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Revue du rhumatisme monographies 80 (2013) 174–178 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Éducation thérapeutique et lombalgie chronique Chronic low back pain and patient’s education Violaine Foltz a,, Franc ¸ oise Laroche b , Arnaud Dupeyron c,d a Service de rhumatologie, CHU Pitié Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France b Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, service de rhumatologie, hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris, France c Service de médecine physique et réadaptation (MPR), université Montpellier Nîmes, groupe hospitalo-universitaire Carémeau, place Robert-Debré, 30029 Nîmes, France d Movement to Health, Euromov, 700, avenue du Pic-Saint-Loup, 34090 Montpellier, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 2 mai 2013 Disponible sur Internet le 12 juin 2013 Mots clés : Lombalgie Chronicité Craintes Croyances Éducation r é s u m é La lombalgie chronique est une entité complexe et aujourd’hui considérée dans sa dimension bio- psychosociale. La douleur initiale entraîne progressivement des modifications de comportement, des « représentations catastrophiques » et des conduites d’évitement qui jouent un rôle prépondérant dans la chronicisation des phénomènes douloureux et la désocialisation. L’échec relatif des stratégies habi- tuelles a conduit aux programmes multidisciplinaires. Progressivement, sur l’exemple d’autres maladies chroniques, l’éducation thérapeutique (ETP) a naturellement été proposée pour autonomiser les patients, modifier leurs croyances, adapter la prise en charge de la douleur, le rassurer pour l’aider à se remettre en activité aussi bien physiquement que professionnellement et socialement. L’efficacité de ces programmes n’a pas encore était parfaitement démontré mais les approches pluridisciplinaires couplant information et éducation, thérapies cognitivo-comportementales et mise en situation par des exercices physiques semblent donner des résultats satisfaisants. Les nombreuses autorisations accordées aux programmes d’ETP par les agences régionales de santé en France illustre leur intérêt potentiel dans cette indication. © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Low back pain Chronic Fear Beliefs Education a b s t r a c t Chronic low back pain is a complex entity for which medical care has to be performed according to a biopsychosocial approach. Pain and fear-avoidance are the main negative prognostic factors and often result in negative behavioral modification, activity limitations, participation restriction, functional disa- bility, and social exclusion. Usual medications are then ineffective in these cases and multidisciplinary strategies are essential to decrease patients’ fear of movement and back pain beliefs. In the last years, educational strategy grows up for chronic low back pain patients. Treatment programs usually consist of an extensive combination of physical, vocational, and behavioral components, and the modification of medication use. Objectives are to help patients to manage pain and treatment, restore function, social and professional activities and ultimately improve quality of life. Results concerning these treatments are poor but are in favor if these programs allow the patient to return to a near-normal quality of life despite pain. In France, several authorizations have been given for those educational programs, illustrating their interest in this indication. © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Lombalgie : problème de santé publique La lombalgie est toujours en 2013 un problème de santé publique majeur. Une minorité de patients (environ 7 à 10 %) deviennent douloureux chronique et engendre 85 % des coûts [1]. Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (V. Foltz), [email protected] (F. Laroche), [email protected] (A. Dupeyron). C’est un symptôme d’origine souvent incertaine puisque la présence de lésions sur l’imagerie (discopathie, arthrose postérieure. . .) ne permet pas de distinguer les patients sympto- matiques des sujets asymptomatiques [2]. Les conséquences sont décrites sous le terme de décondition- nement rachidien [3] associant raideur lombo-pelvienne, perte de force et d’endurance et instabilité. Les croyances erronées des patients lombalgiques sont des facteurs d’incapacité [4] (Tableau 1). Elles concernent autant la douleur, sa cause, son évolution et sa prise en charge : (« J’ai des 1878-6227/$ see front matter © 2013 Société franc ¸ aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.05.001

Éducation thérapeutique et lombalgie chronique

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Revue du rhumatisme monographies 80 (2013) 174–178

