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Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2011 - Vol. 5 - N°5 Éducation thérapeutique 540 © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Correspondance : Geneviève Vaillant Service d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques et de la nutrition Hôpital du Bocage CHRU de Dijon 21000 Dijon [email protected] G. Vaillant, A. Amhis, A. Denis, M. Liron, M.-P. Perrot, M. Servelle Unité mobile d’ETP-Diabète, Réseau de santé de Haute Côte d’Or, Montbard. Éducation thérapeutique des patients en milieu rural : expérience de l’unité mobile du réseau de santé de Haute-Côte-d’Or Therapeutic patient education in rural area: Experience from the educational mobile unit in Haute-Côte-d’Or Résumé Si l’heure n’est plus à démontrer l’efficacité de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) pour les patients atteints de pathologie chronique, il demeure néanmoins néces- saire d’inventer et de développer de nouvelles structures éducatives adaptées à chaque contexte géographique et socio-culturel, ainsi que le recommande la Haute Autorité de santé (HAS), et l’inscription de l’ETP dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), qui intègre l’ETP dans le parcours de soins du patient. Permettre à des patients âgés, géographiquement isolés, de participer à des séances d’ETP est un devoir et une nécessité. Nous décrivons l’expérience d’une unité mobile d’ETP pour des patients atteints de diabète de type 2, dans la région rurale de Nord Côte d’Or. Mots-clés : Diabète de type 2 – éducation thérapeutique du patient – patients âgés – unité mobile d’éducation. Summary If we haven’t to show anymore the efficiency of therapeutic education for patients with chronic disease, we have to make up and develop new adjusted educative facilities for each geographic and sociocultural context as advised by French HAS and HPST law which includes therapeutic education as an essential part of patient’s care. It is a duty and a necessity to offer to elderly patients living in isolated areas, therapeutic education sessions. We describe the experience of an educational mobile unit for type 2 diabetic patients in the north Côte d’Or rural country. Key-words: Type 2 diabetes – Therapeutic patient education – Elderly patients – Educational mobile unit. Introduction L’épidémie de diabète sucré se pour- suit inexorablement, avec un taux de prévalence de diabète traité en France, en 2009, atteignant 4,4 %, dont 14,2 % de la population entre 65 et 74 ans, et 14,8 % après 75 ans [1]. Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) [2], « l’éducation thérapeutique du patient (ETP) doit être proposée à toute personne […] ayant une maladie chronique, quels que soient son âge, le type, le stade et l’évolution de sa maladie et aux proches du patient […] Le lieu de vie ne doit pas priver a priori le patient d’une ETP […] Les programmes d’ETP doivent être adaptés en terme d’accessibilité géographique, cultu- relle, de souplesse, dans la réponse aux

Éducation thérapeutique des patients en milieu rural : expérience de l’unité mobile du réseau de santé de Haute-Côte-d’Or

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Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2011 - Vol. 5 - N°5

Éducation thérapeutique540

© 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Correspondance :Geneviève VaillantService d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques et de la nutritionHôpital du BocageCHRU de Dijon21000 [email protected]

G. Vaillant, A. Amhis, A. Denis, M. Liron, M.-P. Perrot, M. ServelleUnité mobile d’ETP-Diabète, Réseau de santé de Haute Côte d’Or, Montbard.

Éducation thérapeutique des patients en milieu rural : expérience de l’unité mobile du réseau de santé de Haute-Côte-d’OrTherapeutic patient education in rural area: Experience from the educational mobile unit in Haute-Côte-d’Or

RésuméSi l’heure n’est plus à démontrer l’efficacité de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) pour les patients atteints de pathologie chronique, il demeure néanmoins néces-saire d’inventer et de développer de nouvelles structures éducatives adaptées à chaque contexte géographique et socio-culturel, ainsi que le recommande la Haute Autorité de santé (HAS), et l’inscription de l’ETP dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), qui intègre l’ETP dans le parcours de soins du patient. Permettre à des patients âgés, géographiquement isolés, de participer à des séances d’ETP est un devoir et une nécessité. Nous décrivons l’expérience d’une unité mobile d’ETP pour des patients atteints de diabète de type 2, dans la région rurale de Nord Côte d’Or.

