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Gastroenterol Clin Biol, 2005, 29 1066 péritonéaux de carcinose par rapport au scanner post-opéra- toire de référence. En janvier 2004, après 10 cycles de chimio- thérapie, l’état général de la malade était côté OMS 0 ; le CA125 était à 26 UI/mL et le scanner abdomino-pelvien ne montrait que 2 nodules persistants de carcinose de petite taille en regard de la queue du pancréas. Discussion Les métastases gastriques des tumeurs sont rares : des obser- vations de métastases gastriques de mélanomes, de cancers du sein et de tumeurs bronchogéniques ont été rapportées [2]. En ce qui concerne les cancers de l’ovaire, les métastases se font sur- tout par voie péritonéale et lymphatique, expliquant l’infiltration mésentérique puis l’atteinte digestive de dehors en dedans du côlon et de l’intestin grêle. Les symptômes révélateurs sont en rapport avec la carcinose péritonéale et l’ascite, ou en rapport avec une occlusion intestinale par obstruction mécanique de la lumière digestive. Ce mécanisme peut expliquer une occlusion gastro-duodénale, rapportée dans 2,5 % des cas [3]. La dissémination métastatique par voie hématogène semble par contre exceptionnelle [4] et pourrait expliquer la constitution de métastases gastriques volumineuses, transmurales et bour- geonnantes [2-6]. La conjonction de ces 2 mécanismes explique probablement la présentation clinique de la tumeur gastrique de notre observation et les complications hémorragiques qui sont exceptionnellement décrites [5, 6]. Même si ces métastases se présentent comme des masses tumorales intra-murales, les biop- sies muqueuses ne permettent pas de diagnostic anatomopatho- logique, comme cela fut le cas dans notre observation. C’est la raison pour laquelle les biopsies sous échoendoscopie auraient un intérêt pour les différencier des tumeurs stromales, en particu- lier lorsqu’elles surviennent à distance de la tumeur initiale [4]. Cependant, la sensibilité des biopsies sous échoendoscopie des lésions sous-muqueuses gastriques n’étant que de 60 % [4], l’exploration et la biopsie chirurgicales doivent être préférées en cas de doute. Les métastases ovariennes des cancers gastriques sont classi- ques. La possibilité, même si elle est moins fréquente, de métas- tases gastriques des cancers de l’ovaire doit être connue. Le traitement proposé et le pronostic sont en effet tout à fait différents : l’existence de métastases gastriques ne doit pas être considérée comme une contre indication à la chirurgie reposant sur l’hystéroannexectomie bilatérale et la chirurgie de la métas- tase gastrique, associée à une chimiothérapie spécifique dont on connaît l’efficacité parfois moyenne. Dominique BÉCHADE (1), Jérôme DESRAMÉ (1), Jean-Jacques RAYNAUD (1), Pascal EGGENSPIELER (2), Bernard BARANGER (2), Lionel VÉDRINE (3), Bernard CECCALDI (3), Jean-Pierre ALGAYRES (1) (1) Service de Clinique Médicale, (2) Service de Chirurgie Viscérale et Vasculaire, (3) Service d’Oncologie et Radiothérapie, Hôpital du Val de Grâce, 74 boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05. RÉFÉRENCES 1. Yada-Hashimoto N, Yamamoto T, Kamiura S, Seino H, Ohira H, Sawai K, et al. Metastatic ovarian tumors: a review of 64 cases. Gy- necol Oncol 2003;89:314-7. 2. Majerus B, Timmermans M. Les métastases gastriques des adénocarci- nomes de l’ovaire. A propos d’un cas. Acta Chir Belg 1990;90:166-71. 3. Spencer JA, Crosse BA, Mannion RA, Sen KK, Perren TJ, Chapman AH. Gastroduodenal obstruction from ovarian cancer: ima- ging features and clinical outcome. Clin Radiol 2000;55:264-72. 4. Sangha S, Gergeos F, Freter R, Paiva LL, Jacobson BC. Diagnosis of ovarian cancer metastatic to the stomach by EUS-guided FNA. Gas- trointest Endosc 2003;58:933-5. 5. Taylor RR, Phillips WS, O’Connor DM, Harrison CR. Unusual intra- mural gastric metastasis of recurrent epithelial ovarian carcinoma. Gynecol Oncol 1994;55:152-5. 6. Saunders NJ. Haematemesis due to gastric involvement by metastatic ovarian carcinoma 30 years after removal of the primary tumour. Br J Clin Pract. 1986;40:298-9. Fuite protéique digestive par tumeur stromale multifocale de l’iléon es tumeurs stromales gastro-intestinales ou GIST (gastrointestinal stromal tumor) sont localisées à l’intestin grêle dans 25 % des cas [1]. Elles sont en général uniques. Parfois découvertes de façon fortuite, leurs modes de présentation clinique peuvent prendre la forme d’une douleur abdominale, d’une masse abdominale palpable ou encore d’un tableau aigu de type hémorragie digestive, occlusion ou perforation [2]. Nous rapportons une observation où le diagnostic de tumeurs stromales multifocales de l’iléon a été porté de façon rétrospective devant un tableau de fuite protéique digestive. Un homme, âgé de 66 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle diagnostiquée en 1989 et de résection endo-urétrale de prostate pour adénome en 1992, était hospitalisé en avril 1993 pour un tableau d’anasarque. Une diarrhée chroni- que était notée depuis plusieurs mois sous la forme de 6 selles liquides par jour, sans rectorragie, ni fièvre, ni amaigrissement. Il existait des œdèmes des membres inférieurs bilatéraux associés à une ascite clinique de grande abondance, sans signe en faveur d’une insuffisance cardiaque. Le malade ne consommait pas d’alcool. Le bilan biologique montrait des éléments en faveur d’un syndrome carentiel : une hypoprotidémie à 51 g/L (normal : 60 à 76 g/L), une hypoalbuminémie à 15 g/L (normal : 35 à 50 g/L), une hypocholestérolémie, une hypotri- glycéridémie et une anémie normocytaire (98 g/L) non ferri- prive. Il n’existait pas d’arguments pour une insuffisance hépatocellulaire biologique : le taux de prothrombine et le fac- teur V n’étaient pas abaissés. Le bilan hépatique était normal ainsi que la natrémie, la kaliémie, la calcémie corrigée, et la créatininèmie. La protéinurie était négative. Une ponction explo- ratrice du liquide d’ascite était réalisée. Il s’agissait d’un liquide L