Disponible en ligne sur

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ducation thérapeutique et lombalgie chronique

hronic low back pain and patient’s education

iolaine Foltza,∗, Franc oise Larocheb, Arnaud Dupeyronc,d

Service de rhumatologie, CHU Pitié Salpêtrière, 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, FranceCentre d’évaluation et de traitement de la douleur, service de rhumatologie, hôpital Saint-Antoine, 75012 Paris, FranceService de médecine physique et réadaptation (MPR), université Montpellier Nîmes, groupe hospitalo-universitaire Carémeau, place Robert-Debré, 30029 Nîmes, FranceMovement to Health, Euromov, 700, avenue du Pic-Saint-Loup, 34090 Montpellier, France

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 2 mai 2013isponible sur Internet le 12 juin 2013

ots clés :ombalgiehronicitéraintesroyancesducation

r é s u m é

La lombalgie chronique est une entité complexe et aujourd’hui considérée dans sa dimension bio-psychosociale. La douleur initiale entraîne progressivement des modifications de comportement, des« représentations catastrophiques » et des conduites d’évitement qui jouent un rôle prépondérant dansla chronicisation des phénomènes douloureux et la désocialisation. L’échec relatif des stratégies habi-tuelles a conduit aux programmes multidisciplinaires. Progressivement, sur l’exemple d’autres maladieschroniques, l’éducation thérapeutique (ETP) a naturellement été proposée pour autonomiser les patients,modifier leurs croyances, adapter la prise en charge de la douleur, le rassurer pour l’aider à se remettre enactivité aussi bien physiquement que professionnellement et socialement. L’efficacité de ces programmesn’a pas encore était parfaitement démontré mais les approches pluridisciplinaires couplant informationet éducation, thérapies cognitivo-comportementales et mise en situation par des exercices physiquessemblent donner des résultats satisfaisants. Les nombreuses autorisations accordées aux programmesd’ETP par les agences régionales de santé en France illustre leur intérêt potentiel dans cette indication.

© 2013 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

eywords:ow back painhroniceareliefsducation

a b s t r a c t

Chronic low back pain is a complex entity for which medical care has to be performed according to abiopsychosocial approach. Pain and fear-avoidance are the main negative prognostic factors and oftenresult in negative behavioral modification, activity limitations, participation restriction, functional disa-bility, and social exclusion. Usual medications are then ineffective in these cases and multidisciplinarystrategies are essential to decrease patients’ fear of movement and back pain beliefs. In the last years,educational strategy grows up for chronic low back pain patients. Treatment programs usually consistof an extensive combination of physical, vocational, and behavioral components, and the modification

of medication use. Objectives are to help patients to manage pain and treatment, restore function, socialand professional activities and ultimately improve quality of life. Results concerning these treatments arepoor but are in favor if these programs allow the patient to return to a near-normal quality of life despitepain. In France, several authorizations have been given for those educational programs, illustrating their

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interest in this indication© 2013 Société fra

. Lombalgie : problème de santé publique

La lombalgie est toujours en 2013 un problème de santéublique majeur. Une minorité de patients (environ 7 à 10 %)eviennent douloureux chronique et engendre 85 % des coûts [1].

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected] (V. Foltz),

[email protected] (F. Laroche), [email protected]. Dupeyron).

878-6227/$ – see front matter © 2013 Société franc aise de rhumatologie. Publié par Elsettp://dx.doi.org/10.1016/j.monrhu.2013.05.001

e de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

C’est un symptôme d’origine souvent incertaine puisquela présence de lésions sur l’imagerie (discopathie, arthrosepostérieure. . .) ne permet pas de distinguer les patients sympto-matiques des sujets asymptomatiques [2].

Les conséquences sont décrites sous le terme de décondition-nement rachidien [3] associant raideur lombo-pelvienne, perte deforce et d’endurance et instabilité.

Les croyances erronées des patients lombalgiques sont desfacteurs d’incapacité [4] (Tableau 1). Elles concernent autant ladouleur, sa cause, son évolution et sa prise en charge : (« J’ai des

vier Masson SAS. Tous droits réservés.

