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'PURA TION DIGESTIVE EN TOXICOLOGIE : DEFINITION ET METHODES D'EVALUA TION .HEUREUX D~finitions L'fipuration digestive dans les intoxications aigu6s comporte deux aspects distincts : La prdvention de I'absorption Son but est d'~vacuer les toxiques ing~r~s avant qu'ils ne soient absorb6s. Les techniques utilis6es pour vidanger l'estomac sont l'aspiration, 6ventuel- lement suivie de lavage, et l'induction de vomisse- ments, g6ndralement par du sirop d'ip6ca. L'administration de charbon activ4, qui 6tait conseil- 1re en compl6ment de l'6vacuation gastrique, est de plus en plus pr6sent6e comme son alternative. Les laxatifs sont surtout utilis6s pour 6viter la stagnation du charbon activ4 et la d4sorption du toxique. Enfln, le lavage intestinal complet est une technique plus r6cemment propos4e pour 41iminer des toxiques peu adsorb4s par le charbon (ex : sels de fer) ou se pr6- sentant sous forme ga16nique fi lib6ration pro- gressive. La . dialyse intestinale . Son but est d'accroRre la clairance naturelle de toxiques d6jtt r6sorb6s (ou administr6s par voie parent~rale) ou de leurs mftabolites par 6puration des s6cr6tions digestives avant leur r6absorption. La m6thode utilis6e consiste ~ administrer une suspen- sion de charbon activ6 en continu ou en doses r6p6- t6es et ~ accfl6rer son transit par l'addition de sorbitol. Les sfcr6tions digestives sont 6pur6es du toxique, alors que ce dernier, s6questr6 par le char- bon, est 61imin6 par vole f6cale. Service des Urgences, Unit~ de Toxicologie Aigu~, HSpital Erasme, CliniquesUniversitaires de Bruxelles,route de Lennik, 808, B-1070 Bruxelles. Pour des toxines qui subissent un cycle ent6roh6- patique important, la d6rivation externe de la s6cr6- tion biliaire permet aussi d'accd6rer la elairance. Cette mesure est par exemple propos6e dans l'intoxi- cation ~ l'amanite phallNde (aspiration duod6nale ou drainage nasobiliaire). L'efficacit~ de ces diff~rents traitements a ~t~ intensfiment 6tudi~es au cours des derni~res ann~es. Nous faisons une courte revue des principales m~tho- des d'~valuation utilis~es. Prevention de I'absorption des toxiques E-valuation expdrimentale In vitro Les possibilit6s d'~tudes in vitro sont limit6es ~ la mesure de la capacit~ adsorptive du charbon activ6. Une suspensiori de charbon est m61ang~e ~ la solu- tion contenant le toxique. Apr~s filtration, la concentration r6siduelle de la substance est d~termi- n~e dans le liquide r~colt~ : elle permet de calculer la proportion de produit non adsorb6e. Deux para- m~tres sont indispensables pour interpreter les r~sul- tats et comparer ces 6tudes entre elles : le rapport pondfiral entre le charbon activ~ et le toxique 6tu- di~, et la dur6e de contact entre le charbon et la solu- tion. Certaines autres conditions exp~rimentales comme le pH et la temp6rature du milieu peuvent avoir une influence d~terminante. La capacit~ adsorp- tive ainsi ~valufie, est toutefois difficile ~ transposer in vivo. Les variations du pH gastrique et la presence d'aliments, d'alcool ou d'autres toxiques peuvent l'influencer consid6rablement. Plusieurs travaux in vitro ont tentfi d'~valuer l'effet particulier de certains de ces facteurs, mais leur interaction in vivo a pro- bablement une influence plus complexe [1]. Ces m~thodes in vitro ont figalement servi 5 d6ter- miner l'influence des laxatifs sur la capacit6 adsorp- R~an. Urg., 1993, 2(2 bis), 191-195

Épuration digestive en toxicologie : Définition et méthodes d'évaluation

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'PURA TION DIGESTIVE EN TOXICOLOGIE : DEFINITION ET METHODES D'EVALUA TION