Fuite protéique digestive par tumeur stromale multifocale de l’iléon

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péritonéaux de carcinose par rapport au scanner post-opéra-toire de référence. En janvier 2004, après 10 cycles de chimio-thérapie, l’état général de la malade était côté OMS 0 ; leCA125 était à 26 UI/mL et le scanner abdomino-pelvien nemontrait que 2 nodules persistants de carcinose de petite tailleen regard de la queue du pancréas.

Discussion

Les métastases gastriques des tumeurs sont rares : des obser-vations de métastases gastriques de mélanomes, de cancers dusein et de tumeurs bronchogéniques ont été rapportées [2]. En cequi concerne les cancers de l’ovaire, les métastases se font sur-tout par voie péritonéale et lymphatique, expliquant l’infiltrationmésentérique puis l’atteinte digestive de dehors en dedans ducôlon et de l’intestin grêle. Les symptômes révélateurs sont enrapport avec la carcinose péritonéale et l’ascite, ou en rapportavec une occlusion intestinale par obstruction mécanique de lalumière digestive. Ce mécanisme peut expliquer une occlusiongastro-duodénale, rapportée dans 2,5 % des cas [3].

La dissémination métastatique par voie hématogène semblepar contre exceptionnelle [4] et pourrait expliquer la constitutionde métastases gastriques volumineuses, transmurales et bour-geonnantes [2-6]. La conjonction de ces 2 mécanismes expliqueprobablement la présentation clinique de la tumeur gastrique denotre observation et les complications hémorragiques qui sontexceptionnellement décrites [5, 6]. Même si ces métastases seprésentent comme des masses tumorales intra-murales, les biop-sies muqueuses ne permettent pas de diagnostic anatomopatho-logique, comme cela fut le cas dans notre observation. C’est laraison pour laquelle les biopsies sous échoendoscopie auraientun intérêt pour les différencier des tumeurs stromales, en particu-lier lorsqu’elles surviennent à distance de la tumeur initiale [4].Cependant, la sensibilité des biopsies sous échoendoscopie deslésions sous-muqueuses gastriques n’étant que de 60 % [4],l’exploration et la biopsie chirurgicales doivent être préférées encas de doute.

Les métastases ovariennes des cancers gastriques sont classi-ques. La possibilité, même si elle est moins fréquente, de métas-tases gastriques des cancers de l’ovaire doit être connue. Letraitement proposé et le pronostic sont en effet tout à faitdifférents : l’existence de métastases gastriques ne doit pas êtreconsidérée comme une contre indication à la chirurgie reposantsur l’hystéroannexectomie bilatérale et la chirurgie de la métas-tase gastrique, associée à une chimiothérapie spécifique dont onconnaît l’efficacité parfois moyenne.

