377
 LE RISQUE CHIMIQUE Concepts  Méthodes  Pratiques Guy Gautret de la Moricière SÉRIE  |  CHIMIE

Evaluation Du Risque Chimique

  • Upload
    ticia25

  • View
    489

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

SRIE

| CHIMIE

Guy Gautret de la Moricire

RISQUE CHIMIQUEConcepts Mthodes Pratiques

LE

LE RISQUE CHIMIQUE

N. MARGOSSIAN Le rglement REACH : La rglementation europenne sur les produits chimiques 288 p.

N. MARGOSSIAN Aide-mmoire du risque chimique 2e edition, 296 p.

E. KOLLER Dictionnaire encyclopdique du gnie des procds 520 p.

Guy Gautret de la Moricire

LE RISQUE CHIMIQUEConcepts Mthodes Pratiques

Dunod, Paris, 2008ISBN 978-2-10-053565-1

TABLE DES MATIRES

Table des matires Avant-propos 1 Introduction1.1 1.2 1.3 Limportance du risque chimique Le principe de prvention La mthode propose

V VII 11 3 4

2 Thorie du risque chimique2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 Notions gnrales Caractristiques du risque chimique Le danger chimique Processus chronique Processus accidentel Caractristiques des mthodes existantes La contribution du rglement REACH Le principe de prcaution

99 12 16 60 70 107 113 119

3 Pratique de lanalyse des risques chimiques3.1 3.2 3.3 3.4 Les mthodes de reprage des risques Identification des risques Estimation des risques Fixation des priorits daction

123123 130 142 159

4 Pratique de la prvention des risques4.1 4.2 4.3 Objectifs de prvention Recherche des mesures possibles Les familles de mesures

161161 162 168

V

4.4 4.5

Choix des mesures Application de la mthodologie aux autres risques

214 227

5 Applications particulires5.1 5.2 5.3 5.4 Stockage Industrie chimique et pharmaceutique Traitements de surface Protection de lenvironnement

237237 253 267 276

6 tude de cas6.1 6.2 6.3 6.4 Description du cas Analyse des risques Mesures de prvention Conclusion

295295 296 299 301

7 Organisation de la dmarche7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 Chronologie gnrale Mise en place des moyens Recensement des agents chimiques Reprage des urgences Application de la mthode Adaptation au domaine dactivit de lentreprise

303303 304 305 307 311 312

8 AnnexesAnnexe 1 Code du travail Phrases de risque R Annexe 2 Code du travail Phrases S Annexe 3 ADR Signification des numros didentification du danger Annexe 4 Niveaux de danger des agents chimiques Annexe 5 SGH Classification Annexe 6 SGH Classement des mentions de danger selon le niveau de danger Annexe 7 REACH Catgories de produits soumis restriction Annexe 8 Code du travail Valeurs limites dexposition professionnelle contraignantes Annexe 9 Code du travail Valeurs limites dexposition professionnelle indicatives Annexe 10 Scurit sociale Tableau des maladies professionnelles Annexe 11 INRS Liste des guides de ventilation

315315 320 324 328 330 336 340 345 351 355 359

Annexe 12 Code de lenvironnement Proprits qui rendent les dchets dangereux 360

VI

AVANT-PROPOS

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Toute tude de risque na pour nalit que dviter les dommages aux personnes, aux biens et lenvironnement. En particulier, les accidents et maladies professionnels ne doivent pas tre considrs comme une charge parmi dautres, mais bien comme un dysfonctionnement. Cet ouvrage se veut un moyen dacqurir une vritable efcacit dans la prvention des dommages dorigine chimique, linstar de ceux que lon propose dans lamlioration de la qualit ou de la productivit. Il est donc dabord destin aux chefs dentreprises et lencadrement, mais aussi aux fonctionnels dhygine et de scurit et toute personne confronte aux risques chimiques dans une dmarche de prvention. Les dernires volutions de la lgislation franaise, qui transcrivent les directives europennes, mettent en avant la dmarche dvaluation des risques avant toute mise en uvre de mesures de prvention. Lapplication de cette dmarche au risque chimique a souvent rebut les entreprises et les services, en raison de son apparente complexit. Le risque chimique prsente en effet des particularits qui justient une approche et une recherche dinformations diffrentes par rapport aux autres risques. La premire partie de ce guide sattache identier ces particularits, pour ensuite proposer une mthode danalyse adapte, dcoulant dun modle original et universel du risque chimique. La deuxime partie est consacre la recherche et la mise en place des mesures de prvention correspondantes, en sappuyant largement sur des cas concrets. La mise en pratique efcace de cette mthode ncessite une organisation analogue un projet, avec ses acteurs, ses tapes et ses moyens. Elle est dtaille dans la troisime partie, qui voquera notamment la prslection des postes plus grand risque. Comme tout outil dune certaine technicit, cet ouvrage doit faire lobjet dune appropriation par ses utilisateurs, ce qui signie que les responsables doivent en adapter la complexit la ralit de lentreprise ou du service. Il nest pas destin de prfrence aux grandes entreprises, comme on le croit parfois, car son utilisation nexige en fait quune bonne organisation pralable. Cet effort est un vritable investissement susceptible de porter des fruits, au-del mme du domaine sant/scurit. En outre, cet ouvrage montre que la mthode prsente ici est transposable lensemble des risques, en commenant par ceux qui concernent lenvironnement.

VII

1 INTRODUCTION

Cet ouvrage veut tablir une rationalisation de lapproche du risque chimique. Il expose dabord une thorie, avec des concepts dnis, des rgles prcises et surtout une logique de fonctionnement quasi universelle. Cette thorie est laboutissement de ltude systmatique des dommages dorigine chimique observs depuis que des enregistrements en sont faits. Elle apporte une rponse mthodologique aux principes gnraux qui ont t dvelopps ces dernires annes par les spcialistes de la prvention des risques. Ces principes se retrouvent en particulier dans des directives europennes et des normes. La directive 98/24/CE concernant les risques lis aux agents chimiques en fait largement tat, comme la norme internationale ISO 14121, qui vise lestimation des risques dans le cas des quipements de travail. Cependant, la caractrisation du risque chimique manquait encore dune mthode sufsamment rationnelle et dtaille pour en tirer des dcisions sres. Cet objectif sest trouv ralis par llaboration du modle prsent dans cet ouvrage et son exploitation.

1.1 Limportance du risque chimiqueLe risque chimique est prsent dans de nombreux domaines de la vie et ses consquences nfastes peuvent tre facilement constates. Dans le domaine professionnel, la Scurit sociale, comme ses homologues dans le monde, dispose dabondantes statistiques. Elles sont collectes par les caisses rgionales dAssurance maladie, pour laider dans ses missions de prvention et de rparation des atteintes la sant. Les chiffres donnent un ordre de grandeur du problme de la sant et de la scurit au travail, sachant que leur validit est tributaire dune part de la discipline de dclaration des sinistres, dautre part de la bonne codication de ceux-ci lors de la saisie. Le tableau ci-aprs donne quelques repres trs gnraux. Les accidents de nature chimique sont assez mal dnis dans le systme de codage de la CNAMTS (Caisse Nationale de lAssurance Maladie des Travailleurs Salaris), puisquil faut les chercher dans trois groupes dlments matriels ainsi libells : appareils ou ustensiles mettant en uvre des produits chauds, fours, tuves, appareils de cuisson, etc. ; appareils ou ustensiles mettant en uvre des produits caustiques, corrosifs, toxiques ; vapeurs, gaz et poussires dltres.1

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

1 Introduction

1.1 Limportance du risque chimique

Statistiques de la CNAMTSa Tous types Accidents du travail (avec arrt) en 2006 Maladies professionnelles (avec arrt) Moyenne annuelle sur 2004-2006 Totaux 700 772 Tous types Totales 40 175 Mortelles 514 Mortels 537 Origine chimique Totaux 5 625 Mortels 9

Origine chimique Totales 8 118 Mortelles 484

a. Ces statistiques sont disponibles sur le site Internet www.risquesprofessionnels.ameli.fr.

Ils sont nalement assez rares, du moins en proportion. Lexploitation de ces statistiques nest gure possible puisque 77 % des causes sont codes non prcis ou non class . Les rsultats sur les maladies professionnelles reconnues sont rattachs des tableaux1. Sur les 112 tableaux en vigueur, 78 ont un agent causal chimique, mais seuls 60 sont encore utiliss. Une pathologie reprsente prs de 70 % du total tous tableaux ; cest celle des affections priarticulaires (tableau n 57). Un agent causal reprsente prs de 80 % du total chimique ; cest lamiante (tableaux n 30 et 30 bis). Le reste des MP concerne les allergies de contact ou respiratoires et les poussires de silice, ciment et bois pour environ 15 %, suivies par 50 tableaux diffrents qui ne reprsentent que 5 % des MP. Dans le domaine de la vie courante, les statistiques disponibles ne sont pas si prcises. Mais lampleur de ces accidents, survenant au domicile, au cours de sports ou de loisirs et dans le cadre scolaire, est sans commune mesure avec celle du domaine professionnel, puisquen 1998 on a dnombr plus de 18 000 accidents mortels, qui se rpartissent ainsi :Tranche dge (ans) Chutes Suffocations Noyades Feu 60 C et = 93 C Vitesse et dure de combustion Aptitude lexplosion (7 types) Sans objet Sans objet Raction la chaleur dun chantillon en masse Dbit de dgagement gazeux Vitesse de combustion en prsence de cellulose Dure de combustion en prsence de cellulose Aptitude lexplosion (7 types) Sans objet Dose ou concentration ltale (DL50, CL50) par diffrentes voies ou estimation de toxicit aigu (ETA) pour les mlanges (voir ci-dessous)

Critres gnraux

2.6

4

2.7 2.8 2.9 2.10 2.11 2.12 2.13 Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

2 5 1 1 2 3 3 3 5 1 5

2.14 2.15 2.16 3.1

1. Le texte des diffrents chapitres de ce rglement est tlchargeable partir de ladresse Internet : http://www.unece.org/trans/danger/publi/ghs/ghs_rev01/01les_f.html

27

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Classe de danger

Nombre de catgories

Critres gnraux

3.2

2

1 catgorie de corrosifs (1), avec 3 sous-catgories (1A, 1B, 1C) et 1 catgorie dirritants (2), daprs : des tudes sur lhomme des tudes sur lanimal la structure chimique du produit le pH en solution Pour les mlanges, on peut utiliser des critres de concentration Le choix des 3 catgories (1 de corrosifs et 2 dirritants) est fait, selon le cas, daprs : des tudes sur lhomme des tudes sur lanimal la structure chimique du produit le pH en solution Pour les mlanges, on peut utiliser des critres de concentration Sans objet. Pour les mlanges, concentration des composants actifs. Le choix des 3 catgories (1A, 1B, 2) est fait partir dtudes disponibles chez lhomme et lanimal, dire dexpert. Pour les mlanges, on tient compte de la concentration des composants actifs. Une catgorie spciale vise les effets via lallaitement. Le choix des 3 catgories est fait partir dtudes disponibles chez lhomme et lanimal, dire dexpert. On sappuie aussi sur les doses/ concentrations effet toxique non ltal. Pour les mlanges, on tient compte de la concentration des composants actifs. Le choix des 2 catgories est fait partir dtudes disponibles chez lhomme et lanimal, dire dexpert. On sappuie aussi sur les doses/ concentrations minimales effet toxique observable. Pour les mlanges, on tient compte de la concentration des composants actifs. tudes de toxicit sur lhomme et lanimal et viscosit dynamique. Pour les mlanges, on tient compte de la composition et de la viscosit. 3 catgories pour la toxicit aigu et 4 pour la toxicit chronique, partir des CL50. 2 catgories sans pictogramme.

