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Denis Bayon Nadine Levratto Faire l’économie des déchets Ou quand les dépenses publiques font les profits privés ALBIANA PROVA

économie déchets

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Denis Bayon

Nadine Levratto

Faire l’économie des déchets

Ou quand les dépenses publiquesfont les profits privés

ALBIANA

PROVA

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Introduction

Les déchets,

une préoccupation croissante

Les déchets ménagers, agricoles et industriels empoisonnent doublementla vie insulaire. Au sens propre, décharges sauvages, centres de traitementinadaptés et pollutions diverses liées à des activités de production et deconsommation dégradent le milieu et détériorent la qualité d’un environnementnaturel soumis à de fortes pressions1. Au sens figuré, les infrastructures degestion des déchets sont sources de conflits collectifs que les plans d’actionsmis en place par la collectivité territoriale en charge du dossier depuis le débutdes années 2000 ne parviennent pas à apaiser.

Malgré les préoccupations écologiques qui émaillent les discours des diversélus de l’île2 et le nombre important d’associations en relation avec la protectionde l’environnement3 la situation sur le front du traitement des déchets semblebloquée, faisant craindre un scénario « à l’italienne » où, faute de capacités detraitement appropriées, abandons et incinérations sauvages se multiplieraient.Au mieux, de nouveaux sites devraient être trouvés pour enfouir encore ettoujours plus de déchets d’origine et de composition toujours plus variées et enmélanges, probablement, toujours plus toxiques. Les tonnages de déchets corsessont en effet en forte augmentation ces dernières décennies et la tendance ne

1. Ce point est explicitement reconnu par le Projet d’actions stratégiques pour la Corse 2004-2006.2. Pour une analyse de la proximité entre le mouvement vert et les nationalistes, voir Lefevre

(2001).3. Kirat (2004).

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semble pas près de s’inverser. Les projections officielles restent orientées à lahausse au moins jusqu’en 2014, voire 2030.

Comme ailleurs, la population accepte mal la mise en place de modes detraitement lourds (incinération, quais de transfert, centres de stockage). Commeailleurs et comme pour d’autres sujets touchant à la santé publique (OGM,recherche sur le génome humain…), cette opposition est moquée par les techni-ciens du secteur et nombre de responsables politiques qui la qualifient d’« irra-tionnelle » et de conservatrice. Est-ce à dire que les risques perçus par lapopulation peuvent être balayés d’un revers de main ? La réponse est évidem-ment négative comme le montrent les résultats de certaines élections municipa-les qui se perdent ou se gagnent sur la base de projets collectifs attendus ouparticulièrement honnis par les citoyens. Plus généralement, l’intensité desproblèmes soulevés par les déchets, leur gestion et leur élimination dans lesrégions insulaires appelle des études poussées pour éviter que s’installe demanière structurelle mais non durable un mode d’élimination reposant sur lesseules capacités de nettoyage offertes gratuitement par la nature. Élus, écolo-gues, écologistes, société civile, groupes industriels sont rarement à coursd’idées. Au contraire, chacun pense détenir la meilleure pour la collectivité sansque celle-ci, entité fictive, parvienne à identifier la solution optimale à appliquer.

Sur tous ces points, la Corse ne fait certainement pas exception dans lepaysage. En France, des points noirs en matière de gestion des déchets font régu-lièrement la une de l’actualité et, à l’instar de la désormais célèbre décharge à cielouvert d’Entressen-Marseille, s’invitent dans les campagnes électorales. Lespetits territoires insulaires n’échappent pas à ce problème et la plupart se trouventmême dans une situation davantage dégradée que la Corse ; c’est le cas par exem-ple de la Guadeloupe ou de la Réunion sans parler des îles du Pacifique dont 98 %des eaux usées sont directement rejetées dans l’océan. Le bassin méditerranéenest également en proie à des pressions terribles ; la situation de la région deNaples et les décharges donnant directement sur la mer de la rive sud en consti-tuent de tragiques illustrations. Grâce aux progrès réalisés en Corse ces dernièresannées, l’île est certainement mieux lotie que la plupart des autres régions médi-terranéennes caractérisées par d’importantes quantités de déchets non traitées etdes décharges « en bord de mer » mentionnées dans les documents du Plan bleu4.Dès lors, l’analyse de la gestion des déchets du territoire corse recoupe inévita-blement de nombreux travaux menés au niveau national ou à l’échelle d’autresrégions et départements. Les difficultés à gérer de façon satisfaisante les déchetsémis, tant sur le plan de la santé publique et qu’en matière de maîtrise des coûts

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4. L’évaluation des volumes de déchets produits dans les pays de la rive sud de la Méditerranéeprévoit 585 kg/habitant et par an en 2025 contre 282 en 2000. Sachant que les effets à attendrede la décélération démographique ne se feront sentir qu’après 2030, les perspectives en matièrede production totale de déchets sont des plus inquiétantes.

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financiers, se trouvent renforcées par les spécificités économiques d’un territoiredont le mal développement a été maintes fois analysé5 et dont les indicateursautres que purement économiques ne sont pas particulièrement encourageantsselon les statistiques officielles6.

Ce livre est le résultat d’une année de travail (2007) menée par deux écono-mistes (CNRS-Ecole normale supérieure de Cachan) sur les possibilités de trai-tement et valorisation des déchets industriels sur l’île7. L’analyse ici proposéeest élargie aux déchets ménagers, ce qui pose d’autant moins de difficultésqu’une très forte proportion de déchets industriels banals (DIB ci-dessous)8 estcollectée en mélange avec les déchets ménagers.

Cet ouvrage livre une analyse du secteur des déchets en Corse, au momentoù des choix publics cruciaux en matière de traitement et élimination doiventêtre réalisés. Nous présentons dans un premier temps les principales contraintesque connaît la société corse en termes d’émission et de gestion de déchets. Uneanalyse économique du fonctionnement de la filière déchets nous permet demettre à jour d’importants dysfonctionnements qui ne pourraient que se renfor-cer si les investissements publics prévus dans le cadre du ProgrammeExceptionnel d’Investissement pour ces prochaines années étaient réalisés sansplus de précautions. In fine, cet état des lieux est prolongé par des perspectivesplus opératoires qui débouchent sur des considérations de politique publique.Mais avant d’aller plus loin dans la présentation de la situation locale et des solu-tions praticables, un petit retour sur l’histoire des déchets et la construction parle droit d’une catégorie longtemps inconnue ou ignorée mérite d’être réalisée.

Introduction – Les déchets, une préoccupation croissante 11

5. Voir notamment Levratto (2001).6. En 2004, selon l’INSEE (2007) la Corse connaît un des taux de pauvreté des enfants (moins de

17 ans) rapporté à la population les plus importants de la population française, derrière le NordPas-de-Calais et le Languedoc-Roussillon.

7. D. Bayon, N. Levratto, Diagnostic permettant de caractériser le potentiel de création d’entre-prises viables dédiées au traitement et à la valorisation économique des déchets industrielsbanals en Corse, Rapport remis à la DRIRE Corse en novembre 2007, 99 pages.

