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Journal des Maladies Vasculaires (2010) 35, 355—358 CAS CLINIQUE Embolisation trans-hépatique d’un anévrisme de l’artère hépatique post-cholécystectomie laparoscopique Transhepatic embolization of a hepatic artery aneurysm following laparoscopic cholecystectomy S. Slaba a , O. Abed a , N. Mallak a,, J. Nassar b a Service d’imagerie médicale, Hôtel-Dieu de France, boulevard Alfred-Nacchache, Achrafieh, BP 16, 6830 Beyrouth, Liban b Service d’imagerie médicale, université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban Rec ¸u le 29 mars 2009 ; accepté le 28 avril 2010 Disponible sur Internet le 2 juillet 2010 MOTS CLÉS Pseudo-anévrisme hépatique ; Cholécystectomie ; Laparoscopie ; Embolisation Résumé Les complications vasculaires post-cholécystectomie laparoscopique sont moins fré- quentes mais plus graves et à morbidité plus élevée que les lésions des voies biliaires. Nous rapportons l’observation d’une patiente de 19 ans, chez qui la rupture d’un pseudo-anévrisme de l’artère hépatique est survenue deux mois après une cholécystectomie laparoscopique. Elle illustre la possibilité d’une embolisation exclusive à la colle par ponction trans-hépatique directe, en cas d’impossibilité d’un abord endovasculaire. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Hepatic pseudoaneurysm; Cholecystectomy; Laparoscopy; Embolization Summary Vascular complications following laparoscopic cholecystectomy are less frequent but carry higher morbidity than bile ducts lesions. We report on a 19-year-old patient, who presented a ruptured pseudoaneurysm of the hepatic artery 2 months after laparoscopic chole- cystectomy. This case illustrates the alternative of direct transhepatic puncture with exclusive glue embolization in case of endovascular access failure. © 2010 Published by Elsevier Masson SAS. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Mallak). Introduction Les complications vasculaires post-cholécystectomie lapa- roscopique sont moins fréquentes mais plus graves et à morbidité plus élevée que les lésions des voies biliaires [1]. Parmi celles-ci, figure le pseudo-anévrisme de l’artère hépatique qui surviendrait dans 0,6 % des procédures. Il a été 0398-0499/$ – see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.jmv.2010.05.003

Embolisation trans-hépatique d’un anévrisme de l’artère hépatique post-cholécystectomie laparoscopique

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Page 1: Embolisation trans-hépatique d’un anévrisme de l’artère hépatique post-cholécystectomie laparoscopique

Journal des Maladies Vasculaires (2010) 35, 355—358

CAS CLINIQUE

Embolisation trans-hépatique d’un anévrisme del’artère hépatique post-cholécystectomielaparoscopiqueTranshepatic embolization of a hepatic artery aneurysm followinglaparoscopic cholecystectomy

S. Slabaa, O. Abeda, N. Mallaka,∗, J. Nassarb

a Service d’imagerie médicale, Hôtel-Dieu de France, boulevard Alfred-Nacchache, Achrafieh, BP 16, 6830 Beyrouth, Libanb Service d’imagerie médicale, université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban

Recu le 29 mars 2009 ; accepté le 28 avril 2010Disponible sur Internet le 2 juillet 2010

MOTS CLÉSPseudo-anévrismehépatique ;Cholécystectomie ;Laparoscopie ;Embolisation

Résumé Les complications vasculaires post-cholécystectomie laparoscopique sont moins fré-quentes mais plus graves et à morbidité plus élevée que les lésions des voies biliaires. Nousrapportons l’observation d’une patiente de 19 ans, chez qui la rupture d’un pseudo-anévrismede l’artère hépatique est survenue deux mois après une cholécystectomie laparoscopique.Elle illustre la possibilité d’une embolisation exclusive à la colle par ponction trans-hépatiquedirecte, en cas d’impossibilité d’un abord endovasculaire.© 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSHepaticpseudoaneurysm;

Summary Vascular complications following laparoscopic cholecystectomy are less frequentbut carry higher morbidity than bile ducts lesions. We report on a 19-year-old patient, whopresented a ruptured pseudoaneurysm of the hepatic artery 2 months after laparoscopic chole-cystectomy. This case illustrates the alternative of direct transhepatic puncture with exclusive

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Cholecystectomy; glue embolization in case o

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© 2010 Published by Elsevier Ma

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Mallak).

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ntroduction

es complications vasculaires post-cholécystectomie lapa-

oscopique sont moins fréquentes mais plus graves et àorbidité plus élevée que les lésions des voies biliaires

1].Parmi celles-ci, figure le pseudo-anévrisme de l’artère

épatique qui surviendrait dans 0,6 % des procédures. Il a été

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Figure 2 Ponction sous repérage fluoroscopique à l’aiguilleCPa

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écrit initialement par Sandblom en 1948 comme complica-ion inhabituelle d’un traumatisme [2].