.HEUREUX

• D~ f in i t ions

L'fipuration digestive dans les intoxications aigu6s comporte deux aspects distincts :

La prdvention de I'absorption

Son but est d'~vacuer les toxiques ing~r~s avant qu'ils ne soient absorb6s. Les techniques utilis6es pour vidanger l'estomac sont l'aspiration, 6ventuel- lement suivie de lavage, et l'induction de vomisse- ments, g6ndralement par du sirop d'ip6ca. L'administration de charbon activ4, qui 6tait conseil- 1re en compl6ment de l'6vacuation gastrique, est de plus en plus pr6sent6e comme son alternative. Les laxatifs sont surtout utilis6s pour 6viter la stagnation du charbon activ4 et la d4sorption du toxique. Enfln, le lavage intestinal complet est une technique plus r6cemment propos4e pour 41iminer des toxiques peu adsorb4s par le charbon (ex : sels de fer) ou se pr6- sentant sous forme ga16nique fi lib6ration pro- gressive.

L a . d i a l y s e i n t e s t i n a l e .

Son but est d'accroRre la clairance naturelle de toxiques d6jtt r6sorb6s (ou administr6s par voie parent~rale) ou de leurs mftabolites par 6puration des s6cr6tions digestives avant leur r6absorption. La m6thode utilis6e consiste ~ administrer une suspen- sion de charbon activ6 en continu ou en doses r6p6- t6es et ~ accfl6rer son transit par l'addition de sorbitol. Les sfcr6tions digestives sont 6pur6es du toxique, alors que ce dernier, s6questr6 par le char- bon, est 61imin6 par vole f6cale.

Service des Urgences, Unit~ de Toxicologie Aigu~, HSpital Erasme, Cliniques Universitaires de Bruxelles, route de Lennik, 808, B-1070 Bruxelles.

Pour des toxines qui subissent un cycle ent6roh6- patique important, la d6rivation externe de la s6cr6- tion biliaire permet aussi d'accd6rer la elairance. Cette mesure est par exemple propos6e dans l'intoxi- cation ~ l'amanite phallNde (aspiration duod6nale ou drainage nasobiliaire).

L'efficacit~ de ces diff~rents traitements a ~t~ intensfiment 6tudi~es au cours des derni~res ann~es. Nous faisons une courte revue des principales m~tho- des d'~valuation utilis~es.

• P r e v e n t i o n d e I ' absorp t ion des t o x i q u e s

E-valuation expdrimentale In vitro

Les possibilit6s d'~tudes in vitro sont limit6es ~ la mesure de la capacit~ adsorptive du charbon activ6. Une suspensiori de charbon est m61ang~e ~ la solu- tion contenant le toxique. Apr~s filtration, la concentration r6siduelle de la substance est d~termi- n~e dans le liquide r~colt~ : elle permet de calculer la proportion de produit non adsorb6e. Deux para- m~tres sont indispensables pour interpreter les r~sul- tats et comparer ces 6tudes entre elles : le rapport pondfiral entre le charbon activ~ et le toxique 6tu- di~, et la dur6e de contact entre le charbon et la solu- tion. Certaines autres conditions exp~rimentales comme le pH et la temp6rature du milieu peuvent avoir une influence d~terminante. La capacit~ adsorp- tive ainsi ~valufie, est toutefois difficile ~ transposer in vivo. Les variations du pH gastrique et la presence d'aliments, d'alcool ou d'autres toxiques peuvent l'influencer consid6rablement. Plusieurs travaux in vitro ont tentfi d'~valuer l'effet particulier de certains de ces facteurs, mais leur interaction in vivo a pro- bablement une influence plus complexe [1].

Ces m~thodes in vitro ont figalement servi 5 d6ter- miner l'influence des laxatifs sur la capacit6 adsorp-

R~an. Urg., 1993, 2(2 bis), 191-195

- 192 - X ~ C o n f e r e n c e d e c o n s e n s u s e n r ~ a n i m a t i o n

tive du charbon [2, 3], et en particulier de la solution poly6thyl~ne glycol/61ectrolytes, utilis6e dans les lavages intestinaux complets [4,5].