8. Les DIB sont tous les déchets générés par des entreprises de toutes activités professionnelles,de toutes tailles et de tous secteurs et qui ne sont pas dangereux. Parmi les DIB on trouve desdéchets propres à une activité : déchets de fabrication en textiles, métaux, bois… mais aussi desdéchets communs à toutes les entreprises : emballages, palettes…

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Les déchets, domaine d’application

de l’économie publique

et de l’économie de l’environnement

Le monde naturel ne connaît pas de déchets, mais des détritus, cadavres,déjections (Maystre, 1995). Le déchet est une invention humaine qui en tantque catégorie économique et juridique naît à la fin du XIXe siècle. Auparavanton parle plutôt de boue, d’immondices, etc. et de nombreux spécialistes de laquestion aiment à rappeler que l’introduction des poubelles à la fin du XIXe asoulevé une très forte résistance des chiffonniers qui ne considéraient justementpas les ordures comme des déchets. Il faut d’ailleurs attendre les années 1880pour voir le terme « déchets » apparaître dans la terminologie des annuairesstatistiques.

La composition des déchets a également largement changé au cours dutemps (voir Barles, 2005). Au départ en milieu urbain il y avait essentiellementles productions des rues : déchets ménagers, mais aussi une grande proportionde boues et crottin du fait des bêtes pour les voitures à cheval ainsi que des pous-sières (usure des pierres, du bois, etc.). L’évolution des asphaltes a contribué àchanger la composition des déchets. Ainsi, dans les décrets Poubelle de 1884-85,étaient exclus les gravats industriels que la ville de Paris ne voulait pas gérer, àla différence des déchets des espaces verts et espaces publics.

Comment est-on passé du rebut au déchet ? Comment, de problème indivi-duel, le déchet s’est-il transformé en problème collectif ?

Pour répondre à ces questions, on présentera les grandes lignes de la défini-tion de l’objet « déchet », du cadre juridique en vigueur et de l’organisation

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générale du secteur, avant d’insister sur la manière dont les autorités locales ontpris en charge ce dossier.

TRAITEMENTS DES DÉCHETS :ÉLÉMENTS DE PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Il faut s’y résigner : alors que le « dossier déchet » est source de tensionspolitiques et sociales importantes sur tout le territoire national, la recherched’une définition simple et consensuelle du terme s’avère parfaitement vaine. Carau-delà des définitions courantes du type « débris, reste sans valeur de quelquechose » (Petit Larousse, 1990) qui se limitent à retenir le caractère résiduel de lamatière considérée, la notion de déchet est loin d’être générale.

De nombreux textes (Directives européennes, lois, décrets, circulaires, etc.)régissent les déchets en France et en Europe. Tous les pays n’ont pas la mêmedéfinition ni la même réglementation, mais il existe un cadre commun. Laconvention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchetsdangereux définit les déchets comme les « substances ou objets qu’on élimine,qu’on a l’intention d’éliminer ou qu’on est tenu d’éliminer en vertu des disposi-tions du droit national ». L’Union européenne en donne une définition similaire :« toute substance ou tout objet […], dont le détenteur se défait ou dont il a l’in-tention ou l’obligation de se défaire » (Directive du 5 avril 2006 relative auxdéchets). Le droit français l’exprime dans des termes quasi identiques (Code del’environnement, art. L-541-1).

Les principes de l’Europe en matière de déchets reprennent et appliquentceux des grands Traités (Acte unique, Maastricht…). Comme dans les autresdomaines, ils valorisent l’initiative privée et le jeu du marché ce qui les conduità privilégier :

• la prévention de la pollution,• le respect du principe du pollueur-payeur,• la valorisation des déchets,• l’optimisation de l’élimination finale,• le transport sécurisé des déchets dangereux,• le traitement des déchets dans les centres les plus proches.En France, la loi fondatrice est celle du 15 juillet 1975 qui retient pour le

déchet une notion assez large portant en grande partie sur la destination duproduit. On la retrouve dans l’article L. 541-1 du Code de l’environnement :« Est un déchet tout résidu d’un processus de production, de transformation oud’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bienmeuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ». Cette définitions’entend quelle que soit la valeur marchande du déchet, qui peut varier selonl’époque, l’endroit et l’individu.

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Cette loi a été complétée et modifiée à de nombreuses reprises, pour y appor-ter des précisions. Une des évolutions majeures est l’obligation de ne plus enfouiren centre de stockage (anciennement « décharge ») que les déchets dits « ulti-mes » à compter du 1er juillet 2002. Ces déchets ultimes sont « les déchets résul-tants ou non du traitement d’un déchet qui ne sont plus susceptibles d’être traitésdans les conditions techniques et économiques du moment, notamment parextraction de la part valorisable ou par la réduction de leur caractère dangereux ».

En dépit des variantes, un élément persiste. L’état de déchet s’accompagned’une absence de valeur. Cette référence nous plonge immédiatement dans unvocabulaire économique et, de fait, l’analyse économique des déchets s’estrévélée particulièrement féconde ces dernières années.

L’analyse économique : du déchet à la ressource ?

Selon l’approche économique standard, le prix d’une marchandise quel-conque synthétise sa rareté et son utilité. Un prix est généralement positif :demande de voitures d’une part, conditions de production d’une marchandisecomplexe d’autre part, conduisent à l’établissement d’un prix, pour les véhicu-les neufs, de plusieurs milliers d’euros. Mais l’analyse économique n’a pas dedifficulté non plus à envisager l’existence de prix nuls qui, en général,correspondent à la disparition du marché du bien considéré. Un marché qui nerévèle plus aucune utilité pour la marchandise concernée, conduit à l’effondre-ment de son prix, théoriquement jusqu’à zéro, ce qui entraîne son retrait.L’absence de rareté est également constatée dans le cas des biens dit « libres »,qui ne sont pas produits par l’activité humaine, comme l’air respirable, saufsituation particulière.

L’analyse économique de l’émission de déchets oblige à considérer desmarchandises à prix négatif ce qui est une aberration aux yeux de la plupartdes économistes. Pourtant, les produits dits « déchets » et « autres polluants »sont des productions fatales, non désirées, de l’activité de production ouconsommation d’un agent économique dont il devra payer les services d’enlève-ment, recyclage, élimination (Bertolini 2005). L’obligation de payer ce servicefavorise le développement d’une filière d’activités économiques spécialisées,regroupées dans les secteurs « gestion et traitement des déchets ». Ce « prixnégatif » pour cette marchandise particulière se traduit par le fait que, à ladifférence des marchandises « classiques » (biens intermédiaires, biens capi-taux), les flux physiques et les flux monétaires vont dans le même sens :l’agent économique paye pour la cession d’un produit. Dans un système decoût où la responsabilité de l’émetteur de déchets est engagée, la prise encharge du coût d’enlèvement et de traitement viendra, toute chose égale parailleurs, réduire la production de la marchandise principale de façon à limiterl’émission de déchets coûteux que celle-ci occasionne. L’approche économique

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défend ainsi la construction de systèmes de prix extrêmement incitatifs commemoyen prioritaire de limitation de l’émission de déchets. Cette analyse estconnue sous le nom de « principe du pollueur payeur » ou de « responsabilitéélargie des entreprises » (notamment mise en avant par les travaux del’OCDE). Les règles de financement des activités de collecte et traitement desdéchets sont donc fondamentales. Selon de nombreux auteurs, le système fran-çais de financement de ces activités privilégiant majoritairement une certainemutualisation des coûts inciterait faiblement à une réduction individuelle desdéchets émis.

L’existence d’un coût supporté par les agents économiques pour la collecteet le traitement de leurs déchets est la conséquence de la construction d’uncadre juridique et réglementaire, ainsi que de la mise en œuvre de moyens decontrôle et de sanction appropriés. La construction juridique de la notion dedéchet apparaît donc fondamentale puisque c’est elle qui détermine quelsdéchets, dans quelles conditions, et éventuellement avec quelles modalités detraitement, déclencheront l’organisation d’une filière productive dédiée. Uneabsence totale de réglementation conduit à une absence de déchets au senséconomique (valeur nulle, décharge ou incinération sauvage). A contrario denouvelles contraintes législatives et réglementaires génèrent de nouvelles acti-vités comme, par exemple, l’obligation de collecte sélective des déchets d’équi-pements électriques et électroniques (DEEE), auparavant collectés enmélange1.

