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    Fminin-MasculinLa marche vers lgalit au Maroc

    1993-2003

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    Fminin-MasculinLa marche vers lgalit au Maroc

    1993-2003

    Houria ALAMI MCHICHI Malika BENRADI Aziz CHAKER

    Mohamed MOUAQIT Mohamed Sad SAADI Abdel-Ilah YAAKOUBD

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    Auteurs

    Houria Alami Mchichi : Politologue. Professeure la facult des Sciencesjuridiq ues, conomiques et sociales,un iversit Hassan II, An Chock,Casa blanca .Auteure de plusieurs tudes et publications, dont : Genre et polit ique au Maroc.Les enjeux de lgal ithommes-femmes entre islamisme et modernisme ,CollectionHistoire et perspectives md iterranennes , d. lHarma ttan , 2002.

    Malika Benradi : Juriste. Professeure la facult de Droit de Rabat . Auteurede nombreuses tudes et publications dont : les Marocains et les Marocaines face au polit ique. Quelle place pour les femmes? (en collaboration avec Houria Alami),Dar El Kalam, Rabat, 2002. Entre aut res activits associatives,e lle est prsidente delAssociation des femmes africaines pour la recherche sur le dveloppement(AFARD,Dakar).

    Aziz Chaker: Socio-conomiste. Professeur la facult de Droit, universitde Fs. Auteur de plusieurs tudes et recherches dans le doma ine dudveloppement social pour le compte d es ministres de l'Educa tion nat ionale,dela Sant , du Dveloppement social et de la Solida rit, des Affaires trang res,a insique d 'organismes na tionaux (ADFM, FONORD) et internationaux (Banq uemondiale, FNUAP, PNUD, PAM, Helen Keller International, CORDAID, Agencefranaise de dveloppement, Fond at ion Friedrich Ebert...).

    Mohamed Mouaqit : Politologue. Professeur la facult des Sciencesjuridiq ues, conomiques et sociales,un iversit Hassan II, An Chock,Casa blanca .

    Dernire publication : Du despotisme la dmocrat ie.Hritage et rupture dans la pense polit ique arabo-musulmane , Editions le Fennec, 2003.

    Mohamed Sad Saadi : Economiste.Professeur dconomie et de gestion lInstitut suprieur de commerce et dad ministrat ion des entreprises. Ex-secrtaire dEta t cha rg de la Protect ion sociale,de la Famille et de lEnfance, il at lun des animateurs importants du dbat autour du Plan daction nationaldintg ration de la femme a u dveloppement. Prsident du Centre dEtudes etde Recherches Aziz Belal (CERAB) et expert-membre du Comit femmes etdveloppement auprs de la Commission conomique des Nations Unies pourlAfrique.

    Abdel-IlahYaakoubd : Statisticien-dmog raphe. Professeur lInstitut

    national de sta tistiq ue et dconomie applique (INSEA, Rab at ), membre duComit excutif du Forum arabe des sciences sociales et d e la sant, vice-prsident de lAssociation internationale des dmographes de langue franaise(AIDELF) et auteur de nombreuses publications et recherches sur les questionsde population et de sant.

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    Prface ..................................................................................................................... 7

    Introduct ion gnrale ........................................................................................ 9

    Genre et d roit d e la famille.Les droits des femmes da nsla Mouda wa na. De la rvision d e 1993 la rforme de 2003Malika Benradi ................................................................................................... 17

    Genre et participat ion politiqueHouria Alami MChichi .................................................................................... 91

    Genre et cono mie.La pa rticipat ion des femmes la vieconomiqueSad Saadi ............................................................................................................. 149

    Genre et ducationAziz Chaker .......................................................................................................... 193

    Genre et santAbdel-Ilah Yaakoubd ....................................................................................... 233

    Genre, dveloppement et ga lit ( Synthse)Mohamed Mouaqit ........................................................................................... 277

    Sigles et abrviations ......................................................................................... 297

    Sommaire

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    Jama is dans lhistoire du Maroc indpend ant la q uestion de lgalitentre les sexes et de lhabilitation de la femme na suscit autantdintrt q ue durant la dcennie 1993-2003. Rappe lons-nous lacampa gne du million de signat ures pour la rforme de la Mouda wana en1992-1993, souvenons-nous du dbat pa ssionn a utour du Plandintgration de la femme au dveloppement et des deux marches deRab at et d e Casab lanca en mars 2000.

    Restituer cette dyna mique de lgalit et en analyser les temps forts,faire le point sur les avances majeures et les obsta cles persistant s sur lechemin de laccs d es femmes la citoyennet pleine et entire sont lesdeux objectifs de cet ouvrag e.

    Fruit de la collaboration de six chercheurs spcialiss en sciencessociales, louvrage prsente une vue synthtiq ue sur les principauxdveloppements de la lutte d es femmes en vue de lg alit et du respectde leur dignit en ta nt q utres humains. Parmi les acq uis majeurs decette dernire dcennie figure le nouveau code de la famille dont laporte politique, sociale et culturelle est considrab le.

    Par contre, les avances ralises sur les aut res fronts de lutte, savoir la participation conomique et politique des femmes et laccsaux services sociaux fondamenta ux q ue sont lduca tion et la sant , sontmoins nettes alors que les discriminations entre les sexes restentimportantes.

    Toutes ces dimensions d e la q uestion fminine sont ana lyses parles auteurs de manire claire et scientifiq ue, mob ilisant cet effet lepuissant outil mthodologique que constitue lapproche genre oulanalyse compare des rapports sociaux entre les sexes.

    Prface

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    Lun des intrts de cet ouvrage est de montrer toute la fcondit decette approche qui permet de dvoiler toutes les discriminations dontsouffrent les femmes et d e met tre nu leurs fond ements socio-culturels.

    Le ma niement de cet outil permet dailleurs aux auteurs de prsenterune srie de recomma nda tions pertinentes dont la mise en applicat ionne pourra que consolider la marche des femmes et des hommes verslgalit.

    Cest to ut lintrt de cet ouvrag e q ui arrive po int nomm.

    Mohamed Sad Saadi,Ex-secrtaire dEtat

    chargde la Protection sociale,de la Famille et de lEnfance

    8 FEMININ-MASCULIN. LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

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    Entre temps, le fminisme, par les luttes des femmes po ur lga litdes droits et des chances, a impos ses enjeux travers le monde. AuMaroc, la mobilisat ion des femmes et lact ion d es associations des d roitshumains et des associations fministes au cours des deux derniresdcennies ont pouss cette volution, de sorte q ue les acq uis dufminisme sont moins une faveur octroye o u leffet dune ingrencetrangre que le rsultat dune dynamique interne de lutte et demobilisation.

    II

    Lapproche genre consacre cette exigence dun dveloppementfministe. Issue des travaux des fministes amricaines, cett e approchetraque et analyse systmatiquement sous langle du rapport entre lesdeux sexes les discriminations q ui dsavanta gent un sexe a u dt rimentde lautre ; mais dans la mesure o les discriminations ont a ffect etaffectent t oujours plus particulirement et davanta ge la cond ition desfemmes au profit des hommes, les discriminations recherches sontlargement celles q ui sont relat ives au sexe fminin. Cette approche esten fait en pa rtie une applicat ion au mond e des relat ions de genre dunclairag e sociologique, en faisant des rapports de g enre des rapports

    sociaux, cest--dire le produit d e relat ions sociales,non pa s des rapportsde na ture.

    De ce fait, elle na rien dindit et ne co nstitue pas une innovationdordre pistmolog iq ue. Elle vise toutefois structurer le rega rd delobservateur et le raisonnement de lanalyste par lintgrationsystmatique de la considration genre dans lintrt port auxproblmes soulevs. Son apport, sur le plan de la recherche,exprime endonnes statistiques, mais plus encore en contributions thoriques, desrsulta ts q ui affinent la co nnaissance prcise des rappo rts de genre etremettent en cause des reprsentations, non seulement sociales maisga lement scientifiq ues, largement structures par une visionandrocentriste.

    Mais lapproche genre a une dimension critique. Adosse lexigence dgalit consacre par les conventions et les instrumentsjuridiques internationaux, traqua nt et a nalysant systmatiquementtoutes les d iffrences q ui constituent des discriminat ions, cest--diredes a tte intes la d ignit et lga lit, valuant les politiq ues publiq ues,les prog rammes et dcisions po litiq ues et a dministratives, les prat iq ues

    11INTRODUCTION GENERALE

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    sociales dune manire gnrale,lapproche genresinscrit, sans t re enporte--faux avec les exigences dune a pproche scientifiq ue, da ns uneperspect ive fministe. On peut mme dire quelle do te le fminisme duninstrument dana lyse, de sorte q ue le fminisme ne se borne pas undiscours de militance et une simple profession de foi et que sesconvictions stablissent sur des acquis de lanalyse scientifique.

    Elle nest donc pas seulement une simple approche, mais bel et b ienune perspective. Celle-ci nest ni plus ni moins q ue la promotion dunprojet d e dmocratie, dune dmocratie q ui ne se rduit pa s une

    rgulation lectorale du jeu politique, mais dune dmocratiesubsta ntielle q ui vise lpanouissement d es femmes et des hommesen les impliquant dans les choix fondamentaux de la socit et en lesfaisant pa rticiper aux dcisions q ui engagent leur existence po litiq ue etsociale, ce q ui renvoie un a utre concept to ut aussi substant iel,celui decitoyennet . Elle est une perspective systmique et solida ire dudveloppement dans laquelle les divers aspects de la situation desfemmes (le juridique, le politique, lconomique, le social, le sanitaire )sont sinon dans un ordre dimporta nce q uivalent, du moins dans unevision st ratg iq ue intgre.

    De ce fait, lapproche genre porte en elle la po tent ialit d un conflitdon t lactua lisat ion est fa cilement prvisible da ns un systme politiqueet social fond sur une relation de sujtion sacralise dessencepatriarcale qui structure lespace politique tout autant que lespacedomestique, celui-ci ta nt mme le parad igme de ba se des relationsdassujettissement et dingalit partir duquel les autres espaces sesont certainement, au cours de lHistoire, faonns. Elle se heurtedirectement la perspective fonde sur une lg itimit religieuse qui faitdes relations juridiq ues conjugales un d oma ine rserv et intouchab leq uand les autres espaces ont volu pour rompre, plus ou moins, aveclordre pa triarcal.Elle met a u mme niveau de lexigence du changementprconis les prat iques, les lgislat ions et les institutions pour lesrformer dans la perspective du dveloppement et d e la dmo crat ie.

    III

    Cest prcisment en raison de cette perspective intgre quauMaroc le Plan daction national dintgration des femmes audveloppement (PANIFD) sest trouv expos la critique de sesadversaires.