Chez des volontaires sains

Pour 6valuer la qualit~ de la vidange gastrique pro- duite par le lavage ou l'ip6ca, diverses 6tudes, com- paratives ou non, ont 6t6 conduites. En g6n~ral, une substance est administr6e par voie orale, ou instill6e par sonde dans l'estomac. La r6cup6ration du pro- duit par aspiration du contenu gastrique et lavage, ou par induction de vomissements, est ensuite mesu- r6e et compar6e. Exemples :

-- apr~s avoir donn6 25 comprim6s de cyanoco- balamine, Tandberg et coll. mesurent la proportion du cobalt qui est r6cup6r6 lorsqu'on donne l'ip6ca ou qu'on pratique le lavage 10 minutes apr~s l'adminis- tration du traceur. Dans une 6tude [6], ils montrent que l'induction de vomissements permet moins de 50 % de r6cup6ration du produit, quelque soit la posi- tion utilis6e. Dans l'autre [7] ils concluent ~ la sup6- riorit6 du lavage (r6cup~ration de 45 % contre 28 % pour l'ip6ca). Les techniques d'6vacuation n'dtaient toutefois appliqu6es que 10 minutes apr6s l'adminis- tration de la vitamine B12, ce qui manque de vrai- semblance clinique. De plus, comme le d61ai d'apparition des vomissements 6tait de 20 minutes, on peut esfimer que le temps de r6sorption 6tait trois lois plus long dans le groupe ip6ca que darts le groupe lay& Ce simple fait pourrait expliquer la diff6reace observ6e ;

- - dans 1'6rude crois6e de Young et Bivins [8], le lavage gastrique est r6alis6 chez chaque sujet avec une latence identique ~ celle qui a pr6c6d6 l'appari- tion des vomissements apr6s ip6ca. Le traceur 6tant un isotope, les auteurs ont pu mesurer la quantit6 r6cup6r6e et celle restant darts l'organisme. Les deux param~tres montrent que, dans ces conditions, c'est l'induction de vomissements qui est la plus efficace. Une autre 6tude isotopique avait toutefois d6j~ mon- tr6 que cette efficacit6 se r6duisait rapidement avec le temps [9].

Si l'on veut 6valuer l'effet du charbon activ6, des laxatifs ou du lavage intestinal complet et comparer ces traitements entre eux ou avec l'6vacuation gas- trique, on ne peut plus quantifier le toxique 6vacu& I1 faut d6terminer la r6duction de biodisponibilit6 obtenue, ce qui est g6n6ralement r6alis6 par une analyse de la courbe concentration/temps (Fig. 1). Deux param6tres y sont souvent mesur6s :

- - la concentration de pic d6pend non seulement de la dose absorb6e, mais aussi de la vitesse d'absorp- tion et de la vitesse d'61imination du produit. Pour de nombreux toxiques fonctionnels, ce param&tre est n6anmoins important, car c'est ~ la concentration-pic qu'il faut attendre le risque toxique maximal ;

- - l ' a i r e sous la courbe concentration/temps (AUC = ,, area under curve ,) est le param6tre le

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C O U R B E C O N C E N T R A T I O N - T E M P S

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C O N C E N T R A T I O N - P I C

TEMPS Co

temps

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . "- TEMPS Cpic

F i g . 1 . - - Repr#sentation d'une relation concentration temps avec les principaux param#tres de la courbe. (AUC = ,, Area Under Curve. : aire sous la courbe).

plus utilis6. Elle est proportionnelle ~ la dose de pro- duit administr6e, ~ sa biodisponibilit6 et inversement proportionnelle ~ sa clairance totale. Si l'on admet que ces deux derniers param~tres restent constants d'une exp6rience ~ l'autre dans la m6me 6tude, I'AUC refl~te la quantit6 de produit absorb6e.

Certains auteurs se r6f6rent aussi aux d61ais pour atteindre la concentration-pic ou pour un retour de la concentration & zdro.