De fait, l’élaboration d’un cadre réglementaire de plus en plus contraignanta conduit au développement d’une filière de collecte et traitement de déchetsindustriels et ménagers, c’est-à-dire des activités spécialisées de collecte, traite-ment, recyclage, élimination. La question qui se pose au sein de la filière est lasuivante : la valeur d’échange dans le circuit économique traditionnel d’unematière transformée, recyclable, couvre-t-elle le coût du traitement techniquenécessaire ? En cas de réponse négative, la matière fait l’objet d’un processus« définitif » d’élimination2. En cas de réponse positive, la filière de traitementrecycle avantageusement la matière transformée en une « matière secondaire »,par opposition aux matières premières (non ou faiblement transformées,cf. schéma ci-après).

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1. Directives européennes : 2002/96/CE modifiée par 2003/108/CE, 2002/95/CE, décret françaisn° 2005-829 du 20 juillet 2005.

2. Si la marchandise sort définitivement du circuit économique, la matière, elle, ne « sort » pas del’écosystème naturel, ce qui n’est parfois pas sans poser problème. On pourrait dire que lescontraintes légales et réglementaires visent à s’assurer le plus possible qu’aucune valeur écono-miquement nulle est affectée à des matières encore extrêmement actives du point de vuechimique ou radioactif.

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Figure 1 – Du déchet à la matière secondaire

L’ensemble des activités de recyclage d’ores et déjà réalisées (verre, papier etcarton, déchets fermentescible, etc.) renvoie à cette opération de « bouclage » visantà réduire les quantités de matières définitivement écartées de la valorisation écono-mique. Certains spécialistes du secteur n’hésitent pas à se prévaloir du fonctionne-ment des grands cycles biogéochimiques naturels recyclant les éléments nécessairesà la vie (carbone, oxygène, eau, azote). La valorisation économique n’est possibleque par des interventions politiques visant, à travers des « taxes environnementa-les », à l’émergence d’une structure de prix favorable à des activités de recyclage.

Sur cette base, la distinction entre « déchets » et « matières valorisables »deviendrait de plus en plus floue grâce à la « dynamique » des règles du marchéet d’une intervention publique appropriée. À titre d’exemple la hausse du prix desmatières premières rendrait de plus en plus intéressante économiquement l’indus-trie du recyclage. Allant au bout de la logique, l’incinération massive (plus de40 % des ordures ménagères en France) serait considérée comme une opérationde valorisation énergétique et ne subsisteraient plus comme « déchets » que lesmatières stockées dans des centres de stockage des déchets ultimes (CSDU),conformément à la « hiérarchie de traitement » que nous présentons ci-dessous.Pourquoi s’inquiéter alors de la croissance des volumes à traiter3 ?

Plusieurs objections, selon nous majeures, justifient que l’on se préoccupede cette question :

– La reconnaissance d’une valeur économique est dépendante de fonction-nements institutionnels qui encadrent, voire limitent celle-ci du fait de considé-rations environnementales ou éthiques : « chaque matériau a une valeuréconomique quelque part dans le monde, d’autant plus que la valeur économiquen’est pas liée à des frontières nationales. » (Krämer 2006, p. 85). Or c’est préci-sément au nom de principes environnementaux que la circulation internationale

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Valorisation « Matières secondaires »

Elimination

Production, consommation de ressources

Filière déchets

Valeur d’échange positive

Valeur d’échange négative

Déchets

3. Lacoste et Chalmin (2006) défendent cette thèse.

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est sévèrement encadrée, ce qui limite incontestablement le « libre jeu dumarché ».

– Les opérations industrielles de collecte, traitement, recyclage ne sont passans impact écologique (notamment via leur consommation d’énergie d’originefossile) et génèrent elles-mêmes leurs propres déchets (REFIOM4 et mâchefers5

pour l’incinération). La question de savoir « jusqu’où » collecter sélectivementet recycler se pose pour de nombreux déchets lorsque des analyses de cycle devie sont effectuées. Pour ne rien dire de l’ampleur des controverses portant surl’impact environnemental des opérations d’incinération. L’approche en termesd’« écologie économique » présentée au chapitre 4 précisera ce point.

L’approche économique, bien évidemment nécessaire, devra donc être enca-drée par le droit. Car l’importance de l’activité législative a permis de définir defaçon plus opératoire la notion de déchet.

Grands principes du cadre législatif et réglementaire

L’abondance de la réglementation explique qu’on ne pourra pas, dans lecadre d’un tel ouvrage, retracer la chronologie et les subtilités de l’ensemble desdirectives européennes6 textes de lois et règlements, repris dans le Code de l’en-vironnement (2000), encadrant la gestion des déchets. Des recensions ont étéfaites notamment un travail de synthèse réalisé par l’office de l’Environnementde la Corse (OEC) et l’ADEME Corse lors de l’édition du « Guide des déchetsindustriels et ménagers – Collecte, stockage, transport, élimination ».

Quelques textes structurants doivent être rappelés et connus car ils serventde cadre à l’ensemble des choix effectués par la collectivité territoriale de Corseen matière de déchets :

– les lois du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récu-pération des métaux et du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pourla protection de l’environnement (ICPE),

– la Loi du 13 juillet 1992 stipulant que « toute personne qui produit oudétient des déchets est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’éliminationdans des conditions propres à éviter de porter atteinte à la santé de l’homme età l’environnement »,

– le Code de l’environnement regroupant toutes les lois relatives auxdéchets, créé en 2000,

– le catalogue des déchets qui inaugure la nomenclature à six chiffres réper-toriant l’ensemble des déchets, établi en 2002.

Ces textes, pour nombreux et précis qu’ils soient, ne purgent pas toute ambi-guïté car les législateurs ont généralement retenu une double définition du

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4. Résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères (REFIOM).5. Matériaux incombustibles récupérés en fin d’incinération.6. Une synthèse, librement commentée, est donnée par Krämer (2006).

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« déchet ». Subsiste ainsi une définition juridique subjective reposant sur lanotion d’abandon – « tout acte tendant sous le couvert d’une cession à titregratuit ou onéreux, à soustraire son auteur aux prescriptions législatives et régle-mentaires » (art. L 541-3 du Code l’environnement) – et de responsabilité parrapport à celle-ci et une définition chimique objective reposant sur une liste desubstances telle la « nomenclature des déchets » (décret n° 2002-540 du 18 avril2002 relatif à la classification des déchets, Journal officiel du 20 avril 2002).

Le code de l’Environnement présente quatre grands principes :– priorité à la réduction à la source, le meilleur déchet étant celui qui n’est

pas produit ;– proximité de traitement afin d’optimiser les transports ;– exigence de transparence en matière d’information du public ;– reconnaissance d’une hiérarchie de traitement, provenant des premières

directives européennes dans ce domaine (75/442 datant de 1975) :• prévention : efforts réalisés en matière de réduction des gisements de

déchets,• valorisation matière : réemploi / réutilisation / régénération, recyclage

organique (traitement de la partie biodégradable des déchets), recyclagematière,

• valorisation énergétique : combustion de déchet avec utilisation del’énergie dégagée,

• stockage : depuis le 1er juillet 2002, « les installations d’éliminationdes déchets par stockage ne sont plus autorisées à accueillir que des déchetsultimes. Le caractère ultime d’un déchet n’est pas fonction des caractéris-tiques « physico-chimiques » du déchet mais s’apprécie en fonction dusystème global de collecte et de traitement. Cette notion est locale et doitnormalement être précisée dans le cadre des plans départementaux d’élimi-nation des déchets ménagers et assimilés7 ».Cette hiérarchie de traitement ne fait l’objet d’aucune obligation juridique.

