus forte. Tant les droits fondamentaux que les libert de lU.E. favorisent aujourdhui une reconnaissance plus librale des situations constitues ltranger. Ceci se manifeste notamment par la monte en puissance dun mode de raisonnement quon appelle la mthode de la reconnaissance, ou mthode de la reconnaissance unilatrale ou mthode de la reconnaissance des situations. Partie I: La thorie gnrale du conflit de loisPartie II: La reconnaissance des jugements et des situations

La comptence des juridictions: 2d semestreLe DIPriv spcial: 2d semestre

Cet ordre de prsentation nest pas idal, car en bonne logique, on devrait commencer par parler des comptences internationales des juridictions: les solutions poses par les rgles de conflit de lois franaises ne valent a priori que devant les juridictions ou autres organes de ce pays. Le mieux est dabord de savoir si le juge franais peut tre saisi, car sil ne peut pas ltre, la rgle de conflit de lois franaise nest gure importante.

Partie I: La thorie gnrale du conflit de lois

Dun point de vue intellectuel, cest le problme du conflit de lois qui pose en DIPriv les plus grandes difficults. Il est ncessaire danalyser convenablement le problme mme du conflit de lois rsoudre (Titre I). Dans un Titre II, on portera un regard non vers le problme, MAIS vers les solutions possibles: mthodes de solutions de conflit de lois (plusieurs mthodes permettent de rsoudre des problmes de conflit de lois, et chacune delles possde une place plus ou moins grande en droit positif). La mthode dominante en France est la mthode dite bilatrale ou bilatraliste. Cette mthode bilatrale ou bilatraliste est principale, et cest pourquoi nous aborderons son fonctionnement plus en dtails dans un Titre III.

Titre prliminaire: Lvolution historique des thories du conflit de lois

Anciennet des proccupations doctrinales et en particulier anciennet des proccupations de recherche de mthodes. Depuis le XIIIme sicle au moins, des savants rflchissent sur les problmes de conflit de lois.Repres historiques: 2 conditions:1recondition : part dapproximation et de raccourcis historiques2me condition: limitation du propos dans lespace lEurope, et dans le temps: point de dpart = formation de la 1re grande thorie du conflit de lois = thorie des statuts.La thorie des statuts est apparue en Italie au XIIIme sicle et a connu aussi des dveloppements en France (Section 1). Puis, on voquera lapport fondamental dun auteur allemand = Savigny (principal acteur de lcole historique): en DIPriv, sa pense est cense avoir marqu une vritable rupture et avoir eu une grande influence (Section 2). Beaucoup considre que la pense de Savigny est lamorce du DIPriv moderne. Quoi quil en soit, le DIPriv a beaucoup continu voluer: ces volutions postrieures Savigny seront relates en Sections 3 et 4.

Section 1 : La thorie des statuts

XIIIme sicle: ce point de dpart nest pas arbitraire car les solutions apportes aux conflits de lois avant le XIIIme sicle sont trs incertaines, peu connues. Il est possible aussi quavant la thorie des statuts du XIIIme sicle il ny ait pas eu vritablement de thorie qui sest durablement impose. La thorie des statuts est ne en Italie. Le point de dpart chez les auteurs italiens qui ont labor cette thorie (parmi eux, le plus fameux sont Bartole et Balde) est que les statuts (= lensemble des rgles dictes par les souverains dans une matire dtermine) ne doivent pas sappliquer lunivers entier. Le juge saisi ne doit pas toujours appliquer son statut, i.e. le statut dict par son souverain. Comment raisonner pour savoir dans quel cas appliquer le statut du for ou un autre statut? Il faut faire une distinction entre la procdure (i.e. la procdure suivie par le tribunal) et le fond du droit: la procdure, elle, est tjrs rgie par la lex fori (solution qui sest par la suite toujours maintenue, et aujourdhui elle est considre comme vidente), EN REVANCHE, le fond du droit nest pas ncessairement rgi par la lex fori. Pour les statutistes, pour savoir quel statut est applicable au fond, le juge doit sinterroger sur la porte, sur lefficacit spatiale des diffrents statuts en prsence. Pour cela, il faut classer les statuts en fonction de leur objet. A chaque catgorie de statuts, va correspondre un certain domaine dapplication dans lespace.Par exemple: les statuts dune cit, relatifs aux contrats, doivent sappliquer aux contrats conclus sur le territoire de cette cit. De mme, les statuts en matire dlictuelle vont sappliquer aux faits dommageables qui sont survenus sur leur territoire.Ce qui est central dans la thories des statuts = on part des rgles de droit, et on leur donne une certaine porte spatiale, un champ dapplication spatial. Diffrents aspects vont se dgager: la thorie des statuts va accder au droit positif, car les universitaires souvent sont consults dans le cadre de procs. De la sorte, assez rapidement la thorie des statuts va prendre racine en JP. Certaines solutions importantes vont assez rapidement se dgager: principalement 2: opposition entre les statuts rels et les statuts personnels: les statuts rels = ceux qui rglent les droits sur les biens: ces statuts sont territoriaux = ils sappliquent aux biens situs sur leur territoire, sur le territoire de lautorit qui a dict les statuts en question les statuts personnels = ceux qui disposent relativement aux personnes (= tat des personnes et droit de la famille): ces statuts ne sadressent quaux sujets du souverain qui les a dicts MAIS il suit ces sujets partout: ces statuts sont dit dapplication extraterritoriale ide que le juge du for doit refuser dappliquer un statut odieux (Bartole) (= choquant, insupportable): de manire embryonnaire, cest ce que lon appelle aujourdhui lexception dordre public

