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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. L’Encéphale (2007) Supplément 5, S187-S191 journal homepage : www.elsevier.com/locate/encep sonnes en population générale, rapporte des chiffres de prévalence sur la vie entière compris entre 1,3 % (type I et type II) et 6,4 % selon les critères diagnostiques élargis. La durée moyenne entre l’apparition des premiers symptômes et le premier traitement est d’environ 10 ans [12]. Certains auteurs rapportent en outre que 67 % des cas ne sont pas identifiés et que 50 % des identifiés s’avèrent être des faux positifs [9]. L’évolution à long terme est marquée par une morbidité et une mortalité importantes, avec un taux de suicide com- pris entre 5 à 20 % et une diminution de l’espérance de vie d’approximativement 10 ans (toutes les statistiques sont concordantes dans le sens d’une diminution de l’espérance de vie des patients bipolaires comparée à celle de la popu- lation générale). Définitions de l’espérance de vie des patients bipolaires L’espérance de vie (EDV) à la naissance se calcule à partir de quotients de mortalité par âge, soit la probabilité de décéder dans l’année pour des personnes qui atteignent un âge donné. L’espérance de vie est la durée de vie qu’une personne peut espérer atteindre en moyenne, en fonction du taux de mortalité de la population à un âge donné. L’EDV en France en 2006 est de 76,8 ans pour les Hommes et de 83,7 ans pour les femmes ; elle est en constante augmenta- tion : un Français qui naît aujourd’hui vivra deux fois plus Espérance de vie des patients bipolaires O. Sentissi Service Hospitalo-universitaire de Santé Mentale et de Thérapeutique (Service du Professeur Olié), Hôpital Sainte-Anne, Paris Introduction Les troubles bipolaires sont caractérisés par la survenue répétée d’épisodes dépressifs, maniaques, hypomanes ou mixtes, séparés par des périodes au cours desquelles les sujets sont a priori indemnes de dysfonctionnements psy- chiques majeurs. L’Organisation Mondiale de la Santé a défini les troubles bipolaires comme une des causes princi- pales d’handicap [24]. Le risque suicidaire, les conduites à risque, les addictions, la désinsertion professionnelle et familiale, les actes de violences, en font la gravité. Ces troubles constituent la première cause d’invalidité des maladies mentales et représente 20 % des lits d’hospitalisa- tions (CNAM 2005). Des études épidémiologiques et cliniques ont démontré le rôle combiné des facteurs environnementaux et généti- ques dans l’étiopathogénie de ce trouble. Les études de prévalence sur la vie des troubles bipolai- res rapportent des chiffres oscillant entre 0,2 % et 5,1 % en population générale, au sein de différents pays sur les 5 continents [15, 25]. Le taux médian se situe autour de 1 %, avec des valeurs proches de 0,5 % en Amérique Latine ou en Asie et de 1,5 % en Amérique du nord et en Europe. Ce taux médian proche du taux de prévalence de l’ancienne « psychose maniaco-dépressive » augmente significative- ment dès que l’on élargit la définition aux formes bipolaires de type II et aux formes hypomaniaques sub-syndromiques. À titre d’exemple l’enquête américaine ECA [15] (Epidemiologic Catchment Area), qui a porté sur 18 252 per- * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas de conflits d’intérêts. 4509_16_Sent i s s i . i ndd 187 4509_16_Sentissi.indd 187 14/ 12/ 07 14: 46: 03 14/12/07 14:46:03 > XPress 6 Noir

Espérance de vie des patients bipolaires

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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2007) Supplément 5, S187-S191

journa l homepage : www.e l sev ier.com/ locate/encep

sonnes en population générale, rapporte des chiffres de prévalence sur la vie entière compris entre 1,3 % (type I et type II) et 6,4 % selon les critères diagnostiques élargis.

La durée moyenne entre l’apparition des premiers symptômes et le premier traitement est d’environ 10 ans [12]. Certains auteurs rapportent en outre que 67 % des cas ne sont pas identifi és et que 50 % des identifi és s’avèrent être des faux positifs [9].

L’évolution à long terme est marquée par une morbidité et une mortalité importantes, avec un taux de suicide com-pris entre 5 à 20 % et une diminution de l’espérance de vie d’approximativement 10 ans (toutes les statistiques sont concordantes dans le sens d’une diminution de l’espérance de vie des patients bipolaires comparée à celle de la popu-lation générale).