La notion même de « déchet ultime » étant fonction des choix opérés en matièrede traitement : « est ultime un déchet, résultant ou non du traitement d’undéchet, qui n’est plus susceptible d’être traité dans les conditions techniques etéconomiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable oupar réduction de son caractère polluant ou dangereux. » (article L 541-1 duCode de l’environnement). Cette notion s’est d’ailleurs parfois révélée difficileà traduire dans la pratique.

Le cadre législatif et réglementaire permet enfin de distinguer les déchets enfonction de leur origine et de leur nature. Dans un but de simplification, nousproposons le croisement suivant (figure 2 page suivante).

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7. ADEME Corse (2007), p. 3.

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Figure 2 – Origines, natures, modalités de traitement des déchets* Lieu de stockage permanent des déchets, appelé également installation de stockage dedéchets. On distingue :– La classe I recevant des déchets industriels spéciaux, ultimes et stabilisés, appelémaintenant « installation de stockage de déchets dangereux »,– La classe II recevant les déchets ménagers et assimilés,– La classe III recevant les gravats et déblais inertes.

NatureOrigine

Non dangereux Dangereux / spécifiques

Industrielle Déchets industriels banals(DIB) (dont fermentescibles)

Déchets industriels spéciaux (DIS) :Déchets d’activités de soin (DAS),Déchets d’équipement électriqueset électroniques (DEEE), Véhiculeshors d’usage (VHU), Boues deseaux usées, Déchets verts souillés…

Ménagerset assimilés

Ordures ménagères en mélangeDéchets industriels banals(DIB), Tri (verre, papiercarton…), Déchets verts

Déchets toxiques en quantitésdispersées (DTQD)DEEEVHU

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TRAITEMENT

Traitement spécifique (stockage / destruction) fortement réglementé

Valorisation matière (DEEE, VHU…)

Valorisation matière (recyclage)

Valorisation organique (fermentescibles)

Incinération

Installations de stockage (Centre d’enfouissement technique* CET de classe 2)

DECHETS « ULTIMES »

Installations de stockage (CET * classe 1, absent de Corse)

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Les déchets d’origine industrielle proviennent des activités industrielles, arti-sanales, commerciales ou agricoles. Ils sont en général susceptibles de receler desmatières chimiques dangereuses pour l’homme et l’environnement du fait destechniques de production mises en œuvre. Le caractère dangereux d’un déchet estdécrit à l’annexe I du décret du 18 avril 2002 relatif à la classification desdéchets : explosif, comburant, inflammable, irritant, nocif, toxique, cancérogène,corrosif, infectieux, toxique pour la reproduction, mutagène, écotoxique. Lesdétenteurs de tels déchets doivent les faire éliminer ou valoriser dans des instal-lations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) adaptées auxrisques ou aux caractéristiques associés à ces déchets. Ces déchets dangereuxintègrent la catégorie « Déchets Industriels Spéciaux (DIS)8 », faisant l’objet deréglementations particulières (déchets de soins, véhicules hors d’usage…). Enfinles déchets industriels banals (DIB), nous l’avons vu, ne révèlent aucun caractèredangereux.

Les déchets du secteur « bâtiment et travaux publics » font généralementl’objet de considérations particulières, étant donné leur importance en volume(40 % du tonnage national) et leur nature (gravats…). En Corse, la gestion desdéchets du bâtiment fait l’objet de travaux en vue d’une prise en charge par lesprofessionnels du secteur. Une étude présentant l’état des lieux et faisant despropositions de gestion a été initiée par le service interconsulaire de Corse du Sud(SICOS), l’ADEME et l’OEC. Seuls les déchets spéciaux du secteur du BTP sontpris en charge par le PREDIS corse dont il sera question ultérieurement.

Les déchets des activités agricoles sont pour l’essentiel des déchets fermen-tescibles, composés de matière organique et biodégradable pouvant faire l’objetd’opérations de compostage ou méthanisation en vue d’amendement des sols.

La particularité de l’économie corse (faible industrialisation, écrasanteproportion de petites entreprises) n’est pas sans effet sur le volume et la naturedes déchets produits. La région se distingue par une production relativementfaible de déchets industriels, dangereux notamment, et par d’importants volumesde déchets industriels se retrouvant en mélange dans la collecte des déchetsménagers et assimilés (DMA). Parmi ceux-ci, les emballages constituent unproblème particulièrement épineux.

Les déchets ménagers sont également composés de plusieurs catégories. Onrecense les déchets dits banals qui ne présentent aucun caractère de danger, ceuxconsidérés comme dangereux, à savoir l’ensemble des déchets toxiques en quan-tités dispersées (DTQD) : piles, batteries, etc. puis les déchets spécifiques

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8. Déchets provenant des activités industrielles. Ils contiennent des éléments nocifs ou dangereuxpour l’homme et son environnement : toxicité, risques potentiels d’incendie ou d’explosion…Les DIS peuvent provenir de l’agriculture, des laboratoires, des hôpitaux, des activités deservice… Les emballages ou matériaux souillés par des substances à caractère dangereux sontconsidérés comme des DIS.

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comme par exemple les déchets des équipements électriques et électroniques(DEEE) et, enfin, les déchets fermentescibles qui sont en général des déchetsorganiques non souillés. La catégorie de déchets ménagers et assimilés (DMA)intègre les déchets collectés auprès des ménages – les ordures ménagères enmélange et collectées sélectivement (verre, papier carton, déchets verts…)auxquels s’ajoutent les encombrants – et les déchets assimilés aux déchetsménagers car collectés dans les mêmes conditions. Il s’agit des déchets indus-triels banals et ceux des collectivités. Au niveau national, ce sont souvent lesDMA qui focalisent l’attention alors qu’ils ne représentent qu’une très faiblequantité des tonnages de déchets (4 % du tonnage total en 2007 au niveau natio-nal)9. Ils génèrent toutefois des problèmes de traitement importants du fait deleur caractère dispersé et hétérogène.

Les textes législatifs et réglementaires s’appliquent donc en fonction de lanature physico-chimique et déterminent un cadre pour l’action publique etprivée de traitement des déchets à partir d’une hiérarchie de traitement définiede façon assez lâche. Ce cadre est à l’origine de l’organisation de la filière« déchets » en France.

Architecture de la filière de traitement des déchets

La collecte des déchets ménagers et assimilés s’opère de deux manières. Defaçon indifférenciée pour les déchets en mélange, forme largement dominantedans le passé ou de façon sélective10 avec conteneur collectif ou, plus rarement,par ramassage individuel. Le réseau de déchèteries permet la collecte desencombrants et des bacs de collecte sélective, dont les déchets dangereux. Lesdéchets collectés sont stockés provisoirement dans une station de transfert defaçon à optimiser la logistique de transport puis dirigés vers les centres de trai-tement. À partir de là, trois options sont possibles :

• on procède à une valorisation matière grâce à des opérations diversespermettant un recyclage des matériaux,

• on décide d’un enfouissement dans des centres de stockage technique.À terme ne devraient plus être stockés que les déchets des opérations de traite-ments des déchets bruts ou les déchets dangereux (CET de classe I),

• on choisit de procéder à leur incinération sans ou avec récupération dechaleur. Dans l’un et l’autre cas, les résidus de fumée et les imbrûlés deviennentdes déchets toxiques destinés à l’enfouissement.