Cette thorie va rapidement gagner la France. Prolongements intressants, spcialement partir du XVme sicle sous linfluence de deux auteurs: Dumoulin et dArgentr: ils vont laborer la thorie franaise des statuts. Dumoulin reste assez proche de lcole italienne: cest un continuateur de Bartole notamment. MAIS lments dinnovation intressants: en particulier, ide que lapplication de certains statuts dpend de la volont des parties. Cest le cas des statuts qui visent les contrats et les rgimes matrimoniaux. Par exemple: des poux qui vont fixer leur premier domicile Paris doivent tre considrs comme ayant lintention de soumettre la coutume locale (de Paris) lensemble de leurs biens. Lapport de dArgentr est plus important, MAIS ce nest sans doute pas un progrs: pour comprendre sa pense, il faut savoir quelle est largement dtermine par un but politique. DArgentr est un haut magistrat breton, et non un universitaire. A son poque, la Bretagne vient dtre rattache la Couronne de France. Il va avoir la proccupation de maintenir lapplication des conflits de lois bretonnes en Bretagne. Pour cela, il va reprendre lopposition statuts rels/statuts personnels, et lappliquer aux coutumes (car en France on ne parle plus de statuts), et il va lamplifier normment. Chez Bartole, les statuts personnels et les statuts rels sont des catgories parmi dautres. Ce sont des lments dune classification plus complexe. Chez dArgentr, lopposition rels/personnels absorbe tout: toute coutume est soit relle, soit personnelle. Si elle est relle, elle est dapplication territoriale, si elle est personnelle, elle est dapplication extraterritoriale. DArgentr va sappliquer gonfler le contenu de la catgorie coutume relle, car il pense quen pratique, cela va conduire le juge appliquer plus souvent sa propre coutume. Par exemple: assez souvent, les litiges intressent le sort des biens qui est situ dans le ressort du juge. Donc si le juge peut faire prvaloir la qualification de coutume relle, il va appliquer sa propre coutume. Pour gonfler la catgorie relle, dArgentr pose une prsomption de ralit: selon cette prsomption de ralit, en principe toutes les coutumes sont relles. Seules sont personnelles les coutumes qui font abstraction de tout lment rel (essentiellement, ltat des personnes). MAIS les statuts mixtes concernant la fois des personnes et des biens (rgime des successions et rgimes matrimoniaux) vont tre qualifis de coutumes relles => ils sont dapplication territoriale.

La pense de dArgentr a eu lpoque un grand retentissement: mme ltranger, beaucoup se rclament de la pense de dArgentr. Pourtant, la mthode labore par dArgentr est peu prs inutilisable. Lun des problmes est que mme si la notion de statut personnel est secondaire aux yeux de dArgentr, en pratique elle est assez vaste, et cest un vritable bric--brac: par exemple: dans la catgorie des coutumes personnelles, on aura les coutumes relatives aux dlits, certaines coutumes relatives aux contrats sans doute La grande difficult est que quand un rapport de droit implique deux personnes dorigine diffrente, lapproche de dArgentr ne peut pas fonctionner. Par exemple: contrat conclu par deux personnes: si le statut suit la personne, cela ne suffira pas: il faudrait pouvoir dire des deux personnes quelle est celle dont le statut doit tre appliqu Evidente limite de la pense dArgentr: les auteurs qui se prsentent comme les continuateurs de dArgentr vont en ralit rintroduire des rattachements particuliers pour diffrentes matires.

Par la suite, aprs lpisode franais, la thorie des statuts va continuer se rpandre et voluer, notamment sous linfluence de la doctrine hollandaise au XVIIme sicle, avec des auteurs comme VOET (pre et fils) et HUBER. Le principal apport de la doctrine hollandaise ne porte pas vraiment sur le contenu mme des rgles de DIPriv: sur ce point-l, les Hollandais ne se dmarquent pas bcp de leurs prdcesseurs franais. Elle donne un fondement thorique lapplication des lois trangres. Le XVIIme sicle est celui o lon assiste paralllement lmergence dune doctrine de DIPublic, et spcialement en Hollande justement. Du ct du DIPriv, les auteurs hollandais vont insister sur les principes de souverainet et dindpendance des Etats. Des auteurs comme VOET et HUBER insistent sur le fait quen raison justement de lindpendance et de la souverainet des Etats, les lois des uns ne simposent pas aux autres. CEPENDANT, ce quils disent aussi est que cela ne signifie pas pour autant que le juge de chaque Etat doit forcment appliquer sa propre loi. Lapplication dune loi trangre nest pas une obligation pour le souverain, MAIS rien ninterdit de consentir appliquer une loi trangre par comitas (= la courtoisie internationale). Les auteurs hollandais insistent bcp sur cette notion de comitas: cest la base de DIPriv pour eux. Puisquappliquer une loi trangre nest jamais une obligation, le cas chant lapplication de la loi trangre va plutt tre fonde sur des considrations du type quit, justice, utilit Pour concrtiser cette ide, les Hollandais insistent particulirement sur la notion de respect des droits acquis. Dans nombre de cas, lapplication dune loi trangre se justifie car elle va permettre de respecter une situation acquise ltranger. Dans les annes 1950, abandon de cette ide de droits acquis, MAIS aujourdhui, renouveau avec la mthode de la reconnaissance. Cest central dans la thorie de lordre public. Traces de la pense hollandaise dans le droit franais: cest surtout dans les pays anglo-saxons que lcole hollandaise a eu un grand retentissement: notions de comitas et de droit acquis qui occupent une place importante dans la JP et le doctrine de ces pays.