    12 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

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    Le Maroc, comme beaucoup dautres pays, est pris dans les maillesinstitutionnelles, juridiques et stratg iq ues de lexigence dudveloppement et de la d mocratisation. Membre de la communautinternat ionale constitue par les Nat ions Unies, li pa r des pactes etconventions internationa ux de cette orga nisat ion signs ou ratifis parlui, enga g dans un pa rtenariat euro-mditerranen et un accorddassociation qui larriment un modle dmo crat iq ue de socit, ilsinscrit, pa r cont rainte ou/et pa r choix, mais de plus en plus par choix,da ns lexigence d e lg alit en faveur des femmes. Le PANIFD a t

    lexpression po litique de ce processus darrimage lida l dmocratiq ue.Il marque une tape importa nte d ans la conscration du fminisme surle plan politique e t d e la politique publiq ue du pa ys.

    A la faveur dun processus politique douverture qui a dbouch en1998 sur la formule dune alternance consensuellea u profit de pa rtis delopposition, le PANIFD est lab or sous lg ide du Secrta riat dEta tcharg de la Protection sociale et de lEnfance. Se rclamant d uneperspective intgre et universaliste d e lgalit et du d veloppement,les rdacteurs du PANIFD ont cherch rendre la sphre prive solidairede la sphre publiq ue en mat ire de rformes en vue du renforcementdes capacits des femmes, en affirmant q u il est impensable decontinuer dissocier dans la conception et la mise en place despolitiques et programmes visant les femmes la sphre prive et la sphrepubliq ue. Les deux participent dune manire q uivalente etinterdpend ante la socialisation et a u fonct ionnement des at titudes etdes normes culturelles . Le PANIFD fait valoir lide selon laq uelle Lesdroits des femmes sont universels et indivisibles des droits humains ,principe dont on ne postule la conformit au rfrentiel religieux que sicelui-ci se montre capable de saccommoder des impratifs dudveloppement. Bien q ue le PANIFD ait t officiellement plus ou moinspolitiquement lch par le go uvernement d alternance, les mesuresprvues dans son cadre ont t, au moins pour certa ines dentre elles,assumes et appliq ues.

    Dune certa ine manire, le prsent travail prolong e et participe decette dyna mique d ont le dba t sur le PANIFD a t un point culminant . Ilentend raliser lun de ses ob jectifs, savoir lta blissement d unevaluation rgulire de lvolution de la condition des femmesmarocaines da ns une perspect ive genre. La po lmique suscite pa r lePANIFD, nourrie de lignorance et obissant une intention de

    13INTRODUCTION GENERALE

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    manipulat ion, a fait porter cette perspective le dessein de fairedisparatre la diffrence b iologique sexuelle et de favoriser la permissivit.La perspective genre vise effectivement labolition des diffrencessexuelles, cependa nt non pa s les diffrences qui tiennent la na ture et la biolog ie, mais aux diffrences qui tiennent aux discriminationssocialement institues et institutionnalises, aux diffrences q ui ne sontpas de lordre de la na ture,mais de lordre de la culture.

    Ce premier trava il ne pourra cepend ant se limiter une valuation surune anne. Son terme de d part doit tre constitu par un temps de

    rfrence par rapport auquel lvolution de la condition des femmesmarocaines peut tre value en profondeur en termes dedveloppement. Lintg rat ion de la femme da ns une perspective dudveloppement du Maroc date de longtemps, plus exactement d utemps inaugurateur de lindpendance (et bien avant) et du temps dudveloppementalisme en faveur dans les instances internationales delONU. Mais comme cela a t d it, le concept d u dveloppement ne sefait vraiment fministe q ue d ans les deux dernires dcennies du sicledernier, et ce nest q ue da ns le sillag e de ce contexte q ue le Maroc vaconna tre une dyna mique fministe significat ive et explicite.

    La dcennie 1993-2003 correspond prcisment cette priode olexigence du dveloppement prend au Maroc une dimension plusfministe. Cette dcennie a t ma rq ue par le dveloppement d esorga nisat ions et des revendications fminines, par lintg ration de laq uestion de la femme dans le db at et lact ion po litiques et pa r la miseen uvre de mesures politiques en faveur de lamlioration de lacondition des femmes. Les deux da tes qui dlimitent la priodeconsidre dans le cadre de ce travail sont en outre fortementsymbo liq ues. Elles font dbuter et clturer la priod e sur lenjeu de laMoudaw ana du statut personnel et de sa rforme. La d ate de 1993correspond la leve du ta bou du sa cr q ui avait q uasiment verrouill lapossibilit de toucher aux dispositions surannes de la Moudawana.Cette da te, en la faisant db order quelque peu sur les premiers mois delanne 2004, clture la priode sur limporta nte rforme du droit dusta tut personne l dsorma is dsign par lexpression droit de la famille.

    La dcennie 1993-2003 constitue une opportunit pour procder une valuation gnrale de la condition des femmes marocaines et deson volution, avec pour objectif plus peut-tre de mesurer la distanceq ui reste parcourir q ue de mesurer celle q ui la d j t . Lun nallant

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    videmment pas sans lautre, lvaluation ne pourra donc q utre unemesure deux faces, clairant la bouteille tant t du ct plein, tant tdu ct vide.

    Les domaines q ui feront lob jet, da ns le cadre de ce travail, dunevaluation dans une perspective genre sont les suivants : la ca pacitjuridique des femmes ; la participat ion et la reprsenta tion politiq uesdes femmes ; lintgration conomique et sociale des femmes ;lducation et la formation des femmes ; la sa nt des femmes.

    Dans la mesure o la dcennie 1993-2003 a t fondamentalementsign ificat ive sur le plan de la capa cit juridiq ue et de la reprsenta tionpolitique des femmes, les volets dvaluation qui traitent de ces deuxaspect s ont t placs lentre de ce travail.

    Il est vident q ue lvaluation de la condition des femmes a u Marocet de son volution ne saurait se rduire aux seuls aspects qui ont tchoisis ici pour leffectuer. La violence est par exemple un thme dunegrande importance po ur lapprciation de la condition des femmes,ma isles auteurs de ce trava il inscrivent leur initiat ive da ns la rgularit et da nsun processus daccumulation et projettent dans lavenir dlargir dautres aspects et dautres thmes lvaluation de la condition desfemmes au Maroc et son volution. De toute ma nire, limporta nce desthmes choisis est suffisamment probante pour que lvaluation enquestion soit significative.

    Les divers volets seront assortis dune synthse finale qui permettrade dgager quelques conclusions principales inspires par ce travail.

    En fonction de ce q ui prcde, la st ructure de louvrag e se prsentede la manire suivante :

    IntroductionPar Mohamed Mouaqit

    I.Genre et droit de la famille. Les droits des femmes dans laMoudawana.De la rvision de 1993 la rforme de 2003

    Par Malika Benradi II.Genre et participation politique

    Par Houria Alami MChichi III.Genre et conomie. La participation des femmes la vie

    conomiquePar Sad Saadi

    15INTRODUCTION GENERALE

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    IV.Genre et ducationPar Aziz Chaker

    V.Genre et santPar Abdel-Ilah Yaakoubd

    SynthsePar Mohamed Mouaqit

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    Abstract

    Lobjet de ce volet entend interroger les vnements qui ont jalonn lvolut ion de la question des droits des femmes dans lespace priv,analyser leurs fondements et dcrypter les messages dont ils sont porteurs,particulirement partir de lanne 1993, date de la premire rvision du Code du stat ut personnel (CSP),jusqu la deuxime rforme de 2003.Il sagit galement danalyser les diffrentes positions exprimes ce sujet afin den faire ressort ir les nuances et les part icularits.

    Lantagonisme exprimau cours de cette dcennie ent re courant conservateur et courant moderniste matrialise en quelque sorte la dchirure socio-culturelle de la socitet concrtise la dualit et lambivalence qui caractrisent le systme juridique et polit ique marocain.

    Si la question de lmancipation des femmes veille tant de passion, ce nest pas seulement cause de ses implications aux plans de la vie sociale et individuelle.Cest aussi parce que cette mancipation implique un processus de redfinition des fonctions et des rles des femmes et des hommes,ainsi que des rapports reliant les individus entre eux ou lindividu au groupe.

    Le combat pour lgalitinterpelle en premier lieu lespace familial comme lieu de construction dmocratique.Il int erroge les normes juridiques rglementant cet espace et leur capacit reconnatre les femmes comme des citoyennes part ent ire. Cet enjeu a suscitun dbat tout fait novateur qui, de plus en plus, interpelle les rapports sociaux de sexe consacrs par les normes juridiques. Cett e rorientat ion thorique place lingalitdes relat ions de pouvoir entre les hommes et les femmes au cur de lapproche genre, qui commande un rexamen des structures sociales,

    Genre et droit de la familleLes droits des femmes dans la Moudaw anaDe la rvision de 1993 la rforme de 2003

    Malika Benradi

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    politiques, juridiques et conomiques dans lopt ique des relat ions hommes- femmes.

    Lanalyse de larsenal juridique marocain propose tente de questionner les rapport s sociaux ent re les hommes et les femmes.Elle entend dmontrer que les rapports hommes-femmes sont construit s socialement et donc sujets la variabilithistorique et susceptibles dtres dconstruits et reconstruits sur la base du droit lgalitet du respect de la dignit humaine.

    Sinscrivant dans une perspective valuat ive et prospective, lanalyse entend interroger le droit de la famille au Maroc, en relation avec lenvironnement nat ional et international, pour mettre en exergue les causes qui expliquent les mult iples revendicat ions appelant la rvision du CSP, les condit ions dans lesquelles sont intervenus les amendements de 1993 et les rformes de 2003 et les recommandations pour parachever la citoyennetdes femmes et garantir leur dignitdans la famille et dans la socit.

    Lintrt que manifestent toutes les composantes de la socit la question rvle limportance du code dans larsenal juridique marocain et le dbat quil a soulevet quil soulve encore de nos jours.

    IntroductionTraiter de la q uestion des droits des femmes da ns leur intg ralit, leur

    diversit et leur pluralit peut , de prime abo rd, relever de la simplerptition, ta nt le sujet a t discut et tudi dans toute sa d imensionau Maroc et spcialement partir de la dernire dcennie.

    Il sagit, da ns le cad re de cette tude relative la d cennie desfemmes, dana lyser le choix civilisat ionnel pos aujourdhui en termes demodernit ou didentit culturelle et danalyser les diffrentes positionsexprimes ce sujet afin den faire ressortir les nuances et lesparticularits.

    Notre contribution ce travail consiste particulirement questionner larsenal juridique marocain la lumire des vnementsq ui ont jalonn la d cennie, ainsi q u la lumire des deux principalespositions constitues par les mod ernistes et les conservateurs ,dont lantag onisme, en dlimitant le champ du d ba t la q uestion desdroits familiaux, constitue son expression limite, rvlatrice d es g randsenjeux qui touchent la q uestion du rfrentiel.