La collecte et le traitement des DMA sont financés par la fiscalité communale.Le système est relativement complexe et résulte d’un empilement de mesures et

Faire l’économie des déchets22

9. « Les déchets en chiffre », ADEME 2007 (www.ademe.fr).10. Ce type de collecte a été généralisé à l’ensemble du territoire pour un certain nombre de

matériaux, dont le verre.

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de domaines de compétences. Trois modalités de financement sont actuellementen vigueur :

• sur le budget général de la commune,• par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) qui concerne

90 % des foyers français. Assise sur les taxes foncières, elle est indépendante duvolume individuel de déchets traités et, pour cette raison, est régulièrementdénoncée pour son caractère faiblement incitatif à la réduction individuelle à lasource,

• par une redevance spéciale dont le montant est déterminé par le coût duservice individuel évalué grâce à divers systèmes de comptage des ordures indi-viduellement traitées. Le « pollueur » paie d’autant plus qu’il émet d’importan-tes quantités de déchets ce qui doit normalement l’inciter à réduire sa masse dedéchets. Des craintes de comportements opportunistes et de tactiques d’évite-ment de la collecte officielle par enfouissement sauvage sont fréquemmentexprimées à l’encontre de ce type de système11.

Comme pour la fourniture et le traitement de l’eau et, dans une moindremesure pour l’électricité, les modes de gestion des opérations de collecte et detraitement des ordures sont très variés. Traditionnellement dominait la régiedirecte dans laquelle le service de gestion de DMA est entièrement assuré par lacommune ou, de plus en plus fréquement aujourd’hui, par une structure inter-communale (un établissement public de coopération intercommunale [EPCI]).Des municipalités ou des groupes de communes ont choisi de se décharger tota-lement de la question et ont préféré la concession, forme de délégation la plustotale par laquelle le concessionnaire prend à sa charge l’ensemble des travaux,est responsable juridiquement et voit sa rémunération entièrement dépendre durésultat du service12. Si une commune française sur deux a choisi la gestion délé-guée pour la collecte traditionnelle d’ordures ménagères, elles sont plus de huitsur dix à préférer ce type de contrat pour les services de traitement (valorisation,élimination, mise en décharge)13. Le marché des déchets est en effet un secteuren très forte expansion du fait de l’importance des tonnages à traiter et de lacroissance des contraintes législatives et réglementaires. La complexité de laréglementation, la diversité des techniques en présence, le coût des équipementsstructurants et un environnement institutionnel favorable expliquent la domina-tion du secteur par de très grands groupes. Cette répartition du marché national

Les déchets, domaine d’application de l’économie publique 23

11. Celles-ci sont rejetées dans un ouvrage écrit par un maire pionnier en la matière : Dietman(2000).

12. « Gérance » et « affermage » sont des formes de délégations intermédiaires dans lesquelles lescharges des dépenses d’investissement et d’entretien sont réparties entre les communes et lesentreprises privées. La gestion « semi-déléguée » fait intervenir des sociétés d’économiesmixtes.

13. Source XERFI (2007).

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entre gros opérateurs privés n’est pas sans conséquence sur la situation desrégions peu urbanisées dans lesquelles le gisement des déchets est finalementpeu important et surtout dispersé. Les zones de montagne relèvent de cetteproblématique de même que celles à habitat extensif. Comme la Corse combineces différentes caractéristiques, elle n’échappe pas au problème posé par laconcentration des opérations relatives aux déchets dans les mains de quelquesgrands groupes.

PETITE HISTOIRE DES POLITIQUES DE GESTION DES DÉCHETSEN CORSE

La question des déchets s’est posée en France avec acuité à la fin des annéesquatre-vingt. Les investissements réalisés par les communes enregistrent alorsun taux de croissance inédit. Au cours de la première moitié des années quatre-vingt dix, les plans régionaux d’élimination des déchets sont mis en place. Ceux-ci prévoient un découpage par bassin de traitement, l’installation de centresintégrés de gestion des déchets en plus de la maîtrise de la production. Cesdispositifs institutionnels structurent l’évolution institutionnelle récente enmatière de gestion des rejets et constituent l’une des clefs de compréhension dudossier déchets en Corse.

Des débuts marqués par le « tout enfouissement »

À l’orée des années 2000, les conditions de collecte et de traitement desdéchets sont extrêmement problématiques14. La collecte sélective est très peurépandue, les recours aux dépôts et à l’incinération sauvages sont importants,les incinérateurs en fonctionnement ne sont pas conformes aux normes sani-taires et environnementales, les centres d’enfouissement (dont les CET declasse 2 de l’entreprise STANECO situé à Tallone et de l’entreprise STOC situéà Prunelli, de nombreuses décharges locales et CET de classe 3 accueillantgravats et déchets inertes) tournent à plein de leurs capacités… Cette situationest en totale contradiction avec l’image offerte par « l’île de beauté ». Elle estde surcroît non conforme à la réglementation en vigueur, qui se durcit au coursdes années 1990 et 2000 et prévoit la mise aux normes des incinérateurs, destaux limites de recours à l’enfouissement et des objectifs ambitieux en termesde collecte sélective.

Au début des années 2000, alors que la gestion des déchets s’impose commeune préoccupation prioritaire, la collectivité territoriale de Corse devient l’auto-rité compétente, hors pouvoir régalien, en matière de déchets (plus précisément

Faire l’économie des déchets24

14. « Projet d’actions stratégiques de l’État en Corse (2004-2006) ».

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à partir de 2003). Ses actions s’appuient sur les travaux et compétences tech-niques et scientifiques de l’office de l’Environnement de la Corse15 (OEC) enlien avec les services régionaux de l’État (DRIRE / DIREN) et de l’ADEMECorse. Les incinérateurs hors normes sont progressivement fermés16, le tri sélec-tif se généralise, les déchèteries et centres de transferts se mettent en place avecla progression de l’intercommunalité17. Toutefois la forte progression des tonna-ges à traiter se conjugue à la faiblesse de la valorisation et à la fermeture desanciens incinérateurs pour provoquer un accroissement considérable des volu-mes à enfouir dans des CET 2. Et cela au moment même où les centres d’en-fouissement en fonctionnement atteignent la limite de leur capacité et que larecherche de nouveaux centres de stockage capables d’accueillir d’importantesquantités de déchets se heurte à des difficultés liées à la géographie de la régionet à l’hostilité des habitants des lieux pressentis pour accueillir ces équipements.Car l’échelle est importante. En 2006, le cabinet Merlin de Lyon assure uneétude pour le compte de la collectivité territoriale dans laquelle il établit quel’année précédente, le CET2 de Tallone et, dans une moindre mesure, celui dePrunelli assurent l’enfouissement de plus de 85 000 tonnes d’ordures ménagèresrésiduelles18. Ces quantités sont à ajouter à celles qui arrivent à la décharge deSaint-Antoine, située à Ajaccio aujourd’hui en voie de fermeture, estimées à plusde 40 000 tonnes. Au total et une fois pris en compte les déchets industrielsbanals et les boues de traitement des eaux usées, on évalue à 146 000 tonnespour l’année 2005 les déchets enfouis par les trois principaux centres de l’île19.Et les choses n’ont aucune raison de s’améliorer. Bien au contraire. Les prospec-tives dégagées par l’élaboration des plans régionaux estiment les besoins d’en-fouissement entre 140 000 tonnes et 180 000 tonnes annuelles en cas d’absence

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15. L’OEC est un établissement public dépendant de la collectivité territoriale de Corse, chargé del’ensemble des dossiers environnementaux, travaillant en étroit partenariat avec l’ADEME etles services de l’État (DRIRE / DIREN). Un très important travail de collecte de donnéesconcernant les déchets est mené (publication de l’Observatoire des déchets) ainsi que des inter-ventions techniques et de sensibilisation au « zéro déchet » et au management environnemen-tal. L’OEC est l’un des acteurs clefs de la problématique environnementale et de la gestion desdéchets. À ce titre, il a été fortement impliqué dans la rédaction des statuts du SYVADEC(alors syndicat d’étude).