Section 2: Lapport de Savigny

Pendant longtemps, lune des caractristiques du DIPriv est quon le voit comme le rglement dun conflit de souverainet. Diffrents souverains titulaires chacun dun pouvoir normatif => concurrence des pouvoirs normatifs. Ce qui est en cause = la souverainet personnelle (sur les sujets) et territoriale (sur le territoire). Souvent, les privatistes se demandent laquelle des deux doit prvaloir. Cette ide va tre remise en cause par un auteur qui est clbrissime en DIPriv: Savigny en 1839 publie le tome VIII de son fameux Trait de droit romain: il est consacr aux conflits de lois dans le temps et dans lespace. Prsentation officielle: Savigny, dans son ouvrage, va dvelopper lide assez nouvelle que lapplication dune loi ne doit pas tre conue comme une satisfaction quon donnerait un souverain. A linverse, lapplication dune loi ne doit pas tre prsente comme une atteinte lautorit du souverain. Par exemple: si lon applique la loi personnelle sur le territoire dun autre Etat, pas datteinte. Pour Savigny, il sagit simplement de retenir par rapport aux diffrentes lois en prsence celle dont lapplication est la plus convenable. Selon Savigny, lapproche doit tre la suivante: il faut montrer le lien qui rattache les rapports de droit un lieu dtermin, assigner chaque classe de rapports de droit un sige dtermin daprs sa nature. Il faut rechercher le sige du rapport de droit qui est en cause: pour cela, on va identifier le rattachement le plus pertinent entre lordre de droit et un pays donn. Savigny ne part plus des rgles de droit pour dterminer leur application: il part du rapport de droit lui-mme et se demande dans quel pays il se localise. On ne raisonne plus en terme de dtermination de la porte dun pouvoir normatif: on raisonne plutt en terme de localisation du rapport de droit. On procde ainsi: dabord on va classer le rapport juridique dans une certaine catgorie (par exemple: contrats, dlits, successions, etc.) et cette catgorie gnrale correspond un critre qui indique le sige du rapport de droit, donc la loi qui va le rgir. Cette ide de localisation va connatre un succs phnomnal, bien quun peu tardif. BATIFFOL dveloppera et approfondira cette ide de localisation. Ce nest rien de moins que les bases mthodologiques du DIPriv moderne. Ce sont les bases de la mthode ultra-dominante au XXme sicle et encore aujourdhui = la mthode bilatrale.Par exemple: la responsabilit dlictuelle est soumise en principe la loi du lieu du dommage (solution consacre par le Rglement ROME II); les successionsmobilires sont soumises la loi du lieu du domicile du dfunt et les successions immobilires sont soumises la loi de la situation du lieu de limmeuble. MAIS: la thorie statutiste a pos le principe que les statuts dlictuels sappliquaient au fait dommageable survenu sur le territoire local. On pourrait trs bien formuler apparemment en termes savignyens: les faits dlictuels sont rgis par la loi du pays o ils sont survenus. Deux manires diffrentes de dire la mme chose. MAIS la mthode savignyenne permet de surmonter certains problmes qui taient insurmontables pour les statutistes: par exemple: mariage entre deux personnes de nationalit diffrente. On sinterroge sur la loi applicable ce mariage. En terme statutiste, on dit que la loi personnelle de chaque poux le suit partout. MAIS alors, les effets du mariage vont tre dfinis par rapport une loi diffrente pour chaque poux. Il ne sagit pas seulement dune bizarrerie: pendant longtemps en France, on a rattach la question du divorce la catgorie des effets du mariage. Si la JP avait raisonn en termes statutistes, on serait parvenu des impasses: on ne peut pas considrer que lun des divorcs est vraiment divorc, alors que lautre serait tjrs enferm dans les liens du mariage La JP a rsolu ces problmes: arrt Cour de Cassation, Chambre civile, 17 avril 1953, RIVIERE : conscration dune solution qui sinscrit dans la ligne de lapproche savignyenne: la Cour de Cassation dans cette affaire devait rsoudre une difficult qui tenait la conjugaison de deux lments: 1er lment: en DIPriv franais, le statut personnel tait soumis la loi nationale. Cette solution vaut tjrs en principe, MAIS de nombreuses exceptions aujourdhui.2me lment: la question litigieuse tait la licit du divorce par consentement mutuel (prononc ltranger): peut-on le reconnatre en France? Or, les poux taient de deux nationalits diffrentes: on ne pouvait pas se contenter de dire que la loi personnelle de chaque poux sappliquait lui. La Cour de Cassation a chapp la difficult en raisonnant non pas dune manire qui aurait t conforme la logique statutiste, MAIS en termes de loi applicable au lien matrimonial: elle a class la question de droit dans une catgorie (= effets du mariage), catgorie laquelle correspond un critre localisateur qui indique une loi unique. La loi applicable en lespce est la loi nationale commune. Quand il ny en a pas cest la loi du domicile commun (=> on renonce appliquer la loi nationale des poux) et sil ny a pas de domicile commun, on applique la loi du for. Autre apport de la pense de Savigny = Savigny ne voit plus le conflit de lois comme un conflit de souverainet: ce nest pas un conflit qui se situe au niveau des rapports intertatiques. Savigny ne le dit pas directement et clairement, MAIS il a une certaine intuition, conscience, du fait que les intrts en jeux sont des intrts privs, de personnes prives. Cette ide ne sest pas impose immdiatement: premire partie du XXme sicle, ide contraire trs largement rpandue, MAIS aujourdhui tout le monde est convaincu que les questions de droit priv mettent en cause essentiellement des intrts privs. Il nignore pas CEPENDANT quun Etat puisse avoir un intrt, une volont ce que la loi sapplique. Mme aujourdhui, cette ide est elle aussi admise, MAIS cela narrive que de faon marginale, ponctuelle: ce nest pas la situation gnrale. Les intrts suprieurs de lEtat = une ide qui se traduit la mthode des lois de police. En dpit de tous les mrites que lon prte Savigny, il faut introduire quelques nuances. Pierre GOTHOT: il y a une exagration des mrites de Savigny. A bien des gards, la pense de Savigny est plus confuse quon ne veut bien le dire: rupture avec le pass certes, MAIS moins franche quil ne veut le dire vraiment. La question = pourquoi faire une prsentation indulgente de la pense de Savigny? Deux facteurs:Dabord, poque o lon a voulu promouvoir la mthode bilatrale, clairement inspire de Savigny, donc on a voulu affermir le modle, expurger la pense de Savigny de certains de ses dfauts => besoin dun mythe fondateur. A force, on a la vulgate savignienne: on ne retient que des traits saillants de la pense savignienne: tel point quon ne lit plus Savigny, on se fait confiance sur ce qua pu dire Savigny Section 3: Lvolution du DIPriv au XXme sicle et au XXIme sicle: universalisme et particularisme

Quelle que soit limportance de la rupture savignienne, elle ne sest diffuse que de manire progressive et assez tardive. Opposition entre particularisme et universalisme: jusqu la fin du XIXme sicle, pratiquement tous les auteurs sont universalistes: leur conviction intime = les solutions du conflit de lois doivent tre les mmes dans tous les pays. Pour Savigny, lapproche quil prconise pour rgler les conflits de lois suppose un pr requis: la condition essentielle = il existe entre les pays dont les lois sont en conflit une communaut de droits. Cela correspond plutt lide de communaut de civilisations. Lide sous-jacente est quon ne peut pas appliquer absolument de la mme manire les lois trangres qui vhiculent des valeurs proches aux ntres et des valeurs trop diffrentes. Savigny sinscrivait plus dans une perspective europenne (car pas ouverture au monde entier comme actuellement): dans lEurope occidentale de lpoque il existe une communaut de droits qui rsulte du double hritage du christianisme et du droit romain.

