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FICTION ET NON-FICTION EN LITTÉRATURE Résumé : La dichotomie fiction/non- fiction sert à répartir en deux grandes catégories le territoire de l’écrit, par une vaste simplification qui dissimule la complexité du système des genres. Dans ce partage, certains ont pu voir une contamination du champ littéraire français par les classements du marché littéraire anglo-saxon, voire une hiérarchie qui marginalise les œuvres littéraires par rapport aux « ouvrages sérieux » 1 Ne faudrait-il pas alors opter pour une autre désignation, parler de «genres factuels » ou « référentiels » 2 , ou bien des écritures et images du réel 3 ? Mots-clés : fiction, non-fiction, fiction en littérature, non- fiction en littérature. Une définition du terme fiction s’impose, telle qu’elle apparaît dans le dictionnaire en ligne Larousse: « Création de l'imagination ; ce qui est du domaine de 1 Lang L. , Délit de fiction : la littérature, pourquoi ? Paris, Gallimard, 2011, p. 17- 18. 2 Sur ces questions terminologiques voir Jeannelle J.-L., L’acheminement vers le réel. Pour une étude des genres factuels : le cas de Mémoires», Poétique, n° 139, septembre 2004, p. 284. 3 Voir Lefebvre T. (dir.), Introduction, Images du réel : la non-fiction en France, 1895, no 18, été 1995, p. 7. 1

Fiction Et Non-fiction en Litterature

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FICTION ET NON-FICTION EN LITTRATURE

Rsum: La dichotomie fiction/non- fiction sert rpartir en deux grandes catgories le territoire de lcrit, par une vaste simplification qui dissimule la complexit du systme des genres. Dans ce partage, certains ont pu voir une contamination du champ littraire franais par les classements du march littraire anglo-saxon, voire une hirarchie qui marginalise les uvres littraires par rapport aux ouvrages srieux[footnoteRef:2] Ne faudrait-il pas alors opter pour une autre dsignation, parler de genres factuels ou rfrentiels[footnoteRef:3], ou bien des critures et images du rel[footnoteRef:4] ? [2: Lang L. , Dlit de fiction : la littrature, pourquoi ? Paris, Gallimard, 2011, p. 17-18.] [3: Sur ces questions terminologiques voir Jeannelle J.-L., Lacheminement vers le rel. Pour unetude des genres factuels : le cas de Mmoires, Potique, n 139, septembre 2004, p. 284.] [4: Voir Lefebvre T. (dir.), Introduction, Images du rel : la non-fiction en France, 1895, no 18, t 1995, p. 7.]

Mots-cls : fiction, non-fiction, fiction en littrature, non-fiction en littrature. Une dfinition du terme fiction simpose, telle quelle apparat dans le dictionnaire en ligne Larousse: Cration de l'imagination; ce qui est du domaine de l'imaginaire, de l'irrel.[footnoteRef:5] Synonymes: 1. chimre, allgorie, songe, imagination, invention, apologue, conte (vieilli), fable(vieilli), mensonge, phantasme, parabole et 2. conte, fable, littrature, simulation, lgende.[footnoteRef:6] [5: http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fiction/33587] [6: http://dictionnaire.reverso.net/francais-synonymes/fiction]