3.3

3

3.4 3.5 3.6 3.7

1 3 3 4

3.8

3

3.9

2

3.10

2

4.1

3/4

28

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

m tiquetage

Les rgles dtiquetage se trouvent dtailles dans les annexes du rglement SGH. En rsum, une tiquette doit comporter les lments suivants : Mention davertissement : Il sagit dun mot, soit DANGER pour un danger principal, soit ATTENTION pour les dangers moins graves, ou aucun mot. La mention danger sera attribue par exemple aux catgories 1, mais une catgorie 2 pourra mentionner danger ou attention selon la classe considre. Mention de danger : Une mention de danger est une phrase qui, attribue une classe de dangers ou une catgorie de dangers, dcrit la nature du danger que prsente un produit chimique et, lorsquil y a lieu, le degr de ce danger. Les mentions de danger rappellent videmment les phrases de risque de la rglementation travail, qui sont repres par des codes R suivis dun nombre. De mme, les mentions de danger sont repres par des codes, dont la liste a t tablie par un amendement au SGH du 24 janvier 20071. Les 71 codes se rpartissent comme suit : Dangers physiques : 29 codes Dangers pour la sant : 35 codes Dangers pour lenvironnement : 7 codes La liste complte des codes de mentions de dangers est reproduite en annexe 5. Ils sont destins tre utiliss des ns de rfrence. Ils ne font pas partie du texte de la mention de danger et ne devraient pas tre utiliss en lieu et place de celui-ci. Un code alphanumrique unique est affect chaque mention de danger ; ce code est constitu dune lettre et de trois chiffres, comme suit : la lettre H (pour hazard statement ) ; un chiffre dsignant le type de danger auquel la mention de danger est affecte en suivant la numrotation des diffrentes parties du SGH, comme suit : 2 pour les dangers physiques ; 3 pour les dangers pour la sant ; 4 pour les dangers pour lenvironnement ; deux chiffres correspondant la numrotation squentielle des dangers lis aux proprits intrinsques de la matire, comme lexplosibilit (codes 200 210), linammabilit (codes 220 230), etc. Pictogrammes de mise en garde : Leur fonction est de transmettre une information sur la nature du danger, visuellement, sans lecture ncessaire. Il y a 9 symboles possibles, rassembls dans le tableau suivant :

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

1. Amendements au Systme Gnral Harmonis de classication et dtiquetage des produits chimiques (annexe 3, section1), disponible sur http://www.unece.org/trans/doc/2007/ac10/ST-SG-AC10-34a3f.pdf.

29

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Figure 2.6 Symboles de danger du SGH

On reconnat certains symboles identiques ou presque ceux des rglementations travail ou transport, mais deux nouveaux symboles apparaissent, en remplacement de la croix de Saint-Andr , rserve aux dangers irritant et nocif et effectivement peu vocatrice. Le symbole de danger est toujours plac lintrieur dun carr pos sur la pointe, en fait un losange, comme dans la rglementation transport. Les symboles doivent tre noirs et le losange reprsent par un cadre rouge. Exemple :

Figure 2.7

Toutefois, le SGH prcise que ces pictogrammes ne sappliquent pas au domaine du transport des matires dangereuses, pour lequel reste en vigueur le rglement type de lONU. Mme sils sont daspect trs voisin, ils nen sont pas moins diffrents, ce qui peut conduire trouver sur un mme emballage, par exemple pour une matire inammable, les deux pictogrammes suivants :30

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Figure 2.8

Lorsque lon connat la classe et la catgorie de danger dun produit, il suft de se reporter lannexe 2 du rglement pour trouver le pictogramme mettre sur ltiquette. Conseils de prudence : Un conseil de prudence est une phrase dcrivant les mesures recommandes quil y a lieu de prendre pour rduire au minimum ou prvenir les effets nocifs dcoulant dune exposition. Le choix de ces conseils est laiss lapprciation du responsable de ltiquetage ou lautorit comptente.EXEMPLES :

Garder le rcipient hermtiquement ferm. Ne pas respirer les vapeurs. Porter des gants de protection. En cas dincendie, ne pas utiliser deau.

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Lannexe n 3 du SGH propose une liste de conseils de prudence adapts chacune des classes de dangers. Ces phrases rappellent les conseils de prudence ( S ) de la rglementation travail et elles possdent aussi un code alphanumrique unique. Ce code est constitu dune lettre et de trois chiffres, comme suit : la lettre P (pour precautionary statement ) ; un chiffre dsignant le type de conseil de prudence, comme suit : 1 pour les conseils de prudence gnraux, 2 pour les conseils de prudence concernant la prvention, 3 pour les conseils de prudence concernant lintervention, 4 pour les conseils de prudence concernant le stockage, 5 pour les conseils de prudence concernant llimination ; deux chiffres correspondant la numrotation squentielle des conseils de prudence. Les codes des conseils de prudence sont destins tre utiliss des ns de rfrence et ne font pas partie du texte des conseils de prudence et ils ne devraient pas tre utiliss en lieu et place de celui-ci. Identication du produit : Ltiquette devrait rvler lidentit chimique dun produit simple, ou, pour un mlange, lidentit chimique des composants qui prsentent un danger critique, savoir : toxicit aigu ; corrosion de la peau, lsions oculaires graves, pouvoir mutagne, cancrogne ou repro-toxique, sensibilisation cutane ou respiratoire,31

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

toxicit systmique sur organes cibles. Toutefois, les rgles qui protgent les informations commerciales condentielles sont prioritaires par rapport celles qui concernent lidentit chimique. Identit du fournisseur : Le nom, ladresse et le numro de tlphone du fabricant ou du fournisseur du produit devraient gurer sur ltiquette.2.3.4 Les dangers selon le rglement REACH

Selon ce rglement, les fabricants ou importateurs qui veulent mettre sur le march une substance ou une prparation sont tenus de lenregistrer auprs de lagence dsigne en fournissant un dossier dvaluation. Ce dossier doit comprendre les lments suivants, conformment aux sections correspondantes de lannexe I : une valuation des dangers pour la sant humaine ; une valuation des dangers que constituent les proprits physico-chimiques pour la sant humaine ; une valuation des dangers pour lenvironnement ; une valuation des produits persistants, bioaccumulables et toxiques (PBT pour Persistent Bioaccumulative Toxic) et des trs persistants et trs bioaccumulables (vPvB, pour very Persistent very Bioaccumulative). Pour la sant humaine, lvaluation des dangers a pour objet : de dterminer la classication et ltiquetage dune substance, conformment la directive 67/548/CEE ; dtablir le niveau maximum dexposition la substance auquel ltre humain peut tre soumis. Ce niveau dexposition est appel niveau driv sans effet (DNEL pour Derived No Effect Level). Nous voyons que le rglement REACH ne change pas la classication actuelle et semble ignorer le SGH. Par contre, il systmatise la fourniture de VLEP, appele donc DNEL et xe par intgration des donnes humaines et non humaines pertinentes disponibles. Toutes les donnes non humaines qui sont utilises pour valuer un effet particulier sur ltre humain et pour tablir la relation dose (concentration) rponse (effet) feront lobjet dune prsentation succincte avec une distinction entre donnes in vitro, donnes in vivo et autres donnes. Le dossier dvaluation prsentera les rsultats pertinents des essais (par exemple DL50, NO (A) EL, No-Observed-Adverse-Effect Level, ou LO (A) EL, Lowest-ObservedAdverse-Effect Level) et les conditions des essais (par exemple la dure des essais ou la voie dadministration), ainsi que dautres informations prendre en considration. Si plusieurs voies dexposition sont probables, une DNEL est tablie pour chacune delles et pour lensemble des voies dexposition considres globalement. Remarquons au passage la volont de limiter les essais sur animaux, dj exprime dans le SGH. En effet, si la fourniture dinformations supplmentaires est indispensable et quelle ncessite des essais portant sur des animaux vertbrs, le dclarant prsente une proposition dessai. Cependant, il ny a pas lieu de fournir de telles informations supplmentaires si le dclarant met en uvre ou recommande des mesures de gestion des risques et des conditions dexploitation sufsantes qui,32

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

conformment lannexe XI, section 3, exemptent des essais concernant lvaluation PBT et vPvB. Lors de ltablissement de la DNEL, il est notamment tenu compte des facteurs suivants : lincertitude rsultant, entre autres, de la variabilit des informations exprimentales et des variations intraspciques et interspciques ; la nature et la gravit de leffet ; la sensibilit de la population humaine particulire laquelle se rapportent les informations quantitatives et/ou qualitatives sur lexposition. Sil nest pas possible dtablir une DNEL, cette impossibilit doit tre clairement indique et dment justie. Pour certains effets, en particulier la mutagnicit et la carcinognicit, les informations disponibles ne permettent pas dtablir un seuil et, par consquent, une DNEL. Lors de lvaluation des dangers pour la sant humaine sont pris en considration : le prol toxicocintique (cest--dire absorption, mtabolisme, distribution, et limination) de la substance et les groupes deffets suivants : effets aigus (toxicit aigu, irritation et corrosivit) ; sensibilisation ; toxicit par administration rpte ; effets CMR (carcinognicit, mutagnicit et toxicit pour la reproduction). Les processus accidentel et chronique sont bien tous deux pris en compte. Pour les dangers dcoulant des proprits physico-chimiques, lvaluation a aussi pour objet de dterminer la classication et ltiquetage dune substance, conformment la directive 67/548/CEE. Sont valus au minimum les effets potentiels sur la sant humaine des proprits physico-chimiques suivantes : explosibilit ; inammabilit ; pouvoir oxydant. Pour lenvironnement, lvaluation des dangers a pour objectif de dterminer la classication et ltiquetage dune substance, conformment la directive 67/548/ CEE, et didentier la concentration de la substance au-dessous de laquelle il ne devrait pas y avoir deffets nocifs dans le milieu environnemental en cause. Cette concentration est appele concentration prdite sans effet (PNEC, pour Predicted No Effect Concentration). Sur la base des informations disponibles, la PNEC est tablie pour chaque milieu environnemental. Elle peut tre calcule par lapplication dun facteur dvaluation appropri aux valeurs des effets (par exemple CL50 ou NOEC). Un facteur dvaluation exprime lcart entre les valeurs deffets tablies pour un nombre limit despces, partir dessais de laboratoire, dune part, et de la PNEC identie pour le milieu environnemental, dautre part. Sil nest pas possible dtablir la PNEC, cette impossibilit est clairement indique et dment justie. Ainsi, le rglement REACH cre lobligation de xer des valeurs limites dexposition aussi bien pour lhomme que pour lenvironnement, sauf impossibilit dmontre. Nous verrons que cela facilite grandement la xation de niveaux de danger.33