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V. Foltz et al. / Revue du rhumatisme monographies 80 (2013) 174–178 175

Tableau 1Exemples de cognitions dites « dysfonctionnelles » que l’on peut détecter lors desentretiens avec les patients lombalgiques chroniques.

Catastrophisme oudramatisation

« Je ne m’en sortirai jamais »

Surgénéralisation « Depuis que j’ai mal, ma vie est fichue »Abstraction sélective « Le chirurgien m’a dit beaucoup de

choses, mais ce que j’ai retenu, c’estque ma situation est préoccupante, etje ne me souviens même plus du restede la consultation »

Personnalisation « C’est de ma faute si j’ai mal au dos »Raisonnement

dichotomique« Aucun traitement n’est efficace »

Minimalisation dupositif/maximalisation dunégatif

« D’accord, je marche mieux ; maisavant je courais »« Je n’arrive plus à fermer l’œil la nuit »

Inférence arbitraire ouconclusion sanspreuve

« C’est à cause de mon lit trop mou quej’ai abîmé mon dos »

Filtrage du négatif « Je n’ai que des effets secondaires avecles médicaments »

« Shouldisme » : on doit,il faut

« Tout le monde devrait mecomprendre »

Projets possibles « Je ne pourrai retourner au travail que

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Tableau 2Drapeaux jaunes ou facteurs de risque de chronicisation de la douleur.

Problèmes émotionnels Dépression, anxiété, stress, conscienceaugmentée des sensations corporelles,tendance à une humeur dépressive, retraitdes activités sociales. . .

Attitudes etreprésentationsinappropriées

Idée que la douleur est dangereuse ourisque d’entraîner un handicap(catastrophisme), attente de solutionsplacées dans des traitements passifs. . .

Comportementsdouloureuxinappropriés

Évitement et réduction d’activité liés à lapeur

Problèmes liés autravail

Insatisfaction professionnelle,environnement de travail hostile, attentede réparation. . .

uniquement si ladouleur diminue

lorsque je n’aurai plus mal »

ecs de perroquet dans le dos », « J’ai mal à cause du sport ». . .). Cesroyances constituent un frein au traitement et limitent l’adhésionhérapeutique [4].

Les craintes des patients et leur expérience antérieure peuventarticiper à la chronicisation de la douleur. Vlaeyen et Linton ontécrit deux types de réactions face à un événement douloureuxFig. 1) : la confrontation (qui permet la récupération) et la crainte5]. Les patients « craintifs » décrivent une expérience négative et/oune mauvaise gestion de la douleur aboutissant aux conduites’évitements : peur de la douleur (algophobie), du mouvementkinésiophobie), des conséquences futures de la douleur. Cette peurevient finalement plus handicapante que la douleur elle-même [6]ontribuant au déconditionnement et à la désocialisation.

De l’ensemble de ce tableau entremêlant douleur, craintes,royances, vont découler des attitudes et des conséquences com-ortementales multiples. Il peut s’agir de grimaces, de postures,

e gémissements, d’attitudes de contre-stimulation (massage,rottement), de l’utilisation d’outils techniques (canne, lom-ostat), d’arrêts de travail [6] qui sont adaptées à la phase

nitiale pour réduire la douleur. Lorsque ces comportements sont

Catastr ophismede la douleur

Peur lié e à la douleur

Évitement

Blessure

Pas decrainte

Récupérat ionDéconditionnem entDépressionIncapacités

. Émotion négative provena ntd ’inf ormatio ns menaça ntes

sur la maladie

. Expérienc e antér ieure

Confron tation

Fig. 1. Cercle vicieux de la douleur chronique selon que l’on a des craintes ou pas.

’après Vlaeyen et Linton [5].

Environnementfamilial défavorable

Surprotection ou manque de soutien

autoentretenus, ils constituent un handicap en cas d’évitement per-manent des activités quotidiennes [7].

Ainsi, parmi tous les facteurs de chronicité de lombalgiechronique décrits (drapeaux jaunes, Tableau 2), les facteurs psycho-comportementaux et professionnels sont au premier plan si bienqu’après plusieurs mois d’évolution, la douleur n’expliquerait plusque 10 % de la variance du handicap [8].