Exemples :

-- l'absorption de l'ampicilline [10] peut etre r6duite des 2/3 par le lavage intestinal complet ;

- - le lavage intestinal est plus efficace qu'une suspension charbon activ6/sorbitol pour pr6venir l'absorption de l'aspirine, contenue dans des drag6es

enrobage ent6rique [11] ; -- le sorbitol n'am61iore pas l'efficacit6 du char-

bon activ6 dans un module simulant une intoxication au parac6tamol [12].

Pour les produits non m6tabolis6s et dont la voie d'excr6tion est surtout r6nale, la quantit6 61imin~e dans les urines peut aussi 6tre un bon reflet de la quantit6 absorbde. La dur6e de la r6colte urinaire doit toutefois etre suffisamment prolong6e.

Exemple : - - l e charbon activ6 seul pr~vient mieux

l'absorption de l'aspirine que s'il est associ6 ~ un lavage intestinal [13]. Par contre, le sorbitol accroit son efficacit6 [14].

Plusieurs critiques peuvent etre faites ~ la plupart des 6tudes sur volontaires. Pour des raisons 6thiques 6videntes, les produits utilis6s pour simuler l'intoxi- cation ne sont pas toxiques ou sont donn6s ~ doses minimes, conditions qui reproduisent real une situa- tion clinique. Ils n'influencent pas le transit gastro- intestinal (comme le font les s6datifs, les anticholi-

X e ConfOrence de consensus en r~animat ion - 1 9 3 -

nergiques, les opiac~s,...) ou la r@onse aux ~m~ti- sants, et il n'alt~rent ni la conscience, ni l'h~mody- namique. La d~contamination est pratiqu~e selon les techniques habituelles, mais apr~s un d~lai trop court (5 min ~ 1 h). Aces conditions expfirimentales peu r~alistes, s'ajoute la cooperation optimale des volon- taires, rarement obtenue chez les patients intoxiqu~s conscients. Enfin, comme aucun signe toxique n'est produit, l'effet du traitement appliqu~ ne peut s'appr~cier que sur la base de rfisultats analytiques et cinfifique. Leur extrapolation ~ un effet clinique est hasardeuse.

F:valuation clinique

Mdthodes de vidange gastrique

Plusieurs fitudes cliniques montrent que les fimfi- tisants induisent des vomissements rapides dans une grande proportion de cas, tant chez l'enfant [15] que chez l'adulte [16], malgrfi diff~rentes conditions tech- niques (dose d'ip~ca, quantitfi, type ou tempfirature du liquide administr~,...). Ces ~tudes ne d~montrent que la fiabilit~ de la r@onse aux fim~tisants. Elles ne prouvent en rien leur efficacitfi ~ rider l'estomac et encore moins leur utilit~ dans l'fivolution clinique des patients.

Comme 1'estimation de l'ingestat toxique est le plus souvent illusoire, il est quasi impossible d'~va- luer le rendement r~el de la vidange gastrique en mesurant sur la quantit~ de toxique r~cup~r~. Les r~sultats d'~tudes anciennes, bas~es sur de telles ~valuations, sont sujets ~ caution. Auerbach et coll. [17] ont tent~ de r~soudre ce probl~me en mesurant la r~cupSration de la thiamine chez des patients admis pour intoxication m~dicamenteuse. Le produit ~tait administr~ en solution, soit avec l'ipSca, soil 5 minutes avant l'aspiration gastrique et le lavage. Les auteurs concluent ~ la sup~riorit~ du lavage sur l'administration d'ip~ca (90 + 14 % de r~cup~ration de la thiamine contre 50 + 35 % seu- lement). Trois critiques peuvent cependant etre fai- tes ~ la m~thodologie et ~ l'interpr~tation des r~sultats de cette ~tude. D'abord, le d~lai entre l'administration du traceur et les manoeuvres d%va- cuation gastrique est sans signification clinique. Ensuite, l'~tude n'est pas randomis~e. Le lavage gas- trique ~tait donc probablement r~alis~ chez les patients comateux qui pouvaient presenter une ato- nie gastrique. Enfin, il n'est pas certain que la rficu- p~ration de comprim~s soit semblable ~ celle d'un traceur, administr~ en solution.