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

2.3.5 Le niveau de danger

Le danger dun agent chimique lorigine dune exposition ou dune situation dangereuse est un des paramtres fondamentaux pour situer limportance du risque. Si le terme de danger qualie le type de dommage que peut provoquer un agent chimique, le niveau de danger quantie la gravit de ce dommage sur une certaine chelle. Il est parfois appel dangerosit . Le choix du terme niveau permet dviter toute confusion dans linterprtation du chiffre qui lexprime. Il est ainsi vident quun niveau 2 est au-dessus dun niveau 1. Nous verrons que ce nest pas le cas dautres terminologies utilises, comme classe , catgorie ou groupe . Le niveau de danger intervient diffremment dans lestimation du risque selon que le processus est chronique ou accidentel. Le choix dune chelle et les critres dattribution des chelons constituent un sujet complexe, relevant de la toxicologie, qui a t trait par diffrents auteurs et diffrentes rglementations. Son importance dans lestimation du risque chimique mrite un examen dtaill, en fonction de deux processus.m Le niveau de danger dans le processus chronique

Dans le processus chronique, le niveau de danger dtermine directement limportance du risque avec le niveau dexposition. Cest pourquoi de nombreux auteurs ont essay de classer les produits chimiques sur des chelles de danger. Certaines sont utilises dans les grandes entreprises de lindustrie chimique et pharmaceutique. Plusieurs approches sont possibles, mais le classement est toujours un problme de toxicologie. Pour les substances, on dispose souvent de donnes toxicologiques telles que la DL50 ou la CL50, cest--dire les doses ou concentrations ltales qui provoquent la mort de 50 % des animaux soumis aux expositions de produit. Elles sont ralises suivant les cas par voie orale, respiratoire ou cutane. Il est clair que le but de tels tests est essentiellement de dterminer la toxicit aigu, qui nous sera utile dans le processus accidentel. Heureusement il existe une donne toxicologique importante pour le processus chronique.m Les valeurs limites dexposition professionnelle

Pour les substances les plus courantes mises sur le march, il existe des valeurs limites dexposition professionnelle (VLEP), rparties en deux catgories rglementaires. Les valeurs contraignantes sont respecter strictement et les valeurs indicatives ne constituent quun objectif de prvention. Elles permettent toutes deux de bien situer le niveau de danger, car plus cette valeur limite est basse, plus la substance est dangereuse. Les VLEP sont dnies soit par une moyenne sur 8 heures de travail, cest la VME, soit par valeur limite sur 15 minutes, cest la VLE. Une liste complte gure dans la brochure de lINRS ED 9841. Cependant, lactualit rglementaire volue vite ; elle vient de senrichir dun dcret2 pour les valeurs1. Valeurs limites dexposition professionnelle aux agents chimiques en France, ED 984, INRS. 2. Dcret n 2007-1539 du 26 octobre 2007 xant des valeurs limites dexposition professionnelle contraignantes pour certains agents chimiques (JO du 28 octobre 2007).

34

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

contraignantes et dun arrt1 pour les valeurs indicatives. ce jour, il existe 63 agents chimiques affects dune VLEP contraignante, lists en annexe 8, et 43 agents chimiques affects dune VLEP indicative, lists en annexe 9. Il est donc intressant de les exploiter directement pour xer les niveaux de danger utilisables en exposition chronique. Voici deux exemples de cette dmarche qui ont t publis. Le premier exemple est extrait dune recommandation de lINRS concernant lactivit du traitement de surface (ED 651). Il y est expos, en rsum, que chaque bain de traitement se caractrise par un niveau global de risque qui est la combinaison de deux paramtres : lindice dmissivit et lindice de toxicit. Remarquons la parfaite cohrence de ces indices avec, respectivement, le niveau dexposition et le niveau de danger. Lindice de toxicit est attribu aux substances mises selon le tableau suivant :Valeurs limites Gaz vapeurs (ppm) < 10 10 10 100 500 > 500 Arosols (mg/m3) < 0,1 0,1 1 1 10 > 10

Indice de toxicit A B C D

Le second exemple est extrait de la note documentaire ND 2233 de lINRS2, qui propose une mthodologie simplie de lvaluation des risques. Il y est propos de rpartir les dangers en classes de 1 5 en fonction des phrases de risque ou des VLEP. Voici ce qui concerne les VLEP :Classe de danger 1 Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

VLEP (mg/m3) > 100 10 100 1 10 0,1 1 < 0,1

2 3 4 5

1. Arrt du 26 octobre 2007 modiant larrt du 30 juin 2004 modi, tablissant la liste des valeurs limites dexposition professionnelle indicatives (JO du 28 octobre 2007). 2. Mthodologie dvaluation simplie du risque chimique, ND 2233, 2005, INRS.

35

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Cest ce tableau qui a permis dtablir les niveaux de danger des agents chimiques non tiquetables, parce que gnrs par lactivit et non mis sur le march. Notons que ce tableau pourrait tre remplac par la fonction (continue) : Classe = log (1 000/VLEP) + 1 Encore faut-il disposer de VLEP. On en compte environ 520 aujourdhui, indicatives ou rglementaires, que lon peut retrouver dans la brochure de lINRS dj cite. Cependant, dans le cas dune substance sans VLEP mais dont la CL50 est connue, il est possible dvaluer une sorte de VLEP thorique. Pour plus de dtails, se rfrer notre prcdent ouvrage sur le sujet1. Dans le domaine des principes actifs pharmaceutiques, il nexiste pas de VLEP ofcielle, mais une autre valeur repre est gnralement disponible : cest le NOAEL ou dose sans effets indsirables observs. Il est utilis pour dterminer une VLEP pratique selon la formule : VLEP = NOAEL (mg/kg) Pc/k Pc est le poids corporel et k un facteur de scurit pouvant varier de 100 10 000 en fonction de la nature du produit et des effets attendus ou constats en phase clinique. Une publication de la CRAMIF2, fruit dun accord avec lindustrie pharmaceutique, propose une chelle de danger base sur des plages de VLEP :Classes 5 4 3 2 1 35 C > 35 C

Point initial dbullition

< 23 C 23 C et 61 C

Les diffrences portent sur les limites de point dclair : 23 et 61 au lieu de 21 et 55 dans le Code du travail. Dautre part, le groupe I ne tient pas compte du point dclair. Toxicit aigu par inhalation : Les liquides dgageant des vapeurs toxiques (classe 6.1) doivent tre classs dans les groupes suivants, la lettre V reprsentant la concentration (en ml/m3 dair) de vapeur (volatilit) dans lair 20 C et la pression atmosphrique normaleVapeurs Trs toxiques Toxiques Faiblement toxiquesNOTE :

Groupe demballage I II III

Critres Si V 10 CL50 et CL50 1 000 ml/m3 Si V CL50 et CL50 3 000 ml/m3 et si les critres pour le groupe demballage I ne sont pas satisfaits Si V 1/5 CL50 et CL50 5 000 ml/m3 et si les critres pour les groupes demballage I et II ne sont pas satisfaits

Ces critres de toxicit linhalation de vapeurs ont pour base les donnes sur la CL50 pour une exposition dune heure, et ces renseignements doivent tre utiliss lorsquils sont disponibles. Cependant, lorsque seules les donnes sur la CL50 pour une exposition de 4 heures aux vapeurs sont disponibles, les valeurs correspondantes peuvent tre multiplies par deux et le rsultat substitu aux critres ci-dessus, cest--dire que la double valeur de la CL50 (4 heures) est considre comme lquivalent de la valeur de la CL50 (1 heure).

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Pour comparer, il faut ramener les CL50 (4 heures) indiques dans le Code du travail leur quivalent (1 heure). Dautre part, il faut ramener les concentrations en mg/l leur quivalent en ml/m3, ce qui dpend videmment de la masse molaire de la substance en question. Prenons lexemple de substances ayant des masses molaires de 50 et 200 :Nocif/III Travail Masse molaire = 50 Masse molaire = 200 Transport CL50 (1 h) < 20 000 CL50 (1 h) < 5 000 < 5 000 Toxique/II CL50 (1 h) en ml/m3 CL50 (1h) < 2 000 CL50 (1 h) < 500 < 3 000 CL50 (1 h) < 500 CL50 (1 h) < 125 < 1 000 Trs toxique/I

49

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Les diffrences sont sensibles, sans mme tenir compte de la volatilit, mais les groupes I et II ont des critres plus svres que ceux du Code du travail qui leur correspondent. En conclusion, il ne nous semble pas raliste de pouvoir tirer une chelle de niveaux partir de cette rglementation, mais une consultation du classement sera toujours utile pour afner, au cas par cas, le choix nal adopt pour lestimation du risque accidentel.m Processus accidentel dans le SGH