Au total, la lombalgie chronique est un symptôme fréquent,hétérogène, souvent source de croyances erronées et d’un compor-tement « désadapté » aboutissant à un déconditionnement à l’effortet des répercussions psycho-socio-professionnelles.

2. Lombalgies chroniques et recommandations

L’absence quasi-constante d’étiologie précise rend difficile,voire impossible, la possibilité d’un traitement spécifique, cura-tif. Les recommandations de prise en charge de la lombalgiemettent en avant l’association de moyens médicamenteux et nonmédicamenteux [9] sans pour autant mentionner l’ETP [10]. Lesrecommandations insistent néanmoins sur un certain nombre demessages à transmettre aux patients.

2.1. Repos

Le repos strict est néfaste, et est non recommandé [9,11–13].

2.2. Prise en charge de la douleur

Les patients sont souvent réfractaires aux médicaments par peurde dépendance, de masquer la douleur ou de survenue d’effets indé-sirables, par désir inconscient de vouloir guérir. L’utilisation destraitements est souvent anarchique et mal comprise. La transmis-sion d’informations rassurantes sur les prescriptions (utilisationet effets indésirables), leurs objectifs (diminuer l’intensité doulou-reuse pour faciliter la reprise d’activité) et leurs gestions (horaires,posologie) paraît indispensable.

2.3. Réassurance « anatomique »

L’enjeu est de ne pas laisser le patient s’enfermer dans un diag-nostic lésionnel : « C’est ma hernie discale la cause de ma douleur »ou dans de fausses croyances « Je suis fichu ». Quitter l’analyse bio-

médicale pure permet au patient de prendre en compte les autresfacteurs de la douleur (inactivité ou isolement social par exemple).Plusieurs livrets ont été développés dans ce sens et sont décrits plusloin.
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.4. Activité physique

La reprise d’activité physique fait largement partie des recom-andations. Vingt-cinq revues systématiques de la littérature

uggèrent que les exercices sont efficaces, sans en promouvoir unype plutôt qu’un autre. Néanmoins, ces exercices ne sont pas suf-sants seuls, et doivent être réalisés dans le cadre d’une prise enharge pluridisciplinaire [14]. La finalité est que le patient pour-uive seul l’activité sans être dépendant des soignants.

.5. Activité professionnelle

Le travail est un besoin pour l’homme, source d’autonomie,’estime de soi, de dignité et de qualité de vie. C’est un milieue rencontre, d’expériences favorables à l’apprentissage. Différentsravaux ont montré que le travail était bénéfique pour la santé aussiien des personnes saines que des patients, y compris les sujetsouloureux chroniques [15]. Il est ainsi important de maintenir leatient dans le monde professionnel. Lorsqu’une atteinte à la santérive une personne de son travail, cette personne ajoute à son pro-lème de santé la privation d’une activité essentielle à son équilibre,e qui ne peut que la renforcer dans son rôle de malade.

Si les recommandations insistent sur la nécessité d’information,es dernières ont une efficacité modérée et imposent la formalisa-ion de programmes plus structurés [10].

. Éducation thérapeutique (ETP) et lombalgie chronique

.1. Étapes de l’éducation thérapeutique

Les conséquences biopsychosociales de la lombalgie chroniqueont multiples et dépassent le cadre strict de la douleur, ce quie correspond pas toujours aux attentes des patients. Il existeonc une inadéquation entre les attentes des patients lombalgiquesvolonté de guérir) et les solutions proposées (bouger malgré laouleur). Hors il a été démontré que les effets des traitements sontn partie liés aux attentes des patients [4].

Il paraît donc indispensable de proposer des évaluations adap-ées individualisées – le plus souvent sous la forme d’entretiensducatifs et motivationnels semi-dirigés – pour mieux définir ceue les patients attendent et souhaitent faire pour y parvenir. Ceilan éducatif est la première étape concrète de la démarche.

La deuxième étape repose sur la prise de conscience que la mala-ie lombaire est différente de ce qu’ils perc oivent pour aboutir à

’acquisition de compétences pour maintenir une qualité de vieatisfaisante (malgré les douleurs lombaires). Enfin, la troisièmetape vise à surveiller le maintien des compétences.