Selon Savigny, lexistence de la communaut de droits doit assurer une certaine universalit des solutions donnes aux conflits de lois. De fait, il est vrai qu lpoque les solutions donnes aux conflits de lois dans lEurope occidentale de lpoque sont assez proches (bienfait pour lharmonie de solutions). Bcp dauteurs la fin du XIXme et au dbut du XXme sicle dfendent luniversalisme, i.e. le rglement de caractre uniforme des conflits de lois. MAIS chez ces auteurs, la raison nest pas la mme que chez Savigny: lpoque, la plupart des auteurs voient encore le conflit de lois comme un conflit de souverainet => on considre que les solutions du conflit de lois relvent du DIPublic. Il ny a donc pas de raison que les solutions varient dun pays lautre. Lide a t dveloppe par lauteur italien MANCINI et lauteur franais PILLET. Pour le premier, il est trs clair que les solutions du conflit de lois dcoulent du DIPublic => que dit le DIPublic? La rponse = systme du personnalisme, ou principe de nationalit: lide est que chaque individu doit tre soumis aux lois de lEtat dont il est ressortissant, mme lorsquil rside ltranger. La construction repose sur une vision trs exalte et romantique de la nationalit. Pour MANCINI, lapplication de la loi nationale est la solution impose, obligatoire, compte tenu du DIPublic. Elle peut tre carte dans certains cas au motif que la dfense de lordre public du souverain local requiert lapplication de sa loi toutes les personnes qui sont sur son territoire. Cette construction se heurte quelques difficults: mme lpoque, le droit positif dans la plupart des Etats tait assez peu inspir par ce principe de nationalit. MANCINI recommandait la mise en conformit des DIPriv nationaux avec le DIPublic, et ce par la voie des conventions internationales. Cette manire de penser inspire une remarque frappante: aujourdhui les ides de MANCINI sont totalement dmodlises. MAIS dans le derniers tiers du XXme sicle, succs prodigieux de ses ides. En Europe occidentale, lexception de la G.B., la plupart des pays se sont converties aux ides de MANCINI: laboration de certaines lgislations (1865: Code italien; 1889: Code espagnol) et surtout laboration de nombreuses conventions internationales: les premires conventions de La Haye taient trs inspires par ce principe de nationalit).

CEPENDANT mergence dun autre courant de pense, qui doit beaucoup lAllemand KAHN et le Franais Etienne BARTIN: ils dveloppent le particularisme, exact oppos luniversalisme. Bartin prend directement le contre-pied de MANCINI en affirmant que la divergence des solutions du conflit de lois dun pays lautre nest pas une simple anomalie temporaire, une anomalie qui aurait vocation se rsorber avec le temps. AU CONTRAIRE, la diversit est inluctable car les principes de DIPriv en vigueur dans chaque Etat sont commands par la structure du droit interne. Les rgles de conflit sont des rgles nationales dans chaque pays, au mme titre que les institutions de droit interne, dont elles circonscrivent le domaine. Elles leur restent lies comme lombre au corps parce quelles ne sont pas autre chose que la projection de ces institutions elles-mmes sur le plan du droit international. Il y a un lien indfectible entre les rgles de droit interne et les rgles de conflit de lois. Consquence: si les rgles de droit interne sont divergentes, les rgles de droit international priv sont voues tre divergentes. BARTIN condamne trs durement les conventions internationales, parce quelles mconnaissent le lien entre les rgles de conflit et le droit interne. NIBOYET, immense auteur franais du particularisme: il insiste entre autres sur la dimension politique du DIPriv, qui selon lui rend dangereuse la tentation de luniversalisme. Par exemple: domaine du statut personnel: NIBOYET dit quun pays dimmigration na pas besoin de la mme rgle de conflit de lois quun pays dmigration: le pays dimmigration, en bonne logique, va vouloir favoriser une assimilation rapide des immigrs, et donc plutt soumettre le statut personnel la loi du domicile plutt qu la loi nationale. Le pays dmigration au contraire va vouloir maintenir lempire de sa loi sur ses ressortissants expatris: retenir le critre de la nationalit.Le courant particulariste va avoir une trs rare influence en France et ltranger: alimentation avec la Ire G.M. (nationalismes). Le particularisme va avoir une influence sur le droit positif, avec un fort recul des conventions internationales: en 1913 et en 1916, la France dnonce les conventions de La Haye quelle avait ratifies au dbut du XXme sicle: toutes les tentatives de ngociation de conventions internationales seront voues lchec.

De nouveau, apparition dun nouveau courant de pense: ge de raison du DIPriv: synthse entre universalisme et particularisme: le point de dpart repose sur une rupture par rapport la pense des universalistes du XIXme sicle, et mme vraie dire par rapport la pense des particularistes de lentre-deux-guerres. Jusquaux annes 1950, un dnominateur commun = les auteurs voient les conflits de lois comme des conflits de souverainet. Or, partir de la deuxime moiti du XXme sicle, les ides vont voluer. Des auteurs importants vont dvelopper lide que les conflits de lois mettent en cause essentiellement des intrts privs, et non des conflits entre souverainets. Cette ide est dfendue en France par des auteurs comme MAURY, LEREBOURS-PIGEONNIERE, et BATIFFOL. Ces auteurs disent que lon doit chercher mnager au mieux les intrts privs. Or, une chose est importante du point de vue des personnes prives = que les solutions varient le moins possibles dun pays lautre (lharmonie des solutions est importante pour les particuliers). Do le souci de rintroduire une dose duniversalisme, MAIS un universalisme pragmatique: pour assurer le bon ordre des relations prives internationales. Souci de lharmonie internationale des solutions: lauteur RABEL en Allemagne va insister sur lintrt du droit compar dans llaboration des solutions de DIPriv. Linspiration nest donc plus du tout la mme que chez MANCINI.Par la suite, la matire va continuer voluer: sur bien des points, le DIPriv du XXIme sicle est diffrent. MAIS sur le fond, la conception du DIPriv que ses auteurs ont contribu faire natre perdure.Remarque: luniversalisme renouvel se traduit par une attitude vis--vis des conventions internationales beaucoup plus mesure que celle des universalismes prcdents. On considre aujourdhui que les conventions internationales peuvent rendre des services importants, MAIS en mme temps il ne faut pas adhrer nimporte quelle convention internationale de manire aveugle. Malgr tout, lhritage des particularistes perdure aussi: la porte de cet hritage est relativise. Lide dominante= lanalyse du droit interne mrite doccuper une place importante, MAIS dans le mme temps, on nest pas oblig den faire lalpha et lomga du DIPriv. Il faut donc parvenir un certain quilibre.