Les dangers correspondant des risques accidentels sont soit dans le tableau des dangers physiques, soit dans celui des dangers pour la sant, quand ils sont susceptibles dtre impliqus dans des expositions massives. Pour le premier groupe, il y a 16 classes de dangers, dont le nombre de catgories varie de 1 7. Trois familles de dangers physico-chimiques peuvent tre identies : Les explosifs : Ils sont runis dans la classe 2.1. Si lon limine les explosifs par destination et les matires pyrotechniques, il ny a que 5 catgories, avec 7 mentions de danger en ajoutant le H240 (risque dexplosion en cas dchauffement) et le H280 (contient un gaz sous pression ; peut exploser sous leffet de la chaleur), que nous rpartirons logiquement sur les niveaux de danger de 3 5, sachant quon ne les rencontrera normalement que dans la chimie ne ou des tablissements faisant lobjet de rglementations spciques, notamment Seveso II. Les ractifs : Sous cette appellation, nous runissons les matires autoractives et auto-chauffantes (classes 2.8 et 2.11), les comburants (classes 2.4, 2.13, 2.14 et 2.15) et les corrosifs (classe 2.16). Cet ensemble est reconnaissable par 9 mentions de danger, placer sur 3 niveaux de danger. Les inammables : Cest le groupe le plus fourni, avec les classes 2.2, 2.3, 2.6, 2.7, 2.9, 2.10 et 2.12. Ce type de danger est beaucoup plus dtaill ici que dans le Code du travail, notamment en ce qui concerne les gaz, du fait que les dangers physiques proviennent en grande partie du rglement du Transport des matires dangereuses. Il existe un choix de 12 codes de mention de danger, que lon rpartit en 3 niveaux, sauf pour les liquides pour lesquels existent 4 catgories de dangers :Critres de classification des liquides inflammables (classe 2.6) Catgorie 1 2 3 4 Critres Le point dclair est < 23 C et le point initial dbullition est 35 C Le point dclair est < 23 C et le point initial dbullition est > 35 C Le point dclair est 23 C et 60 C Le point dclair est > 60 C et 93 C

50

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Le SGH se distingue par un niveau supplmentaire (code H227, liquides combustibles) et des limites de point dclair diffrentes. L aussi, il faudra se souvenir que la catgorie 1 correspond au plus haut niveau de danger. Il faut ajouter cette liste une mention dun danger particulier, nexistant pas en phrase de risque mais bien rel : contient un gaz rfrigr ; peut causer des brlures ou blessures cryogniques (H281). Pour lensemble des dangers physico-chimiques, un niveau de danger a t attribu chaque code de mention de danger. Une liste de ces codes, classe par niveau de danger, gure en annexe 6. Le deuxime groupe de danger prendre en compte dans le risque accidentel comprend les toxiques aigus (classe 3.1), les corrosifs-irritants (classes 3.2 et 3.3) et le danger par aspiration (classe 3.10). On peut la limite ajouter les toxiques systmiques en cas dexposition unique (classe 3.8). Ces classes comportent de 2 5 catgories et couvrent 21 mentions de danger, dont une partie est commune avec les dangers dexposition chronique. Examinons plus particulirement le danger de toxicit aigu. Les produits chimiques peuvent tre classs dans une des cinq catgories de toxicit aigu par voie orale ou cutane ou par inhalation selon des valeurs seuils, comme le montre le tableau ci-dessous. Les valeurs de toxicit aigu sont exprimes en valeurs destimation de la DL50 (orale, cutane) ou CL50 (inhalation). Catgories de danger de toxicit aigu dnissant les diffrentes voies dexposition :Voie dexposition Orale (mg/kg de poids corporel) Cutane (mg/kg de poids corporel) Gaz (ppmV) Vapeurs (mg/l) Poussires et brouillards (mg/l) Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Catgorie 1 5 50 100 0,5 0,05 50 200 500 2,0 0,5 2 3 300 1 000 2 500 10,0 1,0 4 2 000 2 000 5 000 20,0 5,0 Voir critres dtaills en note b) 5 5 000

NOTE :

a) La concentration des gaz est exprime en parties par million de volume (ppmV). b) Les critres pour la catgorie 5 sont destins lidentication de substances dont la toxicit aigu est relativement faible mais qui peuvent, sous certaines conditions, tre dangereuses pour des populations vulnrables. Les DL50 orale et cutane de ces substances se situent dans lintervalle 2 000-5 000 mg/kg ou, par inhalation, des doses quivalentes.

Nous voyons que les seuils sont diffrents de ceux quutilise la classication actuelle. Par exemple, pour lingestion, la limite de DL50 pour trs toxique (R28) est de 25 mg/kg, soit entre les catgories 1 et 2, et la limite pour toxique (R25) est de 200 mg/kg, soit entre les catgories 2 et 3.51

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Pour la dtermination de la toxicit aigu, comme pour certaines autres donnes toxicologiques, on se rfre des essais sur des animaux de laboratoire (rats, souris, lapins, etc.). Notons que les exprimentateurs devront sefforcer, dans le choix de leurs mthodes, de respecter la protection et le bien-tre des animaux. Le SGH rappelle plusieurs endroits que : les essais sur animaux de substances classes en catgorie 5 doivent tre dcourags pour des raisons de protection des animaux. De tels essais ne sont envisageables que lorsquil y a une forte probabilit que les rsultats apporteront des lments dinformation importants pour la protection de la sant humaine. Cette prcaution est aussi prescrite par le rglement REACH, dont les considrants prcisent par exemple : il est ncessaire de remplacer, de rduire ou dafner les essais sur les animaux vertbrs. La mise en uvre du prsent rglement devrait chaque fois que possible reposer sur le recours des mthodes dessai de remplacement adaptes lvaluation des dangers prsents par les substances chimiques pour la sant et pour lenvironnement La Commission et lAgence devraient veiller ce que la rduction des expriences sur animaux constitue un lment cl du dveloppement et de lactualisation des orientations destines aux parties concernes ainsi que dans les procdures de lAgence. Pour classer les mlanges, il faut soit appliquer les critres des substances aux mlanges, dans la mesure o lon dispose des donnes ncessaires, soit procder par calcul partir des donnes de chaque composant. Dans ce cas, lestimation de toxicit aigu (ETA) orale, cutane ou par inhalation du mlange est calcule partir des valeurs dETA des composants prendre en compte, laide de la formule ci-dessous : 100 ----------------- = ETA ml ----------- ETA-i n Ci

o : Ci : est la concentration du composant i ; n : est le nombre de composants et i va de 1 n ; ETAi : est lestimation de toxicit aigu du composant i. En conclusion, pour xer une chelle de danger de toxicit aigu, on peut proposer une rpartition des codes de danger correspondant aux 5 classes cites plus haut sur quatre niveaux :quivalence Code du travail R28 R39/28 R25 R39/25 Niveau de danger 5

Code

Mentions de danger pour la sant

Cat. de danger

H300

Mortel en cas dingestion

1, 2

H301

Toxique en cas dingestion

3

4

52

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Code

Mentions de danger pour la sant

Cat. de danger

quivalence Code du travail R22 R68/22 R22 R23/25 R39/23/25 R20/22 R27 R39/27 R24 R39/24 R21 R68/21 R21 R35, R34 R41 R38 R38 R41 R36 R36 R26 R39/26 R23 R39/23 R20 R68/20 R20 R37

Niveau de danger 3 2 5

H302 H303 H304

Nocif en cas dingestion Peut tre nocif en cas dingestion Peut tre mortel en cas dingestion et de pntration dans les voies respiratoires Peut tre nocif en cas dingestion et de pntration dans les voies respiratoires Mortel par contact cutan

4 5 1

H305

2

3

H310

1, 2

5

H311

Toxique par contact cutan

3

4

H312 H313 H314 H315 H316 H318 H319 H320 Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Nocif par contact cutan Peut tre nocif par contact cutan Provoque des brlures de la peau et des lsions oculaires graves Provoque une irritation cutane Provoque une lgre irritation cutane Provoque des lsions oculaires graves Provoque une svre irritation des yeux Provoque une irritation des yeux Mortel par inhalation

4 5 1A, 1B, 1C 2 3 1 2A 2B 1, 2

3 2 4 3 2 4 3 2 5

H330

H331

Toxique par inhalation

3

4

H332 H333 H335

Nocif par inhalation Peut tre nocif par inhalation Peut irriter les voies respiratoires

4 5 3

3 2 2

53

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Code

Mentions de danger pour la sant

Cat. de danger 3

quivalence Code du travail R67 R39 R39/23/24/25

Niveau de danger 3

H336

Peut provoquer somnolence et des vertiges Risque avr deffets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affects, sils sont connus) Risque prsum deffets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affects, sils sont connus)

H370

1

5

H371

2

R23/24/25 R68/20/21/22

4

Cette liste est videmment indicative, car tout agent chimique prsent en quantit ou concentration importante, quel que soit son tiquetage, peut gnrer un risque daccident. Cest pourquoi, dans lestimation de la gravit et de la probabilit dun risque accidentel li une exposition massive, on sappuiera sur la liste complte gurant dans lannexe 6.2.3.6 Les familles de dangers

La rglementation du travail propose donc 123 phrases de risque diffrentes pour identier les dangers des produits chimiques. La rglementation du transport des matires dangereuses propose 92 numros didentication de danger. Le Systme Gnral Harmonis, qui devrait bientt se substituer aux deux prcdents, distingue 71 codes de danger, ce qui est plus simple, mais encore lourd grer pour la prvention. Il y a pourtant une faon simple de rsoudre ce problme. Quand on examine les listes de phrases ou de codes, il savre que certains dangers voqus ne diffrent que par la gravit des dommages possibles, alors que le mode daction est identique. Par exemple, entre un irritant et un corrosif, la diffrence ne porte que sur la gravit de la lsion ventuelle, mais il sagit toujours dun effet li au contact cutan ou oculaire. Cest encore plus net pour les phrases R23 et R26 : toxique ou trs toxique par inhalation. On comprend bien que les mesures de prvention seront identiques pour ces deux dangers ; seule la priorit daction peut tre diffrente. Si lon carte la notion de gravit, il se dgage deux grandes familles de dangers homognes, avec des subdivisions : Danger physico-chimique : Incendie/explosion : code IE Ractivit particulire : code Re Danger toxicologique : Toxicit par inhalation : code In Nocivit par contact (cutan ou oculaire) : code Co Toxicit par ingestion : code Tg Classement CMR selon rglementation : code CMR54

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Remarques : Ce classement est conforme aux rgles destimation du risque accidentel nonces au paragraphe 2.5.5. Les contacts cutans et oculaires ne sont pas distingus, parce quils rpondent au mme processus dapparition. Seuls les effets sont distincts. Le classement CMR, qui sapplique aux cancrognes, mutagnes et reprotoxiques, mais seulement de catgories 1 et 2 selon lUnion europenne, nest introduit que pour des contraintes rglementaires, car, dans ltude des dangers, il est redondant avec les deux prcdents. Le danger de toxicit par ingestion est atypique par rapport aux autres ; il fera lobjet dune approche particulire. Ces cinq codes ont une certaine ressemblance avec les sept groupes de danger de lADR (voir paragraphe 2.3.2). Il aurait t intressant de trouver des symboles de danger correspondants chacune de ces familles. Mais ces symboles nindiquent que partiellement les voies dexposition ou les proprits physico-chimiques. Il faut passer par les phrases de risque pour arriver affecter chaque danger une ou plusieurs familles. Le tableau suivant permet ce passage, sachant que, pour simplier, nous avons limin les dangers pour lenvironnement.Famille de danger IE Re In Co Tg CMR