    18 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

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    Lantagonisme exprim au cours de cette dcennie entre courantconservateur et courant moderniste matrialise en quelque sorte ladchirure socioculturelle de la socit et concrtise la dualit etlambivalence qui caractrisent le systme juridique et politiquemaroca in. Le dp loiement d un discours fond sur laffirmation delidentit et le retour aux sources , en opposition un courantmod erniste q ui prne lassomption des valeurs universelles, estsymptoma tique d e cette socit clat e, la recherche delle-mme. Lesdroits reconnatre aux femmes dans lespace priv constituent le

    terrain privilgi de cette confrontat ion.Si, dune faon g nrale, la q uestion d e lmancipation des femmes

    veille tant de passion, ce nest pas seulement cause de sesimplications a ux plans de la vie sociale et individuelle. Cest aussi parceque cette mancipation implique un changement du statut tant desfemmes que d es hommes. Cest tout un processus de redfinition nonseulement des fonct ions et des rles, mais aussi des stat uts, et do nc destypes de rapports reliant a ussi bien les individus entre eux que lindividuau g roupe, leq uel est dsormais branl.

    Dans les recherches et tudes rcentes, tout comme lors des

    confrences internationales q ui ont marqu cette dcennie, lacorrlation entre le statut juridique des femmes et les exigencesdmocratiq ues nest plus dmontrer. Le comba t po ur lgalitinterpelle en premier lieu lespace familial comme premier lieu deconstruction d mocratique. Il interrog e les normes juridiquesrglementant cet espace et leur capacit reconnatre les femmescomme des citoyennes part ent ire.

    Cest la raison pour laquelle les droits familiaux des femmes dans lasphre culturelle arabo-musulmane sont aujourdhui au cur du dba tintellectuel et po litique. Ils sont au centre du comba t du mo uvement desfemmes, mais aussi un rempart fondamenta l dont se sert la rsistanceconservatrice hostile aux thses ga lita ires. La po litique et la religion sytrouvent imbriques du fa it mme du sta tut pa rticulier des femmes dansle Code de la famille. Cette prise de co nscience a suscit un d ba t tout fait novateur qui de plus en plus interpelle les rapports sociaux de sexeconsacrs par les normes juridiques. Une rorientation thoriq ue placelingalit des relations de pouvoir entre les hommes et les femmes a ucur mme de lana lyse.

    19GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

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    solennelle.Elle pose le problme des rapports sociaux qui prsident auxrela tions non seulement lintrieur de la famille mais aussi lextrieur.Elle claire sur la ncessit de lier sphre prive et sphre publique (1).

    Cest cet instrument dana lyse q ui guidera lensemble de ce volet. Iltend modifier considrablement le mode selon lequel on doit penserla place des femmes dans le champ social et met nu les rapportssocialement et histo riq uement const ruits, responsab les de nombreusesingalits juridiques lendroit des femmes (2).

    En effet, dans le champ juridique, lapproche g enre est particu-lirement exigeante puisquelle oblige dcrypter les fondements d esnormes lgislatives et rglementaires et ana lyser les logiques q ui lessous-tendent, travers les applications et les comportements q uimontrent lingalit juridique que consacre le droit familial et qui suittrs lentement lvolution sociale.

    La log iq ue q ui fonde cett e a nalyse privilg ie trois dimensions :

    Les femmes en tant que personnes devant bnficier deluniversalit d es droits fonda menta ux reconnus toute personne, sansdiscriminat ion fond e sur le sexe.

    Les femmes en tant q ue citoyennes devant b nficier, au-del dudroit de vote et dligibilit reconnu par la Constitution, du droit dedcider de leur union, de choisir leur conjoint, de ntre pas contraintesau ma riag e un g e prcoce, de d cider de la dissolution d u lienmatrimonial lorsque lunion conjugale porte atteinte leurs droits enta nt q upouses, dtre tutrices de leurs enfant s pleinement au mmetitre q ue le pre et non seulement en cas d e veuvag e, de sparation, demalad ie du pre ou dabsence prolonge du conjoint, dassurer la g ardede leurs enfants mineurs sans mena ce, de bnficier de to utes lesgarant ies pour recevoir la pension alimenta ire due leurs enfant s,d treprotg es contre toutes les formes de violences, durant tous les cyclesde la vie et davoir le d roit de transmett re leur nationalit leurs enfantsissus de mariages mixtes.

    21GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (1) Houria Alami MChichi, Genre et polit ique ,d.lHarmattan,2003.(2) Malika Benradi, Genre et droit : les enjeux de la dmocratie , in Femmes et dmocratie , coll. Approches, d. le Fennec,ma i 2001,p. 23.

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    Les femmes en tant q uact rices et bnficiaires du dveloppementdevant tre prsentes dans tous les espaces et dans toutes lesinstitutions po litiques, conomiq ues, sociales et culturelles, sans trevictimes de violences, de d iscriminations et d exclusion.

    A travers cette a pproche, not re cont ribution ce travail sur ladcennie des femmes entend analyser lvolution du statut juridiquedes femmes au sein de la famille pendant la dcennie 1993-2003,dcennie marque, au Maroc, par des mutations politiques,conomiq ues, sociales et culturelles importa ntes.

    La place que la socit dfinit aux femmes et limage quelle leurrenvoie delles-mmes sont trad uites dans le droit familial. Lana lysegenre va, par consquent, participer directement a u db at des sciencessociales sur le droit en ta nt q ue construction sociale, sur sa finalit e t sacapa cit reconnatre aux femmes la pleine citoyennet.

    Lanalyse de larsenal juridique marocain couvrant lespace privtentera dinterroger les rapports sociaux entre les hommes et lesfemmes, entre les filles et les garons. Elle entend galement d mont rerque les rapports hommes-femmes sont construits socialement et doncsujets la variabilit historique et susceptibles dtres dconstruits et

    reconstruits sur la base du droit lgalit et du respect de la dignithumaine. Ce volet se propose, par consquent , dinterrog er le Droit entant que construction sociale pour analyser les fondements desdiscriminations.

    Cependant , ne pouvant traiter de manire exhaustive de lensembledes valeurs que le lgislateur a transcrit dans lordre juridique marocain au risque de noyer la q uestion des droits familiaux, centrale dans lacitoyennet d es femmes lanalyse de lvolution d e larsenal juridiquemarocain, la lumire des faits, des vnements, de la conjoncturepolitique, conomiq ue et sociale interne et internationale, sera limite lespace familial.

    Sans doute, les violences subies par les femmes dans cet espace d ufait mme des fond ements d es textes rg issant les relat ions familiales,q ui ont d es prolongements dans lespace public, mritent d treanalyses la lumire de lapproche genre ; nous avons estimncessaire cependant de leur accorder une attention particulire dansune prochaine dition pour mieux apprcier les diffrentes rechercheset enqutes de terrain menes sur la question et analyser les actions

    22 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

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    entreprises par le mouvement des femmes au cours des derniresannes pour rendre visible le phnomne et attirer lattention delopinion publique (3).

    Nanmo ins, q uelq ues incursions seront faites da ns lespace public,compte tenu de la forte corrlation qui existe entre lespace priv etlespace pub lic, particulirement en ce q ui concerne les droits desfemmes.

    Nous essaierons danalyser le droit de la famille travers deuxq uestions principales :

    Quel type de famille rg lemente le Code du sta tut personnel ?

    A q uel profil de femmes sadresse-t-il ?

    Autrement dit, quelle est la ralit sociale rg lemente par lesdispositions juridiq ues du CSP de 1957, avant la rforme d e ce code enjanvier 2004 ?

    Sachant q ue la rgle de droit, limag e des aut res rg les de conduitesociale, est considre comme le miroir de la socit dont elle ma ne, ilsavre utile de sinterrog er sur la manire dont le Cod e de la famille suitles changements que vit linstitution familiale et qui touchent plus

    particulirement les droits des femmes.Aussi, lapproche q ui command e la rponse ces q uestions relve de

    la sociolog ie juridique, au sens o son t prises en considrat ion lesnormes juridiques et la ralit sociale quelles rglementent.

    I. Le droit de la famille la veille des rvisions introduitesen 1993

    Evoluant da ns un pa ys musulman, linstitution familiale a u Marocprsente un certain nombre de caract ristiques q ui non seulement fontsa spcificit mais la rattachent au modle plus large de la famillemusulmane. Fond sur un ensemb le de valeurs dessence religieuse q uiforment un vrita ble socle autour duq uel se g reffent d autres rg les quipuisent leur source da ns la coutume et, plus gnralement, dans lamorale sociale, le droit d e la famille au Maroc a un grand impact sur lacondition juridique des femmes.

    23GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (3) Raba Naciri,cf. Etude UNIFEM 2003.

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    En consacrant et en protg eant ces valeurs, le droit participe laprservation de lordre familial traditionnel et consacre une certaineconception d es droits des femmes au sein de la famille. Ainsi, le CSPreproduisait en 1957 le modle de la famille musulmane traditionnelleda ns le cad re de la fidlit au rite ma lkite (4).

    Ce texte,q ui rg lementa it les aspects intimes de la vie fa miliale,d evaitson importance, non seulement lespace familial quil rglementait, envertu du rfrentiel relig ieux, mais aussi son champ d applicat ion. Ilsappliq uait aux Maroca ins musulmans et a ux Maroca ins sans confession

    prcise, aux rfug is et apa trides de confession musulmane rsida nt a uMaroc. Il sappliq uait en deho rs du territoire ma rocain, en vertu d u liende rat tachement q ui fonde les mcanismes des conflits de loi en ma tirede DIP, tous les nat ionaux rsidan t ltrang er (5).

    A. Le rle du droit comme facteur de prennisation des valeursislamiques qui fondent lordre familial ressort nettement travers lerattachement des rgles du statut personnel et successoral au droitmusulman. Sur le plan de la forme, la Moudaw ana se prsenta it commeun code mod erne et structur. Quant son contenu, il restait trsmarqu par le d roit musulman et, plus prcisment, par le rite malkitedont elle constituait une sorte de compilat ion, mme si elle resta itma ille de q uelques rg les inspires daut res rites sunnites (6). Cetattachement aux dogmes et aux valeurs qui fondent la famillemusulmane traduisait la volont du lgislateur dinscrire linstitutionfamiliale dans son cadre originel.

    Ceci ressort clairement travers limportance quil accordait aumariag e, la protect ion de la filiation pat rilinaire, la conscration dudevoir dassistance entre les membres de la fa mille et la conservat iondu patrimoine familial.