.2. Éducation thérapeutique et lombalgie chronique : laittérature

Les données de la littérature sont pauvres à ce sujet etoncernent essentiellement des programmes d’information plutôtue des programmes d’éducation [10].

.2.1. InformationDifférents outils (documents écrits ou supports multimédias)

nt été développés dont le pus connu, le « Guide du dos » (Backook) est un livret validé en franc ais, fondé sur le modèle bio-sychosocial [16,17]. Cet outil permettrait de réduire la douleurt améliorer la satisfaction du patient sans pour autant diminuer’absentéisme au travail [10,16,18].

.2.2. Éducation thérapeutique selon le modèle biopsychosocialDans le cadre de la lombalgie aiguë ou subaiguë [19,20] ou

hronique [21] les séances d’éducation d’inspiration « technique

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cognitivo-comportementale » ont montré un intérêt et une effi-cacité d’autant que les interventions sont associées (exercices,technique cognitivo comportementale [TCC], traitements conven-tionnels).

Le détail de ces « techniques cognitivo-comportementale » estdéveloppé dans un autre chapitre par Franc oise Laroche dans cettemême monographie.

4. Programmes de réentraînement à l’effort

Les études montrent dans l’ensemble un effet positif en termesde changements de comportements avec reprise des activités pro-fessionnelles (60 à 90 % de reprise). Les autres paramètres (donnentdes résultats variables : la douleur peut être améliorée ou non ;les capacités physiques sont en général augmentées ; les critèrespsychologiques [dépression et d’anxiété]) sont constamment amé-liorés en fin de stage ; enfin les indices fonctionnels et de qualitéde vie sont significativement améliorés à court terme mais pluscontrastés à long terme.

Il n’existe aucun consensus sur le programme idéal en termesd’intervenant, de durée, de type de séance, d’évaluation. . .

5. Exemples de programmes d’éducation thérapeutiquedans les lombalgies en France : programme deré-entraînement à l’effort (PRE)

Nous citons ici l’exemple de programmes en France (Paris [Pitiéet Lariboisière]) et en Province (Nîmes, Montpellier).

5.1. Population cible

Elle est définie au préalable. Elle concerne les patients lombal-giques ou lombosciatalgiques opérées ou non, en phase chroniqueou subaiguë. Les patients sont ceux d’une filière active souventrecrutés lors de consultations CHU ou ambulatoire ou par le biaisd’un réseau de soins actifs.

5.2. Objectifs

Ils sont clairement définis avec les patients avant le début duprogramme pour obtenir le consentement du patient. Les objectifspeuvent être multiples : reprendre les activités physiques et socio-professionnelles, apprendre à mieux accepter et gérer la douleur,reconnaître et prévenir les facteurs déclenchant ou aggravant ladouleur (stress, certaines positions. . .).

5.3. Programme

Un programme est défini par une série de compétences queles patients sont en mesure d’acquérir : compétences d’auto soinscomme l’apprentissage de la gestion des traitements, capacitésde s’entretenir physiquement ; compétences de sécurité : évitersédentarité ; compétences d’adaptation : faire « avec » sa douleur.Sa durée varie de cinq jours à quatre semaines.

Les séances sont individuelles ou collectives, de durée variable.Chaque séance et atelier est décrit avec ses objectifs propres (ges-tion des antalgiques par exemple), son contenu, les ressourceséducatives (table ronde, méta plan), le matériel utilisé (tableau,vidéo, poster, jeux de carte. . .).

5.4. Diagnostic éducatif

C’est un temps d’évaluation privilégié des facteurs quiinfluencent les comportements de santé du patient. Il se fait lorsd’une consultation individuelle avec le médecin et/ou l’infirmier

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V. Foltz et al. / Revue du rhumati

vant le début du programme. Plusieurs questions sont abordées :a vision que le patient a de sa santé, ses connaissances, son parcourst sa manière d’accepter la pathologie, son contexte de vie (famille,ntourage, travail), ses comportements, ses croyances et représen-ations, les répercussions de la douleur, ses projets personnels etes attentes.

