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Du rdflexe frontal accompngnnnt certaines nffec- tions c.drdbrales. Par I. HOLMGREN. Autant que je sache, le sympt6me que je vais rapidement decrire n’a pas encore ete signale. Je l’ai observe pour la pre- mikre fois en janvier 1916 dans un cas d’hkmiplegie recente due B m e hemorrhagie cerebrale. Le patient, un homme de trente huit ans, etait entre a ma clinique (no 32. 1916 du journal du service). Au hasard de son examen, en faisant glisser un doigt avec une pression mo- deree le long du front et du c8tB non hemiplegique, je constatai une elevation bilaterale des sourcils avec, pour consequence, nn plissement bilateral de la peau du front. Une friction similaire du cat6 paralyse etait sans effet. Chez d’autres pa- tients, alors hospitalises dans ma clinique, ou chez des per- sonnes saines je ne pus determiner ce sympt6me. J’etais donc en presence ou bien d’un phenomkne pathologique, com- mande par l’affection encephalique du patient, ou bien d’une reaction individuelle depourvue d’intkret general. Depuis lors je n’ai cesse de m’interesser B ce phenomhe. En l’absence d’une meilleure qualification, je l’avais aussit6t denomme le re‘fiexe frontal, puisque l’excitation s’appliquait sur le front et qu’elle avait pour resultat la contraction du muscle frontal. En mai 1917, j’ai expose a la session de la societe de me- dicine interne B Stockholm les observations que j’avais d6jB

Du réflexe frontal accompagnant certaines affections cérébrales

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Du rdflexe frontal accompngnnnt certaines nffec- tions c.drdbrales.

Par

I. HOLMGREN.

Autant que je sache, le sympt6me que j e vais rapidement decrire n’a pas encore ete signale. J e l’ai observe pour la pre- mikre fois en janvier 1916 dans un cas d’hkmiplegie recente due B m e hemorrhagie cerebrale.

Le patient, un homme de trente huit ans, etait entre a ma clinique (no 32. 1916 du journal du service). Au hasard de son examen, en faisant glisser un doigt avec une pression mo- deree le long du front et du c8tB non hemiplegique, je constatai une elevation bilaterale des sourcils avec, pour consequence, nn plissement bilateral de la peau du front. Une friction similaire du cat6 paralyse etait sans effet. Chez d’autres pa- tients, alors hospitalises dans ma clinique, ou chez des per- sonnes saines je ne pus determiner ce sympt6me. J’etais donc en presence ou bien d’un phenomkne pathologique, com- mande par l’affection encephalique du patient, ou bien d’une reaction individuelle depourvue d’intkret general.

Depuis lors j e n’ai cesse de m’interesser B ce phenomhe. E n l’absence d’une meilleure qualification, je l’avais aussit6t

denomme le re‘fiexe frontal, puisque l’excitation s’appliquait sur le front et qu’elle avait pour resultat la contraction du muscle frontal.

E n mai 1917, j’ai expose a la session de la societe de me- dicine interne B Stockholm les observations que j’avais d6jB

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pu faire A ce sujet.’ A. cette date, j’avais dejh rencontre le reflexe frontal chez 10 personnes qni toutes etaient atteintes d’affections cerebrales. Dans la suite j’en ai recueilli de nou- veanx exemples, si bien que je dispose actnellement de 29 cas. Tons mes nouveaux patients sont egalement atteints d’affec- tions cerebrales : hemorrhagies ckrebrales avec hemiplegie, le plus souvent.

J-’espbre avoir un jour l’occasion d’analyser d’un peu plus pres mes observations, tant du point de vue clinique que du point de vue anatomo-pathologique. J e me bornerai ici h donner u n a p e r p de mes constatations k propos dn phenomkne lui-mkme, a p e r p qui, au fond, ne differe guhte de ma com- munication verbale, de 1917.

Desc@x5oiz du i.dfi?exe froiztccl. Sous sa forme type et, si je peux dire, classique le reflexe

frontal se caracterise par une Blkvation bilaterale des teguments du front, ainsi qne je l’avais deja vu chez mon premier patient. Bien que provoqub par le frottement exercB sur l’une des moities du front - point sur lequel je vais revenir - le rB- flexe apparaft simultantiment et avec la m6me force des deux c8tBs. L’elevation dn sourcil s’opere leu tement, mais energi- quement; le monvement a une grande amplitude; il semble meme atteindre la limite extrsme des deplacements que peuvent effectuer, en se contractan t, les muscles frontaux. L’devation maxima une fois atteinte et l’excitation venant cesser, les sourcils demeuren t encore un instant releves, p i s s’abaissent lentement. Par sa lenteur et son Bnergie le reflexe frontal fait involontairement songer au reflexe du gros orteil de Babinski; en tout cas, de tous les reflexes, c’est A ce dernier qu’il res- semble le plus.