    1. La manire dont la Moudaw ana t raitait du mariag e, de sadissolution, de ses effets, ta it rvlat rice de limporta nce quelle lui

    accordait. Il tait, en outre, significatif quelle consacrt sa premiredisposition la d finition d u mariage et surtout la co nception q uellesen fa isait. La version orig inelle en lang ue a rabe de cet a rticle employait

    24 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (4) Moulay Rchid Abderrazak, la Femme et la loi au Maroc , d. le Fennec,1991,p. 51 et s.(5) Maurice Bormans, Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 nos jours , Paris la Haye, d. Mouton, p. 109.(6) Moulay Rchid Abderrazak, op.cit.,p. 65.

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    bien le terme mitaq , cest--dire pacte et non celui de contrat comme il tait crit dans la traduction franaise (7).

    Le choix du vocable mitaq par la commission charge, en 1957, dellaboration du Code du sta tut pe rsonnel et d es successions ne semb laitpas innocent. En effet, le terme pact e avait une rsonance beaucoupplus solennelle q ue celui de co ntrat, mme lga l, q ui signifiait lchangede loffre et d e lacceptat ion. Or, rduire le mariag e un simple chang ede consentements aurait conduit banaliser une institution q ui, da nslopt iq ue d u droit musulman, constituait la p ierre a ngulaire d e la famille

    et, partant, de la socit islamique.En opt ant pour le terme mitaq , la commission avait entendu inscrire

    le mariag e da ns un cadre aux dimensions religieuses et sacres, nonseulement travers lalina 1 er lui-mme q ui parlait d une vie conjuga lecommune et durab le , ce qui revenait reconnatre au ma riag e uncertain ca ractre dindissolubilit, mais g alement travers lalina 2 dumme a rticle q ui prcisait le but vers leq uel devait tendre le mariage : lafidlit, la puret, la multiplicat ion d u nombre des membres de l Umma par la cration d une famille, dans la scurit, la paix, laffection et lerespect mutuel.Autant d e valeurs q ui fond ent lthiq ue musulmane.

    Si telle ta it la conception du ma riag e da ns le texte de la Moudaw ana ,q uen tait-il da ns les faits ? Deux consta tions simposa ient : le nomb reinquitant d e rpudiations et laugmenta tion croissante du nombre decliba ta ires. La prcarit du lien ma trimonial dcoulait du maintien decerta ines institutions comme la rpudiat ion (8), la polyga mie et lautoritmaritale qui apparaissaient non seulement comme les principalessources ding alit au sein du couple, mais comme auta nt dlmentsallant lencontre de la conception initiale du mariage adopte par laMoudawana.

    En mat ire de polygamie, un allg ement d e lautorit d u mari avaitt prconis par la no uvelle Moudaw ana. Ainsi, lhomme navait-il plus

    lentire autorit de se marier avec une deuxime pouse sans leconsentement de sa premire femme. Si, malgr, tout lpoux se mariait

    25GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (7) Cf.le Cod e du sta tut personnel 1957-1958 (version arabe).(8) Malika Benradi, Quelques lment s de rflexion sur la prminence du ma ri da ns ladissolution du contrat d e mariag e : le cas du code du stat ut personnel marocain ,intervention au colloque organis Amman les 24 et 25 juin 2000 par la FondationKonrad Adenauer.

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    sans sa bndiction, la premire femme pouvait dema nder le divorce.Mais,en gnral,ce d roit ta it mconnu par les femmes.

    Sagissant de laugmentat ion d u nombre de cliba taires, on peutnote r que ce phno mne est toujours plus lev en milieu urba in q uenmilieu rural et quil lest plus chez les hommes que chez les femmes.Toutefois, malgr la d saffection q ue conna t linstitution du ma riag e,don t les fact eurs sont essentiellement socio-conomiq ues, le clibatdfinitif demeure peu frq uent. Cest dire q ue le mariag e, mme sil sefait de plus en plus un ge plus avanc, conserve sur le plan social toute

    son importa nce.2. La protection de la filiation patrilinaire tait un autre souci de la

    Moudawa na. La notion de nassab ou filiation revt une importancecapitale da ns la socit musulmane. Cest elle q ui dtermine lidentit delindividu pa r le ratt achement la ligne pa ternelle par les mles. Cesderniers sont considrs comme les transmetteurs du nom, les gardiensde lhonneur de la famille et les prservateurs de son patrimoine.Cest pa r eux q ue se perptue la famille. Ce q ui explique q uencoreaujourdhui la na issance dun g aron soit accueillie avec plus de joie quecelle dune fille. Dans plusieurs rgions du Maroc, la naissance d ungaron est sa lue par des youyous , alors q ue celle de la fille se passeda ns le silence to ta l (9).

    Considre comme un lment de lthiq ue musulmane, laprotection de la filiation patrilinaire qui vise la multiplication desmembres de l Umma repose sur deux piliers fondamenta ux : la lgitimitet le lien du sang . Conformment a u principe selon lequel : lenfantappartient au lit , la filiat ion illg itime ne t rouve pas sa place en droitmusulman. Ce principe d coule directement de la g ravit q ui caract risele crime et pch d e zina , leque l figure parmi les houdoud ,cest--dire lesinfractions les plus graves et les plus svrement rprimes pa r le Coran.Cette svrit sexplique par latteinte que porte un tel acte lorganisation familiale.

    Le CSP ne reconnaissait et ne protg eait q ue la filiation lgitime. LaMouda wana nona it expressment (art. 83, al. 2) q ue la filiat ion nonlgitime ne cre aucun lien de parent vis--vis du pre et ne produit,

    26 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (9) Rahma Bourquia, La femme et le langag e , in Femmes et pouvoirs , coll. Approches,d. le Fennec, 1990.

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    dune faon g nrale, aucun des effets de la filiation . Cest d ire quellene permettait pas aux enfants naturels dintenter une action enrecherche de paternit, action igno re par le droit musulman (10).

    Limportance accorde la puret du lignage fait que le droitmusulman ne reconnat aucune va leur juridique lad opt ion. A ses yeux,ad opte r un enfant , cest--dire lui faire prendre rang denfant lgitime,reviendrait introduire un t rang er dans la famille, puisquil nexisteaucun lien de sang entre cet enfant e t ses parents adoptifs.

    La Mouda wa na resta it fidle ce principe en d isposant formellementque ladoption na aucune valeur juridique et nentrane aucun deseffets de la filiation . En revanche, elle ad met ta it le tanzil(art.83,dernieral.) ou substitution dhriter et la kafala Le tanzil consiste placerlad opt a u rang dhritier du premier deg r en le faisant bnficier dutiers de la succession. La kafala , q uant elle, correspond lide courantedad opt ion, avec cette diffrence fonda menta le quelle nta blit aucunlien de filiat ion a vec les parents adoptifs : lenfant ne peut ni porterleur nom, ni figurer sur leur livret de famille.Il nhrite pas deux, et on nepourra lui opposer les empchements au mariage contenus dans lesarticles 25 31 de la Mouda wana . Tout ce q ue peut faire le pread optif cest de linstituer lgat aire testa menta ire, cest--dire da ns lalimite du tiers (11).

    3. La protection du patrimoine familial constituait galement unsouci de la Mouda wa na. En maintena nt le rg ime successoral tel q uildcoule du droit musulman classiq ue, la Moudaw ana entenda itprserver le pa trimoine familial. La rgle du double q ui caractrise lesystme successoral musulman participe de lesprit de prservation dupa trimoine dans la famille. Les jurisconsultes la considrent co mme lacontrepartie de deux obligat ions q ui psent sur les maris : le versementde la do t et lentretien des pouses.

    27GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (10) Houria Alami MChichi, Malika Benradi e t Jamila Houfa idi, Les filles-mres da ns laralit marocaine , tude AMSED,dcemb re 1996.(11) Moulay Rchid Abderraza k, La rforme d u cod e d e sta tut personnel marocain.Uneavance da ns la conso lida tion des d roits de lhomme , intervention la journe dtud eorga nise par le dpa rtement d e droit priv de la Facult de d roit,Souissi-Rab at le 8 mars1997 sur les modificat ions du code du stat ut personnel par le da hir du 10 septemb re1993 : un premier bilan. Publicat ion de la Facult de d roit, Rab at -Souissi,p. 9 et s.

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    La doctrine musulmane a souvent dtourn les rgles coraniquespour favoriser les hommes, nota mment par linstitution du legsob ligat oire au profit des petits-enfant s dont le pre dcde avant le prede ce lui-ci,excluant les pet its-enfa nts de la fille et pa r des Habo us privs,do est exclue g alement la d escendance fminine. Le recours cesdeux institutions constituait une manire dexhrder les femmes. Danslido log ie patriarcale, lloignement des femmes se fa isait au nom de lagrand eur de la famille. Aujourdhui encore, limporta nce d u pa trimoinefamilial joue un rle important dans la dtermination du degr de

    considration sociale d ont bnficie la famille, et il nest pa s rare, encorede nos jours et nota mment dans le milieu rural, q ue les femmesrenoncent delles-mmes leur quote-part en faveur du frre ou deloncle paternel en vue de prserver le prestige familial en prservantlunit foncire.

    B. A ces valeurs religieuses qui fondent la famille musulmanesajoutent d es valeurs morales. Au Maroc, et d une manire gnraleda ns les socits musulmanes, la notion de famille sarticule a utour dunrseau d e parent aux ramificat ions nombreuses. Ce rseau concerneaussi bien la pa rent par le sang q ue la pa rent par alliance.

    Dans cett e opt iq ue, les liens familiaux db ordent t rs vite le cadrestrict du couple conjugal pour embrasser une sphre beaucoup pluslarge englobant, outre les parents et les enfants, les ascendants, lesoncles, les tant es, les cousins, leur descenda nce souvent un degr trsloign. A toutes ces personnes unies par un lien de sang sajoute lafamille par a lliance

    Cette assise trs large de la famille lui assigne la fonction de veiller la protect ion des ascenda nts et des descendants. Ce rle constitue lasource du devoir dassistance et de protection des faibles qui pse surtous les membres du rseau d e pa rent. Le droit consacre ce devoir parla cration de droits et d obliga tions entre les membres de la famille etpar linsta urat ion dun systme d e protect ion des incapa bles mineurs etmajeurs ainsi q ue de leurs biens.

    La conception de lobligation alimentaire retenue par le lgislateurmaroca in db ordait le cad re familial proprement dit. Aux cts dumariag e et de la parent, la Moudawa na retenait lenga gement, voire lesimple fait d e disposer dun excdent de ressources,comme fond ementde lobliga tion alimenta ire.

