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2S16 Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 2S15-2S20 Épidémiologie Facteurs prédictifs de la BPCO selon le tabagisme Moins d’un tiers des BPCO seraient diagnostiquées, et le coût médical direct de la maladie est élevé. Il est donc important de déterminer les facteurs qui doivent conduire à rechercher la maladie, partant du principe que l’amélioration du diagnostic pourrait, en conduisant à une prise en charge plus précoce, réduire son impact médical et économique. Au sein d’une population de 236 412 sujets, 5 103 ont été tirés au sort et 4 035 ont participé à une enquête sur les fac- teurs prédictifs de la BPCO. Parmi 1 023 fumeurs, 870 n’avaient pas de BPCO et 153 étaient atteints de la maladie. Les facteurs de risque de BPCO chez le sujet fumeur étaient le sexe masculin, un tabagisme > 30 paquets-année, un bas niveau d’éducation et un âge > 46 ans [1]. Il n’existait pas de diffé- rence significative entre BPCO et non-BPCO concernant la motivation pour l’arrêt du tabac ou le nombre de tentatives de sevrage antérieures. Dans une autre étude, portant sur 363 patients avec BPCO, dont 153 fumeurs, 126 ex-fumeurs et 84 non- fumeurs, les facteurs de risque de la BPCO chez le non-fumeur étaient le sexe féminin, l’âge supérieur à 55 ans, et la rareté de symptômes respiratoires. Il semble donc exister des différences de facteurs prédis- posant à la BPCO entre fumeurs et non-fumeurs. Référence 1 Jimenez C : How to predict COPD in a clinical setting. Communica- tion orale. Congrès de l’ERS 2005. Risque de BPCO et tabagisme : études de cohorte Il peut paraître surprenant de réaliser des études sur le lien entre tabagisme et BPCO, tant la relation est bien démontrée. Il n’est néanmoins jamais mauvais de la rappeler, ce d’autant que nous disposons maintenant d’études de cohortes prospec- tives qui viennent confirmer les données initiales provenant d’études transversales. Une cohorte de 2 022 adultes âgés de 30 à 60 ans (61 % de femmes) ayant une fonction respiratoire de base normale a ainsi été suivie pendant 25 ans [1]. Les asthmatiques ont été exclus. Au sein de la population étudiée, 28 % des sujets étaient non-fumeurs, 18 % ex-fumeurs, 30 % fumeurs actifs, et 24 % avaient modifié leur comportement tabagique durant le suivi. Le tableau I montre à quel point la différence de prévalence de la BPCO en fin de suivi diffère selon le tabagisme. Il est tout aussi utile de rappeler que l’arrêt du tabac a un effet protecteur sur l’apparition de la BPCO. C’est le message d’une autre étude de cohorte (aux Pays-Bas), dans laquelle 12 517 sujets (51 % de femmes, âge moyen 38 ans) ont été suivis tous les 3 ans de 1965 à 1990 [2]. Une BPCO est appa- rue chez 1 206 sujets (9,6 %). L’arrêt du tabac diminuait le risque de 40 % (OR : 0,61). Références 1 Løkke A, Scharling H, Vestbo J, Lange P : Developing COPD – a 25 year follow-up study of the general population. Eur Respir J 2005 ; 26 : 434s. 2 Jansen DF, Schouten JP, Boezen HM : Smoking cessation decreases the risk to develop COPD; a 25 yr follow-up study. Eur Respir J 2005 ; 26 : 434s. Est-ce que le stade 0 de GOLD prédit le développement de la BPCO ? Le lien entre bronchite chronique et BPCO est un éternel sujet de discussions, non dénuées d’implications pratiques potentielles : en effet, une des questions posées en filigrane est : faut-il chercher une BPCO chez tout sujet à risque ? Ou peut- on sans grand risque se limiter aux sujets ayant une bronchite chronique ? Sur un plan physiopathologique, une autre ques- tion se pose : les mécanismes qui conduisent à la bronchite chronique et à l’obstruction bronchique sont-ils les mêmes ? Dans l’enquête longitudinale européenne (ECRHS-II), 5 002 sujets avaient une mesure valide de fonction respiratoire lors des deux suivis (respectivement Ec1 et Ec2) qui étaient espacés de 8,9 ans [1]. Les nouveaux cas de BPCO étaient définis par l’existence d’une fonction respiratoire normale lors de Ec1 et un rapport de Tiffeneau inférieur à 70 % lors de Ec2. Cent ving-trois nouveaux cas ont été détectés. Vingt-deux cas incidents d’asthme ont été exclus. L’incidence de la BPCO augmentait avec l’âge, le taba- gisme et le rapport de Tiffeneau. Lors du premier suivi Ec1, 447 sujets étaient classés stade 0 (bronchite chronique sans obstruction bronchique) et 4 407 témoins n’avaient aucun symptôme respiratoire, avec une fonction respiratoire normale. Neuf ans après, 36 % des sujets au stade 0 ont développé une BPCO contre 7,4 % dans le groupe témoin. Stade de BPCO selon Gold Fumeurs Non-fumeurs Stade 1 11 % 3 % Stade 2 21 % 4 % Stade 3-4 4 % 1 % Tableau I. Effet du tabagisme sur la prévalence de la BPCO après 25 ans de suivi chez des sujets ayant au départ une fonction respiratoire normale.