Mots-clés : Diabète de type 2 – éducation thérapeutique du patient – patients âgés – unité mobile d’éducation.

SummaryIf we haven’t to show anymore the efficiency of therapeutic education for patients with chronic disease, we have to make up and develop new adjusted educative facilities for each geographic and sociocultural context as advised by French HAS and HPST law which includes therapeutic education as an essential part of patient’s care. It is a duty and a necessity to offer to elderly patients living in isolated areas, therapeutic education sessions. We describe the experience of an educational mobile unit for type 2 diabetic patients in the north Côte d’Or rural country.

Key-words: Type 2 diabetes – Therapeutic patient education – Elderly patients – Educational mobile unit.

Introduction

L’épidémie de diabète sucré se pour-suit inexorablement, avec un taux de prévalence de diabète traité en France, en 2009, atteignant 4,4 %, dont 14,2 % de la population entre 65 et 74 ans, et 14,8 % après 75 ans [1].Selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) [2], « l’éducation

thérapeutique du patient (ETP) doit être proposée à toute personne […] ayant une maladie chronique, quels que soient son âge, le type, le stade et l’évolution de sa maladie et aux proches du patient […] Le lieu de vie ne doit pas priver a priori le patient d’une ETP […] Les programmes d’ETP doivent être adaptés en terme d’accessibilité géographique, cultu-relle, de souplesse, dans la réponse aux

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besoins et aux attentes […] ». Pour sa part, la loi Hôpital, patients, santé et ter-ritoires (loi HPST) [3], du 21 juillet 2009, précise que « L’éducation thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. »En région Haute Côte d’Or, la préva-lence du diabète est de 3,9 %, et le nombre estimé de patients diabétiques de type 2 est de 2 800. La Haute Côte d’Or (110 km nord-sud/60 km est-ouest), située au nord de la Côte d’Or, est une région rurale, à densité de population faible : 18 habitants par km2 versus 93,5 habitants/km2 pour l’ensemble de la France métropolitaine. Les moyens de transport y sont peu développés et la population est âgée : les plus de 60 ans représentant 27,5 % (21,1 % en France métropolitaine). Il s’agit d’une région sous-médicalisée, avec 93,4 médecins pour 100 000 habitants (alors qu’en région PACA, par exemple, la densité médicale est de 141 médecins/100 000 habitants), et il n’y a pas de dia-bétologue dans cette région.Mettre en place, dans ce territoire, une structure d’ETP pour les patients atteints de diabète de type 2, sous forme d’une unité mobile, paraissait donc être tout à fait adapté. De plus, il existait déjà, en Haute Côte d’Or, une organisation de soins gériatriques en réseau, ainsi qu’une structure administrative et juridique sur laquelle l’unité mobile d’ETP pouvait s’appuyer.

Fonctionnement de l’unité

L’unité mobile

L’unité fonctionne avec une équipe multi-professionnelle :– une secrétaire-coordinatrice à temps plein ;– une diététicienne et une infirmière à temps partiel (70 % chacune) ;– un médecin diabétologue à mi-temps ;– un professeur APAS (activité physique adaptée santé) à temps partiel (60 %).La diététicienne, le médecin, l’infirmière et l’APAS ont reçu une formation spéci-fique en ETP.

Une sophrologue complète l’équipe et anime une à deux séances hebdoma-daires.