Section 4: Les tendances contemporaines

A lpoque contemporaine, on peut diffrencier de grandes tendances: il est arbitraire den isoler quelques unes et den mentionner dautres. 3 sont majeures:Monte en puissance des sources crites: en France pendant trs longtemps le DIPriv a t essentiellement jurisprudentiel. Pendant longtemps il y avait trs peu de textes: art. 3 Cc: alina 1: les lois de police et de srets obligent tous ceux qui habitent le territoire => en ralit, cest assez compliqu: formule trs vague qui ne nous renseigne pas trop; alina 2: les immeubles, mmes ceux possds par des trangers, sont rgis par la loi franaise => et les meubles? La JP a gnralis la rgle nonce: les immeubles situs ltranger sont soumis la lex rei sitae, et les droits rels sur les meubles idem; alina 3les lois concernant ltat et la capacit des personnes rgissent les Franais, mmes rsidents en pays trangers => quid des trangers? La JP a dit que le statut personnel des tranger tait soumis lordre national, MAIS aujourdhui bcp dexceptions => cet article 3 Cc ne dit pas grand chose=> la JP a d complter arts. 14 et 15 Cc: ils instituent des privilges de juridictions au profit des Franais: art. 14 Cc: il indique que la nationalit du demandeur est un chef de comptence pour les juridictions franaises; art. 15 Cc: mme solution lorsque le dfendeur est de nationalit franaise. Aujourdhui, rduction: cela ne joue pas dans lespace judiciaire europen + autres rgles de comptences pour les juridictions franaisesLa JP a d dresser au fur et mesure des dcennies un DIPriv partir de ces articles. Puis, sources crites, non jurisprudentielles: quelques textes lgislatifs: loi du 3 juillet 1972: introduction de rgles de conflit de lois en matire de filiation; loi du 11 juillet 1975: introduction de rgles de conflit de lois en matire de divorce; loi du 6 fvrier 2001: introduction de rgles de conflit de lois en matire dadoption. Le sentiment gnral = les rgles lgales ne sont pas un progrs par rapport aux rgles jurisprudentielles antrieures. Plus rcemment, prolifration des sources crites, qui a d beaucoup au droit de lU.E.: avalanche de rglements communautaires et aujourdhui, on a abouti une sorte de codification de la matire, et ce dautant que sagissant des rgles de conflit de lois poses par les rglements, elles sappliquent mme des situations qui ne sont pas intra-communautaires. Par exemple: contentieux de responsabilit dlictuelle devant les juridictions franaises: si dfendeur mexicain et une partie du litige a eu lieu au Mexique, le juge franais appliquera quand mme les dispositions du Rglement ROME IIInfluence croissante des sources internationales et europennes: lun des aspects essentiels = la monte en puissance des droits fondamentaux et des liberts communautaires. Il est assez frquent que des rgles de DIPriv soient soumises un test de conformit avec des rgles de conformit avec des droits fondamentaux et des liberts europennes. Cela introduit des bouleversements(cf. exception dordre public et mthode de reconnaissance).Place de plus en plus grande accorde lautonomie de la volont: sur le terrain du conflit de lois, cela se traduit par la possibilit de choisir la loi applicable dans certaines matires. A vrai dire, cette possibilit existe dj depuis longtemps en matire contractuelle, et en matire de rgimes matrimoniaux. Aujourdhui, on assiste une extension du champ o intervient lautonomie de la volont: la possibilit de choisir la loi applicable est possible en matire non contractuelle (= dlits et quasi-contrats) par le Rglement ROME II, et mme le Rglement ROME III a introduit aussi une certaine possibilit de choisir la loi applicable en matire de divorce. Sur le terrain des conflits de juridictions, on admet de manire trs librale et mme de plus en plus librale les clauses attributives de juridiction (= clauses des parties un contrat choisissant par avance (en gnral) le tribunal comptent pour connatre de leur litige ventuel). MAIS inconvnients: inscurit juridique rsultant de lexistence de comptences juridictionnelles comptentes: cest apprciable pour les parties de choisir le tribunal par avance dun commun accord. Cest possible en matire de droits disponibles (= en matire contractuelle, sauf les contrats intressant des parties faibles).

Titre I: Analyse du problme du conflit de lois

Origine du conflit de lois: comme la trs bien montr M. MAYER dans sa thse La distinction entre rgles et dcisions et le droit international priv, Dalloz, 1973: le problme du conflit de lois nat dune donne trs simple: dans tous les ordres juridiques du monde, il existe une rgle de droit qui permet de rsoudre la question de droit propos de laquelle on sinterroge. Par exemple: X a adress Y une offre de contrat. Y na pas rpondu. Les deux parties ne sont pas du mme avis: X prtend que le silence de Y vaut acceptation de cette offre, et Y au contraire fait valoir que son silence nquivaut pas une acceptation. Dans chaque lgislation nationale, il existe une rgle qui explique si oui ou non du destinataire de loffre vaut acceptation de celle-ci. Chaque ordre juridique propose une rponse la question pose. Il est ncessaire de choisir entre les diffrentes rponses. Selon lexpression de MM. FOYER, HOLLEAUX, et GEOUFFRE DE LA PRADELLE, le conflit de lois est un conflit de solutions possibles. Il faut souligner que lexistence dune rponse la question litigieuse, dans un ordre juridique donn, ne dpend pas des liens que cet ordre juridique pourrait ventuellement entretenir avec la situation litigieuse. Par exemple: dans lordre juridique allemand, rgle de droit disant si le silence vaut ou non acceptation. Idem avec les autres ordres juridiques. Dun point de vue thorique ou pratique, on pourrait appliquer lune ou lautre de ces rgles, solutions, alors mme que le litige naurait aucun lien objectif avec lordre juridique en question. A priori, il napparat pas judicieux de donner comptence une loi sans lien avec le litige, MAIS il nempche quau dpart, cette loi figure bien au nombre de celles entre lesquelles il faut choisir. Cette solution na pas quun intrt thorique: par exemple: on admet en DIPriv des contrats que les parties puissent soumettre leurs contrats par une clause delectio iuris (choix de loi) une loi qui na aucun lien objectif avec ce contrat. Autre exemple: la vocation subsidiaire gnrale de la loi du for: cest la disponibilit de la loi franaise comme solution de dernier recours lorsquil est impossible de dsigner ou dappliquer une loi trangre: la loi comptente en responsabilit dlictuelle est le lieu du dommage, MAIS il peut arriver que le dommage puisse tre occasionn dans un territoire sans souverainet => le juge va appliquer la loi du for: quand la mcanique conflictuelle choue, le juge applique la loi du for; loi trangre contraire lordre public: on napplique pas la loi trangre et la place, on applique la loi du for La vocation gnrale de la lex foriest subsidiaire : les rgles du for peuvent toujours donner au juge une rponse, mme si le litige na pas ou pratiquement pas de lien avec lordre juridique du for.