Facteurs prédictifs de la BPCO selon le tabagisme

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Page 1: Facteurs prédictifs de la BPCO selon le tabagisme

2S16 Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 2S15-2S20

Épidémiologie

Facteurs prédictifs de la BPCO

selon le tabagisme

Moins d’un tiers des BPCO seraient diagnostiquées, et lecoût médical direct de la maladie est élevé. Il est donc importantde déterminer les facteurs qui doivent conduire à rechercher lamaladie, partant du principe que l’amélioration du diagnosticpourrait, en conduisant à une prise en charge plus précoce,réduire son impact médical et économique.

Au sein d’une population de 236 412 sujets, 5 103 ontété tirés au sort et 4 035 ont participé à une enquête sur les fac-teurs prédictifs de la BPCO. Parmi 1 023 fumeurs, 870n’avaient pas de BPCO et 153 étaient atteints de la maladie.Les facteurs de risque de BPCO chez le sujet fumeur étaient lesexe masculin, un tabagisme > 30 paquets-année, un bas niveaud’éducation et un âge > 46 ans [1]. Il n’existait pas de diffé-rence significative entre BPCO et non-BPCO concernant lamotivation pour l’arrêt du tabac ou le nombre de tentatives desevrage antérieures.

Dans une autre étude, portant sur 363 patients avecBPCO, dont 153 fumeurs, 126 ex-fumeurs et 84 non-fumeurs, les facteurs de risque de la BPCO chez le non-fumeurétaient le sexe féminin, l’âge supérieur à 55 ans, et la rareté desymptômes respiratoires.

Il semble donc exister des différences de facteurs prédis-posant à la BPCO entre fumeurs et non-fumeurs.

Référence

1 Jimenez C : How to predict COPD in a clinical setting. Communica-tion orale. Congrès de l’ERS 2005.

Risque de BPCO et tabagisme :

études de cohorte

Il peut paraître surprenant de réaliser des études sur le lienentre tabagisme et BPCO, tant la relation est bien démontrée.Il n’est néanmoins jamais mauvais de la rappeler, ce d’autantque nous disposons maintenant d’études de cohortes prospec-tives qui viennent confirmer les données initiales provenantd’études transversales.

Une cohorte de 2 022 adultes âgés de 30 à 60 ans (61 %de femmes) ayant une fonction respiratoire de base normale aainsi été suivie pendant 25 ans [1]. Les asthmatiques ont étéexclus. Au sein de la population étudiée, 28 % des sujets étaientnon-fumeurs, 18 % ex-fumeurs, 30 % fumeurs actifs, et 24 %avaient modifié leur comportement tabagique durant le suivi.Le tableau I montre à quel point la différence de prévalence dela BPCO en fin de suivi diffère selon le tabagisme.

Il est tout aussi utile de rappeler que l’arrêt du tabac a uneffet protecteur sur l’apparition de la BPCO. C’est le message

d’une autre étude de cohorte (aux Pays-Bas), dans laquelle12 517 sujets (51 % de femmes, âge moyen 38 ans) ont étésuivis tous les 3 ans de 1965 à 1990 [2]. Une BPCO est appa-rue chez 1 206 sujets (9,6 %). L’arrêt du tabac diminuait lerisque de 40 % (OR : 0,61).

Références

1 Løkke A, Scharling H, Vestbo J, Lange P : Developing COPD – a 25year follow-up study of the general population. Eur Respir J 2005 ; 26 :434s.

2 Jansen DF, Schouten JP, Boezen HM : Smoking cessation decreases therisk to develop COPD; a 25 yr follow-up study. Eur Respir J 2005 ; 26 :434s.

Est-ce que le stade 0 de GOLD prédit

le développement de la BPCO ?

Le lien entre bronchite chronique et BPCO est un éternelsujet de discussions, non dénuées d’implications pratiquespotentielles : en effet, une des questions posées en filigrane est :faut-il chercher une BPCO chez tout sujet à risque ? Ou peut-on sans grand risque se limiter aux sujets ayant une bronchitechronique ? Sur un plan physiopathologique, une autre ques-tion se pose : les mécanismes qui conduisent à la bronchitechronique et à l’obstruction bronchique sont-ils les mêmes ?

Dans l’enquête longitudinale européenne (ECRHS-II),5 002 sujets avaient une mesure valide de fonction respiratoirelors des deux suivis (respectivement Ec1 et Ec2) qui étaientespacés de 8,9 ans [1]. Les nouveaux cas de BPCO étaientdéfinis par l’existence d’une fonction respiratoire normale lorsde Ec1 et un rapport de Tiffeneau inférieur à 70 % lors de Ec2.Cent ving-trois nouveaux cas ont été détectés. Vingt-deux casincidents d’asthme ont été exclus.

L’incidence de la BPCO augmentait avec l’âge, le taba-gisme et le rapport de Tiffeneau.

Lors du premier suivi Ec1, 447 sujets étaient classésstade 0 (bronchite chronique sans obstruction bronchique) et4 407 témoins n’avaient aucun symptôme respiratoire, avecune fonction respiratoire normale.

Neuf ans après, 36 % des sujets au stade 0 ont développéune BPCO contre 7,4 % dans le groupe témoin.

Stade de BPCO selon Gold Fumeurs Non-fumeurs

Stade 1 11 % 3 %

Stade 2 21 % 4 %

Stade 3-4 4 % 1 %

Tableau I.

Effet du tabagisme sur la prévalence de la BPCO après 25 ans de suivichez des sujets ayant au départ une fonction respiratoire normale.