Défi nitions de l’espérance de vie des patients bipolaires

L’espérance de vie (EDV) à la naissance se calcule à partir de quotients de mortalité par âge, soit la probabilité de décéder dans l’année pour des personnes qui atteignent un âge donné. L’espérance de vie est la durée de vie qu’une personne peut espérer atteindre en moyenne, en fonction du taux de mortalité de la population à un âge donné. L’EDV en France en 2006 est de 76,8 ans pour les Hommes et de 83,7 ans pour les femmes ; elle est en constante augmenta-tion : un Français qui naît aujourd’hui vivra deux fois plus

Espérance de vie des patients bipolairesO. Sentissi

Service Hospitalo-universitaire de Santé Mentale et de Thérapeutique (Service du Professeur Olié), Hôpital Sainte-Anne, Paris

Introduction

Les troubles bipolaires sont caractérisés par la survenue répétée d’épisodes dépressifs, maniaques, hypomanes ou mixtes, séparés par des périodes au cours desquelles les sujets sont a priori indemnes de dysfonctionnements psy-chiques majeurs. L’Organisation Mondiale de la Santé a défi ni les troubles bipolaires comme une des causes princi-pales d’handicap [24]. Le risque suicidaire, les conduites à risque, les addictions, la désinsertion professionnelle et familiale, les actes de violences, en font la gravité. Ces troubles constituent la première cause d’invalidité des maladies mentales et représente 20 % des lits d’hospitalisa-tions (CNAM 2005).

Des études épidémiologiques et cliniques ont démontré le rôle combiné des facteurs environnementaux et généti-ques dans l’étiopathogénie de ce trouble.

Les études de prévalence sur la vie des troubles bipolai-res rapportent des chiffres oscillant entre 0,2 % et 5,1 % en population générale, au sein de différents pays sur les 5 continents [15, 25]. Le taux médian se situe autour de 1 %, avec des valeurs proches de 0,5 % en Amérique Latine ou en Asie et de 1,5 % en Amérique du nord et en Europe. Ce taux médian proche du taux de prévalence de l’ancienne « psychose maniaco-dépressive » augmente signifi cative-ment dès que l’on élargit la défi nition aux formes bipolaires de type II et aux formes hypomaniaques sub-syndromiques. À titre d’exemple l’enquête américaine ECA [15] (Epidemiologic Catchment Area), qui a porté sur 18 252 per-

* Auteur correspondant.E-mail : [email protected]’auteur n’a pas de confl its d’intérêts.

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longtemps qu’au siècle dernier (Source Insee Fichier État civil et estimations localisées de population 2006).

Des études longitudinales ont pu évaluer la mortalité des patients ayant un trouble de l’humeur à l’aide du coef-fi cient standardisé sur la mortalité (SMR : Standardised Mortality Ratio) qui est un rapport entre les décès observés et les décès attendus [2, 7, 8, 14].

L’OMS publie également depuis 2001 [29] une statisti-que appelée espérance de vie en bonne santé, qui ne tient pas compte des années de vie durant lesquelles les indivi-dus souffrent de maladies incurables.

Constat

La complexité des troubles mentaux, et en particulier des troubles bipolaires, rend diffi cile des prévisions épidémio-logiques. Le taux élevé de mortalité des patients bipolaires par suicide est bien documenté alors que les autres causes de décès sont moins bien connues.

Il n’est pas aisé de calculer l’espérance de vie des sujets présentant un trouble bipolaire par rapport à l’EDV de la population générale (diagnostic souvent méconnu ou tardi-vement fait, suivi des patients diffi ciles, études épidémio-logiques complexes…), d’où l’intérêt des instances de santé internationale (OMS) de défi nir l’espérance de vie en bonne santé pour une meilleure prise en charge et une diminution du fardeau de cette pathologie.

D’une manière globale, les troubles psychiatriques représentent en Europe 12,3 % de la morbidité générale et 30 % des années de vie perdues ajustées sur le handicap. Le trouble bipolaire représente, selon l’OMS, l’une des 10 pathologies les plus préoccupantes pour le XXIe siècle (voir Tableau 1).

Selon le rapport OMS 2001 [30] il y aurait globalement une perte de 8 à 10 ans d’espérance de vie pour les patients souffrant d’un trouble bipolaire (perte non quantifi ée mais plus importante encore en l’absence de traitement). À titre

de comparaison on observe une perte de plus de 10 ans pour la schizophrénie (rapport de l’OMS 2001, 26).