Les patients concernésLes personnes concernées sont les patients résidant en Haute Côte d’Or, atteints de diabète de type 2, quels que soient leur âge, leur traitement, les complications et l’ancienneté de leur pathologie. Les conjoints sont conviés à participer aux séances d’ETP.L’entrée des patients dans l’unité se fait par l’intermédiaire de la secrétaire-coordinatrice, dont le bureau se situe à Montbard, ville centrale du territoire, avec une gare SNCF bien desservie. Le plus souvent, c’est le médecin traitant qui adresse le patient par téléphone, e-mail ou courrier postal. Mais les patients peu-vent prendre directement contact avec la secrétaire-coordinatrice ; c’est elle qui soutient leur motivation, en prenant le temps nécessaire pour expliquer ce qu’est l’ETP et leur proposer un pro-gramme, détaillé ci-après.Lorsque six à huit patients résidant dans la même localité, ou des localités pro-ches, ont donné leur accord, un groupe de patients, accompagnés ou non de leur conjoint, est créé.

Le déroulement des séancesLes séances se déroulent le plus souvent dans des maisons des associations, des maisons de la culture ou des salles de mairie. Les patients reçoivent une convo-cation par voie postale, mais un rappel téléphonique 48 heures avant les séan-ces s’est avéré indispensable.Les séances d’éducation sont ensuite réalisées, animées – si possible – par deux soignants, qui se déplacent sur un site proche du lieu de vie des patients.Une aide au diagnostic éducatif est par-tiellement effectuée par le médecin trai-tant, et l’équipe éducative le complète au cours des séances. Les objectifs d’ap-prentissage sont explicités au début de chaque séance, en en vérifiant la com-préhension par les patients ; les métho-des pédagogiques sont interactives, adaptées aux objectifs et aux patients. Une évaluation des connaissances et des comportements est réalisée. Un compte-rendu éducatif est adressé au médecin traitant après chaque réunion.

Le programme a été conçu sur le modèle du programme national d’éducation thé-rapeutique pour des patients du régime agricole (Mutualité sociale agricole, MSA) atteints de maladies cardiovascu-laires [4]. Il comporte quatre séances qui se déroulent à un mois d’intervalle :– une première séance sur une journée entière, avec repas pris en commun ;– les trois autres séances se déroulent chacune sur un après-midi.Au cours de ces quatre séances, les thè-mes travaillés sont :– le vécu et les représentations de la maladie ;– la définition et les causes du diabète ;– les objectifs glycémiques ;– les hypoglycémies ;– la mise en place d’une auto-surveillance glycémique.Sont également abordés :– l’équilibre alimentaire ;– la place des graisses et des sucres dans l’alimentation ;– les soins de pieds ;– les facteurs de risque cardiovascu-laire ;– l’activité physique, avec réalisation d’une « promenade didactique » ;– le traitement du diabète ;– la surveillance et le dépistage des com-plications.Une séance supplémentaire sur l’insu-linothérapie est proposée aux patients traités par insuline, dont les besoins sont très spécifiques.À 1 an, les patients ayant déjà participé au programme initial peuvent participer à une séance de « suivi ».En plus des séances d’ETP décrites ci-dessus, des séances d’activité physique adaptée (bouger dans l’eau, équilibre, souplesse, marche) sont proposées aux patients, ainsi que des séances de sophrologie, dans le cadre de la gestion du stress.

Résultats à cinq ans

Caractéristiques de la population

Au total, 281 patients, répartis en 128 hommes et 153 femmes, ont été pris en charge, dont 48 % âgés de 70 ans et plus :– 50,9 % ont moins de 10 ans de dia-bète ;

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– l’indice de masse corporelle (IMC) moyen est de 31,5 kg/m2, le tour de taille moyen de 109,7 cm ;– 64,8 % des patients disent n’avoir aucune complication de leur maladie dia-bétique ;– 68,6 % ne sont suivis ni par un diabé-tologue libéral, ni par un diabétologue hospitalier, et n’ont jamais bénéficié d’un programme structuré d’ETP, que ce soit en individuel ou en collectif ;– 31 % sont accompagnés de leur conjoint ;– le taux d’HbA1C moyen est de 7,3 % et 7,5 % des patients ont un taux d’HbA1c < 6 %.