Le rkflexe frontal s’epuise facilement par des excitations re- petires au cours d’une m6me seance d’examen; il presente alors une amplitude de plus en plus faible jusqu’au moment o h il disparait completement. L’kpuisement est d’autant plus rapide que les excitations sont plus Bnergiques et que plus brefs les intervalles entre chaque excitation. Aprbs un repos de une minute ou deux le reflexe reparait aussi net qu’il l’etait initialement.

Foreningeus fdr invartes medicin fdrhandlingar, 1917, roir Hygiea, 1919.

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Un autre caractbre de ce r6flexe est qu’il ne varie point chez les patients qui le prbentent. Si la maladie s’aggrave et entraine la mort, i l persiste constamment jusqu’& la fin.’ I1 est de plus nettement indkpendant de l’etat psychique, en sorte clue, chez le m6me individu. on pent l’obtenir aussi bien dans le coma qu’8 Yetat conscient.

Combien de temps le reflexe frontal demeure-t-il nettement perceptible chez les malades qui s’aineliorent? J e ne saurais le dire exactement. Dans deux cas je l’ai trouve sans modi- fication et tout aussi net aprbs un an; mais, pour l’un d’eux, au bout de cinq nouveaux mois, il avait complbtement disparu.

La description que je viens de donner concerne le reflexe frontal type, entibrement developpe. Mais les reflexes qu’on observe le plus communement sont moins nets et presentent toutes les formes intermediaires entre le reflexe type decrit plus haut et un reflexe en quelque sorte abortif, ne se mani- festant que par un relbvement insignifiant dn sourcil, c’est 6 dire par m e contraction de trbs faible amplitude du muscle frontal. Ces reflexes frontaux attknuks prksentent souvent d’autres modifications que celles de l’amplitude. C’est ainsi clue le mouvement n’a pas toiijours sa lenteur caractkristique et qu’il ressernble plut6t ix nn rapide soubresaut. En outre, les reflexes faibles s’epuisent plus vite; ils sont aussi plus capricieux, car leur intensite varie d’une seance a l’autre; par- fois mBme on ne pourra les obtenir. Ceci tient peut-Btre B ce que, pour les reflexes faibles, les limites superieure & inferieure de la force excitante nkcessaire B la production du r6flexe sont beaucoup plus proches l’une de l’autre que dans les cas oil !e reflexe est energique; il en peut facilement resulter que l’es- citation employee soit ou trop faible ou trop forte; dans ces deux circonstances le reflexe fera defaut. J e reviens d’ailleurs un peu plus loin sur cet aspect du sujet.

Mais on observe parfois des deviations plus importantes du type normal. Elles sont de deux sortes: tantBt le reflexe peut 6tre provoque par une excitation portant sur l’une ou l’autre moitie du front; tantbt on n’obtient qu’un reflexe unilateral. Que ces deux modifications du type normal aient leur cause dans des conditions anatomo-pathologiques individuelles, on le

Ceci est surtout vrai des hemiplhgiqoes qni m‘ont fourni la plus grande partie dc m a documentation. Dans leg irritations encephalitiqnes, OD d’un caractike plns indeterminb, dn cerveau le rkflexe varie quelquefois d’nn jour a l‘autre.

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croira volontiers. Toutefois je ne peux m'engager ici dans m e 6tude plus approfondie de cette question.

De'ternaiszation ilu re'flexe fiwztal. On place une main sur la partie anthienre du vertex et l'on

fixe le cuir cheveln en le tirant legerernent en arribre. Avec le pouce de l'autre main on frotte en exerpant une assez forte pression depnis la racine des cheveux dans la direction du sourcil. A cet effet on pent aussi se servir avec nvantage d'un protege-crayon metallique.. Si la pression est trop faible, il ne se produit pas de rkaction visible; si elle est trop forte, il ne s'en produit pas davantage; on n'observe qu'une contraction du sourcil, voire de la face, provoquee par la don- leur. Ces dernieres reactions sont les m6mes que celles qu'on provoque chez une personne saine par la friction du front. :Par contre, je n'ai jamais vu le reflexe frontal survenir que chez des sujets atteints d'une affection ckrkbrale et, qui plus est, chez un petit nombre d'entre eux.