Dominique BÉCHADE (1), Jérôme DESRAMÉ (1),Jean-Jacques RAYNAUD (1), Pascal EGGENSPIELER (2),

Bernard BARANGER (2), Lionel VÉDRINE (3),Bernard CECCALDI (3), Jean-Pierre ALGAYRES (1)

(1) Service de Clinique Médicale,(2) Service de Chirurgie Viscérale et Vasculaire,

(3) Service d’Oncologie et Radiothérapie, Hôpital du Val de Grâce,74 boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05.

RÉFÉRENCES

1. Yada-Hashimoto N, Yamamoto T, Kamiura S, Seino H, Ohira H,Sawai K, et al. Metastatic ovarian tumors: a review of 64 cases. Gy-necol Oncol 2003;89:314-7.

2. Majerus B, Timmermans M. Les métastases gastriques des adénocarci-nomes de l’ovaire. A propos d’un cas. Acta Chir Belg 1990;90:166-71.

3. Spencer JA, Crosse BA, Mannion RA, Sen KK, Perren TJ,Chapman AH. Gastroduodenal obstruction from ovarian cancer: ima-ging features and clinical outcome. Clin Radiol 2000;55:264-72.

4. Sangha S, Gergeos F, Freter R, Paiva LL, Jacobson BC. Diagnosis ofovarian cancer metastatic to the stomach by EUS-guided FNA. Gas-trointest Endosc 2003;58:933-5.

5. Taylor RR, Phillips WS, O’Connor DM, Harrison CR. Unusual intra-mural gastric metastasis of recurrent epithelial ovarian carcinoma.Gynecol Oncol 1994;55:152-5.

6. Saunders NJ. Haematemesis due to gastric involvement by metastaticovarian carcinoma 30 years after removal of the primary tumour. Br JClin Pract. 1986;40:298-9.

Fuite protéique digestive par tumeur stromale multifocale de l’iléon

es tumeurs stromales gastro-intestinales ou GIST (gastrointestinal stromal tumor) sont localisées à l’intestin grêle dans 25 % des cas [1]. Elles sont en général uniques. Parfois découvertes de façon fortuite, leurs modes de présentation clinique peuvent prendre la forme d’une douleur

abdominale, d’une masse abdominale palpable ou encore d’un tableau aigu de type hémorragie digestive, occlusion ou perforation [2]. Nous rapportons une observation où le diagnostic de tumeurs stromales multifocales de l’iléon a été porté de façon rétrospective devant un tableau de fuite protéique digestive.

Un homme, âgé de 66 ans, aux antécédents d’hypertensionartérielle diagnostiquée en 1989 et de résection endo-urétralede prostate pour adénome en 1992, était hospitalisé enavril 1993 pour un tableau d’anasarque. Une diarrhée chroni-que était notée depuis plusieurs mois sous la forme de 6 sellesliquides par jour, sans rectorragie, ni fièvre, ni amaigrissement. Ilexistait des œdèmes des membres inférieurs bilatéraux associésà une ascite clinique de grande abondance, sans signe en faveurd’une insuffisance cardiaque. Le malade ne consommait pasd’alcool. Le bilan biologique montrait des éléments en faveur

d’un syndrome carentiel : une hypoprotidémie à 51 g/L(normal : 60 à 76 g/L), une hypoalbuminémie à 15 g/L(normal : 35 à 50 g/L), une hypocholestérolémie, une hypotri-glycéridémie et une anémie normocytaire (98 g/L) non ferri-prive. Il n’existait pas d’arguments pour une insuffisancehépatocellulaire biologique : le taux de prothrombine et le fac-teur V n’étaient pas abaissés. Le bilan hépatique était normalainsi que la natrémie, la kaliémie, la calcémie corrigée, et lacréatininèmie. La protéinurie était négative. Une ponction explo-ratrice du liquide d’ascite était réalisée. Il s’agissait d’un liquide

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Lettres à la rédaction

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citrin, de type transsudat (13 g de protéines/L), sans cellulesmalignes. Les sérologies virales mettaient en évidence une hépa-tite virale B chronique (AgHBs positif, Ac antiHBs négatif, AcantiHBc IgG positif) et l’absence d’infection virale C. La clai-rance fécale de l’alpha 1 antitrypsine était de 212 mL/jour(N < 24 mL/jour).