Si le produit est radio-opaque, une radiographie d'abdomen permet parfois de quantifier le r~sidu [18]. Saetta et coll. ont r~cemment r~alis~ deux ~tudes cli- niques int~ressantes. Dans la premiere [19], l'utili- sation de pilules synthfitiques imprfign~es de baryum a permis de montrer que les techniques d'~vacuation avaient une efficacitfi limit~e (r~sidu 58,5 % pour l'ip~ca, 51,8 % pour le lavage) et de surcroit acc~lfi-

raient le passage du contenu gastrique au-del~ du pylore. Dans la seconde [20], ils ont r~alisfi des fibroscopies syst~matiques chez des patients admis pour intoxication m~dicamenteuse et qui avaient subi soit un lavage gastrique, soit l'induction de vomissement par ip~ca. Quelque soit la mfithode d'~vacuation utilis~e, des r~sidus solides fitaient fr~- quemment observes (88,5 % et 38,5 % des cas, res- pectivement).

La sup~riorit~ d'une technique sur l'autre est impossible ~ d~duire du rfisultat de ces fitudes non randomis~es. Elles ne d~montrent que l'efficacit~ limit~e de l'~vacuation gastrique, quel que soit le pro- c~dfi choisi.

L ~vacualion du confenu gastrique esbelle indispensable ?

Des constatations pr~c~dentes ont dficoul~ des ~tudes prospectives, contr61~es et randomisfies, destinfies ~ ~valuer l'utilitfi rfielle de la vidange gastrique, pratiqufie avant administration de charbon. Un groupe regoit d'embl~e du charbon activ~ par voie orale ou par sonde gastrique, l'autre subit d'abord une fivacuation gastrique (ip~ca chez les patients conscients, lavage chez ceux dont la vigi- lance est altfirfie). Selon les ~tudes, le crit~re d'fiva- luation utilisfi est le pourcentage de patients dont l'~tat se d~gradent malgrfi le traitement, le pour- centage des cas nficessitant une hospitalisation, la proportion de patients qui ont dfi etre admis I'USI, la fr~quence et la dur~e moyenne d'intubation ou de ventilation, ou le nombre des complications constat~es.

Exemples :

-- l'~tude de Kulig et coll. [21] montre que la vidange gastrique n'amfiliore significativement l'~vo- lution que chez les patients comateux, admis moins d'une heure apr~s l'ingestion toxique ;

- - le travail de Merigian et coll. [22] montre en plus que la r~alisation de lavages gastriques chez les patients instupor~s augmente la fr~quence des com- plications et la demande en lits d'USI ;

-- dans une ~tude p~diatrique, l'ip~ca retarde l'administration du charbon active, compromet sa tol~rance et prolonge la dur~e d'observation [23].

Ces fitudes ont le mfirite de s'etre intfiress~es l'~volution clinique des patients, mais sont tr~s glo- bales. Elles montrent que l%valuation du contenu gastrique est loin d'etre indispensable chez tousles intoxiqufis. Pour identifier la faible proportion des patients qui pourraient en b~n~ficier, il reste main- tenant ~ rfialiser d'autres ~tudes cliniques randomi- s~es plus pr~cises, tenant compte en particulier du type de toxique en cause, du d~lai ~coul~ entre l'ingestion et l'admission, ou de la gravitfi de l'intoxi- cation.

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- 194 - X e Conf6rence de consensus en r6animation

• L'6puration digestive pour acc616rer 1'61imination

F:tudes sur des volontaires

L'effet 6purateur de doses r6p6t6es de charbon activ6 (DRCA) sur l'61imination de certains toxiques a pu ~tre montr6e chez des volontaires et chez l'ani- mal [24, 25]. Cet effet peut @tre mesur6, que la dro- gue soit administr6e par voie orale ou intraveineuse, par une r6duction de la demi-vie plasmatique. Si l'on est certain que l'absorption du produit n'a pas 6t6 entrav6e, la r6duction de l'aire sous la courbe concentration/temps r e t i r e une augmentation de la clairance totale. Une diminution de l'excr6tion uri- naire peut aussi t6moigner d'un accroissement de la clairance non-r6nale.