Mode de recrutementPlusieurs possibilités de recrutement ont été observées :– 58,6 % des patients sont adressés par leur médecin traitant, le diabétologue, ou un autre médecin spécialiste ;– 15,1 % des patients viennent par l’in-termédiaire de l’Union régionale des médecins libéraux (URML), avec laquelle le réseau de santé Nord Côte d’Or colla-bore déjà pour le dépistage itinérant de la rétinopathie diabétique ;– 12,5 % des patients viennent d’eux même, ou sur les conseils d’un autre patient.

Taux de participation aux séancesLe taux de participation aux séances se divise comme suit :– 89,0 % des patients ont participé à toutes les séances ;– 2,9 % des patients ont participé à trois séances ;– 2,9 % des patients ont participé à deux séances ;– 5,0 % ont participé à une seule séance.

Satisfaction des patientsLa satisfaction des patients a été mesu-rée de deux manières :– une enquête de satisfaction, effectuée auprès de 202 patients, après les quatre séances du programme initial ;– un questionnaire plus spécifique, pro-posé aux 77 patients venus à une séance de suivi à 1 an. • L’enquête de satisfaction montre que

les patients sont « plutôt satisfaits » ou

« très satisfaits » concernant les points suivants :– organisation et horaires (99 %) ;– clarté des informations (100 %) ;– durée des séances (100 %) ;– sujets traités (100 %).Cent pour cent des patients conseille-raient à d’autres patients de participer à ces séances. • Le questionnaire à 1 an montre que

les patients estiment :– mieux comprendre ce qu’est l’ETP (98,6 %) ;– mieux prendre en charge leur diabète (100 %) ;– mieux accepter leur maladie (97,1 %) ;– mieux communiquer avec leur médecin traitant (90,4 %) ;– porter plus d’intérêt à leur maladie (98,6 %) ;– avoir globalement moins de difficultés à vivre avec leur maladie (78,8 %).

Satisfaction des médecins traitantsUne enquête réalisée par l’Observatoire régional de la santé (ORS)-Bourgogne [5], en 2009, montre que les relations des médecins traitants avec l’unité mobile sont « plutôt » ou « très » satisfaisantes (100 %).Pour les médecins adhérents au réseau, ils pensent, à 87 %, que l’adhésion au réseau facilite la prise en charge des patients. Mais, dans la même enquête, il est constaté que ces médecins ne pro-posent qu’à 60 % de leurs patients une prise en charge par l’unité d’ETP.Quant aux médecins traitants qui n’ad-hèrent pas au réseau, ils invoquent le manque de temps pour 62 %, et la fin de leur carrière pour 15 % d’entre eux.

Discussion

Cette expérience montre qu’une unité mobile d’éducation peut pallier les diffi-cultés d’accessibilité des patients à l’ETP dans un territoire donné, et répondre en grande partie aux recommandations émises par la HAS. Des difficultés sub-sistent cependant.

Le recrutement des patientsEn 5 ans, nous avons « touché » 10 % de la population diabétique théorique et accueillons environ 50 nouveaux patients par an. Est-ce beaucoup ? Est-ce peu ? Nous ne disposons pas vraiment d’étu-des de référence dans ce domaine. Si nous comparons ces résultats à ceux de l’évaluation d’un programme national, en France, d’éducation thérapeutique pour des patients du régime agricole (MSA) atteints de maladies cardiovas-culaires [4], 786 patients volontaires, sur 16 régions françaises, ont été recrutés en 3 ans, soit 16 patients par région et par an. En référence à cette étude, notre recrutement paraît donc plutôt satisfai-sant.En ce qui concerne notre unité, ni la qua-lité de la prise en charge des patients, ni celle des relations de l’équipe éducative avec les médecins traitants ne semblent en cause dans ces difficultés de recrute-ment, comme en témoigne l’enquête de l’ORS-Bourgogne.Pourquoi, alors, le recrutement des patients est-il si difficile ? Les médecins n’ont pas encore la culture de l’ETP et ne sont pas formés à la présentation de l’ETP aux malades. Ils manquent de temps pour informer et motiver les patients, et sélectionnent ceux auxquels

• Une unité mobile d’éducation thérapeutique du patient (ETP) permet à des patients

atteints de diabète de type 2 de bénéficier de séances collectives d’ETP, quel que

soit leur isolement géographique et socio-culturel. Elle réduit ainsi les inégalités de

soins qui s’installent actuellement entre milieu rural et milieu urbain.