    28 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

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    La consommation du mariage faisait natre la charge du marilob ligat ion dentretenir son pouse. Lentretien ( nafaqa ) comportaitnotamment le logement, la nourriture,lhabillement, les soins mdicaux,etc. Les rgles qui rgissaient la nafaqa taient contenues nonseulement dans la Moudaw ana , mais ga lement dans le Code deprocdure civile et mme d ans le Code pna l, lorsquil rigeait laba ndonde famille en infraction pnale.

    Le problme de lentretien de lpouse pouvait se poser aussi bienpendant la vie conjugale quaprs la dissolution de celle-ci par la

    rpudiat ion ou le d ivorce.Dans le premier cas, lpouse po uvait intenterune act ion en d ivorce contre son mari pour dfaut d entretien. Dans lesecond cas, et cest lhypothse la plus frquente, elle se trouvaitcontrainte avec ses enfant s de q uitter le domicile conjuga l et de subvenir ses besoins en attendant que le tribunal statut sur sa pensionalimentaire. Or, dans bien des cas, elle tait sans ressources ou nedisposait que de ressources insuffisantes. Si lon ajoute celalimportance du contentieux et la dure considrab le des procs, onmesure sans peine le degr de prcarit d e la situation dans laq uelle ellese trouvait projete avec ses enfants.

    Dans lesprit de remdier linscurit trs grande qui tait le lot desfemmes rpudies, le lg islateur faisait bnficier les dema ndes depension alimentaire de la procdure des rfrs et de lexcutionprovisoire. Cette procdure rapide permett ait lpouse de b nficierdune pension a limentaire provisoire, en at tendant q ue le juge sta tutdfinitivement sur son ca s et, ventuellement, sur celui de ses enfants.

    La pnalisation d u dfaut d entretien tait rvlat rice de la volont deprotection du lg islateur. Le droit pnal considrait, en effet, le dfautdentretien comme constitutif du dlit d aba ndon de famille punissablede lemprisonnement dun mois un an et dune amende de 200 2 000 Dh ou de lune de ces deux peines seulement.

    Par ces mesures, le droit tentait de soustraire les femmes et lesenfants aux dangers qui les guettaient du fait de la prcarit de leursituation conomiq ue. Toutefois, bien que la dmarche adopte ftlouable, elle demeurait insuffisante. La modicit des sommes allouesaux femmes et aux enfants au titre de la pension alimentaire et le faitq ue dans la q uasi-tot alit des cas, elles devaient q uitte r le domicileconjugal constituaient une menace relle pour leur scurit et celle deleurs enfants.

    29GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

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    Le droit faisait galement peser sur les enfants lobligation de servirune pension a limentaire leurs pre et mre et, sur le pre, celle desubvenir aux besoins de ses enfant s. Si le pre ta it indigent et la mrefortune,cest elle q uincombait lob ligat ion dentretien de ses enfants.

    Le d roit la pension a limentaire ent re parents et enfants t rouvait sonfondement dans le devoir dassistance qui devait exister entre lesmembres d une mme famille.

    A travers les rgles de la hadana , le droit visait prserver lenfant ,da ns la mesure du po ssible, de ce q ui pouvait lui tre prjudiciab le, llever et veiller sur ses intrts.Cette t che incombait a u pre et lamre de lenfant , ta nt q uils resta ient unis par les liens du ma riag e, avec,toutefois, cette prcision q ue, selon la logique d u CSP de 1957, le predemeurait le chef incontest de la famille. La q uestion de la g arde delenfant ne se posait en fait quen cas de d issolution du mariage. Lecodificateur tait rest fidle aux enseignement s de lcole malkite enaccorda nt la priorit la mre.

    Bien que la hadana ft une fonc tion spcifique d e la mre, celle-citait dchue de son droit d e g arde non seulement en ca s de remariag eavec une personne autre quun proche parent (au degr prohib) delenfant ou le tuteur testamentaire de ce dernier (art. 105), maisgalement si elle stablissait dans un lieu loign de celui o rsidait lepre. Cette perte du droit de g arde sexpliquait par le fait que tant leremariage de la mre que son loignement privaient le pre delimportant droit de regard quil exerait quant lducation de sonenfant (art. 108 et 109). La mme rg le sappliq uait la mre nonmusulmane si elle profita it d e son droit de g arde po ur lever son enfantda ns une religion aut re que lIslam (art. 108, al. 2).

    La prsentation de ces quelques dispositions permet de faire unepremire remarque : contrairement aux normes juridiques dont lecaractre contraignant sexplique par la sanction encourue en cas de

    violation, les dispositions de la Moudaw ana labore en 1957-1958nta ient assorties, en cas de violation, daucune sanc tion dordre civil oupnal. De telle sorte, ce texte pa raissait minemment comme un simplecode de conduite morale dont le rle tait de prserver les assises de lafamille musulmane en reconnaissant la prminence de lpoux dans laconclusion d u mariag e, dans le droulement d e la vie conjuga le et dansla dissolution du lien ma trimonial. Il rduisait, de ce fa it, la responsabilitde lpouse la gestion do mestiq ue du foyer et lducation de s enfants.

    30 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

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    Cette prsentation permet galement de relever les ingalitsflag rantes lendroit des femmes, ingalits q ui revta ient un caractrenon seulement lga l, mais prtendument sacr, en raison de lacontinuit q ui existait entre la Mouda wa na (CSP), le fiqh (droitmusulman), le ha dith (traditions du Prophte) et le Coran (parole deDieu).

    Ces ingalits apparaissaient a insi :

    dans la dfinition du mariage, la constitution d une famille parlunion ma rita le ta it place sous la direction du ma ri ;

    dans la tutelle mat rimoniale, le tuteur matrimonial tait lemandataire par lintermdiaire duquel la femme exprimait sonconsentement au mariage. Le tuteur matrimonial ne pouvait pas treune femme. Au cas o le tuteur craigna it la ma uvaise conduite de lajeune fille, il pouvait la con traindre au mariage sans son consentement .

    La d ot ta nt verse par le mari et lentretien de la famille tant dudevoir de ce d ernier, lpouse lui devait o bissance,respect et rvrenceainsi q u sa belle-famille. La log iq ue : entretien = soumission desfemmes constituait par consquent le cheval de ba ta ille du mouvementdes femmes .

    Le mari avait droit la polygamie condition dtre quitableenvers ses co-pouses.

    La dissolution d u mariage prenait la forme de la rpudiation q uandelle ta it luvre du ma ri, elle ntait irrecevable q ue da ns des caslimites : rpudiation pendant les menstrues, en tat divresse, surserment,sous conditions.

    La dissolution du mariage prenait la forme du divorce judiciaireprononc par le juge quand ctait lpouse qui introduisait unedema nde en sparat ion. Lpouse ne pouvait entreprendre une telleaction q ue dans cinq cas : pour dfaut d entretien, vice rdhibitoire du

    mari,svices, ab sence du mari et a bstinence du mari (12).Cest donc ce texte, et spcialement ses principales dispositions

    fondes sur la log ique de la tute lle des femmes, q ue le mouvement desfemmes se rfrait le plus souvent pour dnoncer la prcarit de lasitua tion des femmes a u Maroc e t revendiquer sa rvision.

    ( ! D U W I U q ! M H I W )

    31GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (12) Malika Benrad i, Quelques lments de rflexion , art. cit.

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    II. Les rvisions de 1993:une timide avance

    La premire rforme de la Mouda wa na, intervient en 1993. Elleconstitue une date historique compte tenu de limportance delvnement. Quels sont les facteurs qui expliq uent e t prcipitent cettervision ? Sont -ils dordre nationa l ou se cumulent-ils des causesinternat iona les ? Quelle a pprciat ion peut-on en fa ire en 1993 ?

    1.Lappel la rvision

    Initiative du mouvement des femmes fonde sur le slogan : lasoumission des femmes en contrepartie de lentretien assur par leconjoint

    Les rvisions de 1993 ont t co nsidres comme labout issement dela campagne mene par le mouvement des femmes pour lechangement de la Moudaw ana . Cette campag ne, lance le 7 mars parlUAF, sinscrivait dans le cad re dune mo bilisat ion des partis politiquesde la Koutla. Le Comit na tional de coordination pour le cha ngementde la Mouda wana et pour la dfense des droits des femmes , mis enplace lors de la rencontre tenue les 18 et 19 avril 1992, sur laMoudaw ana entre les textes et la ralit , avait cond uit la ca mpag ne unmillion de signa tures pour appuyer la revendication du changement dela Mouda wana . La dclaration pub lie soulignait les raisons de la prioritaccorde ce texte (13). Ce sont les profonds chang ements q ueconna t la situat ion des femmes e t lambition g randissante d e celles-cide raliser lga lit et lmancipation dans le cad re de la consolida tionde la dmocratie politique et sociale ( ) q ui ont incit le mouvementdes femmes mettre la rvision de la Moudawana la tte de sesrevendicat ions .

    Dans une lett re ouverte adresse la Chambre des dputs, fondesur un triple rfrentiel : la ra lit sociale, les finalits de la chariaa , etluniversalit des droits humains, lUAF prcisait et argument ait lesprincipales revendicat ions :

    32 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (13) Malika Benrad i, La problma tique d u rfrentiel dans la q uestion fminine dupoint de vue du pouvoir politique e t de s ONG fminines , intervention au colloqueorga nis par lOrgan isation de la femme istiqlalienne sur le thme :Femmes et processusdmo cratique au Maroc, les 24 et 25 fvrier 2001 Raba t (en a rabe).

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    insta urer lg alit des conjoints au sein de la famille, supprimer la tutelle matrimoniale, interdire la po lygamie, consacrer le divorce judicia ire comme seule moda lit d e dissolution

    du lien conjugal, garantir les droits des femmes en ce qui concerne la pension

    alimenta ire, la ga rde des enfant s et le domicile conjuga l.

    Ces revendicat ions, premire vue classiques loin dtre rvolu-

    tionnaires, dj demand es par Akhaw at e Assafaa en 1947 (14),soulevaient des ractions dmesures de la part de la mouvanceislamiste. Lopposition, mene pa r Al Islah w a At-Tajdid, se prcisait d ansun communiqu de presse du 21 avril 1992 o il tait annoncexpressment : La rnovation de la Moudawa na d ans le cad re de larvision de toutes les lois du pays afin quelle soit conforme la chariaa islamiq ue . Dans ce mme communiq u on responsab ilisait lesdiffrentes composantes du champ politique et religieux : Les oulmas,individus et institutions, sont appe ls expliciter le jugement de la loireligieuse ( shar ) sur cett e pt ition (fministe), sur ceux qui lappuient ,sans crainte de personne et conformment leur devoir de divulguer lesavoir .Lappel ta it g alement lanc a ux associations :lensemble desassociations et des o rganismes islamiques sont a ppels assumer leurdevoir de dfendre la charia islamique, notamment ce qui reste dans laMouda wa na du sta tut personnel, la loi dont la seule source est lIslam .Dans cette campa gne, la presse de mouvance islamiste ( Ar-Raya et As- sahwa ) jouait un rle dterminant dans la mobilisation de lopinionpublique contre la rvision de la Moudawana et publiait des fatwas accusant dapo stasie le mo uvement des femmes. Celui-ci est considrcomme linstrument de lOccident da ns sa stratg ie de destruction d e lacellule familiale et de lIslam en pa rticulier. Cette co nviction ta it traduiteda ns des termes trs significat ifs : Ceux qui veulent mo difier laMouda wa na, veulent gnraliser linstitution du Club mditerranen envue de remplacer la vieille institution familiale La dema nde de lga litdes sexes et la revendicat ion pour la femme de d isposer delle-mme o ntune vise voulant faire de la socit marocaine une socit animale,licencieuse, at he, rejeta nt non seulement les textes du Coran et de laSunna et les dispositions lga les de la charia ,mais aussi toutes les valeurs

    33GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (14) Moulay Rchid Abderrazak, op.cit., p. 55.