16. Il faudra attendre décembre 2005 pour que le dernier, situé à Venaco, ferme ses portes.17. On compte 19 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – terme géné-

rique pour désigner l’intercommunalité représentent 92% de la population insulaire.18. En 2008, le SYVADEC évalue les capacités de stockage annuelles des sites de Prunelli et de

Tallone à respectivement 30 000 tonnes et 90 à 100 000 tonnes (SYVADEC 2008, p. 12).19. Grâce à l’action du SYVADEC, de nombreuses décharges non conformes continuent d’être

fermées sur l’île, la France étant sous la menace de lourdes amendes infligées par laCommission européenne pour infraction à la législation des décharges.

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d’incinérateur, ce qui pose d’importants problèmes de recherche de sites, lesinfrastructures actuelles étant prochainement saturées.

Sur la base de cette problématique, un cadre général de la gestion desdéchets des ménages et des entreprises insulaires est élaboré, présenté par deuxdocuments, le plan interdépartemental d’élimination des déchets ménagers etassimilés (PIEDMA) et le plan régional d’élimination des déchets industrielsspéciaux (PREDIS). Pour l’ensemble du territoire national, ces plans traduisentlocalement les principes des politiques nationales et européennes de traitementdes déchets fixées par le décret 96-1008 du 18 novembre 1996.

Le premier plan pour les déchets ménagers

Le PIEDMA a été approuvé par arrêté préfectoral en décembre 2002 suite àdeux années de concertation et de production de données20 au cours desquellesdivers organismes de recherches et cabinets de consultants ont été mobilisés surles sujets intéressant la planification des déchets. Il s’agit de produire des esti-mations de tonnages en fonction de scénarios démographiques et économiqueset de projections relatives à l’activité touristique. Le PIEDMA définit des prio-rités en matière de collecte et traitement afin d’assurer une coordination entre lesdifférents acteurs de l’économie des déchets : acteurs publics (collectivités loca-les) et privés (entreprises se positionnant sur les marchés de la collecte et du trai-tement). Dans ce domaine, et conformément à la législation nationale envigueur, le PIEDMA fixe des grandes priorités. Les rédacteurs rappellent que« Le plan a pour objet de coordonner l’ensemble des actions à engager à 5 et 10ans par les collectivités locales, comme par les différents acteurs économiques,pour assurer l’élimination des déchets. Il fixe les objectifs, techniquement etéconomiquement réalistes, de recyclage et de valorisation à atteindre, les collec-tes et équipements à mettre en œuvre à cette fin, les échéanciers à respecter etévaluent les investissements correspondants. » (PIEDMA, p. 5). Les attentes enla matière sont donc clairement établies.

Ce qui l’est moins, ce sont les moyens pour y parvenir. Le même documentprécise en effet qu’il « n’a pas vocation à définir avec précision l’ensemble desfilières qu’il préconise. Ainsi, par exemple, la nature et le fonctionnement descircuits de collectes, les choix technologiques des installations de traitement pasplus que la localisation précise des équipements n’ont à figurer dans le plan. »(Ibid. p. 6)

Faire l’économie des déchets26

20. Des études chiffrées ont été menées pour l’OEC et l’ADEME dès le milieu des années 1990,notamment « Étude de faisabilité technique et économique du tri et de la valorisation desdéchets en Corse » (1995).

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L’ambiguïté est immédiate : est-il possible dans un même document dedéterminer les grandes orientations à mettre en œuvre à une échelle régionaleen matière de gestion de déchets (ce qui suppose notamment une évaluation etune planification de lourdes dépenses en investissement) sans prendre parti enfaveur de tel ou tel choix technique ? De fait, le respect de la législation natio-nale conduit inévitablement à des choix lourds en matière de traitement desdéchets ménagers. Les rédacteurs du PIEDMA rappellent donc légitimement lasituation :

– l’objectif national est la collecte spécifique de 50 % des déchets à chargedes collectivités locales en vue de recyclage, compostage, épandage (circulairedu 28 avril 1998),

– deux outils de traitement pour les déchets résiduels : l’enfouissement dansun CET (classe 2), ou l’incinération avec valorisation énergétique.

Depuis le 1er juillet 2002, les installations de stockage ne sont plus autoriséesà accueillir que des déchets ultimes, notion que nous avons présentée ci-dessus(art. L-541-1 du Code de l’environnement). Comme nous l’avons rappelé, lecaractère ultime du déchet n’est pas fonction de ses caractéristiques « physico-chimiques » mais du système global de collecte et de traitement. La définition ducaractère « ultime » sera alors précisée dans les plans départementaux de traite-ment. Le PIEDMA corse s’en charge après passage en revue des différentes tech-niques d’élimination des déchets sur la base de l’objectif national de collecte(50 %). Il mentionne le faible nombre de sites pouvant satisfaire les conditions desécurité d’enfouissement renforcées par la législation (arrêté du 9 septembre 1997modifié par l’arrêté du 31 décembre 2001). Sur la base d’une progression modé-rée, mais continue, de déchets ménagers et industriels banals en mélange (+ 0,8 %par an en moyenne), les quantités à traiter atteignent plus de 160 000 tonnes en2012. Même avec d’importants investissements en matière de collecte sélective,que détaille le PIEDMA, les tonnages résiduels restant à traiter sont jugés tropimportants pour un enfouissement. Le PIEDMA prend alors clairement positionpour la technique d’incinération avec récupération d’énergie (p. 56 et suivantes).

Ce choix est clairement celui du « business as usual », et s’opère sous descontraintes qui sont celles du niveau et des caractéristiques du développement del’économie française, dont la Corse fait partie. Rappelons qu’à un niveau natio-nal, malgré des objectifs ambitieux, moins de 20 % des déchets ménagers et assi-milés (DMA) font l’objet d’une valorisation biologique ou d’un recyclage ;l’incinération et l’enfouissement représentent plus de 80 % des tonnages traités(avec une répartition à peu près équitables21). Nulle surprise donc à ce qu’un

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21. Sources : ADEME et IFEN, données 2002.

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plan interdépartemental, mettant en œuvre les dispositifs législatifs nationaux,ne s’inscrive dans une logique de traitement des déchets massivement présentesur le continent. D’autant plus que le savoir-faire de grands groupes industrielsfrançais est très engagé dans la technique de l’incinération de déchets enmélange avec valorisation énergétique.

Nous l’avons déjà mentionné : depuis février 2003, la CTC est compétentedans le domaine de gestion des déchets (hors pouvoir régalien). La CTC atoujours considéré que les orientations du PIEDMA fixaient sa ligne de conduiteet que celles-ci ne nécessitaient aucune révision… jusqu’au coup de théâtre del’été 2008 (cf. ci-dessous) !