Limportance actuelle de la dmarcation fiction/non-fiction, nest pas une dmarcation neuve dans notre littrature: chaque point de croisement entre Rabelais et Montaigne, on dcouvre comment la mme rfrence ou le mme appel au rel dans lcriture conduit la mme veine de sens, y compris la plus subversive. Cette imbrication de la qute de rel par lcriture, l o le rel ne se construit pas de lui-mme comme reprsentation, na jamais cr de ligne de partage entre criture fiction et non-fiction : linscription non-fiction de la ville chez Nerval (Promenades, Nuits doctobre) est au mme niveau de dchiffrement du rel urbain neuf que son inscription potique dans les Illuminations ou fictionnelle dans Maldoror. La spcificit de linvention littraire pour la construction de rel est aussi radicale dans Chateaubriand que dans les fictions qui cinquante ans plus tard ne sintitulent pas roman mais murs ( murs pour Le Rouge et le noir, murs de province pour Madame Bovary). Le rel est toujours plus complexe que ce que nous en percevons et comprenons. Complexit qui nest pas un processus neuf : largent chez Balzac est une part dcisive du rel, qui dfinit lintention et la prise romanesque, mais suppose le dtour par labstrait et le non perceptible. Mais lexplosion des modles urbains, le statut autre du sujet, exacerbent ces processus. La question de la biographie, non-fiction par excellence, en serait une illustration parfaite: la part de lgende et de mythe que Dostoevski cherche avec ses Dmons, quoi bon faire de faux Bob Dylan ou de faux Rolling Stones pour la rejoindre, quand ils nous prsentent par leur exception mme un carottage de rel document de faon aussi excessive ? Des espaces a priori documentaires de lcrit, comme Anachronisme de Christophe Tarkos peuvent se constituer en roman emblmatique de notre prsent, avec une charge fictionnelle considrable, tout en restant dans la veine daccumulation, voire numration, prsente aussi bien chez Se Shonagon que dans lEssay sur les merveilles de nature dtienne Binet. Cest la totalit de cet espace narratif que nous explorons lorsque nous tentons une approche raisonne de lcriture crative, notre tche tant alors daccompagner ce qui merge progressivement de singularit dans la signature formelle de lapprenant.[footnoteRef:7] [7: http://www.tierslivre.net/spip/IMG/pdf/fiction_non-fiction-2.pdf ]

Mais do vient cet univers que nous explorons travers les uvres lues au sein de notre maison cot du feu brlant de la chemine, en imaginant le temps de jadis ou un autre monde? Les sources dinspiration principales, surtout pour le roman, sont:Premires, sources antiques: cest la mythologie. Les grands mythes de lantiquit sont transposs dans la fiction romanesque.[footnoteRef:8] [8: Bayo-Rahona, V., La fiction folklorique au XIXme sicle, http://www.freelang.com/publications/memoires/valerian_bayo-rahona/La_fiction_folklorique_au_XIXeme_siecle.pdf , pp7-8]

Deuximement les sources orientales et indiennes. Exemple le cycle des 7 sages de Rome.[footnoteRef:9] [9: id.]

Et troisimement les sources celtiques et les matires de Bretagne. Les sources inspires de la mythologie celtique et anglaise.[footnoteRef:10] [10: Ibid.]

En parlant de mythologie, on parle du folklore. Quentend-on par folklore ? De nombreuses dfinitions se sont succdes, en fonction des approches anthropologique, littraire ou cultuelle qui ont t celles de leurs instigateurs, mais tous saccordent dire que le folklore reprsente gnralement lensemble des traditions, chants, et rcits engendrs par les croyances populaires et colports, le plus souvent, sous forme orale. Van Gennep, dans son Manuel inachev propose une classification des genres folkloriques en catgories : - Les rituels et les pratiques. - Le folklore de la nature: magie, sorcellerie et mdecine populaire. - Les arts populaires: chansons, danses, jeux et divertissements. - La littrature populaire ou lensemble des digses et proverbes folkloriques. Le terme de littrature , comme lont remarqu les folkloristes par la suite, est dailleurs quelque peu problmatique puisquil se rfre par tymologie des formes crites alors que les rcits et 8 lgendes du peuple sont essentiellement vhiculs loral. Cest cette dernire catgorie du folklore qui a t au cur du mouvement de raction contre l'esprit des Lumires la fin du XVIIIme sicle. Nicole Belmont prcise dailleurs quelle est reste pour les folkloristes un objet d'tude privilgi, au point de s'identifier parfois au folklore tout entier. Cest, comme pour lcole finlandaise, cette dimension littraire du folklore que nous retiendrons pour notre tude comparative : par folklore, nous entendrons les digses et les cratures issues de limaginaire et des superstitions populaires . Au XIXme sicle, cest linfluence des folklores du Nord qui est la plus sensible, concurrenant les mythes grecs que faisaient autorit jusqualors. Lon pourrait distinguer trois bastions de cratures folkloriques qui renaissent de faon remarquable au XIXme sicle : - Les cratures lacustres: parmi lesquelles ondines, rusalki, sirnes et naades. - Les gnies protecteurs: lutins, fes, nains, gnies - Les revenants: vampires, fantmes, esprits, goules et autres succubes. Les folklores antiques (sirnes et goules) ctoient les folklores mdivaux (fes et lutins) et postmdivaux (ondines et vampires). Preuve du regain dintrt de llite, le nombre consquent duvres littraires consacres ces cratures, qui ont inspir Pouchkine (Rusalka), Stoker (Dracula), Andersen (La petite sirne), Lermontov (Londine), Gautier (La Morte Amoureuse), Hugo (Odes et Ballades) et bien dautres encore. [footnoteRef:11] [11: Bayo-Rahona, V., La fiction folklorique au XIXme sicle, http://www.freelang.com/publications/memoires/valerian_bayo-rahona/La_fiction_folklorique_au_XIXeme_siecle.pdf ,, pp 7-8]