Concernant le taux de mortalité (SMR : Standardized Mortality Ratio) selon les études longitudinales (voir Tableau 2), ce taux est toujours supérieur à 1 (plus de décès observés que prévus) et peut être doublé chez des patients souffrant de troubles de l’humeur (unipolaires ou bipolai-res).

Tableau 1 Estimation globale des principales maladies provoquant un handicap/année (OMS décembre 2002)

Comorbidités% du total

de l’année vécueavec une incapacité

1. Trouble dépressif unipolaire 11,8 %2. Surdité adulte 4,6 %3. Cataracte 4,5 %4. Alcoolisme 3,3 %5. Conditions maternelles 3,3 %6. Schizophrénie 2,8 %7. Conditions périnatales 2,7 %8. Ostéoarthrite 2,6 %9. Cécité relative à l’âge et autres 2,5 %10. Trouble bipolaire 2,5 %

Tableau 2 Études prospectives avec une population de plus de 5 000 patients ou une période d’observation de + de 5 ans. Taux de mortalité (SMR ratio standardisé sur la mortalité) de patients ayant un trouble affectif

Auteurs DiagnosticPériodes

(ans)Taux

de mortalité

Black (1998) UP/BP 30-40 1,61Angst (1998) UP/BP 34-38 1,61Hoyer (2000) UP/BP 15-25 1,94Brodersen (2000) UP/BP 16 2,5

Causes de mortalité

PsychiatriquesComorbiditésSomatiquesThérapeutiquesConséquences somatiques des épisodes thymiques (mal-nutrition, épuisement…)Prises de risque (AVP, Violences…)

Causes psychiatriques

Le suicide est une complication de la plupart des troubles mentaux avec une fréquence plus importante pour les trou-bles dépressifs, les troubles bipolaires et la schizophrénie.

Les études épidémiologiques estiment que 40 à 80 % des suicides sont imputables aux troubles de l’humeur (unipo-laires et bipolaires) [20].

En 1999, Casadebaig et Philipe [10] estimaient un risque de suicide pour cette pathologie 30 fois plus élevé par rap-port au risque en population générale. Dans une étude menée sur 9 389 patients bipolaires, le taux de suicide était estimé à 18,9 % [13].

En Europe, selon l’étude récente ESEMeD le pourcen-tage de décès par suicide était de 8 % [19].

Par ailleurs, Miklowitz et al. [23] rapportent que 50 % de patients bipolaires (principalement en phase dépressive) ont fait ou feront une tentative de suicide avec 6 à 15 % de tentatives réussies.

Plusieurs auteurs se sont intéressés au rôle anti-suicide du lithium. Angst et al. [2] notaient une diminution du ris-que suicidaire des patients bipolaires traités par lithium de 29,2 % à 6,4 %, alors qu’Akiskal et al. [1] n’ont constaté que 4 décès par suicide sur une cohorte de 9 000 bipolaires traités par lithium.

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Les caractéristiques cliniques associéesLes cycles rapides

Le trouble bipolaire à cycles rapides (au moins 4 épisodes thymiques/an) concerne 14 à 56 % des sujets bipolaires selon les études [28]. Les cycles rapides s’atténuent après 2 à 3 ans d’évolution.

Ils sont cependant associés à un moins bon pronostic à long terme, une moins bonne réponse thérapeutique, un plus grand nombre de dépressions chroniques et un risque suicidaire plus élevé.L’évolution vers la chronicité avec une dégradation psy-chosociale [6].L’évolution vers une détérioration cognitive : 32 % de troubles neurocognitifs [5] et une symptomatologie de type démentielle chez 3 % des patients bipolaires âgés [16].