4 remarques:

1re remarque: le problme de conflit de lois se pose propos dune question de droit: cest bien sur cette base-l que ce problme est trait. On raisonne question de droit par question de droit: pour chaque question de droit, on va devoir choisir entre les solutions proposes par diffrentes lois. Souvent, un mme litige soulve plusieurs questions de droit. Par exemple: affaire PONNOUCANNAMALE= arrt Cour de Cassation, Chambres des Requtes, 21 avril 1931: litige relatif la dvolution successorale dimmeubles qui se trouvaient en Cochinchine franaise. Ces immeubles avaient appartenu une personne de nationalit indienne. Cette personne de nationalit indienne avait adopt un enfant, et il rclamait sa part dans la succession. MAIS la validit de cette adoption tait conteste par les autres hritiers (enfants par le sang). Deux questions distinctes se posaient: 1re question = ladoption est-elle valable?; 2me question = quels sont les droits successoraux dun enfant adoptif? La question principale est en fait la question n2, MAIS lautre est une question pralable. Dans ce cas de figure, il faut traiter le conflit de lois sparment pour les deux questions. En lespce, il fallait appliquer la loi indienne pour la question pralable (adoptant et adopt indiens), et pour la question principale, loi de situation de limmeuble = loi franaise. Autre exemple: validit dun mariage: question de validit au fond, et question de la validit dans la forme. Les questions sont traites sparment au plan du conflit de lois: pour la validit dans la forme, lieu de clbration du mariage validit au fond relevant de la loi nationale des poux (difficult quand les poux sont de nationalits diffrentes: application distributive des deux lois: par exemple: chacun des poux peut avoir atteint lge nubile, selon sa propre loi nationale).En dfinitive, le juge peut tre amen appliquer et combiner plusieurs lois dans le cadre dun rel litige. En ralit, ceci soulve certaines difficults: en effet, il arrive que larticulation des deux lois comptentes pose un problme: les deux lois peuvent ne pas tre faites pour fonctionner ensemble (cf. adaptation et substitution).

2me remarque: le cas des systmes juridiques plurilgislatifs: dans un certain nombre de pays assez diffrents, la loi est plurielle: il nexiste pas un corps de rgle unique qui sappliquerait lensemble de la population et lensemble du territoire. A la place, on a plusieurs corps de rgles et chaque corps de rgles a un champ dapplication limit, soit une catgorie particulire de personnes, soit une fraction du territoire. Ce sont les systmes plurilgislatifs. Au sein de ces ordres juridiques, il existe couramment des situations de conflits entre ces diffrents corps de rgles, et on peut rapprocher ces conflits des conflits de lois. MAIS il sagit de conflits internes un Etat.Distinguons deux types de systmes plurilgislatifs: parfois, la dlimitation du champ dapplication des diffrents corps de rgles rsulte dun critre personnel(pratiquement tjrs lappartenance une certaine religion ou ethnie: conflits surtout dans les systmes confessionnels, non lacs: par exemple: Liban: ce ne sont pas les mmes rgles qui sappliquent selon que lon est sunites, chiites, maoites, etc.) => ce sont les conflits interpersonnels. En France, on a des conflits interpersonnels: en Outre-mer, les populations indignes restent soumises des rgles coutumires parfois trs diffrentes de celles du Code civil parfois au contraire cest un critre territorial qui dtermine lapplication dun corps de rgles => conflits interterritoriaux. Sous-distinction entre 2 types de conflits: conflits inter-fdraux et conflits inter-rgionaux: les conflits inter-fdraux sont ceux qui naissent au sein dun Etat de structure fdrale, i.e. quil y a une pluralit dEtat fdrs qui ont chacun leurs propres lois, leurs propres juridictions et en somme leur propre juridique (mme sil nest pas compltement autonome): par exemple: les Etats-Unis; les conflits interrgionaux sont ceux qui peuvent natre dans un Etat o il nexiste pas des autorits fdrs ayant un pouvoir lgislatif propre MAIS o cest lautorit lgislative centrale qui a introduit des rgles particulires pour diffrentes fractions du territoire national. Par exemple: la France: lAlsace-Lorraine a chapp sur certains points lunification lgislative

Tous ces conflits ne suscitent pas les mmes problmes:Pour les conflits personnels: supposons que la rgle de lois du for dsigne la loi dun pays au sein duquel il existe des conflits interpersonnels: ce moment-l, la mthode suivre, pour dterminer les rgles applicables au sein de la loi trangre, est assez vidente: une seule approche est concevable = sen remettre aux rgles de conflits interpersonnels qui existent dans lordre juridique tranger. Dans le cas du conflit interterritorial, le problme est plus dlicat: la rgle de conflits du for a dsign lordre juridique de lEtat tranger (par exemple: lordre juridique des Etats-Unis dAmrique) => comment rgler le conflit interne? L, a priori, deux solutions sont possibles: 1re solution: sen remettre aux rgles trangres: les rgles de lordre juridique tranger nous indiqueraient laquelle des lois en vigueur dans lEtat tranger est comptente (mme approche que pour les conflits interpersonnels) 2me solution: considrer que cest la rgle de conflit du for de trancher elle-mme le conflit interterritorial. Par exemple: personne 100 mtres de la frontire entre la Californie et le Nouveau-Mexique: personne avec un fusil de chasse en Californie, et il tire. Le problme est la personne de lautre ct de la frontire a reu la balle et est blesse. On peut choisir la loi californienne du lieu du fait et la loi du Nouveau-Mexique du lieu du dommage. Une solution serait de dire que la rgle de conflit de lois franaise dise => loi du lieu du dommage => loi du Nouveau-Mexique. Le conflit interterritorial a un point commun avec le conflit de lois du DIPriv: dans tous les cas, il sagit dun conflit de lois dans lespace. Comme la rgle de conflit de lois du for pose un critre de rglement du conflit de lois dans lespace, il est au moins techniquement possible de trancher le conflit interterritorial avec la rgle de conflit du for. Le critre de la rgle de conflit du for est fait la base pour rgler des conflits internationaux. Dans bcp de pays o il y a des conflits interterritoriaux, ce sont les rgles qui sont utilises pour les rsoudre sont les mmes que celles qui sappliquent aux conflits internationaux. Par exemple: aux Etats-Unis notamment Quelle est la bonne solution? 1er lment: quand une convention internationale ou un rglement europen est applicable, assez souvent il indique lui-mme la mthode suivre: soit lapplication exclusive de la rgle de conflit du for, soit une coordination de la rgle de conflit du for et des rgles de conflit trangres qui rglent le conflit interterritorial. Si la rponse nest pas donne, la question est trs complexe => la solution est assez incertaine (il faut tudier le mcanisme du renvoi)