• Une telle structure de proximité, en concernant des patients avec un diabète de

type 2 plutôt récent, avec peu de complications, est complémentaire des structures

éducatives classiques existantes en milieu hospitalier.

• L’entourage du patient peut également être davantage impliqué, et ainsi favoriser les

changements de comportements et la pérennisation de ces changements.

Les points essentiels

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ils proposent l’ETP. Ce temps d’informa-tion des patients est fondamental car, eux aussi, s’interrogent sur ce que sont les séances d’ETP. La coordinatrice de l’unité passe un temps significatif afin d’expliquer aux personnes intéressées ce que peuvent leur apporter les séan-ces éducatives, mais l’implication du médecin traitant est fondamentale : les patients informés et adressés par leur médecin sont beaucoup plus impliqués. Cette difficulté de recrutement, qui est générale, a été développée dans le rap-port Jacquat [5] sur l’ETP (Assemblée nationale, 8 juillet 2010).La durée de la première séance (une journée entière) est parfois un frein à l’adhésion initiale des patients, mais les personnes ayant participé au programme d’ETP, et interrogées sur ce sujet, pen-sent que le repas partagé ce premier jour est un moment privilégié pour créer une dynamique de groupe et favoriser l’ex-pression libre de chacun.Le délai entre la première prise de contact et la première séance du programme est également source de difficultés : il doit être réduit au minimum pour maintenir la motivation. Or, il est parfois difficile de réunir suffisamment de patients d’une même localité, ou de localités proches, dans un délai raisonnable. Nous sommes alors contraints de créer des groupes de taille réduite. Si le bénéfice des séances reste important, notamment pour des patients en difficulté, la dynamique de groupe est moins riche et le coût de fonctionnement plus élevé.

La participation des conjointsPeu d’études s’intéressent à la partici-pation des proches aux séances d’ETP, mais, dans les institutions, il est clair qu’ils ne participent que rarement aux programmes éducatifs.Dans les séances que nous animons avec l’unité mobile, 33,5 % des patients sont accompagnés par un proche, qui participe activement aux différents ate-liers. La proximité et le caractère extra-hospitalier de notre structure en sont probablement la raison.

Le diagnostic éducatifÊtre centré sur le patient est la préoc-cupation première du soin éducatif pro-posé aux patients atteints de maladie

chronique. C’est dans ce but qu’un dia-gnostic éducatif [6, 7], ou une évaluation pédagogique initiale, puis répétée, des patients, dans leurs différentes dimen-sions, est indispensable.Il est matériellement impossible aux mem-bres de l’unité mobile d’avoir un entretien individuel avec chaque patient et, pour sa part, le médecin traitant n’est pas vrai-ment formé au diagnostic éducatif. Ce manque est partiellement comblé par le fait que nous passons du temps avec les patients (20 heures s’ils assistent à toutes les séances), permettant ainsi l’enrichis-sement du diagnostic éducatif au fil des séances. La présence des conjoints, dans plus de 30 % des cas, apporte rapidement des informations complémentaires.Les salles où se déroulent les séances sont variées et, le plus souvent, hors des lieux de soins (salle des fêtes, maison des associations, salle de mairie…), ce qui diminue d’emblée la distance soi-gnant-soigné et permet de centrer la rencontre davantage sur la personne que sur la maladie. Chacun s’inscrit dans la vie sociale du territoire : le maire, l’ins-tituteur, l’ancien prêtre de la paroisse… jusqu’aux cousins éloignés !Pour l’instant, nous n’avons pas trouvé de solution pour faire mieux, mais nous nous efforçons de faire au mieux !

La personnalisation des objectifs d’apprentissageDans notre fonctionnement actuel, le programme d’éducation initial est « pré-défini ». Il porte sur les « fondamentaux » et les objectifs de sécurité concernant la pathologie, les traitements, les difficultés, etc.