Phrase R1 R2 R3 R4 R5 R6 R7 R8 Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

R9 R10 R11 R12 R14 R15 R16 R17 R18

55

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Phrase R19 R20 R21 R22 R23 R24 R25 R26 R27 R28 R29 R30 R31 R32 R33 R34 R35 R36 R37 R38 R39 R40 R41 R42 R43 R44 R45 R46 R48 R49 R60 R61 R62

Famille de danger IE Re In Co Tg CMR

56

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Phrase R63 R64 R65 R66 R67 R68

Famille de danger IE Re In Co Tg CMR

Chaque fois que la phrase R ne prcise pas la voie, cest que les trois peuvent tre concernes. Ce tableau nutilise que les phrases simples, mais sapplique sans difcult aux phrases combines. Par exemple :Phrases combines R20/21 R39/23/25 R36/38 R42/43 R48/21 R68/20 Familles de danger In + Co In + Tg Co In + Co Co In

Les substances et prparations classes ont le plus souvent plusieurs phrases de risque, ce qui a pour effet de cumuler les familles de dangers. En voici des exemples :Produit Actone Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Phrases de risque 11-36-66-67 11-23/24/25-39/23/24/25 10-35 8-34 20/21-36-61

Famille de danger IE + Co + In IE + Co + In + Tg IE + Co Re + Co In + Co + CMR

Mthanol Acide actique Peroxyde dhydrogne Dimthyl-formamide

On saperoit vite que la grande majorit des solvants comporte le classement IE + In + Co, ce qui simplie normment lanalyse des risques, malgr lapparente complexit de ltiquetage.57

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

En pratique, il est beaucoup plus simple denvisager les 4 familles de dangers classiques automatiquement pour chaque phase de travail : In, Co, IE, Re, et de vrier ensuite par les phrases R du produit si elles sont toutes rellement concernes. Cest plus rapide et plus sr. En effet, le classement rglementaire des produits nest quune indication gnrale, car les modes dexposition rels peuvent conduire des classements diffrents. Ainsi, une prsence dacide sulfurique induit le seul danger R35, donc la famille Co, mais en cas dune possibilit de formation darosol, il faut ajouter la famille In. Ce phnomne est bien connu, par exemple, dans lactivit de traitement de surface. Lexprience montre dailleurs que dans la grande majorit des situations de travail, les dangers In et Co sont prsents simultanment. La pntration percutane est en effet souvent sous-estime, mme en prsence de vapeurs. Cette simplication est un des points cls de notre mthode, parce quelle permet une certaine indpendance vis--vis de ltiquetage, quelle que soit la rglementation concerne. En effet, le risque est caractris seulement par une exposition ou une situation dangereuse. Le dchiffrage de la classication, avec ce quelle comporte dincohrence et de lacunes dans la pratique, nintervient ensuite que pour lestimation. Avec lapplication du SGH, la dnition des familles de dangers se fera trs simplement, car les classes de dangers sont justement organises selon ces mmes familles. Cela conduit au tableau de correspondance suivant :Famille de danger Classe Danger IE 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 2.10 2.11 2.12 matires et objets explosibles gaz inflammables arosols inflammables gaz comburants gaz sous pression liquides inflammables matires solides inflammables matires autoractives liquides pyrophoriques solides pyrophoriques matires auto-chauffantes matires qui, au contact de leau, dgagent des gaz inflammables Re In Co Tg CMR

58

2 Thorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Famille de danger Classe 2.13 2.14 2.15 2.16 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8 3.9 3.10 Danger IE liquides comburants matires solides comburantes peroxydes organiques matires corrosives pour les mtaux toxicit aigu corrosion/irritation cutanes lsions oculaires graves/irritation oculaire sensibilisation respiratoire ou cutane mutagnicit pour les cellules germinales Cancrognicit toxicit pour la reproduction toxicit systmique pour certains organes cibles, exposition unique toxicit systmique pour certains organes cibles, expositions rptes danger par aspiration Re In Co Tg CMR

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

La classe 4.1 concernant lenvironnement ne gure pas ici. Elle fait lobjet dune approche spcique traite au paragraphe 5.4. Lorsque ltiquetage selon le SGH sera effectif, il sera plus simple de partir des codes de danger en H , comme on le fait aujourdhui pour les phrases de risque. Nous avons vu que la notion dagent chimique fait aussi appel des produits gnrs par lactivit et non soumis la classication, tels que poussires et fumes. Nous ne pourrons pas nous appuyer sur des phrases de risque mais nous devons leur affecter des familles de dangers.EXEMPLES :

Fumes de soudure Poussires de bois Poussires de plomb Fibres damiante

In In + Re In + Tg In

Ainsi se trouve comble une lacune de la classication, europenne ou issue du SGH, qui ne vise que ltiquetage en nal.59

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

2.4 Processus chronique2.4.1 Exposition

Dans lexpos des mcanismes du risque chimique, lexposition est dnie comme le contact dune personne avec un agent chimique par voie respiratoire, cutane ou digestive. Cette dnition est largement admise aujourdhui dans le monde professionnel. Elle induit une consquence vidente mais importante dans la pratique, cest quil ny a pas dexposition en dehors de tout contact. Prsente sous cet angle, cette ide soulve plus dinterrogations. Par exemple, il a t publi des valuations du nombre de salaris exposs des agents cancrognes. Sagissait-il toujours dexpositions vraies, cest--dire avec contact ? Beaucoup dintervenants en sant au travail parlent dexposition ds quil y a utilisation de produit chimique au poste de travail, sans se soucier de la ralit dun contact. Le contact en question est le contact des molcules de lagent chimique avec une partie quelconque du corps humain. Le premier cas de gure est le contact cutan. En dehors de circonstances accidentelles, il se limite en gnral, pour les liquides et les solides, aux mains et aux avant-bras. Mais cela peut stendre au visage, voire lensemble de la tte, comme aux membres et au torse, pour peu que le travail soit trs polluant et que la temprature ambiante conduise la personne se dvtir. Lidentication dune exposition cutane doit tenir compte du fait que certains produits chimiques ne laissent ni dpt visible ni sensation particulire sur la peau, ce qui peut conduire ignorer, voire nier, toute exposition. Lorsque lagent chimique est volatil, sous forme de vapeurs ou de poussires nes, son contact avec le corps humain peut couvrir une large surface puisquil peut passer au travers des vtements. La transpiration peut aussi amliorer le contact, notamment pour les poussires. Les arosols liquides russissent encore mieux se dposer sur la peau. Le contact oculaire est un cas particulier en raison de la trs grande sensibilit de la surface de lil, laquelle, par son humidit, facilite ladsorption des produits volatils. En processus chronique, le contact oculaire ne provient en gnral que de vapeurs et de poussires. ct de la peau, ce sont les muqueuses qui peuvent entrer en contact avec les molcules dagents chimiques. Les plus exposes sont celles du systme buccorespiratoire, comprenant la bouche, les cavits nasales, la gorge et les voies respiratoires profondes, jusquaux alvoles pulmonaires. Pour que le contact soit possible, il faut que les molcules ou les particules soient transportes par lair inhal. Pour mmoire, le dbit respiratoire est compris entre 20 et 120 litres par minute, selon le niveau dactivit physique. Lexposition par voie respiratoire est au cur de toute valuation de risque chimique, car elle induit une grande vitesse de passage des substances en milieu sanguin. Pour situer le problme, un individu expos une pollution de 200 ppm de xylne en inhale 800 mg par heure. Les effets sur des organes cibles peuvent donc se manifester rapidement, ce qui nexclut pas des effets locaux, de lirritation lulcration, tous les niveaux des voies respiratoires. La troisime voie habituellement voque est la voie digestive. En processus chronique, elle est prsente surtout comme effet secondaire de la voie respiratoire,60

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

puisque toute dglutition en prsence de vapeurs, poussires ou arosols peut entraner un agent chimique dans le systme digestif. Elle est aussi envisageable dans des circonstances particulires : manque dhygine des mains, voire du visage, conduisant des pollutions soit de nourriture, soit de la zone buccale au cours des repas ; consommation de tabac pouvant entraner dune part une contamination buccale avec des mains souilles, dautre part des effets de toxicit aggrave par la pyrolyse dans la cigarette dagents chimiques prsents dans latmosphre. La voie digestive nest pas ngliger ds que lon travaille avec des produits dont les doses actives sont trs faibles, comme cela se rencontre dans lindustrie pharmaceutique1. Les observations qui prcdent amnent une conclusion vidente : le plus souvent, les trois voies, cutane, respiratoire et digestive, sont simultanes, mais avec des proportions variables. Seule la manipulation de produits liquides ou pteux non volatils limite lexposition au contact cutan, et une possible voie digestive. Un contact avec des liquides ou des solides est relativement facile observer. La frontire de la zone dangereuse concide avec leur surface. On touche ou on ne touche pas le produit. Toutefois, le produit peut se cacher la surface dun objet ou dun matriau pollu. Beaucoup dexpositions cutanes suivent ce schma. Pour lillustrer, il suft de prendre lexemple des chiffons, qui, dans un premier temps, ont pour but dliminer une souillure, mais qui, aussitt lessuyage ralis, deviennent eux-mmes source de contamination des mains.

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Figure 2.9 Les chiffons sont un vecteur dexposition cutane

1. Concernant lexposition aux principes actifs, voir la brochure CRAMIF, rf. DTE 145.

61

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

On peut aussi citer les orices de rcipients, les bords de cuves, les tuyaux mobiles, les outils de travail ou de maintenance en zone dactivit chimique, etc. Le contact est parfois la consquence dun mode opratoire inadapt ou doprations effectues dans la prcipitation telles que la saisie manuelle de pices sortant dun bain ou frachement revtues dun produit. linverse, un nuage de vapeurs ou de poussires na pas de frontire nette. Cette frontire ne peut tre dnie que par une concentration limite. En effet, la zone de prsence de beaucoup de molcules dans lair est quasiment innie. Nous les croyons absentes, alors quelles sont seulement prsentes des concentrations inmes, souvent inaccessibles aux moyens danalyse disponibles. Qui pourrait prtendre aujourdhui ne pas tre expos des hydrocarbures cancrognes ou, plus banalement, du monoxyde de carbone ? Il nous faut donc nous tourner vers les VLEP pour pouvoir dnir une zone dangereuse, lintrieur de laquelle la concentration atmosphrique en agent chimique dpasse la VLEP, du moins quand elle est connue.