Les facteurs de mauvais pronosticLe diagnostic tardif après 8 à 10 ans d’évolution en moyenne [12] et après l’intervention de 5 médecins diffé-rents, la gravité des épisodes, l’évolution chronique (fré-quence des récurrences : 0,6 épisodes par an en moyenne) et des états résiduels, les formes résistantes, en raison de la mauvaise observance du traitement.Les formes compliquées, comme les formes à cycles rapi-des ou les formes rémittentes, sans véritables intervalles libres, les comorbidités, comme les abus de substance ou les troubles de la personnalité, la conversion d’une dépression en trouble bipolaire dans 10–25% des cas [1].Complications médico-légales (dettes, conduites à ris-que, hospitalisation d’offi ce).L’âge d’apparition du trouble a une valeur pronostique :le trouble bipolaire à début précoce est plus sévère puis-qu’on retrouve alors un plus grand nombre de récurren-ces, d’épisodes mixtes, de cycles rapides, des périodes d’euthymie plus courtes, et une moins bonne réponse aux traitements thymorégulateurs. Le début à début tardif se caractérise par l’association avec une grande proportion de pathologies organiques cérébrales [4], un risque d’évo-lution démentielle accru [17] et de mortalité plus impor-tante [11]. Une étude danoise [14] réalisée sur 14 000 patients suivis durant 24 ans a comparé le risque de survenue d’une démence : le risque le plus élevé est retrouvé chez les patients bipolaires (3,4 %), comparés aux patients unipolaires (2,1 %) puis les patients schi-zophrènes (1,4 %) ;les patients à formes de début tardif présentent plus sou-vent des symptômes psychotiques et sont plus à risque de troubles neurologiques, en particulier d’accidents vascu-laires cérébraux [29] ;certains auteurs considèrent que le trouble bipolaire féminin est de moins bon pronostic par un plus grand nombre d’épisodes dépressifs.

Les comorbidités

Depuis quelques années, les études cliniques et épidémio-logiques sur la comorbidité se multiplient mettant en évi-dence un taux élevé de troubles comorbides chez les

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patients atteints de troubles bipolaires. Cette comorbidité peut concerner un ou plusieurs troubles, perturber l’évolu-tion et la prise en charge tout en péjorant le pronostic. La comorbidité est associée à un début plus précoce de la maladie, une accélération des cycles et une plus grande sévérité des épisodes, avec comme conséquences une maladie plus sévère.

Selon une méta-analyse réalisée en 2007 par Merkangas et al. [22], un peu moins de 75 % des patients bipolaires ont un trouble anxieux associé, 42 % sont associés à une addic-tion en particulier à l’alcool (39 %) On note aussi des trou-bles obsessionnels compulsifs (21 %), des troubles du comportement alimentaire (9,5 %), des troubles de la per-sonnalité et un trouble défi cit de l’attention/hyperactivité TDA/H associé (31 %) (Tableau 3). Les comorbidités ne dif-férent pas signifi cativement entre les formes bipolaires de type I et de type II.

Tableau 3 Comorbidités psychiatriques des troubles bipolaires au cours de la vie (Selon Merkangas et al. 2007)

% OR (95 %)

Troubles anxieux 74,9 (2,8) 6,5 (4,7-9,0)Phobie sociale 37,8 (3,1) 4,6 (3,5-5,9)TAG 29,6 (2,5) 6,1 (4,6-8,1)TDAH 31,4 (3,2) 6,7 (4,8-9,3)Addiction 42,3 (2,7) 4,2 (3,3-5,5)Abus d’alcool 39,1 (2,6) 4,3 (3,3-5,5)Dépendance à l’alcool 23,2 (1,9) 5,7 (4,3-7,6

Causes somatiques

Au premier rang des comorbidités somatiques sont : l’obé-sité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les endo-crinopathies et la maladie migraineuse.

Surpoids et obésitéUne récente méta-analyse conduite par McElroy et al. [21], concernant les travaux effectués entre 1966 et 2003 mon-tre que les patients souffrant de maladie bipolaire ont un surpoids ainsi qu’une obésité plus fréquent que la popula-tion générale (44 % vs 25 %), d’obésité (20 % vs 13 %).

Les personnes obèses sous traitement amaigrissant pré-sentent une prévalence de troubles de l’humeur comprise entre 8 et 60 %. Selon McElroy et al. [21], le surpoids (25 < IMC < 29,9 kg/m2) est présent chez 58 % des patients souffrant de maladie bipolaire.

Les médicaments thymorégulateurs ont été mis en cause ainsi que les médicaments antipsychotiques. La prise de poids, dose dépendante, survient en général dans les deux premières années de traitement, plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes, et chez les person-nes déjà en surpoids au début du traitement. La prise de poids est importante à considérer car elle est l’une des causes les plus fréquentes de mauvaise observance théra-peutique. En outre, le surpoids est lui-même corrélé à de

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nombreux risques (diabète non insulino-réquérant, affec-tions cardio-vasculaires, rhumatismales, hypertriglycéridé-mie, HTA…), il est donc important d’adopter des attitudes préventives ou rapidement correctives chez les patients bipolaires à risque de surpoids notamment par un ajuste-ment des doses de médicaments et des conseils diététiques surtout en début de traitement.