Au début de chaque séance, les objectifs du programme d’éducation sont présen-tés, expliqués et discutés. L’animateur fait exprimer les besoins et les attentes complémentaires des patients. Il est dif-ficile d’améliorer cette individualisation, qui paraît cependant suffisante pour la formation « initiale ».En revanche, l’organisation de séances de suivi éducatif nécessite une évaluation individuelle afin de définir des objectifs personnalisés et organiser les formations collectives :– notre unité a-t-elle les moyens de réali-ser une évaluation individuelle pour tous les patients ?– faut-il sélectionner certains patients, et sur quels critères ?– qui doit réaliser l’évaluation ?– quel doit être le rôle du médecin traitant dans cette évaluation ?

La planification des formationsIl s’agit d’un exercice compliqué. En effet, un programme, avec des dates déterminées à l’avance, est proposé aux patients qui souhaitent, le plus souvent, participer aux quatre séances d’ETP. Il leur est néanmoins difficile de respecter le planning prévu.Les raisons en sont multiples :– l’une d’entre elles est la « météo » : si l’été est propice au jardinage, l’hiver rend difficile les déplacements avec des rou-tes de campagne non déneigées ;– les vacances scolaires limitent égale-ment le choix des dates : la visite des petits-enfants est une priorité ;– les rendez-vous médicaux, auprès du médecin généraliste ou du spécialiste, sont également prioritaires.

Notre unité mobile accueille les patients diabétiques d’un territoire géographique rural

médicalement désertifié et concerne des patients « en bonne santé », atteints d’un

diabète de type 2 plutôt récent, avec peu de complications. Elle s’avère être com-

plémentaire des structures éducatives traditionnelles existantes dans les institutions

hospitalières qui, en hospitalisation traditionnelle, touchent des patients atteints de

diabète plus ancien, plus compliqué et plus déséquilibré.

Son fonctionnement est en accord avec les recommandations de la HAS et permet

d’intégrer l’ETP dans le parcours de soins du patient.

Un tel modèle pourrait donc être développé dans d’autres territoires français.

Conclusion

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Une autre difficulté est la dépendance. En effet, certaines personnes ont en charge un conjoint ou un parent dépendant et ne peuvent se libérer facilement.

Sources de financementCe projet a été réalisé grâce au financement et

au soutien de l’Union régionale des caisses d’As-

surance maladie (Urcam) de Bourgogne, puis de

l’Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne.

Déclaration d’intérêtLes auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit

d’intérêt en lien avec cet article.

Références[1] Ricci P, Blotière PO, Weill A, et al. Diabète traité : quelles évolutions entre 2000 et 2009 en France ? Bull Épidémiol Hebd (BEH) 2010;42-43:425-31.

[2] Haute Autorité de santé (HAS) ; Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Structuration d’un programme d’éducation thé-rapeutique du patient dans le champ des mala-dies chroniques. Guide méthodologique 2007. Santé Publique 2008;20(Hors série):1-92. www.has-sante.fr

[3] Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (Loi HPST). Article 84. Journal Officiel de la République Française, 22 juillet 2009.

[4] Crozet C, Van Bockstael V, Devos J, d’Iver-nois JF. Évaluation d’un programme national en France d’éducation thérapeutique pour des patients du régime agricole atteints de mala-dies cardio-vasculaires. Éduc Ther Patient/Ther Patient Educ 2009;1:33-8.

[5] Jacquat D. Éducation thérapeutique du patient. Propositions pour une mise en œuvre rapide et pérenne. Rapport remis au premier Ministre, juillet 2010.

[6] Traynard PY. Le diagnostic éducatif. Une bonne idée pour évoluer. Médecine des maladies Métaboliques 2010;4:31-7.

[7] d’Ivernois JF, Gagnayre R. Apprendre à édu-quer le patient : approche pédagogique. 2e édi-tion. Paris: Maloine, 2004.