VLEP = 100 ppm 20 ppm 200 ppm

500 ppm

solvant

Figure 2.10 Courbes de niveau de concentration de vapeurs ( un instant donn)

Cest une dnition thorique, car, en pratique, il est rarement possible de tracer cette limite. Cela supposerait de placer des capteurs adquats dans tout lenvironnement concern et de suivre leur indication en temps rel. Cette zone dangereuse devient possible identier lorsquelle concide avec un espace ferm, dont la concentration en polluant est critique en tout point. Concernant les poussires, ou arosols solides, il faut tenir compte de la granulomtrie, cest--dire la dimension des particules en suspension dans lair. En effet, la stabilit du nuage form est inversement proportionnelle cette dimension. Il sagit du diamtre moyen des particules, sachant que celles-ci ne sont ni sphriques, ni dun diamtre constant. Un nuage de grosses particules retombera assez rapidement, alors que pour des particules trs nes, de lordre du micron, le nuage se maintiendra des heures, voire des jours, tant quil ne sera pas limin.62

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

2.4.2 Dommages

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Les dommages sur la sant humaine causs par des expositions chroniques sont trs varis et dpendent videmment de lagent chimique, mais aussi de la voie de pntration. Ainsi, lorsquil y a contact cutan ou oculaire, le premier type de dommage est local, cest--dire quil se produit la surface de la peau, de lil ou de la muqueuse touche par le produit. Les effets possibles sont les suivants : irritation ; dermite et dermatose ; eczmas ; ulcration ; cancers. Ces effets peuvent tre immdiats, comme lirritation, ou diffrs sur de longues priodes, comme le cancer. Hormis ce dernier cas, ils sont rapidement visibles et perceptibles et servent donc dalarme. Cependant, la peau prsente toujours une permabilit chimique qui permet aux agents de pntrer dans son paisseur, puis de passer dans la circulation sanguine. Cette pntration percutane a une certaine cintique qui dpend de nombreux facteurs, tels que les proprits chimiques de lagent, sa concentration et sa temprature, la partie du corps touche, ltat de la peau et la rceptivit particulire de lindividu. Un produit lipophile, cest--dire soluble dans les graisses, passera plus facilement. Cest le cas de la plupart des substances organiques, et spcialement celles qui se partagent bien entre leau et les graisses, comme les alcools et les thers de glycol. Il est souvent possible de contrler cette pntration percutane par des analyses de sang appropries. Elle a t longtemps sous-estime, ce qui incitait ne pratiquer ce type danalyse quen cas dexposition des substances non volatiles. Linhalation dagents chimiques provoque aussi un contact avec les muqueuses de lappareil respiratoire suprieur qui conduit aux pathologies dcrites ci-dessus, mais plus spciquement des trachites et des bronchites, ventuellement de lasthme. Sachant que les muqueuses sont beaucoup plus sensibles que la peau, niveau de danger gal, les dommages sont plus graves. Ainsi, des inhalations de vapeurs corrosives, acides ou basiques, qui nauraient quun effet modr sur la peau, peuvent provoquer dabord de la toux, puis une insufsance respiratoire, avec un risque deffets irrversibles. Mais la voie respiratoire se distingue par le fait que les agents chimiques sont conduits, plus ou moins partiellement, au contact des alvoles pulmonaires. La membrane de ces alvoles est particulirement permable aux substances chimiques, car leur fonction est dassurer les changes gazeux avec le sang. Cette sensibilit est dailleurs dmontre dans la pratique de lanesthsie par voie respiratoire, laquelle peut tre obtenue en quelques secondes par inhalation dun gaz appropri. Linhalation des produits pulvrulents suit un mode daction un peu diffrent. Dans les voies suprieures, il se produit dabord un dpt qui peut gnrer des ractions de toux, dexpectoration et de charge nasale. Ensuite, les effets locaux habituels apparaissent, toujours en fonction des proprits physico-chimiques des agents inhals. Certaines substances corrosives, comme le trioxyde de chrome,63

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

sont responsables dulcration, voire de perforation de la cloison nasale. Les poussires de bois peuvent provoquer un cancer de lethmode. Le passage dans la zone des alvoles pulmonaires dpend essentiellement de la granulomtrie des particules de larosol. Les plus grosses sont arrtes au niveau de la bouche et du nez, dont cest la fonction. Les plus nes, dites justement alvolaires, atteignent les alvoles et provoquent divers effets. On considre comme alvolaire une particule dont le diamtre apparent moyen est infrieur 5 microns. Leffet des particules dans les alvoles est dabord local. Elles sont absorbes par des cellules appeles macrophages qui conduisent terme une limination physique. Mais pour certaines substances, ces cellules sont impuissantes et la raction de lorganisme conduit lapparition dune brose. Cest notamment le cas de lamiante et de la silice. Les particules darosols liquides ou solides peuvent aussi se dissoudre et passer ainsi partiellement dans le sang. Une fois passe dans le sang, une substance peut agir sur nimporte quel organe rceptif, appel organe cible. Les substances agissent, selon leurs proprits biochimiques, soit en ltat, soit aprs transformation en mtabolites. Leur devenir dans lorganisme relve de la toxicologie, qui nest pas aborde dans cet ouvrage. Ce quil faut retenir en pratique, cest que lorganisme ragit la prsence dagents chimiques par divers processus, que nous globaliserons dans un but pratique par les catgories suivantes : pathologie au niveau dun organe ou un systme cible ; limination simple ; limination par mtabolisme ; accumulation dans lorganisme. Parmi les cibles les plus frquentes, on peut citer le foie, en raison justement de son rle liminateur, le sang, le systme nerveux, mais aussi les reins, la moelle osseuse, le cur, etc. Pour les agents cancrignes, beaucoup dautres organes font partie des cibles, comme la vessie, la plvre, les poumons, etc. En pratique, les pathologies sont reprables dabord par un certain nombre de symptmes. Les substances absorbes, quelle que soit la voie, sont soit limines comme telles, soit sous forme de mtabolites. Il est donc thoriquement possible de dtecter et de doser ces substances, appeles indicateurs biologiques, dans les diffrents milieux physiologiques, principalement le sang et les urines1. Cest le rle de la biomtrologie, qui est fondamentale en surveillance mdicale. En effet, un certain nombre dindicateurs biologiques ont des valeurs limites indicatives, dont un exemple bien connu est celui du plomb. Les mcanismes dlimination, lorsquils existent, font que lorganisme peut sadapter une absorption chronique, tant quelle ne dpasse pas une dose critique. Cest cette dose limite que tendent exprimer les VLEP. Llimination se produit selon une certaine cintique, lie la substance comme au systme rcepteur. Cela signie que lorsque lexposition cesse, la prsence et les effets des substances absorbes cessent aussi aprs un dlai variable. Notamment, le cycle jour-nuit permet1. On peut consulter le document de lINRS : Biotox, guide biotoxicologique pour les mdecins du travail. , ED 791.

64

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

dliminer efcacement les effets de la plupart des expositions modres quotidiennes. Cela nest videmment pas le cas des substances qui ne sliminent pas, ou trs peu, sur des temps trs longs. On parle alors de bioaccumulation, phnomne dont les substances minrales sont souvent responsables, le meilleur exemple tant le plomb. Il existe dailleurs une phrase de risque pour indiquer cette proprit : R 33, danger deffets cumulatifs . La cintique dlimination explique aussi pourquoi une exposition de deux heures est plus grave que deux expositions dune heure, spares par trois heures, par exemple. Le code de la Scurit sociale a prvu que lorsque lorigine professionnelle dune pathologie est clairement dmontre, cette pathologie est reconnue comme maladie professionnelle , ce qui ouvre des droits rparation. Une centaine de tableaux, dont 78 mentionnant un agent causal chimique gurent en annexe 10, prcisent toutes les conditions requises pour valider cette reconnaissance. Parmi les critres de reconnaissance gure le dlai de prise en charge, qui prend en compte la dure de persistance des effets dune exposition aprs sa cessation. Elle va de 7 jours 50 ans. Hors de ces tableaux, il reste possible, dans certaines conditions, de dclarer une maladie caractre professionnel1.2.4.3 Indice dexposition

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Outre par leur nature, les expositions diffrent beaucoup par leur intensit, ce qui a une consquence vidente sur la gravit des effets. Limportance dun risque en gnral est toujours lie une combinaison de la probabilit et de la gravit du dommage. La probabilit dapparition dune pathologie en cas dexposition chronique un agent chimique est en fait quasi totale, si le temps dexposition est sufsant, alors que sa gravit dpend principalement du niveau de danger de lagent chimique. Mais il y a videmment une inuence rciproque de ces deux paramtres. En pratique, le facteur probabilit ne reprsente que le dlai dapparition de la pathologie. Quand on parle dapparition dune pathologie, on se rfre surtout aux symptmes, qui sont en gnral postrieurs la naissance de la pathologie. Cest pourquoi la mdecine du travail prconise des examens et analyses spciques aux expositions prsumes, dans le but dobtenir une dtection prcoce des pathologies, en sappuyant en particulier sur les indicateurs biologiques. Il ne sagit pas ici de traiter des principes de la toxicologie mais de dgager quelques rgles simples pour une estimation de risque. Lexprience et la thorie montrent que le dlai dapparition dune pathologie dexposition est en relation directe avec la dose reue cumule de lagent chimique. dose reue identique, cest le niveau de danger de lagent chimique qui dterminera la gravit de la pathologie. Ce principe nous fournit les deux paramtres fondamentaux de lestimation du risque dexposition chronique : dose cumule et niveau de danger. Ce dernier, paramtre assez complexe, fait lobjet du paragraphe 2.3.5.1. Code de Scurit sociale, articles L. 461-1 L. 461-8 et R. 461-1 R. 461-8. Les dtails des tableaux sont rassembls dans la brochure de lINRS, rf. ED 835.