Exemples : - - apr&s administration intraveineuse de pheno-

barbital, la demi-vie est r6duite de 110 ~ 45 heures par l'administration des DRCA. La clairance plasma- tique du ph6nobarbital est augment6e de 4,4 12 ml/kg/h [26] ;

-- les DRCA ne r6duisent que faiblement I'AUC et l'61imination urinaire de salicyl6s apr~s ingestion d'aspirine dans une 6tude [27]. Dans une autre, elle n'a aucun effet sur I'AUC et la demi-vie de l'aspi- rine [28] ;

-- des DRCA sont capables de r6duire drasfique- ment la demi-vie (67 %), l'aire sous la courbe (81%) et d'accroitre la clairance (122 %) du disopyramide. L'excr6tion urinaire totate du produit et de son m6ta- bolite principal est fortement diminu6e [29].

Les r6sultats ne peuvent 6tre g6ndralis6s ~ toutes les drogues. La dialyse intestinale a ses limites, comme l'h6modialyse ou l'h6moperfusion. Elles sont li6es ~ la liposolubilit6 du toxique et ~ son volume de distribution, ~ l'importance de ses liaisons prot6i- ques, & ses voies de m6tabolisme et d'excr6tion. L'effet 6purateur peut donc etre d'une importance relative tr~s variable par rapport ~ la clairance spon- tan6e. L'identification des produits pour lesquels la dialyse intestinale peut 6tre utile ndcessite pour cha- cun d'entre eux une 6valuation individuelle, tant sur le plan exp6rimental et que sur le plan clinique, car la symptomatologie associde & l'intoxication peut r6duire l'efficacit6 du traitement (alt6ration du tran- sit digesfif, r6duction du d6bit circulatoire) ou emp6- cher sa r6alisation (vomissements) [30].

La plupart des donndes cliniques en faveur de l'uti- lisation des DRCA sont des observations isol6es ou de courtes s6ries de patients dont les param~tres toxi- cocin6tiques obtenus sous dialyse intestinale ont 6t6 compar~es aux valeurs avant traitement ou ~ des valeurs contr61es, historiques, issues de la littdra- ture [31, 33]. Outre la valeur contestable de telles comparaisons, il est hasardeux d'extrapoler qu'une am61ioration des param~tres toxicocin6tiques

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(accroissement de la clairance, r6ducfion de la demi- vie) va toujours de pair avec un b6n6fice sur l'~volu- tion clinique. Une des rares 6tudes cliniques contr6- 16es qui air 6t6 r6alis6e teste l'effet des DRCA chez dix patients intoxiqu6s au ph6nobarbital. Malgr6 la r6duction de demi-vie produite par la dialyse intesti- nale, la dur6e de ventilation n'~tait gu~re raccourcie [34]. Les futures 6tudes cliniques contrOl6es devraient donc s'attacher ~ montrer qu'en plus d'acc616ration de l'dimination, une am61ioration de l'6volution clinique peut ~tre attendue grace ~ ce type de traitement.

E n conclusion, la revue de tous ces travaux r6v6- lent en fait qu'il n'y a pas de mod61e exp6rimental id6al des ingestions toxiques aigu6s. Les possibilit6s d'6tudes in vitro sont tr6s limit6es. Des raisons 6thi- ques emp6chent bien entendu la reproduction d'intoxications significatives chez des volontaires sains. D'un autre c6t6, les variations physiologiques intersp6cifiques n'autorisent pas une extrapolation sans r6serves des donn6es recueillies au cours d'exp6rimentation animales.

La seule alternative possible r6side probablement dans la r6alisation de larges 6tudes cliniques rando- mis6es et prospectives. Par rapport ~t celles qui sont disponibles ~ ce jour, elles devraient distinguer les patients en fonction des toxiques (ou des groupes de toxiques) en cause et les stratifier avec plus de pr6- cision en fonction de la gravit6. S'il semble clair que l'@uration digestive des toxiques n'est pas n6ces- saire pour tousles intoxiqu6s, ses indications restent ~t d6finir sur des bases plus rigoureuses.

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