Actuellement, les manœuvres percutanées et cœlio-copiques effectuées sur le système hépatobiliaire repré-entent la majorité des causes.

Nous rapportons l’observation d’une patiente de 19 ans,hez qui un pseudo-anévrisme de l’artère hépatique a étéiagnostiqué plusieurs semaines après une cholécystectomieaparoscopique. Elle illustre la possibilité d’une embolisa-ion trans-hépatique directe à la colle, en cas d’impossibilité’un abord endovasculaire.

as clinique

ne femme de 19 ans est admise pour hématémèse, deuxois après une cholécystectomie laparoscopique pour cho-

écystite aiguë, effectuée dans une autre institution. Auxrgences, la pression artérielle est de 12 sur 9 mmHg et leouls à 76 bpm. L’examen abdominal est sans particularités.’hémoglobine est à 12,4 g/L et le bilan hépatique normal.a gastroscopie réalisée en urgence montre un saignementu travers d’une papille dilatée en faveur d’une hémobi-ie. L’artériographie révèle un pseudo-anévrisme isolé de laranche droite de l’artère hépatique sans fistule artério-eineuse ou artério-biliaire (Fig. 1). En raison de la présence’une interruption artérielle de la branche droite probable-

ent iatrogénique avec impossibilité d’atteindre la lésion,

ous optons pour un abord percutané direct. Sous repéragechographique (Acuson Antares, Siemens, sonde convexeMhz) et surtout fluoroscopique, l’anévrisme est ponctionné

igure 1 Injection sélective de l’artère hépatique commune.l existe une amputation (chirurgicale) de la branche droite (*)vec un anévrisme (flèche) opacifié à contre-courant par desollatéralités G-D.elective injection of the common hepatic artery. There ismputation (surgical) of the right branch (*) with an aneurysmarrow) filled retrogradely by left to right collaterals.

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hiba 22 G avec injection du sac.uncture under fluoroscopic guidance with a 22 G Chiba needlend opacification of the aneurysm.

ar voie antérieure à l’aide d’une aiguille Chiba 22G (Fig. 2).près opacification, 0,3 ml d’un mélange glu (80 %)-lipiodol20 %)-poudre de tungstène est injecté avec exclusion totaleu sac (Fig. 3). La durée totale de la procédure réalisée sous

euroleptanalgésie est inférieure à une heure. Les suitesont simples, la patiente quitte l’hôpital cinq jours plus tard.’angioscanner hépatique de contrôle à deux ans ne montreas de reperméabilisation de l’anévrisme.

igure 3 Le contrôle final montre l’exclusion anévrismale.inal control shows total aneurysm occlusion.

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Embolisation trans-hépatique d’un anévrisme de l’artère hé

Discussion

Les anévrismes et pseudo-anévrismes de l’artère hépa-tique ne représentent que 20 % des anévrismes des artèresdigestives. Il s’agit de la seconde localisation la plus fré-quente après l’artère splénique et seuls 17 à 25 % d’entreeux sont intrahépatiques [3]. Leur risque de rupture estplus élevé que pour les autres localisations digestives[3].

Cette incidence est liée au développement des gestesradiologiques interventionnels sur le foie et à l’améliorationdes techniques diagnostiques d’imagerie [4]. En effet, lespseudo-anévrismes hépatiques surviennent soit à la suited’un geste de radiologie interventionnelle hépatobiliaire,soit après un traumatisme hépatique ou une chirurgie hépa-tobiliaire, y compris de transplantation. Par ailleurs, ilspeuvent compliquer une pancréatite aiguë ou une patho-logie infectieuse sus-mésocolique [4].

Le pseudo-anévrisme hépatique est une complicationrare de la cholécystectomie laparoscopique, de l’ordrede 0,6 % sur une série de 1513 procédures [5]. Il peutsurvenir précocement, mais s’il survient tardivementune lésion thermique en est la cause la plus probable[6].

L’évolution naturelle des anévrismes hépatiques est uneaugmentation progressive de leur taille, pouvant aboutir à larupture qui nécessite une prise en charge adaptée et rapide.Cette complication est la plus grave et s’observe dans 30 à40 % des cas [7]. Elle peut se faire en péritoine libre ou dansles organes adjacents : voies biliaires avec possible triadede Quincke (colique hépatique, ictère et hémobilie), tractusgastro-intestinal, veine porte ou canal de Wirsung [4,7]. Letaux de mortalité est de l’ordre de 20 % [4]. Par ailleurs,la thrombose anévrismale, souvent asymptomatique, peutconstituer un mode de guérison.