65

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

La dose cumule reue est assez simple concevoir ; elle est signicative de limportance de lexposition, quelle que soit la voie de pntration. En thorie, une dose reue est le produit dune dure dexposition par un dbit dabsorption, suppos constant, dun agent chimique. Une dure cumule est le produit dune dure dexposition lmentaire par la frquence de cette exposition, toutes deux supposes aussi constantes. En ralit, les mcanismes dlimination font quune exposition de deux heures nest pas quivalente deux expositions dune heure, surtout si elles sont assez espaces. Dautre part, ni les dbits dabsorption, ni les dures dexposition ne sont constants. Mais cette approximation ne remet pas en cause la validit de lestimation. Le dbit dabsorption est une fonction de la concentration de lagent chimique, avec dautres facteurs physiques et biologiques. Dans le cas le plus simple, et le plus frquent, de lexposition par inhalation, il est possible de relier lexposition ces paramtres par la fonction : Di = 0,06 k Tc Ca Dr Di : dose inhale pour une priode donne (en mg) ; k : taux dabsorption de lagent chimique ; Tc : dure cumule dexposition pour la priode (en heures) ; Ca : concentration atmosphrique au niveau des voies respiratoires (en mg/m3) ; Dr : dbit respiratoire considrer (en l/min).EXEMPLE :

Une personne inhale de lactate dthyle 4 heures par jour, la concentration atmosphrique de 700 mg/m3, soit la moiti de la VME, avec un dbit respiratoire de 25 l/min (travail moyen). Si le taux dabsorption est de 100 %, elle absorbe donc 1 4 700 25 0,06 = 4 200 mg par jour.

En pratique, il ne serait pas raliste de vouloir calculer une dose cumule quotidienne, tant il y a de variables. Ainsi, mme la concentration atmosphrique est assez difcile dterminer, car elle varie dans le temps et lespace. La reprsentativit des prlvements atmosphriques est dailleurs un objet de dbats classique dans ce domaine. Mais si le but de lestimation est strictement une comparaison, une grandeur relative est sufsante. Il suft donc dutiliser une valeur thorique nutilisant que les deux variables les plus accessibles, dure (Tc) et concentration (Ca), pour classer les expositions par niveaux relatifs. Do lindice dexposition respiratoire quotidienne : Ierq = Tc Ca Cet indice nest valide que pour comparer, rappelons-le, des expositions respiratoires successives dans lespace ou dans le temps, quand on dispose des valeurs de la concentration atmosphrique. Cest pourquoi il est prfrable de se xer un indice dexposition respiratoire (Ir) gal au produit dure cumule (Tc) par un coefcient dexposition respiratoire (R) qui exprime la variable concentration atmosphrique en relatif, sur une chelle prtablie : Ir = Tc R66

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

Avec, par exemple, R = 5 pour la concentration la plus leve et R = 1 pour la plus faible. Cette notion dindice dexposition est dailleurs conforme celle de valeur limite de moyenne dexposition (VME), puisque cette dernire est calcule en moyenne sur 8 heures, alors quil peut y avoir des valeurs instantanes beaucoup plus fortes. Dans lestimation des expositions par voie cutane, les variables inuentes sont le taux dabsorption, la dure cumule, la surface de contact et la concentration du liquide ou du solide en produit actif. En ralit, seule la deuxime variable est accessible, car le taux dabsorption, cutane et percutane, et la sensibilit des tissus sont largement dpendants de la localisation du contact sur le corps, de ltat de la peau et plus encore de la liposolubilit du produit en question, pour ne citer que les principaux paramtres. Cest pourquoi cette estimation ne peut tre conduite quavec laide de personnes comptentes en la matire. Mais, mme approximatif, un indice dexposition cutane (Ic) est apte classer relativement les expositions. Ic = Tc C C est un coefcient dexposition cutan qui exprime limportance du contact, tous facteurs confondus, pris sur une chelle similaire celle de lexposition respiratoire. Une fois ces deux types dindices tablis pour un ensemble dexpositions, il suft de les classer pour xer des niveaux dexpositions sur une chelle adquate.2.4.4 Estimation finale du risque dexposition chronique

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

En rsum, il est possible de situer limportance relative dun risque dexposition un agent chimique ds que lon dispose des quatre variables simples et relativement accessibles que sont : le niveau de danger de lagent chimique ; la dure et la frquence de lexposition ; lintensit du contact, respiratoire ou cutan, avec lagent chimique, exprime par les coefcients dexposition R et C. Comment les combiner pour estimer le risque ? Il ny a pas de rponse unique, car le risque ne saurait tre une fonction mathmatique. Sachant quil ne sagit que de classer les risques, il suft dune fonction croissante avec les niveaux ou valeurs des paramtres. Pour le niveau de danger, il existe le chiffre x par lINRS en fonction de la classication du produit, comme cela est expliqu au paragraphe 2.3.5. Pour la dure, la frquence et parfois la concentration, des mesures sont possibles. Dans tous les cas, les coefcients R et C sont xs par estimation avec une chelle. Les chiffres obtenus permettent alors daccder aux indices dexposition Ir et Ic par les formules cites plus haut. Ces indices sont ensuite classs pour dterminer le niveau dexposition sur lchelle choisie, qui peut aller de 3 chelons au minimum jusqu 7, voire 10 si le nombre de risques le justie. En effet, pour viter laccumulation de risques dans un mme niveau, il faut proportionner lchelle au nombre de risques tudis. Signalons au passage que le choix du terme niveau plutt que classe ou cote , catgorie , indice , etc., permet de comprendre, sans confusion possible, que le plus important correspond au plus grand chiffre. Il existe malheureusement beaucoup de classements67

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

inverses dans lesquels le 1 (voire le 0 !) signie le plus grave, les deux exemples les plus simples tant la cotation des zones risque dexplosion et les catgories de substances CMR. Enn, niveaux de danger et dexposition peuvent tre leur tour combins avec une addition, une multiplication, voire des fonctions exponentielles ou polynomiales, selon ce quauront dcid les personnes impliques dans la dmarche. Il est aussi possible dutiliser simplement une matrice de combinaison, telle que celle qui suit1, limite trois niveaux :Niveau dexposition faible lev Niveau de danger moyen faible 2 1 1 moyen 3 2 1 lev 3 3 2

Les valeurs de 1 3 situent limportance du risque li lexposition. Ce tableau est trs important pour faire une bonne estimation compare des risques dexposition, mais il constitue aussi un outil de prvention pour rduire limportance du risque en montrant quil y a deux paramtres sur lesquels on peut agir. Il permet en outre de corriger les approches plus ou moins affectives qui privilgient toujours les dangers sur les expositions et qui conduisent prescrire les interdictions de substances avant davoir examin le problme des expositions. On ne redira jamais assez la diffrence qui existe entre les notions de danger et de risque. La matrise des risques est une alternative linterdiction dun produit, bien que cette option ait souffert dune image ngative, en raison de quelques drives. Ces drives furent souvent la consquence dune utilisation directe dans le grand public, comme lillustre le drame de lamiante, qui a abouti son interdiction totale. Une meilleure solution serait une utilisation contrle, cest--dire interdite au grand public, mais autorise des utilisateurs comptents, susceptibles dune matrise totale du risque. Lvolution rcente de la lgislation accrdite totalement cette position. En effet, dans un premier temps, cest la rgle qui a prvalu pour lutilisation des thers de glycol classs CMR, et cest surtout la philosophie du rglement REACH, expos au paragraphe 2.7. Une bonne estimation des risques dexposition reste le pralable indispensable toute politique en matire de prvention. Le schma suivant rsume plus clairement la procdure de cotation.

1. Cette grille gure notamment dans la recommandation R409 de la CNAMTS et la brochure DTE 175 de la CRAMIF.

68

2 Thorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

Mode opratoire Agent chimique

Phrase de risque

Exposition respiratoire

Exposition cutane

Dure et frquence Niveau de danger Mtrologie

Dure et frquence

Estimation

Estimation

Coefficient dexposition R

Coefficient dexposition C

Indice dexposition Ir

Indice dexposition Ir

Niveau dexposition

Importance du risque

Figure 2.11 Estimation dun risque chimique chronique Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Il faut remarquer la cohrence de cette mthode avec les prconisations du rglement REACH. En effet, il est dit dans son annexe I que lvaluation de la scurit chimique est fonde sur une comparaison des effets nocifs potentiels dune substance avec lexposition connue ou raisonnablement prvisible de lhomme Or le niveau de danger est exactement le reet des effets nocifs potentiels. Cette mthode comporte videmment une certaine part dapproximations qui peuvent faire douter de sa validit. La pratique dmontre quelle permet datteindre lobjectif destimation, sa pertinence tenant la logique quelle apporte dans une dmarche intuitive dfaut de mthode.

69

2 Thorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

2.5 Processus accidentel2.5.1 Situation dangereuse

Nous avons dni la situation dangereuse comme la localisation dune personne lui permettant de subir un dommage en cas dvnement dangereux. Qui dit localisation dit primtre enfermant un espace que lon appelle zone dangereuse. Cet espace est forcment dpendant de lvnement dangereux envisag. Par exemple, il sera beaucoup plus tendu pour une explosion que pour une fuite. Il est cependant possible de le dlimiter grossirement et parfois de le matrialiser. Cette matrialisation est analogue celle quon peut observer sur un chantier de construction ou de rparation, notamment lorsquil existe un risque de chute dobjet. Par exemple, il existe une possibilit de contact avec un liquide dangereux contenu dans une cuve de stockage, en cas de fuite soudaine de cette cuve ou de ses quipements immdiats, dans un primtre dtermin par les points de chute les plus loigns de cette fuite. Nous verrons plus loin que ce primtre peut tre calcul facilement. Cela est plus difcile en cas dexplosion ou dmissions massives de vapeurs. Cette zone dangereuse est mme perceptible intuitivement dans certaines situations. Qui na jamais ressenti dapprhension en se trouvant au pied dune cuve de 50 m3 dacide nitrique concentr ? Ou dun hydrognateur sous haute pression en service ? Dailleurs, ce type de situation est gnralement interdit. Plus gnralement, une situation dangereuse est cre chaque fois quil y a risque dcoulement, comme dans le stockage en hauteur, ou risque de projection, prsent ds quil y a pression. Ces deux cas sont dailleurs lis. Il existe un autre type de situation dangereuse, plus subtil. Il sagit du risque cr par un dfaut dinformation. Cest le cas pour tout emballage non tiquet, ou tout rcipient ou organe dpourvu dune signalisation adquate. Cette situation est en effet une porte ouverte aux erreurs humaines. En particulier certains accidents conscutifs une raction chimique intempestive, ou des intoxications par ingestion de produits dangereux, dcrits plus loin, sont issus dune telle situation. Sil existe une zone dangereuse, encore faut-il une prsence humaine dans cette zone pour quil y ait accident. Cest ce que montre le schma gnral du paragraphe 2.2.1. Cette prsence peut tre permanente ou occasionnelle. Elle peut concerner une personne ou un groupe de personnes. Enn, mme si une personne est en zone dangereuse au moment du dclenchement de lvnement, elle peut tre hors datteinte du champ dune projection par exemple. Ce sont autant de facteurs qui vont inuer sur la probabilit du dommage, indpendamment de celle de lvnement dangereux.2.5.2 vnement dangereuxm Scnario

Nous avons dni lvnement dangereux comme un enchanement de faits, partant dun dclencheur et aboutissant au dommage, suivant un scnario parfois complexe. Le plus explicite est de citer quelques exemples rapports par des agents des services de prvention des CRAM1.1. Caisse rgionale dassurance maladie.