Le folklore qui renat lpoque moderne na toutefois plus le mme statut que le folklore populaire. En premier lieu par ce quil est devenu une fiction de lesprit. Le folklore qui renat lpoque moderne na toutefois plus le mme statut que le folklore populaire. En premier lieu par ce quil est devenu une fiction de lesprit. De la fiction de lesprit qutait devenu le folklore la fiction littraire il ny avait quun pas, que les premiers romantiques se chargrent de faire.[footnoteRef:12] [12: Idem]

Par le roman de lge classique on a atteint lessor du roman la premire personne. Toute cette volution va gnrer un bouleversement dans les formes. a peut tre des pseudo-mmoires crites par un personnage de fiction, peut-tre aussi un journal, des lettes, rcit de voyage, genre intime. Procd du manuscrit retrouv que les romanciers vont utiliser pour faire passer leurs fictions pour des rcits vridiques. Mais il ne faut pas forcment avoir des cratures de lautre monde pour quun roman soit fictionnel. Il est suffisant que lauteur simagine des faits et des vnements irrels, quil invente des personnages. Tout a, en tant issu de limagination de lauteur, lui-mme souvent prsent dans son propre cration littraire (lauteur comme narrateur ou comme personnage du rcit), cela tant de nouveau un produit de son imagination, pas un mensonge artistique, tout ca reprsente une uvre fictionnelle ou bien une fiction raliste car il ny a aucun tre surnaturel dans le roman Dans le domaine de la fiction, lespace imaginaire est laboutissement dune reconstitution, dune composition partir de rfrences relles et de donnes lgendaires. Limagination est un ensemble dlments composites, un mlange dexpriences, de souvenirs, de visions se rattachant un lieu donn. Imaginer un lieu revient le charger de significations et de sensations diverses. Cest donc dpasser le substrat matriel pour donner libre cours limagination, facult qui se situe hors toute contrainte. La cration despaces imaginaires correspond une volont dcart, de distanciation par rapport au rel. Limaginaire, cest ce monde part, intime, difficilement accessible, indescriptible propre lartiste et qui lui permet ddifier cet autre univers particulier quest luvre. [footnoteRef:13] [13: Meryme, R., LImaginaire, http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?page=article5&id_article=906]

La notion de non-fiction littraire voque surtout une narration en prose, inspire par des faits rcents, et plus rarement par des faits plus loigns dans lhistoire. Ce modle soppose donc celui du roman raliste, devenu mode par dfaut de notre lecture des textes (selon lexpression de Leona Toker, cite ici dans larticle de Marie-Jeanne Zenetti) tout en supposant une certain continuit travers lemprunt de techniques romanesques.Bibliographie et sitographie:Bayo-Rahona, V., La fiction folklorique au XIXme sicle, http://www.freelang.com/publications/memoires/valerian_bayo-rahona/La_fiction_folklorique_au_XIXeme_siecle.pdfJeannelle J.-L., Lacheminement vers le rel. Pour une tude des genres factuels: le cas de Mmoires, Potique, n 139, septembre 2004, p. 284.Lang L. , Dlit de fiction : la littrature, pourquoi ? Paris, Gallimard, 2011, p. 17-18.Lefebvre T. (dir.), Introduction, Images du rel : la non-fiction en France, 1895, no 18, t 1995, p. 7Meryme, R., LImaginaire, http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?page=article5&id_article=906http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fiction/33587http://dictionnaire.reverso.net/francais-synonymes/fictionhttp://www.tierslivre.net/spip/IMG/pdf/fiction_non-fiction-2.pdf

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