L’échographie abdominale avec doppler montrait une asciteprédominant au contact du foie, de la rate et des anses intestina-les, un épaississement segmentaire de la paroi iléale évalué à15 mm et une hépatomégalie modérée à contours bosselés. Lagastroscopie révélait des signes mineurs d’hypertension portalesous forme de varices oesophagiennes de grade I. L’iléocolosco-pie avec biopsies systématiques était normale. Le transit barytéde l’intestin grêle confirmait les anomalies échographiques, enrévélant un aspect macro-nodulaire de la partie terminale del’iléon par la présence d’images lacunaires multiples intra-lumi-nales de 2 à 3 cm de diamètre chacune.

Une prise en charge chirurgicale était décidée. Une premièreintervention, réalisée sous coelioscopie en mai 1993, permettaitla résection de 45 cm d’iléon, à environ 20 cm de la valvule

avec anastomose grêle-grêle termino-terminale. Une biopsie defoie était faite au décours du geste. Une seconde interventionétait nécessaire 15 jours plus tard puisque la précédente résec-tion n’avait pas porté en tissu sain du côté aval. Il s’agissait alorsd’une iléo-colectomie droite par laparotomie emportant à nou-veau 15 cm de grêle.

L’examen macroscopique des deux pièces de résectionintestinale montrait la présence de 38 lésions tumorales nodu-laires, mesurant de 5 à 25 mm de diamètre, souvent ulcéréessur leur versant muqueux (figure 1). Les tumeurs étaient éten-dues sur 50 cm des 65 cm d’iléon réséqué. La partie colique etl’appendice étaient indemnes de tout processus tumoral.L’ensemble des tumeurs présentait un aspect histologique com-parable. Les lésions étaient constituées par une proliférationd’architecture fasciculée, formée de cellules fusiformes, sansatypies cellulaires (figure 2). Il n’existait pas de contingent decellules épithélioïdes. Le stroma était peu abondant et ne com-portait pas de fibres skénoïdes. L’index mitotique était inférieurà 5 mitoses par 50 champs. La prolifération tumorale restaittoujours de siège sous muqueux, sans envahissement de lamusculeuse. Il n’existait pas de plage de nécrose. Une premièreétude immunohistochimique confirmait la nature conjonctivedes cellules tumorales, qui exprimaient la vimentine ; ellesexprimaient l’actine musculaire lisse et n’exprimaient pas laprotéine S100. La biopsie de foie confirmait par ailleurs l’exis-tence d’une cirrhose peu active, compatible avec une étiologiepost-hépatitique B. Le diagnostic de tumeurs conjonctives multi-ples, de type léiomyome, était posé. L’évolution post-opératoireétait finalement simple. Six mois après la dernière intervention,le transit intestinal était régulier, sans diarrhée. L’ascite et lesœdèmes avaient disparu. L’albuminémie était à 49 g/L, la pro-tidémie à 78 g/L et la clairance fécale de l’alpha 1 antitrypsineétait normalisée. Une surveillance était instaurée par examenclinique et échographie abdominale, ne retrouvant aucun signede récidive tumorale jusqu’à la dernière consultation en dated’octobre 2003.

En 2001, à distance de l’examen initial de 1993, une ana-lyse immunohistochimique rétrospective était réalisée. Elle véri-fiait que les cellules tumorales exprimaient les marqueurs CD34et c-kit (figure 3). Le profil immunohistochimique était compara-ble pour toutes les lésions étudiées. Le diagnostic final était donccelui de tumeurs stromales (GIST) iléales multifocales.

Fig. 1 – Coupe macroscopique de la pièce d’exérèse iléale : tumeurs nodu-laires multiples.Macroscopic aspect of the ileal surgical specimen: multiple nodulartumors.

Fig. 2 – Aspect microscopique d’une tumeur stromale iléale composée decellules fusiformes.Histologic study of the ileal stromal tumor composed of spindlecells.

Fig. 3 – Immunohistochimie : Expression de la protéine c-kit par les cellulestumorales.Immunohistochemistry : Tumoral cells expressing c-kit protein.

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Notre observation présente plusieurs caractères inhabi-tuels, dont le mode de révélation des tumeurs et leur caractèremultifocal. Elle illustre également les modifications survenuesdans la prise en charge des GIST au cours des 10 dernièresannées.

Avant l’avènement de l’immuno-histochimie, les tumeurs con-jonctives du tube digestif étaient principalement séparées en2 types : les léiomyomes et les schwanomes. Au début des annéesquatre-vingt-dix, l’utilisation du marqueur CD34 a permis deregrouper les tumeurs conjonctives sous le terme de GIST. Récem-ment, le marqueur c-kit ou CD117 a été identifié. Il a l’avantaged’être plus spécifique que le CD34 et semble être un point dedépart pour la compréhension de l’histogenèse de ces tumeurscar exprimé également par les cellules interstitielles de Cajal.