70

2 Thorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

EXEMPLE 1 :

La dfaillance dun raccord de tuyauterie provoque une fuite soudaine et importante dune cuve de stockage intermdiaire dune solution alcoolique sur le sol dun atelier de chimie. Le liquide se propage jusqu un caniveau ciel ouvert. Ce caniveau traverse plusieurs ateliers contigus. Dans le dernier atelier dans lequel passe le caniveau, des travaux de soudure sur tuyauterie sont en cours. Labsence de tout liquide inammable avait t vrie au pralable. Cependant, la solution alcoolique suivant le caniveau arrive dans cet atelier en mettant des vapeurs. Une explosion se produit alors, avant que les personnes prsentes aient pu prendre conscience du risque.

Nous retrouvons bien toutes les composantes du risque : le produit dangereux et son danger, linammabilit, la situation dangereuse, savoir la prsence dune source dignition dans un environnement chimique inammable, le dclencheur, qui est la dconnexion inattendue dun tuyau de process, le scnario dcrit ci-dessus et le dommage, savoir une grave brlure de deux ouvriers. Ce scnario met en vidence quelques lacunes de prvention, mais encore faut-il pouvoir limaginer avant, quand tout se passe normalement. En effet, dans ce cas particulier, le danger ntait pas prsent sur le lieu de laccident. Le poste de travail, compte tenu de son isolement (murs et portes) pouvait tre considr comme compatible avec une activit temporaire de soudure. Cest en fait lanalyse du risque accidentel dans latelier utilisant la solution alcoolique qui aurait d intgrer lventualit dune fuite dun liquide inammable par le caniveau et lvaluer.EXEMPLE 2 :

Dans un atelier de traitement de surface, travaillant avec des bains cyanurs, une fuite dacide dilu se produit sur une cuve de stockage defuents situe en sous-sol. La fuite est alors arrte, mais les quelques dizaines de litres defuent acide sont laisses dans la cuvette de rtention, le nettoyage tant remis plus tard. Le lendemain, le bouchage dun tuyau de surverse1 dune cuve defuents cyanurs, situe proximit de la prcdente, provoque le dbordement de la cuve sur le sol. Ces efuents cyanurs rejoignent ensuite ceux qui taient dj prsents, caractre acide. Il faut savoir que les cyanures se dcomposent en milieu acide en gnrant du cyanure dhydrogne, qui est un gaz capable dune intoxication mortelle en quelques minutes. Un oprateur a voulu descendre au sous-sol pour intervenir, sans avoir conscience du risque, et la pay de sa vie.

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Dans ce cas, la notion de situation dangereuse est vidente : proximit de produits capables de ragir en gnrant des gaz mortels. Le caractre dangereux tait ampli par la situation en espace conn. Lvnement dclencheur est double : la fuite acide, puis le bouchage. On peut mme trouver un troisime dclencheur dans la dcision de reporter llimination des efuents acides. En effet, une mauvaise dcision, que lon qualie gnralement derreur humaine, est assez souvent lorigine des vnements dangereux, pour quelque risque que ce soit.EXEMPLE 3 :

Un ouvrier dentretien veut changer le joint dun raccord de tuyauterie servant amener de la soude en solution dans une cuve de dcapage. Comme il convient, le responsable du poste de travail lui assure que la cuve a t compltement vide. Mais lorsque louvrier commence dvisser les boulons des brides du raccord, un jet de soude sen chappe et atteint son visage et ses yeux. Louvrier ayant t rapidement secouru, la brlure qui en rsulte a des effets se limitant une irritation supercielle. Les proprits corrosives de la soude sur les tissus vivants sont telles quil naurait

1. Une surverse est un trop-plein , cest--dire une tuyauterie par laquelle scoule le contenu dune cuve ds que le niveau devient critique, pour conduire lexcdent vers la capacit de rtention.

71

2 Thorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

fallu que quelques secondes supplmentaires de contact avec les yeux pour quil perde la vue. Lenqute a montr que le trac de la tuyauterie comportait un point bas non vidangeable et que le raccord rparer tait justement en charge dans cette partie pleine de soude.

La situation dangereuse est cre par toute prsence de produit dangereux dans un quipement, surtout sous pression, si faible soit-elle. Lvnement dangereux est lintervention sur cet quipement. La raction qui vient lesprit aprs lexpos de cet accident est, quen dehors du non-respect de rgles de prudence lors dune intervention, la principale cause rside dans une mauvaise conception de la tuyauterie. Cela est vrai, bien sr, mais seule lvocation prcoce des vnements dangereux possibles peut conduire la bonne conception dun quipement, cest--dire assurant la scurit indpendamment des consignes imposes aux intervenants. Ce principe est un autre point cl de la mthodologie dveloppe dans cet ouvrage.m Typologie

La difcult de cette mthode est la capacit envisager tous les vnements dangereux possibles au niveau dun poste de travail. La liste de ces vnements serait dailleurs innie si lon ne tient pas compte dune probabilit minimum de ralisation. Le terme dvnement possible doit tre compris comme relevant dune probabilit non ngligeable. Le terme de ngligeable est videmment ou ; nous nous contenterons de lillustrer par lexemple du risque de chute dun avion sur un atelier. Ces risques nont pas de probabilit nulle, mais si faible quelle rend leur prvention irraliste. Le meilleur moyen, bien connu dans tous les domaines, de cerner une probabilit est dobserver les vnements sur une longue priode ou un grand nombre de cas. Heureusement, il existe une base de donnes des accidents du travail en gnral, gre par lINRS, daprs les rapports denqute fournis par les agents des CRAM. Il sagit de la base EPICEA, accessible sur Internet. Il est donc facile dy rechercher de nombreux exemples daccidents impliquant un produit chimique. Des tudes statistiques, non publies, ont conduit crer une typologie des vnements dangereux impliquant un produit chimique. En voici les grandes conclusions. Les nombreux scnarios dcrits peuvent tre classs en six familles, dont les cinq premiers correspondent prcisment aux familles de dangers :Scnario type 1 2 3 4 5 6 expositions massives cutanes expositions massives respiratoires expositions massives par ingestion ractions dangereuses incendies et explosions anoxie Dommage final brlures chimiques intoxications aigus lsions et intoxications aigus tous les autres tous les autres + effets mcaniques et thermiques asphyxie Famille de danger Co In Tg Re IE

72

2 Thorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

En ralit, tous ces scnarios peuvent tre imbriqus. Ainsi une raction dangereuse peut conduire une exposition massive, laquelle peut conduire une explosion, laquelle peut conduire une anoxie, etc. La logique incite partir de lvnement dclencheur. Il peut tre lorigine de plusieurs scnarios diffrents et donc de dommages diffrents. Ces scnarios daccident apparaissent clairement lorsque lon pratique la mthode de larbre des causes pour expliquer des accidents survenus. Alors que cette mthode part du dommage pour remonter aux facteurs premiers, comme expos au paragraphe 2.5.4, il est plus efcace de partir des dclencheurs pour arriver aux dommages. Cette autre mthode est dailleurs appele larbre des dfaillances et a sa place parmi tous les outils de prdiction, dont certains sont dcrits au paragraphe 3.2.4. Le tableau suivant propose une liste, seulement indicative, de faits dclencheurs dvnements dangereux, avec leur consquence immdiate, sachant quon peut ensuite les combiner volont pour construire des scnarios possibles.

Fait dclencheur Chauffage brutal dun liquide volatil Chute dans un rcipient Combustion en espace confin Conditionnement trompeur Contact entre deux produits ractifs Contact soudain avec un agent chimique Dbranchement de tuyau Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

1er effet mission massive de vapeurs Contact cutan massif mission massive de monoxyde de carbone Ingestion massive mission massive de vapeurs

2e effet possible Intoxication respiratoire Explosion Brlure chimique Intoxication respiratoire Intoxication digestive Intoxication respiratoire Explosion Brlure chimique Contact cutan massif Intoxication respiratoire Intoxication respiratoire Explosion Intoxication respiratoire Contact cutan massif mission massive de vapeurs mission massive de vapeurs

Contact cutan massif Projection de liquide mission massive de vapeurs

Dcomposition thermique dun agent chimique Dcompression brutale dun rcipient ou canalisation Dfaut de confinement dun espace dangereux clatement de tuyau Erreur sur identit dun produit

mission massive de vapeurs Arrive massive de gaz ou vapeurs Projections liquides Raction chimique dangereuse

73

2 Thorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Fait dclencheur Erreur sur le choix dune commande Explosion dun contenant Fuite de gaz inerte Fuite de rcipient Fuite soudaine dun joint ou raccord Immersion brutale dune pice Incendie avec des produits chimiques Ouverture intempestive de robinet ou vanne Interprtation errone dune consigne ou dun mode opratoire Panne de rgulation Panne dun captage Pntration dans un espace appauvri en oxygne Pollution dun aliment Renversement ou fuite dazote liquide Renversement de rcipient Rupture de paroi de rcipient ou dappareil contenant un agent chimique Rupture demballage de pulvrulent Ouverture dun rseau de ventilation sous pression

1er effet Raction chimique dangereuse Projections diverses Anoxie Contact cutan massif Contact cutan massif Projections liquides Brlures thermiques

2e effet possible mission massive de vapeurs mission massive de vapeurs

mission massive de vapeurs mission massive de vapeurs Contact cutan massif Intoxication respiratoire

missions massives diverses

Contact cutan massif

Erreur sur le choix dune commande Raction chimique dangereuse mission massive de vapeurs Anoxie Ingestion massive Anoxie Contact cutan massif

Raction chimique dangereuse

mission massive de vapeurs Intoxication respiratoire Perte de connaissance Intoxication digestive Perte de connaissance Contact cutan massif mission massive de vapeurs

Projections liquides

mission massive de vapeurs

mission massive de poussires

Explosion

mission massive de poussires

Explosion

74

2 Thorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Ainsi, lun des six scnarios types, correspondant aux 5 familles de dangers, se retrouve toujours aprs un fait dclencheur. Il est intressant de bien comprendre leur mcanisme.m Expositions massives

Dunod La photocopie non autorise est un dlit.

Une exposition massive ne diffre dune exposition chronique que par son intensit. Elle consiste donc en un contact, par voie cutane, oculaire, respiratoire ou digestive, dont les paramtres relve