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    morales et relig ieuses mondiales au nom de la civilisat ion, de lamod ernit et d u prog ressisme (15) .

    Cette t ension sociale, pouvant tout mo ment se traduire par undrapag e politique, avait amen feu Hassan II, lors du discours du29 juillet 1992, clarifier la situa tion. En sinscrivant da ns le rfrentielreligieux, il citait le had ith du proph te les femmes sont les gales deshommes en droit et d onnait rendez-vous toutes les femmes le20 aot 1992, o, travers un discours, riche en messages po litiques, ilaffirmait : Jai entendu et cout les plaintes au sujet de la Mouda wana

    ou de son application. Sache, ma chre fille, femme marocaine, que laMoudawa na, est dabord une affaire qui relve de mon ressort. Cest mo iq ui porte la responsab ilit d e la Moudaw ana . Femme marocaine,ad resse-toi moi, cris-moi au Cabinet royal, associations fminines,ad ressez vos observations, vos critiques, do lances, et ce qui vous paratnuire la femme et son avenir, au Roi du Maroc, qui, en tant que Amir Al Mouminine,a comptence pour appliquer et interprter la religion .

    Le 9 septemb re, au lendema in du rfrendum constitutionnel, le Roianno nait : Je rendrai justice la femme marocaine, jappliq uerai lachariaa islamique, mais dans sa dimension tolrante (16) (21). Ilraffirmait le 29 septembre devant un g roupe de femmes : ne mlezpas la chose la ba ta ille politiq ue , et il ramenait la q uestion un db attho logique ent re le fiqhet la charia : Vos do lances sont l, et no us nepouvons ni interdire ce q ue Dieu a permis, ni rendre licite ce q uil aproscrit ( ), je runirai un groupe dOulmas q ui je demand erai de meprparer une rponse et de me faire des suggestions sur les pointscontenus dans vos rapports. Certaines propositions vous serontsoumises, et si les deux parties parviennent se mettre daccord, nousprocderons alors lamendement ncessaire des articles de laMouda wana , da ns le but d e parvenir une situation meilleure. A dfautde cet accord, vous ne vous rencontrerez plus, car je ne veux pas q ue londise que lhomme sest d ress contre la femme. Si vous ne parvenez pa s

    34 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (15) Mohamed El Ayadi, La femme dans le dbat intellectuel au Maroc . in Prologues ,p. 9 et s.(16) In Mmorandum de Jossour , Forum des femmes marocaines, remis la CommissionRoya le en 2001.

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    une entente, je prendrai alors la responsabilitqui mincombe en tant quAmir Al Mouminine qui respecte la religion et la Sunna (17) .

    La commission, compose uniquement dOulmas, sans laparticipat ion daucune femme, avait tenu sa premire runion le15 octobre 1992. De nombreuses sances de travail avaient permis lamod ificat ion de certa ins articles, don t le texte final,fut promulgu pa r leda hir portant loi n 193-347,en dat e du 10 septemb re 1993.

    2.Contenu et limites des rvisions :la dsacralisation de laMoudawanaLes rvisions a vaient to uch les matires suivantes :

    Le consentement de lpouse au mariage doit tre explicite etpublic(art.5)

    Le droit marocain qui distingue entre le consentement et sonexpression maintena it lexigence malkite dun ma nda ta ire mat rimonial,charg de reprsenter la femme lors de la co nclusion d u mariag e. Aussilancien article 5, q ui ne prvoyait pas la forme du consentement a umariage fut complt par lalina 1 er q ui stipulait : La validit du

    mariage est subordonne au consentement de la future pouse et de sasignature au ba s de lextrait d acte d e mariag e dress par les deux ado ulsinstrumentaires (cad is nota ires)

    Cest la signature de la future pouse qui devient une formalitncessaire la validit d u cont rat d e ma riag e. Elle constitue une preuvede son consent ement et une preuve que le wa li ne la pa s contrainte aumariage.

    Le rle du wali dans la conclusion du mariage(art.12)

    Linstitution du w ali, qui existe d ans les trois rites orthodoxes lexclusion du rite ha nafite, avait sans doute, son origine dans la d ivisionsexuelle de lespace q ue conna issait la socit musulmane t raditionnelle.

    35GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (17) Malika Benradi, Les rvisions du code du st at ut pe rsonnel : quels acq uis pour lesfemmes marocaines ? , intervention la journe d tude orga nise pa r le dpartementde droit priv de la Facult de droit Souissi-Rab at le 8 mars 1997 sur les modificat ions ducode d u statut personnel par le da hir du 10 septembre 1993 : un premier bilan.Publicat ion de la Facult d e d roit, Rab at -Souissi.

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    la rpudiation ne pouvait tre consigne par les adouls quenprsence des deux parties et aprs autorisation du ca di nota ire. Ce q uipermettait lpouse dtre informe immdiatement de la volont deson conjoint de met tre fin au lien du mariage ;

    le cadi notaire devait senqurir de la validit de la rpudiation ettout abus tait pris en considration dans lvaluation du don deconsolation ;

    le cadi notaire ne pouvait rejeter une demande en rpudiation,

    prrog ative reconnue au mari, il constatait la volont du mari ;lenreg istrait, procd ait la rconciliation et si cett e dernire ent reprisenab outissait pas, il concrtisait la volont d u mari en prononant larpudiation et en prcisant ses effets : don de consolation, pensionalimentaire pour les enfants,g arde des enfants

    Cependa nt, larticle 48, q ui prcisait q ue la prsence des deux pouxest ob liga toire pour enregistrer la rpudiation, ajoutait : il est pa ssoutre la p rsence d e lpouse si elle reoit convocat ion et ne se prsentepas et que le mari maintient sa volont de mettre fin au lienma trimonial .

    La garde des enfants(art.99)

    La rvision de cet article avait port essentiellement sur lordre despersonnes auxquelles est co nfie la g arde d e lenfant aprs la dissolutiondu ma riag e. Pour la premire fois, le pre occupait le deuxime rangaprs la mre.Pour les autres personnes,priorit est t oujours do nne a uxproches parents de la mre, et la classificat ion classiq ue navait subiaucune modificat ion.

    De plus, le dahir portant loi du 10 septemb re 1993 introd uisait uneseconde modification importante concernant la dure de la hadana

    (art . 102).En dcidant q ue : La g arde dure pour le g aron jusqu lge d e

    12 ans et po ur la fille jusqu lg e de 15 ans , le nouvel art 102marquait une nette volution par rapport lancien, lequel,conformment la tradition ma lkite,prvoyait q ue la g arde po ur la filledurait jusqu la consommat ion du mariag e et pour le g aron jusqu lapubert.

    37GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

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    En opt ant pour un g e fixe, le nouvel article 102 vitait certes leserrements auxquels conduisait lancien texte, du fait de limprcision descritres classiques retenus : la consomma tion du mariag e pour la jeunefille pouvait nintervenir qu un ge trs avanc ou ne pas intervenir dutout, et le garon pouvait tre pubre trs tt, mais la formulationemploye prtait confusion. A priori, elle laissait croire q ue la gardecesserait pour le ga ron 12 ans et pour la fille 15.En fait, ce qui cesserait ces ges, cest le monopole de garde de la mre ou, dfaut, du pre oudes autres personnes prvues larticle 99.En effet, la deuxime partie delarticle 102 prvoyait que, lg e lga l atteint, lenfant peut choisir dersider chez la personne de son choix qui peut tre son pre, sa mre outout aut re parent ment ionn lart icle 99 .

    Par cette disposition, la Moudaw ana entendait saligner sur lesinstruments internationaux relatifs aux droits humains auxquels aad hr le Maroc no ta mment lart. 16 de la Convention sur lliminat ionde t outes les formes de d iscrimination lencont re des femmes , q uiassure les mmes droits et les mmes responsab ilits a ux parents, q uelq ue soit leur ta t mat rimonial. Pour les questions se rappo rtant a uxenfants, lintrt de ces derniers constitue la co nsidrat ion primordiale.

    La pension alimentaire(art.119)En ce q ui concerne la pension alimenta ire, la commission de rvision

    avait apport deux prcisions : la premire concernait lvaluation de la pension alimenta ire, celle-

    ci tait dornavant faite par une personne dsigne par le cadi notaireq ui devrait prendre en considrat ion les ressources du mari, la situa tionmat rielle de lpouse et le cot de la vie ;

    la deuxime concernait les mod alits dexcution. La procduredevenait plus rapide et plus efficace.

    La reprsentation lgale(art.148)

    Sous lempire des dispositions de 1957,la mre ne pouva it jamais tretutrice lgale.La rvision de larticle 148 permettait, partir de 1993, lamre dexercer la tutelle lgale sur ses enfants mineurs lorsque le pretait dcd, malade, ou atteint dincapacit.

    Cependant , elle ne pourrait jamais procder la vente d es biens dumineur sans lautorisation du juge, comme elle ne pourrait jamais tretuteur matrimonial.

    38 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

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    Les formalits administratives(art.41)

    En plus de ces rvisons, la commission a vait complt larticle 41relat if aux formalits a dministratives pralables au mariage, en exigeantla production dun certificat mdical attestant que les futurs poux nesont pa s at teints de maladies conta gieuses.

    Les rvisions de 1993 sinscrivaient d ans une perspect ive douverture :lection de d eux femmes la chambre des reprsentants, cration duministre des Droits de lhomme, du Conseil consulta tif des droits delhomme (CCDH), discours officiel valorisant un Islam modr, ratificationde plusieurs conventions internationales, dont particulirement laCEDAW et la CDE. Elles situa ient lenjeu sur le terrain dune a vance d ansla consolida tion des droits humains.