Une stratégie pour les déchets industriels

Le plan régional d’élimination des déchets industriels spéciaux (PREDIS) aété adopté par arrêté préfectoral en septembre 2004. Contrairement à ce que laissesupposer son intitulé, le PREDIS concerne l’ensemble des déchets d’activitésindustrielles et commerciales insulaires, soit aussi bien les « déchets industrielsspéciaux » (DIS), que les « déchets industriels banals » (DIB)22.

Nous ne traiterons pas de la situation des déchets industriels spéciaux insu-laires. Hors déchets du BTP, les tonnages sont très faibles (10 000 tonnes / an).Ces déchets de par leur nature (et des risques potentiellement considérablesqu’ils peuvent occasionner) ne sont que marginalement les sujets d’une réflexionéconomique. Le cadre réglementaire les concernant est extrêmement strict et laseule question qui vaille est : celui-ci est-il correctement appliqué lors des opéra-tions de collecte ? Étant donné la faiblesse des tonnages concernés, il n’existeaucun centre de traitement de DIS en Corse (sauf inertage des déchets d’activi-tés de soins à risques infectieux [DASRI] réalisé à l’hôpital d’Ajaccio). Lescentres de traitement se situent tous sur le continent. Le cas des déchets du BTPest particulier. Sur l’île celui-ci fait l’objet d’intenses réflexions de la part desinstitutions professionnelles. Nous renvoyons le lecteur intéressé à ces dernièrespour plus amples informations23.

Comme le PIEDMA, le PREDIS détermine les grandes lignes d’action et deplanification de la collecte et du traitement des déchets industriels. Selon lalégislation toutefois, l’élimination des déchets industriels relève de la responsa-bilité du producteur (art. L 541-2 du code de l’environnement), l’élimination deces déchets « reste une activité économique relevant exclusivement du secteurprivé » (PREDIS, p. 5).

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22. Le PREDIS est en fait un PREDI…23. 2AE Ingénierie (2006).

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Si le PREDIS ne concerne que les déchets industriels, celui-ci recoupelargement des pans entiers du PIEDMA pour deux raisons :

– une part importante des déchets d’activités industrielles et commerciales(essentiellement des emballages) se retrouve en mélange dans les déchets ména-gers : plus de 25 % des DIB corses (source : PREDIS, p. 23). Une telle situationpose un problème d’équité fiscale évident dans la mesure où la collecte et le trai-tement d’une part importante des DIB est prise en charge par les collectivitéslocales. Un des objectifs d’une meilleure prise en charge des DIB grâce auPREDIS est précisément de réduire la part des DIB dans les déchets ménagers.

– une part des déchets ménagers pourrait profiter d’installations de traite-ment de DIB (comme, par exemple, la mise en place de centres de compostage).Les quantités concernées sont considérables : le PREDIS rappelle que les gise-ments de DIB et déchets ménagers et assimilés valorisables sont évalués à240 000 tonnes annuelles dont 104 000 tonnes de déchets ménagers et assimilés.

Le PREDIS présente les grandes orientations en matière de collecte et trides DIB que l’économie insulaire pourrait mettre en œuvre ces prochainesannées, à horizon 2014. Peu de créations d’activités sont en effet à attendre enmatière de valorisation des déchets industriels sur place.

Un effort considérable doit être entrepris concernant le tri des DIB : tri à lasource, solution préférable, et centres de tri dédiés aux DIB. Un centre de triprivé est en fonctionnement dans la banlieue ajaccienne. Le PREDIS défendl’idée que trois autres centres de tri pourraient fonctionner, localisés en Corse-du-Sud, dans la plaine orientale et en Balagne. En 2004, le PREDIS affiche uneambition de valorisation matière et biologique de 50 % en 2009, et 65 % en2014. Pour les DIB ne pouvant faire l’objet d’une valorisation matière ou biolo-gique, le PREDIS prévoit un traitement par incinération pour un peu moins de10 % des tonnages de DIB. Il se « rebranche » alors sur le PIEDMA enprévoyant de fournir 20 % de la capacité de traitement de l’incinérateur prévu.

L’aboutissement : la création d’une société d’économie mixtedédiée aux déchets

Afin de mettre en œuvre les plans régionaux, a été créé en mai 2005 unsyndicat mixte d’étude et de préfiguration par certaines collectivités locales encharge des déchets (représentant 170 000 habitants en 2006 pour 270 000 habi-tants sur l’île), subventionné par l’État et la CTC : le SYVADEC – Syndicat devalorisation des déchets ménagers et assimilés de Corse.

La mission du SYVADEC est de fédérer les diverses collectivités localesresponsables de la collecte et du traitement des DMA afin de mettre en œuvrele PIEDMA. Comme syndicat de préfiguration, le SYVADEC a, dans unpremier temps, commandité une étude à un cabinet d’ingénieurs conseils, lecabinet Merlin, afin de chiffrer le plus précisément possible tonnages et coûts

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de la réalisation du plan. Sur la base d’un état des lieux des gisements dedéchets des différents bassins découpés par le PIEDMA et à l’aide d’un travailprospectif, le cabinet Merlin valide le travail du PIEDMA et conclut à l’oppor-tunité de traiter 150 000 à 180 000 tonnes annuelles de DMA (plus une partmarginale de résidus de DIB hors collecte DMA) par unité de valorisation éner-gétique (UVE), autre dénomination d’incinérateur avec récupération d’énergie(Merlin 2006, p. 90).

Sur la base de ce rapport, le SYVADEC est constitué en syndicat de réalisa-tion (juillet 2007) afin de mettre en œuvre les investissements nécessaires : quaisde transfert, centres de tri, incinérateur, traitement biologique, centres d’enfouis-sement, etc. Comme syndicat de réalisation, le SYVADEC est ouvert à l’ensem-ble des acteurs publics compétents pour le traitement des déchets (communautéd’agglomération, communautés de communes, syndicats de communes oucommunes)24. La compétence du syndicat reste en débat. Celui-ci peut secantonner, dans une logique de subsidiarité au seul traitement des déchets :gestion de la filière depuis les centres de transfert jusqu’à évacuation finale desdéchets (facturation à la tonne identique en tous points du territoire). Ses compé-tences peuvent également être étendues aux déchèteries occasionnelles, voire autraitement de l’ensemble des déchets dont sont responsables les collectivitéslocales, l’adhérent ne payant que les déchets résiduels amenés au quai de trans-fert (prix plus élevé couvrant l’ensemble des frais de traitement des collectessélectives et occasionnelles).

En 2006, le SYVADEC prévoit la mise en œuvre des procédures d’autorisa-tion (installations classées et permis de construire) au cours de la période 2008-2009 pour des travaux et mise en service des installations à horizon 2011.

Ce calendrier n’a pu être respecté suite à l’opposition au PIEDMA et auSYVADEC d’une partie de la population rejetant la solution de l’incinération,d’élus locaux soutenant ses actions et de certaines collectivités locales réticentesà l’adhésion au SYVADEC.

Malgré ces contretemps, le PIEDMA et le PREDIS ont toujours été consi-dérés non révisables par l’exécutif régional et l’État et tracent la seule voie possi-ble pour le traitement des déchets ménagers et industriels25… jusqu’au 11 juillet2008 ! À l’issue de l’audition du SYVADEC, les conseillers de l’assemblée de

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24. La composition précise du SYVADEC : communautés d’agglomération, syndicat intercommu-nal, communautés de commune, ainsi que d’autres précisions de fonctionnement sont disponi-bles à www.syvadec.fr.