3me remarque: le cas des rgles de droit matriel uniforme: il existe des rgles de droit matriel connues de plusieurs Etats: convention matrielle de loi uniforme. A premire vue, lorsque ce type de conventions existe, le problme du conflit de lois disparat. MAIS premire vue seulement: la disparition du conflit de lois dans ce cas de figure repose sur une double illusion: dabord, les rgles de droit matriel uniforme ne sont jamais communes tous les ordres juridiques (toujours des Etats pas parties la convention matrielle de loi uniforme) => le conflit de lois demeure entier entre les rgles matrielles de droit uniforme et les rgles des Etats rests en dehors de lunification dautre part, en faisant abstraction de ce premier aspect, on ne peut jamais liminer compltement le conflit de lois. La raison cela est que lunification lgislative ne saccompagne pas en gnral dune unification juridictionnelle (sauf cas de lU.E.) Chaque Etat conserve ses propres tribunaux, et ceux-ci continuent fonctionner de manire indpendante, sans dpendre dune Cour suprieure commune. La consquence = pas dunification jurisprudentielle. Dans linterprtation de la convention il peut exister des divergences jurisprudentielles, et la consquence de cela est quau-del dun certain point (celui o apparaissent les divergences dinterprtation), les rgles de droit risquent de ntre uniformes que de manire formelle, quen apparence. Par exemple: affaire HOCKE: tout partait dune lettre de change mise en Allemagne et dont le paiement avait t demand en France. Sur cette lettre de change avait t donn un aval. Cet aval avait t donn en blanc. Or, cet aval ayant t donn en blanc, la question se posait de savoir si celui qui tait garanti tait le tireur ou le tir de la lettre de change. A priori, au plan du DIPriv, choses simples, car le litige navait de liens quavec la France et lAllemagne + mme convention= convention de Genve de 7 juin 1930 sur les lettres de change. Or, daprs la convention de Genve, laval en blanc est prsum garantir le tireur => a priori, il ny avait pas un conflit de solutions possibles. MAIS: difficults car dans laffaire HOCKE, le tireur cherchait dmontrer quen lespce, ctait le tir qui tait garanti par laval en blanc. Est-ce que la prsomption de la convention de Genve est simple ou irrfragable? Sur ce point-l, les juridictions franaises et allemandes divergeaient: pour la JP franaise, prsomption irrfragable et pour la JP allemande, prsomption simple. DONC: au-del de la lettre de la convention, il existait donc bien deux rgles diffrentes, par le jeu de linterprtation, entre lesquelles il fallait choisir. Lexistence de la convention de droit matriel uniforme nempche pas les conflits de lois donc. De plus, ce cas nest pas exceptionnel: par exemple: chroniques de droit compar: diffrences dinterprtation qui sont monnaie courante. Partant de l, les rgles effectivement en vigueur dans chaque pays peuvent donc varierDeux attitudes sont concevables: 1re attitude: faire preuve de ralisme en reconnaissant que le conflit de lois na pas disparu et par consquent on va sattacher choisir lune des lois en prsence selon la mthode du conflit de lois: on va traiter la divergence de rgles interprtative comme nimporte quel conflit de lois 2me attitude: ne pas en tenir compte et linterprtation du for doit systmatiquement primer. Formellement il nexiste quune rgle = celle pose par la convention, et on peut dfendre lide que chaque juge doit dfendre ce qui lui parat la bonne interprtationLa Cour de Cassation dans laffaire HOCKE= arrt Cour de Cassation, Chambre commerciale, 4 mars 1963: elle a retenu la premire solution: elle a constat quen loccurrence la rgle de conflit de lois dsignait la loi allemande, et par consquent, il fallait retenir linterprtation donne par lordre juridique allemand.La solution retenue par la Cour de Cassation est la meilleure: les diffrences dinterprtation existent: la deuxime solution est celle dun dnie La divergence des rgles en prsence nest pas moins importante lorsquelle rsulte de linterprtation dun texte que de la lettre de ce texte. Par ailleurs, linterprtation du for, de notre point de vue, est la bonne. Cette ide nest pas convaincante, parce que lensemble du DIPriv est domin par lide de relativit: il faut admettre que ce nest pas parce que les droits trangers sont diffrents du ntre quils ont tort et quon doit refuser de les appliquer. Par exemple: le DIPriv franais admet lapplication de lois trangres qui autorisent la polygamie. Evidemment, le droit franais ne lautorisant pas, du point de vue de lordre juridique franais, ces rgles ne sont pas bonnes. MAIS non: il faut admettre la diversit des solutions. Idem avec les divergences dinterprtation de mmes rgles. La solution la meilleure est souvent dappliquer les rgles du pays qui a le plus de liens avec le litige.