    Cependa nt, ce progrs nest pas apprcier sous lang le du droit lg alit, mais sur le terra in de la stabilisat ion de la fa mille (18).Dans cetterforme,la rfrence aux instruments internationaux est ab sente.Cela nesurprend pas compte tenu d es enjeux politiques : discours du Roi sur laplace du CSP da ns larsena l juridique marocain, sur les at tributionsroyales en la mat ire, la composition de la commission exclusivementforme dOulmas, la procdure consistant d emander aux femmes deremettre leurs propositions et rapports au Cabinet royal et lapromulgat ion du d ahir sur la ba se de larticle 101 de la Constitution.

    Lanalyse de cette premire exprience de rvision permet deconfirmer le caract re amb ivalent du systme juridique maroca in et lecaractre dominant de la monarchie dans lorganisation du pouvoir etda ns son contenu idolog iq ue. La citoyennet do it tre comprise travers cette ra lit q ui fait de lIslam le po int d ancrage essentiel de laculture politique dominante et de la modernit un choix politiquecontemporain, le Roi tant le ga rant de lun et de laut re.

    Larticle 19 de la Constitution q ui constitue la clef de vote d u systmepolitique marocain nonce en effet : Le Roi, Amir Al Mouminine,reprsentant suprme de la na tion, symbole de la prennit et d e lacontinuit de lEta t, veille au respect de lIslam et de la Constitution. Il estle protec teur des droits et liberts des citoyens, groupes sociaux etcollectivits . Il nest pas indiffrent de souligner que Islam et

    39GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (18) Droits de citoyennetdes femmes au Maghreb , ouvrag e collectif, d. le Fennec, 1997,p. 233.

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    Constitution sont dissocis comme pour signifier limportance de lun(relatif la spcificit) et d e laut re (q ui touche luniversalit) (19).

    En fonction des prrogatives qui lui sont reconnues par laConstitution en tant quAmir Al Mouminine et en fonction de lalg itimit juridiq ue en t ant q ue reprsentant d e la na tion, le Roi tranchesur les g rand es q uestions concernant les femmes sur ces deux reg istres :celui de lIslam et celui de la modernit.

    Lintervention d u Roi a t dcisive, mais la dcision a aussi facilit laconfiscation d e la revendication, ce q ui a permis de lui imprimer deslimites et de clore le dba t.

    Cette sacralisation du pouvoir nauto rise aucun db ordement sur laq uestion du relig ieux. En confisqua nt tous les rouages du pouvoirrelig ieux son profit, elle rduit to utes les capa cits d e ract ion. Le Roi,sur les q uestions relatives au relig ieux comme cest le ca s pour la famille,va satt ribuer le stat ut d arbitre.

    Nonobsta nt ces prrog at ives royales, la rvision d e 1993 avait oprune a vance certaine, elle a vait dsacralis le CSP, repens les rapports lenfant et renforc les droits des cranciers daliments.

    Le mouvement des femmes et d es droits humains, q ui avaientenregistr cette rvision, comme un acte politique de grandeimporta nce, navaient pa s t satisfaits des rvisions. Si elles marq uaientun pas en avant , en aya nt le mrite d avoir enlev le caract re fig q uecertains oulmas ont voulu attacher certains textes et en ayantgalement permis de recourir dautres interprtations puises dansdes co les plus ouvertes et aussi orthodoxes que lcole malkite, ellesnavaient pa s modifi la log iq ue du texte tute llisat ion des femmes nienta m son esprit et sa rigueur orthodoxes.

    En effet , le modle familial lga lis pa r les mod ificat ions de 1993 rfrait lthique musulmane classiq ue puisque le mariag e musulman en est la

    cl de vote. La famille se compose d e personnes unies par les liens dumariag e et pa r les liens de pa rent. En dpit de limportance duphnomne des mres clibataires qui tombent sous le coup de laprohibition coranique de la fornication (zina ) et du code pnal, aucuneporte na t ent rouverte la famille naturelle, aucune non plus la famille

    40 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (19) Houria Alami MChichi, Genre et politique,op. cit., p. 104.

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    adoptive,ladoption au sens strict detabanita nt dclare interdite par lachariaaet par la loi.Tout le statut d e la fa mille dcoule do nc du mariag e.Lafamille tant dfinie comme la cellule de base de la socit, le mariag edevient do nc le fond ement d e la vie sociale tout e entire.

    Etait-il ncessaire pour autant de conserver dans un contexte enmutation des institutions dun autre g e, domines par le pouvoirmasculin sur les hommes ? La reconduction, en 1993, de la t utellemat rimoniale, de la rpudiation unilat rale, de la polygamie, maintint laporte largement ouverte des pratiques o pouvait aisment sedployer larbitraire des hommes, mme si celui-ci semblait po uvoir trelimit par lintervention du juge. Linsatisfaction du mouvement desfemmes, fond e sur les limites des rvisions de 1993, va renforcer soncombat pour lga lit.

    III.Mutations sociales et nouvelles initiatives de changement

    Les dispositions juridiques apparaissent en rupture avec dune pa rt, leprincipe d galit q ue visent maqasids charia , et d autre part, elles sont encontradiction avec les fondements de la philosophie des droits humains ;de surcrot, elles ne prennent pas en considration la ralit sociale etparticulirement lvolution q ua connue la famille au Maroc, travers lerle que jouent les femmes dans lespace priv et dans lespace public.

    Les muta tions sociales intervenues da ns la socit ma rocaine mont rentde nombreuses situations de proccupation et les discriminationsjuridiques les plus importa ntes, perues par le mouvement des femmescomme de vritables violences institutionnalises par la Moudawana,concernent :

    1.les mariag es prcoces ;2.les abus de la tutelle matrimoniale ;3. la menace de la polygamie ;

    4.la rupture unilat rale du lien conjugal : la rpudiation ;5.les abus en ma tire de khol ou sparation par compensation ;6.les difficults vcus par les femmes quant au versement de la

    pension alimentaire ;7.lg e de la g arde des filles et des g arons, le non fond de la

    dchance du droit de ga rde d es enfants en cas d e remariag e de lamre o u dloignement g og raphique

    8.le partag e,a prs la sparation,des biens acq uis pendant le mariag e.

    41GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

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    Cest partir de ce constat et dans un environnement politiquefavorable q ue Zoulikha Nasri, secrta ire dEta t charge de lEntraidenationa le en 1996, a pris linitiat ive en fvrier 1998 de rflchir, avec lesprincipales composantes de la socit marocaine (dpartementsministriels concerns et reprsentant s de la socit civile), llab oration d un plan d action q ui puisse amliorer la condition desfemmes (20). Quat re volets ont t prioriss :

    lduca tion, la formation et la lutte cont re lanalphab tisme ; lemploi, la format ion et la lutte cont re la pauvret ; la sant reproductive ; et le renforcement des capa cits des femmes.

    Le gouvernement de lalternance install en mars 1997 a confi leportefeuille de la Protect ion de la famille M. Sad Saa di, du PPS, q ui ena assur llab oration effective.

    Cest dans le cadre du quatrime volet du projet du plan quecertaines mesures visant la rforme d u CSP on t t p roposes. Ellestentent de traduire certa ines pratiques sociales, juges en avance sur ledroit, sur la base dun triple rfrentiel : la ralit sociale,luniversalit desdroits humains et les finalits de la charia.

    1.Le Code de la famille ne suit pas la ralit socialeLorsquon soumet lanalyse sociologique les dispositions juridiques

    q ui rglementent les rappo rts au sein de la famille, on consta te q uilexiste un foss important entre la norme juridique et la ralit socialeq uelle rg it. Les muta tions sociales luvre d ans la socit ma rocainene sont pas prises en considrat ion par le droit. Ce dcalag e fait ressortirdeux principaux consta ts :

    laugmenta tion du nomb re de cliba ta ires, la prcarit du lien conjugal : la rpudiation et la polyga mie.

    Les chiffres, selon le de rnier recensement de la populat ion (1994),sont loquents ; ils prouvent dune part, que linstitution matrimonialeest en difficult et, dautre part, q ue le clibat , autrefois peru commeune ano malie, tend de plus en plus trouver sa place d ans les mursmarocaines.

    42 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (20) Ministre cha rg d e la Cond ition fminine, Etude sur lexamen du mcanisme nat ional chargde la condition de la femme au Maroc : efficience, entraves et perspectives damliorat io n, novembre 2001,p. 20.

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    Plusieurs explications peuvent tre donnes.

    Sagissant d e laug mentation du nombre de cliba taires,on note q uece phnomne est plus lev en milieu urba in que rural et q uil est plusimportant chez les hommes q ue chez les femmes.

    En effet, daprs le recensement de 1994, le ta ux de clibat serapporta nt la populat ion urba ine ge d e 25-29 ans se situa itg lob alement aux alentours de 56 %. Il ta it nettement plus lev parmiles hommes que pa rmi les femmes : 72,2 % pour le premiers contre41,6 %pour les secondes pour la mme tranche d ge. En milieu rural ettoujours en rfrence la mme date, ce taux ta it de lordre de 37,5 %pour lensemble de la population g e de 25-29 ans et to urnait autourde 25,6 %pour les femmes et 50,9 %pour les hommes sta nt ident ifis la mme ca tg orie d ge (21).

    Les raisons qui expliquent cet tat de choses sont inhrentes plusieurs fact eurs :

    le ca ractre jeune de la population ma rocaine dont plus de 47,9 %ont moins de vingt a ns ;

    la d ure de la priode de scolarisation ; laccs d es filles linstruction, laccs des femmes au ma rch de lemploi ; la crise conomique et sociale q ue conna t le pa ys et les squelles

    quelle engendre : chmage, crise du logement, diminution ouab sence de solida rit entre les membres de la fa mille.

    Toutes ces raisons poussent les jeunes d iffrer leur mariag e, ce q uise traduit pa r un net recul des ma riag es prcoces. Ainsi, lge moyen aupremier mariag e est pass po ur la population tota le de 25,6 ans en 1987 27,8 en 1994. ce chiffre est pass pour les femmes de 23,4 ans en 1987 25,8 ans en 1994 et po ur les hommes de 27,9 ans 30 ans en 1994 (22).

    Toutefois, malgr limportance des chiffres, le clibat dfinitifdemeure peu frquent. Le ta ux globa l de cliba t 50 ans est d e 1,8 %. Ce

    taux se rpartit comme suit : 0,8 % de femmes et 2,9 dhommes (23).Cest dire q ue la ma riag e,mme sil se fait un ge plus avanc, conservesur le plan social,t oute son importance.

    43GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (21) Cf. Recensement de la population 1994 : les caractristiques socio-conomiques etdmog raphiques de la population. Niveau nat ional, Direction de la Statistiq ue, janvier1996.(22) Idem.(23) Ibidem.