25. Un rapport qui devait être voté par l’assemblée de Corse en octobre 2007 mentionnait la non-révision du PIEDMA (p. 9) et « l’UVE (Unité de valorisation énergétique, soit un incinérateuravec récupération de chaleur) qui sera réalisée sous maîtrise d’ouvrage publique ou bien àtravers une délégation de service publique, il est aujourd’hui acquis qu’il s’agira d’une seuleunité suivant le PIEDMA. » (p. 11) (Rapport N° 2007/O2/200, finalement retiré).

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Corse se prononcent à l’unanimité pour l’abandon de l’option de l’incinérationet la révision des plans régionaux de traitement des déchets. Le SYVADEC dansun document d’orientation (SYVADEC 2008) prend acte du fait que les « traite-ments thermiques par incinération ou thermolyse n’étaient clairement pas accep-tés [par la population] » (p. 10), notamment en raison de problèmes persistantsen matière de santé publique, reconnus par l’institut national de veille sanitaire(INVS)26. Or, l’option de l’incinération a orienté l’ensemble des documentstechniques de gestion des déchets sur l’île pendant une dizaine d’années. Plusque d’une « nécessité de faire évoluer le PIEDMA », il s’agit clairement d’unbouleversement complet de la donne. Ainsi le SYVADEC est-il amené à contes-ter une des conclusions importantes du PIEDMA, qui n’avait jamais jusqu’ici étédiscutée, selon laquelle il n’existait pas en Corse de site naturel pouvant satis-faire aux conditions de sécurité de stockage de déchets « ultimes » (« hormis lesecteur de la plaine orientale situé en Haute-Corse » § 2.2.9.2 du PIEDMA2002). De fait, les seules pistes « alternatives » à l’incinération ont été défrichéespar le travail des opposants à cette option27. On comprend que le SYVADEC ensoit réduit dans son rapport d’orientation à considérer que « à ce stade des analy-ses, il n’est pas prévu de figer les dispositifs techniques de valorisation, mais d’ar-rêter les principes généraux qui guideront les études techniques » (SYVADEC2008, p. 10). Après plus de dix ans d’études, les événements de juillet 2008 ontramené le dossier du traitement des déchets à la case départ.

Cet état des lieux, bref et mouvant, étant dressé, il est possible de passeren revue les diverses contraintes que rencontre le territoire en matière degestion des déchets et de voir comment elles ont pesé dans l’histoire d’undossier particulièrement épineux.

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26. Dans un rapport de 2006, cet institut a mis en évidence les liens entre exposition aux polluantsd’incinérateurs dans les années 1970 et 1980 et fréquence des cancers au cours des années1990-1999.

27. Publication du Collectif contre l’incinération des déchets en Corse (2007) disponible àhttp://contrelincinerateurcorse.o-zi.com

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Table des matières

Introduction :Les déchets, une préoccupation croissante .............................................. 9

1 - Les déchets, domaine d’application de l’économie publiqueet de l’économie de l’environnement ........................................................ 13

Traitements des déchets : éléments de présentation générale ................. 14

L’analyse économique : du déchet à la ressource ? ........................... 15

Grands principes du cadre législatif et réglementaire ....................... 18

Architecture de la filière de traitement des déchets .......................... 22

Petite histoire des politiques de gestion des déchets en Corse ............... 24

Des débuts marqués par le « tout enfouissement » ........................... 24

Le premier plan pour les déchets ménagers ...................................... 26

Une stratégie pour les déchets industriels .......................................... 28

L’aboutissement : la création d’une société d’économie mixtedédiée aux déchets ............................................................................. 29

2 - L’émission de déchets : une obligation sous contrainte .................... 33

Un état des lieux inquiétant .................................................................... 34

Tonnages, collecte et valorisation ...................................................... 34

Prospective : encore et toujours plus ! ............................................... 37

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L’économie corse, modèle réduit de la France continentale ................... 38

Niveau de vie et émission de déchets ................................................ 39La Corse, une économie productrice de déchets ? ............................ 43Quelles quantités de déchets à terme ? .............................................. 45

Les déchets industriels banals ....................................................... 45

a) Pour une croissance macro-économique fixée,quelles exigences en matière d’efficacité productive ? ..... 46

b) Quelles conséquences macroéconomiques d’une forteambition en matière de gisement de déchets ? ................. 48

La question des ordures ménagères .............................................. 49Ces prévisions sont-elles réalistes ? ............................................. 50

Une production de déchets difficile à contrôler ................................ 51

Quelle place pour la Corse dans le marché du traitement des déchets ? 54

Des marchés du recyclage totalement internationalisés .................... 55Des marchés du recyclage moins que parfaits ................................... 56Des marchés du recyclage contrôlés par des leaders mondiaux ........ 60La Corse dans la tourmente des marchés mondiaux ......................... 64

Conclusion ............................................................................................... 64

3 - Gestion des déchets en Corse : coûts publics, bénéfices privés ........ 69

Des industries de l’environnement financées par la dépense publique .. 70

1994-2006 : premiers pas et montée en chargede la gestion régionale des déchets ............................... 71

2007-2013 : Fonds structurels et Programme exceptionneld’investissement ............................................................ 72

L’ampleur des investissements prévus .......................................... 72L’enjeu des fonds européens ......................................................... 73L’importance des fonds nationaux ................................................ 74

Entreprises du secteur des déchets : des résultats contrastés .................. 76

Des emplois ni nombreux, ni attractifs .............................................. 76Des entreprises florissantes et rentables ............................................ 78

Une forte rentabilité économique… ............................................. 79… malgré le problème persistant des coûts de stockage .............. 84

Conclusion : les entreprises privées prospèrent mais la situationécologique reste préoccupante ................................................................ 88

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Table des matières 151

4 - Exercice de prospective : quel futur pour les déchets en Corse ? .... 91

Les déchets, fatalité ou opportunité ? ..................................................... 92

Quand l’argent public finance la rente .............................................. 92Le traitement local des déchets : un serpent de mer .......................... 95

Des entreprises de traitement industriel des déchetsqui peinent à survivre… ............................................................... 97… sauf dans le domaine des fermentescibles ............................... 98

De nouvelles réflexions sur le développement territorial ....................... 99

Les enseignements de l’économie écologique ................................... 100Économie écologique : une présentation rapide ........................... 100L’échec des politiques de réduction à la source ........................... 109Les limites de l’éco-conception .................................................... 110L’effet rebond ou les limites des améliorations technologiques .. 111Conséquences en matière de politiques publiques ? .................... 115

Décisions communautaires et gestiondes ressources naturelles ........................................................... 116La gestion des ressources naturelles vue par le groupedes Petits États Insulaires ......................................................... 117La « gestion intégrée » des déchets dans le réseaudes petites îles nord européennes ............................................. 118

Quelles pistes pour la Corse ? ............................................................ 121Une filière Bois énergie en économie mixte ? ............................. 121La fraction fermentescibles des déchets ....................................... 123Les nouveaux acteurs et les nouveaux défisde l’économie sociale ................................................................... 125

Le verre des cafés, hôtels et restaurants ................................... 126Les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) 128

Conclusion................................................................................................ 130

Conclusion générale ................................................................................... 131

Annexes ........................................................................................................ 135

Bibliographie ............................................................................................... 139

Webographie ............................................................................................... 144

Table des figures ......................................................................................... 145

Table des tableaux ...................................................................................... 147

Table des matières ...................................................................................... 149

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