Dans notre observation, le diagnostic initial était celui deléiomyomes multiples. Le diagnostic de léiomyome était à l’épo-que le diagnostic le plus fréquemment proposé pour les tumeursconjonctives à cellules fusiformes du tube digestif. C’est l’étudeimmunohistochimique rétrospective qui a permis de poser le dia-gnostic correct de GIST en vérifiant que les cellules tumoralesexprimaient le marqueur caractéristique de ce type de tumeurs :le récepteur c-kit [1]. Compte tenu de la fixation en liquide deBouin utilisée à l’époque, il n’a pas été possible d’effectuer unerecherche de mutations du gène correspondant.

Les GIST sont uniques dans 95 % des cas. Les localisationsmultiples sont très rares et habituellement associées à des contex-tes particuliers, comme les neurofibromatoses, dont la maladiede Von Recklinghausen, les exceptionnelles formes familiales deGIST [4] ou encore la Triade de Carney associant tumeurs stro-males gastriques, chondrome pulmonaire et paragangliomeextra-surrénalien fonctionnel [5]. Ces contextes étaient absentsdans notre observation.

Le mode de révélation de ces GIST multiples était égalementinhabituel chez ce malade. Le tableau associant hypoalbuminé-mie et rétention hydrique avec oedèmes des membres inférieurset ascite pauvre en protéines pouvait être rattaché à deuxprocessus : soit une décompensation oedémato-ascitique d’unecirrhose qui n’était alors pas connue, soit une rétention sur fuiteprotéique digestive. La régression définitive de l’ascite, l’absencede signes d’insuf.fisance hépatocellulaire sur la biologie et lanormalisation de l’albuminémie après résection tumorale étaienten faveur d’un phénomène d’entéropathie exsudative. Il s’agitd’un mode inhabituel de découverte de GIST qui se révèlentgénéralement par des douleurs abdominales, une hémorragiedigestive ou une occlusion intestinale [2, 3]. Le mécanisme de lafuite protéique est probablement l’exsudation au niveau desnodules dont le pôle muqueux était ulcéré. Cependant l’absenced’anémie microcytaire ferriprive suggère que ces ulcérationsétaient des sites de suffusion lymphatique plutôt que sanguine,éventuellement amplifiée par le blocage des lymphatiques parplus de trente nodules distribués sur 50 cm d’iléon pathologique.Cette déperdition protéique intestinale aurait possiblement pudécouler d’une pullulation microbienne en amont de la tumeur.L’hypothèse est cependant improbable, ainsi qu’en attestent

l’absence de distension intestinale lors du transit baryté, et leretour de la protidémie aux valeurs normales en quelques mois,sans antibiothérapie. Dans notre observation, 2 interventionssuccessives ont été rendues nécessaires par défaut de résectionin sano du processus tumoral multifocal ; aujourd’hui, une explo-ration intestinale par vidéo-capsule ou par entéroscanner pour-rait aider à la prise en charge diagnostique et au biland’extension de ce type de présentation multifocale avant un gestechirurgical d’exérèse.

Le cas de ce malade permet de conclure à une évolution toutà fait favorable de la maladie après 10 ans de recul sans réci-dive. L’évaluation du pronostic est délicate dans les GIST, où il estactuellement admis que seul un risque de malignité plus oumoins élevé peut être défini [3, 6]. Dans le cas présent, les critè-res histologiques étaient en faveur d’un risque de malignité fai-ble, puisque les tumeurs mesuraient moins de 5 cm etprésentaient un index mitotique inférieur à 5 mitoses par10 champs. L’inconnue majeure était représentée par le carac-tère multiple des lésions, qui ne s’est en fait pas révélé un facteurde mauvais pronostic, au moins dans cette observation.

En conclusion, un tableau de fuite protéique digestive peutrévéler un processus tumoral intestinal étendu comme ici destumeurs stromales iléales multifocales. La mise en évidence del’expression du marqueur c-kit par les cellules tumorales peutpermettre de rétablir de façon rétrospective le diagnostic deGIST, donnant accès en cas de récidive métastatique à une thé-rapie moléculaire ciblée de type imatinib (GLIVEC®).

Amina OUZZIF (1), Hassan SEDDIK (1), Jean BOULEZ (1),Jean-Yves SCOAZEC (2), Marie-George LAPALUS (1)

(1) Fédération des Spécialités Digestives(2) Service Central d’Anatomie et Cytologie Pathologiques,

Hôpital Edouard Herriot, Lyon. ;

RÉFÉRENCES

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E-mail : [email protected]