I1 n'est pas toujours necessaire de recourir A la friction sous pression pour obtenir un reflexe frontal. I1 suffit parfois de comprimer le front avec l'extrkmite du pouce; rnais le fait est rare.

J 'ai egalement recherchb, si le rbflexe frontal pouvait 6tre provoquk par les excitations douloureuses 011 thermiques. Pour les premieres, je n'y ai jamais reussi; des piqixres faites, par exemple, avec la pointe d'une aiguille n'ont d'autre effet que des contractions douloureuses du masque facial.' I1 en est autrement des excitations thermiques. Chez un certain nombre de patients qni, sous l'influence des frictions usuelles avec pression, reagissent par un reflexe frontal, ce dernier peutktre egalement provoque en touchant la pean avec un tube A essai contenant' de l'eau chaude. Si l'eau est trop chaude, on voit apparaitre les manifestations nsuelles de la doulenr, mais point de rbflexe. Si la tempkratnre est convenable, on obtient un rkflexe typique, identique h celiii qu'on obtient chez la m6me personpe par la friction : m6me a.mplitude, m6me lentenr, m6me Bpuisement - par des excitations rkpktees - meme promptitude ' Depuis la redaction de ce travail j'ai observb nn cas d'hkniiplbgie par hB-

monhagie cerebrale dont le patient, soporeux, donnait constamment un rbflext: frontal, ?nand on h i piquait profontldnzent le front avec line aignille. Le rli- flexe etait en tout semblable 5 celui qne donnait chex lni la friction avec pression. La chsleur ne donnait chez ce m h c patient aucun reflexe.

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i~ reparaitre aprbs un court repos et m6me constance a repondre k toute experience nonvelle. Les cas o h j’ai obtenu le reflexe frontal par la chaleur sont ceux oil le reflexe se montre ener- gique et fort net sous l’influence de la friction avec pression. Que si les frictions ne provoquaient qu’un faible reflexe, je ne pouvais jamais en obtenir par la chaleur.

A ce propos je rappelle ce que je disais plus hant, h, savoir clue plus le reflexe frontal a de nettete ou, en d’autres termes, plus les contractions du muscle frontal sont knergiques, plus il est facile d’obtenir le reflexe. Dans ces cas type i l n’a pas d’importance que la friction dn front ait une intensite precise. E n pareille circonstance, il arrive souvent que le rkflexe s’ob- tient avec la plus grande nettete, peu importe que les frictions soient ou legbres o u fortes. Les limites superieure et inferieure de la force excitante sont donc trks eloignkes l’une de l’autre; ainsi qu’il a BtB dit plus haut, c’est le contraire qui s’observe toutes les fois qne l’on n’obtient qu’un faible reflexe. La mgme difference s’observe pour 1’8tendue de la zone reflexipare.

LCL P o n e i.@ex;i1m.e. Cette zone comprend generalement la moitie dn front, celle

qui repond au c6te du foyer cerebral pathologique. ,’A!t6me quand le reflexe peut 6tre provoque en n’importe quel point de cette moitie, c’est generalement en exergant une friction sur la verticale placee h quelques centimktres en dehors de la ligne mediane qu’on l’obtient le plus facilement et le plus nettement. Cette ligne repond h pen prbs au trajet dn nerf sus-orbitaire. I1 n’est pas rare que ce soit uniquement sur cette ligne qu’on puisse determiner le rkflexe. I1 en est ainsi quand le reflexe est faible ou peu marque, mais non quand il est puissant. S’il est particnlihrement energique, la zone reflexipare es t d’une Btendue superienre h la zone usuelle. On obtient parfois le reflexe, et avec la m6me nettete, en exerqant des frictions sur tout le cuir chevelu de la meme cBte jusqu’b la nuque. Chez un malade pourvu d’une zone reflexipare extrgmement etendue, j’ai pu m6me le determiner par des frictions sur toute la moitie correspondante de la face et du cou jusqu’Li l’kpaule. Le rk- flexe qu’on provoque sur les limites de la zone reflexipare a moins d’amplitude et s’epuise plus vite que celui qu’on obtient ii quelque distance en dedans de ces limites. Ceci, n’est pour- tant pas vrai ou l’est beaucoup moins pour la limite interne

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de la zone rcflexipare. Si loin qne la zone reflexipare s’etende sur le cnir ’chevelu, elle ne franchit pas l a ligne mediane; k ce niveau l a limite est au contraire des plus tranchees. Ceci veut dire que le reflexe frontal peut Btre obtenu avec toute sa force jnsqu’k l a ligne mediane, mais cine lk s’arr8te brusquement la faculte de l’exciter.