En l’absence de complications, l’anévrisme reste silen-cieux et est découvert lors d’une imagerie pour une raisondistincte. S’il est vrai que le cliché d’abdomen sans pré-paration montre parfois des calcifications de l’hypocondredroit reproduisant le pourtour du faux anévrisme, la tomo-densitométrie reste l’examen primordial. Réalisée en modehélicoïdal avant, puis après injection intraveineuse de pro-duit de contraste et acquisition au temps artériel, elleidentifie, avec beaucoup de précision anatomique, la lésioncomme une prise de contraste intense et précoce. Ellepermet aussi d’objectiver une rupture récente en casd’hyperdensité des tissus avoisinants, de dépister les héma-tomes péri-hépatiques ou rétropéritonéaux ainsi que lestroubles de perfusion hépatique [4,7]. Elle aide à identifierl’artère responsable et à analyser l’arborisation cœlio-mésentérique [4]. Toutefois, la technique d’angioscannerdoit être rigoureuse, nécessitant la réalisation de coupesfines afin d’éviter les faux négatifs. Les reconstructions enmaximal intensity projection (MIP) identifient une imaged’addition au niveau d’un vaisseau, semblable à celle obte-nue par angiographie. D’autres signes moins constants sontune fuite de produit de contraste ou une collection avec un

niveau liquide-liquide ou des débris, correspondant à descaillots sanguins.

Malgré une sensibilité inférieure, l’échographie abdomi-nale révèle la présence d’une formation à contenu liquidienen regard des vaisseaux du pédicule hépatique ou en conti-

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ue 357

uité avec eux. Le couplage au doppler couleur ou mieuxncore, au doppler énergie, confirme avec beaucoup de spé-ificité la nature vasculaire du sac et son caractère circulant4]. Ce couplage permet de guider une éventuelle embo-isation percutanée ainsi que de contrôler l’efficacité duraitement et l’évolution du sac anévrismal.

L’angiographie par résonance magnétique réalise unengiographie non invasive en haute résolution et complètee bilan vasculaire par une étude viscérale et des voiesiliopancréatiques [4]. Mais, l’examen complémentaire lelus sensible reste l’artériographie. Elle est incontournablechaque fois que le diagnostic de pseudo-anévrisme est

voqué. Bien qu’elle procure de riches informations anato-iques relatives au sac et aux éventuelles lésions associées,

on caractère invasif doit la réserver aux cas où une embo-isation est envisagée [7].

En effet, les modalités de prise en charge ont récem-ent évolué avec l’avènement des techniques de radiologie

nterventionnelles. La chirurgie, supplantée dans cette indi-ation, ne doit plus être envisagée que chez des patientsnstables ou après échec d’un traitement endovasculaire.’embolisation est devenue la thérapeutique de choix.près cathétérisme sélectif, l’utilisation de micro-coïls per-et l’exclusion du faux anévrisme et la préservation de

a branche artérielle. Le taux de succès va de 81 à 96 %8]. Les complications de nécrose hépatique ou vésicu-aire sont moins fréquentes avec un micro-cathétérismeistal. Cependant, le traitement endovasculaire classique’est pas toujours possible, en particulier en cas d’artèree petit calibre, de configuration vasculaire difficile,e dissection intimale ou d’antécédents de ligature ou’embolisation.

Un abord transhépatique direct du pseudo-anévrisme à’aiguille fine, sous contrôle échographique ou radiosco-ique, est alors envisageable et permet l’occlusion parnjection de thrombine ou de coïls [3,4,9].

Cet abord direct a été rapporté dans la littératurene dizaine de fois et seuls deux pseudo-anévrismesost-cholécystectomie laparoscopique ont bénéficié d’unenjection directe de colle. Le premier concernait un adultehez qui la glu a complété l’effet des coïls et de lahrombine [8], le second, une fillette de 12 ans [1]. Notreatiente représente donc le premier cas adulte à bénéficier’une ponction directe avec injection exclusive de colle.n effet, vu l’expérience qu’elle nécessite, l’utilisatione glu reste très limitée au niveau du tube digestif :clérose per-endoscopique de varices, embolisation proxi-ale de pseudo-anévrismes du tronc cœliaque ou distale’hémorragie du tube digestif [10]. Son caractère liquideermet l’injection à travers une aiguille très fine, alors quee lipiodol qui lui est rajouté module sa vitesse de polymé-isation.

Peu de complications des procédures d’embolisationirecte ont été décrites : un hématome intra-hépatiquebcédé compliqué d’une fistule biliaire ou une récidivee pseudo-anévrisme par migration d’un coïl, soulignanta nécessité d’une surveillance radiologique à distance par

chographie ou scanner [3].

Le taux de recanalisation des anévrismes splanchniquesraités radiologiquement varie dans la littérature de 1 à5 % [4]. Cette éventualité n’a pas été observée chez notreatiente avec un suivi de deux ans.

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onclusion

a survenue d’un anévrisme hépatique après une cholécys-ectomie laparoscopique est rare, mais sa prise en chargest cruciale. L’embolisation est la thérapeutique de choix.uand la voie classique endovasculaire n’aboutit pas, uneonction directe du sac est possible avec injection de glu.

onflit d’intérêt

ucun.

éférences

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Radiol 2003;33:24—6.

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