À la fin de l’entretien, un programme personnalisé et un plan’action sont définis avec le patient.

.5. Information

L’information se fait par l’équipe avec des supports validésBack Book, documents INPES, diaporamas interactifs ou produc-ion propre à l’équipe). L’important est qu’elle puisse se faire sousa forme d’échanges pour répondre aux attentes et inquiétudes desatients en veillant à la bonne cohésion du message véhiculé par

’équipe.Une distribution de documents et de site Internet permet au

atient de rechercher des informations en temps voulu.

.6. Activité physique

L’intégration du programme physique permet de mettre lesatients en situation (diminution craintes) et de les faire progres-er par contrat et non plus en fonction de la douleur. Dans ce sens,e critère d’efficacité n’est plus la diminution ou la disparition desouleurs, mais la reprise et le maintien d’une activité physique.

Plusieurs activités physiques (musculation sur machine, exer-ices au sol, balnéothérapie, Wii fit, Pilate, parcours de santé, mur’escalade, gymnastique rythmique, gestion du stress, Qi Kong etelaxation. . .) peuvent être proposées afin que le patient choisisset poursuive seul celles qui lui conviennent. Les patients repartentvec un document personnalisé et illustré de photos des exercices

poursuivre.

.7. Prise en charge pluridisciplinaire

L’équipe pluridisciplinaire rassemble plusieurs professionnels :nfirmier, kinésithérapeutes, ergothérapeute, psychologue, dié-éticienne, assistante sociale, professeurs d’activités physiquesdaptées et médecins. Certaines spécificités peuvent émergeromme une dominance rhumatologique (Pitié, Lariboisière), ouédecine physique (Nîmes, Montpellier), la présence de médecin

e la douleur ou de soignants ayant une formation spécifique (TCC).ertains intègrent des patients experts.

Les réunions de synthèse sont une étape importante du parcoursatient et permet d’analyser les situations individuelles, échangerur les objectifs, l’évolution et les problèmes rencontrés.

Des réunions d’équipes sont aussi nécessaires pour évaluer lerogramme.

.8. Suivi et l’évaluation

Après le programme, les consultations de suivi permettent’évaluer le devenir du patient et de contrôler que les objectifs indi-iduels ont bien été atteints. Le contenu, le rythme et la durée deuivi varient selon les centres.

.9. Résultats du centre de la Pitié

Ils ont été publiés pour 105 patients avec un recul de 3,5 ans deuivi [22]. La population comprenait 57 % de femmes, d’âge moyen

4 ans. Malgré la sévérité des symptômes (durée moyenne d’arrête travail de 14,8 ± 19,7 mois), la plupart d’entre eux reprenaientne activité professionnelle (55 %) et une activité physique (70 %).ourtant l’intensité de la douleur, aussi bien lombaire que

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radiculaire, ne variait pas, témoignant d’un changement de com-portement par rapport à la douleur et l’activité.

5.10. Problématique médicoéconomique

D’un point de vue médicoéconomique, il est encore difficile deconclure à la supériorité de ces programmes versus la prise encharge « moins lourde », ce type d’étude étant extrêmement com-pliquée à réaliser.

6. Conclusion

L’ETP représente une évolution marquante des programmesmultidisciplinaires selon le modèle biopsychosocial pour lespatients lombalgiques chroniques. Elle permet d’optimiser la priseen charge par des objectifs partagés avec le patient à partir d’unbilan personnalisé : le patient se sent compris, écouté, valorisé, etdevient l’acteur de sa propre santé. Ces stratégies semblent limiterles conséquences de la lombalgie en termes de consommation desoins et de répercussions psychosociales.

L’avenir repose aujourd’hui essentiellement sur une détection etune prise en charge plus précoce des patients lombalgiques avantqu’ils ne se chronicisent avec des conséquences majeures (inac-tivité, désocialisation). Il serait alors intéressant de proposer desprogrammes plus légers et moins coûteux.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

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