Dans les cas o h le reflexe frontal peut Btre determine aussi bien par les frictions que par l’application d’un tube a essai plein d’eau chaude, la zone reflexipare a la mBme etendue pour ces deux sortes d’excitants, au moins en general. Mais, ainsi que j e l’ai dit, comme c’est parmi les cas k reflexe frontal energique qu’on rencontre cenx oh le reflexe peut Btre provoque par la chalenr et comme les reflexes Bnergiques ont en moyenne m e zone reflexipare Btendue, il s’ensnit que c’est specialement dans les cas possedant une zone reflexipare etendue qu’on peut obtenir le reflexe frontal par des excitations therrniques.

De ce qui precede il resulte qu’on rencontre parfois une zone r83exipare occupant les deux moitiks du front; un reflexe bilateral pent alors repondre k l’excitation de l’une ou l’autre moitie dn front; le reflexe peut enfin se limiter B la seule moitie du front qu’on excite.

Pathogk~xic et importcciace cliuyiaostique dw re‘flezc fi-oiatnl. J e ne les etudierai pas dans ce travail, car j’espBre y revenir

plus tard, aprbs une etude plus rigourense de mes documents anatorno-pathologiques. J e me bornerai donc ici k deux con- statations. Des 29 cas de reflexe frontal que j’ai rencontres, pas moins de 23 concernaient des hemorrhagies cerebrales, des embolies ou des thromboses avec hemiplegie. D’autre part, en Btudiant les cerveaux de cenx qui avaient succombe dam ma clinique, j e constatai, voici dejk deux ans, que, dans presque tous les cas, le noyau lenticulaire Btait alter6 par l’hkmorrhagie ou le ramollissement sur une etendue plus ou moins conside- rable et que, a cet Bgard, il existait une certaine difference par rapport aux patients morts d’hemorrhagie cerebrale avec h6mi- plegie, mais sans avoir presente de rBBexe frontal durant leur vie. Cette opinion peut-elle 6tre maintenue en face de mes documents plus recents? J e ne peux le djre encore. J e veux souligner cette reservation, parce que Ake Barkman, dam nn memoire paru dans ce journal,’ cite ma supposition sur le

.kke Barkman. Acta medica Scandinavica, Vol. LVI (1922), 11. 706.

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rBle clue joueraient les alterations rlu noyau lenticulaire dans l’origine du reflexe frontal.

Bien clue la plupart de mes patients pourvus d n rkflexe frontal offrissent, dam les cas od j e pus faire l’autopsie, des lksivns de la capsule interne, des ganglions centraux et, tout specialement encore, du noyau lenticulaire, mes autres obser- vations semblent pourtant demontrer que le rkflexe frontal peut se rencontrer avec des lesions uniquement corticales. C’est ainsi clue je l’ai vu dans l’epilepsie jacksonienne. dam l’he- morrhagie des mkninges cerebrales et dans la pachymkningite hemorrhagique interne. Aussi l’ai-je vu dans 2 cas d’ence- phalite.

Jusqn’h ce qu’on connait mienx les origines du reflexe fron- tal, on ne peut pas en tirer parti pour preciser un diagnostic localiste. Mais le jour o h l’on connaitra bien les lksions cere-. brales qai determinent son existence et ses particularites indi- viduelles, il rendra probablement, lit oil il existera, des services pour la localisation des foyers morbides. Dks maintenant il permet de conclure l’existence d’une affection cBrBbrale et an cOt6 qu’elle occupe. Avec un patient dans le coma ou dans le cas qu’on sera prive de symptrimes objectifs indiquant m e maladie cerkbrale, la presence du rkflexe frontal facilitera l’in- terpretation clinique, ainsi que j e l’ai d6jB vu quelqnes fois.

D’aprbs mon experience actuelle, le pronostic des hkmorrhagies ckrebrales est plus grave dans les cas presentant le rkflexe frontal que dans ceux oh il fait dkfaut. Ma mortalite, pour la premiere categorie, est de 58 %, pour la seconde, de 32 %. Les patients presentant le reflexe frontal ont donc nne inor- taliti: de prbs du double.