Diabète et affections endocriniennesDes études effectuées chez les patients bipolaires hospita-lisés estiment la prévalence du diabète de type II à près de 10 %, alors qu’elle n’est que de 3 à 4 % dans la population générale. Cette comorbidité a des répercussions sur l’évo-lution de la maladie bipolaire elle-même : chronicité plus importante, plus grande fréquence des cycles rapides, durées d’hospitalisations prolongées [21]. Les liens possi-bles entre diabète sucré et maladie bipolaire pourraient être expliqués par le mode de vie, les altérations de trans-duction du signal voire une corrélation génétique.

Des épisodes maniaques ou dépressifs récurrents ont été décrits depuis longtemps dans certaines pathologies endocriniennes, l’hyperthyroïdie en particulier. Ces trou-bles régressent habituellement sous traitement. Quelques cas de troubles bipolaires à début tardif attribués à l’hy-perthyroïdisme ont été décrits et soulèvent la question de l’existence préalable d’oscillations thymiques infraclini-ques amplifi ées par les hormones thyroïdiennes. En outre, des anomalies thyroïdiennes sont décrites au cours des lithothérapies : leur fréquence est estimée entre 5 et 35 % des sujets traités. Ces troubles thyroïdiens justifi ent le dosage annuel de la TSH ultrasensible chez les personnes traitées par lithium. Des troubles maniaques ou dépressifs ont également été décrits au cours des syndromes de Cushing, de la maladie d’Addison et des dysfonctionne-ments parathyroïdiens. Ces comorbidités justifi ent une exploration endocrinienne chez toute personne présentant des troubles de l’humeur, surtout lorsque ceux-ci débutent à un âge tardif, chez les sujets sans antécédents familiaux de bipolarité.

Les maladies cardio-vasculairesLes liens entre le diabète et les maladies cardio-vasculaires sont connus. Parmi les facteurs de comorbidité et de mor-talité des personnes en surpoids ou obèses fi gurent l’hyper-tension artérielle, les maladies coronariennes, l’insuffi sance cardiaque. Les patients bipolaires présentent un risque plus important de surpoids, d’obésité et de diabète de type II comparativement à la population générale explique que ces patients sont à haut risque, et sont susceptibles de développer des maladies de l’appareil cardiocirculatoire.

Le risque d’allongement de l’intervalle QT pouvant se compliquer de torsades de pointe, lié à l’emploi de certains antipsychotiques, s’impose de dépister les facteurs de ris-que d’un allongement du QT.

Les complications thérapeutiques

Les complications d’origine thérapeutique sont rares si la prise en charge et la surveillance du traitement sont bien conduites.

Lithium : 70 % de patients présentent des effets secon-daires légers (syndrome polyurique-polydipsique, trem-blements, prise de poids, hypothyroïdie, troubles gastro-intestinaux), sources de mauvaise compliance thé-rapeutique et parfois graves (convulsions, coma et évolu-tion fatale).Acide valproïque : mieux toléré mais prise de poids (jus-qu’à 15 kg), exceptionnellement encéphalopathie et hépatite.Carbamazépine : anomalies des lignées sanguines, séda-tion, ataxie, hyponatrémie, rétention hydrique.Antidépresseurs : risque d’induction d’états maniaques et de cycles rapides.Neuroleptiques conventionnels : Induction d’états dépres-sifs, de troubles neurologiques et de troubles du rythme cardiaque à type de tachycardie ventriculaire, voire de mort subite.Antipsychotiques atypiques : principalement des compli-cations métaboliques et cardio-vasculaires.

Conclusion

L’amélioration de la prise en charge des patients atteints de trouble bipolaire doit se poursuivre tout en harmonisant les critères diagnostiques, et en élaborant des indicateurs pour un meilleur suivi. Un suivi somatique régulier est désormais la règle ainsi que le traitement des comorbidités psychiatriques et somatiques.

Par ailleurs, il est plus que nécessaire de mettre en place des études épidémiologiques et prospectives avec des bases de données plus étendues pour rendre les techni-ques de modélisation plus puissantes et évoluer vers une amélioration de la qualité de vie et un allongement de l’es-pérance de vie des patients bipolaires.

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