4me remarque: les difficults particulires tenant linterfrence des rgles de droit public: il arrive que mme dans un litige de droit priv, se pose le problme de lapplicabilit dune affaire de droit public: par exemple: litige portant sur les consquences civiles de la violation dune rgle de droit public: contrat prtendu nul car contraire des rgles fiscales, ou la lgislation douanire: ce type de configuration oblige se demander si le juge franais peut, ventuellement doit, ou non, appliquer les rgles de droit public trangres? Traditionnellement en JP, cette une rponse ngative qui lemporte: en gnral, les juges refusent dappliquer les rgles de droit public tranger, que ces rgles soient ou non celles de la loi comptente, et parfois la justification donne tient au caractre politique de ces rgles. Telle est du moins la position officielle de la JP. MAIS EN REALITE, les choses sont plus nuances: on parle parfois du dogme de lapplicabilit du droit public tranger:Il arrive que les tribunaux, tout en affirmant quils ne peuvent pas appliquer la rgle de droit public trangre, acceptent de la prendre en considration. Quest-ce que la prise en considration dune norme? Une norme est tant une rgle de droit quun jugement. La prise en considration dune norme consiste tenir compte de cette norme en tant quelle constitue une donne de fait qui correspond au prsuppos dune autre rgle de droit. La rgle de droit a la structure dun syllogisme: dans la prise en considration, la norme prise en considration correspond au prsuppos dune autre rgle, et cest cette autre rgle qui va attacher des consquences juridiques lexistence et au contenu de la norme prise en considration. La norme qui est prise en considration nest pas directement applique: elle est prise comme condition dapplication dune autre rgle de droit. Par exemple: contrat dexportation de viande conclu. On recourt un transporteur. Le contrat de transport est soumis la loi franaise. Marchandises livrer en Tunisie. Lorsquil arrive au port en Tunisie, il ne peut dcharger sa cargaison en raison dune rgle sanitaire locale (rglementation locale imprative). Il doit donc rapatrier la viande en France. Le vendeur-exportateur perd son march, et on reproche au transporteur de ne pas avoir respect son obligation de livraison. Le transporteur va invoquer la rgle trangre. On va dire que lexistence de la rgle trangre de droit sanitaire constitue un cas de force majeure au regard du droit franais applicable au contrat. La rgle trangre nest pas applique MAIS est prise en considration: lexistence de la rgle constituait un cas de force majeure. La rgle trangre a une forte coloration de droit public. Il arrive que les tribunaux franais attachent des effets aux rgles de droit public trangres. Parfois la JP va assez loin, avec des rsultats un peu surprenants: il arrive que la JP dun ct affirme quune certaine rgle ne peut pas tre applique car cest une rgle de droit public tranger, MAIS parfois, en mme temps, la JP va dire que le fait que le contrat viole cette rgle le rend immoral, ou contraire lordre public. Dans ce cas de figure-l, ce que fait la JP est un peu discutable: le procd a quelque chose de paradoxal: en quoi serait-il contraire la morale de violer une loi trangre si lon considre que cette loi nest pas applicable? Idem avec lordre public. Ensuite et surtout, cest hypocrite: cela revient appliquer le droit public tranger quand on affirme ne pas le faire. Cela revient en pratique exactement au mme que dappliquer la rgle de droit public tranger.Il existe la mthode des lois de police: cest une mthode qui permet de rsoudre les conflits de lois. Cette mthode peut conduire appliquer les rgles super-impratives qui nappartiennent pas la loi normalement comptente. Or, certaines rgles de droit public mrite dtre qualifies de lois de police. Donc on devrait pouvoir les appliquer en tant que lois de police. Les rgles de droit public trangres des exemples prcdents constituent des lois de police. Par exemple: les rgles de droit de la concurrence: ce sont des rgles qui ont une forte coloration de droit public: ce sont des rgles de droit public conomique. Ceci montre quen ralit, le prtendu principe de linapplicabilit des rgles de droit public trangres est douteux: ce nest pas le reflet fidle du droit positif.Dernire observation: par exemple: contrat de vente de denres alimentaires: soumis la loi franaise. Pays de livraison: rglementation sanitaire interdisant de tels contrats dimportation. Dans un tel cas de figure, le vendeur ne va pas pouvoir sexcuter, et partir de l, on peut lexonrer en raisonnant de deux manires diffrentes: soit prendre en considration la rgle trangre (elle constitue un cas de force majeure), soit plus radicalement appliquer la rgle trangre, qui est en fait une loi de police, et cette loi de police annule le contrat => une certaine interchangeabilit des techniques, des modes de raisonnement. Par exemple: arrt sur lapplication des lois de police trangres et arrt MULTIRANDA: prise en considration des normes trangres.

Titre II: Les mthodes de rsolution des conflits de lois

Sous-titre 1: La diversit des mthodes

Les mthodes les plus classiques dans la tradition europennes prsentent un trait commun: ce trait commun est leur neutralit, i.e. que ces mthodes tendent dsigner la loi applicable sans favoriser a priori un rsultat matriel par rapport un autre. Ce qui compte est que ce soit la loi de tel pays et non que ce soit une loi qui ait tel contenu, qui aboutisse telle solution. Ce qui compte = les rattachements spatiaux avec le litige.Depuis une 10aine dannes, dautres mthodes sont apparues et scartent de ce chemin de neutralit: elles dsignent les rgles applicables sans tre indiffrentes leur contenu. Parmi ces mthodes, se trouve la mthode des lois de police: elle conduit rendre applicable les rgles dun ordre juridique parce que le but de ces rgles commande leur application au cas despce. Il y a dautres mthodes qui ont une absence de neutralit encore plus nette.

2 remarques:1re remarque: toutes ces mthodes occupent chacune une certaine place en droit positif: en fonction des matires ou en fonction des cas de figure, on utilise une mthode ou une autre.2me remarque: ne pas croire que la prsentation des mthodes est exhaustive: aux Etats-Unis dAmrique, de trs nombreuses mthodes ont t inventes (par exemple: la mthode dite des intrts gouvernementaux de CURRIE), MAIS elles nont eu aucune influence sur le droit franais.

Chapitre I: Les mthodes indiffrentes aux lois substantielles

Antriorit historique: en droit positif, ces mthodes sont dominantes: la mthode savignienne ou bilatrale. Cest par excellence la mthode classique pour rsoudre les conflits de lois. Elle reste aujourdhui important MAIS elle est en dclin: dans les annes 1950, il ny avait que cette mthode alors quaujourdhui dautres mthodes jouent un rle consquent.Mthode bilatrale mthode unilatrale: le point commun = dsintrt pour le contenu de la loi dans le conflit.

Section 1: La mthode bilatrale

Cest la mthode normale, celle quon applique quand on napplique pas une autre mthode. Le recours cette mthode est le principe, lexception tant de ne pas lappliquer.Elaboration de rgles de conflits de lois qui indiquent le pays avec lequel la question de droit entretient les lie