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    Malgr limporta nce sociale du mariag e, sa prcarit dcoule dumaintien de certaines dispositions juridiques relatives lg e a u ma riag e(15 ans pour les filles, 18 ans pour les garons), la t utelle mat rimoniale, lautorit maritale, la rpudiation, au Khol , la polygamie, ladchance du droit d e g arde. Ces dispositions concrtisent, nonseulement les principales ingalits entre les conjoints,mais constituentautant dlments allant lencontre de la conception initiale dumariag e ado pte par la Moudaw ana : Le mariag e est un contrat lga lpar lequel un homme et une femme sunissent en vue dune vieconjuga le commune et durable (art. 1,alina 1).

    Lana lyse des dispositions juridiques relat ives lge au ma riag e, latutelle matrimoniale, la polygamie par exemple, montre quellesrglementent d es situat ions de plus en plus rares,en d phasag e avec lespratiques sociales que les normes juridiques sont senses rg ir. Lesmodalits de dissolution du lien du mariag e, en loccurrence larpudiat ion et le khol, nassurent plus la protection d e la famille contreles a bus.

    2.Des pratiques sociales en avance sur le texte

    Lge au mariage

    Les prat iques sociales actuelles mont rent que les hommes et lesfemmes se ma rient plus ta rd que leurs parents, aussi bien dans les villesq ue dans les campag nes.

    A travers les diffrents recensements de la population et les tudesdmog raphiques marocaines, on observe que, depuis une q uarantainedannes, les jeunes se marient de plus en plus tard. Sans doute, lascolarisation des filles, leur aspiration cont inuer leurs tudes, leurentre sur le march de lemploi et les difficults conomiques de plusen plus grandes pour fonder une famille constituent les principauxfacteurs ob jectifs qui retardent lge a u ma riag e ( 24).

    Par consquent , les mariag es prcoces deviennent de plus en plusrares, et ils ne reprsentent q uune infime pa rtie des mariag es : en 1994,on a recens uniquement 7 777 femmes maries 15 ans sur lensembledes 4 565 301 femmes maries (soit 0,17 % des femmes maries). Ce

    44 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (24) Genre et dveloppement : aspects socio-dmographiques et culturels de la diffrenciation sexuelle, Publicat ion du CERED,1998, p. 154 et s.

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    recul de lg e a u mariag e est gnralis mais il a touch plus fortementle milieu urbain (0,08 %) q ue le milieu rural (0,26 %).

    Lge moyen au mariag e, en 1995,est de 26,2 ans po ur les femmes et30,7 ans po ur les hommes. Cest--dire q ue les femmes se marient, en1995, 9 ans plus ta rd quen 1960, contre 7 ans pour les hommes. Si lerecul effectif de lge au mariag e concerne aussi bien les femmes q ue leshommes, lvolution a t plus rapide d ans les villes que dans lescampa gnes : les citadines se marient un peu plus tard (27,8 ans) q ue lesrurales (24,2 ans), les cita dins se ma rient 32,2 ans et les ruraux

    28,2 ans (25).Ainsi, pour les raisons socio-conomiques nonces, le mariag e

    prcoce devient de plus en plus rare et le maintien par le Code de lafamille de lge au mariag e pour les filles 15 ans rgit une situation q uia tenda nce disparatre. Le maintien de cet g e apparat encontrad iction avec les eng ag ements de lEta t en ma tire de scolarisationdes filles, il entretient galement une cont radiction flagrante avec laConvention internationa le sur les droits de lenfant , ratifie par le Marocen 1993 et q ui dfinit lenfant comme tant toute personne nayant pasat teint lg e de 18 ans rvolus.

    La tutelle matrimoniale ou wilayaLe maintien par le Code de la famille de cette institution montre

    galement que le lgislateur ignore lvolution que connaissent lasocit maroca ine et pa rticulirement le statut des femmes.

    Trois raisons au moins confirment cet te vo lution : llvation a ctuelle de lge a u mariag e : lge mo yen au mariag e est

    de 26 ans po ur les filles et 30 ans po ur les garons ; laccs des filles lducat ion et a u march de lemploi renforce leurs

    capacits de discernement ; souvent, leur niveau dinstruction dpassecelui de leur tuteur et, da ns bien des cas, ce sont elles qui prennent

    matriellement en charge la famille.En e ffet, la wilayase justifiait pa r la prcocit de lg e a u mariag e et le

    choix du mari par la famille qui le plus souvent ne prenait pas enconsidrat ion le consentement de la fille. Le mariag e ta it considressentiellement comme lunion de deux familles. Cette union en tre les

    45GENRE ETDROITDE LA FAMILLE.LES DROITS DES FEMMES

    (25) Etud e UNIFEM, Direct ion d e la Sta tistiq ue, op.cit.( Fazouane Abdeslam ).

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    parent, 33,1 %vivent seules et/ou avec leurs enfants do nt elles assurentla g arde.

    Ainsi do nc, plus dune femme divorce sur trois est oblige d e faireface, toute seule, aux besoins de ses enfants. Aucun mcanisme nexistepour garantir et assurer le versement de la pension alimentaire quijuridiq uement est du ressort d u pre.Cest cet te cha rge des enfant s (plusde trois femmes divorces sur dix ont d es enfant s charge) qui pousseles femmes divorces travailler. Si 28,4 % des femmes ma ries sontact ives, ce ta ux double pour les femmes divorces 54,1 %, ce q ui veut

    dire clairement q ue mme si elles reto urnent vivre dans leur famille, lesfemmes divorces sont obliges de travailler pour faire vivre leursenfant s, le plus souvent d ans des conditions pnibles.

    Si cette act ivit t ouche les secteurs lgaux de lactivit conomiqueformelle o u informelle, lob servat ion de la ralit sociale d es femmesdivorces montre q ue la prostitution et la mendicit, pour elles commepour leurs enfant s, constituent g alement d es act ivits de survie.

    Les associat ions daccueil et de soutien des enfant s des rues desgrand es villes confirment que ces enfant s, plus de 63 %, sont souventissus des familles spares o la mre et les enfant s ne reoivent a ucuneassistance (27).

    La rpudiation, telle q uelle est pratique d epuis 1993, ne prvoitaucune protect ion pour les femmes et les enfant s. Ils sont expulss dudomicile conjugal quand la mre bnficie du droit de garde desenfant s. Comme la rupture d u lien con juga l est deux fois plus leveda ns les villes q ue da ns les campa gnes et le prob lme du log ement esttrs aigu d ans les villes, ceci aggrave la situation d es femmes rpudies.

    Le divorce judiciaire est le seul mode de sparation reconnu lpouse, mais dans des cas limitat ivement prvus par la loi : dfautdentretien, vice rdhibitoire, svices, ab sence du mari et dlaissement.Cette procdure judiciaire est extrmement long ue et coteuse, elle estsoumise en plus un systme de preuves trs contraigna nt.

    De ce fait, la ralit sociale mont re que les femmes recourent de plusen plus au khol ou compensation quelles versent aux maris pourracheter leur libert. Mais malheureusement, alors que le khol se limitait

    48 FEMININ-MASCULIN.LA MARCHE VERS LEGALITE AU MAROC 1993-2003

    (27) Rapport UNICEF, Analyse de la situat ion des enfants au Maroc , 2001.

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    aut refois la d ot verse pa r le ma ri (had ith du Prophte), il devient unvritable marchandage o les hommes monnayent leur droit larpudiat ion en exigeant le maximum, dpo uillant souvent les femmesde leurs biens.

    Aujourdhui,52,3 %des sparations sont dues a u khol , soit plus dunesparation sur deux.

    En effet, la pratiq ue judiciaire a mo ntr, depuis les rvisions de 1993q ue le mari dtermin mett re fin au lien matrimonial et incapab le de

    faire face aux frais q uimpliq ue la rpudiation don de consolation,pension alimenta ire couvrant le d lai de viduit, pension alimenta ire a uprofit des enfants lorsque la mre assure la g arde usera de tous lesmoyens pour amener son pouse recourir au khol.

    Les enqutes menes ce sujet mettent en relief les diffrentesformes de violences auxquelles recourt le mari pour contraindre safemme d emander la sparation moyennant compensation. Dans biendes cas, lpouse dmunie va devoir renoncer to us ses droits : pensionalimenta ire, biens acquis pendant lunion conjugale. Dans certains cas,les enfant s deviennent les otag es et la mre se dsiste ma lgr elle de son

    droit de g arde. Lorsq ue celle-ci est nantie, lpoux exag rera sademande,et la compensation pourra atteindre des sommes leves.

    Ainsi, les rvisions introduites en 1993 pour rend re plus difficile lerecours la rpudiation o nt t largement dtournes de leurs ob jectifset la ralit mont re que ce sont toujours les femmes q ui, pour se librerdune union d evenue sans issue, cautionnent une a utre forme derupture, celle du khol , q ui rappelle fondamenta lement le rachat parlesclave de sa libert.

    La polygamie

    La Moudaw ana disposait dans les articles 30 et 31 :

    La premire pouse doit tre avise de lintention de son poux delui joindre une autre pouse. De mme, cette d ernire doit tre aviseq ue son futur poux est dj mari.

    La femme a le droit de demander son futur mari de senga ger nepas lui adjoindre une co-pouse et lui reconnatre le droit dedissolution a u cas o cet eng ag ement serait viol.

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    Si la femme ne sest pas rserve le droit doption et que son maricontracte un no uveau ma riag e, elle peut saisir le juge po ur apprcier leprjudice q ui lui est caus pa r la nouvelle union.

    Dans tous les cas, si une injustice est craindre envers les pouses, lejuge refusera lautorisation de polygamie.

    Art.31. La femme a le droit de d emand er que son mari seng ag edans lacte de mariage ne pas lui adjoindre une co-pouse et luireconna tre le droit de d emand er la d issolution du ma riag e au cas o cetenga gement serait viol.

    Dans la socit marocaine, bien que la polygamie soit une prat iquetrs rduite, en ta nt q ue droit reconnu lpoux, elle constitue unemenace pour les femmes, et d ans les unions po lyga mes elle exerce unimpac t nfaste sur lquilibre des enfant s.

    En effet, selon lenqute nat ionale sur les niveaux de vie des mnages1998-1999, seuls 1,6 % des hommes maris sont polyga mes soit16 familles sur 1 000 cett e proportion ta nt un peu plus leve enmilieu rural q uen milieu urbain (28).

    La polygamie marocaine est centre sur la biga mie,cest--dire q ue lamajorit des hommes ne prend pas plus de deux femmes ainsi que lelaisse apparatre la proportion des femmes vivant en union polygameest ime 3,6%par lenq ute PAPCHILD de 1996-1997. Cette proport iona b aiss puisq uen 1992, elle ta it de 5,1%, ce qui indique q ue lephnomne continue de rgresser au Ma